Posté le 31 mai 2016 - par dbclosc
Aux origines du LOSC (1/4) : Comment le LOSC s’est fait un nom
Lille Olympique Sporting Club. Tu ne t’es jamais dit que ça sonnait bizarrement ? Qu’aucun autre club de foot n’avait pareille appellation ? Entre stratégie sportive mondiale, régionale puis locale, développement du football comme sport de masse, influence anglaise et conséquences de la seconde guerre mondiale, retour sur les origines d’un nom pas très commun.
C’est bien connu : le Lille Olympique Sporting Club est né le 10 novembre 1944. Il est le résultat de la fusion de deux clubs voisins et longtemps ennemis : l’Olympique Lillois et le Sporting Club Fivois. Mais ça ne nous dit pas encore grand chose de ces dénominations assez incongrues. L’histoire de la dénomination du LOSC passe donc d’abord par l’histoire de la dénomination de ces deux clubs.
Une ville en forme olympique
On sait que la ville de Lille était candidate pour l’attribution des Jeux olympiques d’été de 2004. Finalement préférée à Lyon (piteusement éliminée par la suite), Lille n’a pas vu les JO, mais l’histoire de son club de football y est très lié. L’Olympique Lillois (OL), l’un des ancêtres du LOSC, a été créé en 1902, un temps que les moins de 120 ans ne peuvent pas connaître. À sa tête, André Nicodème, initialement président de L’Iris Club Lillois, un club omnisports (mais principalement centré sur le rugby) déclaré en Préfecture le 10 Octobre 1898, que l’OL ne tarde pas à absorber, dès 1907. Originellement, l’OL est donc une sorte de superstructure (comme aurait pu dire K.Marx) qui comprend, entre autres, un club de football du même nom. Mais il existe d’autres sections sportives au sein de l’OL, dont certaines ont d’ailleurs été championnes de France dans l’entre-deux-guerres (hockey sur gazon dans les années 1920, basket-ball – sous statut amateur – dans les années 1930), ou championnes du Nord (rugby à XV dans les années 1920). L’OL rejoint très rapidement l’Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA), fédération omnisports fondée en 1887, initialement consacrée à l’athlétisme, puis ouverte à d’autres sports dès 1889, puis au football en 1894. Si les équipes lilloises se regroupent sous l’appellation olympique, c’est parce que les premiers jeux olympiques modernes, très récents (initiés en 1894 par Pierre de Coubertin et réalisés en 1896 à Athènes), organisés sous l’égide d’une nouvelle organisation, le Comité international Olympique, s’appuyant lui-même sur les fédérations nationales naissantes, sont le premier événement international majeur consacré au sport, et les structures qui se mettent en place dans son sillage reprennent cette appellation, le but ultime d’une carrière sportive étant alors considéré comme étant une participation aux Jeux Olympiques. L’USFSA, en collaboration avec le CIO, organise ainsi les Jeux Olympiques à Paris en 1900.
Surtout, parmi les premiers dirigeants de l’OL figure un certain André Billy dit « L’Empereur » et non « The Kid » (ci-contre), administrateur de la Compagnie Française de Stérilisation des Farines (ne nous demandez pas ce que c’est, mais c’est sans doute très prestigieux), et haut fonctionnaire, conseiller au commerce extérieur de la France. Il prend le titre de président de l’OL en 1907 mais, avant cela, Billy a été le premier vice-président de l’USFSA, ce qui a grandement facilité l’intégration de l’OL dans la dynamique « olympique ». L’USFSA disparaît en 1920 et se divise en fédérations unisports telles que nous les connaissons aujourd’hui. Suite à une brouille avec Henri Jooris, les deux dirigeants manquent de se battre en duel et, finalement, Billy fonde un autre club, le Club Lillois, en 1910 : retenez bien ce nom, car on n’en a plus jamais entendu parler.
Il faut donc comprendre la dénomination d’Olympique lillois dans ce contexte d’émergence et de structuration du sport au niveau mondial et de l’élan suscité par l’enthousiasme autour de la rénovation des Jeux Antiques. C’est cet adjectif que l’on retrouve aujourd’hui au sein du Lille Olympique Sporting Club.
Bienvenue au sporting club
Si l’OL est multisports, c’est particulièrement sur le football que les dirigeants concentrent leurs efforts : ce sport est en effet en plein essor dans la région, avec notamment les créations du Racing Club de Roubaix en 1895, de l’Union Sport de Tourcoing en 1898, de l’Amiens Athlétic Club, du Sporting Club Fivois et du Racing Club d’Arras en 1901, puis du Racing Club de Lens en 1906. À la même période, la Fifa, dont le but est de gérer et de développer le football dans le monde, est créée (1904).
Si elles ne nous posent pas spécialement question aujourd’hui tant elles paraissent naturelles, on peut toutefois s’interroger deux minutes sur ces dénominations : pourquoi donc des équipes françaises incluent-elles dans leur nom officiel des « club », « racing », « sporting », ou « athlétic » ? Comme c’est le cas de nombreux équipes de football créées à cette époque, les dénominations révèlent une forte influence britannique, terre d’origine du football (qui, rappelons-le tout de même, est un terme anglo-saxon), et la volonté de ces nouveaux clubs de s’aligner sur les modèles de l’époque qu’étaient le Racing club de France au niveau national et le Racing Club de Roubaix au niveau régional, parmi les premiers à avoir adopté l’appellation « racing ». C’est de cette manière qu’il faut comprendre l’origine des RC Lens, Strasbourg (1906), ou de Toulon, en rugby (1908). C’est aussi dans cette logique d’anglicisation qu’il faut comprendre le nom du Sporting Club Fivois (SCF), deuxième ancêtre du LOSC. Le SCF avait pourtant initialement choisi une terminologie « française », en se dénommant éclair fivois à sa création en 1901, grâce au soutien de la Société Anonyme des automobiles Peugeot, devenue Compagnie Lilloise des Moteurs en 1928.
L’apparition du mot « club », utilisé « comme second élément de substantifs composés », est aussi liée à l’influence britannique : le CNRTL raconte que l’un des sens qu’on donne aujourd’hui à ce mot (« association à caractère sportif ou à but touristique ») est issu du mot anglais désignant de façon chic un « cercle aristocratique » ou « une association dont les membres ont des goûts, des intérêts ou un but communs », dont on ne trouve pas trace en France avant la fin du XIXe siècle. Le « sporting club » de Fives se retrouve également aujourd’hui dans le Lille Olympique Sporting Club.
Du bon voisinage à la rivalité
Voilà pour une brève histoire de la dénomination des deux clubs qui fondent le LOSC. De leur création à leur fusion, les deux clubs ont connu des fortunes diverses, et ont aussi été de grands rivaux, parmi la pléthore de clubs régionaux qui se sont affrontés.
Dans les années 1900 à 1930, l’OL domine largement son voisin – et pas encore rival – fivois, qui n’émerge régionalement qu’en 1914, quand il rejoint le championnat Nord de la Fédération cycliste et athlétique de France. Entre-temps, l’OL a déjà pu se distinguer en allant en finale de coupes nationales aujourd’hui disparues (la coupe Manier, la coupe Sheriff Dewar) ou en participant à un ancêtre de coupe d’Europe, le challenge international du Nord, avec des Belges, des Néerlandais et des Suisses. Cependant, l’OL est lui même dominé dans la région par le RC Roubaix et l’US Tourcoing, qui raflent tous les titres du championnat du Nord et quelques titres USFSA dans les années 1900. Les deux décennies suivantes voient la consécration de l’OL , considéré comme le meilleur club de France avant-guerre, avec notamment un titre de champion de France USFSA (1914), un Trophée de France (1914 également), il poursuit sur sa lancée en étant champion du Nord à trois reprises (1921, 1922, 1929) et vice-champion régional quatre fois (1920, 1923, 1924, 1928). La légende raconte que, les soirs de victoires footballistiques de l’OL, le café Bellevue sur la Grand-Place (dont il ne reste aujourd’hui que la partie faisant hôtel, au-dessus du Furet), dans lequel le président Henri Jooris (ci-contre) avait quelques affaires, hissait un drapeau aux couleurs du club, rouge et blanc. De son côté, le SC Fives est champion de PH du Nord à quatre reprises, mais il ne s’agit que de la deuxième division régionale.
Tout s’accélère en 1932 : alors que le SCF vit toujours dans l’ombre du géant lillois, le professionnalisme est instauré dans le football. Le président lillois, Henri Jooris, hésite : il sait que cette évolution est inéluctable (d’ailleurs, il paye déjà ses joueurs depuis des années) mais, d’un autre côté, la ligue du Nord s’y oppose ; or, Jooris en est aussi le président ! C’est ainsi que, dans un premier temps, il ne propose pas la candidature de l’OL pour disputer le premier championnat de France de l’histoire. Deux dirigeants de l’OL, Gaston Decrane et Marcel Veroone, quittent alors le club et vont trouver Louis Henno, président du SC Fives, en lui expliquant la situation. En gros, ils lui racontent que se lancer dans le professionnalisme fera du SCF le premier club de la région. Henno n’hésite pas et c’est pourquoi, alors qu’il est un club mineur de la région, le SCF accède au professionnalisme le 22 juillet 1932 ! Finalement, Jooris prend peur et dépose à son tour un dossier de candidature, lui aussi accepté une semaine après, le 29 juillet. Il y avait donc deux clubs lillois dans le premier championnat de France professionnel, et l’OL en est le premier champion en 1933.
De la rivalité à la fusion
Les années 1930 sont l’âge d’or du foot nordiste. Outre les deux clubs lillois, se retrouvent régulièrement l’Excelsior Roubaix, le RC Roubaix, Valenciennes, Lens, ce qui donne lieu à de nombreux derbys. Comme on te l’a expliqué dans cet article, dans les années 1930, l’OL domine nationalement, mais si on s’intéresse aux confrontations directes entre les deux clubs, force est de reconnaître la supériorité régionale du SCF jusqu’en 1939, année où le championnat est arrêté en raison de la guerre. Celle-ci rend difficilement lisible les performances des uns et des autres : l’OL, sous le nom de l’Olympique Iris Club lillois (avec l’intégration de l’IRIS Club), et le SC Fives jouent en 1941-1942 le championnat de la zone interdite, puis en 1942-1943 le championnat de guerre du Nord, remportés tous deux par le RC Lens. Un premier projet de fusion est proposé en 1943, mais rejeté par les dirigeants du SCF. Quand Henri Kretzschmar, le président de l’Olympique Lillois, propose le projet à Louis Henno, celui-ci a répond : « Je ne marche pas. Notre verre est peut-être moins grand que le vôtre, mais je préfère continuer à boire dedans. C’est mieux que de se faire absorber1 ». Les dirigeants de chaque camp se détestent. Une fusion de fait – imposée par le gouvernement de Vichy - est tout de même réalisée pour le championnat 1943-1944 : une équipe de « Lille-Flandres » est créée (de même que « Rennes-Bretagne », « Nancy-Lorraine », « Grenoble-Dauphine », etc) à partir des effectifs de l’OL, du SC Fives, des clubs pros roubaisiens et de Valenciennes. Ce championnat est remporté par l’équipe de Lens-Artois, qui a décidément bien profité de l’Occupation.
Kretzschmar revient à la charge et précise à Henno : « C’est vous qui serez le président du nouveau club. Moi, je me contenterai d’un poste de vice-président ». Le 23 septembre 1944, l’accord est conclu entre les deux parties. Dans un premier temps, la fusion de l’OL et du SCF donne naissance au Stade Lillois. Cependant, cette appellation apparaît trop banale. Le Stade Lillois ne participe qu’à deux matchs amicaux et aux deux premières journées du championnat de guerre 1944-1945, pour 4 victoires, ce qui en fait la meilleure équipe lilloise de tous les temps. Deux mois plus tard, un autre nom, plus original, a été adopté, reprenant en partie les noms des deux clubs fusionnés le Lille Olympique Sporting Club. Le LOSC !
OL+ SCF = LOSC
Le nouveau club est né officiellement le 10 novembre 1944. Pour son premier match officiel, sous la direction de l’entraîneur anglais Georges Berry, le nouveau club écrase Le Havre 9-2. Six mois après sa création, le 6 mai 1945, il joue à Colombes sa première finale de coupe de France, qu’il perd malheureusement 3-0 contre le Racing Club de Paris. Mais la France connaît désormais le LOSC.
Georges Berry, premier entraîneur du LOSC. Ex-défenseur de Cambrai, Armentières et Bully-les-Mines, il signe à l’Olympique Lillois en 1926, puis signe professionnel au SC Fives en 1932, avant d’en devenir l’entraîneur en 1936. Connaisseur des deux clubs, Louis Henno l’appelle en 1944.
NB : Au fait, on s’est beaucoup attardé sur Olympique, Sporting et Club, et pas beaucoup sur Lille, mais on est partis du principe que ça ne nécessitait pas d’explication.
FC Note :
1 Ces dialogues sont issus du magazine « Légendes du foot », paru au printemps 2001
Volet 2 du dossier : http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/2016/06/01/aux-origines-du-losc-24-le-losc-prend-des-couleurs/
Volet 3 : http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/2016/06/02/aux-origines-du-losc-34-le-logo-motive/
Volet 4 : http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/2016/06/04/aux-origines-du-losc-44-lactualisation-de-lheritage/
4 commentaires
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31 mai 2016
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Xylophène a dit:
Et nul doute qu’une Marine Le Pen au pouvoir saura elle aussi favoriser les destinées de son club de coeur !
http://www.francetvinfo.fr/image/755aeh7lo-5399/1200/450/7234477.png
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1 juin 2016
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dbclosc a dit:
On ose espérer pour les Lensois que ça n’est quand-même pas leur dernier espoir !
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31 mai 2016
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Xylophène a dit:
« Ce championnat est remporté par l’équipe de Lens-Artois, qui a décidément bien profité de l’Occupation. »
Le chef du Régime de Vichy est né à Cauchy-à-la-Tour, en Artois. Quand le chef de la France Libre est né à Lille.
CQFD.
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31 mai 2016
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dbclosc a dit:
Merci de cette précision Xylophène ! En effet ! Peut-être peut-on y trouver l’origine du complot contre le LOSC !