Posté le 10 octobre 2017 - par dbclosc
Le jour de gloire d’Olufadé
Le 10 octobre 2001, Lille reçoit La Corogne pour son 3e match de poule de Ligue des Champions. Comme il le fait régulièrement en championnat de France, dont il est en tête à ce moment, le LOSC s’arrache et marque en fin de match. Le buteur est le Togolais Adekanmi Olufadé, auteur d’une splendide reprise de volée.
Ce mercredi soir au stade Félix-Bollaert se joue un match qui aurait dû avoir lieu un mois auparavant, le 12 septembre 2001. Mais les attentats la veille aux États-Unis ont incité l’UEFA à reporter les matches prévus ce jour, non sans quelques débats sur l’opportunité de cette décision : « L’UEFA souhaite exprimer sa profonde tristesse et sa stupéfaction vis-à-vis des tragiques et terribles évènements qui ont eu lieu aujourd’hui aux États-Unis. Nos pensées et nos cœurs vont à toutes les victimes de ces terrifiantes attaques et nous adressons notre compassion la plus sincère à leurs familles et leurs amis. Les matchs de la journée se dérouleront comme prévu, mais une minute de silence sera observée suite à ces évènements. L’ampleur de cette tragédie, la douleur et la tristesse dans laquelle elle nous plonge, nous force à réfléchir. L’UEFA souhaite respecter la souffrance ressentie par les familles qui ont perdu un proche en repoussant les matchs prévus cette semaine. ». Le mardi 11 septembre, les matches européens ont donc été maintenus, si bien que Nantes, engagé aussi en Ligue des Champions, et Troyes, en UEFA, ont joué (et gagné, respectivement 4-1 contre le PSV Eindhoven, et 6-1 contre Ruzomberok). C’est finalement à Manchester, le 18 septembre, que le LOSC a étrenné ses nouveaux habits de club européen pour une glorieuse et noble défaite (0-1).
Les joyaux de La Corogne
Après la qualification historique face à Parme durant l’été, on savait que le LOSC, novice à ce niveau et donc dans le 4e chapeau, tomberait dans un groupe relevé : les Grecs d’Olympiakos, pas les plus impressionnants mais ils connaissent la compétition ; Manchester United, champion d’Angleterre ; et les Espagnols du Deportivo La Corogne.
Le Real Club Deportivo de La Coruña est un vieux club espagnol fondé en 1906, qui ne prend son appellation actuelle qu’en 1918. Il joue dès son origine sur un terrain proche de la plage du Riazor, qui donnera son nom au stade inauguré en 1944, apparemment on savait s’amuser là-bas à l’époque. Hormis une deuxième place décrochée en 1950, le club ne fait pas particulièrement parler de lui ; durant 3 décennies, entre 1957 et 1988, il a même vivoté entre deuxième et troisième divisions. Ce n’est qu’en 1991 que le Depor retrouve l’élite espagnole, se signalant alors comme une valeur sûre du championnat : grâce à des joueurs tels que Bebeto, Mauro Silva et Adolfo Aldana, le club signe une surprenante 3e place en 1993. L’année suivante, renforcé par Donato, La Corogne manque le titre lors de la dernière journée au profit du Barça, à la différence de buts. De nouveau deuxième en 1995, La Corogne remporte son premier trophée majeur, la coupe d’Espagne, ce qui lui permet ensuite de jouer (et de remporter) la supercoupe d’Espagne. La saison 1995-1996 marque une inflexion dans les résultats du club (9e), toutefois demi-finaliste de la Coupe des coupes, sorti par le PSG. Durant 3 ans, malgré Rivaldo, le club rentre dans le rang : seulement 12e en 1998. La venue de Javier Irureta au cours de la saison 1998-1999 permet d’arracher une place en coupe UEFA.
Le Depor ressurgit avec éclat lors de la saison 1999-2000. Les Galiciens prennent la tête dès la 12e journée et ne la quittent plus. Un soir de mai 2000, 2 buts de Donato et Makaay permettent à la Corogne de battre l’Espanyol Barcelone et de devenir championne pour la première fois de son histoire. Parmi les champions les plus illustres : Nourredine Naybet, Romero, Djalminha, Flavio Conceição, Juan Fran, Mauro Silva, Roy Makaay. Et Salaheddine Bassir, bien entendu.
L’arrivée de Javier Irureta sur le banc fait vivre au club sa période de gloire, durant 5 saisons : champion en 2000, vice-champion en 2001, 3e en 2002 ; vainqueur de la coupe d’Espagne en 2002 ; vainqueur de la supercoupe d’Espagne en 2000 et 2002 ; demi-finaliste de la Ligue des Champions en 2004, éliminé par Porto (0-0 ; 0-1), après avoir effectué une remontada en quart contre le Milan AC : battus 1-4 à San Siro à l’aller, les Espagnols s’imposent 4-0 au retour. C’est donc dans cette période dorée, dont on peut trouver pas mal de similitudes avec le LOSC au même moment, que les Espagnols se déplacent à Lille le 10 octobre 2001. Avec une nouvelle philosophie depuis 2 ans : « hispanifier » le Depor. En 1995, ils y avait 20 joueurs étrangers et cela avait été considéré, à tort ou à raison, comme la raison des moindres performances du club. Poiur Irureta, « ce n’est pas une question d’ostracisme. Simplement une question d’entente, de convivialité, d’automatismes, de références communes. A qualité égale, je choisis toujours un Espagnol. Les résultats me donnent raison ». Avec Diego Tristan, Valeron et Victor comme leaders techniques.
Ça plane pour Lille
Du côté du LOSC, dans la foulée de 2 saisons exceptionnelles (celle-ci et celle-là) suite à l’arrivée de Vahid Halilhodzic, c’est l’euphorie. En championnat, Lille est en tête et est toujours invaincu, après avoir pourtant concédé l’ouverture du score à 5 reprises en 9 journées ! L’équipe confirme ainsi d’incroyables qualités d’abnégation au point qu’il en est presque comique de la voir renouveler d’improbables scénarios : égalisation à Lens à la 87e, victoires à domicile après avoir été mené contre Lorient, Montpellier et Bastia, avec des buts vainqueurs inscrits dans les arrêts de jeu pour ces deux dernières rencontres, victoire miraculeuse à Troyes. En championnat, Lille a marqué 13 fois, et tous les buts ont été marqués en deuxième mi-temps. Le but le plus précoce ? Cheyrou contre Lorient : 54e…
10 jours avant de recevoir La Corogne, Lille a remis ça : mené 0-1 par Sedan, l’équipe égalise à la 78e minute par Adekamni Olufadé, et revient des Ardennes avec 1 point. Les deux buts du match :
Dagui Bakari s’est imposé comme titulaire indiscutable, la recrue-phare de l’été est le Marocain Bassir, et Mile Sterjovski a prouvé son efficacité depuis un an : Adékanmi Olufadé n’est pas le plus connu des attaquants lillois. À tel point que nous ne savons pas vraiment quel est son prénom : Adekanmi, Adékamni, Adékambi… Les sources divergent. En revanche, tout le monde s’accorde sur « Olufadé ». Né en 1980 au Togo, Olufadé a été formé dans son pays et a pas mal bourlingué. ♫ À 17 ans, il a quitté sa proviiiiinnncheuuuu ♫, pour Metz : « je suis arrivé en plein hiver. J’ai découvert le sens du mot froid ! ». Un coup d’épée dans l’eau : frigorifié, il revient à Lomé 3 mois plus tard. Après quelques expériences en Suisse, en Côte d’Ivoire, en Espagne, puis au Portugal (« C’est clair, il y a des clubs où je n’aurais pas dû aller. Certains managers n’ont pas beaucoup de scrupules »), Adekanmi pose ses valises en Belgique.
Loin de nous l’idée perfide d’instiller le doute. On a trouvé ça sur icilome.com, qu’on imagine bien renseigné
Six mois avant son arrivée à Lille, il débarque en Jupiler League, à Lokeren, qui est alors 9ème après 18 journées. Si l’équipe reste sur 3 victoires consécutives à son arrivée, elle a fait preuves de carences assez béantes, encaissant notamment un 0-8 à Anderlecht 3 mois auparavant.
Adékamni-nmi-kambi réussit une excellente demi-saison puisque sur les 13 derniers matches, dont il ne manque que 30 minutes, il inscrit 7 buts. Dès son deuxième match, il plante un doublé contre Bruges, qui gagnait alors quasiment tout (17 v, 1n, 1d avant le match). Lokeren finit la saison en boulet de canon, termine par une victoire 5-0 au Standard de Liège, et se classe finalement 4e.
C’est fort de ce bilan très satisfaisant qu’Obi-wan-Kenobi signe pour 4 ans au LOSC au cours de l’été 2001. Son début de saison est à la fois modeste et encourageant : titulaire à une seule reprise (contre Montpellier, juste avant le match retour contre Parme), il entre en jeu 7 fois en championnat et 2 fois en Ligue des Champions, et participe au feu d’artifice des fins de match vahidesques, scorant donc pour la première fois à Sedan. Il est de nouveau remplaçant contre La Corogne.
Château en Espagne
C’est surprenant, mais ce match oppose les deux équipes de tête dans ce groupe, puisque Lille a battu Olympiakos le Pirée (3-1) lors de la deuxième journée, pendant que les Espagnols, auteurs d’un surprenant nul à domicile lors du premier match (2-2), battaient les Anglais (2-1). On a donc La Corogne devant avec 4 points, Lille 2e avec 3 points (+1), Manchester 3e avec 3 points (0), et Olympiakos 4e avec 1 point (-1). Puisque rien ni personne ne semble arrêter ces Lillois, on se prend à rêver d’une qualification pour le tour suivant… Halilhodzic, seulement privé de Djezon Boutoille, aligne son équipe-type, avec Sterjovski et Bakari devant.
Sur le banc : Bassir, Olufadé, Rafael, Murati, Malicki, Collot, Delpierre.
Comme lors des confrontations européennes précédentes, Lille n’est nullement submergé ni même simplement dominé. Ce sont même plutôt les Dogues qui portent le danger sur le but de Molina. Dès la 9e minute, Cheyrou passe dans l’axe pour Bakari, qui met du temps à contrôler mais parvient tout de même à frapper, au dessus. Le match aurait pu prendre une autre tournure si l’arbitre avait logiquement expulsé Naybet qui, à la 18e minute, piétine Sterjovski. Le Marocain s’en sort avec… un coup-franc en sa faveur. Le match est globalement équilibré et les équipes se rendent coup pour coup : à la 24e minute, Sterjovski frappe trop mollement sur Molina ; dans la minute, Pandiani réalise une volée du gauche au ras du piquet de Wimbée. À la 36e, Fran récupère une balle dans les 30 mètres lillois, transmet à Pandiani qui se retrouve face à Wimbée. Gêné par Ecker, il s’excentre et Wimbée sort superbement dans es pieds. Le ballon n’est pas perdu pour les Espagnols, mais c’était sans compter sur Fernando, qui décide de foncer dans un joueur adverse et de vite se relever, sous les yeux de l’arbitre, qui y voit quelque chose de tout à fait régulier : Lille récupère le ballon. Dans la continuité de l’action, Cheyrou sert Bakari, qui frappe en pivot et manque la lucarne pour quelque centimètres. Juste avant la pause, Emerson réussit un sombrero sur Pichot avant de frapper dans le petit filet. 0-0 à la mi-temps, c’est très bien !
Dès la reprise, La Corogne ouvre la marque. Parti du milieu de terrain, Valeron traverse toute la défense lilloise, profite de l’appel de Pandiani pour s’ouvrir le chemin du but et trompe Greg Wimbée, à ras de terre. Superbe action individuelle, et voilà enfin un but encaissé par Lille qui semble signifier ce qui le sépare du très haut niveau : jamais on n’aurait encaissé un but pareil en championnat.
Mais Lille ne lâche pas : à la 53e, sur un centre d’Ecker, Dagui rate sa reprise aux 6 mètres. 30 secondes plus tard, Landrin frappe aux 18 mètres mais Molina repousse. La seconde période est plus fermée mais, comme d’habitude, les changements offensifs vont perturber l’adversaire. Landrin, Sterjovski et Cheyrou sortent, Bassir, l’ancien de La Corogne, Olufadé et Murati entrent, et c’est encore eul’bazar. Conditionné à des fins de match épique, le public pousse de plus en plus, même quand Greg s’apprête à tirer un coup de pied de but. Les coups-francs s’accumulent : sur l’un d’eux, Murati met en retrait à Fahmi qui dévisse et ne trouve pas le cadre. Le gardien, Molina, envoie un 6 mètres en touche et excite le public.
L’égalisation survient à la 87e : tout part d’une relance de Greg Wimbée vers Murati. Sans solution immédiate, il trouve Cygan légèrement en retrait. Pascal oriente à droite vers Pichot, dont la passe vers Olufadé casse une première ligne espagnole. Le Togolais contrôle bien et oriente vers Cygan, qui a passé la ligne médiane : il passe devant vers Bassir qui, fort heureusement, ne touche pas le ballon, ce qui permet à Bakari, dos au but, d’ajuster une petite remise en retrait à Olufadé aux 20 mètres, qui prend le temps d’armer après un rebond : pleine lucarne ! À chaque fois, on se dit que le LOSC va tomber sur un os, va finir par ne plus pouvoir rivaliser, et que le jour de la fin l’ascension sera alors arrivé ; mais monter les échelons de la hiérarchie footballistique ne change pas cette équipe : en D2, en D1, puis en ligue des Champions, elle plie parfois, mais pousse, attaque, et finit par marquer en fin de match grâce à un inconnu, face à des adversaires débordés.
Le LOSC pousse encore modérément pour arracher 3 points, mais hormis un dernier corner obtenu par Ecker et une séquence de panique dans les 6 mètres espagnols, il ne se passe plus grand chose : La Corogne ne boira pas le Galice jusqu’à la lie. Les deux équipes se séparent sur le score de 1-1. La fin du match à revivre dans la vidéo ci-dessous :
Adékanmi Olufadé n’a plus jamais marqué pour le LOSC. En championnat, il n’est plus réapparu que 3 fois, par exemple 3 jours après, contre Nantes, où Lille gagne grâce à un but marqué à la… 93e minute, lui et Bakari étant entrés en jeu juste avant. Il apparaît aussi une dernière fois en Ligue des Champions, en étant titulaire au Pirée1.
Le but sur Fréquence Nord, l’occasion de rappeler que la dyslexie se soigne
Retour en Belgique
La suite de son parcours est à l’image de ses débuts : chaotique et modeste. Claude Puel ne comptant pas sur lui, il quitte le LOSC en août 2002, même si on le voit sur les premières photos officielles du club lors de la saison 2002-2003, réalisées tôt en raison de la coupe Intertoto (on ne voit pas Manchev, qui n’est pas encore arrivé).
Olufadé est prêté à Nice, où il joue 18 fois, donc 5 fois en tant que titulaire. Il y inscrit 2 buts, contre Marseille et à Auxerre. Pas de quoi donner envie à l’OGCN de le garder. Il est ensuite prêté à Charleroi en 2003-2004, où il inscrit 7 buts en 24 matches. À l’issue de cette saison, il est de retour à Lille et prend même part à une partie de la préparation du LOSC. En juillet 2004, il dispute un match amical contre Wasquehal, remporté 3-0 par le LOSC (buts de Fauvergue, Raynier et Audel ! L’équipe était composée des joueurs qui n’avaient pas joué en Intertoto à Minsk), sur 3 passes décisives d’Olufadé ! Voilà pourquoi on trouve des photos et des traces biographiques pas très claires sur son passage au LOSC pendant cette période : Olufadé n’est resté à Lille que quelques jours en 2004, et a finalement résilié son contrat le 30 août.
Il part au Qatar. 2 saisons qui lui permettent de se maintenir en sélection, et même de participer à la coupe du monde 2006 : il entre en jeu contre la France, mais son équipe est éliminée dès le premier tour. Il retourne alors là où il a le mieux réussi : en Belgique. Il joue 4 saisons à La Gantoise de 2006 à 2010, mais son temps de jeu et ses performances s’amenuisent à mesure que le temps passe : 27 matches, 15 buts la première saison, puis 25/9, 16/9, 2/0. En 2010, il tente un dernier coup à Charleroi, mais il ne joue que 5 bouts de match, ne marque pas, et Charleroi descend.
Au total, en Jupi League, son bilan est de 111 matchs joués, 47 buts marqués et 20 passes décisives délivrées. En sélection togolaise, il a marqué 19 fois en 45 sélections. Ces stats en font un joueur pas dégueulasse, mais bien loin d’avoir réitéré sa performance d’octobre 2001, qui reste un moment d’exception.
Après sa carrière de footballeur, il a lancé une académie de football au Togo, le « Centre de Développement Sportif Olufadé », dont le point d’orgue est l’organisation régulière du tournoi « Olufadé cup ». Il a également entraîné Gomido de Kpalimé, le Stella Club d’Adjamey, et a été directeur technique de Anges de Notsè, l’année où le club a remporté le titre de champion. Aux dernières nouvelles, il a pris en main en septembre 2016 le club de Semassi de Sokodé, après que le précédent entraîneur, Maurice Noutsoudjin, a été tabassé par des supporters du club. L’équipe a terminé 2e en 2017, puis 3e en 2018. Lors de l’été 2018, il a pris les commandes du Dynamic Togolais. Avec les « robots rouges », il a terminé 4e, alors que l’équipe était en tête en mars. En coupe, l’équipe a été éliminée par l’Etoile filante en quarts de finale. On ne sait pas trop s’il est encore là-bas : cet été 2019, il a participé à un match de gala avec les légendes du Togo.
FC Notes :
1 Au Pirée de la hanche, ouais !
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