Posté le 22 juin 2016 - par dbclosc
L’étrange coupe de la Ligue 1992 de Monsieur LOSC
Je voudrais te parler aujourd’hui de la Coupe de la Ligue 1992, appelée alors Coupe d’été, car elle se passait pour l’essentiel, voire en totalité, comme pour l’édition 1992, au cours de l’été. Il faut quand-même que je te contextualise ça. A l’époque, la Coupe de la Ligue, ça n’a rien à voir avec celle d’aujourd’hui : ça avait beaucoup moins de valeur et c’était beaucoup plus sympa.
Cette compétition n’a pas lieu tous les ans, mais uniquement les années de compétitions internationales, afin de combler les longues trêves estivales. Premier truc marrant de cette compétition, elle changeait toujours de système : un coup elle était réservée aux clubs de D2 (comme en 1991), un autre coup elle était uniquement à élimination directe, comme en 1994. Mais, le plus souvent, cette compétition commençait par une phase de poules « régionales » (le territoire était découpé en huit ou neuf groupes) qui précédait une phase à élimination directe. Parfois, il y a eu deux phases de poules : une première, avec les clubs de D2, suivie d’une seconde avec les qualifiés de ces clubs de D2 et ceux de D1. De toute façon, la Coupe de la Ligue a tort.
La coupe de la Ligue a tort
Mais, bref, passons et concentrons-nous sur l’édition 1992.
Un bien étrange règlement
En termes de cocasseries, la première édition se suffit à elle-seule. D’abord, la compétition débute par quatorze matches aller-retour entre 28 des 36 équipes de D2. Mais, pas d’éliminés à l’issue de ces matches : ils servent juste à déterminer quelles équipes, parmi celles-ci, joueront 3 matches à domicile et 2 matches à l’extérieur (et inversement) lors de la phase de poule.
En effet, la phase de poules régionales oppose six équipes, mais pas en matches aller-retour (Avoue que ça ferait beaucoup, sachant qu’avec ce système, une équipe peut théoriquement jouer 12 matches dans cette compétition). Dans le groupe régional du Nord, le LOSC a pour opposants Lens, Dunkerque, Valenciennes, Amiens et Saint-Quentin.
Mais l’originalité ne s’arrête pas là : lors de ces matches, en cas d’égalité, les deux équipes se départagent aux tirs aux buts. Une équipe gagnante dans le temps réglementaire empoche trois points, une victoire aux tirs aux buts rapporte deux points, une défaite aux tirs aux buts, un point, et une défaite dans le temps réglementaire ne rapporte rien du tout, si ce n’est, bien sûr, la joie de voir des adversaires ravis et épanouis.
Ah oui, pour finir, toutes les équipes ne disputent pas ce premier tour régional et sont directement qualifiés en 16èmes de finale. Il s’agit des deux premiers de D1, des deux équipes qui disputent le barrage pour la montée/descente, parce qu’ils ont encore des matches à jouer. Et puis aussi Cannes, bien que ceux-ci aient terminé 19è, c’est-à-dire déjà relégués avant les barrages (Et on t’avoue qu’on ne voit pas bien pourquoi ils sont dispensés d’un tour).
Un coquet début de tournoi
Lille débute par un déplacement sur le terrain du RC Lens. De quoi se sentir lancé d’entrée de jeu dans la compétition. Lille prend la compétition au sérieux, même si Santini s’autorise quelques fantaisies par rapport à son équipe habituelle, puisque Antoine Cervetti, et surtout Christophe Avril et le jeune Farid Soudani débutent la rencontre.
Pour info, c’est Farid sous Dani
Ça commence bien, puisque Lille ouvre le score par Assadourian, sur un service de Fiard (9è) et double la mise par Sauvaget (15è). Sauvaget se fait refuser un but (35è), puis Rollain (68è) et enfin Sauvaget (81è) portent le score à 4-0. Lens réduit enfin la marque par un certain Walquir Mota (85è sur pénalty) à l’essai à Lens.
Lille continue ensuite pépèrement son chemin, avec un Farid Soudani toujours titulaire à Amiens, et unique buteur du match (85è). Je te parle bien ici du seul et unique but de Farid avec l’équipe première du LOSC. C’était un 12 mai 1992. Lille bat ensuite Dunkerque, cette fois-ci aux tirs aux buts (3 à 1), grâce à notamment deux tirs aux buts stoppés par Nadon. Le match s’était clôturé sur le score de 1-1, Jimmy Hébert ouvrant le score pour nous (contre son camp, 23è), Claude Fichaux lui rendant la pareil quelques minutes plus tard (csc, 34è) : un échange de politesse en gros.
Le LOSC assurait enfin définitivement sa qualification trois jours plus tard contre Valenciennes (2-1). Si Jean-Jacques Allais ouvrait le score (17è), Fiard (65è) puis Frandsen (81è) sur un service d’Assadourian marquaient pour donner la victoire aux Lillois. Le jeune Monteiro, tout comme encore Avril et Soudani, eut droit à une titularisation. Le LOSC assuré de sa qualification et un point est suffisant pour assurer la première place du groupe. Tout va bien pour le LOSC qui est alors la 3ème équipe la plus performante du tournoi sur l’ensemble des 48 équipes qui disputent ce tour de qualification.
Pour info, le LOSC de cette époque c’est avant tout une équipe très solide défensivement. Au cours de la saison écoulée, les Dogues n’ont encaissé que 34 buts en 38 matches, et leur plus grand désastre défensif se résume à un match nul (3-3) à Caen. A part ça, le LOSC a encaissé deux buts à 7 reprises. Bref, après les 4 matches de coupe de la Ligue, et 3 buts encaissés, le LOSC reste dans la continuité de sa rigueur défensive en championnat.
Et puis Saint-Quentin …
Le LOSC doit encore disputer un dernier match de poule à Saint-Quentin. Et ce dernier match, pour tout de dire, les Lillois s’en footent et on le constate dès qu’on voit l’équipe alignée : Lauricella titulaire dans les buts, Sauvaget en défense, Cervetti et Tihy en attaque, entres autres originalités, et puis le jeune Soarès joue d’entrée. Ply ouvre le score rapidement pour l’OSQ, mais le Pires n’est pas encore arrivé. Enfin si, mais il n’a pas encore marqué, ce qu’il fait au bout d’un quart d’heure. Et ça fait déjà 2-0.
Mais les Lillois se ressaisissent et Frandsen réduit la marque sur un service de Ben Tihy (19è). Jean-Claude Brodel creuse à nouveau l’écart sept minutes plus tard (3-1, 26è). A la reprise, Tihy, encore lui, sert Sauvaget pour le deuxième but lillois (48è), mais Ply aggrave vite la marque (50è). A un quart d’heure du terme, Santini profite d’un péno provoqué par Tihy pour faire entrer Jean-Claude Nadon comme attaquant, justement à la place de Benoît (Tihy au cas où t’aurais pas suivi). Jean-Claude en profite pour transformer le péno et pour marquer son seul but avec l’équipe lilloise. Lille est à deux doigts d’égaliser, mais c’est finalement Hariat qui assure définitivement le succès des Saint-Quentinois (90è).
Lille termine néanmoins premier de son groupe, et ils se sont bien fait plaisir sur ce match un peu n’importe quoi.
Bref, tout va bien. Mais le président Besson n’a pas bien apprécié ces libertés prises pour ce match et notamment l’entrée en jeu de Nadon devant.
Et puis Sedan …
Le 26 mai, le LOSC doit se rendre à Sedan. Sauf qu’avant de partir en bus, Jacques Santini reçoit un courrier recommandé du président Besson qui lui annonce qu’il n’est plus entraîneur du LOSC à compter du 24 mai. Santini ne partira donc pas à Sedan. La décision plaît peu aux joueurs qui devaient en principe jouer avec leur équipe-type mais qui en décident finalement autrement.
Le LOSC débute le match de Sedan sans entraîneur sur le banc, Georges Honoré, l’adjoint de Santini, ayant renoncé à se substituer à Jacquot. Les Lillois qui avaient expérimenté la fantaisie de faire jouer chacun à des rôles originaux contre Saint-Quentin décident de remettre le couvert. L’équipe qui débute le match sera la suivante :
Nadon
Sauvaget Frandsen
Avril Assadourian
Buisine Rollain
Oleksiak Fichaux
Tihy Brisson
A part Nadon et Brisson, personne ne joue à son poste de prédilection. A la mi-temps, le score est déjà de 3-0, Siegmann (7è), Auniac (33è sp) et Lecoq (41è) ayant marqué pour les Ardennais. A la mi-temps, Lauricella remplace Nadon, Hansen prend la place de Sauvaget, Nielsen celle de Frandsen et Fiard celle de Tihy, mais il était déjà trop tard et, après tout, vu le contexte, ils s’en footaient un peu.
Certains joueurs rigolent : on vient juste de leur annoncer les postes auxquels ils allaient jouer contre Sedan, mais ils n’ont pas encore compris que ça n’était pas une blague
Gamiette ajoute le quatrième (52è), quand les Dogues commencent un peu à se rebeller et à se créer quelques occases. Et Brisson, sur un service d’Hervé Rollain, réduisait la marque. Sauvait l’honneur pensait-on alors. Peut-être pas tout à fait. Songné ajoutait un cinquième but pour Sedan (70è). Loin d’être rassasiés, les Sedanais allaient ajouter quatre autre buts en 16 minutes par Maennel deux fois (71è, 83è), puis par Skubi (Scoobidoo !, 85è) et enfin par Gamiette (86è). 9-1, ça fait quand-même beaucoup !
Que penser de ce match ?
La Voix du Nord n’est pas tendre pour les joueurs et titre, le 28 mai 1992, « Lille : histoire d’une bavure ». Pierre Diéval tance le LOSC dans sa globalité, refusant de prendre position entre le président Besson et les joueurs dans ce conflit les opposant. Pour Diéval, c’est « le LOSC » qui « s’est moqué du public ». De la même manière, la presse sedanaise n’y va pas de main morte : L’Ardennais évoque « l’attitude lamentable des Lillois » qui « balancèrent littéralement le match (…) Les pros lillois se sont moqués du monde. Ils ont foulé au pied le respect qu’ils doivent au sport qu’ils pratiquent, au métier qu’ils exercent, au public et à leurs adversaires. L’équipe lilloise, au grand complet, n’avait strictement rien à f (passez-nous lexpression) de ce qui pouvait lui arriver. Dans la gamme « malaise », on trouve difficilement mieux . » Nous voudrions te défendre une autre interprétation.
A l’origine de cet évènement, c’est un conflit de longue date entre le président Besson et à peu près le reste du Monde et qui se ressent particulièrement douloureusement pour l’entraîneur et donc aussi pour les joueurs. Besson a, semble-t-il, appris la diplomatie en Corée du Nord (en réalité je connais peu la diplomatie de Corée du Nord, mais là je fais appelle à tes représentations spontanées sur la Corée du Nord pour véhiculer l’idée que Besson est très peu diplomate) et la réaction des joueurs, sans doute désespérée, doit au moins être lue à travers l’attitude particulièrement bizarroïde du président. Ce recommandé, juste avant ce match de coupe de la Ligue, sans le prévenir, avoue que si ça n’est pas de la provocation de brin, ça y ressemble beaucoup.
La presse, ardennaise comme nordiste, ne s’est pas cachée d’avoir vu dans le comportement des joueurs Lillois une insulte au football. En termes de communication, ça n’était certainement pas le plus adroit, mais il nous semble que cette stratégie cachait quelque chose d’assez sain. Comme le souligne Benoît Tihy, cette affaire est dommageable « pour l’image du club » mais ce sont bien « les joueurs qui [sont] en première ligne et qui [vont] tout prendre ». Pourtant, derrière les neufs buts encaissés, la démarche des joueurs était avant tout solidaire. Encore Benoît Tihy : « Les joueurs sont solidaires de leur entraîneur. On est quoi ? Des bouffons ? […] Il y a des choses qu’on ne peut pas tolérer ». La manière était-elle inadaptée ? Peut-être. Mais cette sortie de route, soyons en sûrs, elle n’aurait pas eu lieu sans la stratégie très particulière du président Besson.
Ah, oui, pour finir, c’est Montpellier qui remporte le trophée, 3 à 1, contre Angers. Six anciens ou futurs Lillois disputent cette finale, trois de chaque côté. Jean-Marie Aubry, David Guion et Philippe Levenard chez les Angevins (plus Hervé Gauthier sur le banc), Bertrand Reuzeau, Philippe Périlleux et Olivier Pickeu du côté de Montpellier. Périlleux et Pickeu inscriront même un but (chacun, hein) lors de cette finale.
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