Posté le 1 février 2018 - par dbclosc
Nouma Nouma Yeah !
En 1992-1993, l’attaque indigente du LOSC voit arriver comme renfort un joker en provenance du Paris Saint-Germain : le jeune Pascal Nouma, 20 ans, qui réussit l’exploit de se mettre tout le monde à dos.
5 Avril 1994, le LOSC reçoit Caen : à la 32e minute, le Caennais Pascal Nouma, bien servi par Alexander Mostovoï, ajuste le gardien lillois Jean-Claude Nadon et ouvre le score pour les Normands. Nouma avait déjà scoré au match aller, mais un joueur qui marque sur la pelouse de son ancien club, c’est un moment encore plus particulier, qui suscite le plus souvent à la fois la gêne – plus ou moins sincère – du buteur, et la bienveillance – en pestant un peu quand même – du public. Rien de tout cela ce jour-là : hué depuis le coup d’envoi, Nouma, trop content du bien vilain tour qu’il est en train de jouer, s’en va célébrer son but devant les DVE, en les provoquant ostensiblement.
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(Si jamais vous n’arrivez pas à lire le gif, cliquez là : https://j.gifs.com/4RGWM2.gif) Que tu fasses ça après avoir ouvert le score à la 90e, soit. À la 32e, c’est un peu risqué.
Malheureusement pour lui, le LOSC renverse vite la vapeur. Conspué de bout en bout, Nouma termine le match penaud, et le public attend que la victoire soit assurée avec un troisième but d’Andersson pour réclamer à son ancien attaquant « une chanson ». S’il arrive que footballeurs et clubs ne se quittent pas toujours dans les meilleurs termes, il est plus rare qu’on en arrive, y compris jusque dans le public, à ce niveau d’hostilité, surtout à peine 10 mois après la séparation des deux parties. Qu’as-tu donc fait, Pascal Nouma ?
Une attaque catastrophique
Pour situer très généralement ce qu’a été cette saison 1992-1993, on en a parlé dans les grands traits dans cet article. « Show devant » clame la campagne de pub du LOSC à l’été 1992, avec notamment les arrivées des attaquants Sud-Américains Borgès et Mota. Tu parles ! En 14 journées, le LOSC de Metsu a inscrit… 5 buts ! Le meilleur buteur s’appelle Hervé Rollain (2 buts), et il est arrière gauche. Brisson (sur pénalty), Borgès et Frandsen complètent le famélique tableau des buteurs. Mais ce sont 5 buts plutôt bien rentabilisés, puisqu’on compte tout de même 3 victoires. Résultat, Pascal Nouma arrive au LOSC le 20 novembre 1992 en tant que joker, en prêt du Paris Saint-Germain. Bon, avec des stats comme ça, tu peux faire venir n’importe quel joker, ça ne risque pas d’être pire, mais l’arrivée de cet international Espoirs, barré par la concurrence au PSG, a bien des apparences du bon coup. Comme un symbole, le soir de sa signature, le LOSC s’incline à nouveau, sans marquer, contre Bordeaux (0-2). 5 buts en 15 journées désormais, et nous voilà 19e, avec seulement 11 points. Dans un bel élan de solidarité nordiste, Valenciennes et Lens comptent le même nombre de points, mais comme eux marquent, leur différence de buts est meilleure1.
Bruno Metsu et Hervé Renard aka « les sorciers blancs » feraient bien de se pencher sur cette malédiction digne des plus grandes sorcelleries : plus la masse capillaire de l’entraîneur est importante, moins le LOSC inscrit de buts.
L’effet Nouma : + 50%
Pascal Nouma est aligné pour la première fois avec le LOSC le 28 novembre 1992, à Sochaux. Bien entendu, Sochaux gagne et, bien entendu, Lille ne marque pas (0-1). Et se profile la réception de Marseille, 5e à deux points de la tête. Mais le match est reporté en raison de la neige. Point positif : Lille ne perd pas. Point négatif : Lille ne marque toujours pas. Qu’à cela ne tienne, on va à Saint-Étienne ! Et ben 0-0 ! Puis on reçoit Nîmes juste avant la trêve hivernale : 2-2 (Buts lillois d’Assadourian qui, reprenant un centre de Fichaux, met fin à 8 mois de disette au cours de laquelle aucun attaquant losciste n’a marqué dans le jeu, et Tihy ; buts nîmois de Buffat et Martel. Didier Martel). Nouma a donc joué 3 matches complets à la pointe de l’attaque du LOSC et n’a pas marqué, et Lille est toujours 19e à la trêve, avec un match en retard contre Marseille, dont il ne faut pas espérer grand chose. Cependant, on constate une évolution notable : 2 buts marqués par le LOSC en 3 matches avec Nouma en pointe, contre seulement 5 en 15 matches sans Nouma, on passe donc d’une moyenne d’un but marqué toutes les 270 minutes à un but marqué toutes les 135 minutes : 135 étant la moitié de 270, cela signifie donc que l’attaque lilloise a désormais besoin de 2 fois moins de temps pour marquer depuis l’arrivée de Pascal Nouma, passant de pathétique à un peu moins pathétique.
Deux matches et puis s’en va
Mercredi 6 janvier 1993 : le championnat reprend par le match en retard contre l’OM. Les Marseillais sont toujours en haut de classement, un point seulement derrière le leader auxerrois. Des doutes subsistent encore durant les jours précédents sur le maintien du match car le gel persiste. Mais Tony Gianquinto, directeur sportif du LOSC, est confiant puisque, indique-t-il, « la pelouse a retrouvé sa couleur verte ». Il est en revanche moins confiant sur la capacité de l’équipe lilloise à faire un bon résultat, puisque La Voix du Nord rapporte que lors du dernier entraînement la veille du match, le panneau d’affichage de Grimonprez-Jooris indiquait « 0-0 » : « c’est un essai, mais on s’en contenterait volontiers demain soir… ». Bon, et notre Nouma dans cette affaire ? Le quotidien local nous apprend qu’il étrenne « une nouvelle coupe de cheveux. Encore que ce dernier mot soit un peu fort, puisqu’il arbore un crâne superbement rasé ». Mais surtout, c’est son anniversaire ! Il a 21 ans ce 6 janvier 1993. Une bonne occasion de marquer ? Quand même pas mais, à la surprise générale, le LOSC s’impose 2-0 grâce à des buts de Dieng et d’Assadourian2 ! Le LOSC sort ainsi de la zone de relégation grâce à « un trio d’attaquants aussi remuant que Assadourian-Nouma-N’Diaye », et la Voix du Nord encense même Nouma qui « d’une manière générale, a redynamisé l’attaque du LOSC (…) Il a indiscutablement apporté le ‘plus’ qu’on attend d’un ‘joker’ ».
Face à l’OM de Jocelyn Angloma
3 jours plus tard, samedi 9, déplacement à Caen, 12e, que Lille a battu 1-0 au match aller grâce à un but d’Hervé Rollain. Le LOSC s’incline… 3-4. Et Pascal Nouma inscrit un doublé et réalise une passe décisive. Bon, en fait, un seul but lui est accordé (marqué sur pénalty), car son deuxième but est finalement attribué à Lebourgeois contre son camp. Remarquable : sur leurs 3 derniers matches, les Lillois ont inscrit autant de buts que lors des 18 précédents. Surtout, cette nouvelle réussite est largement attribuée par la VDN à Pascal Nouma, « qui a encore montré qu’il a beaucoup de talent hier soir ». En vrac, dans le compte-rendu du match on trouve : « les dirigeants lillois ne se sont pas trompés avec Pascal Nouma » ; « un superbe Nouma » ; « personne ne s’étonna de voir Nouma marquer son 2e but » ; « Nouma, que les supporters caennais n’appréciaient que modérément » ; « avec N’Diaye et Nouma, fin de match palpitante ». Ces premières fulgurances seront aussi les derniers soubresauts du passage lillois de Pascal Nouma.
En équipe de France (A’)
Suite à ces deux matches assez réussis, profitant de la blessure de Fabrice Divert (et probablement d’un creux générationnel en attaque), Pascal Nouma est sélectionné en équipe de France A’ par Gérard Houiller3, pour un match à Dakar contre le Sénégal. Lui-même étonné, il a cru à une blague d’un copain quand on lui a annoncé sa sélection. Il y retrouve le portier lillois, Jean-Claude Nadon, également sélectionné. Les Français s’y rendent en Concorde, l’occasion de signaler que le trajet dure ainsi 2h40, ce qui est bien plus rapide que tous ces gens qui faisaient à cette époque le Paris-Dakar en 2 semaines et en passant dans le désert de sable, comme des cons.
Pascal Nouma joue l’intégralité de la rencontre ; il est aligné en pointe aux côtés de Patrice Loko, et côtoie du beau monde comme Djorkaeff ou Keller. La France gagne 3-1 sans que notre lillois ne marque ; en revanche, c’est notre autre lillois qui encaisse le but : Nadon, entrée à 24 minutes de la fin « fut assez malchanceux sur le but de Sané ». Traduction : il s’est bien chié dessus.
La tête ailleurs
Fin janvier, le LOSC se rend à Paris, le club auquel appartient Nouma. L’occasion pour lui de constater que son premier objectif, jouer, est atteint (et Milou) : 7 matches complets en 2 mois, soit presque autant de temps en D1 que sur ses 3 dernières années. Et ce match au Parc sera son premier dans ce stade en tant que titulaire, même s’il y a déjà quelques souvenirs : il y a en effet déjà marqué, mais avec la réserve du PSG, en D3, contre Montluçon ; et le PSG/Nantes de la saison précédente est son meilleur souvenir : « le jour où j’ai fait mon meilleur quart d’heure ! ». Ça c’est bien, ça le rend sympathique. Mais on sent surtout que ce déplacement au Parc est considéré par Nouma comme l’occasion rêvée de séduire les dirigeants parisiens, et que le sort du LOSC n’est pas tellement sa préoccupation : « ils savent ce que je vaux (…) Je viens pour leur faire voir que j’ai progressé à Lille ». Niveau grammaire, les progrès ne sont pas là en tout cas. Et donc 3-0 pour le PSG, prestation invisible de Nouma : c’est raté.
10 jours plus tard, il est remplaçant à Metz. Un choix qui ne surprend guère la VDN : « le joker du LOSC était sur le banc de touche, hier soir. Et on n’en fut pas vraiment étonné… Lors des derniers matches, Pascal Nouma avait eu, semble-t-il, un peu trop tendance à oublier les vertus du collectif. Bruno Metsu a certainement voulu lui remettre les idées en place, tant il est vrai que les Lillois ne pourront se sauver qu’à la condition qu’ils affichent une solidarité à toute épreuve ». Il retrouve sa place en attaque lors du match suivant contre Auxerre, remporté 1-0, ce qui a pour effet de… limoger Bruno Metsu4. Henryk Kasperczak lui succède, 3 jours avant un derby à Lens. Et première décision du Polonais : Pascal Nouma reste sur le banc, et Lille prend un point (0-0). Nouma retrouve une place de titulaire lors du match suivant, contre Nantes : l’occasion pour lui de tirer un pénalty à côté. Encore bravo !
Avec les Espoirs : « je n’ai pas reconnu Pascal Nouma »
Exceptionnellement « surclassé » en A’, Nouma retrouve la sélection Espoirs à l’occasion d’un déplacement en Israël, en compagnie d’Oumar Dieng et de Fabien Leclercq. Emmenés par Zidane, les Français gagnent 2-1 grâce à un doublé de Dugarry. Remplacé à la 64e minute par Laslandes, Nouma a trouvé la barre transversale. Sa prestation est jugée « bien en retrait par rapport à ses précédentes sorties sous le maillot bleu. Il ne pesa jamais sur la défense d’Israël ». On signale par ailleurs la belle performance du gardien français, qui évolue à Charleville : il s’appelle Grégory Wimbée. Mais l’information principale vient du sélectionneur Marc Bourrier, qui détecte comme un petit problème : « je n’ai pas reconnu Pascal Nouma. Il n’est vraiment pas bien. Je ne sais pas ce qui se passe là-haut ».
Pourtant, profitant de la toujours faible efficacité offensive lilloise (26 buts seront finalement inscrits au cours de cette saison !), Pascal Nouma est titularisé jusqu’à la fin du championnat, à une exception près. Il marque son deuxième et dernier but sous les couleurs du LOSC lors d’une victoire à Lyon (3-1) lors de la 31e journée, mais se fait surtout remarquer pour son dilettantisme et son manque d’investissement. Si bien qu’en fin de saison, au vu des problèmes financiers du LOSC, mais aussi manifestement connaissant le gaillard, la Voix des Sports écrit : « on imagine mal le LOSC acheter Nouma au PSG ». Et en effet, Pascal Nouma fut est prêté la saison suivante, cette fois à Caen, où il inscrit donc 2 buts contre le LOSC, 1 à l’aller (mais Lille, mené 2-0, a la bonne idée d’inscrire 3 buts dans le dernier quart d’heure) et 1 au retour (voir plus haut).
Un joueur reconnaissant
Par la suite, Pascal Nouma n’a pas cherché à faire semblant ou à romancer son séjour au LOSC. Ainsi, dans So Foot en octobre 2015, il déclarait « ils m’ont prêté à Lille, six mois. Mais ce n’était pas le LOSC d’aujourd’hui, c’était comme passer d’une Ferrari à une Clio. Il n’y avait rien là-bas. C’était bidon. Un des premiers entraînements, des supporters des Dogues, des skinheads à deux balles, m’ont fait : ‘Ouais, toi t’es un Parisien, enculé!’ Je leur ai fait ‘va niquer tes cheveux’. Je me suis battu, et à la fin de la première année je me suis barré » . C’est en effet un résumé assez fidèle des quelques mois lillois de Pascal Nouma. Pour l’ensemble de son œuvre, nos lecteurs l’ont même généreusement placé dans leur « onze de cul » losciste (ce concept étant l’inverse du « onze de cœur ») il y a quelques mois. De la même manière que quand on demande « chanteur de droite ? », on a tendance à répondre spontanément « Michel Sardou », quand on demande « tête pleine d’eau ? » à Lille, on penche plutôt vers Nouma. Soulignons tout de même qu’à sa décharge, Pascal Nouma a régulièrement fait allusion à des problèmes de racisme auxquels il aurait été confronté à Lille, par exemple ici.
♬ Maia ii Maia Ouh Maia AA Maia Aha ♫♫ Nouma Nouma Yeah ♩ Nouma Nouma Yeah ♩ Nouma Nouma Nouma Yeah ♫♫
Un bon joueur de foot, régulièrement au centre de polémiques
Plus tard, Pascal Nouma s’est révélé être un bon joueur de football, excellent de la tête, dont la spécialité a longtemps été de taper sur les poteaux. Il inscrit 7 buts à Caen en 93/94 (dont 2 contre Lille, donc), et joue les « jokers de luxe » durant 2 saisons dans la belle équipe du PSG 94/96, où il a enfin sa chance, et inscrit 5 buts en championnat lors de chaque saison. Lors d’une fameuse victoire du PSG contre Nantes en décembre 1995, il inscrit le 5e but parisien et réalise une remarquable imitation de canari devant le kop nantais, ce que son coéquipier Raï ne semble apprécier que très modérément. Au cours de cette même saison, il entre en jeu à Strasbourg à 10 minutes de la fin, se fait expulser et montre ses fesses au public strasbourgeois. 3 mois plus tard, il signe… à Strasbourg, où il est froidement accueilli, mais il y réalise une remarquable saison 96/97, avec 14 buts en championnat, dont un quadruplé à Montpellier en avril 19975, et remporte la coupe de la Ligue. Oh, bien sûr, il fait aussi parler de lui en dehors des terrains, en explosant le nez du messin Pascal Pierre après un coup de tête qui lui vaut 6 matches de suspension ; bien sûr il manque une bonne partie de la belle aventure européenne de Strasbourg en 1998 après s’être fait expulser à Glasgow, mais bon. Reconnu désormais comme un avant-centre efficace, il est appelé par Lens, champion de France, où l’attend… une pétition de supporters hostiles à sa venue. Tout ça parce qu’il a (aussi) montré ses fesses au public de Bollaert en août 1997 ! Et certaines sources indiquent qu’il avait déjà fait le même coup avec le LOSC en février 1992 (on a évoqué ce match plus haut, que Nouma n’a pas joué). Mais dans ces cas-là, à la limite peu importe que la rumeur soit ou non fondée : cette histoire est tout à fait crédible. Finalement, Nouma participe à deux belles aventures européennes avec Lens, remporte une coupe de la Ligue, avant de s’exiler en Turquie, au Besiktas, où de nombreuses anecdotes sur lesquels nous ne reviendrons pas en détail et de nombeux buts ont fait de lui, selon ses dires « un demi-Dieu », ce qui explique l’impression malaisante qu’on a à la lecture de ses récentes interviewes, où on a l’impression que ça lui est un peu monté à la tête. Bon, là aussi, il y a eu des polémiques, parce que face aux fans du rival Fenerbahçe, il a mimé une masturbation après un but marqué, mais d’aucuns ont souligné qu’on avait là la confirmation qu’il avait un côté branleur. Soulignons aussi que certains de ses équipiers ont aussi dit du bien de lui, par exemple l’ancien strasbourgeois Denni Conteh. Nos collègues de racingstub sont revenus plus en détail sur certaines de ses (més)aventures, et ces supporters l’évoquent même avec une pointe de nostalgie. Mais à Lille, on n’en a pas trouvé.
FC Notes :
1 L’air de rien, on vient de vous donner le mode de calcul de la différence de buts.
2 À ce propos, notez que dans Losc In The City n°6, sorti le 31 janvier 2018, Thierry Oleksiak fait référence à ce match comme étant un de ses meilleurs souvenirs de joueur lillois.
3 Gérard Houiller ? Dans ton cul !
4 On aura l’occasion d’y revenir très bientôt, le LOSC est à ce moment tourmenté par un changement de présidence, la révélation d’une dette abyssale, et des rumeurs de fusion-absorption par le RC Lens.
5 Curieusement, un autre quadruplé est réalisé par Patrice Loko contre Nice lors de cette même journée.
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