Posté le 23 février 2016 - par dbclosc
Et le meilleur gardien de l’histoire du LOSC est…
Entre Bergeroo, Lama, Wimbée, Landreau, Dusé ou l’inoubliable Ruminski, trouver qui a été le meilleur gardien de but du LOSC semble une tâche bien compliquée :
d’abord parce qu’il est rare d’avoir vu et connu les performances de chacun d’entre eux, ce qui permettrait une comparaison a minima ; ensuite parce que ce qui est considéré comme « bon » ou « mauvais » diffère d’une personne à l’autre, et il n’est alors pas possible de s’accorder sur des critères objectifs qui détermineraient le « meilleur » gardien : le meilleur gardien est-il celui qui encaisse le moins de buts ? Qui fait le plus d’arrêts ? Qui commande sa défense de sorte que son action le conduit à effectuer moins d’arrêts (mais alors comment s’en rend-on compte ?) ? Qui sort les ballons spectaculaires de sa lucarne mais ne sait pas placer un mur ? Et comment sait-on qu’un gardien sait placer un mur ? Quand un attaquant tire dans un mur, n’est-ce pas le fait de sa maladresse plus que du sens du placement du gardien ?
On voit avec ce deuxième point qu’en outre, quand bien même on pourrait repérer de façon exhaustive des qualités personnelles, celles-ci demeureraient masquées ou au contraire exagérées car les performances du gardien de but, comme tout poste d’un sport collectif, sont irréductibles de sa seule personne : en effet, les sollicitations qu’il connaît durant un match, et donc les occasions qu’il a de se mettre en vue, positivement ou négativement, demeurent dépendantes du niveau général du championnat dans lequel il évolue, de la place de l’équipe dans laquelle il joue, et du niveau global de ses coéquipiers : comment, dès lors, comparer objectivement des gardiens dont l’équipe joue le haut de tableau avec des gardiens dont l’équipe joue le bas de tableau ? Dans le premier cas, le gardien encaisse évidemment moins de buts, mais fait aussi sans doute peu d’arrêts ; dans le second cas, le gardien encaisse beaucoup, mais effectue aussi beaucoup d’arrêts… Quel critère l’emporte sur l’autre, quand d’autres paramètres, non visibles et non objectivables (tels que la concentration, pour les gardiens peu sollicités) entrent en compte ? Même si on avait la possibilité de trouver un ratio tirs cadrés/arrêts, il faudrait déterminer quelles occasions sont offertes à l’équipe adverse de tirer (s’agit-il de face-à-face, de joueurs isolés, de frappes excentrées, de frappes lointaines…?), et donc mettre en avant un travail collectif. La performance d’un gardien est donc toute relative.
Prenons les deux exemples les plus récents : Mickaël Landreau et Vincent Enyeama, pour lesquels chacun s’accordera à dire qu’ils étaient ou sont de très bons gardiens. Après le match disputé contre Lyon ce dimanche, nous apprenons que Vincent Enyeama a joué son centième match en Ligue 1, parmi lesquels on compte 45 clean sheet, ces matches où l’on n’encaisse pas de buts, performance notamment remarquée lors de la période durant laquelle, de septembre à décembre 2013, il n’a pas encaissé de buts pendant 1062 minutes consécutives, soit l’équivalent de presque 12 matches, réalisant d’impressionnants arrêts, dans et hors de cette période, qui lui donnent régulièrement la récompense symbolique de « meilleur arrêt de la journée » décerné par l’équipe.fr. Mickaël Landreau, pour sa part, en 115 matches avec le LOSC, n’a réalisé « que » 39 clean sheet, et ne laisse pas l’image d’un gardien particulièrement spectaculaire, et même plutôt enclin à réaliser une petite bourde par ci par là, réputation tenace issue d’un passage à vide de quelques semaines sous le maillot parisien.
Si l’on s’en tient aux chiffres, en championnat, Vincent Enyeama a encaissé 84 buts avec le LOSC, et Mickaël Landreau 115 : avec, respectivement, 8978 et 10 710 minutes jouées sous le maillot lillois, ils encaissent un but tous les 109 et 93 minutes. Cette première moyenne peut alors indiquer que Enyeama est « meilleur » que Landreau. Sont-ce cependant à « Enyeama » ou « Landreau » qu’il faut attribuer ces moyennes ? Elles correspondent aussi à la fréquence à laquelle l’équipe du LOSC encaisse des buts…
Comparons plus spécifiquement leurs deux saisons pleines avec le LOSC, c’est à dire 3420 minutes jouées (90 minutes fois 38 journées) : 2010/2011 et 2011/2012 pour Landreau ; 2013/2014 et 2014/2015 pour Enyeama. Landreau encaisse 36 (2011) puis 39 (2012) buts, et Enyeama 26 (2014) puis 42 (2015) buts. Si « Landreau » est stable, l’amplitude que révèle « Enyeama » interpelle et souligne l’idée qu’évidemment, il n’est pas devenu soudainement plus « mauvais » en encaissant 61% de buts de plus d’une saison à l’autre. La première saison d’Enyeama comme titulaire, qui correspond à la première année avec René Girard comme entraîneur, a correspondu à une saison où le club n’a misé que sur le championnat, permettant ainsi de jouer une fois par semaine, ce que la saison suivante, avec le même effectif limité mais la Coupe d’Europe en plus à jouer, n’a pas permis, hormis, ponctuellement, en deuxième partie de saison. Les performances d’un gardien ou d’une défense sont donc avant tout celles de son équipe, et un chiffre pris isolément ne peut permettre de conclure à la supériorité de l’un sur l’autre. En 2011, Lille termine deuxième défense du championnat avec 36 buts encaissés, un nombre qui l’aurait classée 5e en 2014, année où l’équipe termine aussi deuxième défense avec seulement 26 buts encaissés.
Dans le même temps, Lille marque 68 puis 72 buts en 2011 et 2012 ; contre 46 puis 43 en 2014 et 2015. Il n’est donc pas difficile de se rendre compte que le nombre de buts encaissés semble corrélé au nombre de buts inscrits, et que ce constat reflète l’orientation plus ou moins offensive/défensive de l’équipe. Avec Rudi Garcia, c’était certes très offensif et spectaculaire, mais le revers de la médaille était une insécurité défensive parfois très agaçante, tandis que René Girard a préféré empêcher l’adversaire de s’exprimer en l’asphyxiant. Résultat : une défense de fer, mais une animation offensive proche du néant.
Alors, si on devait se risquer à une conclusion quant à ce comparatif, entre Landreau et Enyema, il n’y a pas de « meilleur » gardien car, statistiquement parlant, à ce niveau de qualité, c’est impossible à déterminer. On peut en revanche avoir une appréciation, qui relève davantage du sentiment ou de l’impression générale, et donc elle aussi sujette à caution, selon laquelle Enyeama est plus spectaculaire que Landreau : ses arrêts sont démonstratifs, et ses réflexes parfois étonnants. Mais, au-delà du sentiment, chercher à dégager des individualités, et donc chercher à isoler des talents intrinsèques – ce sur quoi repose la logique des récompenses individuelles comme le Ballon d’or – revient en partie à nier la dimension collective du football, et l’inévitable insertion de chacun dans un système de jeu, qui met en avant certaines qualités plus que d’autres. À Lille, de Garcia à Girard, on est bien placés pour savoir que les mêmes joueurs, dans des systèmes différents, ont eux-mêmes des rendements différents.
Pour terminer et tenter d’appuyer notre raisonnement, posons la question suivante : si le « meilleur » gardien est celui qui n’encaisse pas de buts, pourquoi ne pas considérer que Christophe Landrin est le « meilleur » gardien de l’histoire du LOSC ?
Rappelons-nous : saison 1999/2000, le LOSC est en deuxième division. Cette saison là, notre gardien, Grégory Wimbée, est expulsé lors de la 16e journée et la réception de Sochaux : à la 68e minute, en sortant devant Pierre-Alain Frau, il commet une main en dehors de la surface de réparation. À cette époque, en division 2, il n’y a que 14 inscrits sur les feuilles de match. Les entraîneurs se dispensent alors de la présence d’un gardien sur le banc de touche, préférant la possibilité de faire entrer trois joueurs de champ. Quand un gardien est expulsé ou se blesse, c’est donc un joueur de champ qui prend sa place dans la cage, les entraîneurs ne renonçant pas à se parer d’un gardien de but. Ce 30 octobre 1999, Christophe Landrin, entré en jeu quelques minutes auparavant, remplace donc Gregory Wimbée, car la doublure Eric Allibert n’est pas sur le banc.
Christophe Landrin enfile le maillot de Grégory Wimbée et s’apprête à garder la cage du LOSC. Signe de la bonne ambiance du vestiaire, Pascal Cygan lui dit « hé, je suis Pascal Huit Gants, avec les deux que je te donne ».
À ce moment, Lille est mené 0-1, pousse pour égaliser, et s’expose encore plus aux contres sochaliens qui ont déjà conduit à l’expulsion de Grégory Wimbée. Sur l’un d’eux, profitant du va-tout offensif lillois (Patrick Collot vient de remplacer Abdelilah Fahmi), Stéphane Dedebant se retrouve seul face à Christophe Landrin, qui dévie en corner.
Un va-tout offensif tout relatif puisqu’on note la position de Patrick Collot comme dernier défenseur, ça sent le grand n’importe quoi des fins de matches débridées.
Score final : 0-1, pour la seule défaite à domicile du LOSC mais, surtout, la première du gardien Landrin, qui garde sa cage inviolée.
15 jours plus tard, Lille reçoit Guingamp, et rebelote. À la 53e minute, en sortant devant Fabrice Fiorèse, Grégory Wimbée, qui revient de suspension, commet une main en dehors de la surface de réparation, une action à l’origine d’un célèbre sketch de Fernando D’Amico que nous avons relaté ici. Christophe Landrin reprend les gants et a pour mission de sauvegarder le court avantage de 1 à 0 face au deuxième.
Cette combinaison lui va comme un gant.
Landrin est à peine sollicité dans ce match, et Lille gagne 2-0.
Christophe Landrin est donc resté 59 minutes – comme un symbole – dans les buts du LOSC sans encaisser de but. Il est donc, statistiquement, le meilleur gardien lillois, avec une moyenne de 0 but encaissé par match. S’il n’a pas encaissé de but, c’est surtout parce qu’il a peu joué ; et aussi parce qu’il faisait partie d’une équipe très performante, offensivement et défensivement – cette année-là, Grégory Wimbée n’encaisse que 21 buts en 35 matches et 3089 minutes jouées, soit un but encaissé toutes les 147 minutes). Le LOSC ne l’a plus jamais aligné dans le but en dépit de ces exceptionnels chiffres, car le poste nécessite, bien entendu, d’être tenu par un professionnel, mais cet exemple absurde n’a que pour but d’affirmer voire de démontrer qu’il reste très complexe d’isoler des performances propres par rapport à d’autres facteurs explicatifs.
Une chose est certaine : en dépit du talent d’Enyeama, et aussi bons qu’aient été Landreau, Sylva, Wimbée, Nadon ou Lama, ils ne pourront jamais se targuer d’être parvenu à réaliser ce à quoi Christophe Landrin est arrivé : une carrière de gardien de but sans aucun but encaissé.
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