Posté le 17 mai 2017 - par dbclosc
Frank Pingel, le gros bide d’un mercato 1995 raté
À l’issue d’un exercice 1994/1995 plutôt satisfaisant, la quasi-totalité de l’attaque lilloise quitte le club. Le LOSC semble alors procéder à un recrutement séduisant sur le papier, mais qui apparaît finalement comme grandement manqué et en partie improvisé, car marqué du sceau de fortes contraintes budgétaires. Symbole de ce recrutement hasardeux : le Danois Frank Pingel, recruté par défaut, et retourné au pays après quelques prestations catastrophiques, sans être parvenu à se débarrasser de son surpoids. Retour sur une intersaison ratée qui faillit coûter la descente en Division 2.
Ah, on en a eus des Doukisor, pour le meilleur et pour le pire. Au sein de cette dernière catégorie figure un joueur pourtant issu de la prestigieuse « Danish connection » du LOSC : Frank Pingel. Présenté en juillet 1995 comme le buteur qui manquait au LOSC, il repart pourtant en catimini deux mois plus tard, après 358 minutes « jouées » sous le maillot lillois, sans avoir marqué. Embêtant pour un attaquant. Mais outre ce total famélique, les prestations de Pingel se sont avérées passablement indigentes. Que s’est-il passé ? Loin de nous l’idée de jeter la pierre à un joueur qui a sans doute fait ce qu’il a pu. Son recrutement précipité s’explique par divers facteurs qui le dépassent : une fin de saison précédente grisante ; un manque d’anticipation du nouvel exercice ; le départ de l’attaque et son renouvellement complet ; l’encadrement financier du recrutement du LOSC ; des blessures non compensées ; et manifestement un manque d’appréciation de la situation par Jean Fernandez.
1994-1995 : ça pêche devant
31 mai 1995 : 38e journée du championnat de France de D1, le LOSC bat son voisin lensois 3 à 1. C’est la conclusion d’une double saison pour le LOSC : 4e à domicile avec 40 points et 12 victoires (dont 11 sur le score de 1-0), 17e à l’extérieur avec 8 points. C’est seulement la troisième fois de la saison que les lillois parviennent à inscrire plus d’un but dans un match dans cette saison : ils y étaient déjà parvenus un mois auparavant pour un miraculeux nul à Saint-Etienne, alors qu’ils étaient menés 1-3 à la 90e, et en tout début de saison, pur une victoire contre le promu bastiais (3-0). Résultat : on a encore tremblé, comme depuis plusieurs saisons, flirtant avec la relégation à la fin de l’hiver, avant de connaître une fin d’exercice assez tranquille. Mais Lille n’a inscrit que 29 buts au cours de cette saison, soit la plus mauvaise attaque du championnat à égalité avec le dernier, Sochaux. Sur 31 descentes de D1 vers la D2 dans les années 19901, 25 se sont faites en ayant marqué au moins 30 buts, et 2 avec 29 buts marqués : c’est dire si rester en D1 en inscrivant si peu de buts est exceptionnel. Il n’est donc pas difficile de comprendre le point faible des Lillois : c’est l’attaque. Reste à savoir si c’est un problème de joueurs ou de système de jeu… Quoi qu’il en soit, les attaquants en fin de contrat ne sont pas prolongés : même s’ils représentent plus de la moitié des buts inscrits la saison précédente, Farina (6 buts), Garcia (4 buts) et Assadourian (5 buts) quittent le club, même si le LOSC a tenté de garder le dernier nommé, mais « on ne peut pas suivre », selon Fernandez2 : il est vrai qu’Assad court très vite et il est de plus convoité par de nombreux clubs qui lui proposent un salaire bien plus attractif, c’est sans doute l’idée qu’a voulu exprimer le coach. Qu’à cela ne tienne : son remplaçant est vite trouvé, début juin : Patrick Collot. Il arrive en même temps que Joël Germain, dont l’arrivée confirme que Thierry Bonalair, lui aussi en fin de contrat, ne sera pas conservé. Bien vu aussi ça. En fait, on ne s’en fait pas côté lillois, la politique est la suivante : pour Fernandez, « il y aura pas mal de changements », « un nouvel élan » (ci-contre), « nécessité d’insuffler des forces nouvelles » (7 juin) – c’est beau comme du Macron – et les pistes sont, parait-il, nombreuses pour constituer un nouvelle ligne offensive : on évoque Anthony Garcia (Beauvais), David Le Frapper (Valenciennes), Emmanuel Clément-Demange (Wasquehal), Alexandre Czerniatynski (Malines), ou Eric Viscaal (La Gantoise). Comment ça, c’est nul ? Ben oui mais le LOSC est dans une situation financière délicate. On y revient juste après.
Fernandez dit contrôler la situation
Fernandez affirme qu’il a la situation bien en main et montre sa confiance. À l’issue de la première semaine de juin, il déclare : « si tout va bien, je prendrai 2 ou 3 jours de vacances, la semaine prochaine… ». Mais mi-juin, c’est à dire au moment où il est censé prendre ses vacances annoncées pour cause de transferts bouclés, rien n’a avancé. Le 14 juin, la Voix du Nord indique toujours que d’autres joueurs sont attendus « et notamment un buteur ». Tandis que les départs de Garcia (Gueugnon) et de Farina (Waregem) sont confirmés, qu’Assadourian est à l’essai en Espagne, Fernandez confirme que le problème de la saison 1994/1995 vient de l’attaque et cite nommément des joueurs : « c’est du côté de l’attaque que nous devons le plus progresser. Je dirais que plusieurs joueurs, comme Christian Perez ou Franck Farina, ont eu des problèmes d’intégration. Tous les deux ont été blessés à des moments importants et n’ont pas pu apporter ce que je souhaitais d’eux (…) Christian Pérez a fait une préparation extraordinaire mais il se blesse à Lens au bout de 3 minutes, et rechute quand il rentre. Il a perdu très vite le rythme (…) J’ai eu du mal à accepter qu’il puisse déclarer, dans la presse, que Lille était un petit club (…) Franck Farina n’a pas pu exprimer son potentiel, mais il a beaucoup apporté au groupe par son état d’esprit ». Donc on a compris que Pérez allait bientôt faire ses valises. Et sur la saison à venir, « en dépit des difficultés, je suis optimiste, il nous faut encore 2 ou 3 titulaires (…) J’ai beaucoup d’ambition pour ce club ». Thierry Rabat a signé. Amara Simba et Jean-Marie Aubry sont évoqués. Problème : ils sont payants.
Les premières recrues de 1995
Un recrutement encadré par la DNCG
Cela fait des années que le LOSC traîne une importante dette, qui a atteint des sommets lorsque Bernard Lecomte s’est retrouvé seul à la présidence du club : près de 70 millions de francs au cours de la saison 1993-1994 ! Conséquence directe : le LOSC n’a le droit de recruter que des joueurs en fin de contrat. Autrement dit, ceux, sauf choix personnel de ne pas prolonger, dont pas grand monde ne veut… Cependant, Bernard Lecomte, fort d’une situation financière qu’il a déjà contribué à assainir, a demandé l’indulgence de la DNCG. Avec Xavier Desrumaux, secrétaire général du club, et Christian Druelle, co-commissaire aux comptes, il promet que le passif du club serait apuré en 1998. Apuré de 70 patates, tiens c’est marrant ça. En contrepartie, il réclame la levée de l’interdiction faite au club de recruter des joueurs autres que ceux en fin de contrat. La commission d’appel de la DNCG décide le 15 juin… de ne rien décider, repoussant d’encore quelques jours les éventuelles possibilités de recrutement. Bernard Lecomte a plaidé le soutien politique de la mairie : la DNCG a sans doute estimé plus prudent de patienter jusqu’à l’annonce du résultat des élections municipales le 18 juin ! En attendant, deux joueurs sont à l’essai : Goran Bozovic, un libéro monténégrin, et Didier Rabat, le frangin. Nous sommes le 20 juin. Meszoly est annoncé. Le Wasquehalien Pascal Cygan a signé un contrat de stagiaire. Quant à l’attaque… on reste suspendu à l’avis de la DNCG, ce que ne manquent pas de relever, avec la clairvoyance qui les caractérisent, les supporters lillois : « ils ont renforcé la défense avec des joueurs expérimentés, maintenant il reste l’attaque. Je crois que la réponse viendra de la DNCG », estime M. Delemar de Fretin. Même avis chez Franck Platteeuw (de Lambersart) : « il faut au moins deux attaquants dont un gros calibre ». Bernard Lecomte déplore le manque d’entrain de la mairie, alors que chez les voisins de l’USVA, les interventions et les garanties de Borloo ont permis aux valenciennois de pouvoir recruter. Le président aimerait un interlocuteur particulier de la mairie pour le LOSC, et dans ce rôle, il verrait bien Martine Aubry ou Bernard Roman. On apprend finalement que ce même jour, la DNCG a autorisé le LOSC à recruter à titre onéreux « dans le cadre d’une enveloppe financière qui nous est fixée mais qui correspond tout à fait à nos besoins. Peut-être même n’utiliserons-nous pas la totalité de la somme qui nous est autorisé, mais cette décision favorable nous donne latitude d’agir ». On évoque alors les arrivées imminentes de Simba, Aubry, et la mise l’essai de Miladin Becanovic.
« Et pourquoi « stagiaire » seulement ? Vous voulez pas de moi ? »
Lille a trouvé son buteur. Trop cher.
Dans les faits, seul Aubry signe effectivement un contrat : il débarque à Lille le 22 juin. Se profile alors le premier match amical de la saison, contre l’UNFP, et le LOSC n’a qu’un seul attaquant : Patrick Collot. On note aussi la présence de Boutoille et de Denquin, mais Fernandez envisage de les prêter. Au dernier moment, Becanovic débarque, en attendant peut-être Fofana (Bordeaux). Fernandez trahit les incertitudes du mercato lillois en déclarant avant le match contre l’UNFP (pour rappel, l’UNFP regroupe des joueurs au chômage, donc gratuits) : « « je ne sais pas trop qui jouera, mais il y aura peut-être des garçons susceptibles de nous intéresser ». Le LOSC s’impose 4 à 1 grâce à Duncker, Collot et un doublé de Becanovic, entré à la mi-temps. La voix du Nord est prudente mais élogieuse : « assez rapide, bon technicien et ayant le sens du but, le Monténégrin semble posséder les qualités pour devenir le buteur qui fait défaut au LOSC depuis le départ de Kennet Andersson. Mais il convient quand même de le revoir face à une opposition un peu plus forte » (27 juin). Son compatriote Bozovic a joué tout le match. Problème : la piste Becanovic patine. Ses représentants, profitant du doublé, font monter les enchères. Jean Fernandez se tourne alors vers une autre piste.
Enfin, la perle rare ?
Et c’est donc le 1er juillet que l’on entend parler pour la première fois de Frank Pingel, un Danois de 31 ans. Doukisor ? On ne sait pas trop à quel niveau il se situel. Formé à l’IK Skovbakken, club qui oscille entre deuxième et troisième division danoise, il ne découvre que tardivement l’élite nationale en rejoignant Aarhus au cours de la deuxième partie de la saison 1987, à l’âge de 23 ans. 30 matches ,11 buts et deux coupes remportées plus tard, il signe dans l’élite anglaise où il ne parvient pas à s’imposer (14 matches, 1 but en 1988/1989). De retour au Danemark, cette fois à Brondby, Frank s’affirme enfin définitivement, contribuant au titre de champion en 1990, à la coupe remportée l’année précédente et surtout au magnifique parcours de son club en coupe de l’UEFA en 1990/1991 au cours duquel Brondby parvient jusqu’en demi-finale, éliminé par la Roma (2-1, 0-0). Pingel est alors titulaire lors des deux rencontres. Il signe ensuite au TSV Munich 1860 en 1991/1992 (deuxième division allemande, 20 matches, 6 buts), revient à Brondby la saison suivante (15 matches, 7 buts dans l’élite) puis s’en va en Turquie. A Bursaspor, Pingel réalise une très belle saison (27 matches, 12 buts) et s’impose alors comme titulaire à la pointe de la sélection qui vient de remporter l’Euro 92 (6 titularisations, 4 buts en 1993). Sa côte est alors à son sommet, et Pingel signe alors au Fenerbahce, l’un des « gros » – tout un symbole – du championnat turc. Las, le Danois se blesse rapidement et finit la saison 1994/1995 avec 1 but inscrit en 3 rencontres. C’est après cette saison blanche que Frankie arrive au LOSC. Dans la vidéo ci-dessous, on le voit inscrire les 2e et 4e buts de la sélection Danoise contre l’Arménie en 1993 :
Pour l’anecdote, on retrouve quelques liens entre Pingel et le LOSC avant son arrivée : à Brondby, il joue avec l’ancien lillois Kim Vilfort. Par ailleurs, il a aussi quelques liens avec Henrik Nielsen, avant-centre pendant une saison et demie au LOSC : d’abord, c’est à Brondby que Henrik Nielsen rebondit au cours de la saison 1991/1992, remplaçant Frank Pingel parti en Allemagne. Ensuite, tous les deux ont rejoint le LOSC en provenance de Fenerbahce. Club, qui allait plus tard engager Simon Kjaer, un autre Danois du LOSC.
Frank Pingel est mis à l’essai à l’occasion du « tournoi de Neuve-Maison », à Nancy, où seront présents, outre le LOSC : Nancy, le Slovan Liberec, et Beauvais. Il y a urgence, car les négociations avec Amara Simba sont au point mort. La piste Fabrice Mège (Nice) a été abandonnée. Et le championnat reprend le 19 juillet, dans 18 jours. Pour le premier match du touroi, le LOSC s’incline face aux Tchèques (0-1) ; le compte-rendu du match par la VDN fait état de deux action pour le Danois : une occasion à la 12e « après avoir effacé 2 adversaires », puis une tête, à la 30e minute… Le journal s’attarde davantage sur la « bonne prestation du tandem défensif Meszoly-Bozoriv » (sic – il faut comprendre Bozovic). Le deuxième match du tournoi nous oppose à Beauvais : nouvelle défaite (0-1). Prometteur. Et cette fois, Pingel ne se sort pas du naufrage. Jean Fernandez l’affirme lui-même, en plus de formuler de nouvelles promesses : « nous allons accélérer les choses afin d’avoir un effectif au complet pour le challenge Emile-Olivier. Pingel a fait un bon premier match, puis il a sombré un peu face à Beauvais, à l’image de toute l’équipe ». Et pour ajouter au merdier, Rabat et Leclercq se sont blessés, tandis que Carrez et Dindeleux sont mobilisés pour leur service militaire et manquent une grande partie de la préparation. Bozovic, qui a participé aux 3 matches amicaux et a séduit Fernandez, n’est toutefois pas retenu, dans la mesure où l’entraîneur compte faire signer un attaquant hors CEE : à l’époque, on ne peut avoir que 3 joueurs hors CEE dans son effectif… Fernandez annonce aussi que la concurrence est rude pour Becanovic : il ne viendra certainement pas. Un albanais, Zmijani, est testé. Le 5 juillet, nouveau match amical, contre Charleville. Parlant de Pingel, Fernandez dit : « il a un bon jeu de tête et joue souvent en percussion ». Commentaire lapidaire qui ne permet pas de situer précisément le degré de motivation du staff losciste le concernant. Les noms de Franck Priou, Fabrice Divert et de Stéphane Paille circulent désormais.
Allez, on prend le premier qui est disponible
Contre Charleville, redoutable adversaire, 0-0 ! Les problèmes offensifs deviennent criants. Pingel n’a pas joué, mais semble tenir la corde. Fernandez annonce que « tout sera décanté samedi », soit 3 jours plus tard. Le journaliste de la VDN, Jean-Mary Mayeur, semble commencer à se moquer de la situation, en titrant « cherche buteur désespérément » le 6 juillet. Et histoire de faire passer une idée sans le faire en son nom propre, il file interviewer Stéphane Grosselin, attaquant carolomacérien et ex-valenciennois, qui indique, à propos des Lillois : « ils m’ont parus moins incisifs offensivement. La saison dernière, ils étaient plus vifs en attaque et cela bougeait plus la défense ». Avec ce commentaire en guise de conclusion pour le journaliste : « un avis d’orfèvre ! ».
Comme ça urge vraiment, le lendemain, on lit : « on apprenait que le Danois Pingel et le club nordiste s’étaient mis d’accord. Sur le principe, c’est fait, a précisé le président Lecomte, prudent. Reste à régler la partie juridique. Le joueur devrait être à Grimonprez mardi prochain pour signer son contrat ». Bon, on ne peut pas dire qu’il ait eu le temps de convaincre, mais le championnat reprend dans deux semaines, alors puisqu’il est là… Un bonheur n’arrivant jamais seul, la signature de Simba est annoncée le 8 juillet, jour de l’entame du challenge Emile-Olivier. En apparence, c’est un joli coup : Simba sort d’une saison à 12 buts, sans pénalty, dans un club de bas de classement. Et ça démarre pas mal pour Amara, puisque le LOSC s’impose 3-1 contre Valenciennes, et il marque déjà son premier but (les autres buteurs : Sibierski et Dindeleux). Sans Pingel.
Alors, cette fois c’est bon, l’effectif est au complet ? Pas du tout. On apprend finalement que rien n’est fait pour Pingel. Du coup, on se tourne vers le Stéphanois Jean-Philippe Séchet : un bon souvenir, il nous avait mis un triplé avec Metz en avril 1994. Bozovic n’est pas retenu, car finalement Fernandez souhaite compléter le milieu de terrain, et Friis-Hansen pourrait finalement partir du côté d’Auxerre. Le recrutement lillois traîne en longueur. Chaque jour apporte son lot d’informations et de tendances. « « Je ne sais pas. Je ne sais plus.. » dit, d’ailleurs, Jean Fernandez, visiblement perdu dans les méandres du marché des transferts. La casquette-fétiche plus basse que d’habitude, la voix un peu lasse, l’entraîneur lillois semblait noyé dans de profondes méditations, hier » (11 juillet). En attendant, il y a la finale du challenge à jouer contre Lens, et Pingel est là !
L’équipe alignée en finale contre Lens
Et voilà que le LOSC devient séduisant
Lille s’incline 0-1. Mais à en croire la VDN, Lille a été bon : « Pingel et Simba, qui étaient associés pour la première fois en attaque, se sont trouvés en de multiples occasions. L’ex-caennais et nouveau chouchou des supporters lillois, envisage l’avenir avec une certaine confiance : « c’était mon premier contact avec Pingel, je ne l’avais jamais vu. Malgré tout, ça a relativement bien fonctionné. Il nous a manqué des petits trucs surtout dans la finition, mais tout va venir avec le travail. Nous sommes encore en pleine préparation, les automatismes vont venir progressivement ». Même l’entraîneur Lensois, Patrice Bergues, souligne la qualité du duo offensif lillois : « un bon jeu collectif, deux bons attaquants bien en place…Le LOSC a un potentiel offensif supérieur à l’année dernière, où il misait sur la vitesse et l’opportunisme d’Assadourian » (12 juillet). À notre avis, il se fout de notre gueule. En tout cas, le transfert de Pingel est officialisé après la traditionnelle visite médicale. Et Périlleux, sorti de nulle part (enfin si : de Montpellier), est également annoncé.
Le dernier match amical d’avant-saison est contre Amiens, le 15 juillet. Lille s’impose 2-0, grâce à un doublé de… Frank Pingel : « on qualifiera donc cette avant-saison de très encourageante. Pour peu que le LOSC confirme en championnat… » (16 juillet).
Confiance à la reprise
19 juillet, le championnat reprend à Bordeaux pour les Dogues. Après une intersaison aussi agitée, on espère enfin pouvoir se concentrer sur le jeu, et illustrer les promesses d’un jeu plus offensif. La confiance est affichée : « cette année, l’équipe de Jean Fernandez est bien plus armée en attaque. Amara Simba a déjà démontré par le passé qu’il n’était pas maladroit devant le but et Frank Pingel, auteur d’un doublé contre Amiens en amical, devrait également tenir la route. Si on ajoute, derrière ce tandem, la présence du meilleur buteur losciste de la saison dernière, Antoine Sibierski (7 buts), on comprend que Jean Fernandez ne se fasse pas trop de soucis » (19 juillet). Bon, Lille perd 0-1, ce n’est pas déshonorant à Bordeaux, d’autant que l’équipe a montré un visage intéressant. Et quid de Pingel ? Il n’a pas joué. Sa lettre de sortie de Turquie n’est pas arrivée à temps : elle a transité par la fédération danoise, alors qu’elle aurait dû être envoyée directement en France. Fernandez fait la tronche : il a dû revoir ses plans et n’a aligné que Simba devant, préférant du coup titulariser Périlleux. Sur le match en lui même, Jacob explique : « on a eu pas mal d’occasions, mais le plus dur c’est de les réussir. Cette malchance n’est pas à mettre sur le compte de l’absence de Pingel ». En général, quand tu dis ça, c’est que tu mets la malchance sur le compte de l’absence de Pingel. Ce n’est que partie chemise : notre Danois reçoit sa qualification dans la semaine et va donc débuter contre Bastia, le 26 juillet. Il a même l’honneur d’être en Une de la Voix du Nord, avec ce titre : « un pari sur l’attaque ». Fernandez redit sa satisfaction : « l’an dernier, on avait des passeurs, mais pas de buteur. Là, avec Simba et Pingel, on a deux buteurs, plus Sibierski. Le problème, c’est l’arrivée tardive de Simba et Pingel. Ils ont besoin de matches pour trouver la bonne osmose. Mais dès qu’ils seront au top physiquement et que leurs automatismes seront au point, il y aura moyen de faire quelque chose de bien ».
On déchante : « Je ne savais pas où courir »
Lille perd 0-2, lors de ce retour de Jean-Jacques Eydelie à l’extérieur. Fernandez trouve des excuses en disant que si Duncker n’avait pas trouvé la barre après 12 secondes, le match était gagné. Peut-être oui. Ou peut-être non. « Le LOSC déçoit d’entrée ! » pointe la Voix, « à l’image de Frank Pingel, encore juste physiquement, le LOSC était dans un jour sans ». En semaine, le ton a changé par rapport à l’optimisme de la fin d’avant-saison : « Ce LOSC qui laisse perplexe ». Frank Pingel : « c’est très difficile, car il y a beaucoup de joueurs qui ne se connaissent pas encore très bien. Il faut qu’on joue plus de matches ensemble (…) J’ai fait un mauvais match. Je ne savais pas où courir. Je peux faire beaucoup mieux » (28 juillet). On espère, oui. Cela tombe bien : les 2e et 3e journées sont espacées d’une dizaine de jours pour cause de trêve internationale : on va pouvoir bosser. On en profite même pour faire un match amical contre Valenciennes. Devinez le score : 0-0, bien entendu ! Surtout, le LOSC montre un sale visage, avec « un coup de sang de Duncker sur Tourenne » et une bagarre générale. La Voix du Nord interroge : « Y a -t-il vraiment 2 divisions d’écart entre l’USVA et le LOSC ? » (31 juillet). Réponse : oui, le LOSC était en D1 et l’USVA en N1, ils sont bêtes ou quoi à la Voix ?
Pour la troisième journée, le LOSC arrache enfin son premier point de la saison, à Saint-Etienne (1-1) : et encore, parce que Nadon arrête un pénalty alors que l’on est menés, et parce qu’un faux rebond trompe Coupet sur l’égalisation de Sibierski. La Voix du Nord place Pingel en 3e poisition de son Top 5 : « il a réalisé sa première bonne performance avec le LOSC et a pesé de tout son poids sur la défense stéphannoise ! » Pauvre défense ! Fernandez est satisfait : « les joueurs commencent à trouver leurs marques. Pingel, par exemple, a été meilleur ». Cette fois, la saison semble lancée. Recevoir le promu guingampais est une excellente occasion de confirmer les bonnes dispositions vues à Geoffroy-Guichard. Jean Fernandez fait confiance aux mêmes. Résultat : 0-3 ! L’attaque est « aux abonnés absents » (10 août), le public scande le nom d’Assadourian et les premiers « Fernandez, démission » son entendus. Pas un mot sur la performance de Frank Pingel dans le compte-rendu du match.
Dans la semaine, Jean Fernandez est interviewé par la Voix du Nord. Une excellente question lui est posée : « pourquoi persister à faire jouer Frank Pingel alors qu’il n’est pas encore dans le coup, pourquoi ne pas essayer Boutoille d’entrée ? ». Réponse prodigieuse : « c’est simple, si Pingel ne joue pas, il ne reviendra jamais dans le coup. Je sais que c’est un handicap, mais il faut l’accepter » (15 août). En gros, Fernandez est en train d’expliquer qu’on joue quasiment à 10 depuis le début de saison, mais qu’on doit s’y faire, un jour ça nous permettra d’être à 11 !
On reparle de la possibilité de faire venir un joker : le nom d’Anthony Garcia revient.
19 août, 5e journée, Lille se déplace à Cannes. Fernandez redit, des fois qu’on aurait mal compris : « nous n’avons pas été épargnés par les blessures, et des joueurs comme Sibierski ou Pingel sont encore loin de leur meilleur niveau ». Et cette fois, le président s’exprime, en mettant en cause l’entraîneur dans la gestion du recrutement : « les deuxièmes mi-temps disputés contre Bastia d’abord, puis devant Guingamp me laissent pantelant. J’ai dit aux joueurs qu’ils avaient été calamiteux ! Je tenais à leur faire part de mon mécontentement. Je leur ai expliqué qu’avec ces deux mi-temps, ils avaient cassé tout ce qui avait été fait par toute l’équipe dirigeante, le staff technique et eux-mêmes, depuis un peu plus d’un an. Nous pensions avoir franchi une étape. Tout l’environnement du club sentait qu’il y avait un mieux. Et puis, cette saison, nous avons opéré un recrutement un peu plus ambitieux et j’avais accordé toute ma confiance à Jean Fernandez en ce domaine. Et nos espoirs ont été fort déçus. J’ai demandé aux joueurs d prendre leurs responsabilités et je leur ai dit que je m’étonnais que des professionnels puissent baisser les bras de la sorte. À chaque fois que nous prenons un but, ensuite, c’est la débandade » (19 août). Toutefois, Bernard Lecomte n’envisage pas de se séparer de Jean Fernandez. C’est pourquoi, après une nouvelle défaite à Cannes (1-2), Fernandez est viré, remplacé par Jean-Michel Cavalli.
Et là, on va désormais très peu parler de Pingel, qui se blesse de toute façon à la cheville, ce qui permet à a Voix du Nord de militer d’autant plus pour une titularisation de Djezon Boutoille pour la réception du champion nantais : « il ne serait pas vraiment étonnant d’assister à la première titularisation de Djezon Boutoille, qui a prouvé à chacune de ses apparitions qu’il méritait mieux qu’un simple rôle de remplaçant. D’ailleurs, Frank Pingel s’étant blessé à la cheville, la côte du jeune attaquant nordiste a encore grimpé ces dernières heures » (25 août). Lille prend son deuxième point de la saison (0-0), avec un peu de chance : N’Doram manque un pénalty. Le Danois est ensuite absent à Monaco (1-2). Il fait son retour pour le derby contre Lens le 9 septembre, en entrant en jeu à la 54e minute ; on note qu’il est « auteur d’une bonne reprise de la tête (67e) » (10 septembre). Insuffisant pour éviter la défaite (1-3).
Un ange parti trop tôt
Et puis, stupeur, un encadré le 15 septembre interroge « Pingel sur le départ ? Surprise hier, au LOSC. Frank Pingel, bien que présent à l’entraînement, ne posa pas avec ses coéquipiers pour la photo officielle du club. Le Danois, qui n’a guère joué jusqu’ici, serait en effet sur le départ… Jean-Michel Cavalli, puis le président Lecomte, n’ont pas nié par ailleurs qu’un joker – offensif, vraisemblablement – pourrait être engagé rapidement si le dossier Pingel évolue favorablement ».
Le lendemain, c’est jour de match à Gueugnon, relégable également. Pingel est annoncé partant : « Un joli flop, qui aura au moins le mérite de précipiter, si tout va bien, la venue d’un joker. À ce sujet, suivez la piste Miladin Becanovic. Ce monténégrin était venu en stage durant l’intersaison, intéressa Jean Fernandez, mais s’avéra trop cher. Toujours sur le marché après avoir été testé à Nantes, ses exigences pourraient avoir été revues à la baisse ». Les choses sont désormais claires : Cavalli considère que Pingel ne fait plus partie de l’effectif (« quand un joueur désire partir, il ne va pas mourir pour le club »), et c’est bien pour cette raison qu’il n’était pas sur la photo officielle.
On craint un moment que le merdier de l’intersaison ne reprenne : Becanovic a été spontanément évoqué, mais on parle aussi d’un retour d’Assadourian, de Joël Tiéhi, de Roger Boli… La situation est critique, puisque Lille s’est de nouveau incliné à Gueugnon (1-3), en dépit des débuts de Thierry Rabat.
Frank Pingel quitte donc le LOSC. On apprend qu’un arrangement a été trouvé grâce à la médiation de Jacob Friis-Hansen : Frank Pingel renonce à toucher des indemnités : « Grand seigneur, le Danois a compris que sa place n’était plus au LOSC et ne s’est pas montré exigeant » (23 septembre). C’est pas « gros » seigneur, plutôt ? De retour au Danemark, il signe à Aarhus Fremad en D3 danoise. Marrant qu’en France, on n’avait pas capté qu’il était cramé, mais là-bas apparemment si.
La veille, juste avant la réceptiondu Havre, considérée comme le match de la dernière chance, Bernard Lecomte avait rappelé les errements lillois au cours de ce mercato : « j’assume mes responsabilités. À l’intersaison, j’ai pensé qu’il fallait laisser Jean Fernandez agir. À mes yeux, c’était un gage de réussite. Je ne suis pas encore assez technicien pour avoir des avis. Cela dit, Thierry Bonalair, je l’aimais bien. Ça m’aurait fait plaisir qu’il reste. Comme Assad d’ailleurs. Parallèlement, Jean m’a dit que faire venir des gens qui ont de la bouteille, ce n’était pas mauvais pour les jeunes. Il y avait une certaine logique là-dedans. Je lui ai fait confiance. À présent, des voix s’élèvent. Mais à l’époque, personne n’a bougé ».
Le soir-même, Lille reçoit Le Havre et s’impose enfin. 13 minutes après être entré en jeu, Becanovic marque son seul but de la saison en championnat. L’espoir renaît, et Lille parvient rapidement à recoller à la ligne de flottaison. La saison fut pénible, mais l’essentiel a été atteint : le club reste en D1 en mai 1996.
Nous avons principalement mis l’accent sur Frank Pingel dans cet article, qui symbolise le mieux les tergiversations et les échecs de ce mercato 1995, mais c’est bien l’ensemble du processus qui a été manqué. Mis à part Jean-Marie Aubry, Patrick Collot et Pascal Cygan, on ne peut pas dire que les recrues de cet été aient laissé un grand souvenir au club : un Thierry Rabat mi-figue mi-raisin, un Geza Meszoly sur courant alternatif, Philippe Périlleux et Amara Simba sur le déclin, Joël Germain trop obèse, qui n’a joué qu’en début de saison… Les nombreuses mises à l’essai ont aussi témoigné de ces errements : Bozovic, alors qu’il avait été bon, est finalement relâché parce que Fernandez veut subitement renforcer son milieu. Sans oublier le départ de joueurs cadres qu’un petit effort auraient permis de conserver, comme Thierry Bonalair. Si les contraintes budgétaires du club expliquent en grande partie le retard du recrutement et l’impréparation physique de l’attaque, on peut a posteriori affirmer que Fernandez a sans doute, à tort, voulu chambouler un effectif qui, s’il n’offrait certes pas beaucoup de spectacle, proposait un jeu cohérent qu’il était délicat de vouloir transformer, du moins avec des joueurs de la qualité de ceux que le LOSC pouvait se payer. A l’arrivée, un départ catastrophique, et la nécessité de faire appel à de nouveaux joueurs : outre Becanovic, Denis Abed arrive en janvier 1996. Ah, aux derniers nouvelles, Frank Pingel travaille pour une boîte d’informatique, au Danemark. Il s’y occupe de « Logistics & Warehouse« , si l’on en croit le site de l’entreprise. On ne sait pas trop ce que ça veut dire. Mais c’est toujours moins mystérieux que son recrutement en 1995.
FC Notes :
1 31 descentes, c’est 3 descentes par saison, sauf en 1997 : 4 descentes. Parmi les descentes, on compte celle de Marseille, administrative, en 1994, avec 56 buts marqués. Mais si ça n’avait pas été Marseille, c’était Martigues, 18e, avec 37 buts marqués, donc ça ne change rien à nos statistiques.
2 La Voix du Nord, 6 juin 1995. Pour la suite des références, on ne va mettre que les dates entre parenthèses : tout est issu de la Voix du Nord.
Laisser un commentaire
Vous pouvez vous exprimer.
0 commentaire
Nous aimerions connaître la vôtre!