Archiver pour janvier 2017
Posté le 28 janvier 2017 - par dbclosc
Le LOSC 1988/1989 : le Robin des Bois de la D1
Robin des Bois volait aux riches pour donner aux pauvres. Enfin, c’est ce qu’il paraît. A ce titre, le LOSC saison 1988/1989 était un peu le Robin des Bois du championnat de première division. Capable du meilleur contre les gros morceaux, les « riches », le LOSC aurait à ce titre largement mérité une qualification en Coupe d’Europe. Mais, parce qu’ils étaient aussi capables du pire, contre les équipes du ventre mou, les « pauvres », ils en furent assez loin. En somme, c’est ça : ils volaient des points aux riches pour les donner aux pauvres.
Mis à part un quart de finale de Coupe de France, l’année 1987 a été de manière particulièrement morose pour le LOSC. Ça avait pourtant pas mal commencé avec une victoire à Nancy (1-0) et contre Paris (1-0) puis un nul à Toulouse (0-0), troisième du championnat. Lille est alors un solide 9ème et peut regarder vers le haut même si les places européennes apparaissent tout de même difficiles d’accès. La suite sera difficile pour les Dogues qui ne remporteront plus que 3 rencontres, faisant 2 nuls et perdant 7 matches.
La saison 1987/1988 ne commence pas bien mieux. Au soir d’une défaite à domicile contre Auxerre, le 5 décembre 1987, le LOSC est alors 16ème, à égalité de points avec le barragiste, avec 6 victoires, 6 nuls et 10 défaites. Depuis le match de Toulouse en début d’année, Lille présente un bilan particulièrement décevant, avec 9 victoires, 8 nuls et 17 défaites malgré un effectif qui nous faisait espérer aller plus haut.
Quand débute la saison 1988/1989, les Dogues ont un certain nombre de raisons d’espérer. Depuis leur remontée il y a dix ans, ils ont toujours fait partie du gros des équipes qui ne font jamais parti des prétendants aux places d’honneur, ni de celles qui devaient avoir les plus grandes craintes de relégation. Ceci étant, de cet ensemble de clubs, les Lillois n’ont jamais fait partie des outsiders, mais plutôt de ces équipes de deuxième partie de tableau. En 1988, pour la première fois depuis bien longtemps, le LOSC est considéré comme un véritable outsider, juste derrière les quelques têtes d’affiches que sont Marseille, Monaco, Paris et Bordeaux. Ils ne sont pas les seuls, certes, mais une cinquième place n’apparaît pas cette saison inenvisageable, même s’il faudra lutter avec les Montpellier, Saint-Étienne et autres Auxerre.
Les trois raisons d’espérer
Les raisons d’y croire, on en trouve au moins trois.
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La première raison c’est la dynamique de la fin de saison dernière. Alors que l’équipe a largement été reconstruite à partir de 1986, elle a d’abord peiné dans sa progression (14ème en 1986/1987 et encore 16èmes à égalité de points avec le barragiste après la 22ème journée de la saison suivante). Lille réalise ensuite une très belle fin de saison, ponctuée d’un quart de finale de coupe et de 5 victoires, 1 nul et 2 défaites, pour 18 buts marqués et 9 encaissés sur les 8 dernières rencontres. Lille explose alors les Cannois chez eux (5-1) et le Matra à Grimonprez (5-0), ce qui n’est pas une mince affaire dans la D1 hyper-défensive de l’époque.
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La deuxième raison, c’est que, depuis la naturalisation de Mobati, le LOSC peut enfin faire jouer ensemble son trio d’attaque magique (Vandenbergh-Desmet-Mobati) alors qu’il devait jusqu’alors choisir entre deux des trois. Ce dispositif a pu être initié la saison précédente contre le Matra (5-0) et contre Saint-Étienne (défaite 3-4). Autant dire qu’avec 8 buts inscrits en 2 rencontres, on a l’eau à la bouche à l’idée de disposer du trio sur une saison entière. Sur les 21 matches d’après la trêve hivernale (D1 et coupe), le trio avait inscrit 21 buts, alors même que presque toujours l’un des trois ne jouait pas. Ça promet.
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Enfin, c’est aussi la très forte stabilité de l’équipe qui concourt en sa faveur. Du onze, seul Dominique Thomas s’en va. Certes, partent aussi Pastinelli, Daniel et Ribar, mais ils étaient alors avant tout des remplaçaires. Rudi Garcia s’en va aussi, mais lui, il était carrément remplaçant cette saison-là.
Les recrues de 1987 : Zappia, Daniel, Fiard, Leclerc, Galtier et Angloma. Tous sont là en 1988/1989, sauf Jean-François Daniel
Les recrues
Peu de départs et donc peu d’arrivées. Seuls quatre joueurs arrivent au LOSC à l’intersaison.
Alain Doaré : puisque Dominique s’en va, pour une « promotion » à Bordeaux, Lille doit se trouver un latéral de remplacement. C’est sur Alain Doaré que le LOSC jette son dévolu. Il y a peut-être un léger doute – et c’est le seul – à ce niveau. Si Doaré s’est imposé très jeune comme titulaire avec Rennes (il n’avait pas encore vingt ans), c’est dans un club qui navigue en D1 et D2 et, d’ailleurs, c’est dans l’antichambre de l’élite qu’il a passé la dernière saison. La suite confirmera que si Doaré n’est pas un mauvais joueur, il n’était quand-même pas au niveau de son prédécesseur.
Victor Da Silva : on dit beaucoup de bien du milieu de terrain de 26 ans venu d’Alès. Nombreux sont ceux qui le considèrent comme l’un – si ce n’est « le » – meilleur milieu défensif de D2. Le pari de miser sur Victor apparaît d’autant moins risqué que Lille conserve ses titulaires Alain Fiard, Philippe Périlleux et Jocelyn Angloma. Qui vient-il remplacer, d’ailleurs ? On ne sait pas vraiment ? Rudi Garcia ? Sans doute pas. Jeff Daniel ? Peut-être. José Pastinelli, le défenseur polyvalent ? Qui sait. En définitive, Victor jouera beaucoup, notamment grâce à sa polyvalence. Contre toute attente, il prendra petit à petit la place d’Alain Doaré sur le côté gauche de la défense lilloise.
Philippe Barraud : à l’instar d’Alain Doaré, Philippe Barraud vient de Rennes. A l’instar d’Alain Doaré, on n’est pas convaincu qu’il ait les épaules pour prétendre à une place de titulaire. A priori pas grave puisque le LOSC s’annonce dans un 4-3-3 ou le milieu de terrain semble pas trop mal pourvu. Dans l’effectif, le milieu offensif vient prendre la place de Jean-Luc Ribar, un joueur intéressant mais qui n’avait peut-être pas eu le temps nécessaire pour imposer sa marque.
Roger Boli : aucun attaquant ne part, mais il y en a un qui arrive. Ceci n’est pas trop étonnant dans la mesure où la naturalisation de Mobati incite Georges Heylens à transformer son 4-4-2 en 4-3-3. En conséquence, il faut aussi un remplaçant devant. Ça sera le jeune auxerrois Roger Boli qui arrive en prêt. Le coup ne semble pas mauvais même si Roger n’a pas encore totalement confirmé ses excellents débuts dans l’élite trois ans plus tôt. Il se montrera un super-sub idéal.
Roger. Beau lit. Roger Boli.
Pas de noms clinquants en somme. Mais, après tout, pour quoi faire ?
Une entrée en matière idéale
La préparation n’a pas été folichonne et a bien mal terminé avec une dernière place lors du tournoi de la CUDL qui connaît là sa dernière édition. La défaite en demi-finale contre les Etats-Unis (1-2) passe encore, mais perdre ensuite contre Lens (0-1), quand-même, ça fait tâche. En plus, le début de saison ne semble pas évident. Certes, Lille débute par Laval, mais en déplacement. Mais, ensuite, Lille reçoit l’OM puis se déplace à Monaco, soit à peu près ce qui se fait de mieux en D1.
En haut, de g. à d. : Lama, Desmet, Zappia, Galtier, Vandenbergh, Buisine
En bas, de g. à d. : Doaré, Périlleux, Da Silva, Mobati, Fiard
Pour l’ouverture du championnat, Lille ouvre le score sur une action initiée par Vandenbergh, relayée par Périlleux et conclue par Mobati (0-1, 26è). Avant la mi-temps, Vandenbergh sert Desmet sur coup-franc lequel termine l’action (40è, 0-2). Si Laval réduit le score sur pénalty (72è), le LOSC a l’occasion de mettre définitivement fin au suspense sur un penalty obtenu par Mobati (88è). Le tir de Vandenbergh est stoppé par Rousseau mais Lille s’impose quand-même (2-1).
Contre Marseille, Vandenbergh met la pagaille dans la défense marseillaise puis laisse le ballon à Desmet pour l’ouverture du score (1-0, 39è). On est partis pour une victoire de prestige quand sur un long ballon de Förster Cantona met la main, Doaré récupère, met en retrait à Lama et … marque le but de l’égalisation (91è, 1-1) ! Sentiment d’injustice en raison de la main de Canto, renforcé par le fait que le but arrive en toute fin de match. Pas grave. Sur une touche de Mobati, Le Roux met la main, Huard fauche Vandenbergh, bref, deux bonnes raisons de siffler péno. On se contera pourtant du fait que l’arbitre n’en siffle qu’un : et Mobati transforme pour une victoire de prestige (2-1) !
A Monaco, Lille confirme après un but de Sonor (qui n’a pourtant pas fait grand bruit, 41è) et égalise par Vandenbergh servi par Mobati (49è). Lille ne se contente pas du score et à dix minutes de la fin, un tacle du monégasque Vogel sur Desmet dans la surface laisse attendre un péno. Pas l’avis de monsieur l’arbitre. Lille prend quand-même un excellent point. Après trois journées, le parcours des Dogues est presque parfait avec une victoire à Laval, une autre contre le favori du championnat puis un nul sur le terrain d’un autre favori.
Le 4-3-3 lillois fait alors ses preuves et, sur les 11 derniers matches de D1, Lille reste sur 7 victoires, 2 nuls et 2 défaites pour un total de 23 buts inscrits dont 16 par le seul trio Vandenbergh-Mobati-Desmet ! L’avenir s’annonce radieux …
Mais non …
Le trou noir
D’un coup, la belle machine lilloise va se gripper. D’abord contre Bordeaux quand Lille s’incline (0-1) malgré un bon match. Puis à Metz (3-1), contre Nantes où Lille s’incline encore, cette fois après un match pathétique (0-1) puis à Cannes (1-0). Lille vient alors d’enchaîner quatre défaites de suite. La victoire à l’arrachée contre Lens (1-0, but de Vandenbergh à la 90è) soulage plutôt qu’elle rassure au regard du niveau du voisin cette saison-là. La défaite chez les petits Caennais (2-1, ils avaient perdu 7 de leurs 8 premiers matches jusque là !) montre déjà que le LOSC entend jouer les Robins des Bois, rendant aux pauvres Normands les points pris aux riches Phocéens. Lille vole à nouveau trois points au riche Paris (2-1) mais les rend aussitôt aux Auxerrois (1-0) qui ont l’un des plus petits budgets de D1 malgré ses bons résultats.
L’inquiétude porte d’abord sur l’animation offensive. En huit matches, le LOSC n’a marqué que cinq buts dont deux dans le jeu : sur les 11 rencontres précédentes, les Dogues avaient marqué 18 buts dans le jeu. Mais les doutes portent aussi désormais sur la défense. A l’intersaison, le passage en 4-3-3 avait incité à consolider l’attaque (arrivée de Boli, pas de départ) au détriment de la défense (départs de Thomas et Pastinelli, arrivée du seul Doaré). Le problème est que cela limite considérablement la manœuvre en cas de pépins défensifs : or, Zappia déçoit, Doaré ne confirme pas entièrement et Jean-Luc Buisine vient de se blesser et ratera plusieurs mois de compétitions.
En deux mois, le ciel lillois s’est considérablement assombri …
Les bonnes surprises Pelé et Guion et … la moins bonne avec Mobati
Mi-septembre, les Dogues enregistrent une bonne nouvelle : Lille se fait prêter avec option d’achat Abedi Pelé par Marseille. Le talent du Ghanéen est connu et on bénéficie alors de la très forte concurrence qui existe dans l’effectif marseillais.
Contrairement aux apparences, Pelé a rarement été invisible sous le maillot lillois
Contre Toulon, Lille retrouve un 4-3-1-2, avec Pelé meneur de jeu et une défense expérimentale Angloma, d’ordinaire milieu de terrain, Guion, qui n’a qu’une centaine de minutes en pro dans les pattes, Prissette et Zappia. Pelé fait très bonne impression même si Lille ne l’emporte pas (0-0). A défaut d’espérer le grand soir, on retrouve un peu de sérénité même si l’arrivée de Pelé ne s’est pas encore traduite par une efficacité retrouvée.
Le renouveau se concrétise d’abord, certes lentement, contre Sochaux. D’abord dominés, les Lillois reprennent l’ascendant après l’heure de jeu et l’emporte finalement sur un doublé d’Angloma (67è, 86è). A Toulouse, Lille est à deux doigts de confirmer par une victoire grâce à un but de Pelé (50è) mais craque en fin de match (Marcico, 84è). Contre Montpellier Fiard (10è) puis Desmet (33è) donne deux buts d’avance à Lille avant qu’un csc de Zappia – c’est pas sa saison – redonne l’espoir aux Héraultais, troisièmes surprises la saison précédente. Lille garde cependant le cap et assure finalement sa victoire par Vandenbergh servi par Desmet (82è, 3-1).
Une défaite chez l’avant-dernier stéphanois (2-0) n’a pas le temps de semer le doute dans le camp lillois qui enchaîne sur des victoires contre Nice (2-0, doublé de Vandenbergh) à Strasbourg (3-1, buts de Pelé, Vandenbergh et Boli) puis contre le Matra (3-0, Pelé et Desmet avant la mi-temps puis Vandenbergh, encore lui, sur un péno qu’il a lui-même provoqué). Meilleure équipe de D1 depuis l’arrivée de Pelé, le LOSC est désormais 7ème à 2 petits points du 4è et à 4 du podium et déjà 18 points devant le barragiste : dieu que ce confort au classement nous paraît nouveau ! Au passage, le jeune David Guion fait forte impression, lui qui n’avait pas encore joué un seul match en D1 deux mois auparavant.
Pour le premier match retour, Lille se déplace au Vélodrome de l’OM de Tapie. Sacré test. Là-bas les Marseillais ouvrent le score par Vercruysse sur un service de Diallo (33è). Stupeur à Lille. Pendant, 120 secondes max, le temps que Vandenbergh égalise (35è). La suite ? Lille ne fera pas que « résister » loin de là, se créant de belles occases par Fiard (49è), Mobati, Pelé et Vandenbergh, lors d »un dangereux cafouillage (71è), mais le score en restera là confirmant la belle dynamique lilloise, Marseille ne créant rarement le danger sur les buts de Lama. Lille n’est encore qu’à 4 points du podium…
Ah oui, on oubliait quand-même un autre complot contre le LOSC cette saison-là : Gaston Mobati a eu un accident et s’est fait pécho pour conduite en état d’ivresse et a fait un petit délit de fuite au passage (les trois en un). Forcément, ça fait tâche, ça ne fait pas trop les affaires de Gaston non plus d’ailleurs : l’arrivée de Pelé, entraînant le passage du 4-3-3 au 4-3-1-2, avait déjà fragilisé sa place dans le onze. Gaston est suspendu un mois par ses dirigeants, cette petite mésaventure entérinant son passage au statut de remplaçant passant même derrière Boli dans la hiérarchie des attaquants.
Le difficile tournant de l’hiver.
Et arrive le difficile tournant de l’hiver … enfin, on te parle de « tournant » de l’hiver, mais cette période n’est en réalité pas plus un tournant qu’un autre moment. Simplement, ça se gâte pour nous. Et dans la jargon journalistique, quand tu galères à un moment on appelle ça après coup un « tournant ».
Contre Monaco, Lille dispute un petit sommet. Monaco est en difficulté. Le champion en titre semble déjà bien loin de la concurrence pour le titre, vient de perdre à Cannes (3-2) et, depuis 5 matches, n’en a remporté qu’un, contre la lanterne rouge lensoise (1-0). On n’aurait pas imaginé dire cela trois mois plus tôt, mais c’est bien le LOSC le favori de cette rencontre. Sauf que, complot contre le LOSC oblige, Monaco a justement choisi ce match pour se réveiller. Au bout d’un quart d’heure de jeu, c’est Hoddle qui ouvre le score. Dix minutes plus tard, c’est l’autre Anglais de Monaco qui double la mise d’une tête surpuissante. Déjà, Mobati entre en cours de jeu à la place du défenseur Alain Doaré. Mais Monaco enfonce le clou sur un but de Touré (41è, 0-3). Juste avant la mi-temps, c’est Erwin Vandenbergh qui sauve l’honneur avec son 7ème but en 7 matches (1-3), le 9ème de la saison.
En deuxième mi-temps, Pelé relance le suspense (57è) mais Hoddle semble l’enterrer (64è, 2-4). Pas tout à fait puisque, quelques minutes plus tard, Pelé est sur le point de réduire le score quand il est fauché par Ettori … sans réactions de monsieur Véniel, que nous pardonnons aujourd’hui pour ce péché (véniel). Lille poussera encore, mais venait de perdre là une occasion de reprendre espoir à 20 minutes du terme. Et effectivement : Lille s’incline.
A Bordeaux, Lille souffre, mais tient grâce à un très bon Nanard Lama. Il reste un quart d’heure de jeu, et les Lillois vont s’enhardir et auront trois grosses occasions de faire la différence. Malheureusement, le premier tir de Pelé passe au-dessus (77è), le deuxième, d’Angloma est détourné par Dropsy (83è) comme une dernière tentative de Pelé (86è). Le résultat est frustrant, mais Lille rassure après son échec contre Monaco.
Bernard Lama sur le point de lancer une toile magique pour arrêter le ballon
Contre Metz, Lille ouvre assez rapidement la marque grâce à un but de Pelé qui reprend le tir de Vandenbergh que Rodolphe avait repoussé. Les Lillois semblent ensuite se contenter de cette victoire sur la plus petite des marge. Sauf qu’un coup du sort va tout remettre en cause : à sept minutes du terme, Bernard Lama se blesse dans un choc avec un Messin (j’te dis pas ce que j’en pense de çui-là). Comme à l’époque il n’y a pas de gardien remplaçant, c’est Gaston Mobati qui le remplace dans les buts. En plus, comme Heylens a déjà effectué ses remplacements, le LOSC se retrouve à 10 et avec un attaquant comme gardien de but. Ça n’a pas loupé, Relmy égalise trois minutes plus tard et Lille concède un match nul pas tout à fait logique, encore frustrant, mais pas non plus scandaleux.
Enfin, Lille arrive à la trêve après une ultime défaite, à Nantes (1-0), concluant une pénible fin d’année, d’ailleurs plus pour les résultats que pour ce qui a été montré dans le jeu. Lille est désormais à 8 points de la 5ème place et semble avoir perdu pas mal d’illusions dans la course aux places d’honneur et à la coupe d’Europe malgré un fond de jeu globalement en net progrès et, soulignons-le, pas le plus dégueu de France.
Une trêve hivernale profitable
Mais quand la compétition reprend début février, les Dogues redeviennent injouables ou presque. Contre Cannes, Desmet sert rapidement Vandenbergh pour son 10ème but de la saison (Desmet réalisant au passage sa 6ème passe décisive, le 3ème total de D1). Lille dominera encore outrageusement mais Amitrano, une vieille connaissance, est intraitable. Pas grave, Lille l’emporte. A Lens, Lille fait d’abord le dos rond avant de monter en régime après la pause : Angloma (56è), puis Mobati, obligeant Walemme à marquer contre son camp (67è) donnent deux buts d’avance au LOSC. Le but d’Oudjani (90è) n’empêchera pas Lille d’empocher les trois points.
Pelé le magicien : il maîtrise le ballon d’un simple regard
Mais, même outrageusement dominateurs, il est dit que les Lillois rencontreront des obstacles cette saison. Après Amitrano, c’est Montanier qui se met en travers de leur route. Trois pénos et une multitude d’occasions franches ne permettront pas aux Dogues de marquer plus d’un but, par Desmet (27è). Mais en manquant d’efficacité, Lille est en proie aux contres : Dumas profite d’une erreur de Zappia, décidément en difficulté cette saison, pour égaliser (62è). tellement frustrant que j’en suis frustré …
Mais Lille se redonne du baume au cœur en prenant un point sur le terrain du PSG qui vient tout juste de se faire doubler au classement par l’OM, et ce à la différence de buts. Cette fois, c’est Mobati (67è) qui répond à un pénalty de Calderon juste avant la pause (44è). Note au passage que le Robin des Bois lillois n’a pas qu’une corde à son arc : d’habitude, il volait les points aux riches pour ensuite les redonner aux pauvres; cette fois-ci, le LOSC avait d’abord donné au pauvre caennais le point qu’il n’avait pas encore volé au riche parisien. En coupe, Lille confirme sa grande forme du moment en s’imposant facilement à Strasbourg (0-3). Lille enchaîne contre Auxerre, troisième, à égalité avec Paris, deuxième, et à deux points de l’OM …
Un défi pour Lille, que dis-je un cap, une péninsule (pourquoi j’dis ça moi?!) …
Le double tournant auxerrois
On ne le mesure pas encore, mais ce match contre Auxerre sera un tournant de la saison lilloise (oublie ce que j’ai dit tout à l’heure sur les tournants). On sait, par contre, que c’est un sommet pour Lille … qui n’attire pourtant même pas 11.000 spectateurs. Lille est sérieux et domine son sujet mais, à la demi-heure de jeu, c’est la mauvaise nouvelle du soir : Abedi Pelé sort sur blessure, remplacé par David Guion. Pas le temps de s’inquiéter que, à la 37ème minute de jeu Jean-Luc Buisine saute plus haut que tout le monde et ouvre la marque de la tête sur un corner de Desmet. Sept minutes plus tard, le yougoslave Milinaric conteste une décision arbitrale ce qui le met en fureur : il envoie le ballon en touche, mais, pas de bol, sur l’arbitre de touche ! M.Harrel l’expulse, Lille se retrouvant opportunément en avantage numérique. En un quart d’heure, les Lillois viennent de vivre beaucoup d’émotions …
En deuxième mi-temps, Lille gérera tranquillement son avantage, empêchant les Auxerrois de se montrer dangereux. A moins d’un quart d’heure du terme, Boli (Basile) fauche Boli (Roger) offrant la balle de break aux Dogues. C’est le quatrième péno qu’obtient le LOSC sur ses deux derniers matches à domicile. Ça sera aussi le troisième raté, Vandenbergh échouant sur le poteau de Martini après les ratés de Mobati et Desmet contre les Caennais.
Erwin Vandenbergh, 13 buts en D1 cette saison-là (ah ! ah ! Quelle bonne blague, en vrai il en a mis 14 !)
Lille conserve son avantage remportant une belle victoire. A neuf journées de la fin, on oscille entre les nombreux points positifs et le seul, mais pas anodin point négatif. Côté positif, Lille est désormais 7ème, à 3 points seulement de la 5ème place qui sera peut-être qualificative pour l’Europe (1), avec un calendrier favorable puisque Lille a déjà joué cinq des six équipes qui le précèdent au classement et reste de surcroît sur une dynamique impressionnante, ponctuée de 4 victoires et 2 nuls en six matches pour des prestations d’ensemble plutôt maîtrisées. Mais le gros point noir, c’est la blessure de Pelé, le maître à jouer des Lillois et qui n’est pas pour rien dans l’impressionnant redressement depuis son arrivée.
On a vite la réponse : sur le terrain du Toulon de Pardo et Collot, Lille est en difficulté et encaisse vite un but sur un pénalty concédé par Doaré et transformé par Bognar (13è). Lille peine ensuite et pourtant … à l’heure de jeu, Doaré centre pour Mobati qui égalise. On croit les Dogues partis pour prendre un nouveau bon point à l’extérieur malgré l’adversité. Raté : sur une action un peu moche et pas spécialement bien gérée, les Toulonnais reprennent un avantage décisif à cinq minutes du terme par Lammers.
Pelé. Des oranges.
Le LOSC se redonne espoir en coupe avec une victoire facile contre Rouen (4-0). Malheureusement, il enterre, ou presque, ses derniers espoirs de qualification européenne via le championnat en s’inclinant à Sochaux (2-0) sur un doublé de Stéphane Paille. La défaite, trois jours plus tard, à Rouen (1-0) en match retour des 16è de coupe de France est anecdotique tant Lille avait construit une confortable avance, mais tout de même symbolique de la rupture suivant la blessure de Pelé : trois défaites en quatre matches, soit autant que lors des 19 matches précédents c’est à dire depuis l’arrivée de Pelé. A Rouen, Pelé n’a pas débuté la rencontre pour la quatrième fois de suite. Note d’espoir pour la suite : il entre à vingt minutes du terme en remplacement de Philippe Barraud et, au moins, Lille est toujours en lice en coupe.
La coupe comme ultime espoir
Contre Toulouse, Lille domine largement et Vandenbergh, très disponible et alerte manque de réussite et, parfois, d’adresse, au cours d’un match où il aurait pu inscrire deux ou trois buts avec l’efficacité qui est habituellement la sienne (0-0). Contre la D2 de Mulhouse en coupe, Lille doit normalement retrouver son efficacité : c’est encore raté (0-0). Le LOSC reste sur quatre rencontres sans avoir inscrit le moindre but.
Le maintien déjà acquis et l’Europe ne pouvant plus constituer un objectif raisonnable, le déplacement à Montpellier doit surtout permettre aux cadres qui en auraient besoin de souffler et aux autres de préparer le 8è retour de coupe. Heylens se passe de Buisine, Périlleux, Desmet et Vandenbergh pour ce match, donnant du temps de jeu à Guion, Barraud, Boli et Mobati. Le pari est gagné, puisque Lille ouvre rapidement le score par Barraud (10è) sur un service de Boli. Peu après l’heure de jeu, Barraud signe le doublé en reprenant un tir de Fiard repoussé par le gardien (36è). On croira devoir se contenter d’un nul après les buts de Ferhaoui (44è) et de Lolo Blanc (65è). mais c’est bien Lille qui l’emporte dans l’Hérault grâce un but de Pelé (85è) sur un centre de Prissette entré en jeu depuis peu.
A Mulhouse, Lille compte bien afficher sa meilleure équipe. Barraud, récompensé pour son excellent match contre Montpellier conserve sa place. L’équipe est offensive puisque Desmet, Vandenbergh, Angloma, Barraud et Pelé sont titulaires, comme Fiard et Périlleux. Mais on ne peut pas dire que ça paie. A la 17è minute, Mulhouse mène déjà 2-0 grâce à des buts de Keller et Subiat. Et ça fera bientôt 3-0 quand Keller marque sur un service de Subiat (qui fait au passage sa deuxième passe décisive du match pour Keller). Heylens tente le tout pour le tout en faisant entrer en jeu Da Silva à la place de Zappia et Mobati à la place de Barraud mettant Lille dans un improbable 2-3-2-3 (en considérant que les joueurs auraient vraiment joué à leurs postes de prédilection).
Lille poussera et se donnera les moyens d’espérer grâce à un but de Fiard sur un centre de Da Silva (54è) puis par un super but de Pelé qui transperce la défense de son ancien club pour ramener les siens à un but de leurs adversaires (59è). Il reste une demi-heure, mais ça ne sera pas suffisant. Lille s’incline (3-2) et surtout se fait sortir en coupe par une D2 !
Les Lillois sont pour le coup bien démotivés et, il faut le dire, il y a de quoi. En coulisse, on semble convaincus d’une fin de cycle, le départ de Lama est rapidement acté; Fiard serait également sur le départ; Heylens veut un contrat de trois ans mais les dirigeants ne souhaitent pas le prolonger, on critique aussi le choix d’Heylens de ne pas voir reconduit en coupe de France l’équipe qui avait brillamment gagné à Montpellier. Les Dogues se remettent au quotidien en arrachant le match nul contre Saint-Étienne grâce à un doublé de Vandenbergh (2-2). La victoire à Nice (1-0), petite surprise, donne un ultime espoir aux Lillois. Certes, ils ont 7 points de retard à trois journées du terme sur le 5è, Monaco, mais ils bénéficient d’un calendrier hyper-favorable puisqu’ils reçoivent d’abord Strasbourg, se déplacent sur le terrain du Matra, puis terminent à Grimonprez contre Laval, soit trois des cinq équipes qui luttent pour le maintien. Enfin, des quatre, parce que le sort des Lensois est déjà réglé. Monaco lui, joue d’abord Bordeaux, qui reste un gros malgré une saison compliquée, se déplace à Metz, puis reçoit Nantes. Pas un calendrier non plus hyper-compliqué, mais, qui sait, peut être piégeux. Peut-être d’autant plus piégeux que ces trois adversaires jouent sans pression puisqu’ils ont assuré leur maintien et ne sont plus en lice pour une place européenne.
On sera très vite fixés : le 13 mai 1989 pour être précis. Contre Strasbourg, qu’il a déjà battu deux fois cette saison en Alsace (3-1 et 3-0), Lille se fait rattraper chez lui suite à un but de Mège (60è) après l’ouverture du score de Boli (26è) et officialise sa fin de saison sans le moindre enjeu. Lille enchaîne par une défaite sur le terrain du Matra (1-0). Dénués d’une véritable pression puisque le maintien était acquis depuis longtemps et que l’Europe n’aurait été que du bonus, on avait espéré. Il faut dire, cette absence de pression fût peut-être au contraire préjudiciable. Les adversaires des Lillois, eux abordaient ces matches très motivés car conscients qu’ils jouaient là leur maintien …
Pour la dernière journée, Lille affronte Laval. L’enjeu est réel pour les Lavallois, mais l’espoir est aussi limité. La victoire est nécessaire pour eux, mais elle ne sera peut-être pas suffisante : ils sont 19ème à 2 points du barragiste, Caen, et ne peuvent déjà plus espérer un maintien direct. Comment ça s’est passé ? On te laisse constater :
L’Europe perdue contre les « moyens »
A la sortie de l’élimination en coupe de France contre Mulhouse, Jacques Amyot, alors président du LOSC déclarait avec amertume : « Décidément, il manquera toujours quelque chose à cette équipe pour réussir une performance intéressante ». Il est vrai que cette équipe fût déroutante, capable du meilleur comme du pire. Du meilleur contre les meilleur et du pire contre les « moyens » pour être précis. Car le LOSC était présent dans les matches contre les gros. D’ailleurs, pour ton convaincre, il suffit de regarder le classement des confrontations entre les huit premiers du classement :
Pts |
J. |
v. |
n. |
d. |
bp |
bc |
|
Monaco |
23 |
14 |
5 |
8 |
1 |
21 |
11 |
Lille |
21 |
14 |
6 |
3 |
5 |
15 |
14 |
Auxerre |
21 |
14 |
6 |
3 |
5 |
15 |
14 |
Marseille |
19 |
14 |
4 |
7 |
3 |
14 |
15 |
Nice |
18 |
14 |
5 |
3 |
6 |
15 |
15 |
Sochaux |
17 |
14 |
4 |
5 |
5 |
11 |
12 |
Nantes |
16 |
14 |
4 |
4 |
6 |
10 |
14 |
PSG |
14 |
14 |
3 |
5 |
6 |
10 |
15 |
Dans ce championnat, le LOSC était deuxième du championnat (à égalité avec Auxerre) ! De toutes les équipes qui ont précédé le LOSC en championnat, seul Monaco conserve cet avantage dans le championnat du top 8.
Pts |
J. |
v. |
n. |
d. |
bp |
bc |
|
Toulon |
23 |
14 |
6 |
5 |
3 |
14 |
9 |
Saint-Étienne |
23 |
14 |
7 |
2 |
5 |
15 |
18 |
Bordeaux |
19 |
14 |
4 |
7 |
3 |
18 |
13 |
Montpellier |
19 |
14 |
5 |
4 |
5 |
20 |
19 |
Toulouse |
19 |
14 |
4 |
7 |
3 |
19 |
19 |
Cannes |
16 |
14 |
4 |
4 |
6 |
12 |
15 |
Metz |
15 |
14 |
4 |
3 |
7 |
20 |
23 |
Lille |
15 |
14 |
3 |
6 |
5 |
13 |
16 |
Cruel constat d’une saison d’une saison étrange, le classement du championnat des équipes qui ont terminé de la 8ème à la 15ème place, c’est à dire du LOSC et des sept équipes qui le suivent au classement, place au contraire le LOSC à la dernière place !
Presque les premiers parmi les meilleurs, tout à fait les derniers parmi les moyens. Le LOSC de cette saison était bien le Robin des Bois de la D1, volant des points aux riches pour les redistribuer aux pauvres. Quand tout allait bien, l’équipe pouvait lutter avec les meilleurs avec une équipe-type qui avait de la gueule : Lama – Doaré, Zappia, Buisine, Galtier – Périlleux, Fiard, Angloma, Pelé – Vandenbergh, Desmet avec Guion, Da Silva, Mobati et Boli en bonus. Seul problème, cette saison, tout n’a pas bien été : ça a commencé avec les pépins dans une défense qui manquait de réserve, l’absence d’un meneur et d’animation offensive pour alimenter l’attaque et les problèmes judiciaires de Gaston Mobati. Ça a continué ensuite avec une absence de réussite quand l’effectif était à fond, notamment contre Metz (avec la blessure de Lama) et contre Caen (avec une multitude d’occases ratées, dont deux pénos). Et quand le sort sourit enfin aux Lillois, avec l’expulsion tragi-comique de l’Auxerrois Milinaric, ils venaient de perdre leur meneur, Pelé, sur blessure dix minutes plus tôt.
En gros, comme le disait un ami récemment : « c’est pas évident ». On ne sait finalement trop quoi penser de cette saison. Doit-on vomir en pensant au gâchis au regard de cette belle équipe ? Doit-on retenir la fierté d’avoir eu une équipe qui, sur un bon bout de saison, a été reconnue comme présentant l’un des jeux les plus attrayants de D1 ? Un peu des deux, sans doute.
Pour découvrir nos bilans des autres saisons, vous pouvez suivre ces liens :
1992/1993 : La fin d’une époque
1993/1994 : Quand les supporters redécouvraient le spectacle (mais gardaient la défaite)
1994/1995 : Le laborieux 1-0 triomphant
1995-1996 : Le maintien et c’est tout
1996-1997 : Lille, une sacrée descente
1997-1998 : À la place du con, saison 1/2
1998-1999 : À la place du con, saison 2/2
1999-2000 : Le LOSC marche sur la D2
FC Note:
(1) Notons au passage que si cela est possible, on en est davantage à espérer une place d’honneur, quitte à ce qu’elle soit non-qualificative pour l’Europe. A ce moment du championnat, il est en effet trop difficile de déterminer si l’issue de la Coupe de France pourra offrir une place européenne supplémentaire en championnat. Plus qu’on vise l’Europe, les Dogues et leurs supporters sont dans une période où l’on se projette vers le haut : le top 5 de D1 est accessible, la coupe leur réussit traditionnellement bien, bref, pourquoi pas ?
Posté le 25 janvier 2017 - par dbclosc
Fernando D’Amico : « On était préparés à se défoncer »
Fernando D’Amico était de passage en France à l’occasion du match Lille/Saint-Etienne, le 13 janvier 2017. Avec sa gentillesse habituelle, il nous a accordé du temps, pour une libre discussion qui a été l’occasion de savoir quelles étaient désormais ses (nombreuses) activités, mais aussi de revenir sur quelques moments forts de son passage à Lille, photos et vidéos à l’appui (celles qu’on vous met régulièrement sur notre page facebook).
Passer 1h30 en compagnie de Fernando D’Amico, c’est réactiver beaucoup de souvenirs : ceux, bien sûr, de l’extraordinaire progression du LOSC à partir de 1999, de la D2 à la Ligue des Champions ; ceux d’une autre époque où les soirées à Grimonprez-Jooris restent ancrées dans une mémoire que le temps a idéalisée ; et, enfin, ceux qu’on garde d’un joueur, inconnu à son arrivée, qui est parvenu en peu de temps à devenir un modèle pour les supporters, aussi bien pour sa combativité sur le terrain que pour sa tendresse en dehors. Fernando D’Amico est donc bien plus qu’un ex-joueur du LOSC : il est celui dont la trajectoire s’est confondue avec le renouveau du club ; celui qui a symbolisé « les années Vahid », avec des joueurs parfois moyens techniquement, mais poussés par une irrésistible envie de se battre, et donc terriblement attachants ; et celui qui garde un lien particulier avec les supporters : sa disponibilité à notre égard en témoigne encore. Nous avons déjà déclamé notre reconnaissance, notre admiration et, disons-le, notre amour à son égard dans cet article, sobrement intitulé « Gloire éternelle à toi, Fernando D’Amico ». Quelques heures avant qu’il ne rejoigne le Grand Stade, Fernando est revenu avec passion et émotion sur sa carrière lilloise, mais il nous a également évoqué ses reconversions professionnelles, qui l’ont notamment conduit à ouvrir une école de football pour enfants ; à passer quelques diplômes (universitaire et footballistique), et à sortir un ouvrage « Happy Football », dont une traduction française devrait arriver à l’automne 2017.
[L'intervieweur est fébrile face à son idole. Attention, il s'agit de trouver une bonne question] Que deviens-tu, Fernando ?
Je suis toujours le même. Je n’ai pas beaucoup changé, sauf que quelques années ont passé depuis mon passage ici à Lille. Sur le plan personnel, je suis un père de famille, très amoureux de ma femme, Erica, et de mes 3 enfants : Maria est née quand j’étais ici à Lille, elle a 14 ans ; Alessandro a 8 ans ; et Fatima, la plus petite, a 2 ans et demi. J’habite en Espagne, à Badajoz, d’où est originaire ma femme, et où j’ai joué avant d’arriver à Lille. Ma femme tenait à ce qu’on retourne là-bas. Ensuite, au niveau professionnel, je suis toujours dans le football. J’ai vite pensé à ma reconversion : deux ou trois ans avant la fin de ma carrière, j’ai lancé une petite école de foot, avec les enfants de l’école de ma fille, Maria, qui avait 4 ans. J’ai un petit terrain de foot chez moi : les parents me demandaient si je pouvais donner des cours. Donc j’ai commencé d’abord avec 5-6 enfants. Et aujourd’hui, ça fait désormais 10 ans, j’ai une école de foot privée (Escuela de Futbol Fernando D’Amico), sur un autre terrain beaucoup plus grand ! J’ai environ 80 enfants de 4 à 16 ans, et je leur donne des cours moi-même, tous les mois. C’est ma passion.
J’ai fini ma carrière en 2009 à Badajoz. J’ai débuté des études pour devenir directeur sportif à la fédération espagnole de football, et des études pour devenir coach en Argentine, car j’aime la méthode argentine. Donc j’ai le diplôme national de première division d’Argentine, et j’ai le diplôme de directeur sportif pour la fédération espagnole de football.
Ensuite, cela fait un an et demi que je suis devenu agent FIFA intermédiaire. Donc je suis agent de joueurs. Pour le moment, c’est pour la fédération espagnole de football. Et en juillet, je devrais pouvoir obtenir la licence en France.
Enfin, en 2010, j’ai démarré des études en intelligence émotionnelle à l’université de Madrid. Ça a duré 4 ans. Cela m’a aidé aussi dans ma vie personnelle, pour rationaliser les émotions vécues lors de ma carrière de joueur. Cela a abouti notamment à l’écriture d’un livre pour enfants.
Tu nous présentes ce livre ?
Le livre a été écrit avec l’associé de mon entreprise Quality players, Àlvaro Roa. On a fait tous les deux un cursus à l’université. Moi je suis expert, avec mon master, en intelligence émotionnelle. J’ai aussi une entreprise qui s’appelle « despierta tu talento », ça veut dire « éveille ton talent » : on donne des cours de coaching, d’intelligence émotionnelle, et de motivation. Donc j’ai relié mes études en développement personnel avec mon expérience de footballeur. Avec Àlvaro Roa, on a donc créé « Happy football ». L’idée principale de ce livre, c’est de dédramatiser le football. Je crois que c’est ce dont les enfants ont besoin pour libérer leur talent. Pour être un meilleur footballeur, il faut dédramatiser le football : quand on est un enfant, ce n’est pas sérieux le football ! C’est avant tout un jeu. Bien sûr, tout le monde rêve de devenir footballeur professionnel, mais il faut savoir mettre certaines limites. Personnellement, j’ai souffert dans mon enfance avec des équipes trop « professionnelles », qui nous traitaient, mes parents, mon frère et moi, comme si on avait 20 ans, alors qu’on avait 8 ans, 10 ans !
Pour découvrir ce livre, voici sa page facebook, et son site web.
Il y a la vraie grinta dans le livre. Pas celle des fous furieux ; c’est pour devenir un meilleur footballeur, mentalement. C’est ça que je veux inculquer aux enfants : quand il faut vraiment aller au charbon, c’est ta tête qui te permet d’y aller. Je ne veux pas que les enfants se brûlent les ailes dans leur jeunesse. Oui, tu peux avoir la grinta à 8 ans, tu peux tout donner, mais il ne faut pas avoir déjà l’angoisse de ne pas gagner. Alors, dans notre livre, on trouve beaucoup de valeurs issues de mon parcours en intelligence émotionnelle. C’est un ouvrage qui fait appel à l’imagination, avec beaucoup d’aventures, beaucoup de matches, et mon expérience, depuis mon enfance jusqu’à mon parcours de footballeur.
Aujourd’hui, j’ai rencontré un éditeur à Lille – supporter Lillois, en plus ! -, et on a entamé les démarches pour une traduction française.
« J’ai tout donné pour jouer à Lille »
On va désormais revenir vers le passé. Tu arrives à Lille en 1999 : dans quelles circonstances es-tu arrivé au club ?
Je venais de finir mon contrat à Badajoz. Avant de partir à Buenos Aires pour des vacances, mon agent m’a conseillé d’envoyer des cassettes vidéos à plusieurs clubs en Europe dans lesquels il avait des contacts. J’avais la possibilité de revenir en première division argentine, mais je voulais rester en Europe pour être auprès d’Erica. Si je restais en Argentine, je ne la voyais plus… et c’était mon amour ! On a envoyé des cassettes en Belgique, en Suisse, en Italie, et à Lille. En attendant, je m’entraînais à Buenos Aires, seul. Et mon agent avait des contacts avec un Argentin qui a joué à Lille, Fernando Zappia, qui lui-même connaissait Philippe Lambert et Jean-Pierre Mottet. Donc Zappia a joué les intermédiaires, et au bout d’un moment, la cassette est arrivée à Pierre Dréossi et à Vahid. Et je me rappelle très bien : j’étais en train de courir dans un bois pour me préparer, et je reçois un appel de mon agent : « Fernando, il faut que tu te prépares, tu as un essai à Lille ».
Et que savais-tu de Lille avant d’y venir ?
En vérité, je ne connaissais pas Lille. Après ce coup de téléphone, tout de suite, on a regardé où était Lille : c’est la première fois que j’en entendais parler.
Et donc tu débarques dans l’inconnu, et tu fais le stage avec le groupe en Bretagne. Comment as-tu été accueilli ?
(Il réfléchit quelques secondes) Ça s’est passé… de différentes façons. J’arrivais sans parler un mot de français, après 20 heures de voyage. J’étais tellement fatigué : 15h d’avion, puis il fallait rejoindre la Bretagne, à Saint-Cast. J’étais avec Fernando Zappia.
Libéro, Fernando Zappia a joué 65 matches pour le LOSC entre 1987 et 1989
Vahid, sérieux, nous accueille et prévient d’emblée : « j’espère que vous travaillez dur ». Il était 23h. On a terminé cette première entrevue à minuit, ou 1h du matin. Je demande si je peux dormir. Vahid me dit : « oui mais demain, 5h30, réveil ! ». Réveil à 5h30 ?!? Et il poursuit : « oui, et à 6h30, entraînement, puis à 10h30, entraînement, et à 16h, entraînement ! ». C’était de la folie. C’était comme au service militaire. Je me lève à 5h ; on m’avait donné 3 survêtements, mais je ne comprenais rien puisque je ne parlais pas un mot de français : ce survêt là, c’est pour le matin ? L’après-midi ? Et celui-là ? J’avais aussi 3 couleurs de maillot. Je me souviens qu’en sortant de ma chambre, j’avais mis un maillot vert, et je vois que tout le monde portait un rouge ! Donc je retourne dans la salle en courant pour me changer… C’était un stage de fou. J’ai tout donné.
Le groupe en Bretagne. Fernando semble déjà très déterminé.
Donc le premier contact a été difficile, quand même…
Ah oui ! Très difficile !
Et le groupe des joueurs, comment t’a-t-il accueilli ?
Normalement. Je me souviens que j’avais appris quelques mots dans l’avion, avec un traducteur, mais je me suis vite rendu compte qu’on ne me comprenait pas ! Et personne ne parlait espagnol… Je pense qu’aujourd’hui, c’est différent : les joueurs parlent davantage espagnol. Mais je te dis la vérité : c’était très dur. On est restés une dizaine de jours là-bas. J’étais tellement fatigué. En plus, j’arrivais avec une blessure derrière la cuisse, mais je ne voulais pas arrêter. Le soir, je me massais dans la douche, et je ne voulais pas dire que j’avais mal. J’avais tellement envie de rester que j’ai fait un stage de fou. C’était très très très, très dur. Mais j’ai donné tout ce que j’avais, et Vahid l’a vu.
[Ci-contre : photo prise lors d’un match amical d’avant-saison]
Comment Vahid t’a dit que tu allais rester ?
Vahid ne disait rien. Quand je demandais, Philippe Lambert disait : « c’est bien, c’est bien… », mais c’était flou. Le dernier jour, je suis monté dans le bus, je ne savais toujours rien. Vahid m’a regardé, il m’a fait comme ça, avec la tête (il mime un signe d’approbation). C’était seulement un signe de tête, et j’ai senti que j’avais réussi le stage. C’est comme ça qu’a commencé l’aventure.
Pour Fernando, l’aventure commence officiellement le 7 août 1999 : il est absent lors du premier match à Laval, et il participe à son premier match en championnat avec le LOSC contre Nîmes. Il est remplacé à la 67e minute, déjà sous les applaudissements, par Bruno Cheyrou, qui donne la victoire au LOSC à la 89e. Ensuite, Fernando enchaîne : il devient rapidement un titulaire indiscutable au milieu de terrain, où ses qualités de récupération font merveille. Aux côtés de Carl Tourenne, dans un rôle plus sobre, Fernando se projette plus facilement vers l’avant en initiant les attaques. Son activité est impressionnante : il semble infatigable. Dans la vidéo ci-dessous, on a un aperçu de cette activité débordante : c’est le 27 août 1999 (6e journée), contre Louhans-Cuiseaux (« Louhans-Cuiseaux ? J’étais tellement motivé que je ne regardais même pas contre qui on jouait… »).
« Je me sentais en communion avec le public »
Grâce à ses performances, Fernando D’Amico devient très rapidement le chouchou des supporters. Pourtant, en dehors des terrains, l’adaptation reste difficile : il y a la barrière de la langue ; et aussi l’absence d’Erica, pendant plusieurs mois :
Je me souviens que je pleurais après chaque match, dans les vestiaires. Je me vidais tellement. Je donnais tellement de rage, de grinta. Et j’étais tout seul. Je ne parlais pas français…
Ton épouse est arrivée après ?
Oui, elle est arrivée après. Erica est arrivée 6 mois après, vers janvier-février… Pour Erica aussi, ça a été difficile. On n’avait pas encore d’enfant à ce moment là. Maria est née en 2002, 3 ans après. Mais je sentais aussi que Vahid était attentif, il me soutenait. Un jour, alors que j’étais triste, il me dit : « mais Fernando, tu es le chouchou des supporters, tu joues super bien, qu’est-ce qui t’arrives ? ». Vraiment, c’était très dur. Ça, c’est une dimension que peu de gens connaissent : j’ai beaucoup souffert au début, c’était pas facile, surtout à cause de la langue et de la solitude.
Qu’est-ce qui t’a aidé à tenir ?
Le soutien des supporters était très important. Quand les supporters chantaient mon nom, ça me donnait beaucoup de force. Je me sentais en communion avec le public, c’était une relation extraordinaire que je n’ai pas retrouvée après. Je m’entendais aussi très bien avec les dirigeants : Pierre Dréossi, Philippe Lambert, pour moi le meilleur préparateur physique du monde, il prenait le meilleur de moi ! Pareil avec Vahid aussi, le président Bernard Lecomte… Tout le monde a fait le nécessaire pour mon adaptation. Ensuite, les amitiés se créent. Je partageais notamment ma chambre avec Grégory Wimbée lors des mises au vert. Après l’entraînement, à la fin des matches, je retrouvais Didier [Didier Bauwens, l'ancien concierge du stade], la famille Régent. Heureusement que j’ai rencontré la famille Régent, c’était une grande chance et un grand réconfort pour moi.
Comment tu as rencontré cette famille ?
Mon professeur de français connaissait Thomas Régent, le plus grand des enfants. Ils m’ont contacté, et je me rappelle qu’on est allés boire un coup sur la Grand’ place. La maman, Joëlle, m’aidait à faire mes courses, à meubler mon appart’, je mangeais chez eux… Vraiment, la famille Régent, c’est une des clés de mon adaptation. Joëlle, Bruno, Benjamin… Des gens extraordinaires. Ils m’ont beaucoup aidé.
En novembre 1999, à la moitié de la saison, France 3 Nord-Pas-de-Calais réalise un reportage sur Fernando. Il y est présenté comme la « révélation de la saison ». Pierre Dréossi raconte les circonstances de sa venue. Fernando y évoque ses difficultés lors de son arrivée, et sa rencontre avec la famille Régent.
« On avait trouvé la formule pour gagner »
Sur le plan sportif, tu gardes quels souvenirs de cette première année à Lille, avec la remontée ? [Notre article sur cette saison 1999-2000]
On était une machine… Un TGV lancé à 400 km/h qu’on ne peut pas arrêter. On était solides, costauds, déterminés. On s’entraînait, on gagnait, on gagnait. On avait trouvé la formule pour gagner. On n’arrêtait pas ! Vahid me pressait toujours comme un citron pour extraire le meilleur de moi. Et comme moi je suis un mec très obéissant, ça marchait. Je venais de la D2 espagnole, j’avais 23 ans, je ne connaissais rien ! J’étais comme les autres : on venait d’en bas, on n’avait pas de stade.. Si un mec prend le meilleur de toi et t’amène en D1, tu es reconnaissant. On a beaucoup souffert lors des entraînements, mais ça marchait. Les entraînements, c’était plus difficile que les matches ! Beaucoup plus difficile. Quand je commençais un match, j’avais l’impression que les joueurs adverses étaient des fourmis, tellement je me sentais costaud.
À l’issue de sa première saison, Fernando est champion de France de D2, et remporte un trophée individuel : l’étoile d’or France Football, qui récompense le joueur qui a obtenu la meilleure moyenne des notes données par le magazine. Le voici dans les locaux du journal, avec Erica.
Est-ce qu’on peut revenir sur quelques matches spécifiques, où ça c’est passé de manière particulière pour toi ? D’abord, la double confrontation contre Guingamp [Pour rappel, dans le match au sommet de la 19e journée, Lille mène 1-0, puis Wimbée est expulsé pour une main hors de sa surface. Sur le coup-franc qui suit, Fernando se met sur le chemin du Guingampais Tasfaout, tombe, et l'arbitre expulse Tasfaout. Lille gagne ce match 2-0. Au retour, les Guingampais veulent se venger de Fernando, et Claude Michel le tacle violemment par derrière en fin de match].
Moi j’étais très malin hein… Comme tu l’as écrit dans ton article, je pouvais faire sortir du match n’importe qui. Écoute, il est venu vers moi, Tasfaout. J’étais dans le mur. Je me mets sur le passage, je tombe, il a eu carton rouge. Mais le carton de Grégory, c’était pas juste. Donc on a compensé un peu. C’est pas tricher, c’est être malin. C’est très professionnel finalement.
Le résumé du match :
Et au retour, Claude Michel te tacle par derrière…
Oui, pour me blesser ! C’était le seul match où j’étais remplaçant, parce qu’au match aller, j’ai fait le malin devant Tasfaout, et il s’est pris un rouge (il rit). Claude Michel disait qu’il voulait me casser la jambe, donc Vahid m’avait mis remplaçant, mais je ne comprends pas pourquoi il m’a fait jouer. Il ne fallait pas me faire jouer ! Dès que je suis rentré, Coco Michel s’est jeté par derrière, et heureusement qu’il ne m’a pas cassé la cheville ! Ça, c’est des mauvais perdants (on voit le tacle à la vidéo : Fernando répète : « ça c’est des mauvais perdants. Et lui aussi là [Guy Lacombe] Mauvais perdant ! On était meilleurs qu’eux »).
Et je n’ai blessé personne dans ma carrière. Dis-moi si c’est arrivé une fois ? Si, c’est arrivé une fois, contre le Paris Saint Germain. Sans le faire exprès, j’ai blessé Frédéric Déhu. Je l’ai attrapé par derrière, et je lui ai mis mes crampons sur les mollets. J’ai pris un jaune, et j’ai demandé pardon. Il était capitaine, j’étais pas bien du tout. Mais jamais je n’ai blessé, jamais je ne suis allé pour casser une jambe comme Coco Michel l’a fait avec moi. Jamais je n’ai pris un rouge parce que je faisais mal.
Et puis il y a le match à Nîmes. Tu marques tes deux premiers buts avec le LOSC, mais le match finit en bagarre générale…
L’angoisse. Tu sais ce qu’est l’angoisse ? J’ai failli me faire tuer ! Il y avait un joueur qui était toujours très méchant avec moi… Cyril Jeunechamp. Il était toujours derrière moi, très méchant. Il ne savait pas rivaliser à la régulière, et il s’enflammait rapidement. Ce jour-là, Nîmes était meilleur que nous. Mais tu sais que dans les duels, tu sais que je rentre dedans. Lui, il m’insultait. On n’était pas bien, on était menés 3-0 hein ? (il rit) Donc à 3-0, il me chambrait. Et moi, la première chose, si un mec m’insulte sur un terrain de foot… Moi je suis un ange hors des terrains, mais sur un terrain, je suis un démon. Je suis un fou ! Donc il m’insulte, les insultes classiques… Moi je réponds, je l’insulte, mais ce sont normalement des choses qui s’arrêtent quand le match se termine. Quand c’est fini, c’est fini. On a gagné ou on a perdu, et c’est tout, on en reste là. Mais eux, les Nîmois… Non seulement ils menaient 3-0, mais ils prennent 2 rouges, et moi je marque 2 buts, dont un à la dernière minute ! Le match se termine, des Nîmois viennent vers moi, jaloux, et m’insultent. En Argentine, quand on fait ce geste (il lève les mains), ça veut dire : « j’ai rien fait ». Donc je lève les mains. Et eux ont cru que je les chambrais. Tu crois que moi, je vais chambrer à Nîmes, où les gens étaient tout fous dans le stade ? Après être revenus de 0-3 à 3-3 ? Je suis fou mais pas con ! Que estoy loco, pero no estúpida ! Sur la vidéo, on voit bien que je lève les bras . Même le journaliste dit que D’Amico chambre, etc. Bon, du coup, j’étais triste, je n’ai pas profité de mes 2 buts. Tout le monde voulait me frapper. Vahid s’interposait pour que je ne prenne pas des coups de pied de karaté… J’avais rien fait ! Juste des duels costauds avec l’autre. Tu m’insultes, je t’insulte, et on en reste au match, il n’y avait rien de personnel là-dedans. Lui, Cyril Jeunechamp, avait quelque chose de personnel contre moi. Après la douche, je me rappelle, j’en ai pleuré parce que tout le monde me demandait « mais qu’est-ce que tu as fait Fernando ? », et moi j’avais rien fait, c’était juste des duels et des insultes sur le terrain. On nous a jeté des cailloux sur le bus… La folie. Vahid m’a dit que j’avais un peu baissé mon niveau lors du match à Nîmes ! Hé, j’avais marqué 2 buts ! Quand même !
Les 10 dernières minutes du match à Nîmes, avec le doublé de Fernando :

Allez, passons à la suite : Le LOSC est remonté en D1.
En D1, on était sur notre lancée. Idem en Ligue des champions. On était préparés à se défoncer. Et on sentait qu’on pouvait rivaliser avec n’importe quelle équipe.
Là, je voudrais te montrer deux souvenirs : d’abord, un match contre Sedan.
J’ai pris un carton rouge. On n’avait pas fait un bon match. Je suis en retard. C’est un deuxième carton jaune… Je n’ai pas blessé en tout cas.
Et donc là contre Saint-Etienne, tu marques ton premier but à Lille !
Le 27 janvier 2001, Lille bat Saint-Etienne (entraîné par Rudi Garcia) 4-1. Fernando marque son premier but en D1, et son premier but à domicile ! Et pas n’importe comment : une frappe de 20 mètres en lucarne ! De plus, le LOSC prend ce soir-là la tête du championnat.
C’est incroyable… Dans ma carrière, il me manquait des buts. Je courais tellement que j’étais fatigué quand j’arrivais devant les buts ! Quel but…
Alors cette saison se finit à Monaco. Mais avant, on perd des points contre Lyon (1-2) et à Paris (2-2).
Oui, c’est là qu’on a perdu le titre. On a décroché. Le but de Delmotte, c’est ça qui nous nique. On savait aussi qu’il nous manquait un petit quelque chose, et c’est ça peut-être l’unique regret de cette époque : ne pas avoir remporté le titre en 2001. On n’a pas pu parce qu’on était limités, soyons honnêtes. Il nous manquait de quoi rivaliser avec les plus grands. À Paris, j’ai une occase, et je m’arrête au lieu de continuer. Vahid me l’a reproché : « mais pourquoi tu t’es arrêté ? ». J’avais pas l’habitude d’aller jusqu’au bout. J’ai frappé… Trop facile pour le gardien. On a fait 2-2 là… Et, à Monaco, super passe de Fahmi… Dommage que Laurent (Peyrelade) ne soit pas resté avec nous en Ligue des champions. Il était très efficace, il a fait meilleur buteur. Je sais pas pourquoi il est pas resté avec nous.
« Quand Christophe Pignol est tombé malade, ça nous a tous beaucoup touchés. On s’est serrés les coudes. On jouait pour lui. Il nous téléphonait, il nous envoyait des cartes. Je garde toujours avec moi une carte très personnelle qu’il m’a écrite. Je l’ai revu à l’inauguration du grand stade et aux 70 ans du LOSC. J’étais très content de le voir »
« Jouer la Ligue des champions, c’est toucher le ciel avec la main »
Quel souvenir gardes-tu de la confrontation contre Parme ? [On a écrit un article sur le match aller, ses circonstances, son scénario]
C’était un jeu de stratégie. Jamais je n’ai vu dans ma vie un match aussi bien préparé que celui-là. On était tellement bien préparés physiquement, suite au stage de début de saison avec Vahid. C’était une partie d’échecs. On a changé le système juste pour ce match. On a joué à 3 derrière, avec Tafforeau et Pichot sur les côtés, au milieu, avec N’Diaye et moi au milieu, et Landrin devant. Chacun avait sa fonction. On a surpris Parme. Je me souviens… Je ferme les yeux, et je vois une partie d’échecs où on contrôle le jeu, on sait ce qu’on doit faire. On a très bien occupé le terrain. On les a surpris d’une façon énorme, on a contrôlé le match. Un de mes meilleurs souvenirs de ma vie, c’est le marquage individuel sur Nakata. Le pauvre… Je crois que je suis un cauchemar pour lui. Je lui criais dans les oreilles, je lui faisais la totale. Il me regardait comme ça en se demandant ce qui lui arrivait. Et en plus j’étais malin, l’arbitre sifflait toujours en ma faveur ! À cette époque, il était encore très bon. Je crois que ça lui a fait du mal dans sa carrière. Je ne veux pas aller plus loin, mais il a été moins en vue après. J’étais tellement bien physiquement, je pouvais accélérer facilement. C’est lors de ces matches que j’ai dit « il faut pas lâcher, il faut continuer ». On m’a interviewé à la mi-temps, j’étais fou. On perdait je crois déjà 0-1, moi j’ai dit : « il faut pas lâcher, il faut continuer, il faut se qualifier, seulement ça ». Je m’en souviens comme si c’était hier.
Pour son premier match européen, le LOSC réalise l’exploit de s’imposer à Parme (0-2). La star parmesane, Hidetoshi Nakata, est complètement neutralisée par Fernando, à l’aller comme au retour. Au retour, Lille perd (0-1) mais est qualifié. Le résumé du match aller :

« Il faut pas lâcher, il faut se qualifier !!! » La photo illustre parfaitement le propos.

Ensuite, débute la campagne de Ligue des champions…
Pour être honnête, quand on est allés à Manchester, j’avais peur qu’on en prenne 7. Mais on était tellement bien préparés, l’équipe était tellement costaud, qu’on arrivait à rivaliser avec tout le monde. J’ai un regret sur cette campagne de Ligue des champions : avoir perdu en Grèce. C’est là que ça s’est joué. On gagnait 1-0. Et je ne sais pas comment ça a tourné… Il y avait le feu dans le stade. On avait une drôle de sensation, où on se fait avoir et on ne s’en rend pas compte. On a eu 10 minutes de déconcentration, on se demandait s’il y avait hors-jeu ou pas, et on l’a payé cher. Si on avait une possibilité de se qualifier, c’était sur ce match là. On s’est ratés.
4e journée de la première phase de la Ligue des champions 2001-2002 : Bassir ouvre le score (38e, Fernando est au départ de l’action : mais on le voit pas sur cette vidéo), mais les Lillois sont battus (1-2) :
Il y avait aussi beaucoup de rotation, mais on n’avait pas l’effectif pour jouer à fond. Mais bon, après, on fait deux nuls contre La Corogne, on perd à la dernière minute contre Manchester, on bat l’Olympiakos à la maison. J’ai ces deux regrets : perdre le match à Olympiakos, et le match retour contre Manchester, où on fait 1-1, j’étais sur la retenue ; je n’ai pas fait un bon match, parce que Vahid ne voulait pas qu’on prenne de risque. Il pensait qu’avec le match nul, on se qualifiait. Manchester était déjà qualifié, et nous on avait besoin d’un point, donc c’était un match particulier, je me retenais, il fallait surtout ne pas encaisser de but. Après, les autres matches, je me sentais à l’aise. Je sentais que je faisais de bons matches. L’équipe était bonne, et moi, individuellement, je rivalisais avec les grands joueurs. Ça reste une de mes meilleures années. Quand tu joues la Ligue des champions, c’est toucher le ciel avec la main.
Cette année, dans mon école de foot, je fais l’entraînement, le jeu, tout ça, et avant de démarrer le petit match, je fais entrer les joueurs dans le vestiaire, je prépare les deux équipes, je mets la musique de la Ligue des champions ! Ils ont le drapeau de l’école, et ils sortent en rang avec les parents qui les applaudissent. Et quand j’oublie de le faire, les enfants réclament la musique de la Ligue des champions !
En Une de « L’équipe », Ruud van Nistelrooy observe un des meilleurs milieux de terrain du monde. Et à droite, on aperçoit David Beckham.
Et la dernière saison, elle, a été plus difficile
Oui, Vahid est parti. On a démarré la coupe Intertoto…
Et tu marques !
Oui, tu as les vidéos des buts ?
Oui, buts de la tête.
Les buts de Fernando dans cette vidéo : le 31 juillet 2002 contre Aston Villa (1-1) et, auparavant, le 27 juillet contre les Roumains de Bistrita (1-0) :
Le but contre Aston Villa, en direct sur Fréquence Nord, avec la voix de Mickaël Foor.
J’ai démarré super bien. Dans mon livre, il y a une histoire qui est inspirée du but qu’on a pris contre Aston Villa : aller rechercher le ballon au fond des filets. Regarde ce que je fais, sur le but de Aston Villa : je suis allé rechercher le ballon dans le but. Tu vois ? Je ramène le ballon au milieu. Combativité ! Et ensuite je marque. Quel beau but, hein ? Je m’en souviens comme si ça venait d’arriver. J’ai plongé.. Quelle joie de marquer un but à la dernière minute ! Après, Puel a commencé à faire tourner. Il ne m’a pas mis au retour à Aston Villa. Il ne m’a pas mis en finale à Stuttgart. Il a fait tourner, et moi je suis un joueur qui a besoin de jouer tous les matches pour garder le rythme. À mon avis, sur ce plan là, il s’est trompé avec moi. Avec Vahid, je jouais tout : championnat, ligue des champions. Jamais il ne me laissait me reposer. Mais Puel me faisait jouer en championnat, et ensuite je ne jouais plus. À Stuttgart, j’ai joué 20 minutes. Et après, on a fait un très mauvais début de championnat : 0-3 contre Nice, et 0-3 contre Bordeaux, à la maison ! C’était une année de transition, très mauvaise.
Le 17 août 2002, après avoir déjà perdu 0-3 contre Bordeaux, et avoir fait un nul au Havre (0-0), le LOSC perd de nouveau 0-3 à Grimonprez. Mais « il faut pas lâcher ! » :
« Plus les années passent, plus je me sens proche de Lille »
À l’issue de la saison, ton contrat n’est pas renouvelé. Comment as-tu vécu ton départ ?
C’était une année très compliquée pour moi, car j’étais en fin de contrat. Lille a d’abord fait une proposition. La négociation s’est déroulée avec mon agent ; moi, je ne m’en occupais pas. Au début, le LOSC voulait me prolonger. Quand j’ai marqué les deux buts en Intertoto, mon agent était au match et a parlé avec Michel Seydoux. J’attendais un effort de Lille pour me retenir : les supporters me voulaient, et moi je voulais rester. Ensuite, j’ai eu quelques désaccords avec Puel. Je jouais moins. Durant mes 4 ans au LOSC, je jouais toujours, et je n’avais pas eu cette sensation encore. La fin de contrat donne une sensation bizarre… Et soudainement, il ne s’est plus rien passé. En fait, ils ont laissé tomber l’affaire. Ils n’ont pas lutté pour me garder.
Tu as des regrets ?
Non, je n’ai que des bons souvenirs. 14 ans après, je me rends compte que je n’ai rien à regretter, parce que mes 4 ans au LOSC étaient 100% purs. C’était moi. C’était le meilleur D’Amico. Peut-être que si j’étais resté, j’aurais régressé. Tu sais ce que les supporters pensent de moi : je donnais tout. Je n’aime pas l’idée que j’aurais pu être moins bon. 4 ans d’amour avec les supporters, c’est suffisant. Peut-être que si j’étais resté davantage, je n’aurais pas laissé le même souvenir. Et peut-être que je n’aurais pas gardé le même souvenir du LOSC. C’était aussi la fin d’un cycle. Il y avait des circonstances. Si les dirigeants ne font pas d’efforts pour me garder, je ne regrette pas. Et il faut reconnaître qu’on n’est pas parfait. Dans la vie, on ne sait pas ce qui va se passer. Parfois, on dépend d’autres personnes : de ton agent, de ta famille… On ne contrôle pas tout.
Quel regard portes-tu sur le LOSC depuis ton départ ?
Le LOSC a toujours progressé. Aujourd’hui, le président s’en va : je l’ai vu tout à l’heure en allant chercher mes places. Avec lui, le LOSC a poursuivi son ascension : si on regarde le bilan, il y a le doublé, le domaine de Luchin, le grand stade… Alors je lui tire mon chapeau, et je le félicite pour son travail. Je n’oublie pas non plus de saluer Claude Puel dans la progression du club. Je voudrais ajouter que, dans un club, les supporters ont une place très importante : quand les supporters se rendent compte du pouvoir qu’ils ont, ils changent le football. S’il n’y a pas de supporters, il n’y a pas de football. Et moi je voudrais bien que les vieux supporters continuent à fréquenter le stade et portent les valeurs du LOSC. C’est bizarre, mais plus les années passent, et plus je me sens proche de Lille, du club, des supporters. À un moment, je m’en suis éloigné et puis, avec les réseaux sociaux, j’ai beaucoup d’échanges avec des supporters. Ce soir, je vais voir le match et saluer les supporters !
Et quand Fernando va supporter le LOSC, il ne fait pas les choses à moitié : il était dans le kop !

Merci Fernando pour ta disponibilité !
15 ans séparent ces deux photos. Hormis une excroissance du pouce, nous n’avons pas changé. Le selfie a été pris avec le téléphone de Fernando, dont le fond d’écran est une photographie de lui sous le maillot lillois, avec l’inscription « il faut pas lâcher ! » !
Posté le 18 janvier 2017 - par dbclosc
Patrick Collot, l’invincible des années 2000
A l’occasion de son deuxième intérim sur le banc lillois, on a sorti un article relatant la carrière de Patrick Collot. On a rappelé que c’est un gars du Sud qui avait peur d’être parti vers le « froid et la grisaille » en arrivant à Lille qu’il avait rejoint sur les conseils de Thierry Rabat. On avait dit aussi qu’il avait été très vite adopté, contribuant notamment au maintien de Lille en 1995/1996 grâce à un but improbable marqué à l’ancien Dogues Bernard Lama. Et on avait aussi parlé de sa fidélité et de sa gentillesse, lui qui s’est toujours montré proche des supporters et qui était resté en D2, contribuant ensuite activement à la remontée en D1.
On l’a moins dit, outre qu’il était un très bon joueur, Patrick Collot est l’invincible (ou presque) du LOSC. On n’oserait pas mettre cette invincibilité en totalité au crédit de Pat, non pas qu’on tienne absolument à relativiser ses mérites, mais simplement par honnêteté intellectuelle : aussi important fût Pat, il ne demeure que l’un des membres d’un collectif : ni ses défaites, ni ses victoires ne peuvent lui être entièrement imputées.
Il n’empêche, le symbole est beau : depuis la remontée en première division, le Sudiste devenu ch’ti présente un bilan assez extraordinaire. Alors, Pat, un « simple » porte-bonheur ? A vrai dire, on s’en fout : mais quel plaisir on a à constater le succès des nôtres quand il est là.
2000/2001 : l’incroyable bilan de Patoche
Lors de l’année de la remontée, clairement, on ne vise que le maintien. Très vite, ça s’annonce un peu mieux que ça. En définitive, Lille termine à une inespérée 3ème place et se qualifie en coupe d’Europe pour la première fois de son histoire. Pat dispute 15 rencontres, le plus souvent comme entrant en cours de match.
Ceci étant, avec ou sans Pat, ça n’est pas la même histoire. D’ailleurs, dès la deuxième journée on constate que quand Pat entre en cours de jeu, ça n’est pas pour faire de la figuration. Entré à 12 minutes du terme d’une rencontre bien maîtrisée à Strasbourg (Lille mène 2-0), Collot inscrit un doublé. Sur l’ensemble du championnat, le bilan lillois sans Pat Collot est modeste : 6 victoires, 6 nuls et 7 défaites. Avec lui, ça n’est pas la même histoire. Quand il joue, Lille gagne à 10 reprises et fait 5 matches nuls. Invincible qu’on vous dit.
« Eh ! Les copains ! Si on faisait des shampooings à Patoche pour rigoler ! » Ce farceur de Johnny
En maintenant la même moyenne sans Pat qu’avec, Lille aurait totalisé 79 points (79,33 en fait) et aurait terminé champion easy 11 points devant le total nantais champion cette saison là. 2,33 points par match avec lui, c’est presque le double que sans lui (1,26).
2001/2002 : la défaite devait arriver. Mais une fois.
En 2001/2002, Patoche joue beaucoup moins. Cinq matches en tout et pour tout, dont une titularisation. Son statut d’invincible ne se dément pourtant pas jusqu’à un match à Auxerre. Jusque là, Pat a participé à la victoire contre Lorient (3-1), au bon nul à Bordeaux (0-0) et à la victoire épique contre Montpellier dont on a déjà parlé. Même expulsé ce soir-là, Pat reste invincible grâce à des buts de Bruno Cheyrou (89è) et de Bakari (dans le temps additionnel). Score final : 2-1 !
« Eh ! Les copains ! Si on faisait des étranglements à Patoche pour rigoler ! » Ce farceur de Johnny
Mais vint l’inévitable. A Auxerre, Lille s’incline (2-1). Le dernier match de Patrick clôt son histoire de joueur avec le LOSC sur une bonne note et une victoire à Lorient (4-2).
2015-2017 : Patrick coach « intérimaire »
Et le temps passa. Mais, finalement, peu de choses changèrent. Pat resta lillois, d’abord comme formateur et devient même l’adjoint de Claude Puel à partir de 2006. Indécrottablement fidèle, Pat suivra Cloclo à Lyon en 2008. Mais tellement indécrottablement fidèle qu’il reviendra chez nous en 2013.
En novembre 2015, il prend l’intérim d’Hervé Renard, licencié. Un match et, bien sûr, pas de défaite (1-1) pour Pat pour son premier match en L1 comme coach. Certes, c’était à Troyes, pas le plus dur. Mais, osons la comparaison audacieuse, c’est mieux que ce que fera Antonetti plus tard, lui étant défait contre Troyes, de plus à domicile.
En novembre 2016, rebelote. Cette fois c’est coach Antonetti qu’il suppléa. Patoche, fidèle à son statut d’invincible présenta un bilan de 3 victoires et 1 nul après 4 matches. Il connu ensuite sa première défaite de coach (2-0) à Marseille. Depuis, pas d’autre victoire, mais deux matches nuls.
Depuis 2000, comme joueur et comme coach, le bilan de Patoche en première division est celui-ci : 16 victoires, 10 nuls et 2 défaites. Alors, vous êtes sûrs qu’on a besoin de Bielsa ?
Pour compléter ce tableau flatteur, le LOSC marque à 14 reprises lors des 431 minutes de jeu qu’il passe sur le terrain entre 2000 et 2002 (pour 3 encaissés), il en inscrit lui-même 4 et réalise 2 passes décisives. En sa présence, Lille marque un but toutes les 30,8 minutes et, lui-même, n’a besoin que de 71,8 minutes de jeu pour marquer ou faire une passe décisive.
Ah oui, pour finir, il faut aussi dire qu’entre son premier match de la saison 2000/2001 contre Monaco et son troisième but de la saison, contre Sedan, Patrick n’a alors passé que 45 minutes sur le terrain, soit, alors, une moyenne d’un but tous les quarts d’heure. D’un coup, Ronaldo et Messi apparaissent vachement moins impressionnants.
Des choix de coach pas dégueulasses
Et puis, aussi, mettons aussi l’accent là-dessus : en tant qu’entraîneur, Pat Collot a fait de vrais choix, loin de l’image parfois bien condescendante que certains peuvent diffuser à son propos, celui d’un « adjoint » mais certainement pas d’un entraîneur de L1.
Quand il reprend l’équipe, Patrick institue un 4-2-3-1 qui tranche avec le 4-3-3 dans lequel Antonetti s’était embourbé. D’abord l’initiateur de ce 4-2-3-1, Fredo avait ensuite le plus souvent joué avec un milieu à trois. Pourtant, à bien y regarder, les matches en 4-2-3-1 n’avaient pas été les plus mauvais. C’est ainsi que Lille a pris un point à Nice (1-1) et avait dominé les stéphanois jusqu’à la bête expulsion de Béria. De même, si l’on avait pas été convaincus par la performance contre Monaco (1-4), le recul nous permet de voir qu’on a pas été les seuls à subir le froid réalisme monégasque et à bien y regarder, le fond n’avait pas été si mauvais que ça. Il y eut aussi le certes moins convainquant match contre Nancy (1-0).
Wazzzaaaaaaaa !!!
Concrètement, le remplacement d’Antonetti par son adjoint a eu quelques effets au cœur du jeu et en attaque. C’est d’abord Sankharé qui a fait les frais d’un milieu de terrain qui passe de trois à deux éléments, même s’il joue encore régulièrement mais de façon plus intermittente. Mais c’est surtout Morgan Amalfitano le grand perdant dans l’histoire : en principe avantagé par sa polyvalence, qui avait permis qu’il continue à jouer (devant) dans le 4-3-3 d’Antonetti, lui qui jouait souvent au milieu de terrain la saison précédente, il sort pourtant dans l’équipe, ne connaissant pas une seule titularisation avec Patoche.
Mais il y a aussi les gagnants et, en l’occurrence, ils jouent devant. Il y a d’abord Naïm Sliti, qui s’est imposé de manière presque indiscutable avec Patrick. Il y a aussi le cas, plus emblématique, de Yassine Benzia : persona non grata avec Antonetti, qui jugeait qu’il ne se pliait pas aux exigences du professionnalisme, Benzia retrouve un poste d’attaquant axial en soutien d’Eder dans lequel il a été satisfaisant, malgré une efficacité qu’il doit encore améliorer. On ne mettra peut-être pas Nicolas De Préville dans le lot des « gagnants » du changement d’entraîneur : certes, il joue davantage qu’avec Fredo, mais c’est sans doute essentiellement à cause de ses pépins physiques à répétition qu’il jouait alors moins. On pourrait aussi ajouter Martin Terrier, qui a pris de plus en plus d’importance : en 2017, il fait partie (pour l’instant) des plus grandes satisfactions.
Tout ça pour dire que tout n’est pas dû à Patrick dans le sensible redressement lillois, mais qu’on doit au moins lui reconnaître qu’il a fait de vrais choix et montré du caractère. Et, à notre sens, il n’est pas loin d’avoir déjà montré qu’il était plus qu’un adjoint, rôle dans lequel certains l’ont enfermé.
Posté le 16 janvier 2017 - par dbclosc
1999/2000 : Le LOSC marche sur la D2
Alors, jamais deux sans trois ? Après avoir échoué durant deux années consécutives au pied du podium, le LOSC entame une troisième saison en deuxième division. Mais cette fois, c’est la bonne. À la faveur d’un recrutement judicieux, d’un système de jeu taillé pour la D2, et sous la houlette d’un formidable entraîneur qui, en plus d’avoir bâti une équipe de foot quasi-imprenable, a construit un groupe, le LOSC, sur sa lancée de la saison précédente, s’installe très vite au sommet du classement. Mieux : il surclasse le championnat et balaie rapidement tout suspense. Lille va enfin retrouver la D1 au terme d’une saison exceptionnelle. En coulisses, le club change également de statut.
Après les deux précédents épisodes « à la place du con », on craint que le LOSC nous en remette une troisième couche. Mais, quelque part (« où ça ? »), on sent que cette saison sera probablement celle de la montée. Parce que l’équipe a réalisé une belle deuxième partie de saison 1998/1999. Parce que le public est de nouveau derrière son équipe. Parce que le recrutement est cohérent. Parce que Vahid, tout simplement. Et puis, premier échec à un point ; deuxième échec à la différence de buts ; il est donc impossible, en termes de progression, de ne pas monter cette année. Cependant, quelques adversaires semblent aussi bien armés : Nice a fait revenir José Cobos et Daniel Bravo, Sochaux a fait signer Jean-Michel Ferri et Anton Drobjnak, Toulouse Derek McInnes, un international écossais (on sait pas qui c’est mais ça impressionne). Sans oublier Guingamp, ou Lorient, qui descend de D1, ou même Gueugnon et Caen.
Très « Manif pour Tous », cette affiche publicitaire
Les nouvelles têtes
Mais intéressons-nous aux nôtres. L’effectif est en partie remanié, tout en gardant la solide ossature qu’on avait déjà aperçue la saison précédente avec les « vieux » éléments fiables (Cygan, Tourenne, Peyrelade, Boutoille, Collot), les joueurs émergents (Cheyrou, Landrin), sans oublier Fredérik Viseux, enfin débarrassé de sa grave blessure aux adducteurs. Quand on interroge Vahid Halilhodzic1 sur les changements de l’intersaison, on sent que l’heure n’est pas à la révolution : « il a vraiment manqué peu de choses pour remonter. Il aurait fallu avoir un peu plus vite un groupe solide, cohérent. La volonté et la combativité sont des qualités primordiales en D2 ». Sont invités à partir des joueurs en fin de contrat ou indésirés, en tout cas mentalement lessivés : « la génération qui était en place n’avait connu que des déceptions. En trois saisons, ils ont vécu une descente et deux accessions manquées. En plus, ils ont évolué durant des années dans un environnement relativement hostile. Certains étaient usés, psychologiquement atteints. Ils avaient perdu la confiance, le plaisir de s’entraîner. Il fallait donc procéder à un changement radical pour donner un nouvel esprit, de nouvelles ambitions au club Exit Leclercq, Clément, Abed, Hitoto, Renou, Dindeleux, Carrez, Sanz, Senoussi et deux joueurs qui se sont montrés globalement décevants, Koot et Pickeu. Fred Machado et Alain Raguel sont également transférés. David Coulibaly le sera au mercato hivernal (Froger le récupère à Châteauroux). Nenem nous quitte aussi. Enfin, Vahid Halilhodzic va pouvoir choisir ses joueurs : « disons que je veux bien recruter Ronaldo, mais il faut faire avec nos moyens. La plupart des nouveaux, je les ai voulus. On m’a également conseillé Santini et D’Amico. Et j’ai trouvé qu’ils avaient l’expérience nécessaire pour apporter un plus ».
Ted Agasson arrive du Red Star, pour qui il a joué près de 175 matches et inscrit une quarantaine de buts. N°10 confirmé de D2, il est un vrai meneur de jeu technique comme il nous en manquait depuis des années, et apporte incontestablement une fluidité certaine dans le jeu grâce à une grande qualité de passe. Petit gabarit, régulièrement buteur, il est par ailleurs le tireur attitré des pénalties, réussissant d’ailleurs toutes ses tentatives (à Châteauroux, à Gueugnon, et contre Créteil).
Eric Allibert vient pallier le départ de Bruno Clément et est donc voué à être la doublure de Grégory Wimbée. Recruté de Nîmes sur la toute fin du mercato après quelques jours d’essai, il compte une trentaine de matches de D2. Il remplit sobrement son rôle en remplaçant Greg à deux reprises pour cause de suspension (à Créteil et à Nîmes), plus une fois pour cause de blessure (contre Niort). Il est en outre loué pour son attitude exemplaire, dans un rôle qui n’est jamais facile. Et toujours en pantalon.
Dagui Bakari, du Mans, est échangé avec Olivier Pickeu, plus un peu d’argent. C’est un attaquant au profil atypique : il n’est pas passé par un centre de formation et est arrivé tardivement dans le monde professionnel. Il ne signe même sa première licence de foot qu’à 16 ans, à Romainville (93) ! Il est ensuite passé par Noisy-le-Sec, Amiens, puis Le Mans, où il inscrit 29 buts en 3 saisons (dont une sous la direction de Thierry Froger). Grand et puissant, il vise à servir de point d’appui dans un championnat réputé « physique ». Son style de jeu décontenance à ses débuts : considéré comme lourd et maladroit (il avait même à un moment perdu sa place au profit de Rudy Giublesi), il a même été régulièrement sifflé au cours de sa première saison. Son apport au jeu est pourtant considérable. La suite de sa carrière lilloise prendra une dimension inespérée.
Fernando D’Amico est l’inconnu du mercato. Argentin, il vient d’un club de deuxième division espagnole, Badajoz, a été recruté sur les conseils de Pierre Dréossi après le visionnage d’une vieille cassette VHS pourrie, avant de définitivement convaincre l’entraîneur à l’issue du stage d’avant-saison à Saint-Cast-le Guildo. Il raconte : « Alors que je faisais un essai au LOSC, Vahid m’a fait monter dans le bus sans dire si j’étais retenu ou non. Il m’a regardé dans les yeux et il m’a dit « oui », j’ai compris que j’allais rester ; émotionnellement c’est un moment fort ». Son activité débordante à la récupération du ballon, sa rage de vaincre, quelques shorts relevés et sa gentillesse en ont rapidement fait l’idole de Grimonprez-Jooris.
Johnny Ecker est un grand défenseur central (dans les faits, il jouera souvent arrière gauche), connu pour avoir été de l’épopée nîmoise lors de la coupe de France 1996. Les Gardois, alors en National 1, étaient parvenus jusqu’en finale, battus par Auxerre 1-2. Il fait aussi partie de ceux qui ont marqué contre le LOSC avant d’y signer : c’était le 6 décembre 1997, pour une victoire lilloise 2-1 contre Nîmes (buts lillois de Cygan et Machado). Bon de la tête, précis dans le jeu long, il est doté d’une bonne frappe du pied gauche qui l’amène à tirer quelques coups francs. L’un de ceux-là, deux ans plus tard, restera mémorable.
Désiré par Vahid Halilhodzic, le Marocain Abdelilah Fahmi s’installe à Lille avec la réputation d’être un solide défenseur à la lourde frappe de balle. À son arrivée, il frappait beaucoup de coups francs, avant de les abandonner : il n’a finalement jamais marqué de cette manière. Nantes le voulait également, mais il a préféré retrouver l’entraîneur avec lequel il a été sacré champion d’Afrique en 1997 avec le Raja Casablanca. Il forme durant 3 ans avec Pascal Cygan une charnière centrale très costaude, dont les montées sur les corners faisaient souffler un vent de panique dans les défenses adverses. Son manque de vitesse est largement compensé par son sens du placement.
Enfin, le LOSC cherchait un joueur d’expérience pour encadrer le groupe. Il a longtemps été question d’un retour de Claude Fichaux, qui n’a finalement pas satisfait à la visite médicale. Le choix s’est alors porté sur Didier Santini, en fin de contrat à Toulouse. Il a une honnête carrière en D2 puis en D1 au poste d’arrière gauche, à Bastia, et donc au TFC.
Son rôle est clairement dans le vestiaire : il ne participe qu’à 7 matches, Vahid lui préférant Johnny Ecker à ce poste. De plus, il se blesse à l’automne, si bien que lors du mercato hivernal, Momo Camara revient, de nouveau en prêt. Il faut dire qu’il avait été une grande satisfaction de la saison précédente, ses qualités de vitesse et de débordement faisant oublier ses lourdes frappes en tribunes (mais reconnaissons aussi que pas mal ont attrapé le cadre).
En outre, 5 premiers contrats pros sont signés, pour Bruno Cheyrou, Geoffrey Dernis, Rudy Giublesi, Grégory Legrand et Stéphane Noro.
Une préparation longue, dure, et bonne
« Il y a eu une très bonne intégration. Les anciens ont été chaleureux avec les nouveaux. Ce qui n’était pas forcément le cas l’an passé. Il y a déjà un début d’amitié entre eux. C’est le premier point positif ». En lisant ces propos de Vahid Halilhodzic, on pense à l’anecdote que Johnny Ecker a souvent racontée : lors de la saison 1998/1999, Lille se déplace à Nîmes (et se prend une « bonne claquette »). Ecker et Boutoille se chauffent et s’invectivent durant tout le match. À son arrivée à Lille quelques mois plus tard, Johnny raconte : « le premier à être venu me voir et à me souhaiter chaleureusement la bienvenue, c’est Djezon. J’avoue que dans sa position, je ne sais pas quelle attitude j’aurais eue ». Les joueurs qui évoquent l’été 1999 se rappellent particulièrement le stage d’avant-saison en Bretagne, à Saint-Cast-le-Guildo. Il est presque devenu cliché de dire que ce stage a formé les bases du groupe qui ira jusqu’en Ligue des champions, tant les joueurs ont morflé, mais ont aussi noué des liens : pour Grégory Wimbée, « ce stage d’avant-saison en Bretagne a été très éprouvant physiquement. On a beaucoup bossé, un travail de fou. Personne ne devait flancher, personne ne voulait flancher. Ce fut payant par la suite2 ».
Le groupe, pas encore définitif, en Bretagne. Sont absents : Valois et Cheyrou. Manquent encore : Abdelilah Fahmi et Eric Allibert, tandis qu’Alain Raguel est encore présent.
Les matches amicaux sont bons. Mais ils étaient aussi bons sous l’ère Froger… Cependant, là, on sent qu’un véritable fonds de jeu se forme. Le dernier match amical, à Roubaix, oppose le LOSC à Anderlecht, troisième du dernier championnat belge. En dépit de la défaite (2-3), l’équipe fait quasiment jeu égal avec un adversaire qui comporte tout de même quelques jolis noms comme Glen De Boeck, Walter Baseggio, Bart Goor, Lorenzo Staelens, Pär Zetterberg ou Jan Koller. Surtout, elle propose des combinaisons remarquables, avec Ted Agasson souvent à la baguette, ou grâce aux débordements de Frédérik Viseux, à l’origine des deux buts, signés Bakari et Agasson. Bref, l’équipe fait déjà forte impression.
L’équipe alignée lors du match amical Lille-Anderlecht. Regardez ce que tiennent Ted Agasson et Djezon Boutoille : ils illustrent très bien l’expression « servir l’attaquant sur un plateau ». Celles et ceux qui y étaient se rappellent que ça avait été chaud en tribunes, et que le terrain avait même été envahi par des hooligans d’Anderlecht.
Et si je veux, je mets une troisième photo de l’équipe. Là, c’est Lille-Sochaux. En fait, on n’a pas de photo de l’équipe « type ». Sur la précédente, il manquait Fernando D’Amico et Pascal Cygan ; sur celle-ci, il manque Dagui Bakari et Johnny Ecker. Si vous observez bien, sur celle-ci, Pascal Cygan fait une petite facétie avec son maillot, d’où l’expression « jeu de maillot ».
Si on devait dégager un onze-type en cette saison, c’est celui ci-dessus : les noms qui apparaissent en premier sont ceux qui ont le plus joué, en minutes, et cela correspond en effet probablement à l’équipe la plus performante. Entre parenthèses, les « doublures » : l’occasion de souligner que chaque poste est doublé, et que certains « remplaçants » tournent tout de même autour de 25 matches joués dans la saison, signe d’un turn-over important, voire d’interchangeabilité (Collot : 30 matches dont 13 comme titulaire ; Landrin : 25/19 ; Valois : 25/12 ; Hammadou : 23/15 ; Br. Cheyrou : 21/18…).
Départ canon
On se rappelle que ce qui avait principalement pêché en 98/99, c’est un départ de merde. Et même en 97/98, si août avait été sympa, l’automne nous avait fait descendre à la 10e place. Il serait donc bien d’accrocher d’emblée le trio de tête, histoire de ne pas jouer encore une fois au lièvre et à la tortue. La première journée offre un déplacement à Laval, et le LOSC s’impose 1-0, grâce à un joli but de Boutoille suite à une belle combinaison avec Bakari et Peyrelade, qu’on sent déjà bien rodés : Djezon efface le gardien d’un grand pont, feinte le tir pour éliminer un défenseur revenu sur sa ligne, et conclut du gauche. 3 points pour la première journée, ce n’était pas arrivé depuis la descente !
Une semaine plus tard, Lille reçoit Nîmes, un adversaire qui marquera cette saison. Surprise : on joue en rouge. Cette dominante était, depuis l’origine du LOSC, celle que l’équipe arborait parfois à l’extérieur, ou éventuellement à domicile, mais seulement en coupe. Cette habitude perdure jusqu’à aujourd’hui (si l’on excepte le début de la saison 2016-2017, où le club a voulu marquer le 70e anniversaire du premier doublé coupe/championnat en retournant aux couleurs traditionnelles). On a expliqué dans cet article sur les couleurs du LOSC et ses origines historiques que ce changement coïncidait avec l’arrivée d’un nouvel équipementier, Nike, et la volonté de la marquer de son empreinte. Ce premier match met en lumière des caractéristiques durables de l’équipe de Vahid Halilhodzic : elle ne lâche rien, pousse jusqu’au bout, marque sur la fin, et parfois avec un brin de chance. 88e minute : alors qu’il y a toujours 0-0, l’arbitre accorde un coup-franc dans la surface de réparation nîmoise aux Lillois, estimant que Marc Delaroche s’est saisi du ballon des mains alors qu’il vient volontairement d’un de ses défenseurs. Les Nîmois contestent. À 18 mètres (en fait, Tourenne décale Cheyrou, qui frappe de l’extérieur de la surface), Bruno Cheyrou frappe à ras de terre, le ballon est dévié et finit dans le but. 6 points après deux journées : le LOSC est déjà seul en tête.
Encore quelques séquelles des saisons précédentes, vite corrigées
Le premier choc du championnat se déroule à Nice, d’où l’équipe ramène un excellent 0-0. Les deux matches suivants vont offrir l’illustration que quelque chose a bel et bien changé à Lille. Face à Ajaccio, Lille peine, comme on l’a si souvent vu lors des deux précédentes saisons. La domination ne se concrétise pas, et Ajaccio, bien qu’à 10 depuis la 35e, ouvre le score à la 66e. Un scénario classique à Grimonprez… Sauf que les joueurs réagissent immédiatement, et Lille mène 6 minutes plus tard grâce à un doublé de Boutoille (69e, 72e). Alors, on a enfin une équipe qui sait profiter des circonstances favorables ? À la 86e, Ajaccio égalise… Scénario immuable. Mais Lille se rue à l’attaque, et deux minutes plus tard Landrin redonne l’avantage, avant que Peyrelade ne parachève le succès lillois dans les arrêts de jeu (4-2). 4 jours plus tard, déplacement à Châteauroux, qui a tenté un coup en nommant Joël Bats entraîneur. Déjà, l’équipe fait encore bonne figure et ouvre même le score peu après l’heure de jeu grâce à Collot. Avantage de courte durée, puisque Savidan égalise peu après, et donne même l’avantage à Châteauroux à 8 minutes du terme. Encore une équipe incapable de conserver le score ? Pas du tout. Les entrée de Bakari et Agasson perturbent la défense adverse. Dagui obtient un pénalty que Ted transforme (85e). Et, dans les arrêts de jeu, Boutoille profite du travail de fixation de Bakari pour donner la victoire au LOSC (2-3). Pas de doute, cette équipe ne se laisse pas faire, et a tendance à fatiguer ses adversaires : c’est le début du Vahid time, cette période du match où l’adversaire, épuisé par 80 minutes de résistance aux coups de boutoir de l’équipe et de son avant-centre Bakari, cède en fin de match. On en avait longuement parlé dans cet article.
On gagne petit (mais on gagne)
Le début de saison est un quasi sans-faute : après 10 journées, le LOSC compte 28 points ! Seul Nice a résisté (0-0). Certaines victoires ne sont pas très spectaculaires, mais l’équipe sait désormais négocier ces matches « à la con », où l’adversaire vient à 10 derrière. Laval (deux fois), Nîmes, Louhans-Cuiseaux, Wasquehal, Lorient, Gueugnon, Amiens (deux fois), Nice, Ajaccio, Châteauroux, Niort : 13 victoires 1-0 cette saison là. Par exemple, fin août, contre Louhans-Cuiseaux, regroupé derrière, Patrick Collot délivre l’équipe : les remplaçants ont aussi leur mot à dire (voir plus bas le paragraphe « Un système de jeu taillé pour la D2« ). Idem pour les petits jeunes : Rudy Giublesi prend la place de Bakari, blessé, à la fin de l’été, et marque contre Cannes (2-0).
Lille/Louhans-Cuiseaux, 27 août 1999
Ces petites victoires, patiemment construites, sont excellentes psychologiquement. On sent que l’équipe ne panique pas et croit en ses capacités à faire basculer un match à tout moment. Comme l’énonce Pascal Cygan, « nous avons tiré les leçons de la saison précédente où les joueurs étaient très individualistes. Le coach a su former une véritable équipe, unie, solidaire avec un jeu collectif3 ». Et au niveau de l’état d’esprit, les Lillois ne s’enflamment pas ; Vahid est là pour leur rappeler régulièrement de ne pas s’enflammer : « Je ne peux pas dire qu’on est mal placés pour monter en D1. Nous sommes bien partis, nous sommes sur le bon chemin, je suis fier de cette équipe et je sais qu’elle est capable d’aller au bout. Il faudrait être c… et faire beaucoup de bêtises pour ne pas y arriver. Autant de raisons pour rester concentrés et vigilants pour ne pas gaspiller notre capital (…) Si nous sommes devant les autres, c’est que nous sommes forts, à 100% physiquement et mentalement, et bon tactiquement4 ». « Prudence, prudence », maitre-mot de l’entraîneur, par exemple après cette victoire contre Wasquehal en septembre (1-0), grâce à un but de Ted Agasson :

On nique les gros
Vahid le répète : « J’estime que sur le papier, il y a meilleur que nous. Toulouse, Guingamp, Nice, par exemple5 ». Mais comme on joue sur de la pelouse et non sur du papier, les chocs sont parfaitement négociés : la victoire à Toulouse, début septembre (0-2), marque déjà une nette différence entre Lille et un de ses adversaires directs. Un succès confirmé au retour (2-0), tandis que Guingamp se casse également les dents, avec une défaite 2-0 à Grimonprez, puis un nul 1-1 au Roudourou, à chaque fois dans une ambiance délétère, notamment en raison de « l’incident » D’Amico/Tasfaout. Merveilleux Fernando !
Lille tombe seulement à la 11e journée, à Caen (0-1), à cause d’un bête but concédé suite à une mésentente entre Wimbée et Fahmi, et en dépit d’une forte domination en fin de match, cette fois sans réussite ; notons cependant qu’à 0-0, Caen a bénéficié d’un pénalty qui a tapé la barre et est entré, mais l’arbitre ne l’a pas vu. Le seul coup de mou de l’équipe au cours de cette phase aller se traduit par deux défaites consécutives lors des 16e et 17e journées : face à Sochaux (0-1), pour la seule défaite à domicile de cette saison, puis à Créteil (0-1), avec Eric Allibert dans les buts, Greg Wimbée ayant été expulsé contre Sochaux pour une main en dehors de sa surface. Son retour s’effectue contre Guingamp, pour le choc de la 19e journée. Le match est très chaud, et Greg est de nouveau expulsé pour une main hors surface. Cela a permis à Christophe Landrin d’enfiler à deux reprises la tunique et les gants de gardien, réalisant d’ailleurs un bel arrêt sur un face-à-face avec Stéphane Dedebant. À l’issue de la phase aller, Lille, avec 44 points, compte 12 points d’avance sur le 4e. À la trêve, l’avance est de 14 points ! Première récompense à la fin de l’année civile : Vahid Halilhodzic est élu meilleur entraîneur de D2 de l’année 1999 par France Football.
Un petit bilan des matches aller en vidéo :
Un système de jeu taillé pour la D2
Mais comment joue donc cette équipe ? On peut ici donner quelques facteurs-clés de la réussite lilloise : en son temps, Thierry Froger disait qu’avec la meilleure défense en D2, on était sûr de monter. En l’occurrence, la défense lilloise est costaude : Fahmi et Cygan forment une charnière centrale physiquement impressionnante, certainement pas la plus rapide, mais probablement la plus intraitable dans le jeu aérien. Dans les faits, elle est effectivement celle qui prend le moins de buts dans ce championnat (25). Sur le côté gauche, Ecker (quand il n’est pas lui même dans l’axe) assure, tandis que Momo Camara, arrivé à la trêve, a une activité plus offensive, faite de débordements et de vitesse. À ce titre, il est très proche de son pendant de l’aile droite, Frédérik Viseux, excellent tacleur, et très actif offensivement, grâce à sa vitesse et sa qualité de centre, qui rappelle qu’il était attaquant dans sa jeunesse : on se rappelle notamment de son centre pour la tête de Valois contre Guingamp.
But de Jean-Louis Valois sur un centre de Viseux, depuis Fréquence Nord (Jean-Pierre Mortagne)
Au milieu, D’Amico fait des merveilles ; son activité et sa capacité à harceler le porteur de balle sont impressionnantes. Son style de jeu, pas toujours très académique, est en tout cas très efficace, en plus de faire sourire.
Devant, rendons particulièrement hommage à Dagui Bakari. Critiqué à ses débuts, il n’est pas un « buteur » traditionnel : sa grande taille donne même l’impression qu’il est pataud. Mais son apport au jeu est essentiel : son recrutement répond à un projet de jeu collectif dont il n’est qu’un maillon. Clairement, le jeu est centré sur lui. Si son travail est assez ingrat, souvent dos au but, ceux qui tournent autour de lui, notamment Boutoille et Peyrelade, récupèrent les fruits de son travail. On évoquait plus haut les matches contre Ajaccio et Châteauroux en début de saison : contre les Corses, il sort à la 71e minute alors que le score est de 1-1. Certes, il n’a pas marqué. Mais Lille en met 3 derrière, face à une défense qui ne peut plus résister aux assauts de nos attaquants frais. Et Dagui sait aussi profiter du travail de ses équipiers : il entre en jeu à Châteauroux à la 73e, le score est de 1-1. Finalement mené, le LOSC pousse en fin de match, et Bakari obtient un pénalty qu’Agasson transforme (85e), avant que Boutoille ne donne la victoire à la dernière minute, Bakari ayant attiré toute la défense sur lui. Travailleur de l’ombre, il met quelques semaines pour se signaler individuellement, en entrant en jeu lors de la 9e journée à Niort à la 70e minute, alors que le score est de 0-0 et que le LOSC est réduit à 10 depuis la 41e minute et l’expulsion de Carl Tourenne. 20 minutes plus tard, le LOSC mène 0-3 : Bakari a ouvert le score, il a ensuite superbement débordé et permis à Agasson de faire 0-2, avant que Boutoille ne parachève le succès lillois. La semaine suivante, il marque enfin son premier but à domicile, contre Le Mans, avant d’obtenir un pénalty après avoir renversé un défenseur d’un petit coup d’épaule. Par la suite, son jeu s’est considérablement enrichi : il est aussi l’auteur d’un doublé dans un match au sommet face à Toulouse début février (2-0), puis face à Caen quelques semaines plus tard (3-2). Si de nombreux succès lillois cette année-là se sont construits de façon précoce, on garde le souvenir de défenses adverses épuisées en fin de match par le pressing du milieu et le poids de Bakari devant. Ainsi, Créteil, Gueugnon, Toulouse, Louhans-Cuiseaux, Cannes ont tous cédé dans les 10 dernières minutes et, pour Valence, Niort et Nîmes, c’était à l’aller et au retour. Nîmes, justement, c’est l’un des scénarios les plus rocambolesques : Nîmes mène 3-0 à la 75e, et Lille revient avec le 3-3. Cette année là, 41 buts sur 58 sont inscrits en deuxième mi-temps, dont 18 dans les 10 dernières minutes, pour un gain de 15 points.
Quand on vous dit que Lille marche sur ses adversaires
Une première fête le 10 mars…
L’année 2000 reprend sur les mêmes bases, avec 3 succès consécutifs. Puis un coup d’arrêt à Wasquehal, dans un Stadium Nord pourtant presque entièrement acquis à la cause des Lillois. Landrin avait pourtant ouvert le score en première mi-temps. Pas content, Vahid dénonce un relâchement, et ne s’épargne pas : « nous pensions que la victoire viendrait toute seule. Menant au score, nous créant des occasions et dominant le match, nous avons cru que rien ne pouvait nous arriver. Moi le premier, je pensais que nous allions gagner et je me le reproche aujourd’hui. Il s’agit d’un manque d’humilité et de respect de l’adversaire. Grégory Wimbée n’a pas touché le ballon en deuxième mi-temps, sinon pour aller le chercher deux fois au fond de ses filets« . Lors de la 29e journée, Lille reçoit Caen, l’équipe qui lui avait infligé sa première défaite en septembre. Le match est avancé au vendredi 10 mars pour cause de retransmission sur Eurosport. Avec 64 points, le LOSC a déjà le même nombre de points que l’année dernière. Ce match est particulier à deux titres : c’est le dernier de Bernard Lecomte en tant que président du club (on en parle plus bas) ; et, du fait de la programmation avancée du match, en cas de victoire, le LOSC pourrait compter 26 points d’avance sur le 4e. Il resterait alors 9 matches à jouer, soit 27 points : ce ne serait donc pas encore mathématiquement fait, mais franchement, il devient de plus en plus vraisemblable que Lille évoluera en D1 la saison prochaine. Tout n’est qu’une question de temps, et on trépigne tellement que même si ce n’est pas officiellement fait, le public célèbre déjà la montée à l’issue de la victoire (3-2) en envahissant le terrain. Même France football s’avance : le LOSC est un « promu en hiver ». Résumé du match :
Après le premier but de Peyrelade, Anne-Sophie lance au micro que le but est issu d’une « superbe action collective »
… et une deuxième teuf le 31 mars
Deux journées plus tard, c’est le printemps, et Lille reçoit Valence. Cette fois, c’est sûr : en cas de victoire, Lille sera en D1. S’il y avait encore du suspense, celui-ci est vite dissipé : face à une équipe qui cherche le maintien, le LOSC domine largement et ouvre le score juste avant la pause par Dagui Bakari, bien servi par Camara. À l’heure de jeu, Boutoille double la mise, avant de porter le score à 3-0 quelques minutes plus tard avec, certainement, le plus beau but lillois de cette saison : servi par Viseux à l’angle droit de la surface, il envoie un extérieur du pied qui se loge dans le petit filet opposé. Un petit moment de déconcentration et Valence réduit l’écart dans la minute. Alors qu’il ne reste que quelques minutes à jouer, beaucoup de spectateurs, notamment au niveau des DVE, ont quitté leur tribune et s’apprêtent à envahir le terrain. Au niveau de la pelouse, ils observent la fin du match sous l’œil bienveillant des stadiers qui savent bien qu’ils ne pourront pas contenir la foule. De toute façon, la fête est annoncée. Jean-Louis Valois déboule côté gauche et frappe soudainement : pleine lucarne, 4-1 ! C’en est trop pour le public, qui ne résiste pas : le terrain est immédiatement envahi, les joueurs sont entourés, alors que le match n’est pas terminé. Anne-Sophie Roquette intervient de suite au micro, Vahid demande aussi à tout le monde de regagner sa place, tout rentre dans l’ordre rapidement, et quelques minutes plus tard, le peuple lillois peut enfin exulter : Lille est officiellement de retour en première division !
Revivons le match de la montée, avec les commentaires de Vahid Halilhodzic, Djezon Boutoille et Laurent Peyrelade :

En roue libre
Suite à cette officialisation, Lille lève un peu le pied. La tête est déjà à la D1, et on peut se permettre le luxe de préparer la saison prochaine : Christophe Pignol est déjà annoncé. Deux nuls (à Lorient, puis contre Gueugnon) puis une défaite, à Sochaux (0-2, doublé de Frau), seul adversaire qui est parvenu à nous prendre 6 points, et aussi à n’encaisser aucun but de notre redoutable attaque, marquent un petit ralentissement. Les Doubistes, favoris annoncés de ce championnat, ont connu un début de championnat catastrophique, avant de finir en trombe, mais à la 4e place : une trajectoire comme on l’avait connue un an auparavant. Créteil fait les frais du réveil lillois (5-0). Dans un match qui aurait dû être de gala entre les deux premiers du championnat, Guingamp et Lille se séparent sur un nul (1-1) marqué par 3 expulsions, dont celle de Claude Michel, qui a voulu se « venger » de ce que leur a fait Fernando au match aller. Pour la dernière de la saison, Lille signe un succès contre Laval, grâce à un pénalty de Carl Tourenne, dont on sait qu’il n’a pas été prolongé, malheureusement.
Pour le dernier match, les joueurs se sont teints en blond. Sauf Cygan et Viseux.
Le LOSC est champion de France de deuxième division : 38 matches, 25 victoires, 8 nuls, cinq défaites, et un total de 83 points, soit 2,184 points par match. Le record de Marseille de 1995 (84 points, mais en 42 matches, soit une moyenne de 2 points par match) est battu. Guingamp, deuxième, est à 16 points. La quatrième place est à 21 points. Louhans-Cuiseaux, dernier, est à 59 points, on s’en tape mais beau symbole. Franchement, dans des cas comme ça, on devrait avoir un bonus de points pour la saison suivante.
Fernando D’Amico porté par les supporters, symbole d’une saison exceptionnelle
Vahid Halilhodzic peut enfin mettre, pour un temps, sa modestie de côté : « lorsque je regarde les classements européens, je remarque qu’aucun club ne domine son championnat aussi nettement que nous. Dans les vestiaires, nous avons vécu des moments inoubliables. Je rends hommage au comportement des joueurs. Il s’est installé quelque chose entre nous, ce groupe a une âme, les gars portent leur maillot avec fierté« .
Les coupes
Le club n’a pas été aussi brillant en coupes qu’en championnat. Si cela relève d’un choix plus ou moins conscient pour se concentrer sur la montée, on préfère que ça se passe ainsi, mais cela reste une déception dans cette saison. Il aurait été sympa de voir cette équipe aller un peu plus loin et se confronter à une équipe de D1. En coupe de la ligue, Lille est éliminé d’emblée par le Red Star, à domicile (2-2, 1-4 aux tirs aux buts). Après cette contre-performance, Halilhodzic estime que l’équipe a une dette envers le public : « pensez qu’ils ne nous ont même pas sifflés après notre élimination contre le Red Star ». En coupe de France, on passe les 7e et 8e tours sans difficulté (3-1 à Amnéville ; 4-0 « à » Montigny-en-Gohelle – le match s’est joué à Grimonprez). Et en 1/32e , le LOSC est la première victime professionnelle des Calaisiens (suivront Cannes, Strasbourg, et Bordeaux), futurs finalistes. Pourtant, Laurent Peyrelade ouvre le score en première période, mais un csc de Pascal Cygan amène l’égalisation. Lille est éliminé aux tirs aux buts (6-7), Fred Viseux envoyant le dernier tir lillois sur la barre, comme Trezeguet en somme, ce qui n’est pas si mal.
_Hé, mais c’est Dagui à Calais !
_Non, c’est Dagui Bakari.
_Ah oui pardon : c’est Kanga Akalé.
_Et tu crois que Kanga a calé ?
_Oui : un problème sous le Kapo.
Changement de statut : vers la privatisation
En coulisses, le processus de privatisation du LOSC est enclenché depuis quelques mois : le club passe du statut de SAEM (Société anonyme à économie mixte : type de société dont le capital est majoritairement détenu par une ou plusieurs personnes publiques, en l’occurrence ici la mairie de Lille à 79%) à SAOS (société anonyme à objet sportif, cas particulier, souvent de transition, qui permet une augmentation du capital), puis à SA (société anonyme, entièrement privée). Cela résulte notamment d’une nouvelle réglementation, portée par le gouvernement Jospin et notamment sa ministre des sports, Marie-Georges Buffet, qui vise à progressivement retirer les grands clubs sportifs professionnels du giron public, et à les transformer en sociétés privées. Buffet étant communiste, on se rend compte que les crises d’identité de la gauche ne datent pas de Hollande ou Macron6. Cela tombe bien : la mairie de Lille souhaitait vendre sa participation majoritaire dans le club.
Beau graphique issu d’un reportage de France 3
Dès le début de l’année 1999, plusieurs repreneurs se manifestent. Parmi eux, deux candidatures principales : d’un côté, celle de MM. Dayan et Graille, qui ont fondé la société SOCLE pour l’occasion. Ils s’engagent à investir immédiatement 5 millions de francs (MF) pour le recrutement de l’été 1999. De l’autre, un ensemble d’entreprises locales rassemblées sous la bannière « Foot en Nord », avec à sa tête M. Jean Evin, et derrière un ensemble de personnes plutôt hostiles à Lecomte7. En juin 1999, les deux premiers cités ont gagné le contrat moral avec la ville. Si l’équilibre a été atteint à l’issue de la saison 1997/1998 (comme nous l’avons écrit ici), le club restait toutefois sans actif, et n’avait pas de budget propre à la fin de la saison 1998/1999. Ce n’est que grâce à l’arrivée de Dayan et Graille que 5 millions de francs ont pu être immédiatement apportés pour les transferts, et qu’un budget de 60 millions a pu être validé. Cependant, coup de théâtre à l’automne 1999 : le Préfet du Nord annule la reprise du duo Dayan/Graille, ainsi que la délibération du conseil municipal de Lille indiquant l’accord de la ville pour le changement de statut du club. Il s’agit en fait d’une précaution du Préfet, qui veut s’assurer que la collectivité territoriale – la mairie – ne sera pas flouée dans le processus. Il demande donc un audit indépendant pour évaluer la solidité des finances loscistes. Bernard Lecomte s’était pourtant assuré, avec son équipe, d’apporter les garanties nécessaires aux représentants de l’Etat. Le Préfet les a jugées fiables mais pas suffisantes. Le LOSC et la mairie comprennent la démarche mais, du coup, retour à la case départ : alors que le passage en SAOS aurait dû être officialisé fin 1999 , il faut désormais attendre le printemps 2000. Si, a priori, cela ne change pas l’engagement de Dayan et Graille, chacune des parties voulant collaborer avec les autres, cela veut dire aussi que d’autres repreneurs peuvent se manifester… Et Bernard Lecomte ne se prive pas de mettre en avant l’excellent début de saison du LOSC pour faire monter les enchères : « pour être tout à fait honnête, comme la procédure repart de zéro, si de nouveaux partenaires se déclarent, nous en pouvons que nous en féliciter. Le succès du LOSC – tant sur le terrain que dans les tribunes, où nous jouons depuis septembre devant au moins 12 000 spectateurs – va peut-être faire réfléchir certains sponsors. Évidemment, la connotation très professionnelle et la dimension régionale seront des éléments à prendre en compte mais ils devront être sérieusement réappréciés8 ». De fait, un nouveau candidat, Denis Guyennot, avec le soutien d’entreprises régionales, arrive dans la course.
Départ du président Lecomte
En attendant que la situation se clarifie, Bernard Lecomte s’occupe des affaires courantes : le problème qu’entraîne l’annulation du Préfet est le retard pris soit dans l’extension de Grimonprez-Jooris, soit dans la construction d’un nouveau stade. Depuis la saison 1995/1996 (!), la Ligue nationale de football (LNF) tanne le LOSC afin de monter la capacité de Grimonprez-Jooris à 20 000 places assises. La ville ne peut plus surseoir à cette échéance, ou alors la Ligue refusera la montée éventuelle. La LNF propose au LOSC une porte de sortie, dans l’urgence : il est possible de compléter la capacité actuelle (14 000 places) par des équipements provisoires, tolérés durant quelques années, en attendant le choix définitif du futur stade. Deux solutions se présentent alors : se replier au Stadium Nord ; ou surmonter la tribunes « Secondes » d’une structure de 5 000 places. C’est cette dernière issue qui est proposée par la ville le 30 novembre, et acceptée par la Ligue le 8 décembre. C’est la dernière action d’envergure du président Lecomte.
En effet, dans la foulée, Bernard Lecomte annonce son départ, et ce juste avant l’annonce officielle des repreneurs. « J’ai souhaité annoncer cette décision avant le choix de la ville, pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté. Si je l’avais annoncé après, on m’aurait dit que j’étais partisan du candidat recalé. Je tiens beaucoup à ma liberté. Le choix des futurs repreneurs incombe à la ville et j’entends rester en dehors de cette décision (…) Par contre, comme je l’ai clairement annoncé, je suis prêt, dans l’intérêt du club, à assurer la transition jusqu’à la fin de la saison, si cela est nécessaire et si les repreneurs choisis le souhaitent également9 ». À vrai dire, on peut penser que le président n’avait pas vraiment le choix. Il a à tout le moins l’élégance de se retirer de lui-même, après avoir mené à bien sa mission : sauver le club. Si le LOSC réalise une saison exceptionnelle sur le terrain, on a presque envie de dire que l’exemple de l’action de Bernard Lecomte côté administration et gestion est enfin suivi par les joueurs sur le plan sportif. Arrivé à la présidence du club en février 1993 avec Marc Devaux (qui part un an après) avec pour mission de rembourser une dette colossale de 70 millions de francs, Bernard Lecomte est parvenu à rétablir une situation financièrement saine. « J’ai le sentiment d’avoir accompli avec mon équipe un certain nombre de choses positives pour le LOSC : le redressement financier, bien sûr, mais aussi sportif ; la reconstruction de l’image ; la reconquête des abonnés, du public et des partenaires, tant dans les milieux économiques que politiques et sportifs ; tous les efforts développés en matière de formation ; la politique sociale ; le merchandising… et puis surtout, la satisfaction de savoir le LOSC sur les rails. L’avenir du LOSC commence demain avec une nouvelle dimension, de nouveaux moyens, et même un stade. Que rêver de mieux ? Le LOSC peut prétendre devenir l’un des grands clubs français de demain. Il aura désormais les moyens de ses ambitions, et c’est essentiel. Je souhaite de tout cœur bon vent au futur LOSC ». « Sans lui, je ne serais pas là, déclare Vahid. Je lui serai toujours reconnaissant de m’avoir fait confiance« . Comme on l’a vu plus haut, Lille/Caen est le dernier match de Bernard Lecomte en tant que président. Il cède sa place à Luc Dayan puisqu’entre temps, la cession de parts au duo d’investisseurs Dayan et Graille a été définitivement votée, le 13 décembre 1999. Les deux hommes assureront tour à tour une présidence de transition. Budget prévisionnel pour 2000-2001 : 120 MF + 30-40MF pour les transferts. Avec, pour objectif annoncé, le maintien en première division.
Pour découvrir nos bilans des autres saisons, vous pouvez suivre ces liens :
1992/1993 : La fin d’une époque
1993/1994 : Quand les supporters redécouvraient le spectacle (mais gardaient la défaite)
1994/1995 : Le laborieux 1-0 triomphant
1995-1996 : Le maintien et c’est tout
1996-1997 : Lille, une sacrée descente
1997-1998 : À la place du con, saison 1/2
1998-1999 : À la place du con, saison 2/2
FC Notes :
1 Propos extraits du supplément à La Voix des sports du 26 juillet 1999, page VIII.
2 Coach Vahid, une vie comme un roman, Laurent Jaoui, Lionel Rosso, Calmann-Levy, 2006, p. 37.
3 Le Magazine du LOSC, novembre 1999, p. 7
4 Le magazine du LOSC, décembre 1999, p. 5
5 Le magazine du LOSC, Novembre 1999, p. 5
6 Comment on les casse ! On est vraiment des mecs super engagés.
7 Voir ce bon article de Libé : http://www.liberation.fr/sports/1999/04/29/400-entreprises-pretes-a-racheter-le-club-de-lillel-association-foot-en-nord-est-le-troisieme-candid_271808
8 Le magazine du LOSC, novembre 1999, p. 3
9 Le magazine du LOSC, décembre 1999, p. 3
Posté le 15 janvier 2017 - par dbclosc
Le complot par les poteaux : sur les 12 montants trouvés par les Dogues cette saison
A l’occasion du match de la 20ème journée contre Saint-Etienne, Nicolas De Préville, ou plus précisément, le ballon qu’il a envoyé, a heurté la barre transversale à la 88ème minute de jeu. C’est la dixième fois cette saison en L1, la douzième fois en comptant les coupes, qu’une tentative lilloise connaît un tel destin.
En parallèle, les tirs adverses ont bien moins connu une telle issue : seuls trois tirs adverses ont heurté les montants en L1 auxquelles on peut ajouté une tentative parisienne lors du match de coupe de la Ligue. On s’est amusés ici à voir ce que ça aurait changé si les buts faisaient cinq centimètres de plus, pour voir si on aurait été un peu plus haut dans le classement si toutes ces tentatives finissaient au fond des filet.
Les montants contre le LOSC
Quand ton équipe touche le poteau, il y a toujours quelque chose de rageant. Et il y a de quoi rager ! Inversement, quand ton équipe est sauvée par son montant, tu te dis que tu as eu bien chaud et que t’as le cul bien bordé de nouilles. En fait, souvent, ça ne change pas grand chose à l’issue du match : sur les 16 montants relevés, seuls 6 auraient changé l’issue du match autrement qu’au niveau du goal-average s’ils étaient rentrés. En l’occurrence, ces si cas auraient concerné la L1, puisque le montant parisien n’aurait fait qu’accentuer la victoire parisienne contre Lille en coupe de la Ligue (3-1) quand les deux touchés par les Dogues lors du match contre l’Excelsior n’auraient fait que donner davantage d’ampleur à la victoire des nôtres (4-1).
Les « buts qu’on aurait encaissé » se décomposent ainsi :
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une barre transversale de Seube le Caennais lors d’une victoire par deux buts d’écart (4-2)
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une autre barre contre Bordeaux, compensée par une autre de De Préville précédemment (1-1)
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Et, cas unique, une frappe repoussée par les montants du Bastiais Saint-Maximin : si elle était rentrée, cela aurait permis l’égalisation bastiaise nous faisant perdre deux points.
Au total, des buts un poil (de 4 ou 5 cm) plus longs auraient fait perdre 2 points au LOSC. Les montants lilloise se décomposent pour leur part ainsi :
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Les tirs de De Préville, repoussés par les barres niçoises (1-1, 3ème journée, 87è) et stéphanoises (1-1, 20ème journée, 88è) auraient donné la victoire aux Lilloise, soit 4 points au total
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Ceux de Civelli (contre Metz), de Sliti (contre Guingamp) et d’Amadou (contre Lyon) auraient permis aux Lillois de prendre un point à chaque fois, leur évitant 3 des 10 défaites de la saison.
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Ceux de Lopes (contre Montpellier) et de Mendes (contre Dijon) n’auraient fait que confirmé les victoires lilloises, tandis que ceux de Lopes, encore (contre Saint-Etienne), et de Sankharé (contre Monaco) n’auraient pas suffi à éviter la défaite.
Allégorie de la victime du complot et du comploteur
Au final, les montants ont alors rapporté 2 points au LOSC et ont coûté 7 autres points, pour un solde négatif de 5 points. Lille aurait donc 27 points et un goal-average de zéro avec des buts un peu plus grands, soit autant de points que Saint-Étienne, 8ème aujourd’hui, et un goal-average un tout petit peu moins bon (+2 pour Saint-Étienne). Surtout, Lille aurait une marge de manœuvre beaucoup plus confortable sur Caen et Lorient (9 points et non pas 4).
Allégorie de « Allez, gorilles ! »
En L1, les Dogues comme leurs adversaires auraient donc marqué 29 buts. Mais, en réalité, ça donne beaucoup plus de déceptions aux nôtres : 10 montants sur 29 (34 %) pour Lille, 3 sur 29 (10 % pour nos adversaires).
Remarquons enfin que ces précisions donnent davantage de relief aux performances de Nicolas de Préville : malgré son arrivée tardive, malgré ses pépins physiques, Nicolas aurait inscrit 3 buts de plus, ce qui lui aurait fait un total de 7 buts. Et tout ça en seulement 686 minutes de jeu.
Encore une preuve de plus, s’il était nécessaire, du complot contre le LOSC.
Posté le 9 janvier 2017 - par dbclosc
Francky Dury, l’outsider à ne pas sous-estimer
Alors que la reprise du LOSC par Gérard Lopez est sur le point d’être actée, les rumeurs vont bon train quant à l’identité du prochain entraîneur. L’avenir de Patrick Collot étant encore incertain, RMC Sport a publié le mercredi 4 janvier plusieurs noms qui feraient partie d’une short-list. S’il n’est pas une surprise d’y trouver le nom de Marcelo Bielsa, cité depuis plusieurs semaines, on remarque aussi la présence de Francky Dury, entraîneur de Zulte Waregem. Et si on prenait cette piste au sérieux ?
On lit déjà ici et là « c’est ça la solution, si Bielsa dit non ? », « Zulte Waregem mdrrr » et autres propos particulièrement méprisants. Pourtant, sa venue était déjà pressentie pour remplacer Rudi Garcia en 2013. Le fait que son nom soit de nouveau associé au LOSC est d’ailleurs une information importante : cela signifie que Jean-Michel Vandamme est écouté par Luis Campos et Gérard Lopez. Dury venait d’être vice-champion avec son équipe, en produisant un jeu particulièrement séduisant, et ce malgré un budget inférieur à 10M€, soit le quart de ceux d’Anderlecht, Bruges ou La Gantoise. Trois ans plus tard, il vient de décrocher le titre honorifique de champion d’automne de première division belge, alors que son travail est fragilisé à chaque mercato, estival comme hivernal, par le départ de ses meilleurs éléments et que le contexte belge rend difficile le développement d’un centre de formation dans un club si petit. Entre temps, il a disputé plus de matchs européens (14) que le LOSC (12) et a également disputé une finale de Coupe. Sans aucune stabilité, avec un effectif cosmopolite construit autour d’opportunités et de coups de poker, les résultats sont exceptionnels. Qui est Francky Dury ?
Son parcours
♦ Après une modeste carrière de joueur en D6, Dury devient entraîneur à 26 ans. Avec deux clubs, il obtient 4 montées lors de ses 6 premières saisons.
♦ Il arrive à Zulte au début des années 90. Le club vient d’accéder à la D4. Immédiatement champion, il redescend deux ans plus tard. De nouveau champion en 1999, le club accède à la D3, où il joue dans le haut du tableau.
♦ En 2001, Zulte fusionne avec son voisin Waregem pour concentrer les ressources. Dury reste en place. En 4 ans, Zulte Waregem accède à la D1.
♦ Malgré un budget inférieur à 4M€, le promu termine 7ème et remporte la Coupe de Belgique.
♦ Le club élimine le Lokomotiv Moscou en barrage de Coupe UEFA, puis se qualifie dans un groupe composé de l’Ajax, de l’Espanyol Barcelone, de l’Austria Vienne et du Sparta Prague. Le parcours s’arrête en 1/16 contre Newcastle.
♦ Malgré son développement, le club garde des moyens inférieurs à la plupart des équipes du championnat. Les trois saisons suivantes se terminent pourtant aux 7ème, 5ème et 6ème places.
♦ En 2010, Gand le recrute. Il affronte ainsi Lille en Ligue Europa (1-1 en Belgique ; 3-0 à Lille) et perd donc sa qualification lors de la dernière journée de la phase de poules. Sur les 48 clubs engagés, Gand avait le 44ème coefficient UEFA. L’expérience ne dure qu’un an à cause de play-offs ratés. Tout n’est pourtant pas à jeter : le club avait terminé 3ème de la phase classique et a été demi-finaliste de la Coupe de Belgique.
♦ Déjà adjoint du sélectionneur lors de sa dernière saison à Zulte, il devient DTN pendant une demi-saison, avant d’être rappelé par Zulte, en difficulté depuis son départ (11ème en 2010-2011, 14ème à 3 points du dernier lorsque Dury revient en janvier 2012). Zulte terminera avec 10 points d’avance sur le premier relégable.
♦ En 2012-2013, Zulte termine vice-champion, en ayant eu son destin entre les pieds jusqu’à la dernière journée.
♦ Confirmation en 2013-2014 : le club atteint la phase de poules de Ligue Europa, termine 5ème du championnat et est finaliste de la Coupe.
♦ 2014-2015 : l’effectif est à reconstruire et la première partie de saison est compliquée. Zulte termine finalement 12ème.
♦ 2015-2016 : malgré une défense passoire, Zulte termine 6ème du championnat et se qualifie pour les play-offs 1, sorte de championnat des six meilleures équipes de la saison. En 7 éditions, c’est la 4ème fois que Zulte y accède. A chaque fois, Dury était sur le banc dès le début de saison.
♦ 2016-2017 : Dury change sa défense et garde son attaque. Zulte est champion d’automne.
Sa philosophie
Dury pratique un football basé sur des transitions offensives rapides, quitte à prendre quelques risques défensifs. Il est en revanche beaucoup plus patient dans la construction de son jeu de possession dès la ligne arrière.
Malgré un effectif très instable du fait de moyens limités, Zulte Waregem a marqué en moyenne 1,6 buts/match entre 2012 et 2016. Sur la même période, seuls Anderlecht et Bruges (aux moyens et ambitions plus importants) font mieux. En comparaison, le LOSC de Rudi Garcia en marquait en moyenne 1,7/match entre 2008 et 2013. Ce choix offensif ne se fait pas au détriment des résultats, puisqu’il a participé 5 fois aux play-offs 1. Aucun entraîneur ne fait mieux.
Dury exige la possession du ballon. Cette saison, lors de la phase aller, Zulte n’a terminé que deux fois avec moins de 50% de possession (contre La Gantoise et Bruges).
Les jeunes, le recrutement
Si la Belgique se crée une jolie réputation quant à la qualité de sa formation, les petits clubs sont incapables de concurrencer les gros dans ce domaine et perdent donc leurs meilleurs éléments. Dury s’en plaignait récemment : « Chaque année, on nous pique nos meilleurs jeunes. Comment voulez-vous les amener en équipe première dans ces conditions ? Il y a deux ans, nos U16 étaient en tête du championnat en décembre. Deux mois plus tard, sept joueurs nous annonçaient qu’ils partaient au Club Brugge, à Anderlecht ou à Gand ». Ainsi, malgré 600 000 € investis chaque année, très peu de jeunes formés au club arrivent en équipe première.
Nul doute que ce problème n’existerait pas à Lille, d’autant que Lopez semble donner à la formation « une grande importance » selon RMC.
Pour autant, Dury n’hésite pas à lancer des jeunes. Lorsque Zulte a été vice-champion en 2012-2013, sur les 18 joueurs les plus utilisés (nombre de joueurs pouvant être présents sur une feuille de match), 8 avaient moins de 23 ans. Par exemple, Junior Malanda a été un titulaire indiscutable (39 matchs joués dont 34 titularisations ; 4 matchs ratés lors des deux premiers mois de compétition ; 1 match raté pour suspension) alors qu’il n’avait jamais évolué chez les pros avant.
La cellule de recrutement cherche ainsi régulièrement dans les équipes B des clubs français ou en Ligue 2. Zulte regarde énormément la réserve du LOSC : Makiese, Lyng, Crimi, F.Mendy, Lebbihi, Taravel et Meïté ont ainsi rejoint le club belge en provenance du LOSC depuis 2009, avec plus ou moins de succès. C’est aussi en CFA que Zulte est allé chercher un futur Lillois : Jonathan Delaplace. Au total, depuis la montée du club en D1 en 2005, environ 3,5M€ ont été dépensés pour des joueurs. En n’hésitant pas à donner leur chance à des joueurs peu réputés venus de divers championnats, Dury considère pourtant ne prendre aucun risque : « quand on a une vision, on ne prend pas de risque ».
La qualité du travail de Dury est également reconnue à l’international : la Juventus, satisfaite du développement des trois premiers joueurs, vient d’envoyer un quatrième jeune en prêt depuis 2014.
Son style
Principal artisan de la présence de Zulte Waregem en D1 (à l’image de C.Gourcuff avec Lorient), Dury a longtemps eu tendance à trop s’impliquer. Ses expériences à Gand et à la fédération lui ont appris à déléguer. « Quand je regarde derrière moi, je dois bien admettre que mon départ de Zulte Waregem fut une bonne affaire pour mon développement personnel en tant que coach. Avant cela, j’avais trop investi de ma personne dans ce club. Je voulais tellement soutenir Zulte Waregem que je me mêlais de tout : je discutais de la tonte du gazon avec les service de la ville, je participais au choix des équipements, je discutais d’une éventuelle collaboration avec les directeurs d’école. J’étais tout le temps au téléphone avec Willy Naessens [le président]. Je voulais toujours faire mieux. […] J’étais parfois trop sévère mais j’étais tellement obsédé que je ne m’en rendais pas compte. Ceci dit, c’était peut-être la seule manière d’arriver aussi loin avec notre petit budget. […] Lorsque je suis revenu, j’avais beaucoup plus d’expérience. A La Gantoise, à la fédération et pendant mes voyages d’études à l’étranger, j’ai parlé et travaillé avec beaucoup de gens très intéressants. Cela m’a donné une meilleure idée du fonctionnement du football de haut niveau en Belgique et en Europe. »
Son évolution dans la gestion n’est pas simplement due à ses expériences entre 2010 et 2012. Elle est aussi due à la nouvelle dimension prise par Zulte Waregem. L’énorme travail de fond permet au club de développer ses infrastructures. Le stade a ainsi été rénové et propose désormais 14 000 places, contre 10 500 auparavant. Lors de la montée du club en 2005, le club n’avait que deux employés à temps plein, un statut de club semi-professionnel et pas suffisamment de chaises dans le bureau de l’entraîneur, qui était également celui de l’adjoint et de l’entraîneur des gardiens. Lors des interviews, un des deux derniers devait rester dehors. A terme, les revenus de billetterie doivent permettre au club de se rapprocher des 20M€ de budget, ce qui serait aujourd’hui le 6ème budget du championnat derrière les 5 gros (Anderlecht, Bruges, La Gantoise, Genk, Standard).
La hausse progressive du budget (13M€ en 2016-2017) a également permis d’avoir un staff plus fourni. Il délègue beaucoup plus. « J’ai davantage de temps pour être un coach, un manager humain ».
A Zulte Waregem, Soualiho Meïté revit, à tel point que la presse flamande fait part du désir de Lille de le récupérer, quitte à indemniser Zulte Waregem. Souhaitant oublier deux ans et demi de galère au LOSC, Sou est arrivé en janvier 2016 pour un prêt de 18 mois. Après une demi-saison de « remise en forme », Dury a placé la barre haut : « ‘Je serai déçu si tu n’étais pas considéré comme le meilleur milieu du championnat au terme de la saison’, m’a-t-il confié ». À mi-saison, il n’en est pas loin : seuls Vormer (Bruges) ou Tielemans (Anderlecht) semblent avoir été aussi marquants que le Français. Paraissant souvent apathique sous le maillot lillois, Meïté est devenu un guerrier « Dury a fait de nous des morts de faim. Notre force est d’abord mentale. On ne lâche rien, on court les uns pour les autres ». Rien à voir avec le joueur limité, apeuré et parfois affligeant qu’on a pu voir.
Si Francky Dury n’est pas le plus connu des potentiels futurs entraîneurs, c’est peut-être celui qui se rapproche le plus des besoins actuels du club. Moins clinquant et spectaculaire que Bielsa, il n’en serait pas moins un excellent choix. Sa capacité à s’impliquer dans un tel projet (pour ce qu’on en sait pour le moment) est sans doute plus grande que l’Argentin, dont on lit régulièrement sa tendance à ne pas s’éterniser dans chaque club où il passe (jamais plus de deux saisons). Le style de jeu qu’il s’efforce de mettre en place correspond aussi aux attentes de Jean-Michel Vandamme qui, lors de la présentation d’Hervé Renard, avait insisté sur la nécessité de spectacle et de plaisir, afin d’attirer supporters et sponsors dans ce stade gris, qui sonne souvent creux et qui est un puits sans fond.
A 59 ans, il s’agit probablement de sa dernière opportunité d’être entraîneur dans un meilleur championnat. Si on l’imagine mal quitter Zulte Waregem en cours de saison, l’hypothèse de voir Patrick Collot terminer la saison et laisser la place au Flamand en fin de saison semble crédible.
Posté le 4 janvier 2017 - par dbclosc
1993/1994 : quand les supporters redécouvraient le spectacle (mais gardaient la défaite)
La saison 1992/1993 vient de s’achever pour Lille sur une ultime défaite (3-2) contre Strasbourg après avoir mené 2-0, comme un symbole de la saison écoulée. Le LOSC termine alors 17ème, un point devant Valenciennes relégué et le renouvellement de l’effectif, si nécessaire, semble avoir bien foiré. L’été arrive, et les supporters des Dogues se sont désormais fait à l’idée que leur équipe ne marque pas beaucoup. Seulement 26 buts la saison précédente, un record. Certains, comme moi, ont du mal à imaginer ça autrement. Logique, j’ai découvert le LOSC en 1990, juste quand commence cette habitude des glorieux 0-0 à l’extérieur et des victoires à l’arrachée (1-0) qui nous faisaient oublier les défaites, parfois cuisantes, mais le plus souvent aussi à l’arrachée, 1-0. L’important, c’était de bien se faire chier.
A l’été 1993, le LOSC connaît quelques départs mais a priori rien d’irremplaçable. C’est d’ailleurs ce qui était bien à l’époque : quand un de nos joueurs partait, c’était rare qu’on le trouve irremplaçable. Bref, au rayon des départs, on compte d’abord les « vieux », François Brisson (35 ans), Alain Fiard (presque 35 aussi), Benoît Tihy (34 ans) et Thierry Oleksiak (32 ans) qui auront beaucoup apporté (surtout les deux premiers) mais qui sont désormais nettement sur le déclin. Partent également les jeunes Samba Ndiaye (20 ans) et Pascal Nouma (21 ans). On regrettera un peu le premier mais quand-même beaucoup moins le second, ne nous dites pas le contraire.
Lille perd donc deux défenseurs, un milieu défensif et trois attaquants. Mais, qui qui vient pour les remplacer ?
Kennet Andersson : lui, on ne sait pas encore trop quoi en penser, mais beaucoup l’annoncent comme la bonne pioche du recrutement. Rien de moins sûr a priori : Kennet est certes international suédois, mais il a gagné ses galons d’international dans le faible championnat suédois. Il rejoint ensuite Malines, où il marque 6 fois en 1991/1992 avant de perdre sa place de titulaire la saison suivante. A la mi-saison 1992/1993, le club belge le prête d’ailleurs à l’IFK Norrköpping où il se refait une santé, marquant 8 buts en 13 matches de championnat suédois, retrouvant par là même la sélection.
Et une savate dans la carotide pour Di Meco plus un High-kick sur le photographe pour éliminer les preuves
Jean-Jacques Etamé : le milieu offensif arrive de Strasbourg avec une réputation sympathique même si on n’est trop sûrs de rien. Jean-Jacques connaît surtout la D2, même s’il était titulaire en D1 la saison précédente. Il avait même été très bon Jean-Jacques les six premiers mois de la saison, jusqu’à ce qu’il se blesse et rate ensuite quatre mois de compétition.
Thierry Bonalair : ça semble être le très bon coup du « mercato » (pour être dans l’anachronisme). Thierry Bonalair fût réputé être l’un des très bons défenseurs français quand il jouait à Nantes. Après une saison mi-figue mi-raisin à Auxerre, Thierry vient pour se relancer. Et comme chacun sait, Lille, y a pas mieux pour se relancer.
Si tu veux que Sassus, vaut mieux avoir Bonalair
Clément Garcia : le plus inconnu de la bande. L’attaquant de 25 ans vient de Caen et n’a pas une grande expérience de l’élite. La saison précédente, en 265 minutes de jeu avec le Stade Malherbe, Clément a quand-même eu le temps de marqué son premier but en D1.
Que penser de ce recrutement ? Plutôt du bien a priori puisque l’arrivée de Bonalair semble améliorer la défense et qu’on se dit que les attaquants pourront difficilement faire moins bien que les partants, N’diaye (4 buts), Brisson (2 buts) et Nouma (2 buts) ayant à eux trois marqué moins qu’un seul Nolan Roux sur une saison.
Ah oui, j’oubliais : on découvre aussi le nouveau sponsor maillot (Tousalon), le nouveau maillot (tout salopé, assez laid il faut bien le dire) et un nouveau coach (Pierre Mankowski qui, un an plus tard, en partant à Caen, sera tout salaud de nous piquer Andersson et Etamé).
Lille débute la saison contre Martigues, un promu aux petits moyens. Le résultat déçoit (1-1), mais Kennet Andersson – rapidement surnommé « Quéquette » Andersson – , auteur du seul but du match fait grande impression. Lille s’incline ensuite à Paris (2-1), mais fait bonne figure. Le LOSC poursuit son petit bonhomme de chemin donnant une vraie impression de mieux dans le jeu et, surtout, sous la coupe de Pierre Mankowski, les Dogues montrent enfin un visage clairement offensif, jouant parfois avec cinq joueurs offensifs (Garcia, Frandsen, Etamé, Andersson et Assadourian). Pour autant, au niveau comptable, ça ne marche pas fort : après 11 journées et une nouvelle défaite, certes méritoire contre l’OM (1-2), le LOSC est 19ème avec 5 points et n’a pas encore remporté une seule rencontre.
Lille se relance après une belle victoire contre Sochaux (3-1). Lille entame alors une série de 7 rencontres sans défaites et ponctuée de trois victoires. La qualité du recrutement éclate alors au grand jour : Bonalair assure derrière, Etamé est très bon à la mène, Garcia se montre un remplaçant décisif et quand Andersson claque (J’entends par là qu’il marque et non qu’il meurt). Malgré cela, le LOSC est encore 16ème, seulement un point devant Le Havre, 18ème, mais les feux sont au vert. Lille ne perd plus, Lille joue bien, et Lille marque et demeure même la 6ème équipe française avec la troisième attaque sur ces 7 dernières rencontres.
côte à côte, en bas, Assadourian et Andersson, les fameux « AA flingueurs » du LOSC, avant les PP flingueurs messins
Et puis Lille va à Auxerre pour terminer les matches aller : défaite 5 à 0 et retour sur Terre. Lille s’incline chez lui contre Paris la journée suivante et retrouve sa position de relégable. Lille continue ensuite à fournir un jeu dont le fond est plus que correct mais pour des résultats en dents de scie. Après une défaite à Sochaux pour le compte de la 30ème journée, le LOSC est 17ème à égalité avec Martigues premier relégable. Ce LOSC-là est si loin devant son prédécesseur de la saison précédente au niveau de son jeu. Et pourtant, il reste englué à cette 17ème place.
Après un nul contre Strasbourg (1-1), le LOSC a la bonne idée d’enchaîner trois victoires, marquant 8 buts au passage. A quatre journées du terme, le trou est fait, puisque les Dogues comptent 6 points d’avance sur Martigues. Les Dogues finiront finalement 15ème et auront longtemps lutté pour le maintien, mais cette saison marque pourtant un changement avec ce qu’on avait connu jusqu’alors. Lille retrouve un fond de jeu, un buteur en la personne de Kennet Andersson, très complémentaire avec Assadourian – lequel rêvait depuis trois ans d’un grand pour couper de la tête ses centres – ainsi que des jeunes qui confirment, s’affirment ou se montrent, avec Dieng, Leclercq, Decroix, Sibierski, Boutoille et Dindeleux. De quoi, enfin rêver.
Belle saison du point de vue du spectacle, le LOSC inscrivant notamment trois buts en un match à cinq reprises sur les 27 dernières journées de championnat : pas mal pour une équipe qui n’y était arrivée qu’à deux reprises sur les 53 matches précédents; Andersson marque 11 buts, record d’un dogue depuis les 14 buts de Vandenbergh en 1988/1989; et, surtout, Lille retrouve quelques joueurs chatoyants qui lui manquaient les années précédentes.
Personne d’irremplaçable, mais quand-même
En début d’article, on t’a dit que personne n’était irremplaçable à Lille à l’époque, ce qui faisait qu’on ne craignait pas les départs. Pas de bol, en 1994, ça n’est plus tout à fait vrai. Mankowski se barre ainsi à Caen avec Andersson, qui finit deuxième buteur de la World Cup 1994, et Jean-Jacques Etamé. Oumar Dieng, qui s’était affirmé la saison précédente, s’en va chez le champion parisien. Per Frandsen, Claude Fichaux, José Bray et Jean-Luc Buisine s’en vont également. Bon, c’est aussi le cas de Walquir Mota et d’Edgar Borgès, mais quand on te parlait d’irremplaçables, pour tout te dire, on ne pensait pas à eux et à leurs 98 minutes cumulées à eux-deux en 1993/1994.
Étrangement, en 1994/1995, les résultats des Dogues seront meilleurs. Soyons pourtant clairs, l’équipe était moins bonne, Farina étant loin d’Andersson, Pérez sur une jambe ne pouvant apporter autant qu’un entier Etamé et Philippe Levenard ne compensant pas Oumar Dieng. Mais cette équipe pouvait faire preuve d’un froid réalisme. On ne sait trop laquelle des deux saisons on devrait préférer. Pas grave : gardons les deux.
Pour découvrir nos bilans des autres saisons, vous pouvez suivre ces liens :
1992/1993 : La fin d’une époque
1994/1995 : Le laborieux 1-0 triomphant
1995-1996 : Le maintien et c’est tout
1996-1997 : Lille, une sacrée descente
1997-1998 : À la place du con, saison 1/2
1998-1999 : À la place du con, saison 2/2