Posté le 14 avril 2016 - par dbclosc
4 février 2001 : le mauvais Rool pour Lens
Le 4 février 2001 par un froid soir d’hiver, le LOSC remporte le derby à Bollaert et confirme sa place de leader de la D1. Le buteur ? Cyril Rool, contre son camp.
Merci « Momo » : grâce à toi, j’ai chopé 3 places pour ce match, alors qu’officiellement, il n’y avait plus rien en vente : une pour mon père, une pour ma sœur, et une pour moi, bien sûr, ça aurait été con de distribuer les tickets et de rester chez moi. On s’est rendus à Lens en voiture. On s’est garés au vu de tout le monde, sur une place en centre-ville, déjà flanqués de nos maillots et de nos écharpes et, jusqu’à l’entrée de la tribune « visiteurs », personne ne nous a embêtés. À l’entrée dans le stade, il faut bien dire que c’est assez impressionnant : habitués de notre vieux Grimonprez, on se sentait tout petits. Les pylones et le toit sont si hauts qu’on aperçoit de la brume. Mais, à 1800, on sait se tenir chaud.
Crucifié. Qui c’est qui va passer une sale soirée ?
Le LOSC en leader
Ce match avait déjà un parfum particulier : une semaine plus tôt, Lille s’est imposé face à Saint-Etienne (4-1) et a pris la tête de la première division, une première depuis la saison 1953/1954, quand le club était entraîné par André Cheuva (si on met de côté les débuts de saison, qui ne comptent pas vraiment : par exemple, Lille était aussi leader le soir de la 3e journée, en août 2000). 47 ans après, revoilà le LOSC au sommet, alors que l’année civile avait mal démarré, avec 3 défaites consécutives (deux éliminations en coupes, et une défaite à Troyes). Pour un promu, l’exploit est de taille. Le LOSC se rend donc chez son rival préféré en leader même si, en raison de la programmation sur Canal + le dimanche soir, Nantes et Lyon ont profité des matches de la veille pour passer devant. Le match aller, en septembre, a débouché sur une victoire des Dogues (2-1) dans des conditions « vahidesques », avec deux buts marqués dans les 5 dernières minutes, et a largement contribué à lancer la dynamique de la saison : après des débuts marqués par l’incertitude (avec, notamment, deux défaites consécutives à Sedan puis face à Troyes), cette première victoire dans le derby a indiscutablement contribué à l’euphorie générale de cette saison 2000-2001, en marquant une sorte de passation de pouvoir, car Lens était co-leader du championnat avant de se rendre à Grimonprez ; après cette défaite le RCL n’a fait que chuter dans le classement. Si la saison lilloise est exceptionnelle et celle de Lens médiocre (les Lensois sont 11e avant ce derby de février), la prudence reste de mise : Lens reste ce club récemment champion de France (1998), vainqueur d’une coupe nationale (1999), et auteur d’un superbe parcours en coupe de l’UEFA (2000). Après 3 saisons en D2, à Lille, on sait d’où on vient. Et on se dit que la cohésion de l’équipe lilloise ne peut pas durer éternellement ; que ces joueurs sans expérience de la D1 vont craquer ; que les grosses écuries vont retrouver leur rang ; et qu’un derby, avec sa pression, est précisément le genre de match où tout peut se fissurer ; alors on se rend à Bollaert modestement, en profitant du rêve éveillé qu’on vit depuis 6 mois.
Raaaa, la Voix des sports me pique mon sous-titre !
Le RCL en loser
Et après tout, on sent que dans le camp d’en face, ça ne respire pas la sérénité. Le RCL va mal : l’objectif d’Europe est presque déjà inatteignable ; le club reste sur 6 matches sans victoire ; en milieu de semaine, Lyon est venu s’imposer en coupe de la Ligue : devant les caméras de France 3, Lens a offert une indigente prestation (1-3). L’entraîneur, Rolland Courbis, est de plus en plus contesté. À vrai dire, il n’a jamais non plus suscité une grande adhésion : peut-être que, quand il entraînait Marseille, l’argumentation accompagnant son refus de jouer à Lens un match de coupe de la Ligue a été mal perçue : « La pelouse de Bollaert à cette époque doit ressembler tellement à une banquise que je ne serais pas surpris d’y voir des pingouins ! ». Son caractère et ses méthodes d’entraînement (d’aucuns racontent qu’il est rarement présent et que les séances sont dirigées par Georges Tournay) semblent assez peu coller aux valeurs que le club tente de véhiculer depuis des années. À ce problème d’image se juxtapose une péripétie ponctuelle : dans la semaine, Gervais Martel a été arrêté en état d’ivresse au volant de son véhicule, et a passé une nuit en cellule de dégrisement. Si ça contribue à le rendre parfois sympathique, en période de crise, ça fait tâche (de vin). Quoi qu’il en soit, le RCL est au bord de la crise et le public attend du changement.
La réaction vient d’abord de l’entraîneur : première titularisation en D1 pour le jeune Mathieu Bucher, issu de la formation lensoise, comme pour galvaniser les supporters par un coup jouant sur la fibre locale. Autre méthode pour éviter la fronde du public : le tour d’honneur AVANT le match : en arrivant sur le terrain pour l’échauffement, les joueurs lensois ont probablement eu pour consigne de chauffer le public de cette manière. Vu du kop, ça nous a bien fait marrer car ça semblait traduire un manque de confiance et une relation public/équipe à reconstruire. En passant devant le parcage lillois, on ne l’a pas vu sur le coup, et ce sont les images de Canal + qui l’ont clairement montré : Cyril Rool nous a adressé un magnifique doigt d’honneur. Gardons ce geste, à s’en mordre les doigts, en tête pour la suite. Enfin, comme à l’accoutumée, Bollaert sait recevoir élégamment son voisin, avec une banderole tout le long de la tribune Delacourt en guise de provocation : « Bollaert : le temple du football nordiste ». C’est toujours mieux que les cercueils 4 ans auparavant, mais cette fois ça semble trahir un début de jalousie, après des années, en effet, de domination lensoise sur le foot nordiste. Eric Sikora, dont c’est l’anniversaire, est capitaine. Dans le tunnel des vestiaires, Laurent Paganelli veut paraître drôle et lui demande : « alors, on fête ça par une victoire ou une défaite ? » ; Sikora, cherchant lui aussi à manier humour et ironie, répond d’un air gêné « Oh, ben par une défaite ! ». Séquence d’une rare maladresse.
La compo lensoise : Warmuz – Sikora, Dumas, Pierre-Fanfan, Rool – Blanchard, Grozdic, Bejbl, Sibierski – Bucher, Diouf.
Côté lillois, sérénité et stabilité de mise : Vahid Halilhodzic reconduit la même équipe que la semaine précédente, à savoir :
Wimbée
Pichot Fahmi Cygan Ecker
N’Diaye D’Amico
Collot Cheyrou
Bakari Boutoille
L’arbitrage est assuré par M. Derrien.
Sur notre lancée
Globalement, le match est pauvre en occasions : Lille s’appuie sur un collectif bien rôdé mais reste prudent dans le camp adverse, tandis que les Lensois s’en remettent à leurs individualités ou tentent des frappes lointaines.
Dès la 6e minute, Bakari se trouve en bonne position face à Warmuz mais écrase son tir. Les Lensois réagissent 5 minutes plus tard avec un retourné de Sibierski directement sur Wimbée, exquisément placé. 16e minute, une tête de Diouf termine dans le petit filet : toute la tribune sur notre partie droite se lève, croyant que le ballon était entré. Spontanément, 3600 majeurs (1800 fois 2 hein) se tournent (Tony) vers elle : hé non, le ballon est à côté. C’est aussi pour des moments comme ceux-là qu’on aime le football. Le jeune Bucher, très discret, ne parvient pas à mettre le feu au stade (ah ah ah), mais envoie tout de même une bonne frappe à la 36e, au-dessus. Juste avant la mi-temps, Cheyrou n’exploite pas une situation intéressante en hésitant entre tir et centre pour Bakari : le ballon file à côté. La mi-temps est sifflée sur le score de 0-0, et ça nous va bien !
Dès la reprise, à la 50e minute, une ouverture approximative de Sylvain N’Diaye est mal appréciée par Pierre-Fanfan. Alors que Warmuz semble confiant sur la capacité de son défenseur à contrôler le ballon, Boutoille profite de l’hésitation et centre aux six-mètres vers Bakari et Collot. Rool se jette et marque contre son camp, prouvant qu’il se sert mieux de ses doigts que de ses pieds. Le but sur Fréquence Nord :
La suite du match n’est que faible domination stérile des lensois : Wimbée est vigilant sur les frappes lointaines de Dumas (53e), Moreira (54e), et Sibierski (69e). Et c’est même le LOSC qui aurait dû bénéficier d’un pénalty pour un accrochage entre Bakari et Pierre-Fanfan, après que Dagui, se croyant hors-jeu, balance bêtement un ballon en tribunes alors qu’il était seul face à Gugusse. Ce même Gugusse qui évite le 0-2 en repoussant la frappe de Sylvain N’Diaye (79e). Les entrées en jeu de Pignol, Sterjovski et Peyrelade ne modifient pas l’équilibre lillois. Lorsque Bruno Cheyrou, sous nos yeux, temporise auprès du poteau de corner dans les arrêts de jeu, on sait que c’est gagné : Lille s’impose à Lens pour la première fois depuis 1989, et engrange donc 6 points sur la double confrontation face à Lens. Lille conserve la tête et Lens passe 13e. L’infographie de France Football ci-dessus, sur l’excellent modèle « dissection de ballon », à laquelle nous avons ajouté notre petite touche personnelle, accable Cyril Rool. Plus haut, la feuille de match du même magazine omet de signaler que, outre le total des notes, qu’on gagne 37 à 32, on gagne aussi le total des numéros de maillot par 193 à 150, grâce à un milieu de terrain bien fourni. On a posté un résumé du match ici, et à voir ci-dessous :
Un bel after
Les supporters lillois peuvent sortir leur banderole « Messieurs les 13e, saluez votre leader ». Le stade Bollaert n’a même pas la force de siffler ses joueurs, alors qu’il l’avait fait 4 jours auparavant. Pendant plusieurs minutes, les joueurs lillois font une grosse fête devant le parcage, alors que le stade se vide. La bonne humeur est au rendez-vous : à Laurent Paganelli qui remarque que cette équipe lilloise ressemble à son entraîneur, Bruno Cheyrou répond « ben, j’espère pas physiquement… ». Même Louisette vient nous tendre un pouce depuis sa tribune, ce qui est bien plus poli qu’un majeur : malheureusement, cette démarche amicale n’est saluée que par « et Louisette, et Louisette, et Louisette est une s… ». Pas cool. Une demi-heure plus tard, seuls résonnent les « Martel, une Tourtel ! » : ça, c’est plus rigolo et davantage dans l’esprit d’un derby. En sortant du stade, les CRS nous escortent un bon moment sur un chemin excentré, histoire de s’assurer qu’on évitera de mauvaises rencontres. En passant à proximité d’habitations, on aperçoit un type assez âgé, sur le pas de sa porte, sans doute alerté par le bruit, en pyjama. Bien mal lui en a pris : tout le monde se met à chanter « Pyjama, pyjama, pyjamaaaa…!». Penaud, le type rentre chez lui. C’est aussi à la faculté à faire chanter absolument n’importe quoi qu’on reconnait les soirs de victoire. Cerise sur l’Hitoto : après une nouvelle défaite à Strasbourg 3 jours plus tard, Rolland Courbis est viré.
♫ Accroche tes mains à N’Diaye, c’est Bakari qui redémarre ♫
♫ En voiture les défenseurs, D’Amico est un footballeur ♫
Les réactions d’après-match révèlent à quel point l’équipe lilloise allie travail et plaisir. D’un côté, sa rigueur tactique, parfois critiquée, est payante, comme le souligne Pascal Cygan :
« Nous nous sommes toujours efforcés de garder en mémoire les consignes données en début de saison. Même si elles ne plaisent pas à tout le monde. Et cela a encore payé aujourd’hui. D’autant que chaque derby est une épreuve et que mentalement, c’est terrible. La pression sur les épaules est évidemment décuplée. Mais en allant porter le pressing plus haut, nous avons réussi à bousculer des Lensois volontaires et saisir l’opportunité qui s’est présentée à nous ». De l’autre, le club récolte avec bonheur les fruits du travail effectué depuis 3 saisons. Stéphane Pauwels, « coordinateur » du LOSC, explique : « même le coach n’a pas arrêté de plaisanter toute la journée ». Avec une certaine incrédulité, Djezon Boutoile déclare : « Nous avons connu une entame difficile, nous étions un peu en dedans, la plupart des gars n’avaient jamais joué devant 45 000 personnes. Les Lensois étaient obligés de gagner, nous étions venus avec l’espoir de prendre les 3 points. Sur le long terme, je ne sais pas si on peut rivaliser avec des équipes comme Lyon. On va se réunir pour faire le point, savourer ces bons moments. Ce soir, je suis vraiment heureux, notamment pour tous ces gens qui nous ont suivis ici et qui vont se lever heureux demain matin pour aller travailler ». Le LOSC est en route vers l’Europe, et les « vieux » qui avaient déjà joué à Bollaert avec le maillot lillois (Boutoille, Collot, Cygan) ont pu mesurer ce soir là l’étendue du chemin sportif accompli en quelques années.
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