Posté le 6 novembre 2015 - par dbclosc
C1 : c’était ptet pas mieux avant, mais maintenant c’est pire
Le 29 mai 1991, l’Olympique de Marseille s’inclinait aux tirs au but (0-0, 5 à 3) contre l’Etoile Rouge de Belgrade, Manuel Amoros ayant raté son le sien quand les yougoslaves réussissaient tous les leurs. Je me souviens de ma déception après cette défaite française suite à un match largement dominé, pour la première finale européenne que j’avais regardé à la télévision. Mais, a posteriori, c’est de cette forme ancienne de la C1, ce qui était alors la Coupe des clubs champions, dont je suis nostalgique, plus que de la réussite des clubs français.
Cette Coupe des champions avait un charme que n’a plus la Ligue des champions. Pour moi, ce charme, c’était celui des 16èmes contre le Dinamo Tirana (5-1, 0-0), des huitièmes contre Lech Poznan (2-3, 6-1) et des demi-finales contre le Spartak Moscou (2-1, 3-1) peut-être plus encore que celui du quart de finale contre le Milan AC (1-1, 3-0 par forfait). Si un club français gagnait dans un future proche la Ligue des champions, il est certain qu’il n’aura pas eu à éliminer le champion albanais et le champion polonais, à battre le champion russe en demi-finale, puis celui de Serbie en finale. En 2014-2015, le champion albanais était éliminé dès le 2ème tour des qualifications – il y en a quatre au total avant les poules – , le Legia Varsovie et le Partizan de Belgrade étaient éliminés au 3ème tour, et les russes du Zénith et du CSKA étaient éliminés au stade des poules.
Réduction des chances d’aller loin pour les « petits »
Lors de la finale de 1991, cela faisait alors dix-huit mois que le mur de Berlin avait été abattu. L’Est et l’Ouest devaient se rapprocher. Du point de vue de la principale compétition footballistique européenne, c’est l’inverse qui s’est passé. Mais si tous les pays de l’Europe de l’Est ont vu leurs chances de se placer aux premières loges de la C1 se réduire, c’est également le cas des clubs des « petits » pays européens, comme la Belgique et l’Ecosse. Contrairement à ce qu’on entend souvent la France ne s’est pas si mal démerdée. Le seul club parvenu en demi-finale de la Ligue des champions qui n’est pas issu du « Big four » est français (Lyon en 2010).
Aujourd’hui, très peu de clubs peuvent raisonnablement espérer aller loin en C1. Seules 15 équipes différentes (sur 40 possible en théorie) ont atteint le stade des demi-finales au cours des dix dernières années, quand elles étaient 27 entre 1975 et 1985. Les demi-finalistes de la dernière décennie sont issus de seulement 5 pays différents, 28 places de demi-finalistes concernant les seuls clubs anglais et espagnols. Entre 1975 et 1985, ils venaient de 16 pays différents, l’Autriche, la Bulgarie, l’Ecosse, la Grèce, la Pologne, la Roumanie, la Suède, la Suisse et l’URSS envoyant un représentant chacun à ce stade de la compétition, les Pays-Bas, la France et la Belgique ayant deux représentants.
L’incertitude demeure certes toujours aujourd’hui : 7 vainqueurs différents entre 2005 et 2015, c’est même davantage que lors de la période 1975-1985 quand seuls 6 clubs différents avaient remporté la Coupe des champions. Ce qui change, c’est que les vainqueurs d’il y a plus de trente ans étaient parfois des « vainqueurs surprises » et étaient loin d’être des habitués des longs parcours en C1 : les vainqueurs de 1975-1985 n’ont atteint les quarts de finale que 3,3 fois en moyenne en dix ans, contre 5,6 fois pour ceux de la période 2005-2015. Il y avait bien sûr des clubs dominants, mais un certain nombre de facteurs font que le système de l’époque garantissait bien moins à ces dominants de faire partie des équipes allant loin en C1.
Des réformes réglementaires favorisant les gros
Il n’y a pour ainsi dire pas de réforme de la C1 depuis le début des années 1990 qui n’ait pas favorisé les clubs et les pays dominants du football. Tout d’abord, la réforme de 1991-1992 introduit des matches de poules pour les huit dernières équipes en lice, les premiers de chacun des deux groupes étant qualifiés pour la finale. Il s’agit d’une forme de fusion des quarts et des demis favorisant les meilleurs, puisqu’octroyant un « droit à l’erreur » que les confrontations à élimination directe n’autorisent pas.
Le système évolue encore par la suite, notamment avec l’introduction d’une seconde phase de poules, mais le principal changement qualitatif a lieu en 1997. On autorise alors les pays les mieux classés à l’indice UEFA à avoir deux représentants en C1 ; à partir de 1999, les mieux classés peuvent avoir jusqu’à quatre représentants. A partir de ce moment-là, la C1 ressemble beaucoup moins à une Ligue des « champions » qu’à une « Ligue européenne », appellation qui paraîtrait bien mieux décrire une compétition dont la plupart des concurrents réellement compétitifs n’ont pas été champions de leur pays.
La saison 1999-2000 consacre d’ailleurs jusque dans les résultats cette évolution, puisque le dernier carré de la compétition regroupe le Bayern de Munich et les trois meilleurs clubs espagnols à l’époque (Real Madrid, Barça et Valence). Entre temps, l’arrêt Bosman du 15 décembre 1995 favorise la concentration des meilleurs joueurs d’Europe, et, indirectement du Monde, dans les championnats les plus attractifs, favorisant l’accroissement du fossé entre les différents championnats.
A partir de 1999, il en est fini des chances des « petits » pays européens de voir l’un de ses représentants en demi-finale de C1. Depuis, cette date, et en dehors des clubs des quatre grands championnats (Angleterre, Espagne, Italie, Allemagne), seuls les championnats français (en 2004 et en 2010), portugais (en 2004) et néerlandais (en 2005) ont encore un représentant à ce stade de la compétition. Les quatre principaux pays européens cumulant 60 demi-finalistes sur 64 possibles, dont 24 pour la seule Espagne et 18 pour l’Angleterre.
Accroissement des inégalités internes aux championnats nationaux
Le nouveau système de la C1 donne tout aux plus gros clubs : davantage de visibilité, davantage de possibilités de concentrer la quasi-totalité des « stars » au sein de leurs effectifs et davantage de moyens financiers. Si l’ensemble des clubs des principaux pays européens a globalement bénéficié de ces évolutions, celles-ci ont cependant d’abord profité à certains grands clubs dont la domination sur leurs championnats respectifs s’est accrue (Je développerai cette question dans un autre article).
Paradoxalement, si les grands pays européens ont bien davantage de représentants en C1 que par le passé, ceci ne s’est pas traduit par une diversification importante du nombre de leurs représentants étant à même d’aller loin dans la compétition.
Quatre clubs allemands atteignent les demi-finales de la C1 entre 1975 et 1985, ils ne sont plus que trois au cours des dernières années ; les clubs italiens sont trois à atteindre ce stade, à la fois entre 1975 et 1985 et entre 2005 et 2015 ; les clubs espagnols passent de 2 à 4, mais cette évolution est modérée comparativement à leur emprise croissante sur la compétition entre les deux périodes ; les clubs anglais passent de 3 à 4. En cumulés, on passe de 12 clubs différents issus de ces pays à 14, soit une quasi-stagnation en dépit d’une très forte croissance du nombre de leurs représentants.
Une incertitude limitée
Le système actuel est celui d’une incertitude, toujours présente, mais d’une incertitude limitée. Mais, davantage que l’accentuation des chances de succès des meilleures armadas, c’est la réduction de celles des outsiders qui est frappante : quand 12 des 29 équipes (41 %) n’ayant atteint qu’un quart de finale sur la décennie 1975-1985 parvenaient à se qualifier pour le tour suivant, aucune de leurs 11 homologues de la décennie 2005-2015 n’y parvenaient.
Si aujourd’hui on ne peut pas sérieusement prétendre pouvoir prédire qui sera sacré en 2016, on peut en revanche produire une short-list d’une bonne dizaine de clubs et affirmer que le dernier carré s’y trouvera sans grand risque de se tromper. Pire, à peu près tous les futur demi-finalistes des prochaines années feront partie de cette liste.
Bref, on ne risque plus de voir des Bruges (comme en 1978), des Malmö (1979), des Steaua de Bucarest (1986 et 1989), ou des Etoile Rouge de Belgrade (1991) en finale de C1. C’est triste.
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