Posté le 25 mai 2016 - par dbclosc
Rupture de banc. Retour sur les années 1980 où les effectifs étaient beaucoup moins fournis.
Aujourd’hui, tout club de L1 a dès le début de saison un effectif de joueurs de grosso modo une bonne vingtaine de joueurs considérés comme pouvant jouer. En gros, on double chaque poste. Bien sûr, selon les moyens, le niveau des joueurs n’est pas le même, mais il est une constante de disposer d’un effectif en quantité importante composé de joueurs confirmés ou, a minima, de jeunes jugés aptes à disputer le haut niveau.
Il y a 25 ou 30 ans, c’était très différent. La norme était de composer un onze-type (à partir de onze types) et de se constituer une réserve, d’ampleur variable, mais dont la norme était d’environ cinq à six joueurs. En gros, on n’avait pas deux joueurs par poste comme aujourd’hui, mais plutôt un joueur et demi (ou trois pour deux si tu préfères, on découpait pas les joueurs, hein, même si c’était une époque barbare).
Le LOSC de la fin des années 1980, c’est ça. Pour te donner une idée de ce que ça veut dire, sache que le LOSC a débuté la saison 1986-1987 avec seulement cinq défenseurs dans son effectif quand, en 2015-2016, le club en disposait de huit.
Des effectifs beaucoup plus réduits, cela expose les clubs à des difficultés certaines en cas d’aléas. Les clubs doivent alors bien calculer, pour ne pas se planter dans le recrutement et pour trouver les joueurs polyvalents en cas de blessure. La preuve que c’est difficile avec l’exemple du LOSC 1988-1989.
De la difficulté à faire avec les aléas quand on a un effectif réduit
Été 1988. Le LOSC a bien terminé la saison précédente même si son calamiteux début de saison l’a empêché de finir au-dessus de la 11ème place. L’effectif de la saison 1987-1988 apparaît bien équilibré, avec deux gardiens, six défenseurs, six milieux de terrain dont deux offensifs et trois attaquants. En gros, il y a un joueur et demi par poste, un bon équilibre.
L’objectif est de conserver l’ossature de l’équipe qui reste sur une bonne dynamique. Rudi Garcia s’en va à Caen, mais il avait peu joué la saison précédente. Jean-François Daniel et Jean-Luc Ribar laisse vide la place de meneur de jeu, mais leur impact limité la saison précédente – quoique Ribar arrivé en cours de saison ait montré des choses intéressantes – laisse penser qu’il ne devrait pas être trop difficile de trouver un remplaçant équivalent. José Pastinelli s’en va, mais il jouait à des postes – défenseur central ou milieu défensif – a priori assez bien pourvus. Seul le départ de Dominique Thomas, l’indiscutable titulaire au poste d’arrière-droit, parti chez le vice-champion de France bordelais, apparaît comme un joueur difficile à remplacer.
Sur la légende, deux joueurs ont été inversés sauras-tu trouver lesquels ?
Le recrutement traduit pourtant un changement dans l’équilibre de l’effectif. Au poste de milieu offensif, seul le Rennais Philippe Barraud arrive en provenance de Rennes et apparaît un peu tendre pour endosser le rôle de meneur titulaire. En défense, un autre Rennais, Alain Doaré arrive en lieu et place de D. Thomas. Da Silva vient densifier le milieu de terrain déjà pourvu d’Angloma, Fiard et Périlleux. Le jeune Roger Boli arrive en prêt d’Auxerre et complète une attaque qui a fière allure avec Desmet, Vandenbergh et Mobati, ce dernier restant sur une extraordinaire seconde partie de saison 1987-1988, ponctuée de 13 buts, dont 3 en coupe.
L’effectif est très intéressant, mais l’équilibre des postes n’est pas parfait puisque seuls cinq défenseurs sont présents pour quatre places, ce qui apparaît un peu léger. Mais, après tout, l’équipe de 1986-1987 en avait autant et a géré cela sans encombre. De plus, Jocelyn Angloma a déjà joué – plutôt bien – latéral droit la saison précédente, quand Thomas était absent. Le milieu de terrain semble suffisamment fourni mais peut-être insuffisamment équilibré puisque seul Barraud, encore peu confirmé, peut jouer milieu offensif. L’attaque est en revanche le point fort de l’effectif.
La saison commence bien avec une victoire à Laval (1-2) puis une autre, à l’arrachée, contre l’OM de Bernard Tapie (2-1). Le remplacement de Doaré par Prissette au poste de latéral droit dès la journée suivante montre les doutes de Heylens quant à ce poste : Eric Prissette, qui disait lui-même en 2014 qu’il était un joueur « moyen, limité techniquement » n’est en effet pas une assurance à ce poste, ce qui montre les limites de l’effectif derrière. Cinq journées plus tard, pour un seul point pris et deux buts marqués, les limites de l’effectif semblent se complexifier. Le match de Cannes (7è journée) confirme les carences défensives de l’effectif : privé de Buisine suspendu et de Zappia blessé, Heylens se résout à aligner une défense expérimentale Galtier, Doaré, Prissette avec le jeune et inexpérimenté Soumah. Mais, les derniers matches ont surtout mis en lumière le manque d’un meneur faisant le lien entre le solide milieu de terrain et l’attaque, le jeune Barraud étant peut-être un peu limité.
Période étrange où Lille dispose d’un effectif de joueurs confirmés mais d’un équilibre instable. Les problèmes se confirment les journées suivantes avec le besoin d’un meneur mais aussi de soucis en défense. L’arrivée du joker, en l’occurrence Abédi Pelé, est une très bonne nouvelle car le LOSC vient de recruter le joueur parfait au poste de meneur. Mais l’équipe alignée le jour de ses débuts, lors de la 12è journée, montre bien les problèmes rencontrés par l’effectif : privés de Galtier, Buisine et Doaré, Heylens aligne une défense très expérimentale : Angloma qui descend côté droit, Zappia, Prissette et le quasi-novice David Guion. Et il manque également Vandenbergh et Desmet blessés. Une belle hécatombe en fait. Donc, ce 0-0 contre Toulon, ça n’est finalement qu’un moindre mal.
Lille n’a alors marqué que cinq buts sur les neuf derniers matches et se retrouve 15ème au classement, très loin de ses ambitions initiales. Mais les Dogues ont alors mangé leur pain noir. Les blessés reviennent très vite, à l’exception de Buisine, qui manquera plus de quatre mois, et Lille enchaîne : sur les 7 matches suivants, Lille gagne 5 fois, fait un nul et s’incline une fois, marquant 14 buts pour 5 encaissés. A la fin des matches aller, le LOSC se retrouve septième.
A ce stade, l’effectif lillois a enfin trouvé sa cohérence : « forcé » d’aligner le jeune David Guion, Georges Heylens y trouve une nouvelle solution, David faisant mieux que sauver les meubles. Buisine revient bientôt, et Lille se trouve alors avec un effectif au complet, composé de deux gardiens, six défenseurs, six milieux de terrain dont deux offensifs et quatre attaquants. Les Lillois se maintiennent avec une belle constance aux alentours des septième et huitième places, pour finir huitième, son meilleur classement depuis 1979. Et pourtant, ce classement final peut laisser un peu d’amertume, car il y avait la place pour faire (un peu) mieux.
Le bal des occasions manquées (intertitre qui a reçu le « label qualité des publicitaires »)
Lille termine donc huitième. Mais à seulement un point du sixième et avec un même goal-average. Autrement dit, il aurait suffi de marquer un but de plus lors de l’un des matches non gagnés (sauf pour les défaites par deux buts d’écart contre Metz, Monaco et Sochaux) pour que Lille se retrouve deux places plus haut. A un cheveu, quoi.
Sérieux ? Huitième avec cette équipe ?
A y regarder de plus près, on se dit que ce classement est somme toute modeste au regard de la qualité de l’effectif qui termine la saison et que l’on peut aussi bien chercher les causes de ceci dans certains facteurs difficiles à maîtriser que dans ses propres occasions ratées.
On l’a souligné, le LOSC a rencontré des difficultés en début de saison en raison des blessures en défense et de l’absence d’un meneur de jeu efficace. Si cela tient en partie à un facteur que l’on nommera le « facteur pas-de-bol » pour aller vite, on peut également pointer quelques choix stratégiques discutables. En effet, si l’occurrence de blessures concentrées sur un poste spécifique a quelque chose de rageant, on peut tout de même souligner que c’est en partie la conséquence d’une stratégie raisonnée : Lille aurait sans doute pu recruter un défenseur supplémentaire plutôt qu’un milieu de terrain ou un attaquant, postes qui ont moins souffert des blessures.
Le cas du meneur de jeu est également particulier. Les Lillois ont débuté sans réel meneur si ce n’est l’inexpérimenté Barraud. A posteriori on peut certes regretter que Pelé ne soit pas arrivé plus tôt. Mais il n’y a rien d’évident à ce que ce transfert ait pu se faire dès le début de saison : c’est aussi parce qu’il constate qu’il joue peu à Marseille que Pelé veut s’en aller et qu’il est prêté à Lille. Recruter plus tôt, ça aurait certainement voulu dire recruter un meneur de moins bonne qualité. Alors, certes, on a manqué d’un bon meneur en début de saison. Mais c’était peut-être la condition sine qua non pour en avoir un de cette qualité pendant les deux-tiers de la saison.
Au croisement du « facteur pas de bol » et de la responsabilité dans ses propres échecs, le cas du match contre Caen lors de la 27ème journée est un bel exemple. Ce soir-là, nos Dogues obtiennent trois pénaltys dans un match qu’ils dominent outrageusement. S’ils transforment le premier, ils échouent sur le second, Montanier arrêtant le tir de Mobati ainsi que la reprise de Desmet, ainsi que le troisième, de Desmet. Le hic c’est que, entre les deuxième et troisième pénos, les Caennais ont égalisé. Un peu de la faute aux joueurs – parce qu’un but ça se met – on peut quand-même se dire que Montanier a fait ce soir-là le match de sa vie.
Et puis, enfin, la faute à une fin de saison mal gérée. A trois journées de la fin, le LOSC est septième, deux points devant Nice qui a un calendrier bien chargé, quand Lille n’a plus comme adversaires que Strasbourg, le Matra Racing et Laval, soit trois des cinq équipes larguées en bas de classement. A priori de quoi cumuler pas mal de points. Or, si les Lillois font le festival contre Laval lors de l’ultime journée (8-0), ils s’étaient inclinés la semaine précédente contre le Matra (1-0) et s’étaient résolus au partage des points à domicile contre Strasbourg, eux qui s’étaient imposés deux fois en Alsace cette saison-là, au match aller (1-3) et en coupe de France (0-3).
Bref, la somme de tous ces détails a fait que le LOSC de cette saison-là, une équipe très séduisante et parfois emballante, a terminé huitième, là où une quatrième place apparaît tout à fait à sa portée.
Le parcours en coupe de France
Le parcours en coupe cette saison-là est à l’image du championnat : parfois d’une efficacité glaciale, les Dogues peuvent rater le plus facile. Ils passent ainsi les 32ème de finale grâce à une victoire cinglante à la Meinau contre Strasbourg (0-3), puis assurent dès le match aller des 16ème leur qualification pour le tour suivant en écrasant Rouen (4-0), s’autorisant à jouer pépère – et à perdre 1-0 – le match retour.
Et puis arrive Mulhouse, un adversaire dont Lille devrait ne faire a priori qu’une bouchée : impuissant à domicile (0-0), les Lillois s’inclinent au retour (3-2) après avoir accusé un retard de trois buts après une bonne demi-heure de jeu.
Mais revenons à nos moutons …
Back to our sheep
Bref, la saison 1988-1989 s’achève. Georges Heylens quitte le club, remplacé par Jacquot Santini. Une nouvelle saison commence avec la même interrogation : comment former un effectif cohérent avec seulement 16 ou 17 joueurs confirmés ?
Dix-neuf joueurs en comptant les jeunots
A priori, ça devrait être faisable pour Jacquot. Il garde alors ce qui est peut-être le « meilleur milieu de France », avec Pelé, Périlleux, Angloma et Fiard, sans oublier Victor Da Silva. Derrière, Zappia et Buisine s’en vont, mais Doaré, Guion, Galtier et Prissette restent. Sans compter le jeune Decroix qui a fait de premières apparitions assez satisfaisantes. Lama s’en va. Et devant, Boli retourne de son prêt à Auxerre quand Desmet retourne en Belgique. En gros, il manque un gardien, un ou deux défenseurs, éventuellement un milieu, et un ou deux attaquants.
Dans les buts, c’est Jean-Claude Nadon qui arrive de Guingamp. Un choix qui s’avérera judicieux. Derrière, Dominique Thomas revient au bercail, et Jakob Friis-Hansen arrive. Au milieu, Frédéric Lafond vient pour jouer les doublures au poste de milieu offensif. Devant, c’est Patrice Sauvaget qui arrive d’Angers.
L’effectif semble très cohérent et pouvoir poursuivre l’œuvre de la saison précédente. Seule l’attaque apparaît un peu affaiblie, puisqu’elle perd Desmet et son supersub Boli qui sont remplacés par le seul Sauvaget, un attaquant pas particulièrement prolifique de D2. Sauf qu’en fait, ça pas été terrible …
Alors, soyons clairs, ça a couillé, mais ça n’est pas la faute au milieu de terrain. Pelé est resté fidèle à lui-même, Périlleux a été le joueur de champ qui a récolté le plus d’étoiles France Football de toute la D1, Fiard a fait du Fiard, et Angloma de l’Angloma, voire mieux, mais à part ça, ça a été compliqué.
D’abord devant : dès le début de saison, Vandenbergh, orphelin de Desmet, veut partir. Son transfert pour Malines avorte finalement et il est réintégré mais avec des pieds de plomb qui ne le quitteront pas de l’année. Mobati est pour sa part rapidement en froid avec Santini et se retrouve vite placardisé puis transféré à l’arrivée de l’hiver. Devant, le LOSC a alors fait l’essentiel de sa saison avec Sauvaget et un quart de Vandenbergh.
Derrière, David Guion n’a pas confirmé sa saison précédente, Dominique Thomas a été à des années lumières de celui qui arpentait le couloir droit de la défense lilloise avant son départ de 1988, Friis-Hansen est encore alors très loin d’être convainquant et Prissette et Doaré sont placardisés. Bref, des six cadres initiaux de la défense, deux ne jouent plus et seul Galtier tient à peu près son rang. Nadon fait pour sa part ce qu’il peut, ce qui est quand-même moins que Lama …
Lille finit 17ème, à un cheveu de barragiste. Les paris osés dans la construction de l’équipe apparaissaient a priori tous légitimes. Et pourtant, sur chacun d’entre eux, au moins à court termes, ça a été la plantade totale et magnifique. Mais pouvait-on vraiment prévoir tous ces plantages ? On sait qu’il y a toujours un joueur un peu moins bien une saison donnée. Il était en revanche plus difficile d’anticiper que cela concernerait cette saison-là à la fois D.Thomas, J.Friis-Hansen, David Guion, Erwin Vandenbergh et Gaston Mobati. Et quand on a un effectif de 16 ou 17 joueurs, on ne peut que se planter quand de tels talents se plantent.
Bref, ça pouvait être compliqué, ça avait un gros côté « bricolage », mais c’était finalement plutôt sympathique …
5 commentaires
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25 mai 2016
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JGabba a dit:
Ha oui aussi le Lille-Laval du 8-0 avec but de Lama sur pénalty.
Et tous (enfin on n’était pas des masses) les supporter en Secondes qui vont en face pour la seconde mi temps…
Un autre temps.
Ps: de mémoire il traine une vidéo où on voit bien tout ça.
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25 mai 2016
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dbclosc a dit:
Oui la vidéo de 8-0 contre Laval se trouve sans difficulté (je crois sur Dailymotion). D’ailleurs Lama est celui qui a le meilleur taux de réussite sur péno cette saison là : 100% (1/1) contre 67% à Mobati et Desmet (2/3) et 50% à VDB (2/4). Soit 11 pénos au total !
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25 mai 2016
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JGabba a dit:
Pour le 1er poster (que j’avais dans ma chambre):
Angloma et Mobati inversés?
Une des plus belle équipe qu’on ait eu cette année là, du beaux jeux, Heylens, Desmet, VDB, mobati… quasi l’Europe, à la dernière journée si je ne dis pas de bêtise.
Dernière belle année avant la lente chute vers la D2…
Heylens, entraineur n°1 des années 80-90.
Sacrés souvenirs!
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25 mai 2016
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dbclosc a dit:
Bonne réponse pour Mobati et Angloma !
Belle équipe en effet : non, pour l’Europe raté à la dernière journée c’était 90-91. Pas la plus belle équipe cette saison 90-91, mais une sacrée abnégation dans un contexte pas évident !
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26 mai 2016
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JGabba a dit:
Bien vu l’aveugle, avec le temps les souvenirs se mélangent!