Posté le 3 août 2017 - par dbclosc
Halilhodzic/Guivarc’h : la bataille du 11 novembre 2000
Le 11 novembre 2000, Lille et Auxerre partagent les points (1-1) en dépit d’une outrageuse domination des loscistes. À la fin du match, Vahid Halilhodzic est retenu par Jean-Pierre Mottet et des stadiers, qui l’empêchent d’aller fracasser Stéphane Guivarc’h, buteur à la 90e minute. Que s’est-il passé ?
Le 11 novembre est traditionnellement un jour de paix. En 2000, Grimonprez-Jooris y aurait plutôt vu une scène de bagarre si l’entraîneur lillois n’avait pas été maîtrisé in extremis par son staff et la sécurité. Pourtant, tout allait bien il y a 5 minutes : le LOSC, auteur d’un beau début de saison, mène 1-0 grâce à un but sur pénalty de Mikkel Beck, marqué en deux temps : une première fois transformé, le pénalty a dû être retiré ; le Danois l’a placé au même endroit le seconde fois. Durant 90 minutes, les Lillois, emmenés par un Laurent Peyrelade survolté, ont multiplié les occasions. Avec la meilleure défense depuis le début du championnat (10 buts encaissés en 14 matches), la 7e victoire de la saison semble se dessiner. Mais, à la 90e minute, les Auxerrois bénéficient d’un coup-franc, pour une faute peu évidente de Pascal Cygan sur Stéphane Guivarc’h. À 25 mètres du but lillois, décalé par Moussa Saïb, le buteur auxerrois trompe Grégory Wimbée, qui n’avait pas eu grand chose à faire jusque là. Le match s’achève alors dans la confusion : sur les conseils du 4e arbitre, Ameziane Khendek, Vahid Halilhodzic est expulsé par M. Kalt ; et le retour aux vestiaires des joueurs tourne à la tentative de règlement de comptes entre Halilhodzic et Guivarc’h. Un résumé du match :
« J’ai fait une bêtise »
On connaît Vahid passionné et parfois excessif, mais de là à s’en prendre physiquement à autrui… On apprend par ailleurs qu’à l’issue du match, Martine Aubry, qui a lancé sa campagne, est également très en colère et attend devant la porte des arbitres ! « D’où j’étais placée dans la tribune, j’ai très bien vu M. Khendek s’en prendre à notre entraîneur et l’insulter » déclare la future maire, qui souhaite voir les arbitre : « j’attends qu’ils aient fini de prendre leur troisième douche ! ». Pour comprendre la réaction de l’entraîneur bosniaque, revenons sur l’avant-match. Après être longtemps resté cloîtré dans son bureau, Vahid raconte : « Didier Santini m’avait raconté comment Guivarc’h s’y était pris à Toulouse. Alors j’avais prévenu les joueurs. Je leur avais recommandé de ne pas se laisser piéger. Résultat, c’est moi qui ai plongé…1 ». Le résumé ne permet pas de voir quel a été le comportement de l’avant-centre auxerrois – et même sur place, le match ne nous a laissé aucune impression bizarre – mais on constate que le coup-franc décisif est obtenu avec beaucoup d’expérience, sous le regard dépité de Pascal Cygan, qui semble avoir conscience de s’être bien fait avoir sur ce coup-là – et sur d’autres avant ? Si l’on en croit le camp lillois, Stéphane Guivarc’h n’a cessé de provoquer les Lillois et de chercher à contourner les règles du jeu. Autre élément mis en avant par les Lillois : une grossière faute de Boumsong sur Dagui Bakari à la 81e, qui n’a valu qu’un carton jaune au défenseur auxerrois. « Avant de me présenter comme le seul fautif, il faut savoir que nous avons été chambrés, frappés, insultés. Chez nous. Les arbitres l’ont vu, sans réagir. Quand j’ai constaté que Dagui avait pris un coup de coude volontaire, hors du jeu, sous les yeux de l’arbitre de touche, sans que l’auteur soit expulsé, mon sang a commencé à bouillir » commente Vahid. Bouquet final : après avoir égalisé, Stéphane Guivarc’h est passé devant le banc lillois pour défier Vahid Halilhodzic : « Guivarc’h, qui n’avait cessé de me chercher, est venu me narguer après avoir égalisé. Là, j’ai explosé. J’ai fait signe de le casser. J’ai fait une bêtise. En tant qu’entraîneur, je n’ai pas le droit de me comporter ainsi. Mais je voudrais qu’on replace ma colère dans le contexte ».
L’intrusion de Gérard Bourgoin
Il s’est également passé quelque chose d’invisible aux spectateurs durant le match, qui a provoqué la colère d’Halilhodzic. Au cours de la première période, Gérard Bourgoin, président du club d’Auxerre, est arrivé. Mais Gérard Bourgoin, accessoirement, est aussi président de la Ligue. Et à la pause, il est allé saluer les arbitres. Probablement une visite de courtoisie tout à fait innocente… Le mélange des genres a déplu non seulement à Vahid, mais aussi à Luc Dayan, président du LOSC, qui souligne que G. Bourgoin a été lus prompt a saluer les arbitres que son homologue : « Vahid a pris conscience de son erreur. Cela dit, nous sommes solidaires. Je comprends d’autant mieux son emportement que moi-même, à mon niveau, j’ai ressenti la même sensation d’humiliation en voyant arriver, sans être prévenu, le président de la Ligue, qui a ensuite cru bon aller rendre visite aux arbitres à la mi-temps. J’ai eu une désagréable impression de manipulation ». Et c’est à partir de la seconde période que Vahid et Khendek ont « livré un duel verbal de tous les instants ».
Frustration
Indéniablement, ce coup de sang trouve aussi son origine dans la frustration procurée par le manque d’efficacité lilloise. Quand on regarde le résumé, on se demande comment le LOSC ne parvient pas à scorer 4 ou 5 fois. Et si Lille avait gagné, il n’y aurait eu nul besoin de répondre d’une autre manière à Guivarc’h : « ce qui m’a mis le plus hors de moi, c’est de voir mes joueurs aussi mal récompensés de leur travail. Au décrassage, je les ai félicités pour la qualité du jeu qu’ils ont déployé au cours de cette partie. Ils ont réussi un grand match, un match de référence. Mais tous leurs efforts ont été gommés par un coup-franc imaginaire. Ça fait très mal ! Je suis heureux que le LOSC soit en tête du classement du fair-play. Mais c’est d’abord de prendre les points nécessaires au maintien qui m’importe. Cela dit, je le répète, j’ai fait une bêtise et j’ai failli en faire une plus grosse encore… Je prends peut-être le LOSC trop à cœur ». Certes, mais ce n’est pas un défaut ça ! Émotif, impulsif, pour le meilleur et pour le pire, on avait déjà eu l’occasion d’en parler ici. Comme l’indique Laurent Peyrelade au Parisien après cet épisode, « il est passionné et très exigeant. Et comme souvent dans ces cas-là, il y a de l’excès dans les deux sens : il est excessif dans ce qu’il nous demande mais également dans sa protection des joueurs ». Pour Greg Wimbée, « il est comme ça : il vit ses matchs de façon très intense. Il oublie les règles. ». mais le problème est que M. Kalt a expliqué qu’il avait « craint pour son intégrité physique ». La Voix des Sports trouve cela exagéré, rappelant que l’arbitre n’était pas directement visé, et que par ailleurs « il se trouvait à plus de 30 mètres du point chaud et bénéficiait d’un cordon de sécurité impressionnant ».
La commission de discipline de la Ligue nationale a d’ailleurs été clémente. Hormis une suspension, tout est finalement rentré dans l’ordre. Car si Vahid s’énerve, il sait aussi reconnaître quand il a tort. Lors du décrassage, le dimanche matin, il a présenté ses excuses aux joueurs. « Je regrette parce que je dois veiller à ma réputation et à ma santé. Cette histoire est très négative pour mon image. Mais d’un autre côté, j’ai appris de la vie qu’il ne faut pas se laisser faire, de n’avoir peur de personne. Quand on me cherche, on me trouve. ». Quant à Luc Dayan, il déclare : « la leçon de cette soirée est que, collectivement, nous sommes restés naïfs. Mais nous sommes dans une logique de construction et nous revendiquons cette naïveté comme une qualité. Ce genre d’événement doit cependant nous permettre d’évoluer ».
Lille/Strasbourg, 29 novembre. Vahid Halilhodzic purge son match de suspension en tribune.
FC Note :
1 Sauf indication contraire, les réactions citées dans cet article sont issues d’un article de Serge Verkrusse dans La Voix des Sports du 13 novembre 2000.
Laisser un commentaire
Vous pouvez vous exprimer.
0 commentaire
Nous aimerions connaître la vôtre!