Posté le 12 janvier 2016 - par dbclosc
Rétablissons Erwin dans son honneur bafoué !
Je voudrais tout d’abord m’excuser pour ce titre. Il est foireux, je sais. Mais il sonnait très bien. Bref, quand on navigue sur le ouèbe à la recherche d’infos sur Erwin, on retrouve fréquemment le même article copié-collé qui nous explique que Erwin a foiré son passage à Lille et qu’en quittant Anderlecht il s’est « perdu dans le Nord ». Pas besoin d’être sorti de Saint-Cyr – cette expression est débile – pour y voir la marque du complot.
Objection n°1 : l’affirmation selon laquelle Erwin se serait perdu dans le Nord est diffamatoire à l’égard des nordistes qui sont précisément réputés pour leur disponibilité quand quelqu’un ne trouve plus son chemin. Dire que Erwin s’est perdu dans le Nord, c’est supputer qu’on l’aurait laissé galérer tout seul, ce qui est bien sûr impossible.
Bien sûr, on peut supposer que cette phrase n’était qu’une métaphore visant à qualifier sa carrière footballistique. Là encore, on peut douter de la pertinence du propos.
Objection n°2 : Tout d’abord, parce que j’ai bien l’impression que cette affirmation ne repose que sur le nombre de buts marqués par Erwin par rapport à ce qu’il marquait avec Anderlecht. Un peu rapide pour qualifier son passage d’échec : forcément il marquait plus à Anderlecht qui est alors le club dominant de Belgique, a fortiori dans un championnat où la moyenne de buts par match est nettement plus élevée qu’en France. On le voit sur ce graphique, si l’on se rapporte au nombre de buts marqués par saison, son passage à Lille (1986-1990) est nettement moins bon qu’à Anderlecht (1982-1986). Si l’on se réfère à la part qu’il représente dans les buts marqués de son équipe, il n’y’a quasiment aucune différence, sauf en 1989-1990.
En plus, il rate une proportion plus importante des matches à Lille (25 %) qu’à Anderlecht (11 %) : forcément, quand tu joues pas parce que t’es blessé ou je ne sais pourquoi, ben tu marques pas.
Objection n°3 : en plus, à Lille, il a fait beaucoup de passes décisives : 19 en quatre championnats, plus 6 autres en Coupe de France ; je n’ai pas de point de comparaison avec le championnat belge, mais on peut au moins souligner que cette caractéristique indique que ses seuls buts ne suffisent pas à résumer son apport au jeu lillois. Sur quatre saisons de D1, Lille marque 1,3 but par match quand Erwin joue set seulement 0,76 en son absence ; il marque ou est passeur décisif sur 39 % des buts lillois quand il joue.
Sauf pour sa dernière saison, il contribue donc comme buteur ou passeur décisif à 39 % à 49 % des buts de son équipe.
Objection n°4 : on peut également procéder à une comparaison des performances de buteurs d’Erwin Vandenbergh avec ce qui se fait de mieux alors dans l’hexagone, à savoir Jean-Pierre Papin. Du point de vue des chiffres bruts, la comparaison est sans appel : 84 buts pour Papin entre 1986 et 1990, seulement 38 pour Erwin.
Ceci étant, pour réaliser une comparaison plus juste, on peut tenir compte de trois facteurs : les pénos tirés, la qualité offensive des partenaires, et les matches joués. Autrement dit, si tu tires beaucoup de pénos, si tu joues beaucoup, si t’as beaucoup de bonnes passes, c’est logique que tu marques plus. Pour les pénos, c’est facile, il suffit de les retirer du comptage : Papin garde un très large avantage, 69 buts à 33.
Pour les matches joués, c’est pas compliqué non plus, on applique un coefficient à celui qui joue le moins pour faire une équivalence avec celui qui joue le plus.
Pour la qualité offensive des partenaires, c’est plus délicat. Ceci étant, on peut postuler que le nombre de buts marqués par chaque équipe en est le révélateur. En fait, c’est un peu plus compliqué que ça, mais c’est en tout cas un indice intéressant. Si on applique de tels coefficients à Vandenbergh et qu’on ne retient que les buts marqués hors pénos, on a alors la comparaison suivante :
A ce petit jeu, Papin est encore gagnant : mais l’écart se réduit nettement, VDB passant à un total théorique de 50,26 buts contre 69 à Papin. Surtout, cet écart se construit pour l’essentiel la dernière saison : entre 1986 et 1989 on est à 44 buts à 40 pour Papin.
Et encore, cette comparaison ne prend-elle en compte que les buts et pas les passes décisives. Or, malgré des compères offensifs un peu en dessous, malgré un temps de jeu moindre, Vandenbergh réalise 19 assists (et non 19 assistés) contre seulement 9 pour Papin. Du coup, si on appliquait les mêmes ratios aux passes dé qu’aux buts, ça ne serait plus Papin qui serait devant mais Vandenbergh, avec 81 « actions décisives » (buts et passes dé) à 78.
Allégorie de l’homme bafoué avec son pote
D’ailleurs, si tu n’es pas convaincu par l’indicateur de la qualité offensive des partenaires, on peut faire sans, en ne retenant que les buts (sans pénos) et passes dé rapportées aux matches joués. En gros, sauf pour 89-90, le constat est le même :
Bref, les « Vandenbergh a perdu le Nord » et autres foutaises, faut pas exagérer. Allez, d’accord, j’avoue j’ai un peu forcé le trait dans ma démonstration. En même temps, il faut quand-même me comprendre, je suis un supporter, donc un beauf qui boit de la bière et raconte des conneries pour expliquer que son équipe se fait bien niquer. Seulement, la bière j’en achète de la bonne, et mes conneries, j’essaie qu’elles ressemblent à un truc un peu moins con qu’un article de l’Equipe. Dans les deux cas c’est facile : j’habite près de la Belgique (pour la bière) et j’ai un cerveau (pour les conneries moins connes que celles de l’Equipe).
Vandenbergh n’a certainement pas connu les sommets de sa carrière à Lille, mais il n’est pas non plus tombé aussi bas que certains veulent bien le dire. Il aura certes été irrégulier : ses six premiers mois sont très bons, l’année 1987 est ensuite difficile à gérer pour lui (31 matches, 7 buts et 2 passes), puis il retrouve son niveau en 1988 (35 matches, 17 buts, 10 passes). Sa dernière saison est certes en-dessous de son vrai niveau. Désireux de partir, l’accord avec Malines n’avait pas pu se faire. Pas très étonnant qu’il ait été ensuite démotivé.
Ah oui, une dernière chose, Erwin claquait et passait décisivement avec particulièrement d’efficacité contre notre bon vieux voisin lensois. Normalement, si t’avais des doutes, ça devrait achever de te convaincre.
Bisous.
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12 janvier 2016
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Groumpf a dit:
Bel article cher ami
Je tiens à signaler que, quand j’étais en terminale, il y avait « Marianne Vandenbergh » dans ma classe : peut-on imaginer plus beau symbole de la bonne entente avec nos voisins d’outre-Quiévrain ?
Je note d’ailleurs que, pour les belges, les voisins « d’outre-Quiévrain », ce sont les Français. Ces gens sont bizarres.
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12 janvier 2016
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dbclosc a dit:
D’ailleurs, il n’est pas utile d’être « sorti » de Saint- »Cyr » pour en savoir plus sur les parents : ils ont choisi « Marianne » parce u’ils étaient nationalistes et « Vandenbergh » parce qu’ils étaient fans du LOSC. On peut en déduire où ils étaient dans les gradins du stade GJ.
je suis étonné par votre remarque sur ce que les Belges appellent « Outre-Quiévrain ». C’est manifestement une erreur de leur part, sans doute de traduction (tenus de parler deux langues, il n’est pas étonnant qu’ils aient du mal avec l’une et avec l’autre). C ne m’étonne qu’à moitié puisqu’ils pensent à tort que les Français sont étrangers, alors que ce sont eux qui le sont.France Football le confirme puisqu’on y parle Vandenbergh et de Desmet comme des joueurs « étrangers ».