Posté le 15 novembre 2016 - par dbclosc
Longue vie au Roi des Belges. Trajectoire et carrière d’Eden Hazard
Dans le cadre de notre « dossier belge », on t’a déjà parlé de notre histoire d’amour avec Georges Heylens, Filip Desmet et Erwin Vandenbergh ainsi que de notre Belgian connection depuis un siècle. Troisième volet, on va te parler aujourd’hui d’un ancien du LOSC, un p’tit jeune pas très connu mais qui, à nos yeux de grands spécialistes dénichant les pépites là où les autres sont aveugles à leurs talents, a eu une influence considérable sur le jeu de nos chers Dogues. Retiens bien ce nom, peu t’en parleront, il s’agit d’Eden Hazard. S’il est si méconnu, c’est aussi et surtout en raison d’un quiproquo : lorsque l’on interrogeait ses entraîneurs suite à une victoire, ceux-ci déclaraient souvent que « la victoire ne doit rien au hasard », les gens, mésinterprétant ces propos pensant alors à tort qu’Hazard avait été très mauvais.
En matière de jeux de mots, nous nous arrêterons là : Eden a suffisamment subi en la matière. On a bien essayé d’en faire quelques uns, mais à chaque tentative nous vomissions, dégoûtés qu’on était de notre propre médiocrité.
Une famille de footeux
Eden, c’est le fils de Thierry Hazard. Rassure-toi, pas celui-là.
Non, non, plutôt celui-là (celui de droite, hein, en dessous duquel il est marqué « Thierry Hazard »).
Et, plus généralement, Eden vient d’une famille de footeux plutôt que de musicos. Sa mère était elle même footballeuse en première division belge et ses petits frères Kylian et Thorgan sont depuis devenus footballeurs professionnels. Et Ethan, le petit dernier, on ne l’a jamais vu jouer, mais on soupçonne qu’il ne soit pas une brêle totale en foot. C’est vrai qu’on a pas de preuve absolue, mais t’avoueras que le contraire serait sacrément surprenant.
2007/2008 : Au Nord, c’était Eden (1)
Alors qu’il s’entraîne avec les professionnels depuis quelques semaines, Eden profite de la trêve internationale d’octobre 2007 pour faire ses débuts à l’occasion d’un match amical contre Bruges. Le LOSC s’impose 3-0, trois buts inscrits dans les cinq dernières minutes. Si les deux premiers sont inscrits par Nicolas Fauvergue, le troisième est l’œuvre d’Eden, qui pique son ballon devant le gardien après avoir dribblé quelques compatriotes. Puel est satisfait et le reprend quelques semaines plus tard pour un déplacement à Nancy. Il y fait ses débuts en Ligue 1 en rentrant à 15mn du terme, ne pouvant empêcher la défaite 2-0. Eden fera 3 autres apparitions dans la saison (Metz, Sochaux, Paris), se contentant de quelques minutes à chaque fois.
Lancer un joueur de 16 ans peut souvent paraître précoce. Néanmoins, Jean-Michel Vandamme justifie la décision du club, dans un reportage de 2010 : « Ça ne servait plus à rien de le laisser avec les jeunes du centre de formation, parce qu’il voyait plus vite, parce qu’il agissait plus vite. Il faisait des trucs qui ne correspondaient pas au niveau des autres. Donc là, on allait perdre notre temps. Donc on a pris le risque de le balancer chez les pros, ce que j’ai trouvé un peu audacieux, mais on n’avait plus le choix ! »
Les débuts d’Eden sont donc extrêmement précoces (16 ans et 10 mois), signe évident de son grand talent pour ceux qui ne l’auraient pas compris en le voyant jouer. Ceci étant, méfiance : les autres talents du LOSC qui ont débuté avant leurs 17 ans étaient tous extrêmement prometteurs mais n’ont pas atteint les sommets qui leurs étaient promis : Pascal Plancque (qui débute à 16 ans et 11 mois) ne se remet jamais de la blessure subie à Auxerre à 24 ans. Oumar Dieng (pas encore 16 ans et 10 mois) et Joël Henry (16 ans et 4 mois) feront également d’honnêtes carrières mais nettement en-dessous de ce qu’on en attendait.
La suite de la carrière d’Eden Hazard sera très différente …
2008/2009 : quand Eden s’installe en équipe première
Avec l’arrivée de Rudi Garcia, Eden en profite pour apparaître de nouveau sur les feuilles de match. Il est toutefois, dans un premier temps, utilisé avec parcimonie. Ainsi, lors de la première journée à Nancy, Pierre-Alain Frau (ailier sur ce match) se blesse gravement après une demi-heure de jeu. En l’absence d’Obraniak, on pouvait s’attendre à une entrée d’Eden. Garcia lui préfère Larsen Touré, ce qui est assez amusant à lire huit ans plus tard. Il restera sur le banc jusqu’à la 5ème journée, lorsqu’il entre pour une demi-heure à Sochaux. La semaine suivante, Rudi lui donne vingt minutes. Le LOSC est tenu en échec par Auxerre 1-1. Pire, à la 80’, Auxerre prend l’avantage. Mais sur un corner mal repoussé à la 88’, Eden contrôle de la semelle et frappe dans le petit filet, inscrivant son tout premier but en Ligue 1. Dans la foulée, De Melo donnera la victoire.
Conflit avec son coiffeur ? Admiration envers Tony Vairelles ? Même pour nos meilleurs chercheurs cette coiffure reste un mystère
Dès lors, Eden rentre régulièrement en jeu et obtient mi-novembre sa première titularisation face à Saint-Etienne. Un fort joli but et 70mn plus tard, il sort sous l’ovation du Stadium. Le consultant en bord de terrain (Florian Genton) s’empresse de le retrouver sur le banc de touche et ne résiste pas à l’idée de demander à un gamin de 17 ans qui a 200mn de Ligue 1 dans les jambes s’il pense à partir : « un dernier mot sur votre avenir Eden, parce qu’on sait que vous êtes supervisé. Plusieurs clubs s’intéressent à vous. Vous faîtes un gros début de saison, votre avenir dans un premier temps, c’est Lille pour commencer ? ». Connard.
Eden continue son apprentissage et gratte quelques titularisations en Ligue 1 (Auxerre, Le Mans, Sochaux) ou en Coupe (Sainte-Geneviève-des-Bois, Dunkerque). Mais c’est le 4 mars 2009 qu’il va se montrer aux yeux du grand public. Lille reçoit Lyon en 1/8 de finale de Coupe de France, devant les caméras de France Télévisions et les commentaires de Xavier Gravelaine. Lille s’impose 3-2 et élimine le champion de France en titre. Eden inscrit un but et offre deux passes décisives.
Lors du tour suivant, Lille se déplace à Toulouse. Ce qui nous intéresse n’est pas l’élimination, ni la Panenka réussie par Eden lors de la séance de tirs au but (couillu, quand même). Ce jour-là, Lille termine à neuf, après les expulsions d’Obraniak et de Cabaye. Récemment, Ludovic expliquait que cette expulsion avait été un tournant dans sa carrière, puisqu’elle a permis à Eden de prendre son envol et de piquer la place de titulaire de son coéquipier : « là où il arrive à prendre sa chance et à se lancer, c’est une erreur de ma part. […] Derrière, la donne elle change, et ma carrière change aussi puisque je ne suis plus titulaire indiscutable ».
Titulaire lors de neuf des dix derniers matchs, Eden s’impose dans le 11, ce qui poussera Obraniak à demander un départ, refusé. Il décroche également son premier trophée individuel, en étant élu meilleur espoir lors des trophées UNFP.
2009/2010 : Eden s’affirme
A 18 ans, Eden part comme titulaire au sein d’une équipe ambitieuse. Le talent d’Eden, tout le monde le voit, même ma grand-mère qui n’y connaît pourtant footrement rien en foute et qui, de surcroît, a quelques problèmes de vue en raison de son grand âge. Pourtant, son début de saison est compliqué. En cause, un problème que rencontrent très souvent les grands talents, celui du manque d’efficacité. On l’a peut-être oublié, mais même un gars comme Cristiano Ronaldo, avant d’enchaîner les buts, était un jeune talent pas très efficace.
Bref, après 14 journées, Eden n’a pas marqué le moindre de but ni effectué la moindre passe décisive en L1 même s’il a déjà inscrit 3 buts après 8 rencontres d’Europa League. Eden retrouve le banc contre Valenciennes au profit d’Obraniak. Force est de constater que le LOSC s’en tire très bien sans son petit prodige puisqu’il cartonne son voisin (4-0). Fort logiquement, l’équipe est reconduite lors du sommet contre Lyon. Cette fois, c’est plus compliqué puisque Lyon mène 3 buts à 2 quand Eden entre en jeu à 25 minutes du terme malgré un jeu offensif et alléchant de la part des Dogues. Eden fait alors une entrée en jeu magnifique et soyeuse, et, alors qu’on est dans le temps additionnel, il jaillit dans les pieds d’un défenseur lyonnais, récupère la balle sur la gauche du rectangle et offre le but de la victoire à Gervinho (4-3).
Eden retrouvera alors sa place dans le onze, contribuant largement à la magnifique orgie offensive du LOSC. Lille enchaîne contre St-Etienne (4-0), à Monaco (4-0), contre Le Mans (3-0), à Nancy (4-0), contre Rennes (3-1 en coupe de la Ligue) puis contre le PSG (3-1), dernière victoire d’une série de huit succès consécutifs avec 29 buts inscrits, dont 18 de suite sans en encaisser un seul. Eden y contribue activement, marquant 3 fois et effectuant 4 passes décisives. Le bref retour d’Haard sur le banc semble l’avoir aidé à se montrer décisif.
Le LOSC est alors loué pour son jeu, certains le désignant audacieusement comme le « Barça du Nord », et Eden n’y est pas pour rien. Ça se finira malheureusement mal, Lille échouant à se qualifier en Ligue des champions suite à une ultime défaite à Lorient (2-1). Eden est pour sa part désigné meilleur espoir de L1.
2010/2011 : Hazard, leader du champion de France à 20 ans
En début de saison 2010/2011, Eden n’a encore que 19 ans mais déjà deux titres de meilleur espoir du championnat de France de L1. Ca n’est pas vraiment nouveau, mais il est un joueur très convoité. A l’intersaison, les Turcs de Fenerbahce tentent de le recruter proposant 12 millions d’euros. Même sans avoir d’infos précises à ce propos, on pense pouvoir affirmer sans grand risque d’être démenti que la réaction de Michel Seydoux à cette proposition fût un grand éclat de rire.
A l’instar de ses coéquipiers, Eden souffre pourtant en ce début de saison, se montrant globalement assez peu décisif au point d’enchaîner trois matches de suite sur le banc des remplaçants lillois. Seulement 1 but et 1 passe décisive en championnat après 11 journées, Eden reprend des couleurs et accompagne les Dogues dans leur montée en puissance pour ne pas dire qu’il y joue un rôle primordial. Fin novembre, il réalise notamment une prestation de grande classe contre l’AS Monaco, signant au passage deux passes décisives qui ne constituent qu’un indice bien maigre de l’exceptionnelle qualité de son match.
Le LOSC prend alors la tête du championnat et se met à rêver au titre. Contre Marseille, pour un match que nombre d’observateurs considèrent comme la finale avant l’heure du championnat – ce qui est étrange puisqu’il n’y a pas de finale dans ce championnat – Eden Hazard est l’auteur du but de l’ouverture du score et contribue activement à mettre l’OM au supplice. Si Marseille égalisera contre le cours du jeu, nous faisant craindre un match nul décevant au regard du niveau affiché ce soir-là, Pierre-Alain Frau inscrira le but décisif.
Au-delà de ces quelques exemples, Eden affiche des progrès considérables notamment en termes d’efficacité, inscrivant 8 buts et réalisant 7 passes décisives toutes compétitions confondues au cours de la deuxième partie de saison. Le LOSC remporte alors son premier titre de champion depuis 1954, sa première coupe depuis 1955, et Eden Hazard est l’indiscutable leader de cette très belle équipe.
« Hé, t’as une crotte de nez »
2011/2012 : Eden passe un palier, et on parle pas de celui de sa maison
S’il y a bien une chose dont personne n’a jamais douté à propos d’Eden Hazard, c’est de son talent. Pour autant, soulignons combien on parle souvent de « talent » sans jamais vraiment se donner la peine de le définir ce qui tend à faire de la notion une coquille vide ou un terme fourre-tout dépourvu de sens. On repère toutefois quelques constances dans les cas de figure de joueurs désignés comme « talentueux » : à défaut d’être systématiquement les plus efficaces, ces joueurs se distinguent par le fait qu’ils disposent d’une habileté rare dans un domaine particulier. Ce qui fait alors le talent, c’est la rareté dans la maîtrise spécifique d’une technique (2).
Parmi les joueurs ainsi qualifiés de talentueux au LOSC, on peut dire que Karasi, Pelé et Hazard se sont distingués. De leurs pieds (3) pouvait naître l’inattendu. Pour autant, au-delà des incroyables fulgurances dont Eden pouvait être l’auteur, on a aussi longtemps pu regretter une efficacité relativement modeste à l’échelle de son talent. On dit bien « à l’échelle de son talent », car peu de joueurs de L1 pouvaient revendiquer une telle influence sur les performances offensives de leur équipe. L’année du titre, Eden est ainsi l’auteur de 7 buts et 10 passes décisives, des scores plus qu’honorables, mais pas encore à la hauteur d’un candidat aux places d’honneur à l’élection du Ballon d’Or.
A nos yeux, c’est pour sa dernière saison au LOSC qu’Eden franchit ce palier. Il réalise une fin de saison particulièrement éblouissante, inscrivant 9 buts et offrant 8 passes décisives lors des 11 dernières journées. Ce qui avait changé avec cet Eden-là, c’est qu’il avait énormément progressé dans sa capacité à ne pas faire le geste de trop tout en ayant conservé une excellente vision de jeu. On se souvient du match gagné à Dijon (2-0).
http://www.dailymotion.com/video/xqaiw3
Un but et une passe décisive, il est improbable qu’Eden aurait eu les mêmes stats sur un tel match un an plus tôt. C’est surtout sur sa passe décisive qu’on voit à la fois le talent qu’on a toujours connu chez Eden associé à ses nouveaux progrès : comment fait-il pour ne pas trop en faire et voir Mavuba qui arrive ? Et, taquins, on ajoutera même : et comment a-t-il fait pour savoir que Rio n’allait pas la mettre à côté cette fois-ci ?
Eden avec Chelsea
A l’été 2012, Eden est transféré à Chelsea pour un somme de 40 millions d’euros qui nous paraît coquette au regard du temps qu’il nous faudrait pour la gagner (4) mais qui paraît presque une bonne affaire en comparaison des prix actuellement pratiqués sur le marché des transferts. On a presque du mal à croire qu’Hazard n’a alors que 21 ans tant cela fait longtemps qu’il nous éblouit.
Il y a peu, le site en ligne de Lequipe nous gratifiait d’un article intitulé « Docteur Eden et Mister Hazard » décrivant l’expérience londonienne du joueur comme un parcours erratique fait de hauts et de bas. Or, derrière la thèse défendue, on se demande un peu si les journalistes n’en font pas un peu trop, découvrant simplement qu’Eden est un être humain, aussi capable de « coups de sang » comme ça peut arriver à toi et moi.
Certes, on ne dit pas que le parcours d’Eden fût complètement linéaire, mais il faut bien reconnaître que les bas connus par Hazard se résument à un vrai passage à vide en 2015/2016 et par quelques faits qui relèvent davantage de l’anecdote que du bas. Certes, en janvier 2013, il est en plein centre d’une polémique sur le fait qu’il aurait « tapé dans un ramasseur de balle » de Swansea, lequel coquinou refusait de céder le ballon à Eden pour gagner du temps. Présentation largement trompeuse, d’ailleurs, puisque si Eden donne bien un coup de pied, son intention est clairement d’attraper le ballon que le petit jeune lui refuse. Certes, il a eu parfois des tensions avec son entraîneur, mais personnellement ça me gonflerait un peu qu’on fasse des tonnes dans la presse des tensions que je peux connaître avec ma meuf ou un pote.
Sinon, le parcours anglais d’Eden, c’est plutôt du rêve. Ses débuts sont tonitruants et il y a plutôt consensus pour louer les incroyables qualités du joueur. Hazard apparaît ainsi comme un joueur rare, capable de faire tout seul la différence. Certains vont d’ailleurs très vite le présenter comme l’un des tout meilleurs du monde au côté de Christian Ronald et de Messi. Eden est évidemment élu meilleur jeune de Premier League en 2014 et meilleur joueur tout court l’année suivante. Après son passage à vide de 2015/2016, Eden revient fort la saison suivante, scorant déjà à 7 reprises en 11 matches de Premier League à ce jour et, surtout, avec un paquet d’actions vraiment pas dégueulasses à son actif.
Derrière ce tableau flatteur, certains voient en Eden un défaut qui, à nos yeux, est une énorme qualité : Hazard n’est pas un pur compétiteur mais avant tout un « joueur », ce qui, au-delà de la question du « niveau » des joueurs le distingue largement des deux « meilleurs joueurs du Monde » précédemment cités. Il est moins une machine à stats que ses deux collègues de la Liga et le plaisir de tâter le ballon relève pour lui d’une importance considérable. Ce qui ne l’empêche pas, à seulement 25 ans, d’avoir déjà cumulé 128 buts et 112 passes décisives en pro.
Eden et le Ballon d’Or
Le 13 janvier 2014, tombaient les résultats du Ballon d’Or 2013. On s’y attendait, mais c’est maintenant officiel, Eden Hazard a bénéficié de ses premiers votes qui lui ont permis de finir à la 22ème place du classement. Complot contre le LOSC oblige, Eden ne pouvait bien sûr pas bénéficier de votes pour le ballon d’or l’année précédente, puisqu’il avait passé la moitié de l’année sous nos couleurs. Alors, dans ce contexte, cette 22ème place, c’est un peu la nôtre aussi.
L’année suivante, Eden progresse d’une place, terminant à la 21ème place et, pour 2015, il finit pour la première fois dans le top 10 de la prestigieuse récompense, terminant à la 8ème place.
Alors, entre nous, Eden méritait bien un top 10 dans sa carrière. On s’étonne pour notre part que ça soit justement en 2015 qu’Eden remporte cette récompense alors même que ses six derniers mois de l’année sont probablement les moins bons de sa carrière depuis sa dernière année en U17 (c’est à dire quand il avait 12-13 ans).
Enfin … quand on dit qu’on « s’étonne », ça n’est pas tout à fait vrai. En effet, l’élection du Ballon d’Or a pris la fâcheuse habitude de récompenser quelques exploits, voire, pire, quelques titres, au-delà des performances globales du joueur sur l’année. Or, ici, c’est vraisemblablement en raison de son titre de meilleur joueur de Premier League pour la saison 2014/2015 qui explique qu’il soit monté aussi haut dans le classement du Ballon d’Or. Et pourtant, si son début d’année 2015 fût de très haut niveau, ce fût aussi le cas de l’ensemble de l’année 2014. Autrement dit, autant sa 21ème place de 2014 ne nous paraît pas chère payée, autant sa 8ème de 2015 nous apparaît grossièrement surpayée.
Il n’empêche, Eden Hazard demeure à ce jour le seul joueur ayant porté le maillot du LOSC a avoir figuré à trois reprises dans le classement du Ballon d’Or. Avant eux, parmi les Lillois, seuls Erwin Vandenbergh (11è en 1980 et en 1983), Patrick Kluivert (5è en 1995 et 16è en 2000) et Kenneth Andersson (24è en 1994) avaient réussi cette performance ne serait-ce qu’une fois. Des quatre, seul Andersson y est parvenu une année où il portait nos couleurs (et encore, pendant six mois). Bientôt, Dimitri Payet devrait les rejoindre dans la petite famille des Anciens Dogues classés au Ballon d’Or.
Avec les Diables Rouges
Quelques jours après sa première titularisation en Ligue 1, Eden découvre les joies de la sélection nationale, à tout juste 17 ans et 10 mois, sans passer par la case Espoirs. L’opposition n’est pas très relevée (le Luxembourg) mais la Belgique a encore dans son effectif des joueurs très moyens et à tout jamais liés aux terribles années 2000 de la sélection. Lors de ce match, on trouve ainsi Stein Huysegems titulaire en attaque, un type qui a vécu l’apogée de sa carrière (du moins, ce qui devait l’être vu son âge) en Nouvelle-Zélande. Score final, 1-1, avec un but de Kevin Mirallas. Eden monte à 20mn du terme et se procure tout seul une grosse occasion. Il entre en jeu à trois autres reprises en 2008/2009.
http://www.dailymotion.com/video/x7gqs0
En fin de saison, il accepte de redescendre en U19 à l’occasion du Tour Elite. La Belgique doit terminer 1ère de son groupe de 4 pour se qualifier pour le championnat d’Europe. Eden inscrit le seul but du premier match, face à l’Irlande. Deux jours plus tard, les Diables écrasent la Suède 5-0. Eden est décisif trois fois (1 but, 2 assists). Malgré ce sans-faute, la Belgique doit obligatoirement gagner son dernier match face à la Suisse, leader grâce à une meilleure différence de buts. Malgré un nouveau but sur penalty, Eden et ses coéquipiers n’obtiennent qu’un nul et termine 2èmes.
Il connaît ses premières titularisations en 2009/2010. Il est aussi décisif, puisqu’il délivre 5 passes décisives en 9 matchs. Néanmoins, il manque d’ouvrir son compteur but en échouant sur penalty face à la Bulgarie en tout début de match. Il se rattrape en offrant le but égalisateur à la 89’. La Belgique s’imposera finalement 2-1 dans ce match amical.
Ses performances commencent néanmoins à être critiquées : à 19 ans, Eden doit commencer à être aussi performant en club qu’en sélection. Mais que faire dans une équipe entraînée par Georges Leekens, où les talents sont encore trop bruts et les joueurs expérimentés trop nuls ? Pas grand-chose. La Belgique dit probablement adieu à l’Euro 2012 lors de cette saison 2010/2011, même s’il reste 3 matchs. Leekens met d’ailleurs une énorme pression sur le néo-champion de France à l’occasion du tout dernier match de la saison, à domicile contre la Turquie. La Belgique est 2ème (et donc virtuellement barragiste) avec un point d’avance sur les Turcs. Après cette confrontation, il restera toutefois à ces derniers un match de plus à disputer. La Belgique serait donc bien inspirée de gagner et Eden d’être performant. Le match se termine sur un nul 1-1, avec en prime un pénalty manqué par Axel Witsel dans le dernier quart d’heure. A l’heure de jeu, Eden est remplacé et file directement aux vestiaires sans serrer la main du sélectionneur, sous l’ovation du public. On le retrouve quelques minutes plus tard à l’extérieur du stade en train de manger un hamburger, avant de retourner s’asseoir sur le banc pour la fin du match. En conférence de presse, Leekens dédramatise et pardonne une « erreur de jeunesse ». Il finira par changer d’avis : Eden sera puni lors d’un match amical en Slovénie. Ça c’est d’la sanction. Il est amusant de remarquer que Leekens avait déjà essayé de « pousser à bout » Enzo Scifo dans les années 90 lors de son premier passage en tant que sélectionneur. Leekens aime couper toutes les têtes qui dépassent pour paraître le seul maître à bord.
La saison 2011/2012 ne sera pas spécialement plus évidente : la Belgique rate effectivement l’Euro 2012. Plus que le nul face à la Turquie, on retiendra plus facilement les points perdus à domicile contre l’Autriche ou à l’extérieur en Azerbaïdjan. Tout n’est pourtant pas à jeter : il inscrit –enfin- ses deux premiers buts, contre l’Azerbaïdjan et contre le Monténégro. Cerise sur le paquebot en mai 2012 : Georges Leekens quitte son poste de sélectionneur. Marc Wilmots prend l’intérim et Eden se montre lors d’un match à Wembley, quelques jours avant de signer à Chelsea, présentant en avant-première ses futurs exploits au public anglais. Malgré la défaite, la performance est en net progrès.
Alors que tous les voyants semblent au vert, Eden va pourtant se faire voler la vedette. En effet, Eden est tellement dangereux qu’il est régulièrement marqué par 2 voire 3 joueurs et n’arrive pas à se défaire du marquage. De Bruyne en profite pour se mettre en valeur et devient l’homme des qualifications à la Coupe du Monde 2014. Eden n’est toutefois pas excusable de tout : sa pichenette ratée (à 2’12) en Serbie alors que la Belgique ne mène que 0-1 ne plaît pas à Wilmots, qui le remplace immédiatement. La Belgique s’impose 0-3 et Eden débute sur le banc le match suivant, contre l’Écosse. La Belgique n’arrive pas à faire la différence, obligeant Eden à rentrer à la mi-temps. Les Diables s’imposent 2-0, avec une passe décisive pour notre héros. Il marque lors des trois matchs suivants.
2013/2014 est une saison compliquée pour les Diables Rouges. L’effet post-Leekens est retombé et le jeu ne progresse pas. La qualification pour la Coupe du Monde est acquise, mais les matchs amicaux face à des équipes de meilleur niveau (Colombie, Japon, Côte d’Ivoire) ne sont pas concluants. En plus de ça, Eden est surutilisé en club : de décembre 2013 jusqu’à sa blessure début avril 2014 contre Paris en Ligue des Champions, il joue en moyenne 120mn par semaine. Le rythme est insoutenable. Wilmots le place d’ailleurs sur le banc lors d’un match amical pour qu’il puisse souffler. Exténué en fin de saison, il vit une Coupe du Monde compliquée, malgré deux passes décisives lors de ses deux premiers matchs. Sa saison se termine sur un remplacement dès la 75’ en ¼ de finale contre l’Argentine, alors que la Belgique est menée 1-0. Un choix rarissime qui montre le niveau de fatigue d’Eden sur cette compétition.
C’est à partir de l’automne 2014 qu’Eden commence à bien trouver ses marques. Son influence est grandissante et sa justesse est précieuse. Néanmoins, ses statistiques sont toujours plutôt décevantes (2 buts, 1 passe décisive) et il n’échappe pas aux critiques injustes. Paradoxalement, c’est lors de sa pire saison en club que ses statistiques s’amélioreront nettement en sélection. Il marque ainsi lors de quatre matchs consécutifs officiels. Puis, lors de la préparation à l’Euro 2016, il prend le jeu à son compte contre la Norvège et renverse le match à lui tout seul (3-2) alors que la Belgique était incapable d’imposer un jeu très pauvre. Blessé en début d’année 2016, Eden reconnaît qu’après l’élimination de Chelsea de la Ligue des Champions, il a pris son temps pour revenir en forme et être à son meilleur niveau lors de l’Euro. C’est réussi : si la prestation collective ne restera pas dans les annales, Eden est de loin le meilleur joueur de l’équipe et enchaîne les prestations de très haut niveau, que ce soit dans un style sobre (contre l’Italie) ou dans un style plus spectaculaire (contre la Hongrie). Avec quatre passes décisives, il est élu meilleur passeur du tournoi.
Depuis juillet 2016, Roberto Martinez est le nouveau sélectionneur. Il a amené avec lui un nouveau système de jeu, un 3-4-2-1 qui permet à Eden d’avoir un rôle très libre sans lui confier la seule responsabilité du jeu. Antonio Conte semble avoir un schéma similaire avec Chelsea, avec succès pour le moment. Très à l’aise dans ce système, Hazard régale et n’a jamais semblé si épanoui avec les Diables.
Souvent critiqué, Eden n’a donc que rarement été réellement mis de côté par les différents sélectionneurs. En 77 sélections, il a débuté 63 fois. Sur ses 14 entrées en jeu, 8 l’ont été avant ses 20 ans, c’est-à-dire à un âge où il n’avait probablement pas la capacité physique de jouer si souvent. Deux fois, il a commencé sur le banc parce que la Belgique était déjà qualifiée (contre le Pays de Galles lors de la dernière journée de qualifications à la Coupe du Monde, contre la Corée lors de la Coupe du Monde). Deux autres fois, il l’a été pour cause de fatigue (contre la Serbie après une blessure, contre la Côte d’Ivoire en amical). Il reste donc une entrée en jeu contre l’Azerbaïdjan en mars 2011 et ce match contre l’Ecosse qui est, avec sa suspension d’un match dans l’affaire du hamburger, sa seule mise à l’écart pour raisons sportives.
Avec 17 buts et 20 passes décisives (dont respectivement 9 et 7 depuis septembre 2015), Eden semble enfin lancé en sélection.
Alors, Eden est-il le « joueur idéal » aux yeux des rédacteurs de Drogue, Bière & Complot contre le LOSC ? Peut-être pas tout à fait, précisément parce que Hazard a trop de facilités, là où on aime les fêlures et les trajectoires cabossées. N’en déplaise aux journalistes de Lequipe, le parcours d’Eden se caractérise bien davantage par son aspect rectiligne que seule sa précédente saison vient contredire. Alors, certes, il donne parfois l’impression qu’il pourrait en donner encore un peu plus. Mais qu’il ne cède pas envers et contre tout aux sirènes de la « performance à tout prix », c’est plutôt quelque chose qui a jalonné l’ensemble de son parcours et qui n’est pas fait pour nous déplaire (5).
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Mix entre « Au Nord c’était les corons » et « à l’est d’Eden »
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A ce titre, un joueur comme Prieto n’est pas nécessairement celui qui serait jugé le plus talentueux. Doté d’un haut niveau de maîtrise dans différents domaines, il dépassait les autres parce qu’il était un joueur extrêmement complet davantage que par une excellence toute particulière dans un domaine.
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Ou de leurs mains, comme quand Karasi tenta d’étrangler Parizon en plein match. Ceci étant, il ne semble pas que ce soit ce genre d’acte qui explique qu’on parle de talent à propos de Karasi. Même si cela contribue indéniablement à son souvenir.
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Un individu gagnant le salaire médian français mettrait ainsi 25.806 mois (soit 2150 ans et six mois) pour gagner une telle somme. Et encore, à supposer qu’il ne dépense rien pendant ce laps de temps ce qui apparaît improbable. Dit autrement, si on veut pouvoir se payer Eden, faudra qu’on soit plusieurs à se cotiser.
- On tient quand-même à vous dire qu’on a vachement galéré pour le titre. Vous avez notamment échappé à « Zlatan de mes couilles, Hazard tac-tac dans la lucarne inch’allah »
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