Posté le 28 mai 2016 - par dbclosc
Lille 1965-1967 : la « André Guy dépendance » ?
Il y a un nouveau thème de polémique très con qui a été lancé il y a quelque temps dans la presse footballistique, c’est celui de la « quelqu’un dépendance ». Je te résume : en gros, il s’agit de souligner que quand un joueur particulièrement bon est absent, son équipe marche moins bien. Il en découle des polémiques du genre : « mais tu te rends pas compte ! Ils ont fait une grave erreur en le prenant, parce que quand il est pas là, leurs résultats sont moins bons ! ».
Ce à quoi t’as envie de répondre : « non ? Sans rire ? Quand tu recrutes un super joueur, ton équipe elle a de meilleurs résultats avec lui que sans lui ? » (Bordel, c’était donc à ça que ça sert de recruter de bons joueurs ! Avoir de meilleurs résultats avec eux que sans eux !). Et, au passage, d’un coup tu comprends vachement mieux le petit gamin bourge qui était privé de piscine privée par ses parents et qui était triste : c’est parce qu’il était piscine-privée dépendant ! Et en fait, tu te dis d’un coup, les riches ils ont pas d’bol.
La polémique a quand-même de quoi faire un peu rigoler. Les mecs – parce que c’est surtout des mecs qui viennent commenter ça – ils arrivent à te trouver des problèmes là où il n’y en a pas, c’est terrifiant. Rappelle-toi, en début de saison, on a eu droit à cette polémique avec Sofiane Boufal. On nous a mis en garde contre la « Boufal dépendance ». Tu remarqueras en plus que, vu nos résultats de l’époque, on avait quand-même un peu de mal à croire dans la « Boufal dépendance » : franchement, sans lui, je suis pas persuadé qu’on aurait fait une entame bien plus pourrie (1).
En plus, quand tu regardes les résultats du LOSC, la Boufal dépendance ne s’est pas trop vérifiée. Avec Sofiane titulaire, le LOSC a pris 1,48 point par match. Sans lui, 1,82 (2). Alors, à part vendre du papier, les polémiques sur la « Boufal dépendance », je vois pas trop à quoi ça sert.
Bref, tout ça pour dire que y’a pas de raisons. Si certains vendent du papier sur la « quelqu’un dépendance », pas de raison qu’on n’en profite pas. D’où ce papier sur la « André Guy dépendance » du LOSC entre 1965 et 1967.
André Guy, le buteur coquet aux 46 buts en 2 ans
André Guy arrive au LOSC en 1965, de Saint-Etienne où il vient d’inscrire 45 buts en deux saisons. Il a 24 ans, et 3 sélections et un 1 but avec les Bleus. Incontestablement, c’est une bonne pioche pour les Lillois qui viennent de terminer à la 9ème place du championnat pour leur première année en D1 après la remontée. Soit dit en passant, il ne sera pas de trop, puisque le LOSC vient de perdre son trio Ehrardt-Magny-Lachot auteur de 37 buts en 1964-1965.
Bienvenue André … enfin Guy … enfin … pfff … je sais plus à la fin …
Au LOSC, Guy marquera 22 puis 20 buts. Il reste à ce jour le dernier joueur à avoir atteint la barre des 20 buts en une saison deux fois de suite avec le LOSC, même s’il est vrai que Pierre Pleimelding fût ensuite tout proche de cette performance. 42 buts en deux championnats, et 4 en coupe de France, André marque près de la moitié des buts de son club sur la période, soit exactement 46 sur 110 (42%).
La « Guy dépendance » 1
Forcément, avec une telle importance dans le total de Lille, Guy est nécessairement le joueur dont un club est un peu dépendant : avec lui, ça sera particulièrement vrai. Sur les 34 journées au cours desquelles il marque au moins un but, le LOSC gagne à 22 reprises, pour 2 nuls et 10 défaites ; quand il ne marque pas, Lille gagne seulement 5 fois, fait 12 nuls et perd 25 fois. Quand André marque, le LOSC gagne dans 65 % des cas (et prend 1,35 pts/match), mais seulement dans 12 % des cas (0,52 pt/match) quand il ne marque pas.
D’ailleurs, cet article de l’époque te montre que cette question de la Guy dépendance, on se la posait à l’époque, mais sous d’autres termes.
Certes, c’est logique que Lille gagne plus quand son buteur marque. Mais le contraste est cependant particulièrement marqué. A titre de comparaison, depuis que Boufal est arrivé au LOSC, les Dogues ont gagné 58% des 12 matches au cours desquels il marque (2 pts/match) et 43 % des autres (1,53 pts).
La « Guy dépendance » 2
Autre illustration de la « André Guy dépendance » du LOSC :
Le 19 mars 1967, des buts des deux André (Guy et Houen) donnent la victoire au LOSC dans le derby contre Lens. A dix journées de la fin, les Dogues se retrouvent quatrièmes, soit leur meilleur classement depuis 1958.
C’est à ce moment qu’André, mais pas que lui, commence à cafouiller : il ne marque qu’un seul but lors des 10 dernières journées et cela se ressent dans les résultats de son équipe : Lille ne gagne qu’un match (le jour de son dernier but) contre Monaco, fait trois 0-0, et s’incline 6 fois, marquant 4 fois pour 16 buts encaissés. Lille perd à Sedan (4-1), contre Bordeaux (1-2), à Nantes (4-0) puis retrouve le chemin de la victoire contre Monaco (2-1). Lille se retrouve alors 6ème, et le 3ème est à quatre longueurs. Restent alors à jouer Valenciennes (11è), le Stade Français (dernier), Sochaux (13è), St-Etienne (1er), Nîmes (17è) et Rennes (12è). Sauf avec le leader stéphanois, le tableau apparaît alors assez dégagé : Mais Lille échoue à Valenciennes (0-3), contre la lanterne rouge (0-0), à Sochaux (0-1), contre le leader (0-1) comme contre les Nîmois (0-0) et les Rennais (0-0).
Le dernier buteur lillois est André Guy, 607 minutes avant la fin de cette saison. Lors de la première journée de la saison suivante, Claude Petyt mettra fin à la série après 63 minutes de jeu. André Perrin vient de Lyon pour remplacer André Guy. Il marque 9 buts (dont 4 en 5 matches sur les 7 premières journées). André Breuval arrivera aussi, d’Abbeville. Il inscrira 4 buts.
Est-ce que c’est vraiment une si bonne idée que ça d’échapper à la « Guy dépendance » ?
Donc, bon, voilà : oui, c’est vrai, le LOSC était un peu « Guy dépendant », mais franchement, on va pas s’en plaindre, ça veut dire qu’on avait André Guy à l’époque. Comment aurait-on pu éviter cette « Guy dépendance » ? Pour te l’expliquer, j’ai imaginé un dialogue entre Jean Denis et Jules Bigot, respectivement président et entraîneur du LOSC en 1965.
Jean Denis : Wesh, Jules. Bien ? Là j’ai un bon contact avec André Guy, il pourrait signer pour nous.
Jules Bigot : Pfiou ! Pfiou ! Pfiou ! je sais pas … si on le prend, il va nous marquer plein de buts, je sais pas si c’est une bonne idée …
JD : hein ?
JB : Ben oui, s’il marque plein de buts, on va se retrouver « Guy-dépendant » et après, si on se retrouve avec un gars genre Perrin à sa place, ça va faire mal.
JD : …
JB : en plus, avec André Houen, on a déjà un André devant, ça ferait deux André, ça serait le bordel quand un joueur crierait « passe à André ! » ou « t’as André sur le côté ! » …
JD : Ah ouais, t’as ptet raison. Je fais quoi alors ? Je prends tout de suite Perrin ?
JB : Ouais, c’est mieux, comme ça on prépare bien la D2.
JD : Ouais, c’est vrai que André Guy pour préparer la D2 c’est pas terrible.
JB : Tope-là président ! Au fait, c’est quoi son prénom à Perrin ?
JD : Ben … André …
JB : euh … ben, oublie mon argument sur les André alors.
Voilà, voilà … comme quoi, c’était possible d’éviter la « Guy dépendance ».
(1) Après 12 journées, seul un but lillois avait été marqué par un autre joueur que Boufal. Franchement, vous vous imaginez vraiment que si on l’avait pas eu on se serait coltiné une moyenne de 1 but tous les 12 matches tout au long de la saison ???
(2) Même si on ne retient dans le décompte que les matches où Boufal n’a pas joué du tout, la moyenne reste de 1,55 points/match sans lui.
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