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Posté le 4 juin 2016 - par dbclosc

Aux origines du LOSC (4/4) : l’actualisation de l’héritage

le LOSC est grand, le LOSC est beau

Les soupçons qui pèsent régulièrement sur le foot (dopage, corruption), l’argent qu’il draine (salaires élevés, libéralisation du marché des joueurs, fortunes générées par la compétition), et d’autres polémiques récurrentes telles que le traitement des supporters (interdictions de stade ou de déplacement) rendent souvent l’ensemble peu lisible, entraînant méfiance voire défiance. Face à ces phénomènes, les clubs sportifs, désormais rompus aux stratégies marketing, visent à redonner et à partager un sens, en puisant notamment dans le répertoire identitaire régional.

Nous avons vu dans les 3 premiers volets de notre dossier les origines du LOSC, et la façon dont son image publique s’appuie sur une identification de proximité à travers la fusion entre l’Olympique Lillois et le Sporting Club Fivois, la reprise des emblèmes (la fleur de lys) et des couleurs de la ville de Lille (rouge et blanc), de Fives (bleu), ou des Flandres (jaune et noir), ainsi que sur le répertoire traditionnel de l’animal emblématique (le Dogue). Cette inscription locale et historique fait désormais partie de l’identité du LOSC, ce qui se traduit, entre autres, dans le contenu de l’attirail du supporter (maillot, écharpe, chants…). Au moment où les logiques économiques du football tendent à amoindrir ces identités traditionnelles, quelle stratégie développe le club ?

Pour étudier cela, on peut notamment s’appuyer sur quelques innovations réalisées lors de l’intersaison en 2012, afin de marquer le passage dans le Grand Stade. À cette (grande) occasion (ça faisait tout de même 15 ans qu’on entendait parler de « nouveau stade »), le LOSC a souhaité affirmer son identité, en puisant à la fois dans le passé, et en définissant de nouveaux objectifs : cela s’est notamment traduit par un nouveau blason, accompagné d’un clip promotionnel, et d’un texte qui vaut le détour. Ces stratégies s’ancrent dans ce que l’on peut regrouper sous l’appellation « culture d’entreprise » : au même titre se construisent des « cultures nationales », à une échelle plus locale, on parle de culture d’entreprise comme le système de règles plus ou moins tacites, d’idées partagées, de façons de voir le travail, qui vont régir les relations entre les individus, entre les groupes, et qui vont se traduire par des comportements réguliers, des routines stables de travail et d’interaction. Ainsi, la culture dans un sens sociologique, c’est un système que l’on reconstruit pour interpréter ce qui se passe. Cela regroupe les politiques de communication, l’image que l’entreprise donne d’elle-même (les success-stories des fondateurs, les sagas organisationnelles, les références aux symboles, le recours à l’histoire et à un imaginaire plus ou moins mystique), la façon dont les membres de cette organisation vont vivre et assimiler ces idées, les appliquer. Encore une fois, peu importe si les valeurs et symboles sur lesquels s’appuie le club ont une origine précisément déterminée et datée ; à la limite, plus l’origine est floue, et plus c’est porteur : cela donne à l’entreprise une ancienneté mystérieuse qu’on ne parvient même pas à retrouver précisément (idem avec les textes des épopées nationales écossaises ou armoricaines, qu’on a jamais retrouvés, soudainement disparus ou brûlés… à se demander même s’ils ont existé). Et comme « les cultures nationales » réinventées à partir des traditions, la notion de culture d’entreprise a désormais une dimension instrumentale, elle est un outil de management.

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Culture et communication dans la stratégie managériale du LOSC

 Chaque entreprise développe une culture propre. Lorsqu’on y entre, on est frappé par les us et coutumes propres à son fonctionnement. Pour prendre un exemple qu’à peu près tout le monde connaît, ça peut renvoyer des éléments très concrets du quotidien comme dans le film Les 3 frères, dans lequel des rites de look et de langage (« ma biche », « ma poule », la tresse dans les cheveux) sont signes d’appartenance à l’entreprise (« qui est comme une montgolfière... »). Ce phénomène culturel, où on fait appel à des éléments extérieurs à l’entreprise, où on reconstruit du sens, où on raconte des histoires, on le retrouve bien sûr dans l’entreprise, mais plus globalement, au sein de toute marque. Dans une perspective de gestion des ressources humaines, la culture est considérée comme un enjeu, et comme un facteur de performances. L’idée de ces nouveaux managers d’entreprise, dès les années 1980, est de se dire qu’ils peuvent, par le levier de la culture, faire accepter aux salariés les projets de « modernisation » de l’entreprise. La culture de l’entreprise se résume donc en un ensemble d’éléments qui définissent son fonctionnement, son identité, son esprit unique par rapport à ses concurrents. Elle repose sur plusieurs composantes informelles partagées par l’ensemble des collaborateurs. Il s’agit entre autre des valeurs communes, des rites, des codes vestimentaires et de langage, des méthodes de travail, ou des faits marquants liés à l’entreprise. Pour donner un sentiment d’appartenance à ses membres et une image lisible et cohérente de ses activités à ses clients, le management accorde de plus en plus de place au langage des signes et symboles, aux moyens d’expression et de communication de l’identité de l’entreprise et de ses produits. La culture d’entreprise sert également de boussole indiquant la direction à suivre pour aller dans le sens de l’intérêt collectif. Elle fournit un schéma de référence commun pour aboutir à un partage du sens. Cette définition collective des événements est perçue non seulement comme un facteur de stabilité, censé assurer cohésion et efficacité et inciter les membres de l’entreprise et ceux qui s’y reconnaissent à se comporter comme un clan, en jouant sur un ensemble d’idées, de valeurs et de croyances partagées qui fonctionnent comme un mécanisme de contrôle diffus et quasi invisible : les supporters sont appelés à s’identifier non plus comme des agents autonomes, mais directement comme membres à part entière de l’entreprise, qui en partagent le sens et les objectifs. En termes d’image d’une part, cette culture présente des atouts que ce soit en interne ou à l’externe auprès d’autres publics : elle est source de cohésion et de motivation pour les joueurs/salariés, et auprès des supporters, elle véhicule une image positive qui entretient un sentiment de proximité avec l’entreprise.

L’exemple le plus marquant de cette stratégie appliquée au LOSC est la création d’un clip accompagnant l’entrée dans le nouveau stade en 2012, et présentant par la même occasion le nouveau logo :

Image de prévisualisation YouTube

Aussi, le texte justifiant le changement de logo est riche d’enseignements (c’est nous qui soulignons) :

Un blason nouvelle génération pour le LOSC

Le LOSC entamera la saison 2012-2013 de façon spectaculaire : le club lâchera ses Dogues dans le Grand Stade Lille Métropole. Une étape ô combien historique que le club souhaite marquer dignement, en se dotant à partir du mois d’août d’une nouvelle identité graphique, parfaitement en phase avec les ambitions et les enjeux portés par cette arène unique au monde. De fait, au coup d’envoi de la prochaine saison, les joueurs porteront sur la poitrine un logo nouvelle génération. Un blason intensément LOSC, synthèse des racines, de la personnalité et des ambitions de l’écurie lilloise. Dans la lignée de la montée en puissance sportive et structurelle du club de Michel Seydoux, ce logo portera haut les couleurs comme les valeurs du LOSC. Riche de sens, audacieux, design, voilà un blason fort d’une sacrée personnalité.

Trait d’union entre toutes les ambitions

D’entrée, le logo – signé de l’agence Dragon Rouge – séduit par son audace. Entre tradition et modernité, il flatte l’imaginaire : sa forme de blason confère à l’ensemble un caractère bien trempé, une autorité. Racé et classieux, il revisite avec style les codes de l’héraldisme. Impression confortée par une mise en lumière de la fleur de lys, dans la lignée des premiers logos du LOSC. Cet ancrage marque la volonté du club de se projeter vers son avenir au plus haut niveau, en prenant soin de valoriser ses racines, ses valeurs fondatrices. Une source d’inspiration précieuse pour un club ayant découvert, conformément à ses ambitions, le goût régulier des compétitions européennes.

Ce 8e logo lillois rend aussi honneur au Dogue : fier et sûr de lui, le chien emblématique affirme son autorité. Son traitement graphique laisse même deviner les contours d’une flamme : quoi de mieux pour symboliser la passion qui anime joueurs et supporters ? Le dogue se dresse, offensif, bien campé à la droite de la fleur de lys qui veille sur lui telle une bonne étoile. C’est ici tout l’esprit du LOSC qui est exprimé : un club de caractère qui se résume et se projette dans ses valeurs de pugnacité, de combativité, de fidélité à ses engagements, dans son attachement à son exemplarité sur les terrains (beau jeu, spectacle, performance) mais aussi en dehors (infrastructures, projet, communication).

Un décalage qui couronne la différence du LOSC

Le décalage dans l’axe du logo est une particularité dans l’univers des emblèmes de clubs. Il donne un mouvement à l’ensemble tout en bousculant le conformisme d’habitude rattaché à un visuel de blason. A sa façon, ce décroché illustre toute la singularité du LOSC : un club qui s’appuie sur ses valeurs propres ainsi que sur son patrimoine historique régional pour célébrer sa vision du sport spectacle au plus haut niveau. Servi par une utilisation équilibrée des couleurs – un rouge vibrant et vivant typique du LOSC, avec un zeste de bleu sur fond blanc pour l’ancrage historique – le logo ainsi colorisé encapsule toute sa promesse : s’appuyer sur une histoire unique pour mieux s’élancer vers l’avenir, déployer un football jubilatoire et populaire, vecteur d’émotions à partager.

Les Dogues arboreront ce blason 5 étoiles qui, tout en imposant sa griffe innovante, passe en beauté le flambeau de la tradition. Tous les publics s’y retrouvent : les fans historiques du club comme ceux d’aujourd’hui et de demain, sensibles aux signes forts en matière de modernité.

Le nouveau logo du LOSC et l’ensemble de ses déclinaisons graphiques seront dévoilés dès le mois d’août prochain, à l’occasion du lancement officiel de la saison 2012-2013 et de l’inauguration du Grand Stade Lille Métropole.

(30 mai 2012)

Il y a plusieurs enseignements à tirer de ce type de stratégie promotionnelle.

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Redonner un sens

Par ce clip et ce texte, le LOSC montre qu’il est devenue une grosse entreprise « comme les autres », c’est-à-dire, produisant elle aussi du sens à donner à son action, et déployant des moyens pour imposer ce sens.. Dans le but de guider le supporter (allez, le consommateur), le design apparaît désormais comme une démarche destinée à donner cohérence à l’ensemble des dimensions de l’entreprise, depuis les données techniques et matérielles jusqu’aux représentations et aux images. Dans les années 1990 la figure de designer industriel remplace des postes plus artisanaux confiés ponctuellement. On avait vu à quel point l’identité visuelle du club était fondamentale, un élément rappelé en 2011 quand une statue a été posée à Luchin, permettant de faire coïncider les qualités supposées du dogue avec celles des joueurs et, par extensions celles du club (« Le Dogue représente aussi la force, la fidélité, l’élégance et la griffe d’un jeu offensif. Des valeurs nobles qui symbolisent à la perfection l’esprit du club de Michel Seydoux ».

À une période décisive comme l’a été le moment-charnière de 2012, l’idée est de guider les proches du LOSC, quand les repères traditionnels se brouillent à mesure que le club grandit (éparpillement des activités, dispersion des salariés, nouveau lieu). Pour faire face à cette situation, le management déborde les seuls objectifs sportifs et devient un « management du sens ». La direction leur propose alors une interprétation des processus en cours pour donner une intelligibilité à ses objectifs et stratégies. Elle oriente la perception des supporters/salariés/spectateurs/acteurs économiques partenaires, elle leur fournit les questions et les concepts à partir desquels les situations seront interrogées, analysées et maîtrisées.

Ce que montre la vidéo et le texte, c’est une stratégie industrielle/entrepreneuriale qui dépasse les seuls objectifs sportifs, et qui affiche dans quelle mesure le LOSC n’est pas imperméable à son environnement (tradition, valeurs, régionalisme = ce que la culture régionale fait à l’entreprise), et comment le LOSC crée sa propre identité (comment l’entreprise crée/renforce une identité propre). C’est du story-telling, « littéralement art de raconter des histoires, traduit en français par communication narrative. Consiste à communiquer par l’intermédiaire d’une histoire ou de plusieurs histoires emblématiques de la marque, pour capter l’attention du consommateur et créer une connexion émotionnelle avec la marque »

Ces démarches peuvent être comparées à des mythes de création ou à des rituels d’initiation, autant de processus de socialisation au sein d’organisations soudées autour d’un objectif commun qui doit inculquer l’esprit de groupe et de sacrifice et chasser les esprits « non conformes ». C’est ainsi qu’aux informations fonctionnelles s’ajoutent souvent les conseils et les encouragements du « héros fondateur », qui représente l’histoire de l’entreprise et sa « mémoire collective ».

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Un condensé d’histoire et de clichés

Les documents présentés ici condensent en quelques minutes et en quelques lignes les évolutions récentes de l’économie du sport : s’y retrouvent l’ancrage (in)temporel dans un passé lointain, les images aux glorieux anciens : le doublé de 1946, les coupes des années 1940 et 1950, sorte de mythe fondateur et un glorieux passé autour duquel on se retrouve et qu’on veut retrouver, qui montre l’ancienneté du projet collectif. C’est une sorte de panthéon du LOSC (d’ailleurs, le terme « Panthéon » désigne d’abord l’ensemble des dieux d’une religion ou d’une mythologie, puis l’édifice consacré par les Grecs et les Romains à toutes leurs divinités) ; l’ancrage régional (« un club qui s’appuie sur ses valeurs propres ainsi que sur son patrimoine historique régional »  par la représentation graphique du logo est censée illustrer l’ancienneté et la continuité de l’image du club (pas de trahison), et la fidélité aux symboles locaux (la fleur de lys, les couleurs, le dogue), tandis que l’identité avec la ville est rappelée par des images de la grand place et de l’espace entre la gare Lille-Flandres et Euralille. Si ce type de clip est porteur, c’est bien parce que l’histoire qui y est contée parle à l’imaginaire des récepteurs/consommateurs/supporters, paradoxalement au moment où le club compte peu de joueurs issus de la région. D’ailleurs, le communiqué du LOSC, dans un élan de sincérité assez étonnant, ne s’en cache pas : on « flatte l’imaginaire » ; la volonté de partager des valeurs : « c’est ici tout l’esprit du LOSC qui est exprimé : un club de caractère qui se résume et se projette dans ses valeurs de pugnacité, de combativité, de fidélité à ses engagements, dans son attachement à son exemplarité sur les terrains (beau jeu, spectacle, performance) mais aussi en dehors (infrastructures, projet, communication) ». La vidéo indique : « nous sommes nos valeurs », comme une confusion/identité entre ce qu’on est et ce qu’on représente. Ces valeurs sont clairement inscrites : « rigueur », « créativité », « fair-play », qui donne l’impression que les joueurs sont choisis avant tout parce qu’ils ont des valeurs et un attachement au club (et à la ville, à travers le club), d’où l’importance d’une certaine forme de socialisation des joueurs pour qu’ils collent au projet officiel ; le recours à l’émotion, favorisant un rapport plus affectif que rationnel au club : cela passe par le rappel des symboles, le logo porté « sur la poitrine » (comprendre : sur le cœur) pour « symboliser la passion », et les palpitations cardiaques dans le clip ne nous ont pas échappé, l’incrustation d’un dogue sur les images, comme un fétiche doté d’une puissance quasi-magique, comme s’il avait toujours présent telle une puissance transcendantale, référence clairement irrationnelle (« une bonne étoile ») ; volonté de créer un groupe au-delà de ses différences de statut social ou d’origine : la culture d’entreprise est comparée au ciment qui fait tenir ensemble des mondes mouvants, des activités disparates (l’activité sportive en elle-même, et sa dimension commerciale) et des personnes hétérogènes (joueurs grassement payés contre supporters parfois pauvres). Les plans sur les tribunes et les supporters sont alors une manière d’inclure le public au projet privé, en illustrant par l’image une appartenance commune, un sentiment d’intérêts communs. ; création de slogan, c’est-à-dire des courts messages simplifiés qui font là aussi appel à un imaginaire qui parle au récepteur, mais qui n’est pas dénué d’ambitions commerciales : ainsi, quand le LOSC a axé sa campagne d’abonnement en 2013-2014 autour du slogan « L’union fait le LOSC », nul doute que le marché belge était visé (la devise de la Belgique étant « l’union fait la force »). On retrouve quelques-uns de ces éléments chaque année dans le clip d’entrée des joueurs, ici le dernier.

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Limites de cette stratégie

Ces stratégies, entre tradition et modernité, s’appuient aussi bien sur le passé qu’elles se projettent vers l’avenir, quitte à mélanger fiction et réalité. À l’arrivée, avec un œil critique, on peut se demander si ça ne contribue pas aussi à la perte de sens qu’elles sont censées prévenir et rectifier. À coups de slogans creux, de novlangue publicitaire et de l’évidente finalité commerciale de ce type de message, on peut tout de même supposer que la plupart des supporters ne sont pas dupes de cette construction de sens, et que l’adhésion première à un club reste, bien heureusement, sa façon de jouer et les résultats qu’elle obtient. Lens, qui a fait à peu près la même chose avec son clip Mineurs du monde en s’appuyant sur une histoire là aussi en grande partie mythifiée, est bien placé pour savoir qu’un clip ne masque pas les dysfonctionnements par ailleurs. « Pour vendre un produit, ne parlez pas du produit ! » est une stratégie commerciale qui s’applique en partie ici. On n’en est pas encore à l’exemple-type de la pub Quézac1, mais le risque est parfois de masquer les antagonismes et les conflits en l’enrobant dans une belle histoire. Le prix du consensus est parfois un manque de recul et de discours critique vis-à-vis de la direction, qui a évidemment intérêt à minimiser les oppositions et à faire croire qu’on est tous dans le même bateau. Le langage de l’entreprise tend à devenir le seul outil dont on dispose pour interpréter ses performances et son environnement. La définition de la « réalité » proposée par l’entreprise peut alors être adoptée par chacun comme une vision personnelle, à laquelle on s’identifie car elle est censée émaner « naturellement » de la base. En fait, le membre du groupe tend à ne plus être considéré comme un individu autonome mais avant tout comme un membre de la communauté-entreprise ce que l’on retrouve par exemple dans la désignation « We are LOSC » (ça ne concerne évidemment pas que le LOSC). We are « LOSC » avant d’être autre chose. Le LOSC utilise donc la puissance narrative du conte dans le but de susciter l’émotion et, ce faisant, de contourner le cynisme du consommateur/supporter, cynisme qu’on pourrait aussi traduire par conscience ou esprit critique.

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On peut signaler qu’à côté des éléments les plus évidents que nous avons évoqués dans les volets précédents, on peut aussi en repérer d’autres, qui ne sont pas « officiellement » repris par le club. Il s’agit en quelque sorte d’une « institutionnalisation supportériste », mais qui ne s’étend pas au-delà : il en est ainsi, par exemple, de la référence à la Déesse dans certains chants, dont l’origine est bien plus récente qu’on ne le croit, puisqu’elle n’est née qu’au milieu du XIXe siècle par l’érection d’une statue sur la Grand-place, pour célébrer le cinquantenaire de la résistance lilloise à l’envahisseur autrichien. Officiellement appelée Déesse au boute-feu, elle culmine à 17 mètres depuis son inauguration le 8 octobre 18452. Devenue allégorie de la ville, elle reproduit les traits de l’épouse du maire de l’époque, M. Bigo-Danel. De la même manière, bon nombre de supporters gardent une sous-culture locale qui se traduit dans le langage et les noms donnés à des groupes, puisant soit dans le passé flamand de la ville (Les Rijsel Spirit), soit dans un patois (les Y’est d’dins, toudis Lillois) qui réhabilite un parler longtemps stigmatisé. La réappropriation de ces symboles est encore loin d’avoir gagné le nouveau stade qui, aussi moderne qu’il soit, reste froid (même si la couleur des sièges a récemment changé). Alors certes, le club n’en est pas propriétaire, mais quitte à jouer sur l’identité locale et la référence à certaines valeurs, on peut interroger l’opportunité de lui donner le nom d’une personne qui a toujours considéré le LOSC comme un fardeau pour ses finances et s’en désintéressait (nous on proposait « Ch’gros stade » comme nom), de garder des noms de tribunes qui n’indiquent que des positions géographiques (est, ouest, nord, sud) : là où Lens donne le nom de son stade à l’ancien directeur de sa Compagnie des mines, et des noms d’anciens joueurs à ses tribunes, on pense ce qu’on veut des voisins, mais ça a quand même de la gueule (noire).

 

À l’arrivée, on ne sait pas trop ce qui relève de la pure construction marketing de ce qui relève d’une certaine forme de réalité. Les entreprises puisent dans un imaginaire adapté au contexte local. On en oublie presque que le LOSC est une entreprise, et que ses buts sont aussi économiques. L’accent n’est mis que sur la dimension sportive, comme si tout ne se jouait que sur le terrain, alors que le LOSC a également montré ces dernières années sa capacité à être avant tout une remarquable entreprise de transferts et d’investissements. Finalement, on peut se demander si ces stratégies ne se développent et ne s’affirment pas d’autant plus à une époque où toutes les valeurs revendiquées donnent précisément l’impression d’être bafouillées. N’énonce-t-on pas que ce qui ne relève pas de l’évidence ?

 

FC Notes :

1 On dirait la bande-annonce d’un film médiéval à la limite du fantastique. Rien n’est dit sur la qualité de l’eau, de ses minéraux, ou sur la pureté de sa source. Les origines sont floues, datées approximativement (« il y a très longtemps, peut-être plus de mille ans… »), tout est basé sur des « on dit » (« on dit que les eaux de cet orage… », « on dit que quand l’eau rejaillirait… »), etc. Et pourtant, du fait même de ces imprécisions, les bulles deviennent « miraculeuses »… L’eau apporte désormais « gaîté et longue vie »… Et Quézac n’est plus seulement le nom d’une marque d’eau en bouteille, mais devient le titre d’une légende. À la différence des autres grandes marques d’eau minérale, cette publicité ne se concentre pas sur les caractéristiques ou les qualités intrinsèques du produit qu’elle cherche à vendre : elle l’associe à un imaginaire qui lui donne une profondeur, une « âme », marque les esprits et offre bien plus qu’une simple eau pétillante. Avec les techniques de storytelling, en mettant en récit leurs produits, les marques jouent avec l’imaginaire du public pour capter son attention et lui transmettre des émotions.

2 Son sculpteur, Théophile Bra, écrit : « Lille ! Lille ! C’est une femme dont le front doit porter l’empreinte du courage calme et obstiné des Flamands …Je ferai parler sa main gauche qui désignera d’un doigt impérieux notre réponse héroïque inscrite à ses pieds. Ce n’est pas tout : au premier boulet qui partira de la tranchée, il faudra une réponse plus éloquente encore. Ah ! La voici ! Cette autre main armée d’un boutefeu se tiendra toute prête à répliquer à l’insolence autrichienne. Oui, oui, c’est bien cela, je vois ma statue de Lille, je la vois ».

Volet 1 du dossier : http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/2016/05/31/aux-origines-du-losc-14-comment-le-losc-sest-fait-un-nom/
Volet 2 : http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/2016/06/01/aux-origines-du-losc-24-le-losc-prend-des-couleurs/

Volet 3 : http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/2016/06/02/aux-origines-du-losc-34-le-logo-motive/

Cet article a été posté le Samedi 4 juin 2016 at 14 h 04 min et est rangé sous le LOSC est grand, le LOSC est beau. Vous pouvez suivre toutes les réponses à cet article à travers le RSS 2.0 Flux. Vous pouvez Laisser une réponse, ou rétrolien de votre propre site.

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    • RT @richardcoudrais: Geoffroy Guichard, Félix Bollaert, Louis II, l'abbé Deschamps, Francis Le Blé, Auguste Delaune... Leurs noms sont fami… il y a 1 jour retweeté via richardcoudrais
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    • @Statilosc Et Gaël Sanz en 1996/1997 ! il y a 2 jours

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© 2023 Drogue, bière & complot contre le LOSC - Le foot est un sport qui se joue à 11, et à la fin il y a un complot qui empêche le LOSC de gagner

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