Posté le 24 août 2017 - par dbclosc
Rachel Saïdi : « Le LOSC forme aussi bien des joueuses de haut niveau que les femmes de demain »
En lecteurs attentifs que vous êtes, vous aurez remarqué qu’on parle beaucoup du LOSC sur ce site. Nous faisons même l’hypothèse audacieuse que c’est la principale raison pour laquelle nous sommes lus. Mais le LOSC, c’est aussi une section féminine, dont l’équipe première est montée en première division à l’issue de la saison dernière : on avait même rédigé les comptes-rendus des 2 matches contre La Roche-sur-Yon auxquels nous avons assisté, le premier ici, et le second à rejouer ici. Et si nous nous sommes contentés de ces résumés de matches, c’est précisément parce qu’on connaît moins l’équipe féminine : non professionnelle, moins « bling-bling », moins médiatisée, ces facteurs s’alimentant les uns les autres, c’est quasiment un autre monde. L’équipe est en outre toute récente puisqu’elle est issue d’une fusion d’avec Templemars-Vendeville, alors en D2, en 2015 : on a alors moins de souvenirs à raconter.
Il n’y a pas longtemps, on constatait, si l’on en croit les statistiques que Facebook met à disposition de ceux qui administrent des pages, qu’environ 95% de nos « fans » étaient des hommes. Alors certes, le football, qu’on le pratique ou qu’on supporte une équipe, reste probablement un secteur où les hommes sont largement sur-représentés. Certes1, la quasi-totalité de nos articles évoquent les équipes masculines : à ce titre, on contribue sans doute à amplifier la tendance « masculine » du foot. Mais tout de même, 95%, ça nous a un peu chiffonnés. Remarquez cependant que si nos articles sont rarement dans le feu de l’actualité (de même, notre page facebook et notre compte twitter ne servent ni à relayer la communication officielle du club ni la moindre rumeur de transfert), on s’efforce de retweeter l’actu de la section féminine, histoire de compenser (un peu) sa sous-exposition. Et on n’oublie pas l’anniversaire des joueuses, aussi !
Ce qui se passe au sein de la section féminine n’est donc pas moins intéressant : elle a ses spécificités, dues entre autres aux quelques raisons évoquées ci-dessus, mais est aussi partie intégrante du projet global du LOSC. Les joueuses ont repris l’entraînement fin juillet. Si vous suivez l’intersaison, vous savez que quelques joueuses ont rejoint l’effectif : sur son site, le LOSC fait un bel effort de présentation de ces nouvelles recrues et de la préparation des filles. Se sont jointes à l’effectif : Ouleymata Sarr, une attaquante du PSG ; Charlotte Saint-Sans Levacher, défenseuse d’Arras ; Aurore Paprzycki, milieu de VGA Saint-Maur ; Julie Pasquereau, milieu de l’ESOF ; Anne-Laure Davy, attaquante de Soyaux ; ainsi que Elisa Launay, gardienne de Bordeaux, Héloïse Mansuy, défenseuse du FC Metz et, surtout, Lewandowski. Bon, Camille Lewandowski, mais Lewandowski quand même, attaquante d’Hénin-Beaumont. La présentation de ces trois dernières joueuses est à retrouver ici.
C’est pourquoi, alors que la saison va reprendre le 3 septembre pour les Lilloises (contre Bordeaux), il nous a semblé opportun de parler des filles du LOSC afin de comprendre très concrètement comment la section féminine – y compris chez les plus jeunes donc – s’organisait. Et pour ce faire, nous avons sollicité Rachel Saïdi. Dunkerquoise d’origine, Rachel Saïdi a débuté le football à l’US Tétéghem, puis à Malo. Jusque là en mixité, c’est à Gravelines qu’elle rejoint une équipe féminine en 2003. 6 ans plus tard, elle rejoint la D1, avec l’équipe d’Hénin-Beaumont, puis rejoint Arras, pour une saison, en 2014-2015. Elle est donc arrivée au LOSC au moment de la fusion en 2015.
Mais Rachel Saïdi est également salariée du club, en tant que coordinatrice de la section féminine, des U7 aux U19. Elle nous semblait donc particulièrement bien placée pour nous parler des thèmes que nous voulions évoquer : pêle-mêle, le sentiment du groupe lors de la fin de saison dernière, la préparation de la nouvelle saison, son rôle de coordinatrice au LOSC, la place réservée aux filles dans le club, la manière dont le club s’y prend pour « repérer » de jeunes joueuses, ce qu’est être footballeuse aujourd’hui, les performances françaises à l’Euro et leurs conséquences, l’état du football féminin français en général, et les projets du LOSC à travers sa section féminine.
On va commencer avec la saison qui s’est achevée, avec la montée en D1. Comment, globalement, tu as vécu la saison ? Est-ce que c’était l’objectif ou est-ce que c’était « simplement » l’ambition ?
C’était plus une ambition, parce que l’objectif du club et du staff, c’était le podium. Ce n’était pas forcément l’accession directement. La section féminine au LOSC est très récente : on entre maintenant dans la troisième année d’existence. On a fusionné avec Templemars qui était déjà en D2, donc c’était plus facile aussi d’atteindre l’élite plus rapidement. J’ai connu la D1 avec Hénin et Arras et le fait de finir – comme je suis en fin de carrière – mes dernières années en D1, c’était l’objectif. Après on ne voulait pas se précipiter, mais on savait qu’on aurait les moyens qui nous permettraient de monter rapidement. On est toujours restées vigilantes et on a eu de la chance parce que les choses se sont bien goupillées : le recrutement a été bon, même si ce n’était pas forcément des joueuses qu’on connaissait sur le plan mondial. Finalement, la mayonnaise a pris très rapidement.
« La saison dernière, il y a eu beaucoup de frustration et de colère à l’égard des instances »
Cette fin de saison qui a quand même été particulière… On suppose qu’il y a quand même dû avoir une inquiétude quand le match contre La Roche-sur-Yon a été rejoué ?
Il y avait plutôt de la colère, de la frustration, parce qu’on pensait qu’on méritait vraiment cette montée, car on avait été presque régulières sur la saison, même si à l’extérieur on a été moins performantes qu’à domicile. Mais ce qui m’a le plus frustrée, c’est que ça a été remis en question par rapport à une joueuse qui n’a pas fait la totalité de la saison avec nous, qui a fait quelques matchs. Il y a eu beaucoup de colère en fait par rapport aux instances. Ce n’est pas la première fois qu’il y a des petits couacs comme ça, mais voilà, il fallait se remobiliser rapidement et dire qu’il restait 90 minutes ! À Arras, on aurait déjà pu éviter tous ces problèmes, mais on n’a pas su faire la différence lorsqu’on avait encore les cartes en main2, et c’est de notre faute.
C’était une saison qui était assez longue. On était toutes fatiguées mentalement. Et au final, on a eu surtout un public derrière nous… On a eu des parents de joueuses, notamment chez les U9, très présents ! On a fait des animations avant, etc, pour vraiment toucher du monde. Et l’engouement qui s’est créé, ça nous a vraiment touchées émotionnellement, et c’est pour ça qu’on a réussi à aller chercher la victoire !
Une des recrues, Julie Pasquereau, vient de La Roche : vous en avez parlé avec elle ?
On l’a vannée ! Quand elle est arrivée, on a commencé à la chambrer ! Mais Julie a une très bonne mentalité : aucun souci ! Elle a dit qu’on avait mérité cette montée-là.
« En D1, nous serons mises à rude épreuve dans l’impact athlétique »
Vous avez repris l’entraînement fin juillet, le championnat reprend début septembre. À quelle fréquence ont lieu vos séances d’entraînement, et comment s’organise la préparation ?
On a un entraînement quotidien : du lundi au vendredi, et parfois le samedi. Ça dépend si on joue à domicile ou à l’extérieur. 5 matchs amicaux sont prévus, le premier match amical s’est déroulé hier [dimanche 13 août, victoire 3-0 contre Rouen]. On enchaîne mercredi, dimanche prochain, mercredi prochain, re-dimanche prochain3. On a pas mal de matchs amicaux, y compris contre des garçons : c’est un choix de l’entraîneur parce que, dans l’impact athlétique notamment, on va être mises à rude épreuve et bousculées par rapport à la D2. Donc même les séances sont orientées sur l’aspect athlétique, en termes de force de duels. On beaucoup travaillé en salle de muscu. On y a accès tout le temps. Avec Hicham, le préparateur athlétique, on a un gros travail de renforcement haut et bas de corps. C’est différent de l’époque où on était en D2.
Le club a recruté à toutes les lignes, notamment une gardienne de but, Elisa Launay. Elle vient pour être n°1 ?
Oui, c’est dans les propos du coach. Il a été clair avec les deux gardiennes, parce que c’est vraiment un poste délicat. Donc il y a une n°1, Elisa Launay, et une n°2, Floriane Azem. Mais Floriane dispose des mêmes conditions de travail qu’Elisa. Elles ont des spécifiques, et parfois elles vont à Luchin pour faire des séances supplémentaires. Ce sont les mêmes conditions de travail, mais une hiérarchie a été établie.
Sans Gregory Wimbée, qui est parti avec la réserve masculine.
Oui. On a cette année Philippe Maréchal, qui a entraîné pendant très longtemps Hénin-Beaumont en D1, qui est aussi chez les garçons à Arras. Et en plus, le jeudi matin, les gardiennes sont avec Jean-Pierre Mottet, l’ancien entraîneur des gardiens des pros garçons, et Pierrick Mottet.
Elisa Launay, nouvelle n°1 dans les buts
On suppose que dans un premier temps, l’objectif sera le maintien, même s’il y a déjà quelques joueuses qui ont connu la première division. Il y a eu pas mal de recrues, principalement venues de France cette fois-ci, et pas de recrues venues de Belgique comme il y a pu avoir l’année dernière. Comment ça se passe le recrutement dans un club, dans une section féminine ? Parce qu’évidemment, les moyens sont pas du tout les mêmes… Est-ce qu’il y a des recruteurs qui sont présents à temps plein ?
Au LOSC, pour l’instant non. Il n’y a pas de recruteur à temps plein sur la section féminine uniquement. Par contre, depuis la saison passée, les recruteurs des équipes jeunes garçons ont pour mission de signaler aussi les filles qu’ils croisent sur les terrains d’U7 à U15. C’est une richesse qui nous permet d’avoir un répertoire des joueuses existantes dans le district et dans la région. S’agissant des séniores, c’est encore différent : on a maintenant les agents qui, eux, démarchent directement le club.
Ensuite, le staff peut s’appuyer sur des vidéos pour analyser certaines joueuses qui les sollicitent ou non. Dans les clubs comme Lyon et le PSG, il doit certainement y avoir des recruteurs chargés uniquement de la section féminine.
Et ces gros clubs comme Paris, Lyon ou Juvisy ont aussi des recruteurs ici en Flandre alors ? Le LOSC n’a pas le monopole sur la région en fait ?
Je sais que Lyon a déjà recruté une joueuse U16 de notre région à l’époque pour son groupe U19 nationaux. Après vous dire qu’il y a des référents chargés d’observer les compétitions des plus jeunes, ça je ne pourrais pas vous dire.
C’est comme Claire Lavogez, qui était à Gravelines, puis Hénin-Beaumont et qui part rapidement à Montpellier en ayant quasiment pas joué en équipe première.
Le top 4 de la D1 est déjà bien armé. Ensuite Claire a été certainement vue lors des matchs en D1 qu’elle a effectué à l’époque avec Hénin.
« D’un point de vue budgétaire, le LOSC est à mi- tableau »
Revenons plus précisément à la vie du LOSC : d’un point de vue budgétaire, où est-ce que le club se place aujourd’hui en première division ?
On a fait un peu l’état des lieux au niveau des budgets l’année passée. Le plus petit budget de la D1, c’est Rodez-Albi. C’est du 300 000, 350 000 € par saison. Mais il y en a qui ont des avantages en nature à côté, il y en a qui arrivent à avoir du travail, des emplois, des contrats via leurs partenaires. Après il y a Guingamp, la fourchette du milieu de tableau de D1, de la 6ème à la 8ème place on va dire, qui sont autour de 500-650 000€. Et après vous avez le top 4, Marseille en remontant jusqu’à Lyon, qui sont à des 1M€. On monte jusqu’à 8M€. On va dire que la différence sur le terrain se fait là aussi. Vous voyez, les chiffres sont différents, donc il n’y a pas de miracle ! Ces filles-là s’entraînent deux fois par jour, parce qu’elles ont l’opportunité de le faire. Nous, on est obligées d’aller travailler. On s’entraîne à 19h30 ici tous les soirs.
Et donc au niveau du LOSC, budgétairement, je suppose qu’on est quand même au-dessus de Rodez, mais on est quand même bien en-dessous du top 4…
Le club a choisi d’être dans le milieu de tableau, tout en ayant comme objectif d’accompagner les joueuses dans un double projet. Elles ont l’opportunité de choisir une formation proposée par le « LOSC Formation », dirigé par Sébastien Pampanay4. Ce choix de fonctionnement permet à l’ensemble des joueuses de pouvoir anticiper l’avenir et de se couvrir sur l’après-carrière.
Le LOSC Formation propose un BPJEPS [Brevet Professionnel de la Jeunesse, de l’Education Populaire et du Sport], une formation en anglais, un DU [Diplôme universitaire] en management de clubs sportifs. Il y a une multitude de formations. L’année passée, Camille [Dolignon] et Charlotte [Sailly] se sont inscrites pour le BPJEPS, elles entament leur deuxième année. Caroline La Villa a fait le DU.
Encore quelques petits soucis de coordination pour Julie Pasquereau, qui entame une célébration de but avant même d’avoir marqué (Photo : Patrick Vielcanet)
« Les conditions de travail sont vraiment optimales »
Oui parce qu’il me semble qu’au centre de formation, pour la section masculine, il y a par exemple la possibilité de passer une licence en deux ans quand on est en réserve.
Tout à fait, c’est la même chose chez les filles.
D’accord, donc vous avez les mêmes conditions.
On est dans les mêmes classes et donc dans les mêmes conditions. On retrouve aussi bien des joueuses que des joueurs du centre de formation.
La section féminine profite un peu du développement du LOSC en général, avec tous ces changements récents, et en même temps peut-être que les filles restent un peu dans l’ombre des garçons. Comment on se positionne dans cet entre-deux ?
Ayant travaillé avec la Ligue et en ayant vécu des années en D1 avec différents clubs, je peux affirmer qu’on est quand même bien aidées ! Les conditions sont vraiment optimales : nous avons accès aux soins médicaux à Luchin et au Stadium, pour les plus grandes ; nous sommes écoutées lorsqu’on a des besoins pour filmer des matchs ; nous mutualisons les moyens sur les actions éducatives pour les équipes jeunes filles et garçons ; nous véhiculons toutes les jeunes joueuses U12 à U18 à partir de septembre pour l’entrée en section sportive…
Après, en termes de communication, je trouve qu’on communique assez bien sur l’équipe première, que ce soit sur les réseaux sociaux ou le site officiel. Frédéric Coudrais prend le temps de nous mettre en valeur.
L’accès aux soins, ça a toujours été le cas, ou c’est une nouveauté depuis le rachat en février ?
L’accès aux soins est quasi inexistant dans les clubs de la région. Ou alors on a une connaissance qui fait qu’on peut aller dans un cabinet, mais on paie de notre poche… Et depuis la fusion entre Templemars et le LOSC, on a eu l’opportunité d’aller aux soins à Luchin en tant que joueuses séniores. Chez les petites, on a un médecin et un kiné référents.
Dès la rentrée 2017 en septembre, on ouvre des sections sportives du collège (à Lavoisier) au lycée (à Jean-Perrin) à Lambersart. Là, on a un médecin et un kiné directement sur les infrastructures. Donc les jeunes filles sont vues le lundi par le médecin et trois fois par semaine par le kiné.
Et alors sur ton cas plus personnel, pour savoir ce qu’être être footballeuse aujourd’hui : tu n’es pas sportive professionnelle, et tu travailles à côté pour le LOSC. Quel est ton parcours professionnel ?
J’ai travaillé 4 ans pour la Ligue du Nord-Pas-de-Calais de foot, notamment pour le développement du football féminin, quand je jouais à Hénin-Beaumont. À la fin de ma dernière année, le LOSC m’a proposé un projet sur 3 ans très intéressant pour un poste de coordinatrice U7F aux U19F nationaux.
Parallèlement, j’ai obtenu mes diplômes d’entraîneur jusqu’au DES [Diplôme d’Etat Supérieur], qui me permet d’entraîner une D1 féminine.
Dans ce métier, on est tout le temps dans le court terme : les contrats d’entraîneurs sont quasiment toujours des contrats à court terme ! C’est un choix de vie. Pour le moment je me concentre sur le travail à effectuer au LOSC, j’essaie d’évoluer dans les missions qu’on m’a données. On verra où ça me mènera.
Ouleymata Sarr, buteuse pour sa première apparition mercredi 23 août contre les U16 de Wasquehal
« Des U7 aux U19, il y a un suivi sportif et un accompagnement socio-éducatif »
En quoi consiste concrètement ce travail de coordinatrice des U7 aux U19 ?
J’ai pour rôle principal de coordonner le bon fonctionnement, la bonne organisation de toutes les équipes jeunes féminines. Je travaille en lien avec les éducateurs sur les contenus, sur la méthodologie. Notre priorité est d’accompagner les joueuses dans leur triple projet : scolaire, éducatif, et sportif ; et aussi de trouver les outils qui vont nous permettre de former à la fois nos femmes de demain mais aussi nos joueuses de haut niveau.
Il y a un label de l’Ecole de Foot Féminin (l’EFF), je suppose que le LOSC répond aux critères ?Est-ce que c’est un label adapté ou est-ce qu’il y a encore des failles au final ? Pour répondre à tous les critères, il y a des choses qui peuvent paraître incohérentes ?
Oui, on est label « Or ». Il y a différents critères, dont l’exigence d’avoir 20 licenciées d’U6 à U11. Donc on peut avoir 2 U6, 3 U9, 15 U11, peu importe, mais il faut en avoir 20. Dans certains clubs, il y a des filles de tous âges, et au final pour constituer un groupe d’entraînement c’est compliqué. Nous, club professionnel, on rencontre moins de difficulté mais ce n’est pas toujours facile de créer un contenu de séance lorsqu’on est club amateur et qu’on dispose de 3 U7 + 6 U9 + 3 U11 : en termes de morphologie, ou au niveau des envies des petites, ce n’est pas la même chose !
Ce qui pose ensuite problème c’est qu’on est obligé de retirer des filles de la mixité pour prétendre rentrer dans les chiffres demandés par la FFF.
Il y a encore quelques axes d’amélioration. Je pense qu’on ne devrait pas obliger mais plutôt valoriser certains points du Label.
Tu as demandé à intégrer les filles dans des championnats avec des garçons. Ça c’est possible jusqu’en.. ?
U15 ! Après, en U16, la joueuse passe en championnat U19 nationaux. Comme on n’est pas encore assez de licenciées, la fédé n’a pas créé de championnat intermédiaire entre U15 et U19. On n’a pas de championnat U17. Donc une U16 est obligée de jouer avec les U17, U18 et U19. Donc il y a quatre années d’âge, parfois c’est assez compliqué. La passerelle est dure. Soit t’es prête à jouer en U19 nationaux, soit t’es pas prête… On apporte des projets de réorientation pour les joueuses qui ne sont pas encore assez armées pour ce championnat.
Et du coup, ce projet de reconversion, est-ce que c’est le but du partenariat avec le VAFF [Villeneuve d’Ascq Football Féminin] ? Qui permettrait éventuellement de donner du temps de jeu à certaines joueuses qui n’auraient pas de temps de jeu au LOSC ?
Oui pour l’instant, on n’a en effet qu’un club partenaire féminin qui est le VAFF. On réfléchit à s’ouvrir à d’autres clubs afin de permettre aux joueuses qui sont dans « l’entre-deux » de pouvoir s’aguerrir ailleurs tout en étant toujours suivies et observées.
OK ! Et donc toi pour piloter, je suppose que t’as passé plusieurs formations. Tu parlais tout à l’heure du DES. Je suppose qu’il y a aussi quelque chose pour piloter des projets hors terrain, il me semble que c’est le CFF4 [Certificat Fédéral de Football 4] ? Donc tu l’as passé ? Est-ce que là aussi c’est le club qui finance les formations, ou c’est toi de ton côté ?
On a Caroline La Villa qui intervient sur le « programme éducatif fédéral ». On réfléchit ensemble sur les actions, et Caroline les présente à David Ménard, qui est responsable de la vie Sportive des garçons du LOSC, et qui gère tout l’accompagnement des joueurs du centre de formation on mutualise donc les moyens avec les garçons, avec le soutien financier du club.
On a vraiment des champs multiples d’intervention : on a travaillé avec les Restos du cœur et les Bouchons d’amour , on sensibilise les joueuses sur la nutrition, l’hygiène de vie, les réseaux sociaux… On a carte blanche pour toutes les actions éducatives et on peut s’appuyer sur le vécu des garçons pour les relations déjà établies.
Et donc ça se rapproche de tes responsabilités à la Junior Association ?
Le principe est le même, en effet. Je tiens à souligner d’ailleurs tout le travail qui a été effectué par Mohamed Kidari pour cette Association.
Au niveau des actions dans les écoles, dans les collèges, dans les lycées, comment ça se passe concrètement ? Est-ce qu’il y a un bon retour, est-ce qu’il y a une aide des parents ? Tout à l’heure tu parlais des parents U9 qui apportaient beaucoup de soutien. Est-ce que les parents sont plus présents que dans les sections masculines, où on a l’impression que ça fait garderie ?
Dans les écoles et les collèges les parents ne sont pas présents puisque les animations se font pendant le temps scolaire. En revanche, en situation club dans le foot féminin, c’est totalement différent. Les parents restent impliqués du début à la fin de la séance, même parfois trop. On a d’autres problèmes à régler par rapport à ça… Mais ils sont très dynamiques dans la vie du club. Pour la réception de la Roche-sur-Yon en D2, Caro avait mis en place des actions et responsabilisé les parents des U9. Ça été un franc succès et, au-delà de la matinée réussie, on a eu ensuite un comité de soutien extraordinaire pendant le match !
L’indispensable Silke Demeyere
« Les prestations de l’équipe de France à l’Euro ont été inquiétantes en vue de la coupe du monde 2019 »
Tu penses qu’à terme c’est possible qu’il y ait un football féminin entièrement pro ? Du moins en première division…
Attention au terme qui peut porter à confusion, car il y a une multitude de contrats possibles pour rémunérer les joueuses mais le statut n’est pas professionnel. Mais je pense qu’il est possible qu’on passe bientôt dans un championnat constitué d’équipes où les filles seront toutes rémunérées et pourront s’entrainer en journée. On a déjà Marseille qui, l’année passée, a fait l’effort. Les filles sont toutes sous contrat même si le montant des salaires est à des années-lumière des garçons !
Quand j’ai quitté la D1 il y a deux ans, il n’y avait que trois-quatre équipes qui avaient des joueuses sous contrat. Maintenant même en D2 vous pouvez trouver des joueuses qui ne vivent que de ça.
Si le club avait pu recruter des Belges l’année dernière, c’est notamment parce que la BeneLeague a été abandonnée. Est-ce que Jana [Coryn], Maud [Coutereels] ou Silke [Demeyere] t’ont parlé de la BeneLeague, et éventuellement de ses bienfaits ? On a vu à l’Euro que les Pays-Bas sont allés au bout et que la Belgique y participait pour la première fois.
Silke me disait que c’était intéressant parce que le niveau de jeu était beaucoup plus élevé que le championnat belge. L’inconvénient, c’est qu’elles avaient un peu plus de route ! Par contre, c’est très coûteux, c’est pour ça que ça a été arrêté. Mais si on prend l’équipe des Pays-Bas, beaucoup de joueuses jouent à l’étranger en fait ! Sur le 11 de départ, on avait la milieu droit qui joue à Liverpool, on avait Martens qui a signé à Barcelone. Mais en tout cas, le retour que j’ai eu de la BeneLeague (par Pauline Crammer qui y jouait), c’est que c’était le top de se retrouver face à des équipes comme l’Ajax, Twente où c’était du très bon niveau.
Puisqu’on parle de l’Euro, on va revenir dessus, et évoquer l’état du foot féminin français de manière générale, et voir plus largement que le LOSC. Comment as-tu vécu l’Euro, qui pour une fois était bien retransmis par le service public ? Il y a eu une bonne visibilité, qui malheureusement a pas été forcément positive, dans le sens où c’était pas très enthousiasmant de voir la France cette année. Et as-tu pu échanger avec Maud et Jana pour savoir comment elles l’avaient vécu de l’intérieur ?
Je te rejoins, j’ai été très surprise du nombre de matchs qui ont été retransmis en clair sur les chaînes disponibles et accessibles à tout le monde. J’ai regardé quasi tous les matchs, à part le groupe de l’Allemagne au premier tour. J’ai été surprise par le niveau des Hollandaises notamment. Les Anglaises aussi ont été vraiment pas mal. Après, concernant la Belgique, on savait que ça allait être dur ! Pour elles, c’était la première qualification. Ce n’est pas un miracle, mais c’est historique. Elles ont fait ce qu’elles pouvaient. Je pense qu’elles peuvent être fières de leur parcours dans cet Euro-là. Maud a fait un bon Euro. Elle a joué latérale gauche, chez nous elle joue en défense centrale. Après Jana, a moins de temps de jeu en équipe nationale parce que Tessa [Wullaert] devant c’est pas trop mal. J’ai trouvé Janyce (Cayman) beaucoup en-dessous de ce qu’elle était capable de faire.
Et qu’as-tu pensé des prestations françaises ?
C’est inquiétant parce que dans deux ans, on est censé recevoir la Coupe du Monde chez nous. Et comme tous les ans, on sort de là avec aucun titre, mais en plus de ça, en comparaison des années précédentes, on a été plus que moyennes. J’ai lu les interviews de certaines joueuses qui remettent en question la philosophie de jeu du coach. Je vois Claire Lavogez parfois qui…
…qui est très cash !
Voilà, qui est très cash ! (rires)
Deux joueuses françaises ont été intéressantes : Henry et Geyoro. Après, je pense qu’il y a des filles qui sont en fin de carrière et sur lesquelles on s’entête à s’appuyer. Il manquait plein de choses, c’était vide en fait. Je préférais regarder un match des Pays-Bas qu’un match français…
Justement, le coach, Olivier Echouafni, est remis en question mais est maintenu par la Fédération. On a l’impression qu’il est un peu là par défaut, qu’il ne trouvait plus de poste dans le football masculin, qu’il débarque dans le foot féminin sans qu’il ait d’expérience particulière dans la détection de joueuses. L’impression qu’on a, c’est qu’il y a des gens qui travaillent pour lui, qui lui disent « telle joueuse est suffisamment intéressante pour être sélectionnée », mais qu’il a aucune idée de ce qui se passe.
Je ne le connais pas du tout personnellement, mais c’est vrai que le choix de ce sélectionneur-là a été surprenant de la part de la Fédé.
Plus généralement, est-ce que c’est pas symptomatique aussi d’une certaine forme de relégation du foot féminin ? Parce qu’on va chercher un mec qui n’a pas fait grand-chose chez les garçons. Même Bergeroo, qui était bien meilleur, mais qui n’avait pas de club à l’époque en fait ! Est-ce que c’est pas le signe d’un manque de considération ?
C’est le ressenti que j’ai eu quand j’ai commencé à travailler pour la Ligue. On mettait des éducateurs qui étaient refoulés du football masculin, et qui étaient parfois incompétents. Il y avait diverses raisons, mais c’était un gros problème dans le foot féminin ! On récupérait des restes du football garçon ! Ça se passait comme ça. Là, je ne sais pas si c’est le cas de la fédé. Pourtant, des entraîneurs en place dans le foot féminin ont fait leurs preuves ! Je pense à Sarah M’Barek de Guingamp, qui était à Montpellier, qui en plus est une femme. Elle disait même dans une interview qu’elle était un peu déçue du manque de considération et qu’on oublie très vite ceux qui étaient dans le foot féminin depuis quelques temps. C’est surprenant. Après, c’est facile de tenir des propos négatifs maintenant puisque l’Euro a été… catastrophique ! Donc on a tous un regard négatif envers ce sélectionneur-là. Après, les raisons réelles on ne les connaît pas, il y a tellement de choses à l’intérieur d’un groupe qu’on peut ne pas réellement juger. Maintenant qu’il est renouvelé, je pense qu’il faut repartir de l’avant, mais je pense surtout qu’il doit faire une revue d’effectif et arrêter de s’entêter sur des joueuses qui ont fait le tour, qui ont fait leurs preuves quand il le fallait.
Mais du coup, au-delà d’un éventuel problème de sélectionneur, arriver en fin de cycle à deux ans d’une Coupe du Monde à domicile, c’est quand même une grosse erreur de la part de la fédération.
Tout à fait. Déjà à l’Euro, je pense qu’il aurait dû remanier son groupe et tourner la page avec certaines. Mais il nous reste quand même deux ans et pas deux mois… il va pouvoir analyser les problèmes rencontrés pendant l’Euro et réfléchir à son effectif.
On a eu l’impression qu’il y avait parfois un retour négatif dans la presse sur le foot à l’Euro : il y a eu beaucoup d’articles sur les gardiennes de but. On a l’impression que les journalistes n’ont retenu que ça, sans mettre en avant ce qu’ils auraient mis en valeur chez les mecs. Là, le crédo, c’était « les gardiennes sont nulles ». On a vu un papier dans Libé, le titre c’était ça : « les gardiennes sont-elles nulles ? ».
C’est récurrent dans le foot féminin. Certains de mes collègues sont toujours surpris des buts marqués en cloche sur des frappes lointaines pas appuyées.
Oui voilà, c’est sur les lectures de trajectoire !
Oui la difficulté vient de cette notion d’appréciation de trajectoire mais aussi de qualité de détente. On n’a pas beaucoup de gardiennes qui vont très haut. C’est dur à entendre, mais c’est vrai : regardez tous les buts de l’Euro !
Tu nous disais précédemment que tu étais en fin de carrière. Tu as été en équipe de France B à une époque, également en équipe de France universitaire. Tu as encore l’espoir de retoucher à ça ou c’est fini ?
Non, c’est fini ! J’ai 29 ans donc dans le foot féminin c’est vieux ! Après oui, j’ai eu la chance de pouvoir goûter à des compétitions internationales grâce à ces sélections-là. C’est bien, c’est riche en tant que joueuse parce que ça vous permet de voir un autre niveau aussi, de voyager ! Mais non, à 29 ans… Mon objectif principal est de me faire ma place dans le 11 de départ pour le 3 septembre et faire une bonne saison pour soit lever le pied en fin de saison, soit dans deux ans.
Un de tes parents est Algérien. La sélection algérienne, ça s’est posé à une époque ?
Oui, l’année passée encore ! Après c’est délicat. C’est un peu complexe. Je me dis « quel est l’intérêt à 29 ans de repartir en sélection ? ». Parce que je n’ai pas envie de rendre une copie comme certaines l’ont fait à l’Euro.
Héloïse Mansuy vient de Metz et porte cette saison le n°27
« Le foot féminin français est en retard sur l’aspect physique »
Pour revenir sur Claire Lavogez : elle a dit il y a deux mois que l’arrivée d’Alex Morgan dans le championnat de France n’était pas une bonne chose, parce qu’elle était là pour six mois, c’était que du court terme, et que du point de vue du temps de jeu, elle prenait du temps de jeu sur des joueuses qui avaient signé à Lyon… On peut être d’accord avec elle, et en même temps, c’est une vraie plus-value pour le championnat, même pour une demi-saison. Qu’est-ce que tu en penses ? Est-ce que c’est une bonne chose pour le foot féminin ?
Je peux comprendre Claire, parce qu’elle fait partie des filles à qui Alex Morgan a certainement pris du temps de jeu. C’est un peu frustrant de se dire qu’on ne va pas avoir de temps parce qu’une fille ne vient que six mois. Après, ça fait beaucoup de bien pour l’image du football féminin en France. Il ne faut pas se leurrer ! Elle a ramené beaucoup de monde sur les contours des terrains de par sa notoriété. Donc ça a été très bien. Pour Lyon aussi, parce que c’est une bonne joueuse avant tout, même si elle fait parler d’elle en dehors. Elle est une joueuse bourrée de qualités.
Alex Morgan s’entraîne beaucoup en individuel, notamment avec un programme qui s’appelle Beast Mode Soccer aux Etats-Unis. Et en mai dernier, Marc Ingla a présenté le projet aux supporters en disant qu’il y aurait un développement en Chine, mais aussi aux Etats-Unis, principalement en ce qui concerne les féminines. Où en est-on de ce projet ?
C’est en cours. On a eu quelques réunions de travail avec différents intervenants. Chez les garçons ça va beaucoup plus vite. Mais c’est en cours.
Le but serait d’envoyer le savoir-faire du LOSC aux Etats-Unis ou au contraire de faire venir le savoir-faire américain en ce qui concerne le foot féminin ?
Non, en fait c’est de présenter la façon de travailler, la méthodologie de travail du football féminin du LOSC.
Et alors comment on convainc un Américain, alors que les Etats-Unis dominent le foot féminin depuis 35 ans ?
(rires) Tout à fait ! Justement, amener une nouveauté, amener du sang neuf, une autre façon de travailler ! Après, c’est pareil pour les garçons en Chine, même si la Chine ce n’est pas le même rendu que le football féminin aux Etats-Unis. Mais c’est surtout apporter une originalité, ou montrer comment fonctionne le LOSC.
Merci à Rachel Saïdi pour sa disponibilité.
Il reste un dernier match amical, ce dimanche 27 à 15h au Stadium, contre Fleury 91 (D1). La reprise du championnat a lieu dimanche 3 septembre, au Stadium, contre Bordeaux.
FC Notes :
1 J’écris « certes » quand je veux, même si la dernière fois c’était deux lignes au-dessus.
2 Suite à la réclamation de La Roche après la victoire 5-1 des Lilloises, le LOSC a été sanctionné de 4 points (les 3 points de la victoire + 1 point de pénalité). Cependant, avant la dernière journée, les Lilloises étaient encore devant et si elles s’imposaient à Arras, elles gardaient la tête. Mais elles ont fait match nul (0-0) pendant que La Roche s’imposait contre Brest (7-1), perdant ainsi la tête du championnat et la montée… Jusqu’à ce qu’il soit finalement décidé que LOSC/La Roche soit rejoué, remettant donc en jeu les 3 points de la victoire que le LOSC avait perdus.
3 Ces matchs se sont déroulés après l’entretien : défaite 0-6 contre les U17 masculins de Croix ; , victoire 2-1 contre Nancy ; victoire 2-1 contre les U16 masculins de Wasquehal ; il reste un dernier match amical ce dimanche 27 à 15h au Stadium, contre Fleury 91 (D1).
4 On peut se référer à cet article publié sur le site du LOSC pour en savoir davantage : https://www.losc.fr/actualites-foot-lille/passez-votre-dipl%C3%B4me-gr%C3%A2ce-au-losc-formation
Un commentaire
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26 août 2017
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Bernard Cordiez a dit:
Très bonne analyse de la situation.