Posté le 7 janvier 2018 - par dbclosc
Le tournoi CIFOOT de l’hiver 1987 : l’histoire d’un quadruple complot contre le LOSC
La saison 1986/1987 inaugure une nouveauté dans l’organisation du calendrier footballistique français : pour la première fois, une longue trêve hivernale est prévue, d’une durée de deux mois, du 20 décembre 1986 au 28 février 1987. Cette initiative favorise le développement des tournois , alors que ceux-ci étaient habituellement l’apanage des préparations estivales.
Au cours de l’hiver 1987, le LOSC est justement invité à disputer un tournoi, au Cameroun, le CIFOOT (Cameroun International Football), créé à l’initiative d’Eugène N’jo Léa. Eugène est camerounais, mais c’est un nom que l’on connaît bien en France. A bien des égards, il est un symbole. Symbole de l’émergence du football africain dont il est l’un des pionniers en Europe : joueur pro à Saint-Étienne puis à Lyon, il inscrit 93 buts dans l’élite française entre 1954 et 1961. Symbole, aussi, d’une conception du football perméable à son environnement social et politique. Par exemple, N’jo Léa est à l’initiative de la création de l’UNFP en 1961, premier syndicat des footballeurs français, avec Jacques Bertrand et Just Fontaine. Il en sera d’ailleurs le premier secrétaire général.
C’est au croisement de ces deux aspects qu’est organisé ce tournoi. Il est ainsi emblématique de sa double identité française et camerounaise, puisque parmi les huit participants, on compte quatre équipes camerounaises et quatre équipe françaises. Il est également explicitement politique : ce projet vise ainsi à offrir une vitrine au football africain, et en particulier camerounais, afin de favoriser le développement du professionnalisme dans son pays et en Afrique. Le rêve d’Étienne ? Qu’un pays africain gagne un jour la Coupe du Monde. Ce rêve apparaît encore comme une improbabilité aujourd’hui. A l’époque, il apparaissait comme pure folie.
Roger Marche tentant de mettre fin aux projets d’Étienne N’jo Léa
Ce tournoi sera pourtant l’exemple archétypal du complot contre le LOSC, sans que l’on puisse en faire d’Eugène le responsable, à travers un quadruple complot contre nos ouailles. Complot réglementaire d’abord, à travers l’instauration d’une petite modification en cours de route qui aura des conséquences fâcheuses pour le LOSC. Complot médiatique, puisque les rares évocations en ligne du tournoi ignorent ignoblement la participation lilloise. Complot de l’intérieur, à travers l’attitude plus que regrettable des frères Plancque ou, si ces faits n’étaient pas avérés, à travers les fausses informations qui auraient filtré de l’intérieur. Complot financier enfin, les Lillois n’étant pas payés pour leur participation contrairement à ce qui était prévu.
La promotion du football professionnel camerounais à travers le CIFOOT
La compétition a lieu du 1er au 11 février 1987 et débute par une phase de poules de quatre équipes. Lille fait partie du groupe dont les matchs se jouent à Douala, les matches du second groupe se disputant à Yaoundé où aura lieu la finale. Dans son groupe, Lille est opposé au Camark Bamenda (3ème du dernier championnat camerounais), au Racing Bafoussam (13ème) et à l’AS Nancy-Lorraine, 18ème de D1. Sur le papier, le LOSC, 13ème de D1, semble favori de son groupe même si l’on a du mal à situer les joueurs de Bamenda. L’autre groupe est composé de Laval (11ème de D1 française), de Reims (4ème de son groupe de D2), du Canon Yaoundé, champion du Cameroun et demi-finaliste de la dernière coupe des champions et d’un autre club camerounais dont on ne connaît l’identité (1).
Nyamsi, le stoppeur du Canon Yaoundé
En se replongeant dans les archives de La Voix du Nord, on espérait avoir beaucoup d’infos vu tout ce qu’on avait trouvé en épluchant les pages « sports » lors des trêves estivales : raté. Même pour le LOSC, on n’a pas obtenu ne serait-ce que les scores, même si l’on sait que les Dogues ont en définitive obtenu trois matchs nuls. Preuve d’un intérêt limité de la presse française pour une compétition censée permettre aux clubs camerounais de se mettre en valeur en se confrontant à de véritables pros de l’Hexagone. Pour les premiers matchs du « groupe de Douala », les Camerounais font largement honneur à l’événement : alors que les Lillois sont tenus en échec par Bafoussam, a priori le « petit » du groupe – sans que l’on trouve nulle part le score exact du match dans la VDS – Bamenda vient à bout des Nancéens (1-0).
Et c’est là qu’intervient le premier complot contre le LOSC … (2)
Le désistement de Bamenda
Après la première journée, le Camark Bamenda renonce à poursuivre le tournoi, faute de moyens. Ordinairement, le forfait d’une équipe entraîne la victoire de ses adversaires pour les matchs concernés. Ceci nous aurait bien arrangé : Bamenda aurait perdu par forfait contre Bafoussam et contre le LOSC, ce qui aurait en définitive placé nos Dogues à la première place du groupe, lui ouvrant la voie à la finale (3).
Cette option pourrait cependant apparaître comme inéquitable pour Nancy : défaits par Bamenda, ils se trouveraient lésés vis-à-vis de leurs deux autres adversaires qui, eux, se verraient crédités d’une victoire sans même avoir à jouer. Dès lors, il apparaîtrait justifié de purement et simplement continuer le groupe avec une équipe en moins et de ne pas compter le match ayant opposé Bamenda à Nancy. Ce n’est pourtant pas cette option que choisiront les organisateurs.
Ainsi, le Dynamo Douala, 9ème du dernier championnat remplace au pied levé Bamenda tout en se voyant crédité des points acquis par ces derniers lors du match de la première journée ! Facile. Si l’on peut remplacer une équipe en cours de route, le LOSC version 2017/2018 peut encore raisonnablement espérer terminer champion : en récupérant les 50 points du PSG, qu’il remplacerait « au pied levé », il n’apparaît en effet pas absurde que les Dogues conservent les 9 points d’avance ainsi acquis sur Monaco et Lyon jusqu’au bout (4). Bref, sans avoir joué, le Dynamo Douala aborde la 2ème journée avec un point d’avance sur le LOSC.
Lille fait match nul contre Nancy (1-1) grâce à un péno de Desmet. De son coté, Bafoussam l’emporte contre le Dynamo. Le LOSC peut encore espérer se qualifier pour la finale : il lui faut que Nancy s’impose contre Bafoussam et qu’il remporte son match. Nancy fera le boulot, mais Lille échouera, se contentant d’un nul, dont on ne connaît pas non plus le score. Dans ce groupe, où chaque équipe obtient trois points, c’est le Dynamo Douala qui termine premier avec un bilan réel d’un nul et d’une défaite, soit le pire bilan réel du groupe. Nancy termine à la deuxième place et nos Lillois sont éliminés (5).
Toute autre décision que celle qui fût prise après le désistement de Bamenda aurait amené à un meilleur résultat pour les nôtres, qui auraient soit terminé deuxièmes, soit premiers. Complot.
Un complot médiatique
Comme vous l’aurez compris, il est difficile d’obtenir des informations sur ce tournoi, marquant un échec certain de l’organisation qui espérait mettre en visibilité le football camerounais.
Pire, comme on l’a dit, les rares évocations du tournoi que l’on trouve sur le Net ne mentionnent jamais la participation du LOSC. Mais il y a encore plus ignoble. Vous ne voyez pas ? Vous n’imaginez pas ce qui pourrait être encore plus ignoble qu’oublier de nous mentionner comme participants de ce tournoi ? Voyez par vous-même en lisant cet extrait parlant du CIFOOT sur la page Wikipédia d’Etienne N’jo Léa :
« Il essaiera ensuite en 1987 dans son pays en organisant à noël à le tournoi de football Cifoot accompagné de clubs tels que le Racing Club de Lens, l’ASNL, le Stade de Reims et le Stade lavallois mais aussi de quarante journalistes, d’un engagement de la Société de banques suisses de financer l’opération, des sponsors et des équipementiers »
Comment ça « le Racing Club de Lens » ?! On mentionne même la « Société de banques suisses », on cite les autres participants français, on oublie le LOSC, et … ignominie parmi les ignominies, on remplace le LOSC par … le RC Lens !
Quand je vous dis complot …
Mais ça n’est pas tout.
Mettre le Douala où ça fait mal : polémique sur les frères Plancque et complot de l’intérieur
On ne vous racontera pas toute l’histoire des frères Plancque avec le LOSC, elle est trop longue et comporte trop de belles pages. On se contentera de mentionner que les deux apparaissent pour beaucoup comme les symboles de l’identité du club et qu’ils ont jusqu’ici réalisé la totalité de leurs carrières respectives dans leur club formateur (le LOSC pour ceux qui n’ont vraiment pas suivi). Stéphane est d’ailleurs le capitaine et nombreux sont ceux qui ont en mémoire le rôle essentiel de Pascal dans la qualification de mars 1985 contre Bordeaux (5-1) en coupe de France. Entres autres choses.
Eh ben, d’un coup, les symboles de l’identité du club en ont pris un coup …
Cela faisait un bail que je savais que cette tournée au Cameroun ne fût pas un merveilleux souvenir pour les deux frères, mais, jusqu’alors, je n’en connaissais que des bribes via Patrick Robert lequel indiquait que le séjour au Cameroun leur avait laissé « un goût amer » puisqu’ils auraient « été mis en cause par la presse dans une sombre affaire de bagarre et de paroles malheureuses ». Mais, à quoi donc faisait-il allusion ?
Dans la VDN du 5 février 1987, on apprend que Pascal Plancque aurait souffert de la turista, laquelle aurait été causée « par un fruit ». D’un coup, on avance. A ce moment de notre recherche, notre hypothèse est que cette turista est la cause de l’amertume des frères et que Pascal aurait alors déclaré « chier ! », ce qui aurait été interprété par la presse comme une marque d’agacement (expliquant les « paroles malheureuses » évoquées par P. Robert), même si, suivant cette hypothèse, il s’agirait en réalité d’un constat plus qu’un emportement de la part de Pascal. Ceci ne nous expliquait toujours pas cette histoire de bagarre, sauf à considérer qu’il s’agit d’une référence au fait que Pascal se serait « battu » contre la maladie, en l’occurrence la turista.
Pascal Plancque, avant sa turista, avait le sourire
Dans un autre article de la VDN, celui-ci daté du 13 février et intitulé « Les frères Plancque au banc des accusés », on en apprend davantage. On apprend que Stéphane Plancque se voit alors retirer son brassard de capitaine et qu’il est temporairement suspendu, comme Pascal. Pour quelles raisons ? On ne sanctionne quand-même pas un joueur et son frère par la même occasion simplement parce qu’il aurait crié « chier ! » alors qu’il est touché par la turista !
La réponse, la voilà : « Que reproche-t-on aux frères Plancque ? [oui, je sais, là c'est une question. Mais la réponse suit immédiatement] D’abord leur agressivité vis-à-vis de leurs adversaires de couleur. Agressivité verbale (inutile de rentrer dans les détails) et physique ». Ah … d’accord … effectivement, on comprend ici, décrit pudiquement, qu’ils auraient tenu des propos racistes et se seraient montrés violents contre leurs adversaires camerounais. Effectivement, de telles paroles seraient assez « malheureuses ». Mais quid de la « bagarre » ? Plus loin dans l’article, on apprend que Stéphane s’est montré très agressif lors de son entrée en jeu contre Nancy, insultant à plusieurs reprises Zahoui, l’Ivoirien du club lorrain. Pascal, pour sa part, n’est pas en reste : en fin de match, il se bat avec des spectateurs, se faisant péter une côte au passage. Forcément, évoquer ce triste événement, pour des supporters du LOSC, c’est mettre le Douala où ça fait mal.
Tournant de l’histoire des frères Plancque avec le LOSC. Les deux auraient été sanctionnés, sanction reconnue comme légitime par la majorité du vestiaire si l’on en croit l’article de la VDN. Suite à cet événement, Stéphane ne disputera plus que quatre rencontres avec les Dogues (2 titularisations) jusqu’à son transfert à Strasbourg. Plus chanceux, Pascal connaîtra encore 8 matchs (7 titularisations) avant son départ pour Auxerre.
La défense tient à apporter à la Cour ce précieux document qui montre que mon client, PLANCQUE Stéphane, n’est pas raciste. J’ajoute que mon client a un ami noir. Comment ça « comme Nadine Morano » ?
(crédit photo:Footnostalgie.com)
Il est cependant difficile de trancher sur ce qui s’est réellement passé là-bas étant donné le peu d’informations que l’on trouve à ce propos. Dans un reportage évoquant « la mauvaise réputation des frères Plancque », jamais ne sont évoquées d’éventuels propos racistes et Georges Heylens affirme explicitement qu’il n’y a pas eu de sanction disciplinaire à l’égard de Pascal Plancque, suggérant cependant bien qu’il a commis une faute en affirmant qu’il « s’est puni tout seul ». Référence au fruit mangé qui engendre sa turista ? Sans doute pas mais plutôt à la bagarre avec les supporters qui semble elle bien attestée.
http://www.dailymotion.com/video/x8bfxn
Et même si l’on ne croyait pas à cette histoire, la jugeant fausse ou en tout cas partielle, on en arriverait au même constat, celui d’un complot de l’intérieur. Soit il s’agit d’un complot des frères Plancque eux-mêmes, bafouant nos valeurs, soit de fausses informations ont été livrées de l’intérieur sur ceux-ci. Chacun jugera. La turista, elle, demeure encore présumée innocente jusqu’à preuve du contraire.
Épilogue complotiste
Lille termine donc le tournoi sans défaite, mais éliminé dès le premier tour. Pour la troisième place, le Canon Yaoundé s’impose contre Nancy, tandis que la grande finale est remportée aux tirs aux buts par Reims contre le Dynamo Douala (0-0, 6 tab à 5). Ben voyons, ne pas terminer dans le dernier carré d’un tournoi remporté par Reims, voilà qui est mignon.
Comme on l’a dit, il y a quand-même une bonne dose de complot derrière ça. D’ailleurs, le Dynamo Douala, finaliste de l’épreuve n’y remporte aucun match et en perd un. Comme quoi il n’était peut-être pas totalement délirant d’espérer mieux.
Étienne N’jo Léa, pour sa part, connaît un cuisant échec. Il faut dire que son projet ne rencontra pas l’unanimité. On ne sait pas ce qu’il en est réellement, mais N’jo Léa déclara un jour : «J’ai rencontré des oppositions de toutes parts. Et je dois remercier le bon Dieu, parce que je pense que ces gens étaient capables de tout, même de me faire disparaître physiquement». Sans vouloir alimenter la thèse d’un complot supplémentaire, ici contre N’jo Léa, force est de constater que de nombreuses oppositions ont jalonné son parcours ce qui atteste a minima que son action ne faisait pas consensus dans les instances du football camerounais.
En tout cas, le LOSC en fût une victime indirecte. Ce tournoi, pierre angulaire du projet de N’jo Léa, ne fût jamais validé par les autorités et par la Fédé camerounaise. En conséquence, le projet perdit de précieux subsides ce qui empêcha l’organisation de satisfaire à ses engagements financiers à l’égard de ses invités : Laval, Nancy, Reims et surtout Lille ne reçurent ainsi jamais l’argent qui leur avait été promis pour leur participation (6).
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Oui, on sait, ça fait tâche de ne pas savoir, mais il suffit de se plonger dans les archives de l’époque pour comprendre que l’info est difficile à trouver. Avis aux érudits : on est demandeur de toute info à ce propos.
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Notons que nous ne plaçons pas le match nul contre Bafoussam comme un complot, même si l’on pourrait s’interroger.
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Et donc au titre puisque nous aurions remporté la finale.
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Ceci étant, on vous l’accorde : même comme ça, c’est pas gagné.
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On n’est d’ailleurs pas certains que Lille finisse troisième ou quatrième. D’ailleurs, faute d’avoir obtenu tous les résultats, nous avons été tenus de procéder à certaines déductions pour déterminer le nombre de points de chaque équipe. Par exemple, la VDN indiquant que, avant la dernière journée, Lille pouvait être finaliste en l’emportant contre Douala et si Nancy l’emportait, on peut déduire qu’une victoire était nécessaire contre Douala mais qu’elle serait insuffisante si Nancy ne l’emportait pas, dernière information qui nous permet de déduire que : a) Bafoussam avait dû l’emporter contre Douala (sinon un nul aurait suffi entre ces derniers et Bafoussam pour qualifier Lille) b) que malgré cette défaite, Douala restait devant Lille. On peut déduire de cette dernière observation que si Douala est devant Lille après cette deuxième journée, c’est au principe du nombre de buts marqués, puisqu’avec une victoire 1-0 suivi d’une défaite, ils ne pouvaient avoir un goal-average supérieur à celui des Dogues. Ignorant le score de Nancy-Bafoussam, on peut donc déduire que Nancy l’a emporté d’un but, puisqu’en l’emportant de deux buts ou plus, ils auraient terminé premier de leur groupe. En conséquence, chaque équipe du groupe a terminé avec 3 points et un goal-average nul, le classement final dépendant du nombre de buts inscrits, voire, sans doute d’une autre règle pour les départager en cas d’égalité.
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Gérard, si tu nous lis, on te donne là un argument en or massif – ça devrait te plaire – pour justifier les actuels déboires financiers du club.
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