Posté le 15 novembre 2017 - par dbclosc
Arnaud Duncker : « Valenciennes, mon club formateur ; Lille, mon club de cœur »
La célèbre équipe de DBC, au complet, poursuit ses entretiens pour mettre en lumière la non moins célèbre grandeur losciste, qui saute déjà aux yeux : au tour d’Arnaud Duncker d’évoquer ses souvenirs !
Pour rappel, on est allés voir Rachel Saïdi en août sur l’actualité de la section féminine et, du côté des mecs, Fernando D’Amico et Grégory Wimbée durant le premier semestre. Si ces deux derniers sont associés à une période sportive exceptionnelle pour le LOSC, on ne peut pas dire que les années durant lesquelles Arnaud était Lillois (1994-1998) furent associées à du beau jeu et à des résultats faramineux. Ce qui ne signifie pas, loin de là, que c’est une période que l’on n’a pas appréciée. On l’a souvent écrit ici : quand, enfant, on effectue sa socialisation footballistique dans les années 1990 à Grimonprez-Jooris, il reste toujours un on-ne-sait-quoi d’amour pour le football laborieux, les tribunes vides, les 0-0 pas contre le cours du non-jeu. Dans un collectif moyen, c’est aussi le temps où les teigneux sur le terrain peuvent particulièrement s’épanouir. Et Arnaud Duncker était bien de ceux-là : on se rappelle son activité débordante, son endurance au-dessus de la moyenne, ses chevauchées-bulldozer côté droit, ses récupérations de balles spectaculaires et parfois peu académiques. Mais il n’était pas que ça : on se rappelle aussi sa capacité à apporter du danger offensivement, et sa qualité de centre et de passe. Et on se souvient qu’il a marqué sans doute un des plus beaux buts de l’histoire du LOSC, du moins d’un point de vue collectif, performance d’autant plus exceptionnelle à cette époque. C’était contre Caen, son premier but à Lille, et le résumé du match se trouve ci-dessous, juste avant le début de l’échange.
C’est donc d’abord pour l’excellent souvenir de l’ensemble de son œuvre footballistique que nous l’avons sollicité. Mais aussi pour revenir plus généralement sur la vie au LOSC durant les 4 années qu’il y a passé, l’ambiance dans les groupes, les relations avec les entraîneurs, le public, le jeu pratiqué. Ces quatre saisons ont chacune leurs singularités – n’oubliez pas de cliquer sur les liens qui renvoient à nos bilans saison par saison quand c’est souligné et en gras, comme ça : une saison correcte mais irrégulière en 1994-1995, un maintien acquis de justesse en 1995-1996, la descente en 1996-1997 malgré un départ en trombe, et enfin une saison en D2 et la 4e place avec Thierry Froger. D’ailleurs, on sent bien chez Arnaud une certaine nostalgie de ce temps – du moins, sur certains aspects liés à l’évolution du football – et, corollairement, un propos plus critique sur le LOSC actuel.
Arnaud nous évoque aussi dans cet entretien ses débuts au centre de formation de Valenciennes, ses années à l’USVA, notamment marquées par le match contre Marseille en mai 1993, qu’il a joué. Et l’après-LOSC : son départ avorté en Angleterre, le retour à Valenciennes, puis le foot en amateur en Belgique.
Probablement, beaucoup l’ont rencontré ou sont allés le saluer dans les années 2000 quand il tenait un magasin de sport dans le Vieux-Lille. Arnaud nous parle également de cette première reconversion, et de sa situation professionnelle actuelle. Et si DBC peut servir à jouer les entremetteurs, il y a comme une petite annonce en fin d’entretien ! En tout cas, on a pris beaucoup de plaisir à discuter avec Arnaud, et on espère que ses recherches seront vite fructueuses.
L’entretien a eu lieu juste avant le match de Metz. On discutait alors à bâtons rompus du match à venir, et l’entretien commence sans question précise. On est comme ça nous.
23 septembre 1994, le jour des 50 ans du LOSC, Arnaud Duncker inscrit son premier but avec le LOSC, son deuxième en D1, après une belle action collective. Par la suite, Kennet Andersson lui balance un ballon et se fait expulser, puis Amara Simba égalise. LOSC représente.
Si tu ne gagnes pas à Metz, même si Metz est dans une situation similaire, tu as du souci à te faire. Je n’ai jamais vu autant le LOSC passer à la télé depuis 6 mois, sur TF1, à Téléfoot, partout ; j’ai même vu Patrick Collot à la télé (rires) ! Le club a beaucoup communiqué vers l’extérieur depuis 6 mois. Mais en fait on nous explique quoi ? Quel est le projet ? L’année dernière, j’étais avec les anciens du LOSC en Angleterre. On apprend que le club recrute 7 joueurs au mercato. 7 joueurs ! Probablement des joueurs que Bielsa avait déjà validés. On fait venir Passi, et maintenant, Bielsa, qu’on présente comme le meilleur entraîneur du monde. Pour le moment, je n’ai rien vu. J’ai vu un argument com’, il y a 6 mois, et l’envie d’attirer de nouveaux publics autour du nom « Bielsa ». Mais ça ne suffit pas ! J’aurais préféré qu’on prenne un Kombouaré par exemple. Quand je vois ce qu’il a fait à Valenciennes… Depuis qu’il est parti, on voit qu’il faisait du boulot ! Quand je vois ce qu’il fait à Guingamp, ce qu’il a fait à Lens ! Il s’est fait virer du PSG mais il était quand même premier ! J’aurais préféré un mec comme ça.
Ne penses-tu pas qu’il s’agit avant tout d’une question de temps avec Bielsa ?
Du temps… En attendant, on entend beaucoup parler d’argent. Le club a un nouvel entraîneur, très connu. J’ai du mal à comprendre sa communication. Déjà, il ne parle pas français. On nous dit qu’il est le meilleur entraîneur du monde ? Franchement, il n’a aucun palmarès, excuse-moi. Après c’est peut-être un bon technicien, un bon tacticien, mais je ne sais pas si c’est un bon entraîneur. Il y a aussi une attitude à avoir ! Quand je vous parle de communication, c’est vis-à-vis des supporters. Autant le club communique beaucoup vers les médias, autant il y a un manque de communication flagrant au sein du club. Je pense qu’il y a un manque de communication en interne, et que l’équipe professionnelle est séparée du reste du club. Je voyais aussi que récemment, il y a eu un petit problème avec Pascal Cygan par exemple, qu’on envoie en Belgique avec Arnaud Mercier.
« On parle beaucoup d’avenir et peu de présent »
Tu crois qu’il peut y avoir un problème pour que les supporters s’identifient ?
Exactement, il y a un problème d’identification. Je regarde tous les matches du LOSC, soit directement au stade, soit la télé. Je veux bien qu’on recrute des jeunes ; la moyenne d’âge de l’effectif est très basse. Je n’ai rien contre les joueurs individuellement, mais je ne m’y reconnais pas. Il n’y a pas encore de confirmation des espoirs placés dans les joueurs. Après, sur la durée, peut-être que ça prendra… On montre aussi de l’impatience parce qu’on a été habitués à être en haut de l’affiche, mais aussi parce qu’on nous a vendu un projet. Mais quel projet ? Indéniablement, il y a eu des erreurs. Bon après, il y a eu des blessés…
On doit à Arnaud Duncker un de nos tweets rigolos. Enfin nous, on trouve ça rigolo. D’ailleurs, il avait été repris dans Réservoir Dogues : si c’est pas un signe…
Quand on est joueur et que, peut-être, on ne comprend pas bien le projet du club, on est dans quel état d’esprit ? C’est peut-être quelque chose que tu as aussi connu toi, à une époque où ce n’était pas très clair non plus.
L’état d’esprit… On essaie d’y croire ! Mais on est à la 10e journée, il va falloir se grouiller un petit peu ! Parce que là, on parle beaucoup d’avenir et assez peu du présent. Bon là, c’était pas mal contre Marseille ! Ça n’a pas été un grand truc encore mais il y a du mieux. Mais on a une moyenne d’âge de 22 ans, et j’aurais aimé qu’on garde un ou deux cadres. Des gens plus expérimentés par rapport à la panique qu’il doit y avoir. Là, qui va relever le niveau ? Quand je vois des joueurs confirmés, les Mavuba, Balmont… Champions de France, vainqueurs de la coupe de France, et on les laisse sur le côté ? « Allez dégage, on n’a plus besoin de toi » ? On a le sentiment que c’est devenu un football-business, du business total. Et ça, tu le vois aussi à la manière dont est configuré le stade : les gens qui prennent les loges, c’est pour faire du réseau. C’est aussi un moyen de faire du business. La dernière fois, il y avait Lille-Monaco : y avait le match en bas, et je le regardais à la télé ! Parce que des mecs arrêtaient pas de me parler. Et pourtant le match était en bas…
Et tu situes cette évolution avant l’arrivée de Gérard Lopez, ou c’est vraiment associé à lui ?
Je l’associe à l’arrivée de Gérard Lopez. Quand c’était Seydoux, on était dans une certaine continuité dans la progression. Quand je jouais au LOSC, on avait l’habitude de jouer la deuxième partie de tableau, on n’était même pas des trouble-fête, et l’identité était celle-là. On avait notre stade, même s’il n’y avait pas grand monde, mais il y avait des valeurs. Maintenant, le football, même un stagiaire est riche ! Je n’ai pas gagné grand chose en comparaison. Le plus que j’aie gagné, c’était en 1998, c’est entre 55 000 et 70 000 francs. C’est déjà pas mal ! Le football évolue, bien sûr. Mais là, sur le terrain, je ne vois pas grand chose. Le rapport entre ce que je vois sur le terrain et la valeur marchande, je ne le vois pas. Je pense que Seydoux a fait ce qu’il fallait : champion de France, dans les 3 premiers pendant quelques années, des sacrés joueurs, une belle équipe… Des entraîneurs, Puel et Garcia, qui ont aussi compris qu’à un moment c’était limité, donc ils sont partis autre part. Et là, je reviens là-dessus, quel est le projet ? Est-ce que c’est de faire venir des jeunes pour les revendre dans 2 ans ?
En même temps, les dernières années avec Seydoux, c’était ça aussi.
Oui mais c’était moins flagrant.
Quand on recrute Sehrou Guirassy plutôt que de faire jouer un jeune du centre de formation… Il est recruté à Laval pour 1 M€, il est prêté une demi-saison à Auxerre et il est revendu 6 M€. Est-ce que c’est pas la même chose ?
Après si t’as une opportunité… Là, c’est clairement du bénéf ! Mais s’agissant de la situation actuelle, l’année dernière t’as 7 joueurs qui ont signé, quelle est la plus-value là ? Qui est au-dessus ?
Mais est-ce que, vu ce qu’est devenu le foot, cette transition du LOSC vers du foot-business, c’est pas une condition de survie ? En gros c’est ça ou être condamné à jouer la 15e place tous les ans ?
Je pense que cette année t’iras pas plus haut, hein (on rit) ! Quand je vois Lopez qui dit « on vise le top 5 », attention ! On ferait mieux de regarder derrière, plutôt 15-20. Encore une fois, on parle d’avenir mais là, il y a urgence. Et difficile pour les joueurs de le dire. Maintenant, si tu ouvres la tronche… Avant tu pouvais l’ouvrir un peu et maintenant c’est tellement médiatisé que le moindre truc prend des proportions énormes. Avant t’étais plus cool, t’étais relax, on était à Grimonprez avec les supporters, du bois de Boulogne jusqu’à la porte du vestiaires quasiment ! Tu me parles de Grimonprez, quand je vois les deux petits terrains qu’on avait, et là maintenant tu vois Luchin, tu vois les caviars que c’est !
Donc tu es critique sur le LOSC actuel, mais tu restes un de ses supporters !
Bien sûr ! Le LOSC est un grand club. Je suis critique aujourd’hui parce qu’il n’y a pas de résultat ! S’il y avait des résultats, je dirais peut-être l’inverse… Peut-être que dans 6 mois-1 ans, ils seront dans les 3 premiers, et je dirai que je me suis trompé ! Et puis je joue toujours avec les anciens Dogues. Si on fait appel à nous, je réponds présent parce que ça reste des potes. Même si je n’ai pas joué avec eux, c’était juste après moi, il y a aussi la génération des Wimbée. On fait une dizaine de matches dans l’année. Je joue aussi parfois avec les anciens de Valenciennes, car c’est mon club formateur. Valenciennes, c’est plus compliqué, car il n’y a pas autant de joueurs qu’à Lille. Mais c’est probablement ma dernière année avec les anciens Dogues. Avec le temps qui passe, je connais de moins en moins de monde ! Et j’ai aussi plus de mal à me retrouver dans le nouveau projet. Je suis très attaché à Michel Castelain – et j’en ai récemment parlé avec lui-, à Patrick Robert, et à notre secrétaire, Sandrine, mais place aux jeunes ! Je vais avoir 47 balais…
« J’ai été viré du centre de formation de Valenciennes… »
On va revenir sur ton parcours plus personnellement ! Tu nous rappelais ta formation à Valenciennes. Tu débutes donc là-bas en équipe de jeunes.
Mon premier club, c’est Pérenchies. Puis je suis parti une année au LOSC, en Cadets 1e année. À l’issue de cette saison-là, j’avais le choix entre intégrer le centre de formation du LOSC, à l’époque dirigé par Charly Samoy, et le centre de formation de Valenciennes. Et comme je suis parti au sport-études Le Quesnoy, près de Valenciennes, j’ai choisi Valenciennes. C’était en 1986. Je n’y habitais pas à l’époque, mais c’est là que vivait toute ma famille aussi. C’était le plus pratique. C’est un parcours assez typique, que je partage avec mon ami Jérôme Foulon. On a fait toute notre formation ensemble, en sport-étude et au centre de formation. Mais lui a commencé à jouer pro un an avant moi.
Et tu gardes quels souvenirs de tes années de formation ?
J’ai eu plusieurs entraîneurs : Léon Desmenez, Roger Fleury, Daniel Leclercq, Alexandre Stassievitch. Et je me rappelle avoir été viré du centre de formation ! Les jeunes années, quand t’as 15 ans-16 ans, ça part un peu dans tous les sens. Daniel Leclercq et Alexandre Stassievitch ne m’aimaient pas trop. Et j’ai une anecdote avec Alexandre Stassievitch : lors du premier entraînement, je lui ai fait une passe à 10 centimètres de son pied, et il me dit « vas-y, tu peux retourner aux vestiaires ! ». Je pensais qu’il plaisantait, mais il m’a vraiment demandé de retourner aux vestiaires. Je venais d’arriver là, j’avais 15 ans, je venais de décrocher un titre de vice-champion de France de cadets nationaux avec Valenciennes. J’étais le seul à être mis sur le côté. Viré ! Et en fin de saison, je joue un match amical avec la régionale de Valenciennes, contre des Belges au stade Nungesser. Je ne fais que la deuxième mi-temps, parce que comme j’étais viré, je ne faisais plus grand chose. Victor Zvunka, entraîneur de l’équipe première, est là. Il vient me voir à la fin du match et me dit : « demain matin, 9h avec les pros ». Bon, d’accord ! Et le lendemain matin, je fais l’entraînement avec les pros, premier ballon, centre d’Olivier Legret, reprise de volée, lunette ! Tout le monde m’a regardé, je me suis dit « oh putain…». Je pensais avoir déconné. Parce que je peux te dire qu’à l’époque, les vieux tu les respectais ! C’étaient les jeunes qui portaient les plots ! Et donc le premier match que j’ai joué, c’était à Abbeville, avec Victor Zvunka. J’avais 16 ans, et Victor Zvunka m’a lancé alors que j’étais viré du centre de formation. Et c’est parti, ensuite l’évolution de la carrière que j’ai faite avec Valenciennes.
Et donc tu passes pro en 1991, c’est ça ?
Oui, en 1991. Je fais 3 ans en pro avec Valenciennes. En 1991, l’USVA est en D2. Et on monte en première division à l’issue de la saison 1991-1992, avec Francis Smerecki.
Une montée, suivie d’une descente immédiate en 1993.
L’année de… Valenciennes/Marseille.
« Jacques Glassmann n’a pas voulu trahir le club »
Tu étais sur le terrain ce jour-là. Tu as quel souvenir de ce match ?
Ben… Un souvenir bizarroïde. La veille, on faisait la mise au vert dans un hôtel sur Vieux-Condé. Et on savait déjà, ça commençait à parler. On entendait des bruits, mais c’est surtout le lendemain que ça s’est confirmé. On faisait réunions sur réunions, entre joueurs, avec les dirigeants… On disait que des gens auraient été payés pour laisser passer le match.
Et vous décidez de jouer.
Oui, on décide de jouer, mais l’ambiance était vachement tendue. Super tendue. À la mi-temps, il y a la réclamation posée par Jacques Glassmann. Après, sur le terrain, c’était pas flagrant ! Oui, tu peux toujours dire, au bout de 10 minutes de jeu, Christophe Robert se blesse. Bon. On ne peut pas deviner que sa blessure est imaginaire. Et je n’ai pas vu Burruchaga ne pas aller de l’avant. On a été entendu par la justice, lors de l’audition, j’étais juste à côté de Christophe Robert, avec son plâtre ! C’étaient des joueurs avec qui je m’entendais bien. Mais pourquoi tout ça ? À l’époque, 25 briques… c’était 25 briques. Aujourd’hui, c’est que dalle, même en euros ! Et après, c’est tout con, mais tu te demandes ce que ça aurait pu donner, rien qu’un match nul ! Un match nul, on se sauvait, et c’est Lille qui descendait !
Comment tu expliques que Jacques Glassmann ait été à ce point vilipendé ? Comment se fait-il que, sur le coup, il ait été considéré comme un traître ?
Quand j’étais footballeur, je ne veux pas te dire que j’allais au bureau. Au contraire, c’est le plus beau métier du monde ! Tu te lèves le matin, tu penses ballon, tu vas jouer au ballon… C’est un métier, j’ai été payé pour ça. Il y a quoi de plus beau ? Mais si j’ai très peu d’amis dans le foot, Jacques est un de mes meilleurs amis. Je l’ai très souvent au téléphone. C’est lui qui s’est occupé de ma reconversion, car il s’occupe des joueurs de l’UNFP en reconversion. Jacques est resté fidèle à ses principes. Il ne voulait pas tromper, et il a dit non. Non, on ne fait pas ça. Jacques, en plus, était là depuis longtemps, il faisait partie des cadres, il a fait des montées. Ce club nous a apporté, et il n’a pas voulu trahir le club. Le club ne lui a pas rendu. Je trouve qu’il aurait dû lui rendre. Avec les galères qu’il a vécues après… Ça a été la descente aux enfers pour lui. Tout le monde l’a laissé tomber. Je l’ai toujours soutenu. Il a révolutionné le foot parce que… C’est quand même lui qui a dénoncé les malversations qui existaient depuis longtemps dans le foot. Les dessous de table, en fin de saison, ça se faisait. Ça a un peu épuré tout ce football.
L’équipe de Valenciennes 1992-1993. Arnaud est au centre, au 3e rang. Dans la rangée du milieu, on reconnaît Jacques Glassmann et son inimitable coiffure. Et Jérôme Foulon, au premier rang.
Et au niveau des autres joueurs, quelles étaient les réactions vis-à-vis de Jacques Glassmann ?
Je pense que des joueurs lui ont dit qu’il était con de faire ça. Il y en a qui auraient dit oui. Déjà parce que c’était l’OM. À Valenciennes, je connaissais des gens qui supportaient Marseille, parce que Marseille à l’époque, c’était Waddle, Mozer, Barthez… C’était une belle équipe, et tout le monde la supportait. Moi-même, quand ils ont gagné la coupe d’Europe une semaine après, j’étais content ! Jacques a refusé. Nous, les anciens, c’est-à-dire Jérôme Foulon, Stéphane Grosselin, Dominique Corroyer et moi, on a toujours été dans cette optique là. Valenciennes, c’est mon club formateur, tu vois ? C’est ce que je dis tout le temps : Valenciennes, c’est mon club formateur, Lille mon club de cœur. Jacques n’a pas été soutenu : au niveau des instances nationales, au niveau de la présidence du club, Michel Coencas n’a rien dit. Le groupe Valois [principal sponsor de l’USVA] n’a pas réagi. Jean-Louis Borloo était juste derrière, on peut dire qu’il est le bonhomme du valenciennois, mais à l’époque il était l’avocat de Tapie, alors qu’est-ce que tu veux qu’on fasse ? Ensuite, on ne parlait même plus de football, quand tu vois l’argent planqué dans le jardin, les aventures de Mellick… Tu vas au-delà du foot quoi. Tu voyais bien que c’était aussi pour atteindre une personne, Bernard Tapie.
« On se faisait siffler partout parce qu’on faisait partie de l’équipe de Valenciennes 1993 »
À ton niveau, quelles conséquences ce match a eu sur ton parcours ?
Ben déjà, on descend en D2. Sportivement, l’année d’après a été catastrophique. On a eu un mélange de galères sportives et des conséquences de l’affaire. Beaucoup de joueurs sont partis, d’autres sont arrivés. Mais il n’y avait pas d’entente, pas de vestiaire. Même les supporters, je pense, ne s’y retrouvaient plus. C’était vraiment chaotique. Quand on se déplaçait, c’était l’enfer. L’enfer total. Tu ne pouvais pas te déplacer sans les flics, sans ceci, sans cela… Quand on est allés à Nice, on nous a balancé des pièces depuis les tribunes… Même à Dunkerque on se faisait insulter et cracher dessus. T’imagines ? Plus personnellement, j’ai dû changer de numéro de téléphone. Je recevais des appels anonymes. J’ai reçu des courriers avec des cercueils chez moi. Tu paniques, hein. Bon, je n’étais pas encore marié, mais j’avais ma future femme… Ça prenait des proportions énormes.
Tu quittes le club en 1994.
Déjà en 1993, après la descente en D2, je devais partir. J’étais sollicité, déjà par Lille, et aussi d’autres clubs. Mais on n’a pas voulu me laisser partir. J’ai accepté de rester une année, avec en échange la garantie que j’aurais un bon de sortie à la fin de la saison. Et on est descendus en National… Je ne voulais plus rester. Le club dégringolait dans tous les sens. Et les dirigeants disent qu’ils veulent me garder encore, malgré ce qu’on s’est dit l’année d’avant ! Alors j’ai fait du Thauvin : je ne suis plus allé à l’entraînement. Mais bon, je n’étais pas dans les journaux ! Je ne suis pas allé à l’entraînement pendant 15 jours. En plus, Lille me voulait vraiment. Donc les négociations ont commencé entre mon agent, Marc Roger, et le directeur sportif de l’USVA, qui était Jean-Pierre Tempet à l’époque.
Donc tu signes à Lille durant l’été 1994, en même temps que Jérôme Foulon. On imagine que tu es heureux de sortir de la galère valenciennoise.
Oui, mais même quand je suis arrivé à Lille, on me parlait encore de Valenciennes. On se faisait siffler quand on jouait dans le Sud. On se faisait toujours siffler parce qu’on faisait partie de l’équipe de Valenciennes d’avant !
« Si tu es moyen mais que tu te défonces… les supporters sont contents »
Tu as eu un accueil difficile pour ça, par des joueurs lillois ?
Non ! Nous, on n’était pas dedans de toute façon. Au contraire, l’accueil à Lille, exceptionnel ! J’ai toujours été bien aimé là-bas. Quand on est au taquet, qu’on mouille le maillot… D’ailleurs c’est ce que je regrette et que je ne retrouve plus au club : dernièrement je voyais un Balmont, putain ! Un mec comme ça, c’est exceptionnel ! Il se défonce ! Après, ça reste un joueur moyen, mais il se défonce ! Il y a deux ans, c’était encore un des meilleurs sur le terrain. Et quand tu te défonces, les supporters sont contents. Moi à Lille, c’est ce qui s’est toujours passé. J’ai eu des hauts et des bas, mais voilà, le samedi, j’étais à 3000%. C’était clair. Fallait arracher la prime !
En arrivant à Lille, tu as retrouvé des joueurs avec qui tu avais joué en équipes de jeunes ?
Non, mais je me rappelle avoir joué contre Fabien Leclercq, Frédéric Dindeleux, Cédric Carrez, Antoine Sibierski… C’est un moment où le LOSC refaisait confiance à sa formation et n’avait pas trop le choix. Mais c’est pas mal ! Quand je regarde les uns et des autres, il y a eu de belles carrières !
Et aujourd’hui avec ces joueurs-là, tu n’as plus de contact ?
Si ! Fred, je le revois de temps en temps. Cédric aussi quand il revient, parce qu’il est sur Gap, il est même entraîneur. Fabien, je le vois de temps en temps. Celui que je vois le plus en fait, c’est Jérôme Foulon.
Ton poste a évolué à Lille : la première année, il me semble que t’as plutôt joué milieu défensif. Parce que c’était justement Jérôme Foulon arrière droit. Et après, on t’a fixé arrière-droit, c’est bien ça ?
Jean Fernandez me faisait en effet jouer milieu de terrain, aux côtés de Roger Hitoto. Roger, c’était un mec sur qui tu pouvais compter. C’était un battant, un mec de devoir ! Il ratissait beaucoup de ballons, et était apprécié dans le vestiaire aussi ! C’est dommage, je n’ai plus de contact avec lui.
2 août 1994 : premier match d’Arnaud Duncker à Grimonprez-Jooris sous les couleurs du LOSC, contre Strasbourg. Lille s’impose 1-0 grâce un but de… Roger Hitoto. Pour info, dans le même temps, Lens s’incline à Paris.
« Initialement, Cavalli ne comptait pas sur moi »
Cette saison-là, 1994-1995, c’est particulier, c’est-à-dire qu’il y a deux saisons en une : à Grimonprez-Jooris, c’était super : on était la quatrième équipe à domicile ! Il y a eu 12 victoires à la maison, dont 10 sur le score de 1-0. Et à l’extérieur ça marchait pas : seulement 1 victoire et 8 points pris. Tu as une explication à ça ?
C’est vrai que cette année-là, on ne lâchait pas beaucoup de points à domicile. Je pense que cette année-là, on bat Monaco [Oui, 1-0, but d’Arnaud Duncker d’une belle tête plongeante !] et le PSG à domicile. Et à l’extérieur, on jouait différemment. Et ça ne marchait pas. On jouait un système, on va dire, défensif mais explosif. On avait Éric Assadourian qui allait à 3000 à l’heure devant, donc si on avait le ballon, on pouvait compter sur lui, c’était tranchant. Après, à mon époque, on n’a jamais eu de grands attaquants ! Cette saison-là, on a Clément Garcia, et Frank Farina mais sur le déclin. Donc on comptait plus sur une force collective au milieu de terrain avec Assadourian qui partait. Tandis qu’à l’extérieur, on faisait du défensif ! On n’avait pas réellement de point de chute d’attaque. À part Assad, mais il était tout seul, c’était galère !
C’est dommage, celui qui avait été recruté pour apporter du poids devant et qui avait fait une bonne préparation, c’était Christian Perez, mais qui s’est blessé lors du premier match à Lens… Il a finalement très peu joué.
Il a très peu joué alors que c’était quelqu’un qui nous aurait amené quand même un peu plus d’expérience. C’est dommage, parce que qu’on avait beaucoup à apprendre de lui. Je me souviens, deux ans auparavant, il jouait encore en équipe de France ! Il s’est blessé et n’a jamais su revenir. Manque de confiance après avec le coach, parce qu’il était particulier Fernandez ! Si t’étais pas costaud, c’était pas la peine. Fernandez l’a jeté. Je ne pense pas que Christian Pérez ait de bons souvenirs de Lille.
Ensuite, ta deuxième saison à Lille, 1995-1996, démarre d’une façon assez catastrophique. Là c’est une photo collective, c’est le Challenge Emile-Olivier au Stadium. On ne gagne pas avant la 10ème journée, je ne sais pas si tu te rappelles.
Exact, c’est la saison où Jean Fernandez se fait virer. Et Jean-Michel Cavalli le remplace. Cavalli me convoque dans son bureau et me dit « pour moi t’es pas titulaire. Si tu veux partir, tu pars ». Sauf que Jérôme Foulon était parti à l’intersaison. Puis Fabien Leclercq se blesse : donc on n’a plus d’arrière droit. Et finalement, Cavalli me met arrière droit, et j’ai joué toute la saison sur le côté, et même jusqu’à mon départ de Lille. Donc je n’avais pas de grosses affinités avec Cavalli, et après voilà, ça se passe sur le terrain. Je faisais le travail.
Tu avais déjà joué latéral ?
Oui, enfin tu sais, moi je suis multipostes. Sauf dans les buts ! J’ai joué à gauche, à droite, stoppeur…
« Nos qualités ? C’était se battre, chaque saison »
Sur un plan collectif, l’analyse qu’on avait faite, c’est que l’intersaison avait été mal conduit : on avait recruté beaucoup d’anciens qui étaient finalement sur le déclin… On n’a rien contre eux personnellement, mais on ne peut pas dire que Germain, Rabat ou Simba aient laissé un grand souvenir à Lille. Quant à Frank Pingel, le Danois, la légende…
…qui s’est battu une fois avec Rabat ! Un truc de fou. On est en boîte. A l’époque, on pouvait sortir, sauf les veilles de match. On se fait un repas. Puis on va en boîte, du côté de Moulins. Et ils se mettent sur la gueule. Truc de fou ! Ils se sont foutus sur la gueule. Ils ne s’entendaient pas. Thierry Rabat, on peut dire ce qu’on veut de lui, mais c’était un professionnel. Sur le terrain, c’était un professionnel. J’aimais bien. On ne parle pas de technique là, car ces années-là, mis à part Sibierski qui avait du talent à l’époque, dis-moi qui est technique dans cette équipe ? Dindeleux était élégant. Mais techniquement, par rapport à ce qu’on voit maintenant… Hormis Sibierski qui avait les qualités requises, on savait qu’on n’allait pas jouer les cinq premières places, on savait qu’on devait se battre. C’était ça nos qualités.
Cette altercation Pingel-Rabat, est-ce que c’est significatif d’une mauvaise ambiance à l’époque ? Ce qui pourrait aussi expliquer le mauvais début de saison…
Oui, clairement. Là, je vois Meszoly sur la photo, un super mec. Et à côté, une espèce de coalition des deux Danois… Aujourd’hui c’est une époque qui est fort médiatisée, donc tu ne peux plus rien faire, même dans le couloir ! Moi je me souviens d’avoir mis une claque à Giuly ! Avec Fabien Leclercq, on lui a dit pendant le match : « tu vas voir, on va te choper là-bas ! ». En fait, quand on sortait du terrain à Grimonprez-Jooris, il y avait 3 marches à descendre, et après il n’y avait pas de caméra. C’est quand on a joué contre Lyon en Coupe de France [février 1997]. Jean-Claude [Nadon], toujours aussi froid…
Il est à Lens maintenant !
Il paniquait tout le temps ! C’était le plus ancien, il avait toujours peur ! Je ne sais pas si c’est une question de peur ou de concentration… On avait l’impression qu’on ne pouvait pas lui parler.
Tu parles pour toute sa carrière ou juste cette année-là ? Parce que cette année-là, il a pas fait un bon début de saison…
Non, non, toute sa carrière ! Laisse tomber, Jean-Claude au début était d’ une froideur ! Froid à mort ! Quand je suis arrivé de Valenciennes, il était froid ! Et puis après, on est devenus potes. Moi je rigolais dans le vestiaire, il faut rigoler ! Simba, c’est dommage… Je lui ai dit « tu fais une bicyclette au club, tu verras, tu vas être le roi du club ! Fais ça en match ! Tente, tu verras, t’auras tout le public qui sera avec toi ! ». C’était Monsieur Bicyclette quand même. Il l’a jamais fait ce con !
Après, Simba, en fin de saison, il a mis les deux buts qu’il fallait. Enfin il a mis quatre buts dans la saison, dont deux décisifs. Mais bon… C’est quand même une période où on des bons souvenirs parce qu’on était gosses, on partait pas forcément gagnants, mais quand il y avait quelque chose qui se passait sur le terrain, même une égalisation de raccroc contre Martigues à la 88e, on était contents.
Moi j’allais vers les DVE. Pour les matches à l’extérieur, on avait des places, je leur filais. Il y a un lien qui s’est créé avec les supporters. J’allais sur le parking discuter avec les gens et tout. Maintenant, t’as l’impression que tu ne peux plus les approcher. Même les gars du centre de formation. Il n’y a plus ce respect qu’on avait avant. Avant, tu bronchais pas avant avec les anciens. Tu vois, je parlais de Nadon, je le respectais. Fallait pas lui dire « t’es un enculé ! ». Tu disais ça, laisse tomber, là tu te mettais tout le monde à dos !
Février 1997, coupe de France, Lille-Lyon, avec Djezon Boutoille, le buteur du soir (voir le résumé de la rencontre plus bas). Et donc juste avant de mettre un taquet à Giuly.
En tout cas, cette saison 95-96, le maintien est acquis de justesse en fin de saison, notamment grâce à un but improbable de Collot à Paris, je sais pas si tu te rappelles ? Le centre raté…
Merci Bernard ! Un ancien Lillois… Cette année-là, le maintien est miraculeux.
« En 1996-1997, on s’est laissé griser par
le bon début de saison »
Et la saison suivante nous intrigue beaucoup, encore aujourd’hui, parce qu’il y a un départ canon, complètement inattendu : au tiers du championnat, Lille est 4ème après la victoire contre Lens, avec un doublé de Collot. Après 15 journées. Et puis une deuxième partie catastrophique, et la descente à l’arrivée.
Oui, un début de saison superbe [On regarde la photo, Lille-Metz, août 1996]. Je jouais milieu de terrain ce jour-là, je me souviens [d’ailleurs, Arnaud fait la passe décisive pour Miladin Becanovic, et Lille s’impose 1-0]. Lui, Banjac, pouah… Exceptionnel ! Quand il voulait ! Il me disait « Moi aujourd’hui Arnaud, grand match ! » Je lui dis : « putain, tous les jours tu dois faire un grand match ! ». On était bien copains. C’est dommage, on a fait un super départ canon. Et on s’est effondré. Alors qu’est-ce qui s’est passé ? On s’est peut-être crus arrivés à un certain moment. Cavalli aussi s’est cru trop vite arrivé. On est 4èmes, on entend parler de Coupe d’Europe, et on s’est peut-être laissé griser. On s’est laissé griser.
Coupe de France 1997, derniers coup d’éclat d’une triste fin de saison : en l’espace de 4 jours, le LOSC élimine Marseille puis Lyon. Arnaud est très offensif, manquant de marquer à deux reprises, mais il sait aussi revenir quand il faut sauver un ballon sur la ligne.
L’équipe ne manquait pourtant pas de qualités, parce qu’en fin de saison, il y a ces deux matchs de Coupe : contre Marseille à Valence et contre Lyon où à nouveau on retrouve l’équipe de début de saison. Mais seulement en coupe ! Par contre en championnat, c’est la cata, avec pour point d’orgue la défaite contre Montpellier 0-4 à domicile.
Catastrophe… Qu’est-ce qui s’est passé ? Bah voilà, je te le dis, on s’est cru trop vite arrivés… On parlait déjà de transferts… Moi déjà cette année-là, Lens qui me voulait parce que Foé partait à Lyon. Vas-y, je vais pas aller à Lens, je ne vais pas rejoindre Daniel Leclercq ! Les boules, ils sont champions de France ! Mais bon, non, je ne serais pas allé à Lens. On s’est cru trop arrivés parce qu’on a fait six mois, on va dire jusque décembre, fantastiques. Et après on s’est cru arrivés. C’est là où on a eu un manque d’expérience. On était trop jeunes, beaucoup trop jeunes. Il y a eu tous ces trucs… Ce garçon-là [montrant du doigt Garcion]…
Oui, David Garcion, il a été suspendu pour dopage.
Il sautait plus haut que moi à la tête ! Je me demandais quoi, c’était exceptionnel ! Ce garçon était exceptionnel. Cette année-là, il était au bataillon de Joinville, avec Franck Renou. Il était au service militaire cette année-là ! On ne le voyait que le vendredi et le samedi ! En fait, il ne s’entraînait jamais.
Du coup, tu es en train de nous dire quoi ? Ça n’a jamais été très clair. Lui a toujours dit « je n’ai rien pris ».
Je dis que ses débuts étaient exceptionnels. Je ne comprenais pas qu’on ne le garde pas, parce que putain… C’est quoi ce mec-là… Je te dis, on s’est cru trop vite arrivés.
Quand on regarde, on se dit qu’il y avait quand même une belle équipe.
Et là, il y avait une putain d’ambiance, c’est ça qui est fou ! On s’entendait tous bien… Il y avait le petit groupe des Sudistes, avec Cavalli, Rabat, Collot… Et Jean-Marie Aubry faisait le lien entre tout le monde, entre jeunes et anciens. Tiens, j’aimais bien chambrer Pascal Cygan ! Heureusement que Vahid l’a recadré stoppeur, il ne savait pas faire un centre ! Je lui disais : « je sais pas, achète deux pieds ! ». On en rigole encore quand je joue avec les anciens. Malheureusement, on a très mal fini. Autant Patrick Collot est un gars du Sud qui s’est acclimaté ici, autant Thierry Rabat ne s’est pas acclimaté. Il a été pris en grippe à la fin. C’était tendu. Je me souviens du dernier match, tout le monde le sifflait, il me dit « Je peux plus jouer Arnaud »… Je dis « vas-y, on a besoin de toi ! ». « Non, non, je peux plus jouer ». Comme quoi… Un mec avec de l’expérience quand même, qui a joué au haut niveau… Moi ça m’est arrivé de me faire siffler, l’année où on est en première division à Valenciennes, je me suis fait siffler pendant six mois, par mon public, alors que l’année d’avant, on fait une saison fantastique, on se fait applaudir dans tous les sens.
Pour quelle raison tu as été sifflé à Valenciennes ?
La raison c’est qu’une interview du Bosniaque, qui est l’adjoint de Wenger actuellement…
Boro Primorac
…Dans une interview dans la Voix du Nord, il est allé dire que j’étais son fils ! Voilà. C’est tout con. Dans un moment où on n’avait pas de résultats, où j’étais en concurrence avec Dominique Corroyer qui revenait. Quand tu te fais siffler toutes les semaines chez toi, t’as les boules. Tu le vis mal.
De manière générale, tu étais très apprécié par le public à Lille. A Valenciennes, il y a eu des périodes aussi intenses ?
Au début, jusqu’à la montée, j’étais très apprécié parce que j’étais un mec du club. Et quand je suis parti à Lille, j’avais l’impression que je ne l’étais plus. D’ailleurs on avait fait un match amical pour mon transfert, et là les gens m’ont pris en grippe parce que j’étais parti à 50 bornes de là, alors que je restais encore dans la région de Valenciennes ! Je faisais la route tous les jours pour aller sur Lille.
Il y a pas eu aussi un amical en août 95, Lille-Valenciennes, où t’es expulsé ? Une bagarre avec Carl Tourenne, qui jouait à Valenciennes… ?
Oui ! Ce jour-là je l’ai shooté. J’étais connu dans ces choses-là, c’était ma mentalité. J’ai pu me battre avec Cyril Rool à Bastia alors qu’après il venait après dans mon magasin quand il jouait à Lens. Sur le terrain, il savait que j’étais là. J’étais pas un sans-couille. Excusez-moi d’être couillu, mais je préfère dire les choses.
« La saison avec Thierry Froger, un gâchis »
Et ta dernière saison à Lille, en 1997-1998, se fait donc en D2.
Ça ne s’est pas bien passé. En 1997, je devais partir de Lille et signer à Bordeaux avec Courbis. J’ai eu des contacts en février-mars. Je l’ai eu au téléphone avec mon agent. J’étais en fin de contrat. Et moi, comme un con, parce qu’à l’époque tu signais pas des gros contrats, je dis « bah on va attendre le mois de juillet, la fin. On verra bien. » Alors qu’en mars je pouvais déjà signer ! Manque de bol pour ma tronche, Courbis se barre à Marseille ! J’étais dans les petits papiers de Courbis, mais à Bordeaux ! Pas à Marseille, parce que c’était au-dessus et ils avaient déjà ce qu’il fallait. Ça a été une erreur de ma part. Et j’ai re-signé à Lille, ça s’est fait sur un parking à Petite-Forêt avec Charly Samoy. D’ailleurs en 97-98, je n’ai pas fait une grosse saison. J’avais pris du poids, on le voit à ma gueule. J’étais pas en forme. Je ne sais pas ce que j’avais foutu, je crois que j’avais fait trop de guinzes. J’avais pris 3-4kg.
Et sur le plan collectif ? Parce que l’objectif de montée n’est pas atteint.
L’effectif était pas mal quand tu regardes un petit peu ! Mais cette année-là, on doit être dans les trois premiers ! On l’est quasiment toute la saison, et puis tu te plantes à la fin parce que l’autre [Thierry Froger] prend des décisions de merde. On ne comprenait pas.
C’est quoi les décisions de merde ?
On a joué à Toulon, qui était dernier, dans un système de jeu qu’on n’avait pas travaillé. Donc on perd. Au retour, contre Toulon à Grimonprez, Toulon est toujours dernier, et encore un système de jeu qu’on comprenait pas. Donc on perd encore. Ce jour-là, j’étais fou. Alors qu’on était bien durant la saison, on était super bien ! On devait remonter ! Tu ne dois pas attendre Vahid pour remonter, tu dois remonter cette saison-là ! C’est honteux ce qu’il nous a fait !
Le LOSC a 6 points d’avance sur le 4e à 6 journées de la fin.
Si tu regardes, je pense qu’il nous avait écartés durant deux ou trois matchs, avec Anthony Garcia, Franck Renou, Jean-Marie Aubry… On avait perdu en coupe à Boulogne. Du coup, je suis parti une semaine voir mon pote David Régis, qui jouait à Karlsruhe. J’avais loupé une semaine, de la merde, j’en avais marre ! Aubry a eu une altercation avec lui, il a cassé la porte ! Aubry remplaçant, BOUM ! Il lui pète la porte. Ca a été loin, hein ! Il nous écarte, et l’équipe perd : il nous rappelle. Je m’en souviendrai toujours : on est dans les 3 premiers toute la saison. On doit monter. Ça a été un gâchis. Un gâchis !
« Bernard Lecomte, un homme exceptionnel »
Ce qui est vraiment étonnant, c’est que Lille ne perd que 4 fois sur les 29 premiers matches… Puis 7 fois sur les 13 derniers !
Je lui ai dit ce que je pensais : « attends, ce truc-là, on n’aurait pas pu le faire avant ? » Il faisait chier ! En plus, il n’arrêtait pas de me faire chier avec mon poids. Je passais à la balance matin, midi et soir, j’en avais marre ! Et mes problèmes de genou commençaient. J’aurais dû me faire opérer, mais j’ai été mal soigné. Donc on a souvent été dans les trois premiers, mais ça n’a pas été une bonne année. Même au niveau de l’ambiance. J’ai préféré la saison d’avant où on a galéré, où on descendus, mais franchement on s’entendait mieux.
Et au-delà de ses options tactiques, comment Thierry Froger gérait le groupe ?
Je pense que c’est sur le terrain que tu gagnes ta place, pas en allant dans le bureau de l’entraîneur.
Il y a eu une constante à Lille durant ton passage, c’est la présidence du club. Que peux-tu nous dire sur Bernard Lecomte ?
Un homme exceptionnel. C’est le sauveur du club. C’est lui qui a remis le club dans le droit chemin, économiquement. J’espère qu’on le considère. Je ne le vois pas trop. Un bonhomme, et pas que dans le football. Je sais qu’à mon mariage, il a offert des fleurs à ma femme, ça prenait tout le bar ! C’est quelqu’un proche des joueurs. Il a essayé de faire fonctionner tout à la fois : les supporters, la vie du club, la vie de l’équipe, les jeunes…Il fait partie de ces gens qui se sont impliqués pour faire revenir le LOSC. S’il y a eu cette évolution avec Vahid, c’est grâce à lui ! Sinon le club serait pas là où il est ! Pourquoi après il y a des investisseurs ? Cette période a fait que vraiment le club a décollé, parce que le fonctionnement interne du club était sain, du bas jusqu’en haut. Parce que je considère que le club, c’est tout le monde : le gens qui travaillent dans l’administration font partie du club. Bien sûr, une vie de groupe, ce n’’est pas pareil, le sportif et l’administratif. Mais ce sont des salariés du même club. Quand on allait en haut au petit restaurant de Grimonprez, tout le monde était là, à Noël, en début de saison, en fin de saison.
« Je dois signer en Angleterre… et mon genou lâche »
Tu es en fin de contrat en 1998 à Lille, et là on perd un peu ta trace. Tu pars en Angleterre en fait ? Comment ça s’est passé l’intersaison ?
Pas mal de clubs de D2 française me sollicitaient, mais je ne voulais pas y aller. Par exemple, Hervé Gautier est à Laval et me demande de venir. J’avais changé d’agent, j’étais avec Bruno Satin. Il m’envoie à Ipswich, Ligue 2. Ça se passe bien, je fais une super semaine, j’ai un bel article pour mon dernier match. Il y avait une telle différence par rapport à chez nous : les stades étaient pleins pour des matches amicaux, 20 000, 25 000 personnes ! Je passe deux semaines là-bas. Et comme c’est même retransmis à la télé, mon agent me dit que Bolton veut aussi me faire passer un essai. Per Frandsen y jouait. Il était adulé ! Il jouait dans un rôle que je ne lui connaissais pas, car quand je jouais contre lui avec Valenciennes et qu’il était à Lille, il jouait n°10. C’est moi qui l’avais sur le dos ! Là, il avait le n°6. Heureusement qu’il était là, je ne parlais pas trop anglais. Je reste une semaine, mais je ne sens pas les mêmes affinités. Le groupe était un peu bizarre, le club venait de monter, il y avait beaucoup de joueurs, énormément de joueurs. Lors de mon premier entraînement, je vois un tchiot qui me pique mes pompes ! « Woh ! Rends mes pompes ! ». Et Per me dit « t’inquiète, il va te les cirer et te les ramener ». En fait, les jeunes là-bas s’occupent des chaussures. Je pensais qu’il me les chourrait ! Même les fringues, c’était les tchiots qui te les prenaient et t’avais tout… Professionnel quoi, ça commençait déjà à l’époque. Attends, au Reebok Stadium, t’avais une maternité à l’intérieur !
On fait un match contre le Celtic. Je joue. Et je me pète. Une semaine avant, ils voulaient me faire signer. Mon agent est là, ma femme est là. Et je me pète.
Le genou qui te faisait mal depuis un moment ?
Oui. Je me le pète. Retour en France. Ils m’ont laissé six mois, puis me demandent où j’en suis. Mais impossible de jouer : j’avais tibia, fémur, genou, plateau tibial… J’ai fait quatre opérations en deux ans. Au bout de six mois, je suis repassé sur le billard. J’avais 14 broches, une cicatrice comme ça de là à là, et voilà. Finalement, un an et demi de galère. Là, j’ai encore des contacts avec Bolton, mais au bout d’un moment, un an et demi comme ça, tu n’es plus le même, ne serait-ce que mentalement.
Et là, est-ce que tu te demandes si tu vas arrêter ta carrière ?
Je voulais continuer. Je n’avais même pas 30 ans. Mais mentalement, je n’y étais plus. Je me suis arraché pour revenir. Arraché, arraché, arraché… Je m’entraîne. J’ai sollicité Valenciennes, à l’époque ils étaient en National. Je demande à Ludo Batelli si je peux m’entraîner avec eux les six derniers mois. Et voilà, ça revient. Je fais six mois avec lui, superbes ! Je ne faisais pas partie du groupe, j’étais à côté. Et Ludo Batelli qui me dit qu’il aimerait me prendre pour la saison suivante. Et en fin de compte, Ludo se fait virer, alors qu’il a failli monter en D2 : l’accession est manquée d’un point pour une connerie, un match nul je sais pas trop où… Mais je signe quand même à Valenciennes, avec pour entraîneur Didier Ollé-Nicolle. Il y a un gros recrutement, avec pas mal de gens du coin, Emmanuel Clément-Demange.
La saison se passe. J’avais un contrat fédéral, qui est comme un contrat pro. Je jouais quasiment libéro là. On est pas mal à la trêve, mais on n’est pas dans les objectifs, être dans les trois premiers de National pour monter, vu l’équipe, vu l’argent investi. Et là, descente aux enfers aussi, parce qu’on a un entraîneur qui est con. J’étais capitaine en plus cette année-là. Je dis « écoute, reprends ton brassard si tu veux pas m’écouter », parce qu’à la trêve on est sixièmes je crois, on revenait bien parce qu’on avait fait un mauvais départ. Et après il repart en couille. J’avais deux ans de contrat, mais d’un commun accord, j’ai arrêté au bout d’un an.
« Une carrière de footballeur passe très vite »
Donc là on est en 2001 ?
Oui. Là j’arrête, à 31 ans. Mentalement je n’étais plus dedans. Revivre une saison comme ça… Autant j’ai supporté tout le monde, des crises de nerfs dans tous les sens, des bagarres, des joueurs qui n’avaient pas le niveau et qui jouaient, mais là stop.
Que deviens-tu alors à ce moment-là ?
Donc fin de carrière, chômage, et je suis parti jouer en Belgique, à Ath, durant une saison, en 2002-2003. Je suis ensuite allé à Tournai en 2003-2004, puis j’ai été transféré à Lessines… Vraiment un parcours en deux ans de temps : Ath, Tournai, Lessines, et de nouveau Ath parce que les clubs avaient fusionné.
Et ça c’est de la D2 ? D3 ?
3ème division. Ça se passait bien ! Les deux clubs avaient fusionné. Maintenant Tournai joue au stade Luc Varenne. Je jouais là, ils avaient ramené beaucoup de Flamands, mais ils ne s’entendaient pas avec les Wallons. D’ailleurs ils sont descendus. Moi j’étais parti à la trêve. Je suis redescendu, parce que t’as la D1, D2, la 3ème, et puis t’as la…
Provinciale.
Oui ! Et j’ai joué en Provinciale. C’était costaud, j’étais surpris ! J’ai joué n°10, j’apportais l’expérience. Ça m’allait très bien. J’y suis resté 4 ans. Et parallèlement, en 2003, j’ai lancé un magasin de chaussures de sport avec ma femme dans le Vieux-Lille.
Quand tu montes ton magasin, cette reconversion, c’est quelque chose auquel tu avais pensé quand tu étais joueur ? Ça s’anticipe comment ?
Non, ce n’était pas anticipé du tout. Quand j’ai arrêté le foot professionnel en 2001, ma fille est née. Donc je me suis occupée d’elle pendant un peu plus d’un an. Durant cette transition, j’ai passé des diplômes d’entraîneur. Et après fallait trouver quelque chose ! Pendant un an, j’ai fait des démarches. Et j’ai bénéficié de l’aide de Jacques Glassmann, pour avoir un peu de contacts. J’étais en cours de BE et j’ai arrêté parce que j’ai monté mon magasin. J’ai eu un autre projet. J’ai connu un mec sur Paris ça s’est bien goupillé. Et donc on s’est lancés avec ma femme en 2003, jusque 2011. Ça marchait bien, mais on s’est séparés, et le magasin a commencé à couler. On a essayé de le faire revenir, mais quand tu laisses un peu couler, après tu sais pas revenir.
Tu parles de la reconversion en disant que ce n’était pas quelque chose de prévu. Est-ce que durant ta carrière de joueur, on t’a sollicité, on t’a dit de penser à ta reconversion à un moment ? Aujourd’hui c’est le cas…
Oui, l’année où on est montés [1992]. Mon coéquipier Eugène Ekéké, qui a fait la coupe du monde 1990 avec le Cameroun, m’a mis en garde. Quand j’y repense… Ses paroles me restent. J’ai même l’image en tête, dans le vestiaire à Nungesser. Je faisais partie des joueurs qui restaient tard au club après l’entraînement. À l’époque, tu n’avais qu’un entraînement par jour. Je lisais le journal, je discutais avec tout le monde… Il me dit : « fais attention Arnaud, ça va très vite une carrière. Fais attention à tout ce que tu fais ». Et quand je regarde en arrière, c’est passé super vite. Quand vous me montrez ces vieilles images, j’ai des souvenirs, mais je n’en ai plus trop. Ça passe ! Quand j’ai monté mon magasin, je ne me suis que ce serait mon dernier métier. J’étais sûr que…voilà ! Voilà, la preuve ! Alors je ne dévoile pas ma vie, mais ma vie professionnelle actuellement c’est pas terrible. C’est compliqué.
Et donc après, quand il n’y a plus eu ce magasin, tu as fait quoi ?
Chômage… J’ai vécu un peu sur mes acquis. J’ai travaillé pour la mairie de Valenciennes il y a deux ans. J’ai eu une idée, je me suis présenté et j’y ai bossé sept mois, c’était la durée de ma mission, sur les commerces vacants. J’ai répertorié tous les commerces vides, et j’ai contacté tous les propriétaires. C’est une loi : au bout de deux ans, trois ans, si ton commerce est vide, la mairie peut taxer le propriétaire. Même ici sur Lille, ça commence à se faire. J’ai été pris pour ça, et ils ont récupéré quoi, 130 000 € ? Il y avait plus de 180 commerces fermés dans la région valenciennoise, mais je me suis concentré sur les 40 plus gros. C’était une bonne expérience, d’autant que j’étais souvent à l’extérieur, pendant 70-80% du temps. Et mon bureau me servait à saisir par écrit ce que j’avais répertorié, avec rapports et dossiers.
Tu m’as donné une carte il y a six mois, c’est « Arno Diffusion ».
Oui, j’ai une société de biens de services dont je ne m’occupe pas trop. Je ne pense pas que ce soit mon truc. Je faisais l’approche par rapport à des fournisseurs, je travaillais avec Cdiscount. J’essayais de trouver moins cher pour ensuite revendre et essayer de faire des marges. Mais je m’aperçois que c’est très compliqué si tu n’as pas du gros volume. Il faut du réseau, beaucoup de réseau, et c’est difficile de mener ce travail en tant que particulier. Pour le moment, c’est en stand-by.
Donc concrètement aujourd’hui, t’es en reconversion pro. Enfin tu cherches quelque chose…
Oui, je cherche. J’aimerais travailler dans le football, mais pas forcément sur le terrain. Parce que ça n’a jamais été mon objectif d’être entraîneur. J’ai pourtant mes diplômes. Je préférerais un boulot d’observation des matches par exemple, de recrutement au niveau des jeunes, parce que je pense avoir de l’expérience et des qualités pour ça.
Merci de nous avoir consacré du temps. On est très heureux de t’avoir vu. On ne sollicite que des joueurs qu’on a vraiment appréciés. Et on espère que ta situation professionnelle va s’arranger.
Faut toujours garder espoir ! Je vous offre un verre !
Merci à Arnaud et à Milo pour leur disponibilité (et pour les bières !)
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