Archiver pour décembre 2016
Posté le 22 décembre 2016 - par dbclosc
2002 : Grimonprez-Jooris expérimente l’arbitrage vidéo
En décembre 2016, le Real Madrid a remporté la coupe du monde des clubs en battant en finale le club japonais de Kashima Antlers (4-2). Auparavant, les Japonais avaient écarté en demi-finale Atletico Nacional, champion d’Amérique du Sud (3-0). Lors de ce match, un pénalty a été accordé sur la foi des images télévisées, une première dans le football. Par extension, d’aucuns ont estimé que le recours à la vidéo était une première, tout court. Pas si sûr : ceux qui ont assisté à Lille-Guingamp en 2002 s’en souviennent.
Le recours à la vidéo dans le football est un vieux serpent de mer qui a ses partisans et ses détracteurs. Pour les uns, cette innovation tendrait vers un arbitrage dans lequel les « erreurs » disparaîtraient : ainsi, par exemple, la main d’Henry en 2009 contre l’Irlande aurait été pénalisée ; pour les autres, on ne ferait que déplacer le problème, certaines actions étant « injugeables », sans compter le rythme de jeu qui s’en trouverait cassé : les cahiers du foot avaient d’ailleurs montré que le France-Irlande, avec la vidéo, aurait posé bien d’autres problèmes que le cas de la main. À DBC, on est franchement défavorables à la vidéo, on retrouvera certains arguments ici ou là.
Après quelques évolutions transitoires (arbitrage à 5 dans certaines compétitions, recours à la goal-line technology), la coupe du monde des clubs 2016 a permis l’expérimentation de la vidéo via l’IFAB (International Football Association Board), organisme garant des lois du jeu, qui avait autorisé en mars des tests en conditions réelles de matches pendant deux ans, premier pas vers un (éventuel) changement majeur dans l’histoire du football (et notamment pour la prochaine coupe du monde en Russie, que le président de la FIFA souhaite assistée de la vidéo). Le protocole prévoit que le recours à la vidéo concerne quatre cas, dans lesquels l’assistant vidéo (VAR : Video Assistant Referees) peut avoir son mot à dire à l’arbitre central : but marqué, carton rouge, penalty, doute sur l’identité d’un joueur à avertir.
Recours à la vidéo au Mondial des clubs
Le 14 décembre 2016, grâce à l’utilisation de la vidéo, Kashima Antlers a donc obtenu un penalty en demi-finale de la Coupe du Monde des Clubs de la FIFA. À la demi-heure de jeu, l’arbitre Viktor Kassai a été alerté d’un incident par l’arbitre assistant vidéo Danny Makkelie. L’arbitre central a immédiatement signalé qu’il souhaitait visionner les images sur le moniteur installé au bord du terrain. Au préalable, l’arbitre assistant vidéo a appliqué la consigne de prudence concernant l’éventuelle position de hors-jeu du joueur sur lequel la faute a été commise : celui-ci n’étant pas en position illicite, toute faute sur lui est sanctionnable. En visionnant les images, l’arbitre hongrois a désigné le point de penalty, estimant qu’Orlando Berrio avait crocheté Daigo Nishi. Voici un résumé du match avec la séquence :
La FIFA s’enorgueillit de l’événement : « c’est la première fois que les arbitres assistants vidéo interviennent directement dans un tournoi FIFA. Il y a incontestablement un élément de nouveauté. On n’avait encore jamais vu un arbitre courir vers la zone de visionnage au bord du terrain », estime Massimo Busacca, directeur de l’arbitrage de la FIFA. « Sur l’incident qui nous intéresse, la communication entre l’arbitre et l’arbitre assistant vidéo a été claire. La technologie a bien fonctionné et le dernier mot est revenu à l’arbitre, ce qui sera toujours le cas dans la mesure où les VAR ont pour unique fonction d’assister l’homme en noir ». Il est bien précisé que l’arbitre central reste libre d’aller consulter les images1. C’est donc effectivement une première : un recours officiel à la vidéo, une interruption de match pour visionner des images, un pénalty sifflé.
Une « première », vraiment ?
Cet événement a été l’occasion de signaler que c’était le tout premier recours à la vidéo dans le football. Ce à quoi certains ont répondu que la vidéo avait déjà été utilisée officieusement. Par exemple, Raymond Domenech estime que l’expulsion de Zidane lors de la finale de la coupe du monde 2006 a été provoquée par la vidéo (le 4e arbitre aurait au moins vu les écrans géants du stade, voire disposait d’un écran de contrôle). À vrai dire, on est plutôt d’accord avec lui, quand on se rappelle que ni l’arbitre central, ni l’arbitre de touche, n’avaient moufté sur le coup, puis quand on a entendu la rumeur du stade en même temps que passait le premier ralenti du coup de tête sur nos écrans… et sur ceux du stade.
C’est alors que notre très estimé collègue Jean-Marie Pfouff, comme tout supporter du LOSC avec une bonne mémoire, se dit : « ben tchiens ! On a aussi vu de drôles de trucs à Grimonprez-Jooris ! ». Il reprend alors de volée ce bon vieux Raymond, en gardant la structure du premier tweet, facétieux comme il est :
Lille, ville d’avant-garde
Que s’est-il donc passé ? Le 21 septembre 2002, Lille reçoit Guingamp, pour le compte de la 8e journée du championnat 2002-2003. Le LOSC mène depuis la 50e minute grâce à un but de son avant-centre chilien Hector Tapia. 5 minutes plus tard, les Bretons bénéficient d’un corner, repoussé par Grégory Malicki à l’entrée de la surface, où se trouve Christophe Le Roux, qui frappe de volée. Le ballon file vers le but, mais Sylvain N’Diaye, resté au deuxième poteau, repousse le ballon. L’arbitre, M. Auriac, considère que le Lillois a renvoyé le ballon de la main. Logiquement, il siffle alors un pénalty et expulse N’Diaye. Mais Sylvain N’Diaye conteste : il prétend qu’il a repoussé le ballon de la cuisse, ce que la marque sur son short semble confirmer. L’arbitre est pris d’un doute. C’est alors que son assistante, Nelly Viennot, située de l’autre côté du terrain (mais a priori mieux placée que l’autre assistant pourtant plus proche de l’action pour voir quelle partie du corps a touché le ballon) l’appelle. Après quelques secondes de palabre, M. Auriac annule le carton rouge et le pénalty. Les Guingampais sont furieux : contestent-ils l(in)existence de la main, le fait que l’arbitre revienne sur sa décision, ou… l’usage de la vidéo par Madame Viennot ?
Version officielle : Mme Viennot a tout vu et, prenant ses responsabilités, a indiqué à son collègue qu’il faisait erreur. Version officieuse : un membre d’une équipe de télévision présent sur la touche a entendu dans son oreillette qu’il n’y avait pas penalty et aurait alerté le 4e arbitre et Mme Viennot. Une version dont les Guingampais ne doutent pas, à commencer par leur entraîneur, Bertrand Marchand : « Monsieur l’arbitre a changé d’avis après avoir consulté le quatrième arbitre, qui venait de voir la vidéo. Si les gens de télé interviennent, ça fausse le débat. C’est la porte ouverte à tout. Si la vidéo doit être utilisée par les arbitres, ce doit être légal, pas sauvage ». Et à vrai dire, on se rappelle qu’il y a eu un certain délai entre la décision initiale de M. Auriac et le signalement de Mme Viennot, comme s’il y avait eu besoin d’un élément extérieur pour être conforté dans son doute.
Après 7 minutes d’une immense pagaille, Sylvain N’Diaye reste sur le terrain et le jeu va reprendre par un corner pour l’EAG.
Ci-dessus le résumé du match lors de Téléfoot du lendemain. En voyant les images, il ne fait aucun doute que Sylvain N’Diaye ne commet aucune faute. Il indique lui-même à la fin du match : « C’eut été l’expulsion la plus injuste de ma carrière. J’ai dévié le ballon de la hanche et la vidéo le prouve ». Mais le plus étonnant est que le commentaire signale au passage, comme si la séquence était banale, qu’un coup d’œil à la vidéo a permis aux arbitres de prendre leur décision. Alors que le recours arbitral à la vidéo était interdit à cette époque. Mais bon, c’est Lille-Guingamp, alors l’histoire n’avait pas fait beaucoup de bruit à l’époque. Nelly Viennot a déclaré être « furieuse contre l’émission Télé-Foot. C’est moi qui ai pris la décision d’alerter l’arbitre car j’étais certaine à 300 % qu’il n’y avait pas faute. Ce sont mes yeux qui ont tout vu, pas la télé. Ensuite, le 4e arbitre, Pierre Tavelet, m’a confirmé que j’avais raison. Mais ma certitude était déjà forgée à cet instant ». À bien y réfléchir, cette déclaration semble confirmer que la vidéo a été utilisée, même si l’assistante prétend avoir parfaitement vu l’action. Par ailleurs, et désolé pour le bug au moment du but de Sterjovski, mais notre Australien était hors-jeu. Autant dire qu’on doit une fière bretelle à Nelly Viennot, qui a appliqué une autre règle officieuse : « si c’est une passe de D’Amico, pas de hors-jeu ». Lille s’impose 2-1. Claude Puel ne se mouille pas mais salue l’attitude des arbitres : « Les arbitres ont été ce soir les maîtres du jeu. C’est une décision aussi courageuse que légitime ».
Pour revenir à l’utilisation plus générale de la vidéo, cette coupe du monde des clubs marque la fin de la période d’expérimentation du projet VAR. En association avec la FIFA, l’IFAB va désormais décider ensuite si l’expérimentation se confirme, et si des ajustements sont nécessaires. Au vu du pataquès généré par le but de Cristiano Ronaldo en demi-finale (but accordé, puis refusé, puis accordé), nul doute que l’utilisation de la vidéo dans le football n’a pas fini de susciter bien des problèmes.
Ce qui est certain, c’est que votre mondial des clubs et votre coupe du monde, vous pouvez vous les mettre au cul : c’est à Lille qu’on est précurseurs.
1 Ce qui ne manque pas de poser d’autres questions : sur quelle base un arbitre central s’autorise-t-il à ne pas aller voir des images que le VAR lui indique qu’elles montrent quelque chose qu’il n’a pas vu ? Que dira-t-on d’un arbitre réfractaire ? N’est-ce pas finalement l’aveu que la vidéo n’est qu’un outil relatif qui ne dégagera aucune « vérité » ?
Posté le 17 décembre 2016 - par dbclosc
L’affaire Zacharias
En 1954, Joseph Zacharias est l’un des plus talentueux joueurs de la grande équipe de Hongrie, championne olympique en 1952 et récente finaliste de la coupe du monde. Moins d’un mois après la finale perdue contre l’Allemagne de l’Ouest, un homme se présente au LOSC : il prétend être Joseph Zacharias lui-même, fuyant le régime communiste hongrois, et désirant poursuivre son métier en liberté, à Lille. Le président Lillois, Louis Henno, saute sur l’occasion et présente illico son nouveau joueur à la presse. L’affaire du siècle ? Oui, s’il n’avait pas été un imposteur… On s’en rend vite compte lors d’un match amical auquel il prend part.
Nous sommes fin juillet 19541. À 2 heures du matin, un homme, après une longue marche, arrive à Lille. Quelques heures plus tôt, à la frontière franco-belge de Rekkem, ses papiers ont été contrôlés : ils sont en règle. Quelques heures plus tard, après s’être renseigné auprès d’un facteur, il se présente rue du Molinel, au Moulin d’or, le café de Gaston Davidson, président des supporters du LOSC.
_Je voudrais voir le patron.
_C’est moi, répond Davidson.
_Je suis footballeur. Je m’appelle Zacharias, vous savez, l’international hongrois. J’ai fui mon pays, je veux jouer à Lille.
Face à cet individu harassé et hagard, Davidson est un brin circonspect. Il offre une bière au vagabond, qui répète : « Je suis Joseph Zacharias (József Zakariás), le demi-gauche de l’équipe de Hongrie. Après la coupe du monde en Suisse, j’ai décidé de rester à l’Ouest. J’ai choisi la liberté et je voudrais continuer à jouer au football. Si possible à Lille : grande équipe, très connue… ». Une chose est certaine : Lille est en effet une grande équipe, qui vient de remporter le championnat de France 1954, un an après avoir enlevé la coupe nationale. Et cette équipe a repris le chemin de l’entraînement pour la nouvelle saison le mercredi 28 juillet. Mais pour le reste : vraiment, Zacharias, une des stars du dernier Mondial, à Lille ? Le récit de l’individu, exprimé dans un français approximatif, est suffisamment crédible pour que Davidson l’emmène au siège du club, alors situé au café L’Aubette, rue des Ponts-de-Comines. On y manque de s’étrangler. Le président Louis Henno est prévenu et le voici rapidement sur place, flairant la bonne affaire : « Prévenez les journalistes, je fais une conférence demain à 11h, je présenterai l’équipe de la saison prochaine ».
Petit détour historique
Joseph Zacharias (ci-contre) est un joueur du Vörös Lobogó (qui signifie « drapeau rouge », aujourd’hui le MTK Budapest FC). Il est surtout célèbre pour avoir été l’un des membres les plus éminents du « Onze d’or Hongrois », l’équipe nationale de Hongrie de la première moitié des années 1950, jouant un football novateur en 4-2-4, précurseur du football total des néerlandais dans les années 1970. Le « onze d’or Hongrois » est considéré comme l’une des équipes les plus performantes de l’histoire, étant notamment la première à battre les Anglais chez eux en 1953 (6-3), et avec une seule défaite entre 1950 et 1956 (en finale de coupe du monde, 2-3 contre l’Allemagne de l’Ouest, qu’elle avait pourtant battue en poules 8-3). Coéquipiers de Ferenc Puskas ou Sandor Kocsis, Zacharias y occupe le poste de milieu défensif (parfois défenseur), et y a déjà été sélectionné 35 fois.
Comment une telle star peut-elle se présenter d’elle-même pour être recrutée dans un club ? D’abord, à cette époque, les footballeurs ne sont pas des « stars » : au mieux, ce sont des vedettes, que les balbutiements de la télévision n’ont pas encore rendu familiers. Ensuite, un tel scénario est crédible en raison de la situation politique en Hongrie. D’abord, c’est où la Hongrie ?
Merci. La situation politique de la Hongrie, donc, est bien complexe au sortir de la guerre (mais bon, on peut dire ça d’à peu près tout le monde). En 1944, le pays est envahi à la fois par les soviétiques et les Roumains d’un côté2, et par les Allemands de l’autre : si on veut rester positif, on peut sans doute y voir là le signe de l’attrait du pays, mais pas sûr que ça ait arrangé les autochtones.
Finalement, Soviétiques et Roumains parviennent à dégager en avril 1945 le chef du parti fasciste hongrois des Croix fléchées Ferenc Szálasi, que les nazis avaient placé à la tête du pays. Un totalitarisme chassant l’autre, voilà la République hongroise occupée par l’URSS, qui impose la présence de communistes au sein du gouvernement, si bien que le secrétaire général du Parti des travailleurs hongrois, Mátyás Rákosi, avec un joli score de 95,6%, accède à la tête de la Hongrie, qui devient République populaire de Hongrie le 20 août 1949, et ce jusqu’en 1989. Le régime de Rákosi est connu comme l’un des plus répressifs du bloc communiste en Europe : entre 1948 et 1953, moment où Rákosi est remplacé par Imre Nagy, près de 1 300 000 personnes comparaissent devant les tribunaux, qui prononcent 695 623 condamnations, allant de l’amende à la peine capitale, avec une moyenne de 116 000 par an. Pas mal pour un pays de 9,5 millions d’habitants3.
La mort de Staline en 1953 et l’arrivée de Nagy – qui passe pour un dissident réformateur au sein du Parti des travailleurs – laissent augurer des jours meilleurs, mais Moscou et les staliniens du Parti ne l’entendent pas de cette oreille : il est renversé en 1955, avant d’être rappelé un an plus tard, pour faire face aux protestations étudiantes, prélude à l’insurrection de Budapest dirigée contre le régime communiste lors de l’automne 1956. Il réclame une démocratie parlementaire et la fin de l’emprise soviétique. Si l’armée et la police le suivent, des chars soviétiques sont toujours présents en Hongrie et, à l’aide d’un coup d’Etat fomenté par son rival János Kádár, ils répriment durement l’insurrection de Budapest. Nagy permet que des dizaines de milliers de Hongrois s’enfuient par l’Autriche. Mais lui-même est arrêté, puis exécuté en 1958. Tout ça pour dire que tout gouvernement hongrois durable est condamné à être fidèle à l’URSS.
La même politique se poursuit avec un caractère répressif plus ou moins accentué selon les périodes. Ainsi, il n’est pas farfelu d’imaginer que des Hongrois ayant fui leur pays errent à travers l’Europe à la recherche d’une vie meilleure, et la possibilité de quitter la Hongrie est particulièrement offerte aux sportifs internationaux.
Un accueil en grande pompe
Revenons à notre Zacharias. Son récit étant crédible, au vu de la situation politique, on l’accueille en grande pompe (ce qui ne signifie pas nécessairement qu’il a une grande pointure de chaussures). Et qui aurait assez de culot pour inventer une histoire pareille ? D’ailleurs, Zacharias annonce que ses coéquipiers József Tóth et Zoltán Czibor sont en route : ils ont pris un caboteur transportant du charbon aux Pays-Bas, et s’apprêtent à débarquer à Dieppe ! Ni une, ni deux, ni une-deux, Louis Henno appelle l’entraîneur de Dieppe et lui demande de récupérer les joueurs afin de les aiguiller aussi vers Lille ! En attendant la conférence de presse du lendemain, Henno chouchoute son nouveau joueur : tournée des meilleures brasseries, logement dans un hôtel de luxe, passage dans des boutiques de vêtements, recherche d’un appartement, versement d’un peu d’argent de poche. Il s’agit d’offrir un accueil digne du standing d’un récent finaliste de la coupe du monde. Pour le moment, la presse n’est au courant de rien, tandis que le président Henno aiguise la curiosité des journalistes : « bientôt, du sensationnel… pour demain ! » annonce-t-il jeudi 29…. puis vendredi 30.
Une conférence de presse délirante
Samedi 31 juillet 1954, 11h, la presse est présente. Louis Henno se laisse aller à un spectacle théâtral, sûr de son petit effet : il est placé sur une estrade, surplombant les journalistes et, derrière lui, se trouve un tableau sur lequel figure la composition de la future équipe du LOSC, celle qui défendra son titre lors de la saison 1954-1955. Mais le tableau ne compte que 10 joueurs : en effet, le défenseur néerlandais Corry Van Der Hart, ne veut pas revenir, à moins qu’on ne l’augmente de 10 000 francs. Henno refuse de céder, et le LOSC fera sans. De toute façon, il s’en fiche, son remplaçant est désormais trouvé. « Oui, Messieurs, Van Der Hart est réfractaire. Je vais vous présenter aujourd’hui celui qui va le remplacer ». Il fait alors apparaître sur le tableau le CV de Zacharias. Tirant un rideau derrière lequel un homme était caché, le président annonce fièrement : « Je vous présente le 11e joueur du LOSC, notre dernière recrue, l’international hongrois Joseph Zacharias, finaliste de la coupe du monde il y a tout juste un mois ». L’assistance est stupéfaite. « Si vous voulez lui poser des questions, je vous le laisse. Joseph Zakarias, qui est également ingénieur, parle 7 langues, dont le français ». Et notre Zacharias de se lancer dans le récit de ses aventures : il dit avoir 24 ans, s’est enfui de son pays, a beaucoup marché en traversant la Tchécoslovaquie, l’Allemagne et la Belgique. Il a même vendu une bague en or pour survivre. Puis il enchaîne sur son jeu : « Comme vous le savez, mon shoot est d’une puissance difficilement imaginable. Un jour, j’ai tiré sur un poteau et le ballon a explosé. Pire, une autre fois, le gardien a voulu s’interposer, il a pris la balle en pleine tête, il est décédé peu après ». Certains journalistes semblent dubitatifs, d’autant que ce Zacharias ne ressemble pas trop à celui qu’on connaît… Mais l’histoire est si belle, et Louis Henno semble si content… ! Le président ne s’inquiète même pas des éventuels problèmes que pourrait lui poser la fédération hongroise. L’important, pour le moment, c’est le premier match amical d’avant-saison, prévu le lendemain contre le FC Rouen, au cours duquel Zacharias pourra faire l’étalage de tout son talent.
Mais tout de même, la Voix du Nord s’interroge : dans l’édition du lendemain, datée des 1er et 2 août 1954, on peut lire, à propos du match amical à venir : « balle au pied, on verra si Zacharias est bien l’authentique international hongrois (…) De toute manière, il semble improbable que la fédération hongroise accorde l’indispensable autorisation de sortie à un de ses footballeurs qui aurait quitté le pays dans de telles conditions ». De son côté, l’United Press, grande agence de presse (américaine) de l’époque, indique qu’il serait « absolument invraisemblable que l’international magyar Zacharias ait signé à Lille ou pour tout autre club français », l’occasion de découvrir que « magyar » est synonyme de « hongrois ».
Direction la Normandie
La rencontre a lieu à Cany-Barville, en Seine-Inférieure (aujourd’hui Seine-Maritime). Mais avant tout, petit détour par Dieppe, pour récupérer Tóth et Czibor. Cela tombe bien : l’entraîneur du LOSC, André Cheuva, est ami avec l’entraîneur de Dieppe, ce qui permet d’enrôler bénévolement l’équipe de Dieppe à la recherche de deux Hongrois dans le port… Mais le bateau n’arrive pas. « Fâcheux contretemps » commente Zacharias. Allons, concentrons-nous sur le foot ! Zacharias va enfin prouver l’étendue de son talent sur le terrain. Il faut dire que jusqu’alors, il ne s’est même pas entraîné ! « Pas la peine, je reviens de Suisse, et je suis en pleine forme. D’ailleurs, vous le verrez sous peu ! ».
Une performance mémorable
Cette fois, Zacharias sème le doute dans l’esprit de ses équipiers. Dans le car qui les emmène au stade, il roule des mécaniques. S’adressant à André Strappe : « Surtout, ne te vexe pas si je marque un but de plus que toi » ; à Yvon Douis et Jean Vincent : « Vous en avez de la chance ! Avec moi vous aurez des ballons en or, et vous allez marquer plein de buts. Si ça ne va pas, passez-moi le ballon, je marquerai 2 ou 3 buts ! ». Les joueurs s’interrogent face à la prétention du nouveau venu.
Le 11 du LOSC aligné contre Rouen le 1er août 1954, à partir de la gauche :
Strappe, Van Gool, Pazure, Lemaître, Bieganski, Wesolek, Somerlinck, Lagon, Desrousseau, « Zacharias », Lefèbvre.
Dans le vestiaire, ça tourne carrément au sketch : Zacharias ne parvient même pas à lacer ses chaussures… Sur le terrain, Zacharias ne peut pas sauver les apparences très longtemps : il ne parvient pas à contrôler un ballon et, s’il en touche un, c’est pour bourriner dedans n’importe comment. Le public, nombreux pour voir la star, commence à pouffer. Cerise sur l’Hitoto : en cherchant à intercepter un ballon, il donne un violent coup de pied sur le genou de l’Autrichien de Rouen, Ernst Melchior, qu’il blesse sérieusement. Le match vire au pugilat et les gendarmes, prévenus par la direction du LOSC, interviennent.
Le vrai Zacharias s’en mêle
En fait, à peu près au moment où le match débutait, les dirigeants Lillois ont reçu un télégramme de Budapest signé… Joseph Zacharias. Le vrai. Alerté de sa prétendue arrivée au LOSC, il indique qu’il prend l’apéro avec un journaliste qui lui a parlé de Lille, qu’il est en Hongrie, où il se sent très heureux avec son épouse et ses enfants, précise qu’il n’a pas 24 mais 30 ans, et transmet ses amicales salutations. Louis Henno est furieux d’avoir été berné, et d’être désormais la risée de la France entière. Personne n’est content, et même Bouddha peste. Notre ami, face aux gendarmes, prétend désormais être le frère de Joseph Zacharias : « si j’ai agi ainsi, c’est parce que je suis à bout de ressources et que j’avais besoin d’aide ». Les gendarmes demandent les papiers de l’usurpateur, une idée intéressante que Louis Henno n’avait pas eue. Ils trouvent un livret militaire. Et le télégramme est arrivé trop tard pour empêcher la titularisation de… Ladislav Vereb, un légionnaire tchécoslovaque qui a déserté, de retour d’Indochine. Fantastique. Depuis son retour d’Indochine, il faisait l’objet d’un arrêté ministériel d’expulsion. On lui avait assigné une résidence surveillée à Casteljaloux (Lot-et-Garonne). Pour la petite histoire, le match reprendra et se terminera par un 3-3. Le lendemain, en nocturne, Lille gagne 3-0.
C’était un peu gros quand même
Une fois que l’escroquerie est révélée, la Voix du Nord pose des questions très basiques, qui sont bien souvent les meilleures : « À la réflexion, l’odyssée de Zacharias paraissait bien obscure, invraisemblable. Pourquoi ce réfugié politique avait-il choisi Lille ? Pourquoi, immédiatement après avoir franchi le rideau de fer, n’avait-il pas recherché la protection de la police et sollicité le statut des réfugiés politiques ? ». Par ailleurs, le quotidien indique avoir pu interroger l’usurpateur juste avant le match, lui permettant de conclure qu’on ne savait pas qui était ce type, mais une chose était sûre : ce n’était pas Joseph Zacharias ! « Il suffisait de poser quelques questions précises, quelques « colles » à Zacharias, pour voir s’il était bien l’authentique international hongrois. En 3 questions, on pouvait être édifié. Nous avons demandé à Zacharias :
_« Qui, lors du premier match Allemagne-Hongrie à Bâle, défendait le but allemand ? »
Zacharias répondit :
_« Turek ».
C’était faux. Turek, mis au repos, avait été remplacé par Kwiatkowski
_ « Vous étiez bien, avons-nous continué, demi-gauche de l’équipe hongroise ? Avez-vous joué contre le Brésil ? »
_« Oui »
_« Qui marquiez-vous ? »
_« Santos »
Zacharias venait encore de mentir, car D. et N. Santos étant les arrières de l’équipe brésilienne, ils ne pouvaient être surveillés par le demi-gauche de l’équipe hongroise. Ce jour-là, Zacharias avait pour adversaire direct Humberto ».
La Voix du Nord souligne aussi que lors de la fameuse conférence de presse du 31 juillet, une erreur aurait dû mettre la puce à l’orteil des dirigeants lillois : « Zacharias » y a affirmé qu’il avait vu jouer Bordeaux en juin à Moscou. Or, quand l’équipe de Bordeaux était en Russie, l’équipe nationale hongroise était déjà en Suisse, et n’a donc jamais croisé les Bordelais.
Le LOSC devient la risée du foot français
La Voix du Nord s’en donne à coeur-joie pour qualifier l’événement : « « la plus sensationnelle évasion de l’année », selon l’expression d’un dirigeant lillois, se terminait en fait divers banal, dans la plus magistrale version courtelinesque ». Le faux Zacharias est qualifié d’ « imposteur » ; d’ « escroc de petite envergure » ; de « triste sire » ; sur sa performance footballistique, « il se comporta comme un vulgaire coureur à pied » ; « incapable d’exciper le moindre talent footballistique » ; « d’ailleurs, il n’avait rien d’un athlète » ; « entre deux gendarmes se termina la brève mais brillante carrière de footballeur de cet escroc à l’imagination fertile, mais puérile » ; Heureusement, « cette affaire a provoqué dans tout le monde un immense éclat de rire ».
Pas encore vu, pas encore pris
Dans les jours qui suivent, Ladislas Vereb, incarcéré à Yvetot pour fausse déclaration d’état civil et infraction à un arrêté d’expulsion, ne donne toujours « aucune explication cohérente » à ses agissements si ce n’est « faire parler de lui ». Dans la mesure où c’est assez réussi, n’est-ce pas plutôt très cohérent ? Il dérive un peu en annonçant qu’il ne parlera qu’en présence de son avocat qu’il ferait venir d’Alger. Jugé, il en sera bon pour deux mois de prison. Un sosie aurait purgé la peine à sa place que ça ne nous étonnerait même pas.
Fin de l’histoire ? Pas tout à fait.
Le 5 août, le LOSC rencontre de nouveau Rouen, cette fois au Touquet. Le 6 août, dans son compte-rendu du match (remporté 3-2 par Lille), la VDN signale que « les spectateurs ne ratèrent aucune occasion de crier « Zacharias ! » à chaque raté d’un joueur losciste ». On a des petits moqueurs dans le public ! Probablement à la solde de ce complot communiste.
Le début du déclin
Cette péripétie est probablement l’histoire la plus foireuse en lien avec le LOSC, et elle nous fait bien rire aujourd’hui. Mais elle a par ailleurs eu des conséquences désastreuses : bien entendu, le crédit de Louis Henno fut sérieusement entamé ; et sportivement, Van Der Hart n’est finalement pas remplacé, ce qui affaiblit considérablement l’équipe lilloise, championne en titre, qui réalise en 1954/1955 la pire saison depuis sa création, en finissant 16e, évitant la relégation lors d’un barrage contre Rennes, et avec 58 buts encaissés ! Le gain de la coupe de France sauve les apparences mais, la saison suivante, rebelote : de nouveau 58 buts encaissés et la découverte de la deuxième division à l’issue de la saison. Confronté à de récurrents problèmes financiers, le LOSC fait le yoyo entre D1 et D2 durant plus de 10 ans, avant de finalement abandonner son statut professionnel en 1969.
Protagoniste involontaire de cette affaire, Joseph Zacharias est décédé en 1971, ne quittant sa Hongrie que pour entraîner la Guinée entre 1961 et 1968.
FC Notes :
1 Les informations, réactions et dialogues relatés dans cet article sont notamment extraits de : Légendes du foot, « Lille, la saga du LOSC », n°4, juin 2001 ; La grande histoire du LOSC, Patrick Robert, Jacques Verhaeghe, Hugo, 2012 ; et de la Voix du Nord, du 1er au 17 août 1954.
2 C’est le moment où la famille Sarkozy se casse. 71 ans plus tard, le fils de Pàl Sarkozy, Nicolas, suggère que les réfugiés « ont vocation à retourner dans leur pays une fois la guerre terminée ». La Hongrie n’étant plus en guerre, tu peux retourner « chez toi », Nicolas. Et Lorànt Deutsch, tu peux partir aussi.
3 D’autres détails en consultant : Miklós Molnar, Histoire de la Hongrie, Hatier, 1996.
Posté le 10 décembre 2016 - par dbclosc
29 novembre 1996 : Wimbée scorbute Nadon
Vendredi 29 novembre 1996, Nancy, stade Marcel Picot. Aux alentours de 21h50, l’ASNL, toujours menée 0-1 par Lens, obtient un corner de la dernière chance. Jouant le tout pour le tout, son gardien de but monte et, fait inédit dans le championnat de France, égalise sur une action de jeu. Retour sur cette première, qui met en scène deux anciens gardiens du LOSC : Grégory Wimbée et Jean-Claude Nadon.
Deux remarques pour commencer
Salut à tous. Avant d’entamer cet article proprement dit, je réfléchissais à quel jeu de mots foireux je pouvais trouver pour un titre rigolo. Après avoir brodé autour de « but », « Greg » et « Wimbée », je ne trouvais pas mieux que : « Nadon bute sur Wimbée » ce qui, avouons-le, est assez faiblard, mais avait au moins l’avantage de mettre en avant les noms de deux de nos anciens gardiens, même si ce bon vieux Jean-Claude aurait sans doute préféré ne pas figurer là. Ben fallait pas aller à Lens, tiens ! J’avais aussi : « Wimbée, le but de sa vie », mais ça fait trop grandiloquent, et puis ça a sûrement déjà été fait. Tout ça pour dire que le mot « scorbut » m’est venu, et je me suis dit que ce serait bien de le caser à l’occase, parce que c’est tout de même le mot rêvé pour les footeux (y a « score » et « but », pour celles et ceux qui n’ont pas suivi). Mais c’est bien difficile cependant, puisque le Larousse définit le scorbut de la façon suivante : « maladie générale caractérisée par des hémorragies multiples, par une cachexie progressive, et provoquée par la carence en vitamine C ». Le lien avec le foot n’est pas évident. Mais à DBC, on ne s’arrête pas au premier obstacle venu et on innove ; après tout, le français est une langue vivante et il n’est pas interdit de contribuer à son évolution : d’aucuns ont récemment inventé le verbe « zlataner » pour désigner l’idée qu’on écrase un adversaire, tout comme « fernandodamiquer » signifie « faire chier l’adversaire en lui courant après avec des jambes arquées jusqu’à ce qu’il s’énerve ». Donc on s’en tape : le verbe « scorbuter » désigne désormais « marquer un but tout en rendant le gardien adverse très malade, pouvant aboutir à des hémorragies multiples, par une cachexie progressive, et provoquée par la carence en vitamine C, tellement qu’il est zaraf d’encaisser un but pareil ». Vous allez donc voir dans cet article comment Grégory Wimbée a scorbuté Jean-Claude Nadon.
Et, deuxième remarque liminaire, les réactions extraites de cette page sont tirées d’un article de France football du 3 au 9 décembre 1996, p. 18-19, signé Claude Bernard, et titré « Wimbée, label histoire », comme quoi on n’a pas le monopole des titres qui ne veulent rien dire.
Une situation sportive difficile
Revenons donc à ce 29 novembre 1996. Il y a quelques jours, nous avons diffusé sur notre page facebook la vidéo de cet exploit, à l’occasion de ses 20 ans. Car il s’agit bien d’un exploit : jamais un gardien de but n’était jusqu’alors parvenu à inscrire un but en première division française, autrement que sur pénalty : c’est donc historique. À DBC, on aime en outre souligner, ce que les archivistes font rarement, que ce but a été marqué contre Lens, notre rival préféré, ce qui ne gâche rien à l’affaire.
Nancy est promu en D1 après une belle saison 1995-1996 à l’issue de laquelle l’équipe a terminé 3e de D2, derrière Caen et Marseille. Avec une particularité non négligeable : l’ASNL a terminé l’exercice avec la meilleure défense du championnat : 23 buts encaissés seulement1. Dans les buts à 40 reprises, un grand artisan de la montée : Gregory Wimbée, 24 ans, gardien longiligne. Lorrain (il est né à Essey-lès-Nancy), il a été formé à l’INF Clairefontaine avant de rejoindre le centre formation de Nancy en 1990 comme stagiaire. Il a été international Juniors et compte une vingtaine de convocations en Espoirs (pour 4 titularisations) Après un passage par Charleville (D2) lors des saisons 1992-1993 et 1993-1994, Greg est enfin titulaire à Nancy à l’orée de la saison 1994-1995. Au cours de cette saison, il joue l’intégralité des 42 rencontres de championnat.
Mais l’apprentissage de la D1 est rude. En cette fin d’automne, collectivement, la situation est peu joyeuse à Nancy : le club est 19e et compte seulement 2 victoires après 19 journées, soit exactement à la moitié du championnat : à Bordeaux (1-0) et contre Guingamp (2-0). Pour ce premier match retour de la saison , les Lorrains retrouvent des Lensois qui les ont aisément battus en août à Bollaert (1-3). Les Sang et Or, quant à eux, après un début de saison intéressant (ils étaient leaders début septembre), sont dans un trou d’air : ils restent sur 4 défaites consécutives, ayant été battus à Lille (1-2), contre Bordeaux (3-4), à Marseille (1-2), puis contre Strasbourg (1-2). Les voilà désormais 14e. Mais ils ont tout de même deux fois plus de points que leurs adversaires du soir (24 contre 12).
Déjà un jour particulier
Mais ce vendredi matin, Grégory Wimbée se lève l’esprit guilleret : l’avant-veille, il était invité chez Jean-Luc Delarue. « À croire qu’à la 2, ils avaient senti le coup. Cela n’avait pas grand-chose à voir pourtant. Dans son émission, Jean-Luc Delarue évoquait le stress. Il a pensé, entre autres, au gardien de but, l’angoisse de l’homme seul. Pourquoi moi ? Simplement parce que Bernard Lama préparait le match contre l’Olympique de Marseille, que Mickaël Landreau, de Nantes, le plus jeune de D1, n’avait pas été libéré par Jean-Claude Suaudeau. On a recherché ensuite parmi les mal classés, c’était Bruno Valencony ou moi, j’étais disponible ». À une époque où le foot n’est pas aussi médiatisé qu’aujourd’hui, et d’autant moins quand on joue à Nancy, c’est déjà en soi un petit événement ; en outre, la veille, Grégory a fêté le premier anniversaire de son fils Théo. Enfin, il apprend qu’en l’absence du capitaine nancéien Paul Fischer, suspendu, c’est lui-même qui va enfiler le brassard de capitaine, et ce pour la première fois de sa carrière. L’entraîneur, Lazlo Bölöni, justifie ainsi son choix : « Greg le mérite du fait de son ancienneté au club, de ses performances sportives et de son influence sur le jeu ». Il ne croyait pas si bien dire.
Sur le terrain, le match est arbitré par M. Derrien, une vieille connaissance. La différence de niveau entre les deux équipes se confirme : Delmotte ouvre le score en début de deuxième mi-temps. Le temps passe, et Nancy, avec une attaque limitée (plus mauvaise attaque, à égalité avec Caen, 11 buts marqués), semble incapable d’égaliser. Les Lorrains, des quiches ? Depuis son but, Greg assiste, impuissant, au mauvais scénario qui se dessine : « ce match, je l’ai vécu en tant que gardien avec les devoirs de mon poste, sans jamais ressentir de l’irritation ou du dépit parce que mes partenaires ne parvenaient pas à marquer. Je sais ce que peut être la condition d’un gardien qui n’est pas en confiance. Les coups malheureux s’enchaînent sans qu’on n’y puisse rien. Mes copains devant ont déjà fait leurs preuves en d’autres circonstances, sinon ils ne seraient pas là. Il suffit parfois d’un déclic pour que ça marche bien. Je ne m’estime pas en droit d’adresser le moindre reproche à un partenaire après un ratage. Un pro est capable de s’analyser. Moi-même, je m’en veux, par exemple, de n’avoir pas esquissé un geste sur le but que nous avons encaissé. J’ai eu quelques secondes de déconcentration pour placer quelqu’un sur Delmotte. Le football est un sport collectif avec chacun un rôle défini. Le mien est d’éviter les buts et de bien relancer ». Position très sage : le gardien de buts est là pour garder les buts. Jusque là, tout est normal.
Et si je veux, je monte, j’contrôle, je pivote et je marque
On joue le temps additionnel. Nancy est toujours mené d’un but. Corner pour les locaux. Plus rien à perdre, dans 30 secondes, le match est terminé, il faut égaliser : Greg monte. 0-1 ou 0-2 si ça foire, quelle importance ? Nous voilà dans la situation cocasse où un gardien de but se retrouve dans la surface de réparation adverse. Précision réglementaire, à destination des non-initié.es au football : en pareil cas, il n’a pas droit de mettre les mains ; il ne peut que prêter main forte à ses coéquipiers en utilisant toute partie du corps à l’exception des bras. C’est rigolo, le public est content et, l’air de rien, ça suscite toujours un petit sentiment de panique chez l’adversaire. Sébastien Schemmel botte le corner sortant côté droit.
« Je ne suis pas monté pour égaliser. Dans mon esprit, c’était seulement pour mettre la pression ajoutée à la panique dans la défense de Lens avec le surnombre. Non, vous savez, moi, de la tête, je suis nul, je n’ai pas le timing. D’ailleurs, c’est Wallemme, je crois, qui m’a largement dominé sur le premier tir de Schemmel au corner ». En effet, et comme on le voit sur le beau croquis ci-dessous de Lem, le premier centre – qui est tout de même tiré à destination de Wimbée ! – est facilement renvoyé par la défense lensoise. Retour à l’envoyeur : « [Schemmel] a repris, puis Lécluse a remis le ballon sur moi, j’ai ratissé, je me suis retourné, j’ai tiré dans le paquet. Il y a eu un ricochet et le but ». Et voilà, 1-1 ! En fait, le ballon est dévié par David Régis, ce qui trompe Jean-Claude-Nadon, ravi par ailleurs de la passivité de sa défense : sur un corner, à proximité des six-mètres, l’adversaire a tout de même le temps de faire un contrôle approximatif du genou, de se retourner et de frapper sans opposition ! « Je suis masqué, j’ai un de mes deux coéquipiers devant moi. Il frappe mais je vois le départ du ballon qui part à ras de terre. Seulement, quand il est détourné au passage, il prend une trajectoire plus aérienne (…) Wimbée est très grand, 1,93m je crois. Alors, s’il avait marqué de la tête, on aurait compris. Mais là, c’est du pied. Il a tout le temps de se retourner, il n’est pas attaqué (…) Il faut que ça tombe sur moi ! ».
Postérité assurée
Grégory Wimbée devient ainsi, officiellement, le premier gardien de but à marquer sur une action de jeu en D1. « Officiellement », car les données d’avant 1945 sont parcellaires et, même si c’est peu probable, rien ne garantit que l’événement ne se soit pas déjà produit. Les sentiments pour Greg sont ambigus : fidèle à sa modestie et à son habituelle lucidité, il sait qu’un nul à domicile laisse Nancy englué en bas de classement ; mais il se laisse tout de même aller à sa joie : « Ce que j’ai réussi contre Lens, c’est hors programme. Une péripétie exceptionnelle, un réflexe de dernière chance, presque un gag. Cela s’arrête là. Je n’ai pas le goût ni le talent pour jouer ailleurs que dans ma cage (…) Je ne devrais pas, parce que ce nul pour nous n’est pas un bon résultat, mais je suis heureux (…) Je n’avais jamais éprouvé la joie de marquer, sinon dans la séance de tirs aux buts en coupe de France, ce n’est pas pareil. J’avais déjà vu à la télé des gardiens buteurs. L’an dernier, Peter Schmeichel en coupe d’Europe avec Manchester United contre Volgograd, mais autant que je me souvienne, cela n’avait servi à rien son équipe avait été éliminée. C’était un but de raccroc, comme le mien… Il y avait aussi eu un Autrichien, et puis ce Guyannais qui avait traversé tout le terrain avec le ballon. Mais c’était dans un championnat plus facile. Malgré tout, je les avais enviés à chaque fois d’avoir goûté à ce plaisir rare pour un gardien. Maintenant, je connais, je fais partie du club ». Jean-Claude Nadon, même un peu dépité, salue le geste de son collègue : « la vie continue mais on n’aime pas trop subir ce genre d’événement. J’aurais voulu être à sa place ! Tout le monde souhaite un jour connaître la joie du buteur. Je ne suis jamais monté de la sorte sur le but adverse au cours de ma carrière. C’est un concours de circonstances et ça reste quand même une prise de risque. Si jamais il y a contre-attaque… je n’oserais pas. Si on prend un but en contre, on est encore plus ridicule ». Certes, mais il y a encore plus ridicule : monter sur le but adverse alors que l’adversaire attaque.
Quand il jouait à Lille, Jean-Claude Nadon s’amusait à donner des coups de pied à Mickaël Debève quand l’arbitre avait le dos tourné.
Le cas Hernandez, et les autres
En fait, il serait plus juste de dire que Greg Wimbée est le premier gardien de but à marquer sur une action de jeu dans l’exercice de ses fonctions. Pourquoi ? Parce que, d’abord, et ensuite car lors de la saison 1962-1963, le gardien de but de Monaco, Jean-Claude Hernandez inscrit contre Valenciennes le troisième but de son équipe, d’une tête ou d’une volée des 20 mètres, selon les sources. Alors, qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
En fait, à la 79e minute, Hernandez se blesse à un bras : embêtant pour un gardien. Les remplacements ne sont pas autorisés. Il intervertit alors son poste avec son équipier Jean-Marie Courtin, attaquant. 5 minutes plus tard, il permet à son équipe de mener 3-1. Avec, donc, la vareuse d’un joueur de champ.
On sait que, désormais, Gregory Wimbée n’est plus le seul à avoir réalisé cet exploit : en septembre 2012, le gardien Toulousain Ali Ahamada permettait en effet à son équipe d’égaliser contre Rennes, en reprenant de la tête un coup-franc à la 93e minute. Hormis ces cas, les seuls buts marqués par des gardiens en D1 l’ont été sur pénalty. En voici la liste exhaustive depuis 1945 :
César Ruminski (un ancien Lillois) a inscrit 2 pénos avec Le Havre lors de la saison 1950-1951 contre Sochaux puis à Strasbourg.
Le Nîmois Stéphane Dakoski en 1954-1955 contre Strasbourg.
Chritian Laudu, du Red Star), en 1971-1972 contre Bordeaux.
Le Bordelais Dragan Pantelic en 1981-82 contre Valenciennes et Montpellier.
Bernard Lama (décidément, il doit y avoir un truc avec les gardiens passés par le LOSC) en 1988-1989 contre Laval, avec Lille, puis en 1991-1992 à Metz, avec Lens. Mais ça ne marche pas à chaque fois : lors de la dernière journée du championnat 1993-1994 contre Bordeaux, avec le PSG, il frappe son pénalty à côté.
Et n’oublions pas que notre bon Jean-Claude Nadon, la malheureuse victime de Greg, avait aussi marqué sur pénalty : c’était lors de la coupe de la ligue 1992, contre Saint-Quentin. Mais il jouait en tant qu’attaquant, une fantaisie parmi d’autres de cette étrange édition.
Par ailleurs, récemment, on se rappelle que Subasic, le gardien monégasque, a marqué un coup-franc à Boulogne-sur-mer. Chez nos voisins Belges, ça rigole davantage : il y a 10 ans, Bertrand Laquait (en fait, y a aussi un truc avec les portiers passés par Nancy) marquait en dégageant depuis sa surface ; en 2008, Silvio Proto2 plaçait une superbe tête ; en coupe d’Europe, en 2009, le gardien du Standard égalisait contre Alkmaar en Ligue des champions, toujours de la tête ; il y a un an, c’est le gardien de Saint-Trond qui scorait superbement.
Celles et ceux que cette question passionne pourront se rapporter à ce tableau qui recense les gardiens-buteurs. Autrement dit, les scorbuteurs.
FC Notes :
1 On ne s’est pas amusés à vérifier dans toute l’histoire de la D2/L2, mais c’est probablement un record, en tout cas à 22 clubs. Angers, en 1993, dans le groupe B de D2, a encaissé 22 buts mais en 34 matches, tandis que Metz, en 2007, est parvenu à ce même nombre en 38 matches, si bien que leur moyenne de buts encaissés par match est supérieure à celle de Nancy 1996. Même notre LOSC 2000 ne fait pas une si belle performance, avec 25 buts encaissés en 38 matches.
2 A-LLEZ PROTO, SAUTE AVEC NOOOOUUUS ! (souvenir d’un mémorable Mouscron-Anderlecht)
Posté le 7 décembre 2016 - par dbclosc
Le LOSC en mode mineur. Les Dogues qui ont débuté avant leur majorité
Au LOSC, quelques joueurs ont débuté en équipe première avant leurs 18 ans. Les débuts précoces sont souvent vus comme l’annonce d’une belle carrière. C’est souvent le cas, mais pas toujours. Et finalement, là n’est pas l’important. On te présente ici le onze du LOSC « en mode mineur », uniquement composé de joueurs ayant débuté en équipe première avant leurs 18 ans. A une exception près, tu vas vite comprendre.
Ce onze, le voilà :
Jean-Pierre Lauricella
« Quoi ?! Jean-Pierre Lauricella a débuté en pro avant sa majorité ? Mais figure-toi que j’en savais rien ! » dois-tu être en train de te dire. Mais, non. En fait, ses débuts avec l’équipe première du LOSC c’est bien bien après. Ses débuts, il les fait même assez tardivement, puisqu’il doit attendre le 3 mars 1990, à 25 ans et 27 jours pour jouer avec les A. Soit dit en passant, il avait quand-même joué en D2 lors de ses prêts à Valenciennes puis à Annecy.
Oui mais, sauf erreur de notre part, aucun gardien n’a débuté avec les A avant sa majorité dans l’histoire du LOSC. On a donc choisi Jean-Pierre, histoire de lui rendre un p’tit hommage (bien qu’il soit encore vivant), mais aussi parce qu’il se distingue au moins par sa grande précocité à jouer avec la réserve. Dès 1980, à 15 ans seulement, Jean-Pierre est le quatrième gardien du LOSC, soit le n°3 de la réserve. Et en septembre 1981, ce sont les grands débuts de Jean-Pierre avec les B contre Dieppe. Et Laulau garde sa cage inviolée (0-0) à alors 16 ans et 7 mois.
Huit ans et 6 mois plus tard, Jean-Pierre débute donc avec notre équipe première et il finira sa carrière pro au LOSC en 1996 avec 14 matches en D1 au compteur et 20 buts encaissés. Patient, quand-même, qu’il a été le Jean-Pierre.
Divock Origi
« 1-1 contre Troyes, pas terrible. Qui marque pour nous ? »
_« Divock Origi »
_« Vock Origi »
_« Hein ? »
_« Ben, c’est toi qui m’a dit de dire »Vock Origi » ».
Voilà, le type d’échanges classiques auxquels on a pu assister le 2 février 2013 au soir, quand un petit jeune de 17 ans 9 mois et une quinzaine de jours égalisait contre Troyes six minutes après son entrée en jeu. Normal, à l’époque on ne le connaissait pas, alors de là à imaginer qu’un de nos joueurs puisse d’appeler comme ça, forcément, on avait une excuse : celle des ignares qui ne connaissent pas ce prénom.
La saison suivante Divock va prendre davantage d’ampleur dans le jeu lillois, au point d’être retenu avec la Belgique pour la Coupe du Monde et de jouer quelques matches avec les Diables. Recruté par Liverpool puis immédiatement prêté au LOSC, sa saison 2014/2015 est globalement décevante. Sur les bords de la Mersey (autre manière de dire « à Liverpool ») ses débuts sont compliqués. Ensuite toujours remplaçant, il prend progressivement ses marques. En 1626 minutes de jeu en 2015/2016, il inscrit 10 buts avec les Reds. Tous ces buts ont été marqués après décembre, en 1061 minutes. Un ratio but coquet.
Fabien Leclercq et Oumar Dieng
Les deux défenseurs sont nés en 1972. Les deux sont formés au LOSC. Et les deux débutent en pro en 1989/1990 sous la direction de Jacques Santini. C’est Oumar, jeune défenseur originaire de Dakar, le premier lancé, titulaire à Metz le 28 octobre 1989 à l’âge de 16 ans et 10 mois. Fabien débute pour sa part le 28 avril 1990 à Sochaux, à 17 ans et 6 mois.
L’un et l’autre seront internationaux espoirs, mais c’est Oumar Dieng qui apparaît avoir les meilleures chances d’ascension. A 21 ans, il rejoint déjà le grand PSG où il ne s’impose pas totalement. Qu’à cela ne tienne, il rejoint la Serie A, alors meilleur championnat au monde, et la Sampdoria de Gênes. Là encore, c’est compliqué pour Oumar. Il revient alors en France, en 1998, à Auxerre, puis est prêté l’année suivante à Sedan. Sans être mauvais, Oumar ne parvient cependant pas à passer ce palier qui en ferait un postulant à l’équipe de France A. Il poursuit sa carrière en Turquie puis la termine en Grèce, en 2007, à Kavala.
Pour sa part, Fabien est rapidement titulaire avec le LOSC, dès l’âge de 18 ans et gardera (plus ou moins) ce statut jusqu’à son départ en 1999. Il passe une saison en Écosse avec Heart of Midlothian. Il rejoindra ensuite Cannes (en 2000), Valence (en 2001), Sète (en 2005), Gap (en 2006), puis enfin Rhône Vallées (en 2008). Un peu dommage aussi, puisque Fabien n’a pas non plus été aussi loin qu’on aurait pu l’espérer à ses débuts. Mais ça reste quand-même une belle carrière avec le LOSC avec 229 rencontres de championnat, 15 en coupe de France, et aussi 10 en Challenge Emile-Olivier, le record du tournoi.
Stéphane et Pascal Plancque
On ne rappelle plus qui sont les frères Plancque tellement … Comment ? Tu ne connais pas les frères Plancque ? Es-tu sûr de bien être un supporter lillois ? … Mouais, bon, on va te rafraîchir la mémoire. D’abord, le 8 janvier 1978, un petit jeune fait ses débuts en coupe de France contre Hautmont sous la direction de José Arribas : c’est Stéphane Plancque, jeune milieu de 17 ans et 2 jours. Lille s’impose 8-0, et Stéphane réalise un doublé. Lors du tournoi de la CUDL 1980, c’est le petit frère, Pascal, jeune « faux ailier » qui débute à 16 ans et 11 mois, avant de disputer son premier match officiel le 29 août 1980 à Saint-Étienne, à 17 ans et 9 jours. Note la similitude de l’âge de début des deux frères.
Là où on voit clairement que Max Planck a davantage un air de famille avec Michel Blanc qu’avec les frères Plancque
On t’a déjà parlé de leur fraternelle concurrence. Tous les deux milieux de terrain, dans un registre un poil différent, les deux frères constituaient l’âme du club et le symbole d’une équipe jeune et volontaire. Ils sont malheureusement mis en cause par la presse, jugés responsables d’une bagarre lors d’un stage au Cameroun lors de la trêve hivernale de 1986/1987 mais aussi mis en cause pour leur prétendue agressivité sur le terrain. Vivant mal ces accusations, les deux frères s’en vont, Stéphane à Strasbourg et Pascal à Auxerre.
L’un et l’autre se blesseront gravement quelques mois après leur départ, symbole de la malédiction qui touche les joueurs qui quittent le LOSC. Pascal ne s’en remettra jamais vraiment et s’installe à Pau en D3 au début des années 1990. Stéphane s’en sortira mieux, poursuivant notamment sa carrière à Bordeaux, où il jouera aux côtés de Zinédine Zidane, Christophe Dugarry et Bixente Lizarazu avant de faire une dernière pige à Toulouse en 1994/1995. Ah oui, Stéphane a aussi comme spécificité d’avoir été champion de D2 pour ses trois premières saisons dans la division (c’est à dire à chaque fois sauf en 1994/1995), en 1978 avec le LOSC, en 1988 avec Strasbourg puis enfin en 1992 avec Bordeaux.
Jean-Michel Vandamme
Le 21 mai 1977, le jeune Jean-Michel Vandamme, fils de Michel Vandamme, fait ses débuts à Paris sous les couleurs du LOSC. Le jeune milieu de terrain n’a que 17 ans et 6 mois. Malgré ses débuts précoces, Jean-Miche ne percera jamais avec l’équipe première, se contentant de 10 matches avec les A. En revanche, il continuera à accompagner les jeunes, restant titulaire avec la réserve jusqu’à ce qu’il devienne l’adjoint de Georges Heylens avec l’équipe première.
Après un bref passage à Lens, Jean-Michel reviendra chez nous comme directeur du centre de formation puis conseiller sportif du président. A 57 ans, Jean-Michel est encore chez nous, la légende disant qu’il est même né au Stade Henri-Jooris. Ça, c’est de la légende paraît-il, mais il m’arrive parfois encore de me demander si ça n’est pas vrai …
Eric Péan
José Arribas changeait très peu son équipe, ce qui, fatalement, n’aide pas à ce qu’un jeune perce en cours de saison. Et pourtant, le José ça l’intéresse vachement d’incorporer des jeunes. Il fait débuter le jeune défenseur Eric Péan à 17 ans et 6 mois le 28 mars 1981 contre Nice (victoire 3-1). Et dès le début de saison suivante, Arribas l’installe définitivement comme titulaire alors qu’il n’a pas encore atteint sa majorité (Péan, pas Arribas). Eric restera titulaires six saisons dans l’axe de la défense, quittant Lille à 23 ans pour une belle promotion à Bordeaux.
Enfin, « belle promotion » …après de bons débuts, Eric foire quelques matches au cours du seconde partie décevante. Il perd progressivement du temps de jeu la saison suivante. Il s’en ira à Caen, pour une expérience mitigé d’un an (1989/1990), puis à Toulon où il retrouve le niveau qu’on lui avait connu à Lille (1990-1992), à Lyon (1992/1993) et enfin à Angers (1993/1994) pour une dernière saison en pro.
Pierre Dréossi
Lors de la première journée de la saison 1977/1978, le nouvel entraîneur des Dogues, un petit vieux nommé José Arribas, lance un petit jeune nommé Pierre Dréossi : il a 17 ans et 9 mois (le petit jeune). Et le petit jeune est encore jeune (23 ans) quand il quitte le club en 1983 (et le petit vieux est encore vieux, soit dit en passant). Et il a pourtant déjà joué 244 rencontres avec l’équipe première du LOSC. En passant par Sochaux, Nice, Paris et Cannes, Pierrot fera une carrière des plus honnêtes, tardant pourtant à découvrir l’Europe, en 1991 avec Cannes.
Il reviendra ensuite à Lille en 1996 comme directeur sportif et restera au club six nouvelles années. Après, complot oblige, Pierrot partira quelque peu en testicule en militant pour qu’on ne prête qu’aux bourges. C’est la vie, et ça arrive même à des gens biens.
Eden Hazard
En novembre 1997, un p’tit jeune de 16 ans et 10 mois débute sous les couleurs du LOSC. On ne le sait pas encore – normal, ça n’est pas encore arrivé – mais ce p’tit gars se montrera comme l’un des meilleurs joueurs de l’histoire du club, peut-être même le meilleur, aux côtés, bien sûr d’authentiques légendes du club comme Jean Baratte, Stanislav Karasi et Fernando D’Amico.
Je m’appelle Eden Hazard, et je veux te faire un bisou ! Viens me faire un bisou !
On en a déjà parlé mais bon, t’avais peut-être pas besoin de nous. Eden, depuis, il s’est fait une petite réputation, prenant la fâcheuse habitude de passer devant tout le monde pour les titres de meilleurs joueurs du championnat dans lequel il joue, où, dans les mauvais jours, de meilleur espoir. Bref, rien a ajouté si ce n’est qu’on est bien contents de l’avoir eu avec nous.
Joël Henry
En 1980, le LOSC veut faire venir Merry Krimau de Bastia. Dans la balance, le LOSC prête son jeune espoir Joël Henry, né Depraeter. Le petit jeune a 18 ans, et ses débuts en D1 commencent déjà à dater même s’il n’est pas encore titulaire : c’était le 18 août 1978, lors d’un déplacement à Nantes. Joël n’avait pas encore 16 ans et 4 mois.
A Bastia, le jeune milieu offensif s’impose progressivement. En finale de la Coupe de France, remportée par son équipe, Joël est épatant et met dans l’ombre le meneur de jeu d’en face. Tu me diras, ça n’était que Michel Platini.
Revenu de son prêt, Joël confirmera son talent pendant deux saisons avec le maillot losciste. Pas autant qu’on aurait voulu, certes, mais quand il quitte le club en 1981, Henry a encore une très belle cote. Étonnamment, il s’en va à Brest. C’est notamment parce que là-bas il y a son pote Bernard Pardo, et pour Joël, les potes ça vaut tous les grands clubs du monde. Sa carrière ne sera peut-être pas aussi scintillante qu’espéré. Mais l’important n’était pas là pour lui.