Archiver pour novembre 2017
Posté le 28 novembre 2017 - par dbclosc
Le LOSC dément avoir un jour engagé Marcelo Bielsa
Dans le feuilleton qui oppose le club nordiste à son ancien coach, c’est l’escalade.
De notre correspondant à Luchin, dépité.
Après la déroute subie à Amiens (0-3) lundi dernier, l’entraîneur argentin a été « suspendu temporairement » de son poste d’entraîneur selon un communiqué lapidaire de la direction du LOSC. Cinq jours après cette mise à l’écart, désireux de faire valoir ses droits, Marcelo Bielsa a saisi le 24 novembre la Commission juridique de la Ligue de football professionnel (LFP) pour « faire constater la résiliation de son contrat d’entraîneur aux torts exclusifs » du LOSC, a rapporté l’AFP. Ce matin, soucieux de prouver la légalité de sa démarche, le LOSC répliquait en indiquant dans un nouveau communiqué que « Marcelo Bielsa a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui se tiendra le mercredi 29 novembre, avec mise à pied à titre conservatoire pour la durée de la procédure ». Seulement, dans l’après-midi, le technicien argentin, par l’intermédiaire de son avocat, Maître Brusca, dément qu’une convocation pour le lendemain ait été envoyée par le LOSC.
Dans ce une-deux qui n’en finit pas, les dirigeants du LOSC, désireux d’occuper l’espace médiatique où ils excellent, ont dégoté une nouvelle arme : ils affirment désormais que Marcelo Bielsa n’a jamais entraîné le LOSC, avec cet argument-massue « ça se saurait si cette équipe était entraînée ». Contacté, M. Campos affirme n’avoir « jamais entendu parler de cet individu, qui d’ailleurs n’a aucun palmarès ». M. Lopez, en déplacement quelque part dans le système solaire, est pour sa part injoignable. Que va désormais répondre le conseil de M. Bielsa ? Réponse dans la soirée. En attendant une énième contre attaque de la partie adverse, la cellule « arguments aux médias » du LOSC vient de remettre la main sur le dossier « Gérard Lopez n’a jamais repris le LOSC », au cas où.
Posté le 23 novembre 2017 - par dbclosc
Le PSG et Grimonprez-Jooris, des reports difficiles
Outre le fait que le PSG ne s’est imposé que 2 fois dans son histoire au stade Grimonprez-Jooris à tel point que le LOSC était considéré comme sa bête noire, l’équipe parisienne dut aussi faire face aux aléas extérieurs quand le score lui était plutôt favorable. Résultat, deux interruptions de match à 1-1, deux matches à rejouer, et finalement deux victoires 2-0 pour Lille.
Lille, bête noire du PSG
On connaît la malédiction qui toucha longtemps le PSG quand il se déplaçait à Lille. Si les Parisiens se sont imposés à Lille dès la première confrontation entre les deux équipes dans l’élite en 1972 (au stade Henri-Jooris), le nouveau stade Grimonprez-Jooris devint rapidement leur enfer du Nord. Il a en effet fallu attendre 1993, une saison de titre national, pour que le PSG s’impose à nouveau à Lille et, pour la première fois, à Grimonprez-Jooris. Le PSG ne s’est imposé qu’une seule autre fois à Grimonprez, en 1997, chez un LOSC déjà quasi-condamné à la D2. Cette donnée est une constante assez étonnante quand on connaît les performances des deux clubs dans les années 1980 et 1990 : on en avait déjà parlé dans cet article. Le LOSC était ainsi considéré comme la « bête noire » de l’équipe de la capitale, réputation qui doit aussi à quelques performances mémorables des Lillois au Parc des Princes, avec 4 victoires dans les années 1980, dont un incroyable 5-4 le 22 octobre 1983, sans oublier la miraculeuse victoire d’avril 1996. Et si on voulait vraiment accabler les Parisiens, soulignons que les années 2000 n’ont rien changé à la donne : à partir de la remontée en D1 en 2000, Paris n’a pas davantage gagné à Lille : les 4 matches à Grimonprez entre 2000 et 2004 se sont soldées par autant de défaites pour les parigots (0-2, 0-1, 1-2 puis 0-1), puis le LOSC a gardé son invincibilité durant ses 8 saisons d’exil au Stadium Nord, avec 4 nuls et 4 victoires. C’est pour contrer cette tradition que les dirigeants qatariens recrutent Zlatan Ibrahimovic en 2012, ouvrant alors une ère où Lille ne gagne plus chez lui contre Paris (depuis 2012, 3 défaites et 2 nuls pour le LOSC au stade Pierre Mauroy, et une élimination en demi-finale de coupe de la Ligue en 2015). Voilà pour quelques détails rappelant que le LOSC est grand, le LOSC est beau.
Les Dieux du foot sont avec nous
Revenons sur la période de Grimonprez-Jooris. Moins connue, une autre malédiction a pesé sur les Parisiens qui s’y rendaient : non seulement ils y perdaient très souvent, mais quand ils parvenaient péniblement à arracher le nul, le match était interrompu, puis rejoué pour donner la victoire aux Lillois. Comme quoi les forces du complot savent aussi relâcher leur étreinte sur nous et s’abattre sur un autre club. On appelle aussi ça la justice, dont on peut se demander si elle n’est pas parfois d’origine divine : il est évident qu’une force supérieure a considéré à deux reprises qu’un nul entre le LOSC et Paris relevait de l’anomalie, et a alors mis en œuvre ce qui était en son pouvoir pour rétablir la normalité des choses. C’était lors des saisons 1985/1986, puis 2000/2001.
1985-1986 : le coup de la panne de courant
Nous sommes le 20 novembre 1985. On débute les matches retour, le PSG est en tête et se rend chez des Lillois en difficulté, en bas de tableau. À l’aller, les Parisiens se sont facilement imposés 3-0, score acquis à la mi-temps. À Lille, devant 11 438 spectateurs, Dominique Rocheteau ouvre le score pour les Parisiens juste avant la mi-temps. Mais les Lillois résistent bien et égalisent même grâce à Stéphane Plancque à la 71e minute. On semble alors se diriger vers un résultat nul qui constitue une belle performance pour les Lillois quand, à la 86e, l’éclairage de Grimonprez-Jooris lâche : panne de courant ! L’arbitre, M. Benali, renvoie les deux équipes aux vestiaires et applique le règlement en la matière : si, dans les 45 minutes, la lumière n’est pas revenue, le match ne reprendra pas le jour-même et il reviendra à la ligue de football de statuer. Bien souvent, ce type de situation est défavorable à l’équipe locale, qui se doit d’assurer le bon déroulement du match, par exemple en assurant un éclairage quand il fait nuit. Autrement dit, il y a fort à parier que le LOSC va perdre ce match sur tapis vert (ce qui serait un scandale car comme il n’y a pas de lumière, comment savoir si le tapis est vert ?). Après 45 minutes, la lumière ne revient pas, et l’arbitre interrompt donc définitivement ce match. Seulement voilà : l’organisation du LOSC n’y est pas pour grand chose dans cette coupure de courant : en fait, c’est toute la ville de Lille qui est plongée dans le noir. Autrement dit, la responsabilité du LOSC n’est pas engagée, et c’est ce que conclut la ligue, qui ne donne pas match perdu à Lille, mais décide de faire rejouer intégralement le match, c’est-à-dire dès la 1ère minute, alors qu’il n’en restait que 4 à jouer ! Sur le coup, cette décision ne satisfait personne : ni les Lillois, bien entendu, pour qui le score était fort honorable, mais ni les Parisiens, qui se contentaient aussi de ce résultat. Luis Fernandez, alors joueur, déclare ainsi : « Quand je pense que pour si peu de temps le match doit être à rejouer… C’est dommage car le nul arrange tout le monde. »
Bernard Bureau échappe à Thierry Bacconnier
Le match est donc rejoué le 22 janvier 1986. Il n’y a pas de quoi être plus confiant que 2 mois plus tôt. Lille se traîne toujours en fin de classement : 17e avec 23 points, juste devant le barragiste. Paris est toujours premier. Surtout, cela fait 6 mois que Paris est toujours invaincu ! 26 matches, 18 victoires, 44 points (la victoire vaut 2 points si tu comptes bien.) Le PSG bat cette saison là le record d’invincibilité de Saint-Étienne, qui était alors de 21 matches sans défaite1. Et pourtant. Dans le froid, le vent, sur une pelouse dégueulasse, les Dogues sortent les crocs face à des Parisiens privés de Fernandez, malade. Les Lillois tiennent le 0-0 à la pause, et c’est déjà bien. En début de deuxième période, le Parisien Jeannol se blesse et est remplacé par Morin. La domination lilloise s’accroît à mesure que file le temps. Alors qu’il reste un quart d’heure à jouer, Morin concède une bête faute. Pascal Plancque brosse le coup-franc de la droite vers les 6-mètres, où arrive Bureau qui catapulte acrobatiquement le ballon de la tête au fond des filets !
Six minutes plus tard, le même Bureau reçoit un ballon dans le rond central, élimine un arrière en se retournant et file au but. Plus rapide que les défenseurs, il bat de nouveau Joël Bats : 2-0 ! On dit souvent que le travail de bureau n’est pas terrible, et ben là on a du bon boulot de Bureau, qui se rappelle au bon souvenir de son ancien club. Paris chute à Lille et perd donc son invincibilité.
Du coup, le bilan eighties des LOSC/ PSG est assez mignon à regarder : 9 matches, 9 victoires pour Lille, 15 buts marqués, 3 encaissés.
2000-2001 : Paris prend l’eau
En 2000, le PSG est une équipe à la recherche de sa gloire des années 1990, et qui a frappé fort sur le marché des transferts durant l’été, en recrutant de jeunes français prometteurs tels que Luccin, Dalmat, Distin, et surtout en faisant revenir Nicolas Anelka pour 220 MF, lui qui avait été vendu par le même club pour 5 MF 3 années auparavant - notez que nous ne sommes pas comptables, mais il nous semble que financièrement, l’opération est assez médiocre. Les Parisiens, entraînés par Philippe Bergeroo, un ancien Lillois, sont à peu près dans les clous : 4emes, un point derrière… le LOSC. LOSC qui, après 3 saisons en D2, est de retour en D1. Le début de saison est surprenant : sur sa lancée de la dynamique construite en D2, Lille s’est tranquillement installé dans le haut du classement (et y restera toute la saison, voir ce qu’on a écrit sur cette année-là), en s’appuyant notamment sur une défense de fer, la meilleure du championnat : seulement 11 buts encaissés après 16 journées. L’équipe ne s’y trompe pas en consacrant sa Une au « mur » lillois.
Sur une pelouse gorgée d’eau, le jeu a du mal à se mettre en place. Anelka, qui revient de blessure, est la première victime de la lourdeur du terrain : il se claque dès la 9e minute, sous les vivas du public. Pascal Cygan, qui a anticipé le claquage, arrête sa course avant qu’Anelka ne s’en rende compte lui-même (voir résumé ci-dessous). Lille domine légèrement. Et il pleut, de plus en plus. La mi-temps est sifflée sur le score de 0-0, et le match est pauvre en occasions. Dès la reprise, cependant qu’il pleut désormais comme Levacher qui pisse2, Dalmat tacle Bruno Cheyrou dans la surface, avec une telle adresse que l’on peut imputer cette faute aux conditions climatiques : pénalty pour Lille ! Mikkel Beck transforme, battant dans la foulée le record de longueur de la glissade sur le ventre, record immédiatement pulvérisé par Mile Sterjovski.
Lille mène 1-0. Sur l’engagement, les Parisiens perdent le ballon et Sterjovski, profitant d’un air-dégagement de Grégory Paisley, se retrouve en position favorable devant Létizi, qui détourne en corner. 3 minutes après, Paris réagit : long ballon dans le camp lillois : Pichot essaie d’intervenir mais, manquant d’appui sur le terrain détrempé, il glisse et élimine son propre gardien. Laurent Robert suit opportunément et place dans le but vide : 1-1.
On joue encore une dizaine de minutes, jusqu’à ce que l’arbitre constate que le jeu devient impraticable. Déjà, les deux buts résultent d’erreurs directement liées à la pluie et, depuis l’égalisation, il ne se passe plus grand chose sur le terrain. Il devient même difficile de faire une passe, sans compter que tout tacle peut vite partir en sucette. Le match est donc interrompu, puis définitivement reporté.
Nous voilà le 13 décembre 2000. Lille est toujours dans les premières places, et a même l’occasion de revenir à 1 point du leader bordelais en cas de victoire. Le PSG, de son côté, s’est enfoncé dans sa traditionnelle crise automnale : malgré des résultats corrects, Bergeroo est viré, la présidence souhaitant placer Fernandez sur le banc. Pas franchement une réussite jusque là : même si le championnat est serré, le club a glissé à la 9e place. Et sur le terrain, l’effet Fernandez se fait sentir d’emblée : profitant d’une déviation Beckesque, Sterjovski ouvre le score en allumant Létizi de près dès la 13e minute. Avec un Murati surmotivé contre son ancien club, le LOSC domine tranquillement un PSG bien inoffensif, et la récompense survient en deuxième période : l’Australien y va de son doublé en reprenant de la tête un centre de Christophe Pignol. 2-0 !
Hormis sur un corner repris de la tête par Anelka, que Wimbée détourne d’une superbe manchette, le PSG n’a pas existé, ce qui incite le public lillois à scander le nom de Bergeroo en fin de match, on avait dit un mot de ce chambrage ici.
Les buts sur Fréquence Nord pour nos amis malvoyants :
Les Dieux du foot étaient donc bien avec le LOSC pour ces deux matches (4 matches en fait) : une première fois en coupant l’électricité, une deuxième fois en faisant tomber la pluie. Et on sait que ces deux actions sont de la compétence des Dieux, on voit notamment ça dans le dessin animé Les 12 travaux d’Astérix, dans lequel les Dieux, en colère en voyant ce qui se passe ici-bas, déclenchent un violent orage. À la différence près que, pour nos Lillois, c’était pour adouber ceux qui résistent encore et toujours à l’envahisseur.
FC Notes :
1 Même si, du coup, cette défaite est officiellement enregistrée comme étant survenue à la 20e journée. De toute façon, le record a été battu depuis, par Nantes en 1995 (première défaite à la 32e journée).
2 Pardon à notre internationale B.
Posté le 15 novembre 2017 - par dbclosc
Arnaud Duncker : « Valenciennes, mon club formateur ; Lille, mon club de cœur »
La célèbre équipe de DBC, au complet, poursuit ses entretiens pour mettre en lumière la non moins célèbre grandeur losciste, qui saute déjà aux yeux : au tour d’Arnaud Duncker d’évoquer ses souvenirs !
Pour rappel, on est allés voir Rachel Saïdi en août sur l’actualité de la section féminine et, du côté des mecs, Fernando D’Amico et Grégory Wimbée durant le premier semestre. Si ces deux derniers sont associés à une période sportive exceptionnelle pour le LOSC, on ne peut pas dire que les années durant lesquelles Arnaud était Lillois (1994-1998) furent associées à du beau jeu et à des résultats faramineux. Ce qui ne signifie pas, loin de là, que c’est une période que l’on n’a pas appréciée. On l’a souvent écrit ici : quand, enfant, on effectue sa socialisation footballistique dans les années 1990 à Grimonprez-Jooris, il reste toujours un on-ne-sait-quoi d’amour pour le football laborieux, les tribunes vides, les 0-0 pas contre le cours du non-jeu. Dans un collectif moyen, c’est aussi le temps où les teigneux sur le terrain peuvent particulièrement s’épanouir. Et Arnaud Duncker était bien de ceux-là : on se rappelle son activité débordante, son endurance au-dessus de la moyenne, ses chevauchées-bulldozer côté droit, ses récupérations de balles spectaculaires et parfois peu académiques. Mais il n’était pas que ça : on se rappelle aussi sa capacité à apporter du danger offensivement, et sa qualité de centre et de passe. Et on se souvient qu’il a marqué sans doute un des plus beaux buts de l’histoire du LOSC, du moins d’un point de vue collectif, performance d’autant plus exceptionnelle à cette époque. C’était contre Caen, son premier but à Lille, et le résumé du match se trouve ci-dessous, juste avant le début de l’échange.
C’est donc d’abord pour l’excellent souvenir de l’ensemble de son œuvre footballistique que nous l’avons sollicité. Mais aussi pour revenir plus généralement sur la vie au LOSC durant les 4 années qu’il y a passé, l’ambiance dans les groupes, les relations avec les entraîneurs, le public, le jeu pratiqué. Ces quatre saisons ont chacune leurs singularités – n’oubliez pas de cliquer sur les liens qui renvoient à nos bilans saison par saison quand c’est souligné et en gras, comme ça : une saison correcte mais irrégulière en 1994-1995, un maintien acquis de justesse en 1995-1996, la descente en 1996-1997 malgré un départ en trombe, et enfin une saison en D2 et la 4e place avec Thierry Froger. D’ailleurs, on sent bien chez Arnaud une certaine nostalgie de ce temps – du moins, sur certains aspects liés à l’évolution du football – et, corollairement, un propos plus critique sur le LOSC actuel.
Arnaud nous évoque aussi dans cet entretien ses débuts au centre de formation de Valenciennes, ses années à l’USVA, notamment marquées par le match contre Marseille en mai 1993, qu’il a joué. Et l’après-LOSC : son départ avorté en Angleterre, le retour à Valenciennes, puis le foot en amateur en Belgique.
Probablement, beaucoup l’ont rencontré ou sont allés le saluer dans les années 2000 quand il tenait un magasin de sport dans le Vieux-Lille. Arnaud nous parle également de cette première reconversion, et de sa situation professionnelle actuelle. Et si DBC peut servir à jouer les entremetteurs, il y a comme une petite annonce en fin d’entretien ! En tout cas, on a pris beaucoup de plaisir à discuter avec Arnaud, et on espère que ses recherches seront vite fructueuses.
L’entretien a eu lieu juste avant le match de Metz. On discutait alors à bâtons rompus du match à venir, et l’entretien commence sans question précise. On est comme ça nous.
23 septembre 1994, le jour des 50 ans du LOSC, Arnaud Duncker inscrit son premier but avec le LOSC, son deuxième en D1, après une belle action collective. Par la suite, Kennet Andersson lui balance un ballon et se fait expulser, puis Amara Simba égalise. LOSC représente.
Si tu ne gagnes pas à Metz, même si Metz est dans une situation similaire, tu as du souci à te faire. Je n’ai jamais vu autant le LOSC passer à la télé depuis 6 mois, sur TF1, à Téléfoot, partout ; j’ai même vu Patrick Collot à la télé (rires) ! Le club a beaucoup communiqué vers l’extérieur depuis 6 mois. Mais en fait on nous explique quoi ? Quel est le projet ? L’année dernière, j’étais avec les anciens du LOSC en Angleterre. On apprend que le club recrute 7 joueurs au mercato. 7 joueurs ! Probablement des joueurs que Bielsa avait déjà validés. On fait venir Passi, et maintenant, Bielsa, qu’on présente comme le meilleur entraîneur du monde. Pour le moment, je n’ai rien vu. J’ai vu un argument com’, il y a 6 mois, et l’envie d’attirer de nouveaux publics autour du nom « Bielsa ». Mais ça ne suffit pas ! J’aurais préféré qu’on prenne un Kombouaré par exemple. Quand je vois ce qu’il a fait à Valenciennes… Depuis qu’il est parti, on voit qu’il faisait du boulot ! Quand je vois ce qu’il fait à Guingamp, ce qu’il a fait à Lens ! Il s’est fait virer du PSG mais il était quand même premier ! J’aurais préféré un mec comme ça.
Ne penses-tu pas qu’il s’agit avant tout d’une question de temps avec Bielsa ?
Du temps… En attendant, on entend beaucoup parler d’argent. Le club a un nouvel entraîneur, très connu. J’ai du mal à comprendre sa communication. Déjà, il ne parle pas français. On nous dit qu’il est le meilleur entraîneur du monde ? Franchement, il n’a aucun palmarès, excuse-moi. Après c’est peut-être un bon technicien, un bon tacticien, mais je ne sais pas si c’est un bon entraîneur. Il y a aussi une attitude à avoir ! Quand je vous parle de communication, c’est vis-à-vis des supporters. Autant le club communique beaucoup vers les médias, autant il y a un manque de communication flagrant au sein du club. Je pense qu’il y a un manque de communication en interne, et que l’équipe professionnelle est séparée du reste du club. Je voyais aussi que récemment, il y a eu un petit problème avec Pascal Cygan par exemple, qu’on envoie en Belgique avec Arnaud Mercier.
« On parle beaucoup d’avenir et peu de présent »
Tu crois qu’il peut y avoir un problème pour que les supporters s’identifient ?
Exactement, il y a un problème d’identification. Je regarde tous les matches du LOSC, soit directement au stade, soit la télé. Je veux bien qu’on recrute des jeunes ; la moyenne d’âge de l’effectif est très basse. Je n’ai rien contre les joueurs individuellement, mais je ne m’y reconnais pas. Il n’y a pas encore de confirmation des espoirs placés dans les joueurs. Après, sur la durée, peut-être que ça prendra… On montre aussi de l’impatience parce qu’on a été habitués à être en haut de l’affiche, mais aussi parce qu’on nous a vendu un projet. Mais quel projet ? Indéniablement, il y a eu des erreurs. Bon après, il y a eu des blessés…
On doit à Arnaud Duncker un de nos tweets rigolos. Enfin nous, on trouve ça rigolo. D’ailleurs, il avait été repris dans Réservoir Dogues : si c’est pas un signe…
Quand on est joueur et que, peut-être, on ne comprend pas bien le projet du club, on est dans quel état d’esprit ? C’est peut-être quelque chose que tu as aussi connu toi, à une époque où ce n’était pas très clair non plus.
L’état d’esprit… On essaie d’y croire ! Mais on est à la 10e journée, il va falloir se grouiller un petit peu ! Parce que là, on parle beaucoup d’avenir et assez peu du présent. Bon là, c’était pas mal contre Marseille ! Ça n’a pas été un grand truc encore mais il y a du mieux. Mais on a une moyenne d’âge de 22 ans, et j’aurais aimé qu’on garde un ou deux cadres. Des gens plus expérimentés par rapport à la panique qu’il doit y avoir. Là, qui va relever le niveau ? Quand je vois des joueurs confirmés, les Mavuba, Balmont… Champions de France, vainqueurs de la coupe de France, et on les laisse sur le côté ? « Allez dégage, on n’a plus besoin de toi » ? On a le sentiment que c’est devenu un football-business, du business total. Et ça, tu le vois aussi à la manière dont est configuré le stade : les gens qui prennent les loges, c’est pour faire du réseau. C’est aussi un moyen de faire du business. La dernière fois, il y avait Lille-Monaco : y avait le match en bas, et je le regardais à la télé ! Parce que des mecs arrêtaient pas de me parler. Et pourtant le match était en bas…
Et tu situes cette évolution avant l’arrivée de Gérard Lopez, ou c’est vraiment associé à lui ?
Je l’associe à l’arrivée de Gérard Lopez. Quand c’était Seydoux, on était dans une certaine continuité dans la progression. Quand je jouais au LOSC, on avait l’habitude de jouer la deuxième partie de tableau, on n’était même pas des trouble-fête, et l’identité était celle-là. On avait notre stade, même s’il n’y avait pas grand monde, mais il y avait des valeurs. Maintenant, le football, même un stagiaire est riche ! Je n’ai pas gagné grand chose en comparaison. Le plus que j’aie gagné, c’était en 1998, c’est entre 55 000 et 70 000 francs. C’est déjà pas mal ! Le football évolue, bien sûr. Mais là, sur le terrain, je ne vois pas grand chose. Le rapport entre ce que je vois sur le terrain et la valeur marchande, je ne le vois pas. Je pense que Seydoux a fait ce qu’il fallait : champion de France, dans les 3 premiers pendant quelques années, des sacrés joueurs, une belle équipe… Des entraîneurs, Puel et Garcia, qui ont aussi compris qu’à un moment c’était limité, donc ils sont partis autre part. Et là, je reviens là-dessus, quel est le projet ? Est-ce que c’est de faire venir des jeunes pour les revendre dans 2 ans ?
En même temps, les dernières années avec Seydoux, c’était ça aussi.
Oui mais c’était moins flagrant.
Quand on recrute Sehrou Guirassy plutôt que de faire jouer un jeune du centre de formation… Il est recruté à Laval pour 1 M€, il est prêté une demi-saison à Auxerre et il est revendu 6 M€. Est-ce que c’est pas la même chose ?
Après si t’as une opportunité… Là, c’est clairement du bénéf ! Mais s’agissant de la situation actuelle, l’année dernière t’as 7 joueurs qui ont signé, quelle est la plus-value là ? Qui est au-dessus ?
Mais est-ce que, vu ce qu’est devenu le foot, cette transition du LOSC vers du foot-business, c’est pas une condition de survie ? En gros c’est ça ou être condamné à jouer la 15e place tous les ans ?
Je pense que cette année t’iras pas plus haut, hein (on rit) ! Quand je vois Lopez qui dit « on vise le top 5 », attention ! On ferait mieux de regarder derrière, plutôt 15-20. Encore une fois, on parle d’avenir mais là, il y a urgence. Et difficile pour les joueurs de le dire. Maintenant, si tu ouvres la tronche… Avant tu pouvais l’ouvrir un peu et maintenant c’est tellement médiatisé que le moindre truc prend des proportions énormes. Avant t’étais plus cool, t’étais relax, on était à Grimonprez avec les supporters, du bois de Boulogne jusqu’à la porte du vestiaires quasiment ! Tu me parles de Grimonprez, quand je vois les deux petits terrains qu’on avait, et là maintenant tu vois Luchin, tu vois les caviars que c’est !
Donc tu es critique sur le LOSC actuel, mais tu restes un de ses supporters !
Bien sûr ! Le LOSC est un grand club. Je suis critique aujourd’hui parce qu’il n’y a pas de résultat ! S’il y avait des résultats, je dirais peut-être l’inverse… Peut-être que dans 6 mois-1 ans, ils seront dans les 3 premiers, et je dirai que je me suis trompé ! Et puis je joue toujours avec les anciens Dogues. Si on fait appel à nous, je réponds présent parce que ça reste des potes. Même si je n’ai pas joué avec eux, c’était juste après moi, il y a aussi la génération des Wimbée. On fait une dizaine de matches dans l’année. Je joue aussi parfois avec les anciens de Valenciennes, car c’est mon club formateur. Valenciennes, c’est plus compliqué, car il n’y a pas autant de joueurs qu’à Lille. Mais c’est probablement ma dernière année avec les anciens Dogues. Avec le temps qui passe, je connais de moins en moins de monde ! Et j’ai aussi plus de mal à me retrouver dans le nouveau projet. Je suis très attaché à Michel Castelain – et j’en ai récemment parlé avec lui-, à Patrick Robert, et à notre secrétaire, Sandrine, mais place aux jeunes ! Je vais avoir 47 balais…
« J’ai été viré du centre de formation de Valenciennes… »
On va revenir sur ton parcours plus personnellement ! Tu nous rappelais ta formation à Valenciennes. Tu débutes donc là-bas en équipe de jeunes.
Mon premier club, c’est Pérenchies. Puis je suis parti une année au LOSC, en Cadets 1e année. À l’issue de cette saison-là, j’avais le choix entre intégrer le centre de formation du LOSC, à l’époque dirigé par Charly Samoy, et le centre de formation de Valenciennes. Et comme je suis parti au sport-études Le Quesnoy, près de Valenciennes, j’ai choisi Valenciennes. C’était en 1986. Je n’y habitais pas à l’époque, mais c’est là que vivait toute ma famille aussi. C’était le plus pratique. C’est un parcours assez typique, que je partage avec mon ami Jérôme Foulon. On a fait toute notre formation ensemble, en sport-étude et au centre de formation. Mais lui a commencé à jouer pro un an avant moi.
Et tu gardes quels souvenirs de tes années de formation ?
J’ai eu plusieurs entraîneurs : Léon Desmenez, Roger Fleury, Daniel Leclercq, Alexandre Stassievitch. Et je me rappelle avoir été viré du centre de formation ! Les jeunes années, quand t’as 15 ans-16 ans, ça part un peu dans tous les sens. Daniel Leclercq et Alexandre Stassievitch ne m’aimaient pas trop. Et j’ai une anecdote avec Alexandre Stassievitch : lors du premier entraînement, je lui ai fait une passe à 10 centimètres de son pied, et il me dit « vas-y, tu peux retourner aux vestiaires ! ». Je pensais qu’il plaisantait, mais il m’a vraiment demandé de retourner aux vestiaires. Je venais d’arriver là, j’avais 15 ans, je venais de décrocher un titre de vice-champion de France de cadets nationaux avec Valenciennes. J’étais le seul à être mis sur le côté. Viré ! Et en fin de saison, je joue un match amical avec la régionale de Valenciennes, contre des Belges au stade Nungesser. Je ne fais que la deuxième mi-temps, parce que comme j’étais viré, je ne faisais plus grand chose. Victor Zvunka, entraîneur de l’équipe première, est là. Il vient me voir à la fin du match et me dit : « demain matin, 9h avec les pros ». Bon, d’accord ! Et le lendemain matin, je fais l’entraînement avec les pros, premier ballon, centre d’Olivier Legret, reprise de volée, lunette ! Tout le monde m’a regardé, je me suis dit « oh putain…». Je pensais avoir déconné. Parce que je peux te dire qu’à l’époque, les vieux tu les respectais ! C’étaient les jeunes qui portaient les plots ! Et donc le premier match que j’ai joué, c’était à Abbeville, avec Victor Zvunka. J’avais 16 ans, et Victor Zvunka m’a lancé alors que j’étais viré du centre de formation. Et c’est parti, ensuite l’évolution de la carrière que j’ai faite avec Valenciennes.
Et donc tu passes pro en 1991, c’est ça ?
Oui, en 1991. Je fais 3 ans en pro avec Valenciennes. En 1991, l’USVA est en D2. Et on monte en première division à l’issue de la saison 1991-1992, avec Francis Smerecki.
Une montée, suivie d’une descente immédiate en 1993.
L’année de… Valenciennes/Marseille.
« Jacques Glassmann n’a pas voulu trahir le club »
Tu étais sur le terrain ce jour-là. Tu as quel souvenir de ce match ?
Ben… Un souvenir bizarroïde. La veille, on faisait la mise au vert dans un hôtel sur Vieux-Condé. Et on savait déjà, ça commençait à parler. On entendait des bruits, mais c’est surtout le lendemain que ça s’est confirmé. On faisait réunions sur réunions, entre joueurs, avec les dirigeants… On disait que des gens auraient été payés pour laisser passer le match.
Et vous décidez de jouer.
Oui, on décide de jouer, mais l’ambiance était vachement tendue. Super tendue. À la mi-temps, il y a la réclamation posée par Jacques Glassmann. Après, sur le terrain, c’était pas flagrant ! Oui, tu peux toujours dire, au bout de 10 minutes de jeu, Christophe Robert se blesse. Bon. On ne peut pas deviner que sa blessure est imaginaire. Et je n’ai pas vu Burruchaga ne pas aller de l’avant. On a été entendu par la justice, lors de l’audition, j’étais juste à côté de Christophe Robert, avec son plâtre ! C’étaient des joueurs avec qui je m’entendais bien. Mais pourquoi tout ça ? À l’époque, 25 briques… c’était 25 briques. Aujourd’hui, c’est que dalle, même en euros ! Et après, c’est tout con, mais tu te demandes ce que ça aurait pu donner, rien qu’un match nul ! Un match nul, on se sauvait, et c’est Lille qui descendait !
Comment tu expliques que Jacques Glassmann ait été à ce point vilipendé ? Comment se fait-il que, sur le coup, il ait été considéré comme un traître ?
Quand j’étais footballeur, je ne veux pas te dire que j’allais au bureau. Au contraire, c’est le plus beau métier du monde ! Tu te lèves le matin, tu penses ballon, tu vas jouer au ballon… C’est un métier, j’ai été payé pour ça. Il y a quoi de plus beau ? Mais si j’ai très peu d’amis dans le foot, Jacques est un de mes meilleurs amis. Je l’ai très souvent au téléphone. C’est lui qui s’est occupé de ma reconversion, car il s’occupe des joueurs de l’UNFP en reconversion. Jacques est resté fidèle à ses principes. Il ne voulait pas tromper, et il a dit non. Non, on ne fait pas ça. Jacques, en plus, était là depuis longtemps, il faisait partie des cadres, il a fait des montées. Ce club nous a apporté, et il n’a pas voulu trahir le club. Le club ne lui a pas rendu. Je trouve qu’il aurait dû lui rendre. Avec les galères qu’il a vécues après… Ça a été la descente aux enfers pour lui. Tout le monde l’a laissé tomber. Je l’ai toujours soutenu. Il a révolutionné le foot parce que… C’est quand même lui qui a dénoncé les malversations qui existaient depuis longtemps dans le foot. Les dessous de table, en fin de saison, ça se faisait. Ça a un peu épuré tout ce football.
L’équipe de Valenciennes 1992-1993. Arnaud est au centre, au 3e rang. Dans la rangée du milieu, on reconnaît Jacques Glassmann et son inimitable coiffure. Et Jérôme Foulon, au premier rang.
Et au niveau des autres joueurs, quelles étaient les réactions vis-à-vis de Jacques Glassmann ?
Je pense que des joueurs lui ont dit qu’il était con de faire ça. Il y en a qui auraient dit oui. Déjà parce que c’était l’OM. À Valenciennes, je connaissais des gens qui supportaient Marseille, parce que Marseille à l’époque, c’était Waddle, Mozer, Barthez… C’était une belle équipe, et tout le monde la supportait. Moi-même, quand ils ont gagné la coupe d’Europe une semaine après, j’étais content ! Jacques a refusé. Nous, les anciens, c’est-à-dire Jérôme Foulon, Stéphane Grosselin, Dominique Corroyer et moi, on a toujours été dans cette optique là. Valenciennes, c’est mon club formateur, tu vois ? C’est ce que je dis tout le temps : Valenciennes, c’est mon club formateur, Lille mon club de cœur. Jacques n’a pas été soutenu : au niveau des instances nationales, au niveau de la présidence du club, Michel Coencas n’a rien dit. Le groupe Valois [principal sponsor de l’USVA] n’a pas réagi. Jean-Louis Borloo était juste derrière, on peut dire qu’il est le bonhomme du valenciennois, mais à l’époque il était l’avocat de Tapie, alors qu’est-ce que tu veux qu’on fasse ? Ensuite, on ne parlait même plus de football, quand tu vois l’argent planqué dans le jardin, les aventures de Mellick… Tu vas au-delà du foot quoi. Tu voyais bien que c’était aussi pour atteindre une personne, Bernard Tapie.
« On se faisait siffler partout parce qu’on faisait partie de l’équipe de Valenciennes 1993 »
À ton niveau, quelles conséquences ce match a eu sur ton parcours ?
Ben déjà, on descend en D2. Sportivement, l’année d’après a été catastrophique. On a eu un mélange de galères sportives et des conséquences de l’affaire. Beaucoup de joueurs sont partis, d’autres sont arrivés. Mais il n’y avait pas d’entente, pas de vestiaire. Même les supporters, je pense, ne s’y retrouvaient plus. C’était vraiment chaotique. Quand on se déplaçait, c’était l’enfer. L’enfer total. Tu ne pouvais pas te déplacer sans les flics, sans ceci, sans cela… Quand on est allés à Nice, on nous a balancé des pièces depuis les tribunes… Même à Dunkerque on se faisait insulter et cracher dessus. T’imagines ? Plus personnellement, j’ai dû changer de numéro de téléphone. Je recevais des appels anonymes. J’ai reçu des courriers avec des cercueils chez moi. Tu paniques, hein. Bon, je n’étais pas encore marié, mais j’avais ma future femme… Ça prenait des proportions énormes.
Tu quittes le club en 1994.
Déjà en 1993, après la descente en D2, je devais partir. J’étais sollicité, déjà par Lille, et aussi d’autres clubs. Mais on n’a pas voulu me laisser partir. J’ai accepté de rester une année, avec en échange la garantie que j’aurais un bon de sortie à la fin de la saison. Et on est descendus en National… Je ne voulais plus rester. Le club dégringolait dans tous les sens. Et les dirigeants disent qu’ils veulent me garder encore, malgré ce qu’on s’est dit l’année d’avant ! Alors j’ai fait du Thauvin : je ne suis plus allé à l’entraînement. Mais bon, je n’étais pas dans les journaux ! Je ne suis pas allé à l’entraînement pendant 15 jours. En plus, Lille me voulait vraiment. Donc les négociations ont commencé entre mon agent, Marc Roger, et le directeur sportif de l’USVA, qui était Jean-Pierre Tempet à l’époque.
Donc tu signes à Lille durant l’été 1994, en même temps que Jérôme Foulon. On imagine que tu es heureux de sortir de la galère valenciennoise.
Oui, mais même quand je suis arrivé à Lille, on me parlait encore de Valenciennes. On se faisait siffler quand on jouait dans le Sud. On se faisait toujours siffler parce qu’on faisait partie de l’équipe de Valenciennes d’avant !
« Si tu es moyen mais que tu te défonces… les supporters sont contents »
Tu as eu un accueil difficile pour ça, par des joueurs lillois ?
Non ! Nous, on n’était pas dedans de toute façon. Au contraire, l’accueil à Lille, exceptionnel ! J’ai toujours été bien aimé là-bas. Quand on est au taquet, qu’on mouille le maillot… D’ailleurs c’est ce que je regrette et que je ne retrouve plus au club : dernièrement je voyais un Balmont, putain ! Un mec comme ça, c’est exceptionnel ! Il se défonce ! Après, ça reste un joueur moyen, mais il se défonce ! Il y a deux ans, c’était encore un des meilleurs sur le terrain. Et quand tu te défonces, les supporters sont contents. Moi à Lille, c’est ce qui s’est toujours passé. J’ai eu des hauts et des bas, mais voilà, le samedi, j’étais à 3000%. C’était clair. Fallait arracher la prime !
En arrivant à Lille, tu as retrouvé des joueurs avec qui tu avais joué en équipes de jeunes ?
Non, mais je me rappelle avoir joué contre Fabien Leclercq, Frédéric Dindeleux, Cédric Carrez, Antoine Sibierski… C’est un moment où le LOSC refaisait confiance à sa formation et n’avait pas trop le choix. Mais c’est pas mal ! Quand je regarde les uns et des autres, il y a eu de belles carrières !
Et aujourd’hui avec ces joueurs-là, tu n’as plus de contact ?
Si ! Fred, je le revois de temps en temps. Cédric aussi quand il revient, parce qu’il est sur Gap, il est même entraîneur. Fabien, je le vois de temps en temps. Celui que je vois le plus en fait, c’est Jérôme Foulon.
Ton poste a évolué à Lille : la première année, il me semble que t’as plutôt joué milieu défensif. Parce que c’était justement Jérôme Foulon arrière droit. Et après, on t’a fixé arrière-droit, c’est bien ça ?
Jean Fernandez me faisait en effet jouer milieu de terrain, aux côtés de Roger Hitoto. Roger, c’était un mec sur qui tu pouvais compter. C’était un battant, un mec de devoir ! Il ratissait beaucoup de ballons, et était apprécié dans le vestiaire aussi ! C’est dommage, je n’ai plus de contact avec lui.
2 août 1994 : premier match d’Arnaud Duncker à Grimonprez-Jooris sous les couleurs du LOSC, contre Strasbourg. Lille s’impose 1-0 grâce un but de… Roger Hitoto. Pour info, dans le même temps, Lens s’incline à Paris.
« Initialement, Cavalli ne comptait pas sur moi »
Cette saison-là, 1994-1995, c’est particulier, c’est-à-dire qu’il y a deux saisons en une : à Grimonprez-Jooris, c’était super : on était la quatrième équipe à domicile ! Il y a eu 12 victoires à la maison, dont 10 sur le score de 1-0. Et à l’extérieur ça marchait pas : seulement 1 victoire et 8 points pris. Tu as une explication à ça ?
C’est vrai que cette année-là, on ne lâchait pas beaucoup de points à domicile. Je pense que cette année-là, on bat Monaco [Oui, 1-0, but d’Arnaud Duncker d’une belle tête plongeante !] et le PSG à domicile. Et à l’extérieur, on jouait différemment. Et ça ne marchait pas. On jouait un système, on va dire, défensif mais explosif. On avait Éric Assadourian qui allait à 3000 à l’heure devant, donc si on avait le ballon, on pouvait compter sur lui, c’était tranchant. Après, à mon époque, on n’a jamais eu de grands attaquants ! Cette saison-là, on a Clément Garcia, et Frank Farina mais sur le déclin. Donc on comptait plus sur une force collective au milieu de terrain avec Assadourian qui partait. Tandis qu’à l’extérieur, on faisait du défensif ! On n’avait pas réellement de point de chute d’attaque. À part Assad, mais il était tout seul, c’était galère !
C’est dommage, celui qui avait été recruté pour apporter du poids devant et qui avait fait une bonne préparation, c’était Christian Perez, mais qui s’est blessé lors du premier match à Lens… Il a finalement très peu joué.
Il a très peu joué alors que c’était quelqu’un qui nous aurait amené quand même un peu plus d’expérience. C’est dommage, parce que qu’on avait beaucoup à apprendre de lui. Je me souviens, deux ans auparavant, il jouait encore en équipe de France ! Il s’est blessé et n’a jamais su revenir. Manque de confiance après avec le coach, parce qu’il était particulier Fernandez ! Si t’étais pas costaud, c’était pas la peine. Fernandez l’a jeté. Je ne pense pas que Christian Pérez ait de bons souvenirs de Lille.
Ensuite, ta deuxième saison à Lille, 1995-1996, démarre d’une façon assez catastrophique. Là c’est une photo collective, c’est le Challenge Emile-Olivier au Stadium. On ne gagne pas avant la 10ème journée, je ne sais pas si tu te rappelles.
Exact, c’est la saison où Jean Fernandez se fait virer. Et Jean-Michel Cavalli le remplace. Cavalli me convoque dans son bureau et me dit « pour moi t’es pas titulaire. Si tu veux partir, tu pars ». Sauf que Jérôme Foulon était parti à l’intersaison. Puis Fabien Leclercq se blesse : donc on n’a plus d’arrière droit. Et finalement, Cavalli me met arrière droit, et j’ai joué toute la saison sur le côté, et même jusqu’à mon départ de Lille. Donc je n’avais pas de grosses affinités avec Cavalli, et après voilà, ça se passe sur le terrain. Je faisais le travail.
Tu avais déjà joué latéral ?
Oui, enfin tu sais, moi je suis multipostes. Sauf dans les buts ! J’ai joué à gauche, à droite, stoppeur…
« Nos qualités ? C’était se battre, chaque saison »
Sur un plan collectif, l’analyse qu’on avait faite, c’est que l’intersaison avait été mal conduit : on avait recruté beaucoup d’anciens qui étaient finalement sur le déclin… On n’a rien contre eux personnellement, mais on ne peut pas dire que Germain, Rabat ou Simba aient laissé un grand souvenir à Lille. Quant à Frank Pingel, le Danois, la légende…
…qui s’est battu une fois avec Rabat ! Un truc de fou. On est en boîte. A l’époque, on pouvait sortir, sauf les veilles de match. On se fait un repas. Puis on va en boîte, du côté de Moulins. Et ils se mettent sur la gueule. Truc de fou ! Ils se sont foutus sur la gueule. Ils ne s’entendaient pas. Thierry Rabat, on peut dire ce qu’on veut de lui, mais c’était un professionnel. Sur le terrain, c’était un professionnel. J’aimais bien. On ne parle pas de technique là, car ces années-là, mis à part Sibierski qui avait du talent à l’époque, dis-moi qui est technique dans cette équipe ? Dindeleux était élégant. Mais techniquement, par rapport à ce qu’on voit maintenant… Hormis Sibierski qui avait les qualités requises, on savait qu’on n’allait pas jouer les cinq premières places, on savait qu’on devait se battre. C’était ça nos qualités.
Cette altercation Pingel-Rabat, est-ce que c’est significatif d’une mauvaise ambiance à l’époque ? Ce qui pourrait aussi expliquer le mauvais début de saison…
Oui, clairement. Là, je vois Meszoly sur la photo, un super mec. Et à côté, une espèce de coalition des deux Danois… Aujourd’hui c’est une époque qui est fort médiatisée, donc tu ne peux plus rien faire, même dans le couloir ! Moi je me souviens d’avoir mis une claque à Giuly ! Avec Fabien Leclercq, on lui a dit pendant le match : « tu vas voir, on va te choper là-bas ! ». En fait, quand on sortait du terrain à Grimonprez-Jooris, il y avait 3 marches à descendre, et après il n’y avait pas de caméra. C’est quand on a joué contre Lyon en Coupe de France [février 1997]. Jean-Claude [Nadon], toujours aussi froid…
Il est à Lens maintenant !
Il paniquait tout le temps ! C’était le plus ancien, il avait toujours peur ! Je ne sais pas si c’est une question de peur ou de concentration… On avait l’impression qu’on ne pouvait pas lui parler.
Tu parles pour toute sa carrière ou juste cette année-là ? Parce que cette année-là, il a pas fait un bon début de saison…
Non, non, toute sa carrière ! Laisse tomber, Jean-Claude au début était d’ une froideur ! Froid à mort ! Quand je suis arrivé de Valenciennes, il était froid ! Et puis après, on est devenus potes. Moi je rigolais dans le vestiaire, il faut rigoler ! Simba, c’est dommage… Je lui ai dit « tu fais une bicyclette au club, tu verras, tu vas être le roi du club ! Fais ça en match ! Tente, tu verras, t’auras tout le public qui sera avec toi ! ». C’était Monsieur Bicyclette quand même. Il l’a jamais fait ce con !
Après, Simba, en fin de saison, il a mis les deux buts qu’il fallait. Enfin il a mis quatre buts dans la saison, dont deux décisifs. Mais bon… C’est quand même une période où on des bons souvenirs parce qu’on était gosses, on partait pas forcément gagnants, mais quand il y avait quelque chose qui se passait sur le terrain, même une égalisation de raccroc contre Martigues à la 88e, on était contents.
Moi j’allais vers les DVE. Pour les matches à l’extérieur, on avait des places, je leur filais. Il y a un lien qui s’est créé avec les supporters. J’allais sur le parking discuter avec les gens et tout. Maintenant, t’as l’impression que tu ne peux plus les approcher. Même les gars du centre de formation. Il n’y a plus ce respect qu’on avait avant. Avant, tu bronchais pas avant avec les anciens. Tu vois, je parlais de Nadon, je le respectais. Fallait pas lui dire « t’es un enculé ! ». Tu disais ça, laisse tomber, là tu te mettais tout le monde à dos !
Février 1997, coupe de France, Lille-Lyon, avec Djezon Boutoille, le buteur du soir (voir le résumé de la rencontre plus bas). Et donc juste avant de mettre un taquet à Giuly.
En tout cas, cette saison 95-96, le maintien est acquis de justesse en fin de saison, notamment grâce à un but improbable de Collot à Paris, je sais pas si tu te rappelles ? Le centre raté…
Merci Bernard ! Un ancien Lillois… Cette année-là, le maintien est miraculeux.
« En 1996-1997, on s’est laissé griser par
le bon début de saison »
Et la saison suivante nous intrigue beaucoup, encore aujourd’hui, parce qu’il y a un départ canon, complètement inattendu : au tiers du championnat, Lille est 4ème après la victoire contre Lens, avec un doublé de Collot. Après 15 journées. Et puis une deuxième partie catastrophique, et la descente à l’arrivée.
Oui, un début de saison superbe [On regarde la photo, Lille-Metz, août 1996]. Je jouais milieu de terrain ce jour-là, je me souviens [d’ailleurs, Arnaud fait la passe décisive pour Miladin Becanovic, et Lille s’impose 1-0]. Lui, Banjac, pouah… Exceptionnel ! Quand il voulait ! Il me disait « Moi aujourd’hui Arnaud, grand match ! » Je lui dis : « putain, tous les jours tu dois faire un grand match ! ». On était bien copains. C’est dommage, on a fait un super départ canon. Et on s’est effondré. Alors qu’est-ce qui s’est passé ? On s’est peut-être crus arrivés à un certain moment. Cavalli aussi s’est cru trop vite arrivé. On est 4èmes, on entend parler de Coupe d’Europe, et on s’est peut-être laissé griser. On s’est laissé griser.
Coupe de France 1997, derniers coup d’éclat d’une triste fin de saison : en l’espace de 4 jours, le LOSC élimine Marseille puis Lyon. Arnaud est très offensif, manquant de marquer à deux reprises, mais il sait aussi revenir quand il faut sauver un ballon sur la ligne.
L’équipe ne manquait pourtant pas de qualités, parce qu’en fin de saison, il y a ces deux matchs de Coupe : contre Marseille à Valence et contre Lyon où à nouveau on retrouve l’équipe de début de saison. Mais seulement en coupe ! Par contre en championnat, c’est la cata, avec pour point d’orgue la défaite contre Montpellier 0-4 à domicile.
Catastrophe… Qu’est-ce qui s’est passé ? Bah voilà, je te le dis, on s’est cru trop vite arrivés… On parlait déjà de transferts… Moi déjà cette année-là, Lens qui me voulait parce que Foé partait à Lyon. Vas-y, je vais pas aller à Lens, je ne vais pas rejoindre Daniel Leclercq ! Les boules, ils sont champions de France ! Mais bon, non, je ne serais pas allé à Lens. On s’est cru trop arrivés parce qu’on a fait six mois, on va dire jusque décembre, fantastiques. Et après on s’est cru arrivés. C’est là où on a eu un manque d’expérience. On était trop jeunes, beaucoup trop jeunes. Il y a eu tous ces trucs… Ce garçon-là [montrant du doigt Garcion]…
Oui, David Garcion, il a été suspendu pour dopage.
Il sautait plus haut que moi à la tête ! Je me demandais quoi, c’était exceptionnel ! Ce garçon était exceptionnel. Cette année-là, il était au bataillon de Joinville, avec Franck Renou. Il était au service militaire cette année-là ! On ne le voyait que le vendredi et le samedi ! En fait, il ne s’entraînait jamais.
Du coup, tu es en train de nous dire quoi ? Ça n’a jamais été très clair. Lui a toujours dit « je n’ai rien pris ».
Je dis que ses débuts étaient exceptionnels. Je ne comprenais pas qu’on ne le garde pas, parce que putain… C’est quoi ce mec-là… Je te dis, on s’est cru trop vite arrivés.
Quand on regarde, on se dit qu’il y avait quand même une belle équipe.
Et là, il y avait une putain d’ambiance, c’est ça qui est fou ! On s’entendait tous bien… Il y avait le petit groupe des Sudistes, avec Cavalli, Rabat, Collot… Et Jean-Marie Aubry faisait le lien entre tout le monde, entre jeunes et anciens. Tiens, j’aimais bien chambrer Pascal Cygan ! Heureusement que Vahid l’a recadré stoppeur, il ne savait pas faire un centre ! Je lui disais : « je sais pas, achète deux pieds ! ». On en rigole encore quand je joue avec les anciens. Malheureusement, on a très mal fini. Autant Patrick Collot est un gars du Sud qui s’est acclimaté ici, autant Thierry Rabat ne s’est pas acclimaté. Il a été pris en grippe à la fin. C’était tendu. Je me souviens du dernier match, tout le monde le sifflait, il me dit « Je peux plus jouer Arnaud »… Je dis « vas-y, on a besoin de toi ! ». « Non, non, je peux plus jouer ». Comme quoi… Un mec avec de l’expérience quand même, qui a joué au haut niveau… Moi ça m’est arrivé de me faire siffler, l’année où on est en première division à Valenciennes, je me suis fait siffler pendant six mois, par mon public, alors que l’année d’avant, on fait une saison fantastique, on se fait applaudir dans tous les sens.
Pour quelle raison tu as été sifflé à Valenciennes ?
La raison c’est qu’une interview du Bosniaque, qui est l’adjoint de Wenger actuellement…
Boro Primorac
…Dans une interview dans la Voix du Nord, il est allé dire que j’étais son fils ! Voilà. C’est tout con. Dans un moment où on n’avait pas de résultats, où j’étais en concurrence avec Dominique Corroyer qui revenait. Quand tu te fais siffler toutes les semaines chez toi, t’as les boules. Tu le vis mal.
De manière générale, tu étais très apprécié par le public à Lille. A Valenciennes, il y a eu des périodes aussi intenses ?
Au début, jusqu’à la montée, j’étais très apprécié parce que j’étais un mec du club. Et quand je suis parti à Lille, j’avais l’impression que je ne l’étais plus. D’ailleurs on avait fait un match amical pour mon transfert, et là les gens m’ont pris en grippe parce que j’étais parti à 50 bornes de là, alors que je restais encore dans la région de Valenciennes ! Je faisais la route tous les jours pour aller sur Lille.
Il y a pas eu aussi un amical en août 95, Lille-Valenciennes, où t’es expulsé ? Une bagarre avec Carl Tourenne, qui jouait à Valenciennes… ?
Oui ! Ce jour-là je l’ai shooté. J’étais connu dans ces choses-là, c’était ma mentalité. J’ai pu me battre avec Cyril Rool à Bastia alors qu’après il venait après dans mon magasin quand il jouait à Lens. Sur le terrain, il savait que j’étais là. J’étais pas un sans-couille. Excusez-moi d’être couillu, mais je préfère dire les choses.
« La saison avec Thierry Froger, un gâchis »
Et ta dernière saison à Lille, en 1997-1998, se fait donc en D2.
Ça ne s’est pas bien passé. En 1997, je devais partir de Lille et signer à Bordeaux avec Courbis. J’ai eu des contacts en février-mars. Je l’ai eu au téléphone avec mon agent. J’étais en fin de contrat. Et moi, comme un con, parce qu’à l’époque tu signais pas des gros contrats, je dis « bah on va attendre le mois de juillet, la fin. On verra bien. » Alors qu’en mars je pouvais déjà signer ! Manque de bol pour ma tronche, Courbis se barre à Marseille ! J’étais dans les petits papiers de Courbis, mais à Bordeaux ! Pas à Marseille, parce que c’était au-dessus et ils avaient déjà ce qu’il fallait. Ça a été une erreur de ma part. Et j’ai re-signé à Lille, ça s’est fait sur un parking à Petite-Forêt avec Charly Samoy. D’ailleurs en 97-98, je n’ai pas fait une grosse saison. J’avais pris du poids, on le voit à ma gueule. J’étais pas en forme. Je ne sais pas ce que j’avais foutu, je crois que j’avais fait trop de guinzes. J’avais pris 3-4kg.
Et sur le plan collectif ? Parce que l’objectif de montée n’est pas atteint.
L’effectif était pas mal quand tu regardes un petit peu ! Mais cette année-là, on doit être dans les trois premiers ! On l’est quasiment toute la saison, et puis tu te plantes à la fin parce que l’autre [Thierry Froger] prend des décisions de merde. On ne comprenait pas.
C’est quoi les décisions de merde ?
On a joué à Toulon, qui était dernier, dans un système de jeu qu’on n’avait pas travaillé. Donc on perd. Au retour, contre Toulon à Grimonprez, Toulon est toujours dernier, et encore un système de jeu qu’on comprenait pas. Donc on perd encore. Ce jour-là, j’étais fou. Alors qu’on était bien durant la saison, on était super bien ! On devait remonter ! Tu ne dois pas attendre Vahid pour remonter, tu dois remonter cette saison-là ! C’est honteux ce qu’il nous a fait !
Le LOSC a 6 points d’avance sur le 4e à 6 journées de la fin.
Si tu regardes, je pense qu’il nous avait écartés durant deux ou trois matchs, avec Anthony Garcia, Franck Renou, Jean-Marie Aubry… On avait perdu en coupe à Boulogne. Du coup, je suis parti une semaine voir mon pote David Régis, qui jouait à Karlsruhe. J’avais loupé une semaine, de la merde, j’en avais marre ! Aubry a eu une altercation avec lui, il a cassé la porte ! Aubry remplaçant, BOUM ! Il lui pète la porte. Ca a été loin, hein ! Il nous écarte, et l’équipe perd : il nous rappelle. Je m’en souviendrai toujours : on est dans les 3 premiers toute la saison. On doit monter. Ça a été un gâchis. Un gâchis !
« Bernard Lecomte, un homme exceptionnel »
Ce qui est vraiment étonnant, c’est que Lille ne perd que 4 fois sur les 29 premiers matches… Puis 7 fois sur les 13 derniers !
Je lui ai dit ce que je pensais : « attends, ce truc-là, on n’aurait pas pu le faire avant ? » Il faisait chier ! En plus, il n’arrêtait pas de me faire chier avec mon poids. Je passais à la balance matin, midi et soir, j’en avais marre ! Et mes problèmes de genou commençaient. J’aurais dû me faire opérer, mais j’ai été mal soigné. Donc on a souvent été dans les trois premiers, mais ça n’a pas été une bonne année. Même au niveau de l’ambiance. J’ai préféré la saison d’avant où on a galéré, où on descendus, mais franchement on s’entendait mieux.
Et au-delà de ses options tactiques, comment Thierry Froger gérait le groupe ?
Je pense que c’est sur le terrain que tu gagnes ta place, pas en allant dans le bureau de l’entraîneur.
Il y a eu une constante à Lille durant ton passage, c’est la présidence du club. Que peux-tu nous dire sur Bernard Lecomte ?
Un homme exceptionnel. C’est le sauveur du club. C’est lui qui a remis le club dans le droit chemin, économiquement. J’espère qu’on le considère. Je ne le vois pas trop. Un bonhomme, et pas que dans le football. Je sais qu’à mon mariage, il a offert des fleurs à ma femme, ça prenait tout le bar ! C’est quelqu’un proche des joueurs. Il a essayé de faire fonctionner tout à la fois : les supporters, la vie du club, la vie de l’équipe, les jeunes…Il fait partie de ces gens qui se sont impliqués pour faire revenir le LOSC. S’il y a eu cette évolution avec Vahid, c’est grâce à lui ! Sinon le club serait pas là où il est ! Pourquoi après il y a des investisseurs ? Cette période a fait que vraiment le club a décollé, parce que le fonctionnement interne du club était sain, du bas jusqu’en haut. Parce que je considère que le club, c’est tout le monde : le gens qui travaillent dans l’administration font partie du club. Bien sûr, une vie de groupe, ce n’’est pas pareil, le sportif et l’administratif. Mais ce sont des salariés du même club. Quand on allait en haut au petit restaurant de Grimonprez, tout le monde était là, à Noël, en début de saison, en fin de saison.
« Je dois signer en Angleterre… et mon genou lâche »
Tu es en fin de contrat en 1998 à Lille, et là on perd un peu ta trace. Tu pars en Angleterre en fait ? Comment ça s’est passé l’intersaison ?
Pas mal de clubs de D2 française me sollicitaient, mais je ne voulais pas y aller. Par exemple, Hervé Gautier est à Laval et me demande de venir. J’avais changé d’agent, j’étais avec Bruno Satin. Il m’envoie à Ipswich, Ligue 2. Ça se passe bien, je fais une super semaine, j’ai un bel article pour mon dernier match. Il y avait une telle différence par rapport à chez nous : les stades étaient pleins pour des matches amicaux, 20 000, 25 000 personnes ! Je passe deux semaines là-bas. Et comme c’est même retransmis à la télé, mon agent me dit que Bolton veut aussi me faire passer un essai. Per Frandsen y jouait. Il était adulé ! Il jouait dans un rôle que je ne lui connaissais pas, car quand je jouais contre lui avec Valenciennes et qu’il était à Lille, il jouait n°10. C’est moi qui l’avais sur le dos ! Là, il avait le n°6. Heureusement qu’il était là, je ne parlais pas trop anglais. Je reste une semaine, mais je ne sens pas les mêmes affinités. Le groupe était un peu bizarre, le club venait de monter, il y avait beaucoup de joueurs, énormément de joueurs. Lors de mon premier entraînement, je vois un tchiot qui me pique mes pompes ! « Woh ! Rends mes pompes ! ». Et Per me dit « t’inquiète, il va te les cirer et te les ramener ». En fait, les jeunes là-bas s’occupent des chaussures. Je pensais qu’il me les chourrait ! Même les fringues, c’était les tchiots qui te les prenaient et t’avais tout… Professionnel quoi, ça commençait déjà à l’époque. Attends, au Reebok Stadium, t’avais une maternité à l’intérieur !
On fait un match contre le Celtic. Je joue. Et je me pète. Une semaine avant, ils voulaient me faire signer. Mon agent est là, ma femme est là. Et je me pète.
Le genou qui te faisait mal depuis un moment ?
Oui. Je me le pète. Retour en France. Ils m’ont laissé six mois, puis me demandent où j’en suis. Mais impossible de jouer : j’avais tibia, fémur, genou, plateau tibial… J’ai fait quatre opérations en deux ans. Au bout de six mois, je suis repassé sur le billard. J’avais 14 broches, une cicatrice comme ça de là à là, et voilà. Finalement, un an et demi de galère. Là, j’ai encore des contacts avec Bolton, mais au bout d’un moment, un an et demi comme ça, tu n’es plus le même, ne serait-ce que mentalement.
Et là, est-ce que tu te demandes si tu vas arrêter ta carrière ?
Je voulais continuer. Je n’avais même pas 30 ans. Mais mentalement, je n’y étais plus. Je me suis arraché pour revenir. Arraché, arraché, arraché… Je m’entraîne. J’ai sollicité Valenciennes, à l’époque ils étaient en National. Je demande à Ludo Batelli si je peux m’entraîner avec eux les six derniers mois. Et voilà, ça revient. Je fais six mois avec lui, superbes ! Je ne faisais pas partie du groupe, j’étais à côté. Et Ludo Batelli qui me dit qu’il aimerait me prendre pour la saison suivante. Et en fin de compte, Ludo se fait virer, alors qu’il a failli monter en D2 : l’accession est manquée d’un point pour une connerie, un match nul je sais pas trop où… Mais je signe quand même à Valenciennes, avec pour entraîneur Didier Ollé-Nicolle. Il y a un gros recrutement, avec pas mal de gens du coin, Emmanuel Clément-Demange.
La saison se passe. J’avais un contrat fédéral, qui est comme un contrat pro. Je jouais quasiment libéro là. On est pas mal à la trêve, mais on n’est pas dans les objectifs, être dans les trois premiers de National pour monter, vu l’équipe, vu l’argent investi. Et là, descente aux enfers aussi, parce qu’on a un entraîneur qui est con. J’étais capitaine en plus cette année-là. Je dis « écoute, reprends ton brassard si tu veux pas m’écouter », parce qu’à la trêve on est sixièmes je crois, on revenait bien parce qu’on avait fait un mauvais départ. Et après il repart en couille. J’avais deux ans de contrat, mais d’un commun accord, j’ai arrêté au bout d’un an.
« Une carrière de footballeur passe très vite »
Donc là on est en 2001 ?
Oui. Là j’arrête, à 31 ans. Mentalement je n’étais plus dedans. Revivre une saison comme ça… Autant j’ai supporté tout le monde, des crises de nerfs dans tous les sens, des bagarres, des joueurs qui n’avaient pas le niveau et qui jouaient, mais là stop.
Que deviens-tu alors à ce moment-là ?
Donc fin de carrière, chômage, et je suis parti jouer en Belgique, à Ath, durant une saison, en 2002-2003. Je suis ensuite allé à Tournai en 2003-2004, puis j’ai été transféré à Lessines… Vraiment un parcours en deux ans de temps : Ath, Tournai, Lessines, et de nouveau Ath parce que les clubs avaient fusionné.
Et ça c’est de la D2 ? D3 ?
3ème division. Ça se passait bien ! Les deux clubs avaient fusionné. Maintenant Tournai joue au stade Luc Varenne. Je jouais là, ils avaient ramené beaucoup de Flamands, mais ils ne s’entendaient pas avec les Wallons. D’ailleurs ils sont descendus. Moi j’étais parti à la trêve. Je suis redescendu, parce que t’as la D1, D2, la 3ème, et puis t’as la…
Provinciale.
Oui ! Et j’ai joué en Provinciale. C’était costaud, j’étais surpris ! J’ai joué n°10, j’apportais l’expérience. Ça m’allait très bien. J’y suis resté 4 ans. Et parallèlement, en 2003, j’ai lancé un magasin de chaussures de sport avec ma femme dans le Vieux-Lille.
Quand tu montes ton magasin, cette reconversion, c’est quelque chose auquel tu avais pensé quand tu étais joueur ? Ça s’anticipe comment ?
Non, ce n’était pas anticipé du tout. Quand j’ai arrêté le foot professionnel en 2001, ma fille est née. Donc je me suis occupée d’elle pendant un peu plus d’un an. Durant cette transition, j’ai passé des diplômes d’entraîneur. Et après fallait trouver quelque chose ! Pendant un an, j’ai fait des démarches. Et j’ai bénéficié de l’aide de Jacques Glassmann, pour avoir un peu de contacts. J’étais en cours de BE et j’ai arrêté parce que j’ai monté mon magasin. J’ai eu un autre projet. J’ai connu un mec sur Paris ça s’est bien goupillé. Et donc on s’est lancés avec ma femme en 2003, jusque 2011. Ça marchait bien, mais on s’est séparés, et le magasin a commencé à couler. On a essayé de le faire revenir, mais quand tu laisses un peu couler, après tu sais pas revenir.
Tu parles de la reconversion en disant que ce n’était pas quelque chose de prévu. Est-ce que durant ta carrière de joueur, on t’a sollicité, on t’a dit de penser à ta reconversion à un moment ? Aujourd’hui c’est le cas…
Oui, l’année où on est montés [1992]. Mon coéquipier Eugène Ekéké, qui a fait la coupe du monde 1990 avec le Cameroun, m’a mis en garde. Quand j’y repense… Ses paroles me restent. J’ai même l’image en tête, dans le vestiaire à Nungesser. Je faisais partie des joueurs qui restaient tard au club après l’entraînement. À l’époque, tu n’avais qu’un entraînement par jour. Je lisais le journal, je discutais avec tout le monde… Il me dit : « fais attention Arnaud, ça va très vite une carrière. Fais attention à tout ce que tu fais ». Et quand je regarde en arrière, c’est passé super vite. Quand vous me montrez ces vieilles images, j’ai des souvenirs, mais je n’en ai plus trop. Ça passe ! Quand j’ai monté mon magasin, je ne me suis que ce serait mon dernier métier. J’étais sûr que…voilà ! Voilà, la preuve ! Alors je ne dévoile pas ma vie, mais ma vie professionnelle actuellement c’est pas terrible. C’est compliqué.
Et donc après, quand il n’y a plus eu ce magasin, tu as fait quoi ?
Chômage… J’ai vécu un peu sur mes acquis. J’ai travaillé pour la mairie de Valenciennes il y a deux ans. J’ai eu une idée, je me suis présenté et j’y ai bossé sept mois, c’était la durée de ma mission, sur les commerces vacants. J’ai répertorié tous les commerces vides, et j’ai contacté tous les propriétaires. C’est une loi : au bout de deux ans, trois ans, si ton commerce est vide, la mairie peut taxer le propriétaire. Même ici sur Lille, ça commence à se faire. J’ai été pris pour ça, et ils ont récupéré quoi, 130 000 € ? Il y avait plus de 180 commerces fermés dans la région valenciennoise, mais je me suis concentré sur les 40 plus gros. C’était une bonne expérience, d’autant que j’étais souvent à l’extérieur, pendant 70-80% du temps. Et mon bureau me servait à saisir par écrit ce que j’avais répertorié, avec rapports et dossiers.
Tu m’as donné une carte il y a six mois, c’est « Arno Diffusion ».
Oui, j’ai une société de biens de services dont je ne m’occupe pas trop. Je ne pense pas que ce soit mon truc. Je faisais l’approche par rapport à des fournisseurs, je travaillais avec Cdiscount. J’essayais de trouver moins cher pour ensuite revendre et essayer de faire des marges. Mais je m’aperçois que c’est très compliqué si tu n’as pas du gros volume. Il faut du réseau, beaucoup de réseau, et c’est difficile de mener ce travail en tant que particulier. Pour le moment, c’est en stand-by.
Donc concrètement aujourd’hui, t’es en reconversion pro. Enfin tu cherches quelque chose…
Oui, je cherche. J’aimerais travailler dans le football, mais pas forcément sur le terrain. Parce que ça n’a jamais été mon objectif d’être entraîneur. J’ai pourtant mes diplômes. Je préférerais un boulot d’observation des matches par exemple, de recrutement au niveau des jeunes, parce que je pense avoir de l’expérience et des qualités pour ça.
Merci de nous avoir consacré du temps. On est très heureux de t’avoir vu. On ne sollicite que des joueurs qu’on a vraiment appréciés. Et on espère que ta situation professionnelle va s’arranger.
Faut toujours garder espoir ! Je vous offre un verre !
Merci à Arnaud et à Milo pour leur disponibilité (et pour les bières !)
Posté le 6 novembre 2017 - par dbclosc
Lille-Rodez : si loin du compte
Quoi de mieux qu’un dimanche ensoleillé, tradition nordiste, pour ce Guitarico ? C’est en effet le retour à Lille de Manon Guitard, passée par le LOSC d’août 2015 à janvier 2016. Nous en profitons pour lui souhaiter chaleureusement, et avec quelques jours d’avance, un joyeux demi-anniversaire, puisqu’elle aura 25 ans et demi le 14 novembre. Désormais Ruthénoise – oui, c’est l’adjectif qui correspond à la ville de Rodez – nous comptons sur elle pour qu’elle passe notre amical salut à Laurent Peyrelade, qui entraîne l’équipe première des mecs, en National. Son équipe est d’ailleurs invaincue et en tête après 11 journées. Et tant qu’on y est, rappelons que Walquir Mota, Sylvain N’Diaye et Ronny Rodelin sont aussi passés par Rodez. Moi aussi, mais c’était pour des vacances.
Après la défaite à Lyon la semaine dernière (0-6), retour au championnat « régulier » pour nos filles. Rodez est 11e (sur 12), et n’a toujours pas gagné, ne marquant des points qu’à l’occasion de 3 matches nuls. Il y a donc de quoi être raisonnablement confiant, si on considère que les Lilloises sont capables de montrer de belles choses, même si les deux derniers matches à domicile n’ont pas été fructueux en termes de points, avec deux 1-1 contre Albi puis contre Marseille.
Les pauvres jeunes filles chargées de tenir les panneaux sans lesquels on ne saurait pas à quel match on assiste sont là dès 12h45 : sympa, avec la température qu’il fait.
Au niveau de la composition, pas mal d’innovations, appelons ça de cette manière. En l’absence de Charlotte Saint-Sans, Jessica Lernon joue en défense centrale ; Héloïse Mansuy est titularisée au milieu de terrain, là où joue habituellement cette même Lernon ; à ses côtés, Silke Demeyere ; et un cran devant, dans un rôle axial qui rappelle celui de Rachel Saïdi l’année dernière, Julie Pasquereau, de retour de blessure, plus haute que son habituelle position. Pour le reste, pas de surprise.
13h01 : c’est parti !
13h02 : à peine le temps de tenter de comprendre qui se positionne où que la n°10 adverse passe à la 9, côté gauche, à l’entrée de la surface de réparation. Elle fixe et centre en retrait aux 18 mètres pour une reprise instantanée dans la lucarne d’Elisa Launay. La buteuse s’appelle Océane Saunier et nous la félicitons, c’est une belle conclusion. On devait jouer depuis 45 secondes environ. Prendre un but d’emblée, quand c’est pas les mecs, c’est les filles. C’est beau cette capacité bisexe à se mettre en difficulté.
13h05 : Julie Pasquereau déborde et centre pied gauche, c’est dégagé en corner. Celui-ci est dégagé, revient dans les pieds de Silke Demeyere qui contrôle et frappe au-dessus.
13h08 : super travail de Dafeur côté gauche, relais avec Bultel, centre et reprise de Coryn au deuxième poteau, c’est dégagé en catastrophe par la défense.
13h12 : coup-franc pour les Rhuténoises à 35 mètres, complètement excentré à droite. Deux joueuses de Rodez se mettent volontairement en position hors-jeu, suscitant l’incompréhension des Lilloises : ça sent la vieille combinaison. Et ça sent surtout la diversion : pendant que tout le monde s’intéresse aux duels dans la surface, le coup-franc est tiré directement. Launay est vigilante et dévie en corner.
13h14 : Récupération de Demeyere – pléonasme. Bultel est contrée par une arrière, puis Pasquereau frappe de 20 mètres, sans problème pour la gardienne.
Ça gueule énormément sur le terrain.
13h17 : belle construction Demeyere/Sarr/Bouchenna. Cette dernière centre sur la gardienne.
13h20. Entre 3 Lilloises, la 9 de Rodez s’amuse et parvient à frapper, sur Launay, qui gueule sur ses arrières. Y a de quoi, oui.
13h22 : ça fait deux fois en 3 minutes que Bouchenna fait de spectaculaires récupérations sur son côté droit. Son travail profite à Coryn, qui centre au deuxième sur Bultel : amorti de poitrine et frappe du gauche à ras de terre, juste à côté.
13h24 : « C’est n’importe quoi » hurle Jérémie Decamps. Oui.
Depuis quelques minutes, il semble qu’Héloïse Mansuy joue un peu plus haut, et côté gauche. Silke Demeyere a plus d’espace au milieu, et ça marche bien mieux comme ça.
13h26 : Pasquereau ne suit pas la déviation de la tête d’Ouleye.
13h27 : coup-franc pour Lille, à 40 mètres côté droit. Mais le ballon est dans la surface ruthénoise. Ouleye s’y colle pour aller le chercher. Puis elle le balance nonchalamment, et loin de Silke, qui doit quasiment aller le chercher au poteau de corner, 50 mètres derrière elle. Le coup-franc est repris par l’arrière de la tête de Coutereels, c’est mis en corner.
13h29 : frappe de Lernon, sauvée dans les 6 mètres ! Dans la foulée, Dafeur centre, Pasquereau reprend de la tête : poteau !
13h32 : ça fait 5 bonnes minutes qu’on est dans une grosse phase de domination lilloise : dès lors que Silke ne fait pas tout le travail au milieu et que Mansuy et Pasquereau y mettent un peu du leur, la pression est forte pour les adversaires.
13h34 : carton jaune pour Dafeur, qui nous fait une petite Evra sur la 10 de Rodez, qui fait 50 cm et 30 kilos de moins qu’elle, et qui a par ailleurs une démarche très agaçante.
13h37 : Faute de Guitard sur Sarr, à une vingtaine de mètres. Après avoir baissé son short pour ajuster son sous-short, Marine Dafeur enroule à côté.
13h39 : tacle par derrière sur Silke Demeyere dans le rond central. L’arbitre siffle et indique de jouer. C’est parce que le public le réclame que l’arbitre sort finalement un jaune : c’est toujours amusant ce genre de situation. Il n’empêche que la décision prise ne correspond pas au règlement que j’ai sous la main, article 52 : « tacle sur Demeyere : rouge ».
13h42 : Marine Dafeur fait des roulettes.
13h43 : corner lillois repoussé. Demeyere reprend au-dessus.
13h48 : contre de Rodez. Côté droit aux 6 mètres, la n°10 place juste à côté.
Mi-temps, 0-1. Dommage d’avoir pris un but d’entrée, évidemment. Après un premier quart d’heure poussif, on peut dire que les Lilloises ont franchement dominé la dernière demi-heure. Au milieu, Silke Demeyere est monstrueuse. C’est un peu plus difficile pour Mansuy et Pasquereau, qui alternent bons et mauvais choix. Le jeu penche franchement à gauche, grâce à Marine Dafeur, toujours active et technique, et l’activité de Ludivine Bultel. Offensivement, on a toujours du mal à trouver Coryn à droite, tandis qu’Ouleye Sarr, quand elle a été servie, s’est plutôt engagée dans des tentatives infructueuses de raids solitaires. En tout cas, c’est globalement encourageant !
Durant la pause, Aurore Paprzycki et Anne-Laure Davy s’échauffent.
14h07 : Reprise.
Alors : Anne-Laure Davy est entrée. À la place de… Silke Demeyere ! Bonne idée ça : enlever la meilleure joueuse sur le terrain. Déjà, le simple principe d’un changement tactique, après une première mi-temps pas mal dans le jeu, mérite d’être questionné. Faire entrer une nouvelle attaquante : pourquoi pas. Mais mettre Demeyere dehors… Ou alors une blessure nous a échappé ?
Bref. Davy passe avant-centre, Sarr joue à gauche, Pasquereau recule d’un cran.
14h08 : Dafeur est bousculée. Sur le coup-franc côté gauche, Pasquereau est seule aux 6 mètres mais rate sa reprise de la tête. Ça passe à côté.
14h19 : y a une action confuse où toutes se foutent des coups dans les tibias. C’est finalement Marine Dafeur qui est sanctionnée.
14h21 : petit pont de Sarr et frappe molle de 20 mètres. À côté.
14h23 : dans la surface, Davy se retourne, son centre est contré en corner. Sur celui-ci, le ballon lui revient à 15 mètres, mais elle rate sa reprise.
14h25 : Superbe frappe lointaine de Coutereels ! La gardienne sauve en corner. Nouveau cafouillage et ça se dégage.
14h28 : cette fois, Coutereels s’illustre défensivement, avec un magnifique retour.
14h30 : succession de corners pour Lille. Sur le dernier, Sarr puis Pasquereau, plus grandes, sautent plus haut mais ratent leur tête. Le ballon revient à gauche sur Bultel qui frappe au-dessus.
14h32 : j’ai froid, merde. Je n’arrive plus à écrire.
14h35 : entrée de Rachel Saïdi à la place de Bouchenna. Cela signifie, troisième organisation du match, que la défense passe à 3 éléments, avec Lernon à droite, Coutereels au centre, et Dafeur à gauche.
14h36 : à peine le temps de mettre en place le nouveau système défensif que Rodez part en contre attaque : servie côté droit, une attaquante est seule face à Launay. Dans un premier temps, Dafeur revient superbement et tacle la tentative. Mais le ballon, parti en l’air, est repris bizarrement par l’attaquante qui cherche sans doute à centrer, mais ça file vers le but et Launay est lobée : 0-2.
14h40 : encore un corner, côté gauche. La tête de Sarr est captée par la gardienne.
14h42 : mauvaise passe de Coutereels, et une adversaire part au but. Mais la défenseuse Belge revient de façon licite selon l’arbitre, pas selon le banc adverse.
14h43 : juste après s’être engueulée avec une de ses coéquipières, Sarr frappe encore, de loin encore, sans danger toujours.
14h44 : Pasquereau sort, Paprzycki entre.
14h47 : bel arrêt de Launay, sur sa droite.
14h49 : côté gauche, Marine Dafeur se bat, encore, mais le ballon sort en 6 mètres. Elle a l’air un peu dépitée. Faut dire qu’elle ne peut pas tout faire toute seule.
14h52 : jaune pour Sarr. Dans la foulée, ne cherchant plus à construire, elle frappe encore de loin. À côté.
14h55 : dernière position favorable pour Coryn, et encore un bel arrêt de la gardienne, auteure d’un excellent match. Elle s’appelle Déborah Garcia.
C’est fini, 0-2. Sur le seul plan comptable, c’est bien dommage car sur les 3 derniers matches à domicile, le LOSC ne prend que 2 points sans avoir jamais donné le sentiment d’être inférieur à ses adversaires, bien au contraire, même si Rodez a fait bonne impression. Il n’empêche que face à un concurrent direct, on se doit de ne pas perdre de cette manière.
Car au-delà du résultat, ce match laisse une sale impression. Perdre est une chose, et ce n’est en soi pas bien grave. Mais perdre dans ces conditions laisse songeur. Une première mi-temps globalement bonne – on ne peut que regretter le manque d’occasions et de réalisme chez nous, et la réussite chez l’adversaire – une deuxième très moyenne, qu’on peut attribuer à des changements pas vraiment opportuns à la pause, que ce soit dans la stratégie proprement dite ou quant au choix des joueuses ; des joueuses qui masquent assez peu leur agacement et parfois leur manque d’entente ; et un renoncement général après le 0-2, l’équipe ne cherchant même plus à jouer collectivement. Dans le camp adverse, sans pratiquer un football de rêve, l’équipe de Rodez est resté organisée, les joueuses solidaires, s’encourageant les unes les autres, et il n’a pas fallu forcer pour exploiter les quelques erreurs lilloises.
Déjà lors du match contre Marseille, on avait souligné notre difficulté à comprendre l’organisation du milieu de terrain – mais on est ptet cons hein – la position de Rachel Saïdi, cantonnée à gauche depuis le début de saison alors qu’elle est bien meilleure au centre. Là, c’est côté droit que Coryn était isolée ; Pasquereau en 6/8/10 est passée à côté ; Mansuy a occupé 3 postes ; Davy avant-centre a contraint Sarr à s’excentrer et à être littéralement inoffensive, comme toute l’équipe du coup ; et sortir Demeyere à la mi-temps laisse pantois. On en vient à penser que le match inaugural contre Bordeaux était un accident, et qu’on assiste depuis à des expériences qu’on voit d’ordinaire durant les préparations d’avant-saison. Très mauvaise impression donc, et pas que dans le jeu.
Alors, mauvaise passe, vrai problème de fond, complot ? À suivre. Les Lilloises iront à Guingamp le 19 novembre, et le prochain match à domicile aura lieu le 3 décembre, contre le Paris FC.
On a piqué l’illustration 3 sur le twitter du LOSC féminines.
Posté le 3 novembre 2017 - par dbclosc
Du Bielsa sans Bielsisme ? Un retour sur les excès de la critique à l’encontre de Marcelo
S’il y a bien une chose qu’on ne pourra pas reprocher à Marcelo Bielsa, c’est de ne pas assumer la responsabilité des difficultés rencontrées par le LOSC. Il le dit et le répète, personne ne peut être satisfait des résultats de son travail. C’est limite s’il n’assume pas la responsabilité du pétage de plomb de son gardien contre Strasbourg. Peut-être même s’excusera-t-il bientôt pour sa faute dans l’effondrement de la tribune amiénoise. Sans compter celle qu’il pourrait avoir dans les nombreux conflits existants.
C’est d’ailleurs un fameux point d’accord entre lui-même et ses aujourd’hui très nombreux détracteurs : c’est lui, et presque lui seul, qui est responsable des actuelles difficultés lilloises. L’objet de cet article n’est pas de contester l’existence d’une responsabilité, qui nous semble nécessairement bien réelle, dans l’échec du début de saison lillois. En revanche, on s’étonne aujourd’hui de l’ampleur que les critiques prennent à son encontre. Ceci étant, c’était plus ou moins attendu : là où il y a Bielsa, on dirait qu’il fait tout absolument tout seul. Si son équipe gagne, c’est tout juste si l’on ne le félicite pas pour son incroyable but décisif inscrit depuis son banc de touche. S’il perd, les réactions sont, suivant la même logique, tournées vers sa responsabilité : là encore, on pestera sur sa responsabilité sur cette incroyable passe ratée entraînant le but adverse.
Alors, bien sûr, Bielsa est le type d’entraîneurs qui marquent d’une empreinte toute particulière le jeu de son équipe. Pour autant, même lui est soumis à tout un tas de contraintes qui lui sont extérieures. En premier lieu, les actes de ses collaborateurs.
Un effectif quantitativement réduit
Lorsque l’on étudie les spécificités de Marcelo Bielsa, on constate d’abord qu’il avait décidé de s’appuyer sur un effectif réduit. Alors qu’on avait l’habitude que les postes soient doublés partout, et ce à peu près depuis l’ère Vahid Halilhodzic (1), le technicien argentin a lui décidé de s’appuyer sur un groupe restreint, s’appuyant sur un joueur et demi par poste (en moyenne, hein, il ne les découpe pas). Ainsi, après les départs de Xeka et de De Préville, l’effectif ne compte, en dehors des jeunes formés au club, que quinze joueurs (2).
Dans ce schéma, classique jusque dans les années 1980-1990, la polyvalence des joueurs est une valeur reconnue. Cela explique qui sont les rares joueurs conservés cette saison : Ibrahim Amadou, pouvant jouer en défense comme au milieu de terrain, présente le profil idoine ; Yassine Benzia, attaquant de formation mais à l’aise plus bas et d’ailleurs reconverti au milieu par Antonetti ; Yves Bissouma, qui a montré une polyvalence aux différents postes de milieux de terrain ; Mendyl n’est « que » arrière-gauche, mais il présente un profil qui en fait un joueur adapté que Bielsa évolue en 3-3-3-1 ou en 4-2-3-1. Seul Soumaoro, défenseur central, semble faire exception à la règle, encore qu’il ait débuté sa carrière pro comme arrière latéral. Même Maignan, pourtant gardien de but, présente un profil atypique de par sa propension à jouer au pied.
La première remarque tient au fait qu’une telle philosophie présente un risque certain en cas d’absences conjuguées de plusieurs joueurs. Nous avons souligné que l’effectif lillois ne comptait que quinze joueurs de champ à la fin du mercato, mais nous n’avons pas encore précisé que, parmi eux, deux étaient blessés de longue date : Mendyl et Soumaoro. En d’autres termes, là où le risque était élevé pour Bielsa est qu’il débutait la saison en sachant qu’il s’appuyait sur un groupe de seulement treize joueurs de champ opérationnels.
Cette première remarque en appelle une seconde : en constituant un groupe réduit, la question de la répartition des joueurs par poste est cruciale. En effet, puisque seuls la moitié des postes sont doublés, cela signifie qu’il faut aussi que ceux qui ne le sont pas puissent potentiellement être occupés par des joueurs non habitués à y jouer. Or, là où le choix pouvait apparaître risqué, c’est que l’équilibre entre les différents postes apparaît déjà discutable en début de saison : alors que Bielsa s’appuie souvent sur une défense à cinq (en comptant les latéraux), son effectif ne dispose que de quatre joueurs opérationnels : Malcuit, Ié, Alonso et Ballo-Touré, même si Amadou peut très bien faire le compte dans l’axe. Dans un tel cas de figure, il suffit qu’un joueur se montre insuffisamment performant (comme ce fût le cas avec Ballo-Touré), soit blessé (comme Malcuit) ou suspendu (comme Amadou) pour qu’un important problème apparaisse.
Le fait que le milieu (quatre joueurs) soit en revanche très fourni par rapport aux besoins des systèmes de Bielsa (un ou deux sur le terrain) semble indiquer que Bielsa comptait en particulier sur ces joueurs pour jouer à d’autres postes que celui auquel ils sont habitués. En revanche, il n’est pas certain que cette prédilection pour la polyvalence des milieux signifie que Marcelo ait anticipé que ce besoin de polyvalence se fasse sentir d’abord sur les postes défensifs : si Amadou était un substitut évident dans l’axe central de la défense, il n’est pas certain que Bielsa considérait au départ Bissouma comme le remplaçant au poste de latéral droit plutôt que sur l’aile droite. De même, Thiago Maia était peut-être pressenti comme un substitut potentiel sur l’aile gauche. Difficile, bien sûr, de déterminer ce qu’avait en tête « El Loco » en déterminant un tel équilibre de l’effectif, mais puisque l’on sait qu’il ne pouvait pas anticiper à quels postes il aurait des blessés et qu’il savait que deux défenseurs reviendraient dans les semaines suivantes, il est probable qu’il ait fait le pari que sa défense tienne jusqu’au retour des blessés et que la polyvalence des milieux doive d’abord s’exercer devant.
« Quand le sage montre la Lune, l’imbécile regarde le doigt ». Ça ne nous explique toujours pas pourquoi le sage montre la Lune.
En effet, une fois Mendyl et Soumaoro revenus, la défense n’apparaît pas un secteur particulièrement décharné : sept joueurs pour quatre ou cinq places (en comptant Amadou), c’est en effet cohérent par rapport aux six joueurs pour quatre places dans le secteur offensif.
Sauf que, pas de bol, tous les besoins constatés l’ont été en défense : Malcuit se blesse sur le côté droit, justement pourvu du seul Kévin, même si Ié est une potentielle alternative ; Ballo-Touré ne se montre pas aussi performant que ça sur son côté gauche ; enfin, Amadou a été pour sa part suspendu suite au match de Troyes. Devant, Bielsa a toujours disposé d’au moins un joueur pouvant jouer sur chacun des quatre postes offensifs (3).
Des choix pas si incohérents au regard d’un effectif mal ficelé
On peut penser que cette stratégie de s’appuyer sur un groupe restreint est critiquable. Ceci étant, à partir du moment où l’on en accepte le principe, force est de constater que les difficultés rencontrées par Bielsa dans la composition de ses équipes tient à beaucoup de facteurs sur lesquels il n’avait largement pas prise. Évidemment, quand on voit ce qui s’est passé, on pourrait avoir tendance à dire que Bielsa a fait de mauvais choix. Ce qui est vrai, à cette réserve près que, par définition, Bielsa ne pouvait pas anticiper les imprévus. Et s’il avait anticipé ces problèmes en défense, recrutant davantage dans ce secteur, on se serait retrouvés avec un secteur surchargé une fois les blessés revenus et ce au détriment d’autres secteurs de jeu. Bref, vu comme ça, ce que l’on pourrait reprocher à Bielsa, c’est d’avoir voulu construire un groupe trop restreint, prenant un risque trop élevé que l’on paie aujourd’hui.
Effectivement, là où l’on aurait du mal à défendre qu’il n’y a pas eu d’erreur, c’est sur le fait de composer un groupe si réduit numériquement alors même que deux des joueurs de ce groupe déjà réduit étaient blessés en début de saison. Le pari n’était pas absurde, mais il était extrêmement risqué. Pour qu’il tienne, il aurait fallu qu’il n’y ait aucun pépin, notamment en défense, ce qui est justement arrivé. En revanche, ce que l’on ne sait pas, c’est dans quelle mesure cette stratégie est le seul produit de décisions de Bielsa ou si elle n’est pas aussi largement dépendante d’autres décideurs. Le cas du transfert de Nicolas De Préville (voir plus loin) nous semble un exemple éloquent d’une décision que Bielsa a vraisemblablement accepté plutôt qu’il ne l’a demandé.
L’un des principaux reproches faits à Marcelo Bielsa réside dans le fait qu’il utilise massivement des joueurs à des postes qui ne sont pas leurs postes de prédilection. Le reproche nous paraît en partie infondé dans la mesure où cette situation a largement été subie par Bielsa.
Par exemple, contre Nantes comme à Strasbourg, tous les joueurs qui ont débuté la rencontre ont joué à leur poste de prédilection, à l’exception d’Amadou : d’ailleurs, dans son cas, on peut se demander s’il est exact de dire qu’il ne jouait pas à son poste de prédilection dans la mesure où Ibrahim s’est depuis longtemps montré solide au milieu de terrain comme en défense centrale.
Ensuite, quand Bielsa ne titularise pas un joueur à son poste de prédilection, c’est presque toujours parce qu’il ne dispose pas de choix en la matière. En l’absence de Malcuit, qui voulez-vous mettre à droite ? On pourrait penser à Edgar Ié, puisque celui-ci a été recruté pour sa polyvalence arrière central-droit. Sauf que si Bielsa avait mis Ié à droite plutôt que Bissouma, qui aurait-il mis dans l’axe à la place de Ié ? De même, il est a posteriori aisé de critiquer le choix d’avoir aligné Maia latéral gauche à Angers et contre Bordeaux. Pour autant, a priori il n’est pas sûr que ce choix était absurde : Ballo-Touré étant loin d’être convaincant, Mendyl étant blessé, on pourrait plutôt juger que le fait d’essayer à ce poste un autre joueur n’a rien d’absurde. Après le match, certains ont jugé bon de critiquer Bielsa sur ce choix, considérant que Kouamé aurait été de manière évidente un meilleur choix. Mais sur quoi se basait cette évidence ? A peu près sur rien d’autre que la bonne deuxième mi-temps contre Nantes, c’est-à-dire sur pas grand chose en comparaison de ce que Marcelo a l’occasion de voir au quotidien des entraînements. D’ailleurs, la critique du choix de Maia semble encore aujourd’hui d’autant plus facile que contre Monaco le choix de Kouamé n’a pas semblé constituer une bien meilleure garantie. On se demande qui aurait dû occuper le poste de latéral gauche pour chacun de ces matches puisque, visiblement, à chaque fois les choix ne furent pas les bons ? Mendyl en béquille ? Ou, mieux, jouer sans latéral gauche ? Que peut faire Bielsa lors du choix de son latéral gauche s’il n’a à sa disposition que des choix qui vont insatisfaire ?
Un bouquet-mystère nommé Marcelo
Mais, bref, ce sur quoi on veut insister par là, c’est qu’il nous paraît faire un mauvais procès à Bielsa que de considérer comme un choix philosophique de sa part de faire jouer chacun à des postes qui ne sont pas les leurs. On n’est pas là en train de contester que cette attente de polyvalence n’est pas un trait caractéristique de sa réflexion. De manière plus nuancée, on voudrait mettre l’accent sur le fait que Bielsa n’a sans doute jamais eu l’intention de favoriser cette polyvalence de manière aussi brutale. D’ailleurs, il suffit de voir quels sont les joueurs présents sur le banc lillois pour constater que Bielsa n’a pas tant de choix que ça, en particulier sur les postes sur lesquels ses choix sont contestés (4).
Certains rétorqueront que la critique faite à l’encontre de Bielsa ne porte pas uniquement sur le choix des joueurs mais sur la tactique mise en place. Mais, précisément, nous mettons au défi quiconque de définir, à partir des joueurs dont Bielsa disposait au cours des dernières semaines, un système de jeu dont la cohérence et l’efficacité apparaîtrait de manière évidente comme supérieure à celui que développe Bielsa. Si l’on ne peut contester que les mauvaises performances actuelles doivent beaucoup à de mauvaises décisions, l’évaluation de la responsabilité en elle-même du technicien argentin est en revanche beaucoup plus sujette à discussions.
Le cas De Préville
Dans la multitude des critiques portées à l’égard de Marcelo Bielsa, on relève la décision d’avoir transféré Nicolas De Préville, lequel demeurait pourtant une valeur sûre du club, et dont l’absence s’avère aujourd’hui d’autant plus visible que son successeur à la pointe de l’attaque n’a encore marqué aucun but. Par exemple, la lecture faite le 18 septembre par Olivier Fosseux de La Voix du Nord de ce transfert pointe directement la responsabilité de l’Argentin : « Comment les dirigeants lillois ont-ils pu laisser filer leur attaquant de pointe […] sans avoir déniché son successeur ? Parce que Marcelo Bielsa leur a notamment défendu la thèse qu’il disposait de son remplaçant avec Pépé et Ponce. » Là où l’interprétation du journaliste nous semble discutable, c’est qu’elle semble présenter comme une évidence que Bielsa avait alors affirmé qu’il n’avait pas besoin de De Préville. Or, ce qui nous semble beaucoup plus plausible, c’est que l’équipe dirigeante a alors demandé à Bielsa qui, dans son effectif, pourrait être transféré, ce qui n’est pas du tout la même chose.
Comment en arrivons-nous à cette hypothèse ? D’abord parce qu’il nous semble que si Bielsa tenait NDP pour un joueur n’ayant pas sa place dans son effectif, il ne l’aurait pas titularisé à l’occasion de trois des quatre premiers matches en championnat. Ensuite, parce que NDP affirme lui-même que « le club » lui a fait savoir qu’ « il avait besoin d’argent » étayant largement qu’il s’agit d’une décision de l’équipe dirigeante, décision elle-même contrainte par les exigences de la DNCG. Vraisemblablement, c’est donc Gégé Lopez et son équipe qui ont alors demandé à son coach quel joueur bankable il accepterait de vendre. De fait, sachant que 1) cela ne pouvait être un défenseur vu les problèmes d’effectifs à ce poste ; 2) cela ne pouvait être une recrue puisque personne n’aurait compris que l’on revende aussitôt un joueur à peine arrivé, alors, quelles possibilités étaient offertes à Bielsa : Nicolas De Préville, Yves Bissouma et Yassine Benzia. A ceci, il faut ajouter que 40 % d’un éventuel transfert de Benzia doivent être reversés à l’Olympique lyonnais, ce qui implique qu’il aurait fallu qu’il soit revendu environ 15 à 18 millions d’euros pour rapporter autant que NDP, ce qui semble une somme nettement supérieure à son actuelle valeur marchande. Vu ce choix étriqué, on comprend que Bielsa ait choisi de privilégier le départ de NDP, dont on peut estimer raisonnablement qu’il est au faîte de sa carrière.
Dans le florilège des critiques faciles à l’égard de Bielsa, on sait que beaucoup ont affirmé que Bony lui avait été proposé en remplacement de NDP et qu’il l’aurait refusé. En creusant un peu la question, on sait que si Bielsa n’a pas marqué un enthousiasme délirant pour la venue du joueur, il y était tout de même favorable mais Bony n’avait en définitive pas accepté la proposition. On a certes eu cette représentation selon laquelle « ce que Bielsa veut, Bielsa a », mais la réalité est plus complexe : l’accord du joueur est encore une condition nécessaire à son recrutement.
Latéral gauche, droit, arrière central, Frankie avait a priori le profil pour plaire à Bielsa s’il n’avait pas 62 ans (Franck, même s’il est vrai que Marcelo aussi a 62 ans)
Soit dit en passant, cette observation met l’accent sur le fait que, si l’on veut trouver des responsables, on pourrait se questionner la stratégie Lopez, lequel est bizarrement presque totalement exempté de toute critique. S’il est en effet avéré que Bielsa a validé la stratégie du chef de tout changer dans l’effectif du club, il n’empêche qu’on ne peut pas en faire le seul produit de la décision du seul technicien argentin. La vente de De Préville met l’accent sur le fait que le bizzness plan de Lopez n’est pas aussi unlimited qu’il aime le laisser entendre même s’il faut aussi entendre que le nouveau patron du LOSC a été contraint par les règles (légitimement) imposées par la DNCG. Cela montre que Bielsa est loin d’être le seul décideur dans la construction de son équipe, contrairement à ce qui est fréquemment avancé pour justifier les critiques à son encontre.
Un ensemble de faits subis par Bielsa
Si l’on observe en détail l’ensemble des causes pouvant être raisonnablement avancées pour expliquer l’échec lillois depuis que le championnat a débuté, on constate que de nombreuses tuiles, indépendantes des décisions de l’Argentin, lui sont tombées sur le coin de la gueule.
Contre Strasbourg tout d’abord, le LOSC doit déjà composer avec deux joueurs en moins, blessés, dès la 19ème minute de jeu ce qui l’obligé, déjà, à faire rentrer en jeu un joueur à un poste qui n’est pas le sien. Si l’on a ensuite reproché à Bielsa d’effectuer son dernier remplacement tôt dans le match, force est de constater que les difficultés rencontrés par Ballo-Touré, d’autant qu’il avait déjà été averti, ne rendaient en rien absurde cette décision. Enfin, rappelons que le LOSC tient malgré tout le 0-0 dans ces conditions difficiles jusqu’à ce que Mike Maignan ne pète un plomb et lance le ballon sur un adversaire. Sur ces quatre faits de jeu, il semble que les deux premiers puissent davantage trouver leur explication dans un défaut de préparation physique et que le dernier – sans doute particulièrement déterminant – relève d’un manque de sang-froid du gardien lillois sur lequel Bielsa ne peut pas grand chose. A posteriori, on peut juger que le troisième fait, décidé par Bielsa, fût aussi lourd de conséquences. Il semble cependant d’une importance misérable au regard des trois autres. Il est évidemment difficile de déterminer quelle aurait été l’issue du match sans ces imprévus. Certains faits laissent en effet entendre que Lille n’était pas dans un bon jour. Il n’empêche, d’autres faits nous laissent penser que peu de choses auraient pu permettre au LOSC de récupérer le point du match nul, voire, sait-on jamais, de l’emporter.
En mettant ces différents éléments ensemble, l’effectif de Bielsa est-il si absurde ? Il ne nous semble pas. Examinons ses possibilités, sans chercher à évoquer celles où il place des joueurs à des postes où ils n’ont jamais joué :
Arrière droit (1 poste) : Kévin Malcuit ou Edgar Ié
Arrière gauche (1 poste) : Fodé Ballo-Touré, Hamza Mendyl, Junior Alonso
Défenseur centraux (2 ou 3 postes) : Ibrahim Amadou, Adama Soumaoro, Edgar Ié, Junior Alonso
Milieux (1 ou 2 postes) : Yves Bissouma, Ibrahim Amadou, Thiago Maia, Thiago Mendes
Meneur de jeu (1 poste) : Yassine Benzia, Farès Balhouli
Avant-centre (1 poste) : Nicolas Pépé, Ezéquiel Ponce, voire Yassine Benzia
Ailier droit (1 poste) : Anwar El Ghazi, Nicolas Pépé
Ailier gauche (1 poste) : Luiz Araujo
On observe que tous les postes ont deux possibilités, sauf pour l’aile gauche. Or, vous ne vous souvenez pas d’un joueur qu’on a proposé comme offensif pouvant jouer côté gauche et ayant été ôté de l’effectif de Bielsa ? Ben oui, De Préville.
Soulignons aussi que, dans cette liste que nous avons développée, on trouve toujours une alternative sans incriminer ce qui a été reproché à Bielsa. On lui reproche d’avoir aligné Maia arrière-gauche ? Oui, mais Mendyl était blessé, Alonso pris dans l’axe, et Ballo-Touré s’avérait contre-performant (sans vouloir charger Fodé!). A droite, Bielsa a deux choix, mais Malcuit fût blessé et Ié occupé dans l’axe. Pépé est certes le titulaire du poste de n°9, mais l’effectif ne compte – depuis le départ de NDP – que Ponce (2 buts l’an dernier avec Grenade) comme alternative.
Bien sûr, on ne peut pas retirer toute responsabilité, loin de là, à Bielsa dans la construction de son effectif et donc dans les difficultés ensuite rencontrées. Mais le parallèle avec le LOSC de Rudi Garcia champion de France en 2011 pour questionner l’évidence d’une « responsabilité » de l’actuel entraîneur du LOSC. En effet, on observe que l’effectif du LOSC lors de son dernier titre fût également particulièrement quantitativement réduit. Si l’on ne compte pas les jeunes qui n’ont alors jamais joué en équipe première, l’effectif ne compte alors que 17 joueurs de champ, Jerry Vandam compris, lequel n’a alors que 163 minutes de L1 dans les jambes.
Rudi Garcia, hilare après sa bonne blague sur la « perte des valeurs » du club. Pour rappel, ce tweet de Jean-Marie Pfouff
Or, ce qui marque lorsque l’on observe cet effectif, c’est le taux d’absence de joueurs particulièrement faible : le onze titulaire cette saison là n’a un taux d’absences cumulées (5) global de seulement 6,9 % et de 8,2 % en incluant les six premiers remplaçants. Le onze titulaire de Bielsa (en prenant pour base le match de Nantes à cette différence que Pépé est considéré comme l’avant-centre), compte 11,6 % d’absences, le taux s’élevant à 20,3 % en incluant les cinq premiers remplaçants. En fait, on constate que les choix cornéliens auxquels a été de nombreuses fois confronté Bielsa (qui vais-je mettre à tel poste, vu que je n’ai aucun joueur valide?), Garcia n’a pas dû une seule fois se les poser. Était-ce le produit d’un effectif mieux équilibré comme le pensent beaucoup ? Peut-être en partie, mais on observe aussi que Garcia se serait trouvé en position délicate s’il avait dû composer avec un cumul d’absences.
Voulait-on du Bielsa sans Bielsisme ?
Lorsque l’on regarde le bilan du LOSC de Marcela Bielsa après onze journées, on ne peut évidemment pas parler pour l’instant d’un franc succès. Pour autant, lorsque l’on observe les différents aspects sur lesquels il est attesté que Marcelo Bielsa a eu une prise directe, on ne constate aucune surprise par rapport à ce que l’on aurait pu imaginer connaissant ses marottes. En somme, reprocher à Bielsa d’avoir pris les décisions qu’il a prises revient à lui reprocher d’avoir pris les décisions qu’on attendait qu’il prenne.
On ne cherchera pas ici à trancher sur les responsabilités respectives de chacun dans les difficultés actuellement rencontrées par le LOSC, mais on se bornera ici à constater que, s’il fallait en identifier, nombreuses seraient celles qui n’auraient pas pour origine les décisions du technicien argentin lui-même.
D’abord, s’il semble avéré que le recrutement lillois a été intégralement validé par Marcelo Biela, il n’empêche que ces décisions ont été étroitement encadrées par les pré-sélections opérées par Luis Campos. Par ailleurs, si cet effectif semble comporter des choix douteux, il faut souligner qu’il s’agit d’une conséquence plus ou moins nécessaire lorsque l’on décide de transformer de A à Z un effectif. Or, s’il semble que cette stratégie ait été validée par Biela, et qu’elle a peut-être contribué à le décider sur son engagement à Lille, il ne semble pas justifié de lui en attribuer l’entière paternité. Gérard Lopez s’est aussi saisi de cette stratégie pour mettre en scène son volontarisme dans la rupture avec l’ère Seydoux. Or, s’il y a bien un aspect sur lequel Marcelo Bielsa arrivait dans l’inconnu, c’est bien celui-là : jamais les projets dans lesquels il s’était jusque là inscrit ne furent associés à de telles transformations de l’effectif.
Enfin, on pourrait ajouter que ça n’est pas Bielsa qui a décidé que son effectif connaîtrait autant d’absences. D’ailleurs, lorsque l’on regarde les succès passés d’ « El Loco », on observe qu’il avait pu s’appuyer sur un groupe réduit ne connaissant pratiquement aucune absence. Le Bilbao de la saison 2011/2012 reste dans les mémoires, avec une finale d’Europa Ligue et de Coupe du Roi à la clé. Or, on observe que le club espagnol s’est presque appuyé exclusivement sur le même onze au cours de son copieux programme de la seconde partie de saison : entre le 8 janvier 2012 et le 25 mai 2012, Bilbao dispute ainsi 22 matches de Liga, 7 de coupe du Roi, 9 en Europa League, soit 38 rencontres en 138 jours. Ce qui semble alors évident c’est que, avec un tel programme, l’une des conditions de faisabilité résidait dans une parfaite préparation physique. On sait justement que, à Lille, Marcelo Bielsa ne s’est pas montré satisfait du travail de Gabriel Macaya, le préparateur physique : on ne se permettra pas ici de juger du travail de ce dernier, conscients que nous sommes de la part d’imprévisible et de non maîtrisable dans les conséquences de son travail. Il n’empêche, on ne peut manquer de faire remarquer que la préparation physique fût l’un des facteurs pesant négativement sur les performances lilloises, et on voit mal comment on pourrait, sans plus d’argument, en imputer la responsabilité à Bielsa.
Une fois pris en compte ces éléments, on voit qu’il ne reste plus de la critique que le reproche d’ avoir « fait du Bielsa », sans d’ailleurs que soit démontré que « faire du Bielsa » soit la réelle cause des difficultés rencontrées. La tactique utilisée, la volonté de s’appuyer sur un groupe restreint et polyvalent, l’intransigeance du technicien, sont aujourd’hui présentées comme les raisons de l’échec. Mais alors, si c’est le fait de « faire du Bielsa » qui pose problème, alors pourquoi avoir, dans un quasi-consensus, exigé d’avoir Bielsa ? La principale incohérence est là. Si l’on demande à Marcelo Bielsa de faire ce qui lui est spécifique, on ne peut ensuite lui reprocher de le faire.
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On observe une exception notable avec le LOSC de Rudi Garcia l’année du titre qui compte 16 ou 17 joueurs de champ, selon que l’on compte ou non Idrissa Gueye parmi eux.
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Rominigue Kouamé, n’est pas compté dans l’effectif mais est ici considéré comme « jeune », dans la mesure où celui-ci n’avait jamais été convoqué en match avec l’équipe première avant l’arrivée de Bielsa. Ballo-Touré est en revanche considéré comme faisant partie de cet effectif même si le joueur, en provenance de Paris, n’y avait jamais joué avec l’équipe première (une présence sur le banc).
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Si l’on peut douter que la place de Nicolas Pépé soit dans l’axe, on peut en tout cas constater que le choix de Bielsa de le faire jouer à ce poste ne réside pas dans l’absolu manque d’autre solution puisque Ponce a été recruté pour y jouer.
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A ce titre, s’il est vrai que Hamza Mendyl est à nouveau disponible, il revient depuis peu d’une grave blessure, ce qui explique bien sûr la prudence dont fait preuve Marcelo Bielsa par rapport à lui : au regard des difficultés rencontrées pour le poste d’arrière-gauche, on comprend qu’ El Loco », pas si fou, n’ait pas voulu prendre de risque avec celui qui est sans doute sa meilleure arme à ce poste.
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Le taux d’absence est calculé en rapportant le nombre de rencontres pour lesquelles le joueur n’était pas présent sur la feuille de match rapporté sur le nombre total de rencontres.