Archiver pour juillet 2017
Posté le 24 juillet 2017 - par dbclosc
2000/2001 : retour triomphal dans l’élite
Suite de nos bilans des saisons passées du LOSC. Après 3 ans à l’étage inférieur et dans la foulée d’un exercice 1999/2000 au cours duquel le LOSC a marché sur la D2, le club retrouve l’élite avec une prudente et réaliste ambition à la hauteur de ses moyens et de ses qualités supposées : le maintien. À la surprise générale, le LOSC est en course (presque) jusqu’au bout pour le titre, et décroche une place inespérée pour le tour préliminaire de Ligue des Champions. Putain, comme c’était bon !
Bon c’est pas le tout d’avoir enfin trouvé un entraîneur (depuis 18 mois), d’avoir formé un groupe (depuis un an) et de s’être éclatés en D2 l’année précédente, nous voici désormais à l’échelon supérieur. Quiconque a connu sa socialisation footballistique avec le LOSC dans les années 1990 sait que « LOSC » et « D1 » forment une association loin d’être évidente et plutôt porteuse d’ennui et de souffrances. Par ailleurs, hormis, curieusement, les 3 promus de la saison précédente, la saison qui suit une montée en D1 est souvent synonyme de lutte pour le maintien1. Pour donner un petit aperçu qu’il faudrait affiner en fonction du « degré » de domination en D2, sur 28 descentes de D1 en D2 dans les années 1990, 7 concernaient des équipes qui étaient montées l’année précédente, et 5 concernaient des équipes montées 2 ans avant2. En gros, on a beau avoir dominé en D2, on a 1 chance sur 2 de la retrouver dans les 2 ans.
Cependant, le club a changé. Comme on l’avait vu, le LOSC 1999/2000 n’a pas joué son avenir que sur le terrain. La municipalité de Lille a cédé ses parts de la SAEM LOSC-Lille-Métropole au duo de repreneurs Luc Dayan/ Francis Graille. Le LOSC a donc fait son entrée dans la privatisation, mutation considérée à tort ou à raison comme la seule qui puisse permettre de jouer dans la cour des grands. Xavier Thuilot et Frédéric Paquet sont arrivés ; Pierre Dréossi passe de directeur sportif à directeur général ; Stéphane Pauwels passe de la pub à la gestion du groupe… En outre, le stade Grimonprez-Jooris change : les « Secondes » sont désormais surmontées d’une seconde tribune ; avec la réorganisation des places dans le stade, Grimonprez-Jooris passe lors de l’intersaison d’une capacité de 16 000 à 21 000 places. Le club se structure : le gage d’une saison sans trembler ?
Les nouvelles têtes
Deux regrets lors de cette intersaison : le club entérine deux départs, et pas des moindres : les contrats de Carl Tourenne et de Frédérik Viseux n’ont pas été prolongés. Carl Tourenne est l’un des rares à avoir connu les 3 saisons de D2, en étant toujours régulier. Il s’engage avec Troyes, où il réalise encore 6 belles saisons en D1/L1 puis en L2. Quant à Frédérik Viseux, sa première saison a été gâchée par les blessures, mais il a réalisé une formidable saison 99/2000, mettant en avant ses qualités de vitesse et la précision de ses centres, rappelant par là qu’il a commencé sa carrière au poste d’attaquant. Comme en 1998 avec Sochaux, il laisse le club qu’il a largement contribué à faire monter filer en D1. Il fait une dernière saison pro en D2, à Caen, avant de partir en Corse, en 5e division, à seulement 30 ans… Curieuse fin de carrière. Bref, dommage.
Christophe Pignol est le premier arrivé : dès la saison précédente, son transfert avait été officialisé. Il est a priori la recrue idéale : joueur expérimenté, doté d’un pied gauche précis, bon centreur, parfois tireur de coups-francs, il a fait ses preuves en D1, notamment en conquérant le titre de champion avec Nantes en 1995.
Monégasque depuis 1997, il a vu son temps de jeu diminuer, si bien que même s’il est à nouveau champion en 2000, c’est avec seulement 5 matches joués, le côté gauche de la défense monégasque revenant à Philippe Léonard. Il prend part à 18 matches cette saison, avant de tomber gravement malade et de devoir mettre un terme à sa carrière professionnelle (voir plus bas).
Grégory Wimbée n’a jamais fait l’unanimité à Lille parmi les supporters. Un constat manifestement partagé par la direction du club, qui part en quête d’un nouveau numéro 1. Son choix s’arrête sur Teddy Richert, barré à Bordeaux par Ulrich Ramé. Formé à Toulouse, il participe à la remontée du TFC en D1 en 1996/1997, puis joue durant 2 saisons en D1. À Bordeaux, il ne joue qu’un match (en Ligue des Champions). Titulaire lors du premier match contre Monaco, il se blesse dans la semaine (voir plus bas). Confronté à la renaissance de Greg Wimbée, indéboulonnable, on ne le revoit plus sous le maillot lillois. C’est finalement à Sochaux qu’il s’épanouira.
Stéphane Pichot vient de Laval et remplace Frédérik Viseux. Un choix curieux tant Fred avait été bon, mais aussi parce que Stéphane Pichot est un milieu défensif ; c’est donc au LOSC qu’il se reconvertit arrière droit. Moins rapide et moins précis dans les centres que son prédécesseur, il laisse un bon souvenir tant sa simplicité dans le jeu et sa combativité collaient bien aux valeurs de ce groupe. Il reste 4 ans au club avant de rejoindre Halilhodzic à Paris.
Longtemps, la rumeur Davor Suker a fait rêver… Mais c’est le Danois Mikkel Beck qui sera l’avant-centre du LOSC. Il a disputé l’Euro avec son pays, éliminé dès le premier tour. Il est même entré en jeu contre la France. Il sort d’une saison agitée puisqu’il a joué (et marqué) dans 4 clubs différents : Derby County, Nottingham Forest, Queens Park Rangers et Alborg, pour un total de 37 matches et de 14 buts. Beck n’a cependant pas souvent marqué beaucoup : on constatera parfois son manque d’efficacité. Sa principale qualité est le jeu de tête, qu’il utilise à merveille pour servir de point d’ancrage devant et dévier vers ses équipiers. Sans démériter, il perd progressivement sa place de titulaire au profit de Dagui Bakari, dont la progression est spectaculaire, et n’est titularisé, jusqu’à son départ, que pour le faire souffler.
Sylvain N’Diaye arrive pour remplacer Carl Tourenne au milieu. Et comme pour Pichot qui remplace Viseux, on se demande dans un premier temps à quoi ça rime d’aller chercher un joueur de D2 qu’on ne connaît pas trop, même s’il a été titulaire à Toulouse, une équipe qui est aussi montée… Et finalement, N’Diaye s’impose rapidement comme un maillon essentiel du milieu de terrain, aux côtés de Fernando D’Amico. Excellent à la récupération, il est un peu plus offensif que son coéquipier argentin et initie beaucoup d’attaques grâce à sa qualité de passe (voir le résumé de Lille-Monaco plus bas, par exemple). Doté d’une excellente frappe de balle – des deux pieds3 – il s’avère être le joueur le plus doué techniquement de l’effectif, avec Bruno Cheyrou.
Edvin Murati vient du PSG, où il est constamment barré. Du coup, il se distingue de temps à autre en coupes nationales. Avec ses quelques matches en D1, cet Albanais est finalement un des plus expérimentés du groupe, et pourrait bien être une des révélations de la saison. Jusque là, il est surtout connu pour son histoire singulière : profitant d’un déplacement du Partizan Tirana aux Pays-Bas en 1991, il demande à l’entraîneur de figurer dans l’équipe première alors qu’il n’est que Junior, mais pas Tallo, par chance. Demande acceptée : Edvin a son visa. Et à la fin du match, il fugue vers l’Allemagne, avant de rejoindre la France par la forêt. En fait, Murati est le fils du pâtissier de Ramiz Alia, premier secrétaire du Parti communiste albanais de l’époque. De là à se dire que ça commençait à sentir le roussi pour les Murati à partir de 1991, il n’y a qu’un pas que nous franchissons allègrement. Communiste ou pas, Murati joue sur l’aile gauche ; il aime bien tenter les corners directs. Confronté à l’émergence de Bruno Cheyrou, il joue finalement assez peu. Plus de détails sur sa vie ici.
Le 1er août 2000, on aperçoit à l’entraînement une silhouette inconnue, dont on apprend rapidement qu’elle est australienne, d’origine macédonienne : dans le genre « Doukisor », c’est pas mal. Après un essai de quelques semaines, Mile Sterjovski signe au LOSC en septembre, avant de filer aux Jeux Olympiques avec sa sélection à Sydney. 3 défaites plus tard, il refait 17 000 kilomètres dans l’autre sens, se remet en forme, et débute en D1 à Marseille fin octobre. Il a récemment raconté sur le site du LOSC les conditions de son arrivée : une vidéo réalisée par son agent, envoyée à plusieurs clubs européens : « mon clip est arrivé entre les mains des recruteurs lillois, puis des dirigeants, jusqu’à ce qu’elle parvienne à Vahid Halilhodzic, l’entraîneur ». Une technique de recrutement qui a déjà fait ses preuves avec D’Amico, un an auparavant. Comme on l’a déjà écrit, il a été une valeur sûre, et fait partie des rares joueurs qui ont à la fois eu les faveurs d’Halilhodzic et de Puel, même s’il n’a jamais été vraiment titulaire indiscutable. Il est de ceux qu’on a appelés les « remplaçaires » : 91 matches en 4 ans, mais seulement 48 titularisations, et 15 buts, dont un fameux doublé contre le PSG en décembre 2000. Signe particulier : spécialiste de la frappe sur le poteau.
Au total, le montant des transferts s’élève à environ 40 MF, l’équivalent de 6M€ : c’est très modeste. Le club reste le 15e budget de D1. 11 joueurs vont la découvrir : Allibert, Pichot, Ecker, Delpierre, Hammadou, Agasson, les Cheyrou, D’Amico, Dernis, Bakari, auxquels ont peut ajouter Beck, Fahmi, et Sterjovski, plus expérimentés mais novices à ce niveau en France. Les expériences de N’Diaye (1 match en D1, et 11 en Jupiler League), Landrin (2 matches), Peyrelade (21 matches, 1 but) et Valois (2 matches) sont faméliques à ce niveau. Greg Wimbée n’a fait que deux saisons dans l’élite (dont une où il est blessé 6 mois). Les plus expérimentés sont donc Teddy Richert, Edvin Murati, Didier Santini, Christophe Pignol, ainsi que 3 joueurs qui ont connu la D1 avec le LOSC : Djezon Boutoille, Patrick Collot, et Pascal Cygan. Mais ces joueurs en veulent, on aura vite l’occasion de le vérifier : ils s’inscrivent dans la lignée du groupe né un an auparavant, période que Fernando D’Amico et Grégory Wimbée nous ont évoquée.
Une semaine avant la reprise du championnat, le LOSC s’incline en amical contre Beauvais (0-1) après une prestation assez indigente : la rumeur dit que Vahid est directement parti en voiture à l’issue du match, sans repasser par le vestiaire. Dans la semaine, il fout un bon coup de pression en déclarant : « on n’est pas prêts ». On n’ose imaginer l’issue de la saison si on avait été prêts…
Comment qu’on joue ?
On a donc des craintes durant cette avant-saison, et d’autant plus quand on sait qu’on reçoit le champion monégasque, quoique déforcé de ses meilleurs éléments (Barthez, Trezeguet, Lamouchi et Sagnol), mais a priori correctement remplacés4. En ce 29 juillet 2000, si l’orage du siècle menace un temps la bonne tenue de la rencontre, le beau temps revient en soirée et Grimonprez-Jooris retrouve la D1 38 mois après sa dernière : c’était un nul contre Le Havre (2-2) (également sous l’orage), qui officialisait la descente du LOSC. L’ambiance est excellente. Voyez comme les Secondes sont belles ! Et on est vite rassurés : si Monaco mène à la mi-temps, l’équipe joue collectivement, et le milieu de terrain D’Amico-N’Diaye-Agasson-Cheyrou prend régulièrement le dessus sur l’adversaire. Logiquement, Lille égalise en début de seconde mi-temps, à la suite d’une action encore bien construite : Bruno Cheyrou succède à Miladin Becanovic au palmarès des buteurs lillois en D1. Sous des applaudissements nourris, le LOSC décroche son premier point de la saison.
Il est difficile de dégager une équipe-type au cours de cette saison, en tout cas devant, tant l’effectif a tourné notamment car se sont révélés des joueurs que l’on n’attendait pas à ce niveau. Si la zone défensive a assez peu tourné (en gros : Wimbée ; Pichot, Fahmi5, Cygan, Ecker ; D’Amico, N’Diaye), les émergences de Cheyrou et de Bakari notamment après la trêve, la confirmation Landrin, l’efficacité de Peyrelade, la polyvalence de Sterjovski, ont progressivement réduit les rôles de Beck, Murati et Agasson à celui de remplaçants, tandis que Boutoille a souvent été ennuyé par des blessures. Si bien que derrière l’ossature défensive à une trentaine de matches, on trouve une dizaine de joueurs aux alentours de 20 matches joués, selon qu’ils aient plutôt joué en début de saison (Beck, Pignol, Agasson, Murati) ou qu’ils aient été régulièrement titulaires dans le sprint final (Bakari, Cheyrou, Landrin, Sterjovski, Peyrelade), tandis que les « vieux » Boutoille et Collot ont joué toute l’année, à une fréquence moyenne. La disparition d’Agasson est assez mystérieuse : au cours des 15 premières journées, il apparaît 14 fois, avec 9 titularisations, en étant d’ailleurs très bon. Une blessure l’éloigne des terrains à l’automne, et il ne réapparaît pas. D’aucuns ont évoqué un conflit avec Halilhodzic, mais Ted nous a démenti les propos de G. Tafforeau. Voilà ce que ça donne :
On note les rares apparitions de Valois (9 matches, 1 but), Santini (7 matches) et Allibert (2 matches, suite à une expulsion de Greg Wimbée à Sedan), et les premiers pas en D1 de Delpierre et Be. Cheyrou (8 matches), Dernis (2 matches), et Hammadou (1 match).
Si on devait résumer grossièrement quelques traits du jeu lillois, le début de saison a été marqué par un jeu direct, souvent fait de longs ballons depuis l’arrière cherchant les déviations de Mikkel Beck, mais aussi par le rôle important donné à des arrières latéraux parfois très offensifs : à ce titre, le match contre le PSG symbolise deux constructions-types des buts du LOSC en cette première partie de saison (voir le résumé plus bas). Sur le premier, Ecker balance à 30 mètres du but adverse sur la tête du Danois qui, en prolongeant vers Sterjovski, élimine 2 adversaires. l’Australien se retrouve alors seul face à Létizi et le bat de près. Sur le deuxième, après une importante séquence de possession, Pignol est lancé côté gauche, à nouveau par Ecker, et centre sur la tête de Sterjovski aux 6 mètres. Mais à mesure que la saison avance, le jeu lillois se diversifie, ne serait-ce que parce que l’avant-centre désormais titulaire, Bakari, propose un éventail de solutions bien plus grand. Le jeu collectif se met aussi en place en position offensive : c’est par exemple le cas du deuxième but de Bruno Cheyrou à Paris, suite à une action en triangle à une touche de balle avec N’Diaye et Landrin.
Wimbée revient, le LOSC prend la tête
En plus de souvent prendre la tête des Lensois, le LOSC prend aussi la tête du championnat : dès la 3e journée, suite aux deux premières victoires de la saison, Lille est seul devant, avec 7 points. En effet, pour sa première sortie à l’extérieur, l’équipe est allée gagner à Strasbourg, 4-0 ! Les Alsaciens sont complètement à la rue, et Vahid est bien content d’avoir piégé cette équipe « qui nous a pris de haut. Même dans la presse régionale… J’ai dit aux gars de se bouger. Et on les a aussi piégés tactiquement, car j’ai mis 3 attaquants ». Apparemment, on ne fait pas de complexe. Edvin Murati, buteur, est même crédité d’un 6/6 dans France football. Joie ultime, Patrick Collot inscrit un doublé, sous les vivas ironiques du stade la Meinau qui encourage les passes lilloises avec des « olé ! ». Et dès la semaine suivante, Lille confirme avec une victoire contre Rennes (1-0), grâce à un but de Pascal Cygan, et à une belle performance de Grégory Wimbée dans les buts. Lille 1er, meilleure attaque, meilleure défense : on croit rêver.
Cependant, un petit bémol dans cette euphorie estivale : le 1er août, à l’entraînement, Teddy Richert, au cours d’un exercice banal (saut de haie, roulade et enchaînement sur un plongeon), ne se relève pas. La blessure est grave : rupture totale du tendon d’Achille. Une « tuile », selon la Voix du Nord. Pour Teddy Richert, assurément. Pour le LOSC aussi, pense-t-on : il est vrai que Richert avait fait d’excellents matches amicaux, et avait assuré contre Monaco. « Cette blessure est une catastrophe. C’est un coup dur à la fois pour lui et pour le LOSC. Il était venu chez nous pour se relancer… On était bien contents du joueur et de l’homme. On est doublement déçus car nous avions le sentiment que nous ne nous étions pas trompés à son sujet » commente Pierre Dréossi. C’est donc dans ces circonstances que Greg Wimbée retrouve sa place de titulaire, dès la 2e journée à Strasbourg.
Premières (et seules) difficultés à la fin de l’été
Il fallait bien que ça arrive : Lille s’incline à Sedan, malgré une belle prestation et des occasions manquées (0-1). Le but survient après un coup-franc pour une prétendue faute de Greg Wimbée hors de sa surface sur Mionnet. En prime, et pour changer, Greg est expulsé. Le LOSC enchaîne ensuite avec le « D’Amicoco » : une victoire face à Metz, où joue Patricio, le jumeau. Avec Allibert dans le but, malgré un pénalty manqué par Murati à 1-1. On découvre alors en Dagui Bakari un buteur esthétique : sur une ouverture de Pignol, il réalise un superbe enchaînement contrôle du droit/volée pied gauche qui bat Mondragon ; par ailleurs, Beck inscrit son premier but sous nos couleurs, c’est bon pour la confiance. Le doute s’installe ensuite, le temps de 2 matches : une défaite à Bastia (0-1), et un premier revers à domicile contre Troyes (1-2), où l’équipe a semblé nettement moins à l’aise. Il faut dire qu’outre Richert, se sont récemment blessés Fahmi, D’Amico, Collot et Murati. Contre Troyes, Bakari manque une grosse occasion en fin de match, Wimbée est chahuté, l’entrée de Valois fait rigoler tout le monde, et Carl Tourenne, pour son retour à Grimonprez, est chaleureusement applaudi6 – à juste titre, mais on peut aussi y voir, déjà, la nostalgie de l’année précédente. Surtout Lille est largement dominé et se ventremouise, une expression dont je ne suis pas peu fier. Le doute s’installe : ça va être compliqué.
Septembre : Saint-Etienne et Lens, le tournant
Se profile alors un match à Saint-Etienne. Grégory Wimbée est sévèrement mis en cause dans la Voix du Nord le jour du match. On en a abondamment parlé ici. Lille est rapidement mené 0-1, Beck manque une occasion invraisemblable, seul aux six-mètres, puis bute sur le gardien stéphanois d’une tête à bout portant. Puis, miracle : Beck égalise grâce à un but idiot, que nous avons logiquement classé 1er de notre top buts à la con. Et si on n’avait rien à faire de nos vies, on classerait son commentaire sur Fréquence Nord également premier dans la catégorie « j’oublie que je fais de la radio et que je dois décrire un minimum ce qui se passe, parce que les auditeurs n’ont pas l’image. Je mets donc 30 secondes pour annoncer que Lille a marqué ». Il m’a saoulé celui-là, parce que voilà comment ça se passait : le match était diffusé sur Canal, mais on n’avait pas Canal. Donc quand il y avait un match important, on descendait de nos chambres quand y avait un but pour interrompre le programme télévisuel des parents et voir le but en brouillé. Et ben là on l’a raté du coup, et on a dû attendre le lendemain midi pour le voir au résumé de France 3 Nord. Pauvre type !
Dégagement à chier de Levitsky, commentaire en dessous de tout : tout le monde se met au diapason. Sauf Grégory Wimbée, qui réalise ce jour là une prestation de haute volée, avec 5 arrêts décisifs face à Alex, Panov et Pédron. Revanchard après l’article qu’il estimait « injuste et orienté », il répond de la meilleure des manières et commence presque une nouvelle carrière. Désormais inamovible, il multiplie les grosses performances : au cours de la saison, on se rappelle notamment ses prestations, par exemple, à Lyon, contre Sedan, ou à Toulouse. La semaine suivante, le derby est de retour à Grimonprez. Les supporters chantent avant même l’échauffement : l’ambiance est festive. Lens mène logiquement à la mi-temps 1-0. Brunel, et surtout Sibierski, auraient pu doubler la mise : mais Wimbée, décisif, remporte son face-à-face. La deuxième mi-temps est entièrement lilloise, mais ce n’est qu’en fin de match que le LOSC fait la différence : une habitude déjà bien ancrée et qui a encore de beaux jours devant elle. C’est déjà la 4e fois de la saison que Lille revient après avoir été mené. Sous l’impulsion de ses remplaçants, Lille fait céder Lens aux 85e et 90e minutes, qui perd la tête du championnat. Agasson, d’abord : entré en jeu à la 69e, il envoie une espèce de cloche 50% tactique Vahid/ 50% au petit bonheur la chance, vers le point de pénalty où Beck s’impose évidemment et dévie vers Bakari, en jeu depuis 8 minutes, qui égalise. 5 minutes plus tard, pendant qu’entretemps Queudrue a été expulsé, N’Diaye centre vers Bakari qui, en feintant une prise de balle, emmène deux Lensois et libère Peyrelade : sur son premier ballon, Lolo envoie le ballon dans la lucarne de Gugusse Warmousse. Délire. Cerise sur l’Hitoto : Sakho trouve le poteau à la dernière seconde. Longue fête entre le public et les joueurs après le match. Renversement de situation, hargne jusqu’à la dernière seconde, gardien décisif, implication de tous, entraîneur en état de grâce, réussite maximale : ce match symbolise la saison en même temps qu’il la lance, et le LOSC y jouera les premiers rôles.
Lolo, Fernando, Dagui en joie, et Rool dans les choux : peut-on faire meilleure photo ?
Dès lors, et jusqu’à la trêve, le LOSC se positionne tranquillement entre la 3e et la 6e place, réussissant çà et là quelques solides perfs (victoires à Marseille, à Lyon, contre Paris, nul à Nantes), gagnant avec beaucoup de réussite (contre Sedan, ci-dessous : Wimbée infranchissable et 3 poteaux sedannais. Troyes, l’année suivante, a fait encore mieux), gagnant sans histoire (Toulouse), perdant aussi bêtement quelques points (nuls contre Guingamp, Auxerre et Strasbourg à Grimonprez), et perdant tout de même, avec les honneurs et sur la fin à Bordeaux, malgré, encore, un grand Wimbée (0-1), et de façon plus quelconque à Rennes (0-2). L’effectif tourne bien sans que cette rotation n’altère les performances : ainsi, la victoire à Lyon est acquise avec Delpierre et Be. Cheyrou titulaires. Sur ce match comme sur les autres, l’équipe impressionne par sa combativité et sa solidarité. Jean-Michel Aulas, après la victoire des Dogues, réagit : « dans une équipe avec beaucoup d’individualités comme la nôtre, le maillon le plus faible, c’est le collectif. Sur ce plan-là, Lille nous a été supérieur. Nous n’étions qu’à 50-60% de nos possibilités. Lille était à 120% ».
Message à l’attention de Nicolas Sachy : n’est pas Wimbée qui veut.
À la faveur d’une nouvelle victoire juste avant Noël contre Bastia, le LOSC se retrouve même 2e. Et nouvelle illustration que tout marche comme sur des roulettes, le buteur est Jean-Louis Valois, titulaire pour la première fois de la saison pour le récompenser d’un triplé inscrit en CFA le week-end précédent contre Calais : Vahid, présent dans les tribunes du Stadium, avait laissé à disposition de la réserve quelques pros, histoire de laver l’affront de l’élimination en coupe quelques mois auparavant. Une réussite : 4-0.
La version audio du 2e but de Sterjovski, pour nos amis malvoyants
Lille au sommet
Le début de l’année civile 2001 est médiocre. Deux éliminations en coupes (voir plus bas), puis une défaite à Troyes, après avoir pourtant ouvert le score (1-2) : voilà qui est inhabituel. On se dit que la trêve a brisé la dynamique ; que les adversaires connaissent cette équipe qui n’est plus une surprise ; ou que les joueurs se sont relâchés. La défaite à Troyes est d’autant plus dommageable qu’une victoire aurait permis à Lille de prendre la tête du championnat : il faut dire aussi que les leaders avancent lentement jusque là.
Comme lors de la phase aller, les 2 matches contre Saint-Etienne et Lens ouvrent une nouvelle phase dans la saison. Le 27 janvier 2001, le LOSC bat les Verts 4-1. Emmené par un Bakari décisif (on a parlé de ce match-charnière pour lui ici), Lille prend les commandes du championnat : ce n’était pas arrivée depuis 47 ans (exception faite du début de saison, après 3 journées) et une victoire le 29 novembre 1953 contre Toulouse grâce à un but de Vincent Strappe ; à l’issue de la saison, il y avait eu le dernier titre du LOSC. Les inquiétudes du début d’année sont levées : « à Auxerre, en coupe, on n’a pas vu le vrai LOSC. Il a fallu que je fasse passer un message très fort, sinon on courait à la catastrophe (…) Quand ils jouent comme ça, ils peuvent faire très mal à n’importe quelle équipe. Une heure avant le match, ils étaient tous là dans les vestiaires pour s’encourager, l’effectif pro au complet, y compris les blessés » commente Vahid, pour souligner une fois de plus la force du groupe. Groupe qui connaît un nouveau buteur : Fernando D’Amico est l’auteur du 4e but : ça mérite bien un gif.
40 points en 24 journées : Lille est sans doute un leader moyen, mais le sprint final est désormais lancé. Il commence par une étape à Lens. Chez des voisins au bord de la crise, Lille s’impose (1-0), presque 12 ans jour pour jour après la dernière victoire du LOSC à Bollaert7. Même si le match n’est pas grandiose, Lille maîtrise son sujet et n’est que rarement mis en danger. À l’arrivée, une victoire presque tranquille, sous les yeux d’un parcage en fête du début à la fin, avec de plus les péripéties liées à Louisette, à Martel, à Rool et à la banderole, allez : banderool (on en a parlé ici) ! Voyez comme cet après-match pue l’insouciance et le bonheur :
3 jours plus tard, duel entre les coleaders : Lille reçoit Nantes. À l’arrivée, un nul logique (1-1), même si le poteau de Sterjovski dans les arrêts de jeu laisse quelques regrets. Derrière, Nantes gagnera tout… Mais, en attendant, Lille gagne aussi, et garde la tête : 3 victoires consécutives, à Guingamp (1-0), contre Marseille (1-0), puis à Toulouse (2-0). Chaque fois, on s’attend à ce que l’équipe craque, mais elle tient, même privée de Cygan, Ecker et D’Amico à Guingamp ; même quand les poteaux sont cette fois défavorables (Sterjovski, deux fois contre Marseille) ; et même quand la défense est en difficulté : à Toulouse, Wimbée réalise encore des miracles (et M. Duhamel aussi, en refusant un but parfaitement valable aux Toulousains). Après 29 journées, le LOSC est toujours en tête, avec 53 points, tout comme Nantes (+16 contre + 15 de différence de buts). Il reste 5 matches, et le calendrier est corsé : Bordeaux, Auxerre, Lyon, Paris SG, Monaco. En attendant, le championnat s’arrête pour 3 semaines de trêve internationale : le LOSC part en stage au Maroc.
Turbulences extra-sportives au printemps
Durant le stage au Maroc, le club est perturbé par des affaires extra-sportives. Tout d’abord, c’est à ce moment que le groupe apprend que Christophe Pignol est atteint d’une grave maladie : c’est entre les matches de Bordeaux et d’Auxerre qu’une leucémie est diagnostiquée. Les joueurs se présentent à Auxerre avec des T. Shirt « Pour Christophe. Courage », acte bien dérisoire au regard de la souffrance de Pignol, mais en même temps nouvelle illustration de l’esprit de groupe qui règne à Lille. Durant plusieurs mois, les joueurs se sont relayés à son chevet et n’ont pas manqué d’exprimer publiquement leur soutien : on se rappelle notamment l’après-match contre Parme à Grimonprez, ou le but de Bassir contre Dortmund. Voir aussi Pascal Cygan plus bas, après la victoire à Monaco. Christophe Pignol a souligné combien ces marques d’affection l’avaient aidé dans les moments les plus difficiles, notamment à l’été 2001. Cette maladie marque la fin de sa carrière professionnelle, mais l’essentiel est que Christophe Pignol s’est parfaitement rétabli après un combat de plusieurs mois.
Et le LOSC change de président, selon l’alternance prévue entre Luc Dayan et Francis Graille au moment où ils ont repris le club. Le club passe en outre du statut de SAOS (société anonyme à objet sportif) à SASP (société anonyme sportive professionnelle), nouvelle étape dans la privatisation. Le problème est que si ces changements étaient dans l’air, le groupe apprend leur officialisation par la presse, depuis le Maroc. Autant dire que Vahid n’apprécie pas. Rien de bouleversant en soi, mais un gros couac de communication. Déjà sollicité pour ses performances sportives, Vahid fait savoir à qui veut bien le croire que son départ est imminent. Difficile de démêler le vrai du faux, de savoir qui manipule qui, mais la presse évoque les intérêts de Monaco, de Marseille et de l’Angleterre. Cela permet de faire monter les enchères, de faire pression pour obtenir des garanties auprès de la nouvelle présidence. Au menu, notamment : le budget pour la saison prochaine, et le serpent de mer du stade, avec cette problématique supplémentaire : où jouer en cas de qualification européenne ? En attendant, Vahid focalise l’attention sur lui, cependant que l’équipe a un match important à jouer contre Bordeaux ; c’est toujours ça d’espace et de pression médiatiques que l’équipe ne prend pas sur elle. Il n’empêche, le climat est soudainement lourd et, disons-le, on a peur que Vahid s’en aille. La Voix des sports n’est sans doute pas loin de la vérité quand elle annonce dans son édition du 2 avril 2001 que « l’annonce d’un départ possible de Vahid Halilhodzic a provoqué un véritable traumatisme chez les supporteurs ». Elle reproduit même une page de témoignages de lecteurs à l’attention de Vahid, lui demandant de rester.
Après un amical contre Créteil gagné 2-1 (Bakari et un csc), retour au championnat le vendredi 6 avril. Le LOSC reçoit Bordeaux, 4e et 4 points derrière. Vahid est longuement acclamé à son entrée durant l’échauffement des joueurs. Faussement modeste sous son parapluie multicolore, il désigne ses joueurs. Après un superbe match, les équipes se séparent sur un nul (2-2), en dépit d‘un but fantastique de Laurent Peyrelade. Nantes s’imposant le lendemain, Lille perd la tête du championnat. Lundi 9 avril, Vahid prend enfin la parole, dans L’équipe : il dit qu’il n’a pas pris sa décision, mais que sa famille est au courant ; il ne confirme ni n’infirme les rumeurs de rencontre avec Bernard Tapie, et laisse éclater sa colère quant aux derniers événements. Vahid réclame une clarification des rôles : « ici, la spécialité, c’est que le président n’est pas souvent là. Or, en son absence, certains peuvent se prendre pour lui. Cette saison, nous avons eu des résultats. Mais je sais comment cela a fonctionné. J’étais aussi là pour régler différents problèmes (…) Francis Graille m’a dit, et aussi aux joueurs, qu’il serait plus présent (…) Moi, dans l’organigramme, je suis en dixième position. Il y a pas mal de gens plus importants. Cela a causé pas mal de soucis. Mon seul pouvoir, ce sont mes résultats. À un moment donné, j’ai dit que ça ne pouvait pas continuer comme ça. Si je reste, il y aura beaucoup de changements. Casablanca a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ».
L’Europe au bout
Le LOSC est au ralenti. Bien sûr, les performances restent très bonnes, mais les ex-poursuivants se sont réveillés : après un nul à Auxerre (1-1), Lille est désormais 3e. Puis 4e après une défaite à domicile contre Lyon (1-2), pas franchement méritée eu égard au nombre d’occasions que se sont procurés les Lillois. Cette fois, c’est fini pour le titre, si tant est que ce fût possible. Mais l’UEFA est assurée, avant deux derniers déplacements, à Paris et à Monaco. Nantes est à 62 points, Lyon à 58, Bordeaux à 56 et Lille à 55. Sedan, 5e, est à 48. Vahid annonce qu’il reste.
« Avant le début du championnat, nous avions consulté le calendrier et nous avions vu que notre programme de fin de saison était délicat, avec ces deux déplacements à Paris puis à Monaco. Nous nous étions dit qu’il valait mieux assurer le maintien avant », déclare Laurent Peyrelade. Ce n’est pas le maintien qui est en jeu à Paris et à Monaco : c’est la possibilité de jouer en ligue des champions. Au parc, Lille s’en tire avec un nul (2-2) concédé à la dernière minute. Mais comme Bordeaux fait le même score à domicile contre Sedan, tout se jouera donc lors de la dernière journée. Plusieurs cas de figure sont possibles, mais mieux vaut gagner, en espérant que Bordeaux n’y parvienne pas à Metz. Par bonheur, c’est exactement ce qui arrive : Lille s’impose à Monaco, et Metz bat Bordeaux, sous les yeux inattentifs de Sylvain Kastendeuch depuis sa chambre d’hôpital. Le LOSC termine 3e, et jouera un tour préliminaire pour éventuellement accéder à la ligue des champions.
Le soir même, les Lillois font la fête à Juan les Pins. Et comme nous, on balance, voici les noms de ceux qui ont fini à poil dans la Méditerranée : Mikkel Beck, Patrick Collot, Mile Sterjovski et Christophe Landrin. Bravo les gars !
Le lendemain, les Lillois sont de retour à Lesquin à 16h43, accueillis par quelques centaines de supporters. c’est la fête devant l’hôtel de ville. On fête ce groupe venu de D2, ayant franchi à une vitesse-éclair l’écart qui le séparait du gratin, et qui semble mettre fin au long passage à vide depuis les dernières heures de gloire du LOSC, dans les années 1950. Le LOSC n’est plus une curiosité locale suscitant la moquerie ou la pitié. L’avenir est beau.
Les coupes :
Ce sera très rapide. Comme évoqué plus haut, Lille a été éliminé d’emblée dans les deux coupes nationales. D’abord à Bordeaux, en coupe de la ligue. France télévisions avait annoncé un duplex Bordeaux/Lille et Le Havre/Marseille en ce dimanche après-midi. Logiquement, tu te dis que quand t’as un duel entre 2 des 5 premiers de D1 d’un côté, et un autre entre une équipe de D2 et le 15e de D1, tu vas plutôt donner la priorité au match le plus prestigieux. Et ben on s’est tapés Le Havre/Marseille, avec quelques détours de 30 secondes toutes les 10 minutes à Bordeaux. Probablement un des plus gros scandales de l’histoire des retransmissions télévisées de la coupe de la ligue. Bon, de toute façon, il ne s’est pas passé grand chose. À la reprise en 2001, il y a eu un petit trou d’air : rebelote à Auxerre en coupe de France : défaite 0-1.
FC Notes :
1 Juste après leur montée en 1999, Saint-Etienne, Sedan et Troyes ont fini respectivement 6e, 7e et 14e, Stéphanois et Sedanais manquant l’Europe pour un un seul point, derrière Lens.
2 Valenciennes en 1993, Angers en 1994, Gueugnon en 1996, Nancy et Caen en 1997, Châteauroux en 1998 et Sochaux en 1999 sont descendus un an après être montés ; Nancy et Rennes en 1992, Nîmes en 1993, Toulouse en 1999 et Nancy en 2000 sont descendus 2 ans après être remontés.
3 Un à la fois hein.
4 Dans les faits, Porato à la place de Barthez, Dabo à la place de Lamouchi, Djetou à la place de Sagnol, ça n’a pas été aussi concluant que ça. Quant à Nonda, sa première saison est moyenne.
5 Fahmi a connu beaucoup de blessures : Ecker prenait donc sa place en défense central, et on trouvait Pignol à gauche (plus rarement, Santini en début de saison).
6 Carl Tourenne est d’ailleurs expulsé à quelques minutes de la fin, suite à une faute sur Br. Cheyrou. Dans un premier temps, Bruno se roule par terre, puis voyant que Tourenne est le fautif et qu’il risque de prendre un second jaune, il se relève soudainement… Trop tard, l’arbitre avait déjà la main à la poche.
7 C’était le 11 février 1989 : 2-1 pour Lille, Angloma (56e) et Wallemme csc (67e), contre Oudjani (90e).
Cet article vous a plu ? Normal, il est très bien. Mais vous en aimerez aussi d’autres !
Retrouvez nos bilans des saisons précédentes :
1992-1993, La fin d’une époque
1993-1994, Quand les supporters redécouvraient le spectacle (mais gardaient la défaite)
1994-1995, Le laborieux 1-0 triomphant
1995-1995, Le maintien et c’est tout
1996-1997, Une sacrée descente
1997-1998, à la place du con (1/2)
1998-1999, à la place du con (2/2)
1999-2000, Le LOSC marche sur la D2
Posté le 21 juillet 2017 - par dbclosc
Le mercato estival 2017 : un hommage explicite au passé
Peu l’ont remarqué, mais le recrutement 2017 du LOSC fait de très nombreuses références au passé du LOSC. Certaines mauvaises langues diraient qu’il y a là au mieux le fruit d’un heureux hasard. C’est bien évidemment faux, d’abord parce qu’on écrit un « heureux Hazard », et ensuite parce qu’il apparaît clair que l’un des critères premiers des recruteurs du LOSC fût que les joueurs aient des noms rappelant des gloires passées du club, ou au moins symbolisant ce passage de témoin.
On te présente aujourd’hui cinq joueurs s’inscrivant dans cette logique de recrutement.
Thiago Mendes : l’arrivée de Thiago Mendes ne s’inscrivait pas seulement dans une logique de recruter un excellent milieu défensif, mais visait aussi à s’inscrire dans un héritage losciste, en l’occurrence de celui de Ryan Mendes, l’attaquant cap-verdien qui a marqué le club. En 54 rencontres de L1, l’ancienne pépite du LOSC a ainsi marqué 7 buts.
Avec l’arrivée de Thiago, c’est un peu Ryan qui revit
Thiago Maia et Thiago Mendes : on vient de citer Thiago Mendes, mais ce dernier s’inscrit dans un double hommage. En effet, avec son compère Thiago Maia, on voit très bien l’hommage à l’autre paire de Thiago, Silva-Motta du Paris Saint-Germain. Une manière habile de symboliser que le Paris Saint-Germain sera bientôt remplacé par le LOSC.
Fodé Ballo-Touré : double symbole, là encore avec l’arrivée de Fodé Ballo-Touré. Comme pour l’arrivée des deux Thiago, l’arrivée d’un Parisien à Lille symbolise le passage de témoin entre le club de la capitale de France et celui d’une capitale plus importante, celle des Flandres. Surtout, si c’est Ballo-Touré qui a été recruté, c’est aussi en raison de la contrepétrie que permet son nom : Ballo Touré renvoie ainsi à Tallo bourré, une référence claire au jugement qu’on avait sur l’état de l’attaquant lorsqu’il tirait au but. Un symbole fort.
Comme dit l’adage, mieux vaut Ballo-Touré que Tallo, bourré
Nicolas Pépé : quoi faire de mieux, pour rendre un hommage au passé, que de recruter Pépé ? Référence explicite à tous ceux qui ont été récemment nos pépés, Franck Béria, Flo Balmont et Rio Mavuba. Mais, bien sûr, une référence à tous ces pépés du LOSC tels Charly Samoy ou Patrick Deschodt.
Joyeux, Rio voit bien que l’arrivée de Pépé est une sorte d’hommage pour lui
Luiz Araujo : l’arrivée de Luiz, c’est une référence explicite à la formation lilloise. A Julien De Araujo, bien sûr, formé au club puis revenu ensuite pour encadrer les jeunes de la réserve. Mais aussi, évidemment à Alexis Araujo, prêté l’an dernier à Dunkerque et dont on parlait il y a peu comme du « nouveau Hazard ». Peu de chances qu’Alexis suive la même trajectoire que le prodige belge, mais, à défaut d’être le « nouveau Hazard », on lui souhaite de devenir le « nouveau Salibur », ce qui ne serait pas mal du tout en fin de compte.
Posté le 13 juillet 2017 - par dbclosc
L’esprit club n’attend pas le nombre des années
Si la saison qui s’annonce fait naître des espoirs, elle engendre aussi son lot d’inquiétudes. Parmi ces craintes, celle de la « perte d’identité » du club qui serait le produit d’un « foot bizness » n’ayant que faire de l’attachement au club.
En revenant sur les années 1980, on constate que le LOSC compte dans ses rangs une part particulièrement élevée de joueurs ayant porté le maillot du club sur le long terme. Des joueurs comme Eric Péan et les frères Plancque apparaissent alors comme emblématiques du club qu’ils quittent tous les trois en 1987, chacun ayant passé au moins sept années dans le groupe professionnel. A ceux-ci, il faut ajouter pléthore de jeunes formés au club (Prissette, Lama, etc.) ou arrivés jeunes (Périlleux, Thomas, etc.) qui restent longtemps des cadres de l’équipe, étayant la thèse d’un âge d’or de l’identification au club.
Par contraste, l’équipe qui s’annonce la saison prochaine sera vraisemblablement composée de joueurs peu expérimentés au club. Ainsi, Adama Soumaoro, qui a débuté sous le maillot lillois il y a trois ans et demi, sera vraisemblablement le joueur le plus ancien de l’effectif si l’on juge actés les départs de Rio Mavuba et de Vincent Enyeama ; tandis que Mike Maignan et Yassine Benzia, deux ans au club chacun, risquent d’être ceux qui le suivent dans la hiérarchie de l’ancienneté. Alors, doit-on y voir la fin de l’ « esprit club » ?
La thèse de la fin de l’ « esprit club » à nuancer
Avant de conclure à la fin de l’ « esprit club », il est nécessaire d’examiner un peu plus en détail le contexte et ne pas omettre de souligner les arguments qui vont à revers de cette thèse. Ainsi, il faut prendre acte du fait que cette saison s’inscrit dans une volonté de reconstruction appelée de ses vœux à la fois par la présidence, mais aussi par nombre de joueurs, d’éléments du staff et peut-être plus encore par les supporters.
A ce titre, le profond renouvellement de l’effectif opéré aujourd’hui n’a rien d’inédit. Déjà, en 1989 et en 1990, le succès du LOSC en 1990/1991 s’était basé sur une refonte profonde de l’effectif, seuls Philippe Périlleux, Jean-Luc Buisine et Alain Fiard pouvant alors s’inscrire comme des relais de la génération précédente. De même, le LOSC de Vahid Halilhodzic, emblématique du renouveau des Dogues, doit aussi son succès à un profond renouvellement de l’effectif. D’ailleurs, taquins, on serait tentés de dire que même ceux qui sont restés n’étaient plus vraiment les mêmes : Pascal Cygan et Djezon Boutoille ont ainsi trouvé respectivement un premier puis un second souffle avec « Coach Vahid ». On pourrait également ajouter que le rôle important joué par Claude Puel s’est également construit en rupture avec l’héritage de son prédécesseur, l’essentiel des cadres passés disparaissant rapidement avec l’arrivée de l’ancien inusable milieu de terrain monégasque.
En 2017, Arnaud Duncker porte encore le maillot lillois, ici celui des Anciens Dogues
En soit, rien de bien nouveau. Et peut dire qu’on n’a pas eu à regretter ces trois renouvellements considérables de l’effectif, le LOSC de Jacques Santini flirtant avec l’Europe en 1990/1991 après une décennie passée dans le ventre mou (même si l’époque fût, pour d’autres raisons, également désespérante), la bande à Vahid faisant découvrir la C1 à un club qu’il avait repris en bas de classement de D2, quand celle de Puel consolidait le nouveau statut des Dogues.
Surtout, ces renouvellements n’ont pas alors été associés à la fin de l’ « esprit club ». C’est aussi là que l’on voit que le fait d’être garant des valeurs d’un club n’a pas un lien mécanique avec le temps passé au club : des joueurs comme Fernando D’Amico et Lolo Peyrelade sont ainsi encore aujourd’hui des symboles de cet esprit alors même qu’ils n’ont passé « que » quatre années chacun au club.
Des contextes inégalement propices à la légitimation des renouvellements
Ceci étant, il faut aussi comprendre le contexte comme un élément important de la légitimation de ces reconstructions d’effectifs. A ce titre, la comparaison des façons dont ont été reçues les arrivées de coach Vahid et de Coach Cloclo révèle combien le jugement porté sur une stratégie tient finalement assez peu à la pertinence de la stratégie elle-même. Sans nous étendre sur le sujet, on peut ainsi dire que les stratégies respectives de l’un et de l’autre ont été couronnées de succès, tout en soulignant qu’elles n’ont pas fait l’objet de la même réception.
Ainsi, Vahid Halilhodzic est arrivé dans un contexte bien plus propice que Claude Puel pour légitimer un changement en profondeur dans la stratégie lilloise. En effet, Vahid arrive pour remplacer Thierry Froger quand le club est alors 17ème de D2. Surtout, on semble alors loin de l’union sacrée, que cela soit entre supporters et joueurs, mais aussi au sein du groupe professionnel lui-même (« Au départ, on le jaugeait, mais on était dans une telle détresse sportive qu’on n’a pas eu d’autres choix que de foncer. Après, on le suivait les yeux fermés » explique Patrick Collot). Dans un tel contexte, « vouloir tout changer » fait alors consensus, contribuant d’emblée à offrir une large légitimité à celui qui affirme vouloir le faire, indépendamment même de sa stratégie. Nous ne sommes pas ici en train de dire que cette stratégie n’était pas pertinente, bien au contraire, mais on se contente de souligner que le contexte lui conférait presque ipso facto une certaine bienveillance.
Joueur puis entraîneur au LOSC, Thierry Froger avait a priori tous les atouts pour être identifié aux Dogues
La situation est toute autre pour Claude Puel. Quand il arrive en 2002, il prend la suite de son glorieux prédécesseur bosniaque, qui vient d’enchaîner un titre de champion de D2, une troisième puis une cinquième place en L1, tout cela en moins de quatre ans avec un club qu’il avait repris au bord d’une position de relégable en deuxième division. Bref, dans un tel contexte, vouloir reconstruire l’équipe n’a de chance d’être favorablement reçu qu’à la condition d’obtenir des résultats immédiats, ce qui est presque antinomique du principe de reconstruction. Cela n’a d’ailleurs pas manqué : pendant un an et demi, Puel fit face à une défiance récurrente de la part des supporters, avant, enfin, de convaincre.
Joueur, Claude Puel se prit beaucoup de cartons, sa coiffure étant considérée comme relevant de l’ »antijeu » et étant « contraire aux valeurs universelles du sport »
Le renouvellement actuel de l’effectif s’inscrit dans un contexte idoine : celui de la morosité ambiante après quatre années souvent pénibles prenant la suite de cinq ans de football champagne. Quand on a survécu à une huitième place avec le jeu proposé par René Girard, on se dit qu’on a peu de chances d’être déçu par une équipe d’inconnus emmenée par Marcelo Bielsa. D’où un contexte de bienveillance plutôt favorable à de belles réalisations.
Le match est à peine fini, mais Djezon a déjà l’air bourré
Ceci étant, précisons-le, c’est peut-être bien là qu’est le piège. Déçus par un passé récent en décalage avec les attentes que nous avions après quinze années de progression presque constante, notre esprit critique est considérablement affaibli par rapport à tout projet de déconstruction/reconstruction de l’effectif. Finalement, nous avons montré qu’une refonte complète de l’effectif n’était en rien synonyme de déclin et de perte de l’identité du club, mais nous n’avons en revanche aucunement montré qu’il était impossible qu’elle aboutisse à ce résultat.
Esprit club VS Mise en scène de l’esprit club
Finalement, ce qui aiguise le plus la méfiance de la rédaction de DBC LOSC, c’est précisément l’excès d’euphorie et de confiance en un projet dont le produit est actuellement assez insaisissable. Et cette incertitude concerne en particulier la question de l’identité du club, dont on est sûrs qu’elle est mise en scène mais aucunement qu’elle soit effective. Voyez à ce titre ce qu’on a déjà écrit à ce sujet.
Précisons-le d’emblée, on ne juge pas cette « mise en scène » en elle-même. Qu’une équipe dirigeante veuille mettre en scène son attachement au club, ça n’a en soit rien d’illégitime. C’est simplement que ça ne nous dit absolument rien de ce qui sera effectivement mis en place. D’ailleurs, l’ambiguïté est forte sur ce point : on sait ainsi que Gérard Lopez a fait le choix de placer un certain nombre de cadres historiques, mais on sait aussi qu’il a largement « fait le ménage ». La nomination de Patrick Collot à la tête de la réserve lilloise peut-être lue a priori comme la mise en avant d’un historique du club. On ne peut cependant s’empêcher de souligner que cela a aussi été synonyme de l’éviction de la fonction de Rachid Chihab, autre historique, certes plus anonyme. Si l’on est évidemment ravi que Pat Collot trouve sa place dans ce nouveau LOSC, on est aussi inquiets de l’avenir au club de ces personnalités moins médiatiquement exposées et qui ont pourtant joué un rôle essentiel dans le développement du club : voir Stéphane Dumont à Reims a aussi tendance à nous arracher une petite larme.
Quand l’inégalité dessert l’ « esprit club »
On l’avoue, on était au départ partis sur un a priori qui, une fois la vérification faite, s’est avéré infondé. On pensait ainsi qu’on allait découvrir que les joueurs restaient de moins en moins longtemps au club, ce qui aurait pu constituer un indice d’une dégradation généralisée de l’ « esprit club ». Il n’en est en réalité rien.
En fait, c’est sans doute avant tout parce que l’indicateur du nombre d’années passées au club n’est qu’un indicateur extrêmement imparfait de l’attachement au club. Prenons deux exemples. L’auteur de ces lignes, peu suspect de ne pas être attaché au LOSC, n’y a pourtant jamais joué. Inversement, Pascal Nouma, pourtant peu suspect d’être attaché au LOSC, y a joué quelques mois. En fait, cela illustre tout simplement que l’une des premières conditions pour rester durablement dans un club tient à la correspondance entre le standing du club et la cote du joueur.
Ceci étant, c’est justement pour cette raison que l’accentuation des inégalités de moyens entre les clubs limite la possibilité même qu’un joueur reste dans son club de cœur. En effet, tant que les clubs disposent de moyens relativement égalitaires, un joueur fortement attaché à son club pourra plus facilement résister aux propositions extérieures : il est en effet plus difficile de résister à une offre de triplement du salaire qu’à une autre qui ne propose « que » 50 % d’augmentation. Or, c’est justement ça qu’engendre une configuration plus inégalitaire. De plus, ce phénomène contemporain est accentué (et lié) au développement des agents dans le football, lesquels sont directement intéressés aux revenus de leurs clients, et donc à même de privilégier un transfert dans un club proposant un meilleur salaire plutôt qu’un maintien dans le « club de cœur ».
There is only one Djezon Boutoille
L’attachement au club n’est donc pas qu’un pur fantasme. On sait par exemple que si Djezon Boutoille est resté si longtemps au club, ça n’est pas par manque de propositions. Régional, formé au club, Djezon a tout connu au LOSC, du ventre mou du championnat à la Ligue des champions en passant par la relégation et la D2, ne quittant le club qu’à contrecœur. Et pourtant, même lui aurait pu connaître une trajectoire différente à l’époque contemporaine. Même si, même à l’époque contemporaine, il aurait eu davantage que bien d’autres des chances de rester longtemps.
L’ « esprit club », un truc de supporter mais pas que
L’attachement au club, au final, c’est sans doute davantage un truc de supporters que de joueurs. Un joueur restant longtemps au club voit presque mécaniquement sa cote augmenter auprès des supporters. Si Rio Mavuba et Franck Béria ont été récemment critiqués par les supporters, il ne fait guère de doutes que ça n’est pas cela qui restera dans les mémoires, si ce n’est sous la forme ambiguë d’un effet pervers de l’attachement au club : « trop Lillois », on dira peut-être qu’ils se sont entêtés à rester au club alors qu’ils n’avaient plus le niveau. Un péché bien maigre en somme (1).
Pour les joueurs, le fait de rester longtemps dans un même club tient, aujourd’hui davantage qu’hier, à un ensemble de contingences propres à leurs carrières. Ni Flo Balmont, ni Rio Mavuba, ni Franck Béria ne rêvaient de porter la tunique du LOSC étant petits (2). Mais c’est peut-être là qu’est l’essentiel de la différence entre le « foot à papa » et le foot contemporain en matière d’attachement au club : ces trois-là, comme aussi par exemple Pat Collot et Greg Wimbée n’ont jamais eu comme rêves d’enfance de porter le maillot du LOSC. Et pourtant, leur attachement au club est désormais indiscutable.
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Et non pas : « un pêcher bien maigre en Somme »
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D’ailleurs, jusqu’au 8 ans de Flo Balmont, le maillot du LOSC était floqué « Peaudouce », du nom du sponsor historique du club. On imagine mal Flo Balmont rêver de porter un maillot floqué Peaudouce. Mais peut-être nous trompons-nous.
Posté le 11 juillet 2017 - par dbclosc
Gervais Martel en 1997 : « Il n’y a plus de place pour deux »
Comme nous l’avions indiqué sur twitter il y a quelques jours, nous avons récupéré une interview de Gervais Martel, le président du RC Lens, parue le 25 avril 1997 dans France Football, et titrée par le bi-hebdomadaire : « il n’y a plus de place pour deux ». Gervais Martel y défend l’existence un seul grand club dans le Nord-Pas-de-Calais, qui serait, bien entendu, le RCL. Le contexte sportif est assez morne pour les deux équipes, et plus encore pour le LOSC : le lendemain, le derby se joue à Bollaert entre des Lensois 15e et des Lillois 17e et premiers relégables. Une victoire lensoise sauve quasiment les Sang et Or ; une défaite lilloise condamne quasiment les Dogues à la deuxième division. Autant dire que le timing de l’interview est parfaitement pensé, et l’argumentation soigneusement préparée : ces paroles sont celles d’un président à l’époque sportivement dominateur, et la stratégie qu’il propose correspond à celle d’un chef d’entreprise en position de force. Bien sûr, cette interview peut prêter à sourire 20 ans après quand on connaît l’évolution des deux clubs, mais nous aimerions recueillir vos impressions (que vous soyez Lillois, Lensois, ou même autre chose) sur ces propos au-delà de leur forme peu élégante, soit sur les réseaux sociaux, soit directement sur cette page, et on tentera d’en faire une synthèse. Quelques pistes, non exhaustives : la fusion pouvait-elle se justifier ? Le LOSC devait-il débattre de la question ? Gervais Martel a-t-il vu juste sur certaines évolutions du football ? Comment expliquer l’inversion de la hiérarchie entre les deux clubs depuis, en gros, le retour du LOSC en D1..?
Merci par avance de rester cordiaux et constructifs.
Si les documents sont trop petits pour la lecture, cliquez dessus, ou enregistrez-les sur votre PC et lisez-les à partir de là.
Posté le 7 juillet 2017 - par dbclosc
Le LOSC à Surprise sur prise
Diffusée en France à partir de la fin des années 1980, l’émission de caméras cachées Surprise sur prise a connu un grand succès d’audience. Parmi ses séquences les plus drôles figure probablement le piège dont a été victime Thierry Lhermitte, en 1992. Avec le concours involontaire du LOSC.
Initialement diffusée au Québec, sous la houlette de son producteur Marcel Béliveau, l’émission Surprise sur prise est l’une des premières à piéger des célébrités à la télévision, en caméra cachée, en sollicitant l’aide de proches des « victimes ». Importée en France en 1989, elle a laissé quelques séquences mémorables.
En 1992, c’est au tour de Thierry Lhermitte d’être piégé. Chez des amis, l’acteur regarde un match de foot quand un autre de ses amis, Richard, l’appelle pour lui indiquer de bien observer son écran durant la mi-temps, au moment d’un spectacle de samba organisé sur la pelouse. Première surprise, l’une des « danseuses » est Richard. La séquence est déjà drôle, mais les rebondissements s’enchaînent et montent en intensité : depuis le Parc, l’ami chevelu annonce par téléphone des événements à venir : le téléspectateur attend donc avec délectation, en compagnie de Lhermitte, les futurs rebondissements. Et on n’est pas déçus : entrée sur le terrain de l’ami, qui parvient même à mettre un but, et envahissement nu en mode « striker ». Lhermitte, entre gêne et hilarité, apprécie le moment.
Mais là n’est pas l’essentiel. En prêtant l’oreille aux commentaires de Thierry Roland et Jean-Michel Larqué, ainsi qu’en regardant les quelques séquences du match qui apparaissent, on comprend que le match que regarde Thierry Lhermitte oppose le PSG au LOSC. Et plus précisément, il s’agit du PSG/LOSC de la saison 1991/1992 : les noms et les visages qui apparaissent à l’écran ne laissent guère de doute, qu’il s’agisse des statistiques relatives aux joueurs, aux plans sur Nadon, Frandsen, ou à la présence de Jacques Santini sur le banc. Et idem côté PSG, avec Le Guen, Jorge, ou Bats dans les buts.
Ce PSG/LOSC est un match de championnat de la 10e journée, avancé au vendredi 13 septembre 1991, entre les deux meilleurs défenses du championnat jusqu’alors ; Lille n’a encaissé que 5 buts, et Paris 4. Avant ce match, le LOSC est 7e (11 points) et Paris 4e (12 points). La suite sera plus médiocre pour les Dogues, qui terminent le championnat à la 13e place.
Voici la composition lilloise : Nadon ; Leclercq, Friis-Hansen, Nielsen, Rollain (Da Silva, 29e) ; Buisine, Fiard, Fichaux, Frandsen (Brisson, 20e) ; Assadourian, Sauvaget. L’arbitrage est assuré par le sympathique M. Pauchard, qui n’a pas jugé bon d’expulser des Parisiens alors que deux des nôtres sortent blessés avant la demi-heure de jeu. À l’arrivée, Paris s’impose 2-0 avec des buts de Daniel Bravo (41e) et de Christian Pérez (89e).
La séquence appelle quelques observations :
_En ce temps-là, Canal + était l’unique diffuseur du championnat de France, à raison d’un match par journée, le vendredi ou le dimanche. Or, on voit apparaître le logo de la chaîne TF1, et on entend son duo de commentateurs. Il faut bien sûr y voir la complicité de la chaîne, qui diffuse Surprise sur prise, et a intérêt à placer ses vedettes. Pour les habitués, on remarque assez facilement que Roland et Larqué parlent différemment que lors d’un vrai direct.
_Il y a quelques problèmes dans l’ordre des événements : si la séquence démarre à la mi-temps avec la samba, on ne devrait pas voir ensuite la blessure de Frandsen, qui survient à la 20e minute (à 6’26), ni le ralenti du premier but, inscrit à la 41e. Pour ce dernier cas, on comprend que ça arrive après la samba, pour monter en intensité dans le gag ; en revanche, s’agissant de Frandsen, on ne sait pas si c’est dû à un montage initial (ce qui est retransmis à Lhermitte via un magnétoscope on suppose) ou au montage de l’émission elle-même. On peut en tout cas en conclure que Thierry Lhermitte n’est pas un féru de football, sinon il aurait rapidement remarqué l’anomalie d’une retransmission d’un match de championnat sur TF1.
_La séquence du but marqué résulte évidemment d’un montage grossier, mais qui passe bien car il ne dure qu’un instant. Cependant, le début de l’action, avec le centre en retrait de Le Guen depuis le côté gauche, et le ralenti depuis la cage de Nadon montrent de vrais morceaux du premier but parisien de Daniel Bravo.
_Aucune des scènes réalisées avec l’ami de Lhermitte n’ont été jouées durant le match : on voit qu’il n’apparaît que sur des plans resserrés.
_Bien entendu, il n’est pas venu à l’esprit des concepteurs du gag que le copain ait pu enfiler une tunique du LOSC et marquer contre le PSG.
En utilisant comme support d’une caméra cachée un match perdu, la France entière a ri aux dépens du LOSC : nouvelle preuve, s’il en était besoin, du complot.
Le Guen/Nielsen, septembre 1991
Quand le complot masque un autre complot
Drôle de complot. Mais, après tout, n’est-ce pas l’arbre qui cache la forêt complotiste ? Quand on y regarde bien, ce que l’on vient de raconter est loin de résumer l’ampleur du complot qui fût alors ourdi à l’occasion de ce PSG-Lille. En fait, notre hypothèse, c’est qu’il s’agissait du versant rigolo du complot, le caractère humoristique visant à détourner notre regard d’un complot encore plus large.
Resituons le contexte. La saison précédente, Lille avait terminé 6ème, échouant à deux points de sa première qualification européenne. La performance est alors remarquable, puisque les Dogues avaient perdu en deux marchés d’été des joueurs de la trempe de Pelé, Vandenbergh, Desmet, Lama, Angloma et Galtier sans qu’aucun nom ronflant ne vienne les remplacer. C’est donc avec de faibles moyens que le LOSC réussit alors ce tour de force.
La saison 1991/1992 repart alors sur les mêmes bases, c’est à dire sur celles d’une équipe fort solide à défaut d’être géniale. Avant le match de Paris, Lille a les yeux tournés vers le haut du classement : en 9 matches, a gagné 4 fois, fait 3 nuls, et perdu 2 matches. Et encore, précisons-le, ces deux défaites l’ont été, sur la plus petite des marges (1-0) sur les terrains des ogres marseillais et monégasques. Et le LOSC a aussi déjà joué à Nantes, alors 3ème, où il s’était imposé (1-2).
On l’a dit, la suite fût ensuite un peu moins belle, même si les Dogues sont encore 9èmes à trois journées de la fin avant de lâcher l’affaire quand l’Europe ne semble plus accessible. Ce complot, coach Jacques Santini nous le résume en fin de saison. « J’aime bien quand l’équipe lilloise occupe le terrain avec justesse, quand elle change brutalement de rythme, quand elle ne perd pas le ballon. Mais le LOSC n’a pas les moyens de crier trop fort. Pourtant, nous aurions pu nous rapprocher de la 5ème ou 6ème place si nous n’avions pas perdu trois titulaires le même soir, en septembre dernier à Paris : Frandsen, notre homme de bas, Fichaux et Rollain. C’était trop pour nous. »
Ce soir-là, le complot ne se limita pas à une blague, mais fût complété par la perte de trois cadres sous le coup des bouchers parisiens, Antoine Kombouré en tête (on comprend alors mieux pourquoi il entraîna ensuite le voisin du Racing) : deux mois pour Rollain, trois pour Frandsen et quatre pour Fichaux. Et encore, dans le cas de Rollain, il faut aussi remarquer qu’il rechuta deux matches après son retour, pour une nouvelle absence de deux mois.