Posté le 13 février 2016 - par dbclosc
Quand le LOSC sauvait sa peau chez le futur champion d’Europe parisien
Printemps 1996, le LOSC est très mal en points (1) : avec seulement 30 points pris en 34 journées, il est relégable (19e à égalité de points avec le 18e, Gueugnon, mais avec une différence de buts défavorable, et deux points derrière Saint-Etienne, 17e). Ainsi, Lille pourrait bien ne pas rattraper un très mauvais début de saison : il a en effet fallu attendre la dixième journée pour voir la première victoire, face au Havre (2-0). Fin août 1995, l’entraîneur Jean Fernandez a été remplacé par Jean-Michel Cavalli ; Jean-Claude Nadon a été écarté dans les buts au profit de Jean-Marie Aubry ; Lille a tristement perdu le derby à domicile début septembre, 1-3 ; certaines recrues ont un rendement aléatoire (Joël Germain, Thierry Rabat, Philippe Périlleux, Geza Meszoly) ; et, surtout, Lille n’a pas d’avant-centre : la vivacité de Frank Pingel s’assimilant davantage à celle d’un 38 tonnes, le Danois est reparti chez lui dès septembre ; Amara Simba, au sortir d’une saison correcte à Caen (12 buts), est d’une rare maladresse ; le club fait alors appel à un joker, le monténégrin Miladin Becanovic, dont le seul fait d’armes durant sa première saison aura été de marquer 13 minutes après son entrée en jeu pour son premier match, avant de passer le reste de la saison à tenter de perdre ses kilos en trop ; Eric Assadourian parti, l’animation offensive repose alors sur les seules épaules des jeunes Antoine Sibierski et Djezon Boutoille, avant que Patrick Collot ne parvienne après quelques semaines à remplacer l’idole, et que Denis Abed soit pris comme deuxième joker.
Le LOSC redresse toutefois la barre en automne et en hiver, et oscillant toute la saison entre la 15e et la 18e place, mais replonge à l’approche du sprint final. Le 20 avril, il affronte Nice, qui espère bien profiter du voyage chez la 19e équipe à domicile (un peu de cohérence tout de même là-dedans) pour faire un pas important vers le maintien : en effet, avec 36 points, les Niçois peuvent réaliser une excellente opération, et c’est largement faisable quand on sait que lors des 16 précédents matches à Grimonprez-Jooris, le LOSC n’a gagné que 3 fois et n’a marqué que 9 buts, tout en restant sur deux performances en début de mois qui n’ont certainement pas requinqué le moral des troupes (défaite à domicile contre le futur champion auxerrois 0-4, et défaite chez le dernier, Martigues, 0-1) Autrement dit, voilà un match couperet et, de manière plus générale, ça sent le pâté puisqu’il faut aller ensuite affronter le Paris Saint-Germain, qui lutte encore pour le titre et est finaliste de la C2 ; Lyon, équipe du milieu de tableau d’où émergent des petits jeunes comme Ludovic Giuly et Florian Maurice ; et Bordeaux, finaliste de la C3.
Qui peut se sortir de là, à part une équipe hors-norme ?
Le 20 avril 1996, lors d’un match angoissant, Lille s’impose 1 à 0 face à Nice, grâce à un but d’Amara Simba, qui n’avait pas marqué depuis 6 mois et 16 jours et un doublé face à Strasbourg. Demi-volée pied gauche, lucarne, y a des jours comme ça. Un peu de répit, le LOSC entretient l’illusion. Le samedi 27 avril 1996, Lille se rend donc au Parc des Princes. Voici le classement avant d’aller à Paris : ça reste compromis, car on peut légitimement penser que le déplacement parisien n’apportera pas de point ; Nice peut en profiter pour se sauver ; et Saint-Etienne pour se détacher, sachant que les Verts joueront contre Martigues, probablement déjà relégué, lors de la dernière journée.
L’humeur ne tend pas à l’optimisme : pour s’opposer au quatuor offensif Raï-Dely Valdès-Djorkaeff-Loko, le LOSC propose Leclercq-Meszoly-Carrez-Cygan. Détail d’importance : Le PSG a joué en semaine (mardi 23) un match en retard contre Martigues, qui devait se dérouler le 20 (en même temps que Lille-Nice) mais qui a été reporté pour cause de demi-finale retour de Coupe des coupes jouée le jeudi 18 avril contre la Corogne. Et, de façon surprenante, alors qu’il cartonne en coupe d’Europe, le PSG ne parvient pas à battre le dernier chez lui (0-0), alors qu’une victoire lui aurait permis de reprendre la tête du championnat qu’il a perdue 2 journées auparavant, alors même qu’il possédait 5 points d ‘avance sur le deuxième, Auxerre, au soir de la 31e journée. Laurent Fournier déclare à l’issue de ce match : « On ne mérite pas d’être champions ». On peut alors légitimement penser que les Parisiens ont à coeur de se racheter, 3 jours après une telle contre-performance, marquée par un nombre incalculable d’occasions gâchées.
Cependant, trois éléments jouent en faveur des lillois : d’abord, le match manqué par les Parisiens contre Martigues peut aussi bien constituer un atout, car les matches s’accumulent pour Paris, et ce 0-0, ainsi que les déclarations des joueurs, semblent être symptomatiques de la priorité qu’ils accordent à la Coupe d’Europe ; ensuite, le LOSC a la réputation d’être la « bête noire » du PSG : ça ne veut absolument rien dire, mais ça fait causer. En tout cas, objectivement, Paris n’a gagné la première fois à Lille que lors de la saison 1993/1994. Si la « malédiction » vaut surtout pour les Lille/PSG (le match aller avait déjà accouché d’un surprenant 0-0 : Paris était en tête avec 5 points d’avance sur le deuxième, alors que Lille était 17e, avec le même nombre de points que le 19e), on ne sait jamais, car tout s’exporte ; enfin, caractéristique bizarre de cette saison où le LOSC gagne peu : ses seules victoires à l’extérieur sont à Nantes, champion en titre (2-1), à Auxerre, futur champion (2-1), et à Guingamp, pour la seule défaite à domicile des promus bretons cette année-là (1-0). Alors, si Lille gagne chez les « gros », pourquoi pas à Paris ?
Un des plus grands milieux de terrain de l’histoire. Et, à la lutte avec Roger Hitoto,Youri Djorkaeff.
Le match ressemble à un attaque/défense digne de la coupe de France. Les Parisiens, très maladroits, semblent vouloir rentrer avec le ballon dans les buts, mais Aubry veille, quand il n’est pas sauvé par les pieds de ses défenseurs : Cédric Carrez, notamment, sauve quelques situations chaudes. On s’achemine donc tranquillement vers un 0-0 qui, somme toute, arrange plutôt le LOSC, quand Patrick Collot, pour une fois dans le camp parisien se retrouve en position de centrer sur l’aile droite. Dans la surface parisienne, Le Guen, Roche et Bravo semblent tenir Amara Simba et Antoine Sibierski, placés de toute façon trop bas, et partis pour faire la même course.
Tiens, je vais tirer de là, après tout ce n’est que Bernard Lama dans les buts
Patrick Collot dévisse son centre - à la rédaction, nous nous sommes accordés sur le fait qu’il n’était pas rationnel de tirer volontairement depuis cette position – et le ballon part vers le but. Bernard Lama, qui avait anticipé dans l’axe, est surpris : en essayant de dégager le ballon, il ne peut faire mieux que de le boxer dans son propre but. Lille ouvre le score !
Lille s’impose 1-0. « C’est certainement le plus gros gâchis que j’aie vécu de ma carrière », déclare Alain Roche. Pense pas qu’à ta gueule, Alain ! Avec cette victoire, conjuguée à la défaite de Saint-Etienne à Auxerre et au nul de Gueugnon à Strasbourg, le LOSC sort de la zone de relégation, et a même 3 points d’avance sur celle-ci. Paris se console en gagnant la coupe d’Europe le 8 mai.
La fiche du match de France Football avec un très bon 6/20
La semaine suivante, à Grimonprez, Lille bat Lyon 2 à 1 (avec, notamment, le 4e et dernier but de la saison de Simba) pendant que Saint-Etienne et Martigues se neutralisent : le LOSC est finalement sauvé au soir de la 37e journée.
Avec 3 victoires consécutives de la 34e à la 37e journée, alors qu’on n’en comptait que 6 de la 1e à la 33e, l’équipe est à coup sûr en surrégime et laisse donc filer le dernier match contre Bordeaux (0-2), rempilant pour une saison supplémentaire en D1, et ce sans atteindre la fameuse barre des 42 points. Allez, ce n’est que partie remise : un an plus tard, le 30 avril 1997, pour la 35e journée, Paris est venu gagner 1-0 à Grimonprez, et la descente en deuxième division a été officialisée 15 jours plus tard.
Nota Bene : le site officiel du LOSC, qui nous a devancés, propose un article qui revient sur ce PSG/Lille d’avril 1996. Si on est bien content de voir et d’entendre Patrick Collot, ne nous emballons pas sur « l’incroyable similitude » relevée, à vingt ans d’intervalle : le LOSC est entraîné par un Corse (Antonetti aujourd’hui, Cavalli en 1996), et le PSG par un ex-champion d’Europe (Blanc aujourd’hui, Fernandez en 1996). Sous-entendu : ce parallèle entrevoit l’espoir d’une victoire au Parc. Rappelons aussi qu’il y aura beaucoup de similitudes entre les acteurs de ce soir et ceux du PSG/Lille de 2015, où Lille avait pris 6 à 1. Certes, Chelsea arrive mardi, Laurent Blanc fera sans doute tourner, les joueurs parisiens présents auront un peu la tête ailleurs et songeront à ne pas se blesser. Alors soyons prudents, et disons simplement qu’on les prend à un moment où les conditions pour reproduire le match de l’année dernière ne sont pas réunies.
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