Posté le 14 mai 2017 - par dbclosc
Gardiens de fortune : quand des joueurs de champ occupent les cages du LOSC
Aujourd’hui, si un gardien de but se blesse ou est expulsé, on est presque sûr que sa doublure entrera à sa place, sauf cas très particuliers où les trois remplacements ont déjà été effectués. Mais, comme on en a l’habitude, on va parler aujourd’hui d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître et dont certains trentenaires n’ont que de vagues souvenirs. Les blessures de gardiens en ce temps là aboutissaient à ce qu’un joueur de champ prenne sa place dans les buts.
Pourquoi ? Tout simplement parce que jusqu’à il y a pas si longtemps, le règlement n’autorisait la présence sur le banc que d’un nombre de joueurs équivalent au nombre de remplacements autorisés. Bref, quand deux remplacements étaient autorisés, seuls deux joueurs étaient sur le banc, quand trois changements étaient autorisés, seuls trois joueurs prenaient place sur le banc ; et le même raisonnement était valable quand un seul remplacement était autorisé. Quand aucun changement n’était autorisé, rien dans le règlement ne disait combien de joueurs pouvaient être présents sur le banc. Mais, en même temps, si aucun remplacement n’était autorisé, ces joueurs ne pouvaient alors servir qu’à couper des oranges. Bref, quand peu de joueurs étaient autorisés sur le banc, il était alors logique que les remplaçants soient seulement des joueurs de champ (1).
La blessure d’un gardien était trop rare, ce qui faisait que quand cela arrivait, c’était un joueur de champ qui prenait la place du gardien. Un joueur de champ dans les buts, c’est arrivé au moins six fois au LOSC dans son histoire, cinq joueurs de champ se partageant ces intérims contraints dans les cages. Peut-être en a-t-on oublié. Et on compte sur toi pour nous les rappeler.
Jean Baratte : le buteur devenu gardien
On a beaucoup évoqué Jean Baratte pour ses qualités de buteur. Moins connues, ses performances en tant que gardien de but. Et avec une différence notable par rapport aux autres cas exposés dans cet article : c’est en tant que titulaire que Baratte garda le but lillois. C’était contre Bordeaux, à Colombes, lors de la demi-finale de coupe de France en 1952. Jean Baratte avait déjà été titulaire en 1943 lors du derby OICL/SCF.
Pour ce match contre Bordeaux, l’habituel titulaire, Charles Val, s’est blessé à Reims une semaine auparavant. Tu vas me dire : le gardien remplaçant va donc jouer. Il s’appelle Georges D’Arcangelo. Problème : au moment où on a besoin de lui, il est introuvable. En fait, cela fait quelques mois qu’il est parti, et personne ne s’en est soucié ! Lors de l’été 1951, le gardien titulaire, Pierre Angel, part : D’Arcangelo croit alors que son heure est enfin venue. Mais le LOSC recrute Val. Vexé, il serait retourné dans le sud de la France : c’est du moins ce qu’un de ses amis confie aux dirigeants du LOSC ! En dépit d’appels dans les journaux et à la radio, le gardien-déserteur ne se manifeste pas. Reste alors la solution André Weughe, troisième gardien : mais tout le monde, y compris son entraîneur, Cheuva, le trouve encore un peu tendre. Bon ben du coup c’est Jean Baratte qui ira dans le but ! Il semblerait qu’il s’en soit très bien tiré, mais sans pouvoir empêcher la défaite en prolongation (1-2). Le LOSC fut très critiqué pour cet épisode, car si Baratte n’a pas démérité, il a beaucoup manqué devant. Quelques semaines plus tard, le transfert de César Ruminski apporte au club un gardien n°1 d’envergure.
Bernard Stachowiak, saleté de règlement
Samoy a tout connu avec le LOSC, il fut gardien, entraîneur, directeur sportif, recruteur, sans doute pâtissier, cracheur de feu et dresseur de hamsters etc. Il connut les joies de la montée comme les affres de la relégation. Il a même connu la blessure en plein match. Été 1964, le LOSC de Jules Bigot vient de retrouver l’élite et reçoit le Nantes de José Arribas pour la 4e journée. Lille mène rapidement 2-0 grâce à des buts de Michel Lafranceschina (10e) et de Jean-Louis Thétard (20e). Pas de chance, le gardien des Dogues, Charly donc, se blesse peu avant la mi-temps. Pas de chance (bis), les remplacement ne sont pas encore autorisés. Lille va donc terminer à 10, avec un joueur de champ dans les buts : c’est le latéral droit Bernard Stachowiak qui s’y colle. Score final : 2-2. Bernard Stachowiak est davantage connu pour avoir inscrit le but vainqueur du LOSC face à Bastia en juin 1966, lors d’un barrage décisif pour le maintien en D1 : à la 86e, il était temps.
Navarro : le joueur de champ aux meilleurs stats que le titulaire des buts
Rebelote pour Samoy : il se blesse lors d’un déplacement à Strasbourg. En début de deuxième mi-temps, il est remplacé par l’attaquant André Perrin à une bonne quarantaine de minutes de la fin du match (car cette fois, les remplacements sont autorisés, et ce depuis quelques mois), mais c’est finalement le défenseur Vincent Navarro qui enfilera les gants (ça veut dire qu’il est devenu gardien de buts, hein, il a pas seulement enfilé ses gants).
Anecdote croustillante, le portier de fortune fait mieux que le titulaire du poste puisque Charly avait cédé à deux reprises en fin de première mi-temps. Vincent Navarro, lui, est à notre connaissance le seul joueur de champ du LOSC avec Landrin à avoir gardé sa cage inviolée. Le score ne bougera en effet pas, Lille s’inclinant finalement par 2 à 0. Navarro est alors le seul gardien de l’histoire du LOSC a n’avoir jamais encaissé de but. On t’en parle plus loin dans l’article, il sera rejoint une trentaine d’années plus tard.
Dominique Thomas : la boulette, mais on peut pas vraiment lui en vouloir
Au cours de la saison 1986/1987, Bernard Lama connaît sa première saison comme titulaire dans les cages du LOSC. Le poste de gardien est bien pourvu, puisqu’en plus du futur champion du monde, les Dogues ont Pascal Rousseau (2), international espoirs, pour doublure. Après des débuts délicats, le jeune Lama s’affirme ces dernières semaines comme l’un des très bons gardiens de l’élite française.
Le 17 avril 1987, Lille se déplace à Geoffroy-Guichard, le stade des stéphanois où Pascal Cygan allait débuter quelques années plus tard en flippant. Pour cette saison 86/87, un autre fera ses débuts dans le chaudron stéphanois. En l’occurrence, il s’agit de Dominique Thomas. Non, Dominique ne fait pas son premier match en D1. Il débute comme gardien de but quand Nanard Lama se blesse dans un choc avec l’ancien lillois Krimau.
Dominique fait globalement un match correct. Pas de chance, il fait tout de même une boulette qui coûte aux siens le seul but du match en cafouillant un coup-franc anodin qui atterrit finalement dans des pieds stéphanois (1-0).
Gaston Mobati : le ratio temps de jeu/but encaissé le plus pourri (même pire que Arphexad)
En 1988/1989, Lille a sans doute son plus bel effectif depuis des lustres, avec, entre autres, Abedi Pelé, Erwin Vandenbergh, Filip Desmet, Jocelyn Angloma et Nanard Lama. Ce dernier se blesse à cinq minutes du terme d’un match maîtrisé par les Lillois lesquels mènent alors 1 à 0. Double malchance, les Lillois ont effectué leurs deux changements si bien qu’ils auront le double handicap de finir la rencontre à dix et avec un joueur de champ comme gardien de but. C’en était trop pour nos chouchous, Gaston Mobati, le gardien de fortune lillois s’inclinant deux minutes après avoir enfilé les gants de Lama. Tiens, d’ailleurs, Lama fût célèbre un temps pour ne pas porter de gants y compris en match officiel. Avait-il ce soir-là des gants à refiler à Mobati ? Ça, on t’avoue l’ignorer.
Autre fait croustillant de ce match, c’est donc Mobati, l’attaquant qui avait été le plus prolifique des joueurs de D1 sur la phase retour de la saison précédente (10 buts, devant papin) qui va dans les buts à la place de Lama, le gardien qui, quelques semaines plus tard allait marquer un but (sur péno mais quand-même) au portier de Laval. Avoue que ça ne manque pas de sel.
Lille se contente alors du nul (1-1), perdant là deux points précieux dans la lutte pour l’Europe. Gaston, pour sa part, repart avec le record du pire ratio temps de jeu/but encaissé des gardiens du LOSC dans toute l’histoire : 1 but toutes les 5 minutes.
Patrice Sauvaget : le pas trop buteur devenu gardien
Puisque Patrice Sauvage marquait peu (pour un attaquant), il s’est dit que peut-être il pourrait rendre davantage de services dans les buts. Fort de ce raisonnement, il se place dans le but après l’expulsion de Jean-Claude Nadon à Toulon, le 28 septembre 1991. Coupable d’avoir gagné trop de temps pour préserver l’avance lilloise (2-1), Nadon a pris successivement deux avertissements (82e, 97e). Sur le banc du LOSC, se trouvait seulement Mamadou Kane, et pas de doublure dans le but.
Sauvaget parvient à ne pas encaisser de but. C’est d’ailleurs ce bon vieux Patrice qui avait ouvert le score à la 22e ; Brisson doublait la mise à la demi-heure, tandis que le redoutable Leonardo Rodriguez réduisait l’écart sur pénalty à la 79e.
Le récidiviste : Christophe Landrin
Nous en avons déjà parlé ici, à moins que ça soit là. On avait alors parlé du cas particulièrement atypique de Christophe Landrin. « Atypique ? » t’étonneras-tu. « Pourquoi est-ce atypique de parler de Christophe Landrin qui devient gardien dans un article qui parle de joueurs de champ qui occupent le poste de gardien de but ? » Eh ben, attends, tu vas comprendre.
Le 30 octobre 1999, au cours de cette sublime saison qui aboutira à notre remontée dans l’élite, Lille reçoit Sochaux. A Vingt minutes du terme, Greg Wimbée est expulsé. Jusqu’ici tout va mal. Tout va encore plus mal quand on comprend que, à l’époque, il n’y a pas de gardiens sur le banc des remplaçants (c’est possible, mais la probabilité d’une blessure ou d’une expulsion d’un gardien reste faible, donc on préfère mettre des joueurs de champ : seuls 14 noms sont autorisés sur la feuille de match) et que c’est donc un joueur de champ qui va prendre les gants. Et encore plus, quand on sait qu’on perd (0-1). C’est Christophe « Robocop » Landrin qui s’y colle. Et plutôt bien, notamment lorsqu’il sauve les siens du deuxième but doubiste, en remportant un face-à-face contre Stéphane Dedebant. On perd (0-1), mais Christophe n’y est pour rien et Lille et encore leader. The Sochaux must go on comme on dit.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Deux semaines plus tard, Greg, tout juste revenu de suspension, se fait tout juste expulser alors que Lille mène 1 à 0 contre Guingamp peu après la mi-temps. Et c’est là qu’on entre vraiment dans l’atypique : Christophe Landrin endosse pour la deuxième fois de sa carrière, le tout en quinze jours, des gants du gardien de but (3). Et là encore ça sera avec succès puisque Lille l’emportera au final sans que son gardien de fortune n’encaisse un but (petit rappel grammatical : le « n’ » précédent est un « ne explétif » et non un « ne de négation »).
« Il est en train de me prendre ma place de titulaire. Vite, poignardons-le discrètement avant qu’il ne soit trop tard »
Nicolas Bonnal : une bonne occasion de se faire remarquer
Au cours d’un début de saison 2002-2003 assez maussade côté championnat, le LOSC parvient à tirer son épingle du jeu en coupe Intertoto, en éliminant successivement les Roumains de Bistrita (2-0, 1-0) puis les Anglais d’Aston Villa (1-1 ; 2-0). En finale de la compétition, les Dogues sont opposés aux Allemands de Stuttgart. Cette double confrontation va permettre à Nicolas Bonnal de se mettre en valeur à divers titres. À l’aller, il est l’unique buteur du match, un but superbe au passage : reprise de volée aux 18 mètres sur un centre de Brunel après une belle action collective. 15 jours plus tard, le 27 août 2002, Lille tient, et se crée même quelques occasions en 1e mi-temps. Mais Pichot est expulsé dès la reprise pour un main sur la ligne de but. Le péno finit sur la barre mais, à 10, les Lillois craquent deux fois en fin de match, aux 81e et 88e minutes. À la 95e, Greg Wimbée, poussé par un joueur allemand, heurte Mathieu Delpierre : fracture de la pommette. Tous les changements ayant été effectués, c’est Nicolas Bonnal, le buteur de l’aller, qui enfile les gants, pour quelques secondes. C’est bien l’une des rares fois où Bonnal aura été dans la lumière à Lille.
D’accord, on est en Allemagne, mais le salut nazi n’est pas pour autant indispensable
Nicolas De Préville et Ibrahim Amadou : un après-midi de cauchemar
En ce dimanche d’août, la confiance est côté lillois : lors de la journée précédente, la première, Lille s’est imposé de façon convaincante face à Nantes, dans une certaine euphorie suite à l’arrivée de Marcelo Bielsa (3-0), tandis que Strasbourg, qui reste sur 2 montées consécutives, s’est lourdement incliné à Lyon (0-4). Mais rien ne se passe comme prévu : Lille est bousculé, et hormis une occasion pour De Préville (35e), on peut s’estimer heureux d’arriver à la mi-temps sans être mené. Surtout, très vite, deux joueurs (Thiago Mendes et Malcuit) sortent sur blessure ; peu avant la mi-temps, Bielsa décide d’effectuer, déjà, son 3e remplacement en sortant Ballo-Touré, en difficulté et déjà averti. Autrement dit, il n’y a plus qu’à croiser les doigts pour qu’on ne subisse plus de blessure… ou pour que le gardien ne soit pas exclu. Ce qui ne manque pas d’arriver, stupidement, à la 63e minute. On a bien encore un gardien sur le banc, mais il y a eu 3 entrants en première période. Nicolas De Préville, qui joue parfois dans les cages à l’entraînement, est donc chargé de garder le 0-0. Cocasserie dans la cocasserie : le maillot de Maignan étant trop grand pour lui, il prend celui de Koffi. De Préville tient 10 minutes, remportant même brillamment un face-à-face avec Saadi. Mais il cède une minute plus tard, ne pouvant rien sur une volée au premier poteau. Lille est mené, à 10, avec son avant-centre dans le but. Pour maximiser les chance d’égaliser, De Préville reprend sa place en attaque et il revient à Ibrahim Amadou d’aller dans le but ! 3 gardiens en 15 minutes, ça c’est Unlimited. Notre capitaine ne peut rien sur un pénalty, puis a peut-être la main un peu fébrile sur un dernier but à la 88e. Défaite 3-0.
Voilà, voilà. Il n’est donc pas impossible qu’on en ait oublié. Dans l’idéal, il aurait fallu visionner l’ensemble des matches du LOSC pour s’en assurer. Avouons, nous n’avons pas poussé la rigueur intellectuelle jusque là.
(1) Ceci étant, à une époque, le LOSC jouait toujours avec un Gardien sur son banc. Mais, c’était dans les années 1970, quand leur entraîneur était René Gardien.
(2) Soit dit en passant, Rousseau est le titulaire avec Laval en 1988/1989. Il avait cependant fort opportunément laissé sa place à sa doublure lors de la dernière journée de cette saison, lors de la défaite des siens à Lille (8-0).
(3) Il se dit que c’est Pascal Cygan qui lui a passé les gants de gardien ce jour-là, en lui disant : « Maintenant que je viens de te passer deux gants, je ne suis plus que Pascal Quatregan ». Mais sachant que cette rumeur ne vient que de nos cerveaux, il n’est pas impossible qu’elle soit infondée.
Laisser un commentaire
Vous pouvez vous exprimer.
0 commentaire
Nous aimerions connaître la vôtre!