Posté le 10 février 2016 - par dbclosc
Gloire éternelle à toi, Fernando D’Amico
Des fins fonds de la deuxième division à la ligue des champions, non seulement ça rime, mais c’est aussi l’histoire de l’ascension express du LOSC, de 1998 à 2001. L’histoire est connue et elle a même été rabâchée au point de constituer un lieu commun unificateur que même les supporters loscistes les plus récents ne peuvent ignorer. Les souvenirs se focalisent généralement – à juste titre – sur la personne de Vahid Halilhodzic, ou sur la nostalgie d’un vieux stade qui vibrait enfin de façon inversement proportionnelle à la consternation dans laquelle il a trop souvent plongé ses spectateurs durant la triste décennie 1990. Mais, parmi les refondateurs du club, il y avait sur le terrain un joueur qu’aucun supporter ne peut oublier, et dont la trajectoire s’est confondue avec celle du club : l’inusable Fernando D’Amico, qui fête en ce 10 février 2016 ses 41 ans, et auquel nous rendons hommage pour les émotions qu’il nous a apportées.
Devenir supporter du LOSC à 10 ans au milieu des années 1990 n’a rien d’évident. Il faut pour cela la conjonction de plusieurs facteurs : commencer à s’intéresser au foot, commencer à y jouer, habiter à proximité de Lille, et bénéficier de la possibilité d’aller voir à quoi ressemble l’équipe professionnelle du coin, en l’occurrence avoir un père lui-même supporter de Lille qui, l’air de rien, propose d’aller voir des matches à Grimonprez-Jooris, ou signale que, ce samedi soir, il va « écouter le multiplex à la radio » (1) car « Lille joue ».
Vers un renouveau sportif
« Lille joue » est un raccourci bien audacieux pour désigner le football pratiqué à Lille en ce temps-là. En effet, aussi loin que ma mémoire peut remonter, l’attitude de mon père lors des multiplex oscillait entre moue dubitative et une résignation certaine. Du coup, les seules satisfactions sportives étaient plutôt dominicales, puisque, sur une année, on comptait presque davantage de victoires d’Alain Prost que de victoires du LOSC. Par la suite, les premières venues dans le vieux stade Grimonprez-Jooris s’assimilent à un pénible apprentissage du supportérisme : un stade vétuste, un public clairsemé, une ambiance froide voire hostile, peu de buts, la lutte pour le maintien, et donc des résultats très moyens (2). Surtout, c’est une période où le LOSC souffre terriblement de la comparaison avec le voisin lensois : celui-ci, avec une équipe séduisante, retrouve régulièrement la coupe d’Europe, et la ferveur du nombreux public y est incomparable.
Ce qui pendait au nez du club depuis des années arrive en 1997 : relégation en deuxième division. Après une saison 1997/1998 bêtement terminée à la 4e place (3), la saison 1998/1999 débute sur des bases calamiteuses, « l’effet mondial » n’ayant pas été ressenti jusqu’à Lille. Après une piteuse défaite à Beauvais un soir de septembre 1998, le LOSC est 17e, et doit de ne pas être relégable qu’à la différence de buts (4). Thierry Froger est viré, et Vahid Halilhodzic arrive. On ne le sait pas encore, mais on s’apprête à vivre quatre années exceptionnelles. La première est finalement aussi décevante que la précédente sur le plan purement sportif, car le LOSC termine, de nouveau, quatrième (5), et devra donc jouer une troisième saison consécutive en deuxième division. Cependant, le redressement de l’équipe a été spectaculaire : indéniablement, elle joue mieux ; les joueurs ont l’air davantage concernés ; et les quelques loupés (PUTAIN CETTE DÉFAITE CONTRE AMIENS QUOI !) semblent davantage devoir être attribués à un passé en voie de disparition qu’à un avenir définitivement bouché, surtout quand on sait que l’entraîneur s’appuie jusqu’alors sur des joueurs qu’il n’a pas choisis et dont il ne veut manifestement pas (notamment Adick Koot et Olivier Pickeu), tandis que ceux qu’il a lancés (Bruno Cheyrou), relancés (Frédérik Viseux) ou replacés (Pascal Cygan, Christophe Landrin) semblent amorcer une solide et prometteuse ossature.
Un inconnu débarque
Le mercato de l’été 1999 est donc l’occasion pour Vahid Halilhodzic de choisir ses joueurs. Partent les indésirés et les joueurs en fin de contrat. Arrivent Dagui Bakari, du Mans, en échange d’un peu d’argent et d’Olivier Pickeu, pour peser physiquement sur les défenses (6) ; le meneur de jeu du Red Star Ted Agasson ; Didier Santini, de Toulouse, pour son expérience et un rôle davantage dans le vestiaire que sur le terrain ; Abdelilah Fahmi, un solide défenseur central que Vahid avait entraîné à Casablanca ; Johnny Ecker, arrière gauche (ou défenseur central) confirmé de deuxième division, de Nîmes ; tout comme Éric Allibert, doublure de Grégory Wimbée ; et donc, Fernando D’Amico.
Si l’on sait donc qui sont et d’où viennent nos nouveaux joueurs, Fernando D’Amico demeure un parfait inconnu, et l’on craint de voir arriver un nouveau « Doukisor », comme le LOSC sait en attirer (7). Tout ce qu’on sait de lui, c’est qu’il est Argentin, qu’il vient d’un club de deuxième division espagnole, Badajoz, et qu’il a été recruté, sur les conseils de Pierre Dréossi, après le visionnage d’une vieille cassette VHS pourrie, ce qui est en général très mauvais signe (8). Il me revient dans un premier temps deux souvenirs à propos de Fernando : D’abord, les premiers entraînements après l’officialisation de son recrutement ont permis de mettre un visage sur ce nom : Fernando est blond, pas très grand, il a les cheveux longs, il est très souriant et dit bonjour à tout le monde. De plus, il a une attitude assez singulière : je me rappelle que, sur le poster du LOSC de « Onze mondial, tout sur la saison 1999/2000 », Fernando est debout et croise les bras, l’air pénétré voire menaçant : je croyais que cette posture avait disparu depuis les années 1970.
Deuxième souvenir datant des premiers moments de son arrivée, probablement en juillet 1999 : à ce moment-là, le LOSC a une boutique dans Euralille, qui répond au doux nom de « Casual Corner », et le club organise des séances de dédicaces, c’est-à-dire que, durant une heure, deux joueurs du LOSC restent dans la boutique et répondent aux sollicitations des supporters. On ne peut pas dire que la foule se pressait à ces rendez-vous, mais c’était d’autant mieux pour ma sœur et moi-même qui, pour le coup, étions des fidèles. En juillet 1999 donc, le LOSC annonce la présence à Euralille, de telle heure à telle heure, de Pascal Cygan et de Fernando D’Amico. Fernando était accompagné d’un traducteur, dans mon souvenir le fils d’une famille hispanophone qui l’avait hébergé à son arrivée. À notre arrivée, première surprise, Fernando semble nous reconnaître et tente d’engager la conversation. Ceci pour dire, et ce comportement est resté le même durant ses 4 ans à Lille, Fernando a été le joueur le plus gentil, le plus aimable, le plus chaleureux que j’aie connu. Il a par la suite toujours gardé une relation privilégiée avec les supporters (entretenue aussi par son comportement sur le terrain, on y vient après), ayant toujours un mot pour l’un ou une poignée de main pour l’autre. Poursuivons cette anecdote de la boutique : voyant Fernando nous saluer, le traducteur s’approche (9), mais Fernando insiste pour utiliser le français. Et on s’est à peu près compris ; ma sœur et moi avons notamment pu donner cette information fondamentale : nous sommes abonnés à Grimonprez. Et, de son côté, lui ayant fait par de mon admiration pour son compatriote Gabriel Batistuta, il m’a indiqué avoir joué contre lui, si j’ai bien compris. Je raconte cette anecdote, c’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup : je n’avais encore jamais vu jouer Fernando, mais Fernando s’est comporté dans la boutique d’une manière similaire à son attitude sur le terrain : il voulait absolument parvenir à son but (nous parler en français), en dépit de faibles moyens (il ne parlait pas français). Et, sur le terrain, Fernando était un joueur qui parvenait à compenser une technique assez quelconque par un sens du placement très développé et par des qualités hors-norme de volonté et de combativité.
Archive personnelle : un autographe de Fernando D’Amico. Valeur estimée : 16 milliards d’euros (valeur sentimentale non incluse).
Chasse à l’adversaire et vivas de la foule
Étant en vacances, j’ai manqué ses débuts en championnat à Grimonprez-Jooris (le 7 août 1999 contre Nîmes, puis le 17 août contre Ajaccio), mais je me rappelle les propos du journaliste d’Europe 1 évoquant ce milieu argentin omniprésent. J’ai enfin pu voir pour la première fois Fernando jouer le 27 août 1999, face à Louhans-Cuiseaux. Et en tribune, il nous faisait en effet une impression qu’aucun joueur n’avait faite jusqu’alors : mais qu’est-ce que c’est que ce type aux jambes arquées qui court partout et qui récupère tous les ballons ? Son style s’est révélé puis affirmé au cours de la saison. Ceux qui ne connaissent rien au football attendent traditionnellement d’un joueur qu’il marque des buts. Et en voyant jouer Fernando, ils se diraient qu’on a affaire là à un joueur bien singulier. Fernando était assez maladroit devant les cages. Mais peu importe : il empêchait les autres de jouer, les forçant à jouer sur la largeur du terrain. Son travail était impressionnant, alors même qu’on sentait que sa technique était approximative. « Le foot, c’est la guerre », déclarait-il dans France Football en août 2000, tout en reconnaissant la dimension choquante de cette comparaison. Mais à le voir jouer, on comprend le parallèle. Teigneux, insupportable pour l’adversaire, harceleur du milieu de terrain, sa manière d’asphyxier le jeu adverse en pressant sans cesse avec cette allure tellement particulière offrait souvent des scènes cocasses : par exemple, il était capable de poursuivre un joueur adverse sur des dizaines de mètres, avant de parvenir à mettre le pied sur le ballon au moment précis où l’adversaire pensait l’avoir semé ; il arrivait qu’il contraigne un adversaire à jouer sur toute la largeur du terrain sans que celui-ci ne trouve de solution et soit contraint de donner en retrait ; il se débrouillait pour obtenir des coup-francs quand le ballon était perdu ; ses courses s’assimilaient davantage à de la chasse, et ses adversaires à des proies ; ce n’était pas une manière très académique de jouer au football, mais c’était diablement efficace.
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Allégorie du sentiment de l’adversaire surveillé par Fernando D’Amico
Il disposait en outre de quelques ingrédients pour se mettre le public dans la poche, une popularité grandissante que l’on pouvait mesurer à la manière dont le stade scandait son nom au moment de l’annonce de la composition d’équipe : au « Fernandooo » de la speakerine Anne-Sophie répondait un joyeux « D’AmIIIcoooo ! » de 20 000 personnes. Il savait aussi haranguer la foule en lui adressant des signes pour l’inciter à se lever et à encourager l’équipe ; son short relevé vers la 65e minute en mode « couches pour bébé » remportait également un franc succès.
Habillage « D’Amico », toutes saisons
Tous les moyens sont bons : faire chier l’adversaire
Insupportable pour les adversaires par son jeu, Fernando avait aussi un côté provocateur voire truqueur qui pouvait faire tourner en bourrique les joueurs les plus chevronnés. Deux exemples : le 12 novembre 1999, Lille reçoit Guingamp pour le choc de cette journée de deuxième division. Lille caracole en tête mais Guingamp, deuxième, entend profiter de deux récentes défaites du LOSC, face à Sochaux et à Créteil, pour se rapprocher. Lille mène 1-0 à la mi-temps grâce à une tête de Jean-Louis Valois sur un superbe centre de Fred Viseux. À l’entame de la seconde période, le gardien lillois Grégory Wimbée est expulsé pour une main en dehors de la surface. Christophe Landrin le remplace (10) et les Bretons bénéficient d’un coup-franc bien placé face au but. Le mur lillois se forme. L’attaquant de Guingamp, Abdelhafid Tasfaout, tente de se placer entre le mur et le gardien lillois. Le voyant approcher, Fernando lui bloque le passage, les deux joueurs se heurtent, et Fernando simule une agression. Tasfaout est expulsé, les guingampais protestent, le public lillois, qui a tout compris au manège, est hilare, et Claude Michel, le capitaine de Guingamp, tellement exaspéré par le comportement de D’Amico balance directement et volontairement le ballon dans les tribunes, récoltant un carton jaune pour le coup bien mérité. À l’arrivée, Lille s’impose 2 à 0 dans une fin de match au climat délétère, avec l’expulsion de Valois (Pour revivre quelques-uns de ces grands moments, c’est ici). Lors du match retour en mai 2000 à Guingamp, Claude Michel, rancunier, est expulsé à la 90e minute après avoir agressé Fernando par derrière, et ce après les expulsions en première période de Yannick Baret et de Bruno Cheyrou. Belle ambiance !
Autre beau souvenir, le déplacement à Nîmes peu après, en décembre. Lors du match aller en août, les Nîmois s’étaient sentis floués après que Lille a remporté le match sur un coup franc litigieux à la 89e minute. Vengeurs, et motivés face au leader, ils mènent 3-0 après 75 minutes. Cependant, après l’expulsion du gardien nîmois, Abdel Fahmi ramène le score à 3 à 1. Puis Fernando marque son premier but avec le LOSC, qui revient à 3-2. Dans la foulée, un second nîmois est expulsé. Dans une fin de match physiquement pénible pour les Nîmois à 9 contre 11, les Lillois se réveillent et égalisent grâce, incroyable, à un deuxième but de Fernando, profitant du fait que le but nîmois est désormais gardé par un joueur de champ. Score final : 3-3, et des Nîmois encore furieux à l’encontre de l’arbitre. Quand on revient de si loin après une prestation globalement mauvaise, on se dit que les Lillois peuvent s’estimer heureux que les circonstances aient ainsi tourné en leur faveur. Mais, trop heureux, Fernando s’en va provoquer le capitaine Nîmois Régis Brouard et le public, déclenchant une bagarre générale. Vous pouvez revivre cette mémorable deuxième mi-temps ici. Pour la petite histoire, l’entraîneur de Nîmes, Serge Delmas, qu’on voit tellement furieux qu’il en retire son bonnet (!), est devenu ensuite superviseur pour l’équipe de Montpellier. Observant ses futurs adversaires, il se rend (comme moi) en juillet 2000 à un match amical d’avant saison entre Lille et Beauvais. Serge Delmas pense passer incognito, toutefois des spectateurs lillois le reconnaissent, l’interpellent et se foutent de sa gueule en lui demandant ce qu’il pense de Fernando D’Amico, et entonnent un « D’Amico, lalalalaaaa… ». C’est con le foot.
Provocateur donc, mais ce genre de joueurs agace autant les adversaires qu’il réjouit ses propres supporters. Et provocateur ne signifie pas méchant ni violent : Fernando n’a été expulsé que deux fois, jamais directement, et pour des fautes assez bénignes (Contre Sedan en 2000, dans ma mémoire le seul joueur lillois expulsé sortant du terrain avec une avec standing ovation, et à Nice en 2003, alors même qu’on lui avait cassé une dent). Au terme d’une remarquable saison dont il a été l’un des principaux artisans en courant en moyenne 543 kilomètres par match, Lille remonte en première division en 2000 après avoir battu la moyenne de points pris par match en deuxième division (11).
La D1, aussi fastoche que la D2
Jusque là, tout va bien, mais après tout, même si le LOSC a battu quelques records, ce n’est encore que de la deuxième division. Cette équipe peut-elle faire bonne figure en D1, avec des joueurs qui, pour la plupart, n’ont jamais joué à ce niveau ? On est assez vite rassurés. Sur sa lancée, l’équipe, à peine remaniée (12), prend la tête du championnat dès la troisième journée. Fernando et les autres sont aussi performants en D1 qu’ils ne l’étaient en D2. Dès lors, cette saison 2000/2001 est une succession de surprises et de victoires, et Lille lutte jusqu’au bout pour le titre de champion de France, qui revient finalement à Nantes. La saison est ponctuée de quelques moments marquants.
En août 2000, Lille reçoit Metz, où joue Patricio, le frère jumeau de Fernando.
Grand-jeu concours : lequel est Fernando ?
24 septembre 2000 : Laurent Peyrelade vient d’inscrire à la 90e minute le but de la victoire contre Lens. Si les joies du buteur, de Sylvain N’Diaye et de Dagui Bakari restent conventionnelles, Fernando est en transe.
Le 18 novembre 2000 (un des matches confirmant la règle selon laquelle Sonny Anderson ne transforme jamais ses pénaltys contre Lille), Fernando réalise un délice de remontée de balle avec un une-deux sur 70 mètres avec Dagui Bakari. Au terme de l’action, il est à deux doigts de marquer son premier but en première division, mais le ballon est sauvé par un défenseur : Landrin suit et offre une victoire de prestige au LOSC (à partir d’1’38 https://www.youtube.com/watch?v=Tdpwq38Zk6g)
27 janvier 2001 : félicité par Djezon Boutoille et Johnny Ecker, Fernando vient d’inscrire son premier but en première division face à Saint-Etienne. De façon assez improbable, c’est d’une frappe de 20 mètres en lucarne
Le résumé du match Lille/Saint-Etienne, au curs duquel Fernando marque :
Ce soir là, le LOSC prend la tête du championnat, et s’impose à Lens la semaine suivante.
Le LOSC tient jusqu’à quelques journées de la fin du championnat, gagnant parfois laborieusement, comme à Guingamp (0-1) ou face à Marseille (1-0), mais en offrant aussi un superbe spectacle le 6 avril 2001 lors d’un match de haut niveau face à Bordeaux (2-2), au cours duquel Laurent Peyrelade a certainement inscrit un des plus beaux buts de l’histoire du club. Le LOSC craque dans la dernière ligne droite, avec deux nuls à Auxerre (1-1) et à Paris (2-2), ainsi qu’une défaite à domicile face à Lyon (1-2). Les Lillois retombent à la quatrième place avant la dernière journée, mais peuvent encore terminer à la troisième place, qualificative pour le tour préliminaire de Ligue des champions, à condition que, lors de la dernière journée, ils s’imposent à Monaco et que, dans le même temps, Bordeaux perde à Metz… et c’est exactement ce qui se passe. Le LOSC, 17e de deuxième division il y a 30 mois, est en Ligue des champions.
Après une victoire 2-1 à Monaco lors de la dernière journée, le LOSC termine à la troisième place et se qualifie pour le tour préliminaire de Ligue des champions. Sur le balcon de l’hôtel de ville, Fernando prononce son fameux discours urbi et orbi.
La deuxième saison de Fernando D’Amico au LOSC s’achève donc avec une performance inespérée : le promu lillois est qualifié pour la Coupe d’Europe la plus prestigieuse, à condition de passer un match de barrage… et étant donné le coefficient UEFA du LOSC, l’adversaire sera forcément une grosse équipe.
En route vers la ligue des champions : « Il faut pas lâcher, il faut se qualifier »
Début de la saison 2001-2002 : le LOSC reste invaincu jusqu’à la 13e journée. De manière générale, cette saison a offert un grand spectacle au public lillois, gâté par des scénarios rocambolesques en championnat, et par la bonne tenue de l’équipe en Coupe d’Europe. Ce qui n’avait rien d’évident, puisque le tirage au sort a désigné Parme comme adversaire en tour préliminaire. Si le LOSC remporte la double confrontation, il ira en ligue des champions ; sinon, il jouera la coupe de l’UEFA. Mais Parme est un gros morceau : champion d’Europe deux ans auparavant, quatrième d’un championnat d’Italie bien meilleur que celui d’aujourd’hui, c’est une équipe de stars internationales : Di Vaio, Nakata, Cannavaro, Lamouchi… Si quelques-unes d’entre elles sont parties, Parme 1999 est considérée comme l’une des meilleures équipes de l’histoire du foot à n’avoir pas décroché le titre national.
Le match aller a lieu en Italie et c’est déjà un exploit de tenir le 0-0 à la mi-temps. Cependant, le championnat italien n’a pas encore repris, et les parmesans, en pleine préparation physique, manquent de compétition : le LOSC en profite et dès l’entame de la deuxième mi-temps, Fernando décale Landrin qui lobe chanceusement le gardien de Parme : 0-1 ! Puis Johnny Ecker envoie un ballon dans la lucarne et Lille s’impose 0-2. Incroyable. Le match retour à Lille, deux semaines après, avec des italiens revanchards et cette fois au point physiquement, s’annonce redoutable.
Le 8 août 2001, Lille s’impose à Parme 2 à 0. Fernando félicite Johnny Ecker. C’est loin Beauvais !
Le match retour a lieu le 22 août 2001. Comme prévu, c’est très difficile. Parme marque dès la 28e minute de jeu. Le LOSC est complètement submergé. 0-1, c’est le score à la mi-temps, un moindre mal. Et là, arrive LE moment culte de la période losciste de Fernando : le match est retransmis sur France 3. Le journaliste en bord de terrain se met en tête d’aller interviewer Fernando. Tout le monde a oublié la question, mais personne n’a oublié la réponse :
« Il faut pas lâcher, il faut se qualifier »
(Fernando D’Amico, 22 août 2001).
Pour être plus précis : « il faut pas lâcher, il faut se qualifier, seulement ça : il faut pas lâcher, il faut se qualifier, il faut tout faire pour ne pas perdre ». Cette déclaration, c’est un peu l’appel du 18 juin de Fernando, le truc qui restera à la postérité (toutes proportions gardées. Mais après tout, si « le foot, c’est la guerre »…), entendu par des milliers de personnes qui se sont reconnues dans ce combat et cet appel à ne pas lâcher les armes. Je ne trouve pas sur le net l’intégralité de l’échange, mais je me rappelle que la séquence était tout de même particulièrement insolite, car la question du journaliste était longue et précise, et Fernando répond en gueulant 10 secondes.
Lille s’incline 0-1, mais est qualifié grâce à la victoire du match aller.
À terre, Nakata !
Je ne vais pas m’appesantir davantage sur les performances de Fernando et évoquer tous les souvenirs qu’elles m’évoquent. Le parcours en ligue des champions est très honorable (3e place du groupe), Fernando a pu y montrer au plus haut niveau ses qualités d’emmerdeur, et l’élimination face à Dortmund en UEFA n’a pas vraiment reflété la performance du terrain. Le LOSC termine cette année là 5e du championnat. Vahid s’en va. La dernière saison est plus compliquée sur le plan sportif (Lille termine 14e en 2003), mais Fernando reste constant dans ses performances sur le terrain, et son attitude en dehors.
Malheureusement, Fernando arrive en fin de contrat en 2003 et Claude Puel, désireux de « dévahidifier » le LOSC, compte sur les jeunes du club pour lancer un nouveau cycle et imposer son propre style, ce qu’il parviendra d’ailleurs à faire avec brio. Fernando est transféré au Mans, avant de finir sa carrière dans un relatif anonymat en Espagne et en Grèce, sans avoir retrouvé les émotions de son passage au LOSC qui a « changé [s]a vie ».
Ce n’est donc pas pour rien que Fernando a été pendant 4 ans le chouchou de Grimonprez. Quiconque l’a vu jouer se rappelle que ses surnoms de « sangsue », de « teigne », ou d’ « homme aux trois poumons » n’étaient que des euphémismes pour désigner un joueur irréprochable à l’endurance et à l’état d’esprit hors du commun et, au-delà, un type formidable. On ne va pas faire les vieux cons, mais ça a correspondu avec une merveilleuse époque : des performances sportives d’autant plus extraordinaires qu’inattendues, un vrai stade de foot, une ambiance pas encore marketé telle qu’on la connaît aujourd’hui, des joueurs accessibles et simples, et un entraîneur charismatique ayant emmené quelques bons joueurs de D2 en ligue des champions.
On n’oublie pas. Joyeux anniversaire Fernando ! Et gloire à toi !
Damien
Notes :
1Ce n’est pas l’objet de l’article, mais sachez que le vieux transistor de mon Papa n’avait qu’un seul écouteur, et cette curiosité n’a jamais eu l’air de le perturber. Je le questionnerai très bientôt sur ce point et ne manquerai pas, chers lecteurs, de vous tenir informés.
2 Hormis, sur ce dernier point, lors de l’étrange saison 1994/1995, sur laquelle nous reviendrons bientôt, même si le LOSC n’a jamais été complètement ridicule à domicile, voir par exemple : http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/2016/01/06/lille-citadelle-imprenable-1974-1980/ et http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/2015/12/17/le-classement-losc-a-domicile-autres-a-lexterieur-1980-1990/
3« Bêtement », car d’une part seuls les trois premiers montent, et d’autre part parce que le club a été en position de montée quasiment sans discontinuer de la 7e à la 38e journée (sur 42) , avec 6 points d’avance sur le 4e, Sochaux, après 36 journées. Merci Froger !
4Notons que ce soir là, c’est Wasquehal qui est virtuellement en D1 grâce à sa troisième place.
5Et ce sont toujours les trois premiers qui montent, la ligue ayant refusé cette année-là toute dérogation à cette règle pourtant ancienne.
6Et qui contribuera à un scénario rigolo durant 3 ans : le but de la victoire à la 93e minute parce que les adversaires sont épuisés. Nous y reviendrons également prochainement.
7 Remember Frank Pingel en 1995.
8Cela signifie en effet que la cassette est en train de lâcher.
9Pour traduire, j’imagine
10C’est un temps où on ne peut inscrire en Division 2 que 14 joueurs sur la feuille de match. Du coup, les entraîneurs se dispensent souvent de la présence d’une doublure dans les buts. Ce sont donc des joueurs de champ qui prennent les gants si un gardien se blesse ou est expulsé.
11En 1995, Marseille avait marqué 84 points, soit un de plus que Lille en 2000… mais dans un championnat à 42 journées, soit 2 points de moyenne par match, contre 2,18 pour Lille.
12 Grégory Wimbée, promis à être numéro 2, retrouve finalement sa place de titulaire après la grave blessure de Teddy Richert ; Stéphane Pichot est recruté pour remplacer Frédérik Viseux ; Sylvain N’Diaye remplace Carl Tourenne ; Christophe Pignol débarque de Monaco ; Mikkel Beck arrive d’Angleterre ; Puis Mile Sterjovski arrive comme joker en septembre.
9 commentaires
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9 septembre 2017
DeKalb Illinois
Gloire éternelle à toi, Fernando D’Amico | Drogue, bière & complot contre le LOSC
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8 septembre 2017
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Tanguy a dit:
Je tombe sur ton article en googlisant fernando d’amico pour savoir ce quil est devenu… Metci, merci de m’avoir remémorer tous ces bons moments!!!
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9 septembre 2017
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dbclosc a dit:
Merci pour le retour ! Si tu ne l’as pas encore lu, Fernando nous a accordé un entretien en début d’année, l’occasion de se remémorer aussi de bons souvenirs !
http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/2017/01/25/fernando-damico-on-etait-prepares-a-se-defoncer/
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14 janvier 2017
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cocolil a dit:
J’ai découvert cet article et blog au lendemain de l’adieu à M.Seydoux et du lille-st Et 2017 en cherchant des images du 1er but de Nando au losc lors d’un autre lille-st Et.! Mémorable ce fameux but. Notre chouchou-fou marquait enfin. Et sa joie de le faire je m’en rappelle comme si c’était hier!
Bref, un bonheur de se remémorer tout ces bons moments, bel article. J’ai vécu tout cela des tribunes et je n’oublierais jamais. Meme si on a vécu de grandissimes moments par la suite, c’était une autre époque. Ça avait une saveur différente Bravo pour ton taf et merci pour la régalade!!
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19 mai 2016
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Philippe Lepinay a dit:
Bravo pour ton article et la très sincère passion que tu y met !
Phil
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20 mai 2016
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dbclosc a dit:
Merci pour ton commentaire ! Je crois que Fernando a marqué beaucoup de monde (à défaut d’avoir marqué beaucoup de buts…)
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11 mars 2016
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Xylophène a dit:
« Si l’on sait donc qui sont et d’où viennent nos nouveaux joueurs, Fernando D’Amico demeure un parfait inconnu, et l’on craint de voir arriver un nouveau « Doukisor », comme le LOSC sait en attirer (7). »
Puisque tu évoques des Doukisor et que nous sommes dans la période Vahid, je pense qu’il est presque difficile de passer à côté de LA légende, LE mythe, L’énigme, LE fantôme, LE mystère, j’ai nommé : Nenem.
Nenem dont la légende veut qu’il ait été repéré par un recruteur sur la plage de Copacabana. Un recruteur qui sortait de table et qui avait reçu un sérieux coup de soleil sur la calebasse…
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16 mars 2016
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dbclosc a dit:
Franchement, je peux te dire que si le LOSC était une équipe de foot de plage, on avait notre Messi.
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11 mars 2016
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Xylophène a dit:
Quel article ! Chapeau ! Tu viens d’écrire l’article ultime sur le mythique Nando.
1000 fois meilleur que le mien que j’avais rédigé il y a quelques mois.
C’est là que je me rends compte que j’ai une mémoire de merde, il ne me reste que des bribes de souvenirs de Nando, comme qui dirait des flashs. Je n’aurais pas dû boire autant au début des 2000′s…
En tout cas, ce blog est en train de devenir cultissime. Bravo !