Posté le 25 mars 2016 - par dbclosc
1996/1997 : Lille, une sacrée descente
Il y a certes le plaisir du jeu de mots, fût-il parfois un peu tiré par les cheveux, car il n’y a jamais de « bonne » descente sportive (hormis, bien entendu, en ski1). Mais celle-ci est tout de même particulièrement spectaculaire, parce que tout avait pourtant bien commencé. En résumé : un début de saison inespéré, une fin de saison désespérante, et la deuxième division à l’arrivée.
Le LOSC s’est maintenu de justesse en 1996 : on en a parlé ici. Cette nouvelle saison 1996-1997 ne s’annonce pas faramineuse. D’abord parce que la première division passe à 18 clubs en 1997/1998 : cela signifie donc qu’il y aura cette année 4 descentes. Quand on flirte avec la relégation, comme le fait le LOSC depuis des années, la diminution du nombre de clubs dans l’élite ne peut être considérée que comme une menace. Ensuite, parce qu’Antoine Sibierski, l’une des rares satisfaction de la formation lilloise, meilleur buteur lillois de l’exercice précédent en inscrivant un tiers des buts de l’équipe (9 sur 27) est parti à Auxerre. Enfin, parce que le LOSC traîne encore une dette de 18 millions (de francs), son recrutement est encadré par la Direction nationale de contrôle de gestion (DNCG). Celle-ci n’a autorisé que le réinvestissement partiel du montant du transfert de Sibierski, 35% de 8 millions, soit environ 2,8 millions. Après les renouvellements de contrats et le recrutement de Bojan Banjac, il reste une enveloppe de 1,5 à 2 millions pour trouver un avant-entre voire un libéro. Jusqu’à la fin du mercato, l’été lillois est marqué par la recherche d’une perle rare… Les noms de Petar Puaça, Joël Tiéhi ou Viktor Belkin ont été avancés… mais personne ne vient. D’autant qu’en faisant venir un de ceux-là, il aurait fallu lâcher un joueur hors CEE (trois sont autorisés à l’époque : Bojan Banjac, Miladin Becanovic et Geza Meszoly sont déjà là). Au contraire, Lille est contraint d’alléger sa masse salariale : Germain, Périlleux, Simba et Nadon sont invités à quitter le club. Bref, comme le résume L’Équipe, visionnaire, en août 1996 lorsque son « tour des France des clubs » s’arrête à Lille, le LOSC est « sous la menace ». D’ailleurs, les matches amicaux sont catastrophiques : le dernier d’entre eux, contre le PSG à une semaine de la reprise du championnat se solde par un 0-4 à Grimonprez. Les objectifs sont donc modestes : l’un d’eux consiste à « marquer davantage » : merci coach !
L’Équipe, 1er août 1996.
En prime, une interview de Rabat. On sent que la confiance règne !
Coincé niveau recrutement, le LOSC mise donc sur son centre de formation : outre Fabien Leclercq, presque déjà un « ancien », Cédric Carrez, Frédéric Dindeleux et Djezon Boutoille partent comme titulaires. Thierry Rabat est appelé à jouer un cran plus haut, au milieu. Faute de pouvoir acheter un attaquant efficace, Miladin Becanovic est conservé. Hormis Banjac, l’intersaison ne permet à Lille que d’attirer des joueurs en fin de contrat et un prêt. Ce n’est qu’à la faveur de l’automne que de nouvelles solutions apparaissent : Franck Renou, en manque de temps de jeu à Nantes, arrive comme joker.
Anthony Garcia : milieu offensif confirmé de Beauvais en D2, cela faisait quelques temps que son nom apparaissait du côté de Lille. Recruté pour a priori jouer les doublures, il prend part à 25 matches et laisse le souvenir d’un joueur assez technique, auteur notamment d’un joli but contre Nice en début de saison, mais un peu lent et sans doute trop juste pour la D1.
David Garcion : quand on le voit jouer la première fois, on se demande bien comment Lille est parvenu à se le faire prêter par Nantes. Certes, à Nantes, l’avenir à court terme est bouché pour lui. Mais on n’est que Lille. Rapide, puissant, doté d’une lourde frappe, auteur d’un but sensationnel à Montpellier (13e journée) Garcion a impressionné durant la première partie de saison, durant laquelle il a formé avec Becanovic, Banjac et Boutoille une redoutable attaque. À l’image de l’équipe, il s’est progressivement éteint et a terminé la saison avec une sale histoire de dopage aux anabolisants (une première dans le football français) qui l’a suspendu pour de longs mois. On te renvoie à cette interview du médecin du LOSC Jean-Daniel Escande par Les cahiers du foot. Après Lille et cette suspension, Garcion a malheureusement connu une carrière sans grand relief.
Gilles Hampartzoumian : arrivé de Cannes avant de repartir à Cannes, il n’a pas laissé un grand souvenir. Ni bon, ni mauvais, gaucher, c’est un joueur moyen style « petit gros ». Il prend part à 28 matches. Davantage connu pour posséder l’un des patronymes les plus longs de la D1, avant que Rabesandratana ne se fasse connaître, il fait partie du groupe de joueurs ayant été contrôlés positifs au cannabis lors de la saison précédente (avec, notamment, Dieng, Paille et Barthez). « En qualités intrinsèques, j’étais aussi fort que Thuram » prétend-il. Non, je t’assure, je pense qu’on l’aurait remarqué. Ou alors il faut nous expliquer pourquoi tu n’as montré que l’extrinsèque. Là où t’es sûr de le battre, c’est au Scrabble® : tu fais 30 points. En plus de l’herbe, un bon gros melon donc.
Bojan Banjac : il y a un grand mystère sur son recrutement. Jean-Michel Cavalli prétend qu’il le suit depuis longtemps, de l’époque où il était stagiaire à Monaco. Les mauvaises langues disent qu’il a été recruté à la va-vite, en regardant la confrontation entre Guingamp et l’équipe serbe de Zemun en Intertoto, pour en outre apporter un soutien moral à Becanovic… Pour la petite anecdote, je me rappelle que sur 3615 LOSC (si, si…), il y avait en ce temps une rubrique questions/réponses dans laquelle un minitelnaute, qui avait vu Guingamp/Zemun, avait signalé la technique de ce meneur de jeu, et indiquaient aux dirigeants qu’ils seraient bien avisés de se renseigner. J’ignore qui répondait côté LOSC, mais j’ai lu un truc, en substance, « on l’a vu, on se renseigne ». Quoi qu’il en soit, Banjac est un vrai n°10, axial, technique, qui donne des ballons propres. On lui reprochera juste un physique fragile et un manque d’efficacité devant le but.
Pegguy Arphexad : après le transfert de Jean-Claude Nadon à Lens, le LOSC obtient le prêt du lensois Pegguy Arphexad, comme quoi les relations entre les deux clubs savent être cordiales quand il faut aider le voisin dans la dèche. Enfin, aider… À son arrivée à Lille, Arphexad représente 211 minutes en D1 obtenues à la faveur de la grave blessure de Guillaume Warmuz au printemps 1996, et déjà 6 buts encaissés. Avec Lille, 180 minutes en D1, 9 buts encaissés (5 à Marseille, 4 contre Strasbourg) et une précieuse contribution à l’enlisement de l’équipe : bravo l’artiste ! Allez, tout de même un super match de coupe contre Lyon : va lire et écouter plus bas.
Franck Renou : comme écrit plus haut, la perle rare que l’on n’a pas recrutée en été arrive comme joker en septembre, comme Becanovic un an auparavant. Ce n’est certes pas un nom ronflant2, mais c’est une bonne surprise : barré par la concurrence à Nantes, où il a été formé, il a connu des sélections chez les jeunes, et a marqué quelques buts après des entrées en jeu avec le FC Nantes, notamment le but (insuffisant) de la victoire contre la Juventus en demi-finale retour de Ligue des champions. Petit, rapide, on l’aime bien.
On pourrait presque ajouter Miladin Becanovic à la liste des recrues, tant l’intersaison a transformé le joueur. On y vient.
L’équipe-type correspond peu ou prou à la première photo de l’article (équipe du premier match de la saison contre Metz, le 10 août 1996), à deux exceptions près : Pascal Cygan joue peu, Fabien Leclercq est le défenseur latéral qui joue le plus (à droite ou à gauche), tandis que Duncker a pu jouer au milieu. Ensuite, à partir d’octobre, Patrick Collot retrouve une place de titulaire, soit à la place de Boutoille, blessé en automne, soit de Banjac ou de Garcion, pour faire tourner. Si Patrick Collot manque le début de saison, c’est parce qu’il a vécu un drame personnel : durant l’été, son épouse est accidentellement décédée ; on remarque sur la photo que les joueurs portent un brassard noir pour lui rendre hommage. Collot retrouve les terrains fin septembre à Strasbourg, et est titularisé pour la première fois de la saison le 11 octobre contre Nantes.
Voici donc l’effectif de la saison :
Photo prise en intérieur. Décor ajouté ensuite. Le problème, c’est que ça se voit.
Allez, de gauche à droite :
Premier rang : David Garcion, Patrick Collot, Djezon Boutoille, Jean-Michel Cavalli, Bernard Lecomte, Miladin Becanovic, Franck Renou, Denis Abed, Marc Cuvelier
Deuxième rang : Robert Santens, Philippe Levenard, David Coulibaly, Roger Hitoto, Frédéric Dindeleux, Paul Marchioni, Jean-Noël Dusé, Fabien Leclercq, Thierry Rabat, Bojan Banjac, Michel Gérard, Jean-Daniel Escande
Troisième rang : Grégory Legrand, Gilles Hampartzoumian, Pascal Cygan, Cédric Carrez, Jean-Marie Aubry, Arnaud Duncker, Geza Meszoly, Anthony Garcia, Pegguy Arphexad.
Du spectacle à Lille !
Le début de saison est superbe. La victoire inaugurale contre Metz grâce à un but de Becanovic sur un centre d’Arnaud Duncker est déjà un événement, puisque le LOSC se retrouve logiquement dans la première moitié de classement, ce qui n’était pas arrivé depuis deux ans. Début septembre, Lille est tranquillement 8e, en ayant gagné 3 de ses 4 matches à domicile, et en y inscrivant 3 buts à deux reprises, soit autant de fois que sur les deux saisons précédentes réunies (Rennes 3-1 et Nice 3-2, où Becanovic marque un but invraisemblable en longeant la ligne de but). Lors de la 12e journée, contre Nantes en octobre, Becanovic inscrit le 12e but du LOSC à domicile… et égale donc le total de la saison 1995/1996, total dépassé quelques minutes plus tard avec un but de Franck Renou. Comme on l’a déjà exposé dans cet article, Becanovic est en état de grâce en ce début de saison : un temps meilleur buteur du championnat, il est délesté du surpoids qui l’avait fait manquer son essai à Nantes à l’été 1995. Aminci, il est enfin devenu le joueur promis à son arrivée à Lille : jusque là lourd et pataud, il est désormais vif, disponible et, surtout, buteur. Son entente avec Banjac saute aux yeux et, avec la complicité de Garcion et de Boutoille, il est après 14 journées le joueur le plus décisif de la D1, avec 9 buts et 4 passes décisives. Message personnel : sur l’une de nos pages Facebook, Miladin Becanovic salue tous les Lillois.
Ah c’est autre chose que Simba/Pingel
But de Becanovic contre Guingamp, sur pénalty, lors de la 6 journée, depuis Fréquence Nord
Si la première moitié de saison est aussi marquée par de sévères défaites qu’on peut a posteriori prendre comme de sérieux avertissements (0-3 à Bordeaux, 0-3 à Strasbourg, 1-4 contre Monaco), globalement, on a le sentiment que l’équipe a passé un cap : elle ne perd que contre les équipes supposées plus fortes qu’elle (les trois précités plus Auxerre et Paris), leur tient parfois tête (un superbe 3-3 contre Nantes, 1-1 contre Lyon), prend des points à l’extérieur chez ses concurrents directs (0-0 à Bastia, 2-2 à Nancy, 0-0 au Havre, victoires 1-0 à Cannes et à Montpellier), tout en prenant des points à Grimonprez (victoires contre Metz, Rennes, Nice, Caen, nuls contre Guingamp, Marseille), avec un jeu parfois très fluide, en témoigne ce but de Djezon Boutoille contre Caen :
Faut dire que sur l’action, y a un mec aussi fort que Thuram
Après ce match, Anne-Sophie Roquette est sévèrement tancée par Bernard Lecomte. Le motif ? Avoir crié « Youpi ! On est toujours devant Lens ! » à l’issue du match. En soi, cela n’est pas bien grave, car d’une part c’est vrai, et d’autre part on peut encore dire à peu près ce qu’on veut dans ce pays. Le problème est qu’elle a dit ça dans le micro, que celui-ci était branché, et qu’il y avait encore des milliers de gens dans le stade. Maladresse mise à part, tout ceci est amusant et montre tout de même que quelque chose change. Et puisqu’on parle de nos voisins, venons-en au point d’orgue de ces matches aller (tiens, c’est aussi le point d’orgue de la saison) : mercredi 6 novembre 1996, 16e journée : le LOSC écrase Lens 2-1 grâce à un doublé de Patrick Collot, de nouveau buteur un mois après son retour. Cette victoire, rapidement dessinée en première mi-temps (Lens n’a pu réduire l’écart qu’à la dernière minute) est une performance rare dans les années 1990 : si Lille avait battu Lens en mai 1995, c’était lors d’un match sans enjeu lors de la dernière journée, et ce derby avait un peu compté pour du beurre. Il faut remonter alors au 11 février 1989 pour une victoire lilloise « à la régulière » : 1-2 à Lens grâce à Angloma et Wallemme contre son camp3. Grande joie sportive donc, et grande émotion collective pour le buteur du soir, ovationné par le public.
32e minute : Patrick Collot inscrit son deuxième but contre Lens
Après ce match, Lille est 4e ! À moins de la moitié du championnat, Lille a déjà marqué 2/3 de ses points et 70% de son total de buts de l’année précédente. Un classement inespéré pour une équipe qui a commencé la saison sans avant-centre (du moins, c’est ce qu’on croyait), qui n’est pas parvenue à faire signer des inconnus, qui a dû renoncer à faire venir un défenseur d’expérience, et qui, en raison de faibles moyens financiers, a dû se rabattre sur des joueurs comme Garcion et Banjac dont on ne savait pas grand chose. À l’arrivée, si la jeune défense encaisse pas mal de buts (17e défense après ce match contre Lens), la 7e attaque, loin des standards des années précédentes, compense largement les quelques errements derrière. Le LOSC gagne un match sur deux, les joueurs offensifs marquent (Abed, Becanovic, Boutoille, Collot, Garcia, Garcion ont tous marqué ; seul manque Banjac, toutefois très influent sur le jeu) ; Hitoto et Rabat forment un duo de récupérateurs efficace ; Arnaud Duncker est intenable et multiplie les montées côté droit. Sur l’ensemble des matches aller, l’affluence dépasse à six reprises les 10 000 spectateurs. Tout va bien.
Ça sent donc enfin la saison tranquille… Qui peut imaginer à ce moment là que sur les 22 matches qui restent, nous ne prendrons plus que 9 points ?
Le LOSC dans la lumière
Les bons résultats amènent une nouveauté : on parle désormais du LOSC dans la presse nationale. Dans L’Équipe, dans France Football, dans Onze Mondial, les articles et les photos foisonnent ; ça n’a l’air de rien mais, pour les gamins que nous étions, on était bien contents et fiers. Tout cela en plus d’un « magazine du LOSC » de 16 pages désormais distribué gratuitement à tous les spectateurs (et pas seulement aux abonnés) : on avait de quoi remplir nos agendas et nos murs de chambre avec de belles illustrations.
Au milieu du magazine, la présentation de l’effectif adverse, et le petit portrait de chaque joueur du LOSC. Absolument charmant. Au milieu de la page centrale, les paroles de la chanson « Le LOSC en avant » (M. Bareul / A. Camelia), diffusée durant l’échauffement, à la mi-temps, puis après le match. Car le LOSC édite un CD de dix titres, parmi lesquels on trouve les succès « Ah les Rouges et Blancs », « Trois pas en avant » ou « Allez le LOSC ». Ci-contre, la couverture du disque. Ma Maman disait que le passage « Le LOSC est beau, le LOSC est grand, tu portes nos couleurs comme on porte un enfant », c’était débile, mais elle n’a jamais trop suivi le foot.
Outre cet album, le club développe à cette période un merchandising que l’on n’avait pas connu avec cette ampleur jusque là : à côté des traditionnelles photos de joueurs, des fanions, des casquettes, du petit maillot pour la bagnole, arrivent une écharpe (ça faisait des années qu’on n’en trouvait pas de neuves : « Fiers d’être Lillois » d’un côté sur fond rouge, « en avant le LOSC » sur fond bleu de l’autre), des t.shirt (dont le fameux « Tremblez gardiens, Becanovic va encore frapper », que l’un de nous a glorieusement acheté), des sent-bon, des pulls, des oreillers… Malheureusement, cette année-là, le LOSC ne renouvelle pas les pog’s. Difficile de savoir si le merchandising est la conséquence des bons résultats ou si les produits qui déferlent en ce début de saison ont été conçus bien en amont, mais voilà le stade désormais doté d’un petit préfabriqué en bas de la tribune « Premières » dans lequel acheter toutes ces bricoles.
Des matches retour catastrophiques
Revenons au terrain. Après la victoire dans le derby, les matches aller se poursuivent avec une défaite à Paris (1-3, avec un nouveau but de Patrick Collot sur une grossière erreur de Lama, un peu comme l’année précédente, avec cette fois une frappe venant de l’axe, merci Bernard !) suivie de deux nuls honorables, l’un à domicile, l’autre à l’extérieur, qui permettent ainsi d’achever la première partie de saison à la 8e place avec 28 points, et surtout 10 points d’avance sur Montpellier, 17e et premier relégable. Il reste 19 matches pour prendre 14 points, en prenant pour objectif le seuil considéré comme vital de 42 points4. En attendant, il reste 4 matches à jouer avant la trêve hivernale, et les ennuis vont progressivement s’installer. Pour commencer la série retour, 3 défaites consécutives : face à Auxerre (0-1), à Rennes (0-2), et face au Bastia de Frédéric Antonetti, troisième à ce moment là : le superbe but de Garcion sur une passe lobée de Collot ne suffit pas (1-2). Pour terminer l’année, un nul chez le dernier niçois, grâce à Roger Hitoto reprenant un coup-franc sur le poteau de Garcion, ne suffit pas à sauver les apparences : l’équipe tourne beaucoup moins bien. En prime, c’est lors de ce match que David Garcion est contrôlé positif à l’issue d’un contrôle antidopage. À la trêve, le LOSC est rentré dans le rang au niveau du classement (13e), mais il possède encore une solide avance de 7 points sur le 17e ; de ce point de vue, il y a de quoi être optimiste sur la capacité du club à se maintenir tranquillement : à titre de comparaisons, le maintien a été possible les 4 saisons précédentes en étant successivement 16e, 16e, 14e puis 18e à la trêve.
1997, année de la défaite
Quand arrive l’année 1997, il faut se rendre à l’évidence : le LOSC ne sait plus gagner, et a même toutes les peines du monde à prendre des points et à marquer des buts. Les cinq premiers matches de l’année n’apportent qu’un pénible point, pris à domicile contre Bordeaux (0-0). Sinon, défaites à Guingamp, à Caen, et roustes à Marseille (1-5) puis contre Strasbourg (2-4), avec Pegguy Arphexad, vraiment pas irréprochable, dans les buts suite à la blessure de Jean-Marie Aubry en coupe contre Marseille. S’implante alors la poisse caractéristique des équipes à qui rien ne sourit :
_les blessures : Becanovic manque 3 matches de championnat et 2 de coupe de France entre fin janvier et fin février. Roger Hitoto se blesse gravement en équipe nationale du Zaïre. Dans la mesure où les matches de coupe ont été bien négociés (voir plus bas), ce n’est certes pas une explication suffisante à cette mauvaise série en championnat.
_le but-gag : par exemple, le deuxième but strasbourgeois, sur une frappe toute pourrie de François Keller (frère de Marc) qu’Arphexad laisse filer sous son ventre.
_le scénario de merde : le 8 mars 1997, 28e journée, Lille se rend à Caen, un relégable : une bonne occasion de prendre des points, non ? C’était sans compter sur le magnifique engagement des Lillois : cagades en série, perte de balle stupide de Rabat, intervention foireuse de Dindeleux, et but de Frédéric Née après 14 secondes. Défaite 1-0. Ce soir-là, Lille est relégable pour la première fois de la saison.
_le record contre son camp : 31e journée, Lille reçoit Montpellier, pas loin devant au classement : une bonne occasion de prendre des points, non ? C’était sans compter sur la passivité de la défense lilloise qui, ce soir-là, permet à Ibrahima Bakayoko (IBRAHIMA BAKAYOKO !) d’inscrire un triplé en 6 minutes et d’établir un nouveau record en championnat de France. Défaite 0-4. Par bonheur, Matt Moussilou a en partie lavé l’affront en faisant du triplé le plus rapide de France un record lillois 8 ans plus tard, quand on a explosé Istres 8-0. Jean-Michel Cavalli ne résiste pas à cette défaite : Charles Samoy, est nommé « manager de l’équipe professionnelle » et, sur sa proposition, Hervé Gauthier, responsable du centre de formation et de l’équipe de National 2, prend la tête de l’équipe première. Ça ne changera pas grand chose.
Seule éclaircie en championnat de la phase retour, avant le changement d’entraîneur : une victoire, la seule, à domicile face à un concurrent direct, Nancy, acquise de haute lutte : Becanovic ouvre le score en première mi-temps, mais Dindeleux est expulsé dès la 53e minute. Le LOSC tient bon et marque même un deuxième grâce à Banjac (enfin !). Au cours de ce match, Becanovic a réussi une espèce de roulette à la Zidane qui l’a fait éliminer 3 nancéiens. Seul face à Wimbée aux six mètres, il a ensuite tiré à côté. Cette victoire permet de sortir de la zone de relégation pour une journée (au détriment des Lensois).
Humilations en série et bouquet final à Bollaert
La fin du championnat est un long chemin de croix. Lille repasse 17e dès la journée suivante en raison d’une défaite à Nantes. Puis défaite à Monaco : sais-tu ce qu’il s’est passé dans ce match ? Sonny Anderson a tiré un pénalty. Et comme tu sais qu’il rate tous ses pénaltys contre Lille, ça a préservé pendant un temps le 0-0. David Garcion joue son dernier match contre Montpellier, avant sa suspension.
Le match décisif survient lors de la 33e journée : Lille reçoit Cannes. Si Lille est 17e, il est loin d’être largué. Devant, Lens, Rennes et Le Havre ne sont qu’à 2 points ; Cannes à 3. C’est le match qu’il faut gagner. Cannes marque en première mi-temps ; Becanovic manque un pénalty mais égalise dans la minute suivante ; mais finalement Cannes s’impose en marquant à la 86e. Cette fois ça semble bel et bien foutu : si Le Havre reste à deux points devant, les autres sont au moins à 5 points, et si le LOSC est incapable de battre Cannes chez lui, une équipe qu’elle avait battue au match aller en jouant à 10 contre 11 pendant une mi-temps, on ne voit plus trop ce qui peut le sauver.
34e journée : autant le LOSC affichait une mine radieuse en recevant le derby à l’aller, autant le retour à Lens s’apparente à une cérémonie funèbre. Lille, bien sûr, est en grand danger, mais Lens n’est qu’un poil mieux loti. « Une dramatique à Bollaert » titre La voix du Nord. Ce match est un sale souvenir pour les supporters lillois qui l’ont vécu : non seulement parce que, sportivement, le LOSC faisait un pas de plus vers la D2 en perdant 1-0 à cause d’un but de Philippe Brunel, cet ennemi de l’intérieur, mais aussi parce que l’accueil des Lensois a été particulièrement hostile. Quelques jours avant, le président lensois, Gervais Martel, déclare dans France Football qu’ « il n’y a plus la place pour deux (…) Bientôt, il n’y aura plus qu’un seul club dans la région. Lille est peut être condamné à devenir une filiale de Lens »5. Puis le public brandit des cercueils en carton. Sur l’un d’eux on peut lire : « La SPA en deuil, les Dogues Lillois en D2 ». Le LOSC passe 18e. 11 ans plus tard, le scénario sera inversé, puisque Lille enverra quasiment le RCL en Ligue 2 en le battant 2-1 lors de la 37e journée.
Le Havre, 16e, n’est toujours que trois points devant… Mais c’est le PSG qui débarque à Grimonprez, et s’impose (0-1). Lille prend un point à Lyon (avec Jean-Marie Stéphanopoli, Christophe Landrin et Frédéric Machado titulaires), et n’est toujours pas officiellement relégué au soir de la 36 journée : Rennes, 16e, est 5 points devant. Les autres sont hors d’atteinte. C’est donc le 17 mai, sous l’orage contre Le Havre, que Lille retrouve la Division 2 qu’il avait quittée 19 ans auparavant. Un nul 2-2 et un dernier but de Becanovic, avant une ultime défaite à Metz (0-1).
Classement retour : si on part de la fin, le LOSC est largement premier
Les coupes
En coupe de la ligue, Lille est éliminé à Toulon (D2) dès les 16e. 1-2, avec un but de Boutoille en fin de match. Il ne semble pas nécessaire de revenir sur ce match, sauf pour dire qu’il a été joué en décembre 1996, avec l’équipe-type, au moment où la dégringolade commençait.
En coupe de France, Lille a été éliminé en 1/8 de finale, après avoir joué contre 3 clubs de D1. D’abord, Marseille en 32e : on a largement parlé ici de ce match judiciaire et sportif. Quatre jours après arrivait Lyon. Un match gagné 1-0 grâce à un but de Boutoille, au cours d’un match riche en occasions, et une fin de match débridée où brille Arphexad, et où Leclercq sauve encore sur la ligne. Sur les contres, Lille manque le break. Ci-dessous, quelques actions de ce match commentées par Olivier Hamoir sur Fréquence Nord.
L’équipe laisse filer le 8e contre Montpellier à la maison : 0-3. L’urgence est désormais ailleurs.
Évolution du classement de Lille. Source : site de Fabien Torre
Épilogue
Il reste difficile de trouver des explications rationnelles à une telle différence de niveau et de résultats au cours d’une même saison. On peine à croire qu’un club professionnel ait eu un problème de préparation physique. L’avant-saison (comme c’était le cas depuis quelques années) avait été marqué par la volonté d’assainir le club financièrement, priorité absolue sous peine de voir le club disparaître. Résultat, le LOSC n’a pu recruter que des joueurs irréguliers : brillants un temps, décevants un autre. Si ces problèmes financiers, connus, ont pu souder le groupe en début de saison, la perspective des deux années à venir, encore marquées du sceau de « l’effort financier » a peut-être finalement lassé certains joueurs qui savaient qu’ils ne seraient de toute façon pas conservés, Division 1 ou pas. Les seuls « anciens » Rabat, Hitoto et Collot n’ont pas suffi à compenser les départs successifs de joueurs-cadres et d’expérience comme Thierry Bonalair, Per Frandsen, Eric Assadourian, Jacob Friis-Hansen ou Jean-Claude Nadon pour encadrer un groupe très jeune. On peut interroger l’opportunité de faire revenir Charles Samoy, sans responsabilités sportives au haut niveau depuis près de 10 ans. On peut se demander quelle était l’ambiance au sein de l’équipe : Samoy a déclaré qu’il n’avait « jamais vu un groupe où les joueurs s’entendaient aussi mal. C’était l’enfer du Nord6 ». On peut enfin se demander si le départ canon de cette saison 1996/1997 n’a pas été paradoxalement contre-productif : pour des joueurs habitués à jouer le bas de tableau, cette situation inédite a pu provoquer un relâchement plus ou moins conscient ; des efforts considérables ont été investis sur d’autres aspects comme les matches de coupe contre Marseille et Lyon, avec à la clé des belles performances non rééditées en championnat, comme si celui-ci était désormais délaissé, le maintien étant considéré comme une formalité. Au moment de se remobiliser, il était trop tard.
Quoi qu’il en soit, cette saison 1996/1997 est l’une des dernières étapes d’un cycle entamé au milieu des années 1980, quand le LOSC achetait des joueurs au rendement aléatoire. Résultat, une dette faramineuse, une valse d’entraîneurs, des résultats médiocres (hormis en 1989 et en 1991), un public clairsemé. À l’arrivée du président Bernard Lecomte en 1993, la priorité a été portée sur la résorption de la dette de 70 millions de francs, au détriment de l’aspect sportif. Saison après saison, le club a été remis à flots, au prix de la descente en 1997. Sans doute un mal nécessaire, voire un mal pour un bien, quand on connaît la suite.
FC Notes :
1 Devinette : Monsieur et Madame Ski sont alcooliques, que boivent-ils ?
Réponse : Six bières, parce que Sibierski.
2 Contrairement à Sommeil, ou Tudor.
3 Notons qu’entre les victoires lilloises de 1989 et de 1996, Lens n’a gagné que 2 derbies : en avril 1992 et en septembre 1995. Sinon, que des nuls et un bref passage de Lens en D2.
4 Avec 4 descentes, il est difficile de savoir si 42 points sont suffisants. Dans les faits, en fin de saison, le premier non-relégable (Rennes) se maintiendra avec 40 points.
5 Bien vu !
6 Légendes du Foot, Lille, la saga du LOSC, n°4, 2001, p. 54.
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