Posté le 18 février 2018 - par dbclosc
Les arbitres avantagent-ils les « grands clubs » ?
L’issue du match opposant le Real Madrid au Paris Saint-Germain a été tout à fait réjouissante pour les arbitres français. Finalement, les nombreux supporters défendant la thèse selon laquelle l’arbitrage français serait d’une nullité toute particulière – thèse toujours soutenue à travers la fameuse « preuve » selon laquelle il n’y a pas d’arbitres français à la Coupe du Monde – ont finalement changé d’avis : en fait non, les arbitres français ne sont pas plus nuls – la preuve, l’arbitre du match, M.Rocchi est italien – mais le problème se situe dans le fait que les arbitres avantagent les « grands clubs » par rapport aux petits. Le progrès est net du point de vue de la qualité de la critique puisque l’on passe d’un « les arbites sont nuls » à un « les arbites sont malhonnêtes ».
Parmi les entraîneurs, Olivier Dall’Oglio, le coach dijonnais ne manque d’ailleurs pas de rappeler qu’il est un ardent défenseur de cette thèse. En substance, il s’agit pour lui de dire que, oui, cette fois le PSG s’est bien fait avoir, mais que bon, finalement, ça leur montre un peu à ces Parisiens ce que nous, les petits, on vit au quotidien. Ce samedi 17 février, L’Equipe publie justement un article relatif à la question des avantages supposés dont bénéficieraient les cadors par rapport aux petits. Dall’Oglio y réaffirme sa thèse (qui, Dieu merci, ne lui confère pas le grade de Docteur) : « Je ne veux pas faire la pleureuse, mais c’est plus dur de siffler contre un grand club alors que, quand c’est contre nous, ça passe inaperçu ».
« Pine au bois et matez Rio ». On reconnaît bien là l’élégance proverbiale d’Olivier Dall’Oglio
Plus de pénalties en moyenne pour les « grands clubs »
Alors, qu’en est-il ? Le graphique suivant, reprenant les chiffres sur les pénalties sifflés qui ont été publiés dans l’article de L’Equipe nous donne un premier élément de réponse, bien que, en l’état, insuffisant pour trancher.
Suivant ce graphique, on pourrait être tenté de dire que les grands clubs sont favorisés puisque les clubs censés être les grands ont un nombre de pénalties obtenus en leur faveur supérieur à la moyenne. Ainsi, à eux cinq, Paris, Monaco, Nice, Marseille et Lyon ont obtenu en moyenne 6,4 pénalties par équipe, l’ensemble des autres clubs devant se satisfaire de 3,8 pénos en moyenne. Complot oblige, seul Montpellier obtient moins de pénos que nos Dogues qui n’en ont bénéficié que de deux en Ligue 1 jusqu’ici. Alors, la preuve est faite ?
Les grands clubs sont-ils favorisés au regard de leur propension à atatquer ?
En fait non. Le fait que les grands clubs bénéficient de davantage de pénalties que les autres équipes n’est non seulement pas une preuve d’un privilège qui leur serait accordé mais, au contraire, un résultat attendu. En effet, de quoi dépend qu’on obtienne un pénalty ? Déjà, facteur majeur, il faut plus ou moins nécessairement se retrouver en position d’attaque. En conséquence, on devrait logiquement attendre une relation proportionnelle entre la propension à attaquer et le fait d’obtenir des pénalties. Certes, cette chance d’obtenir des pénalties ne tient pas uniquement à la propension à se retrouver en phase offensive, certains styles de jeu – on va y revenir – se prêtant plus ou moins bien à l’obtention de pénalties. Il n’empêche, en prenant le nombre de buts inscrits par chaque équipe, on dispose a minima d’un indicateur des chances théoriques de chaque équipe de bénéficier de pénalties.
Alors, en procédant de la sorte, constate-t-on toujours un privilège accordé aux grands clubs ?
La première chose que l’on observe c’est que la majorité des clubs se situent à des niveaux très proches : douze se concentrent en effet entre 0,075 (Marseille) et 0,138 (Bordeaux).
Et, pour revenir sur la question qui nous intéresse ici en priorité, on ne constate pas d’avantage, au contraire, des grands clubs : seul le « moins grand » (du point de vue de son histoire récente et de son classement actuel) de ceux que nous avons ici qualifiés de « grands » est ici bien classé. Nice, avec un ratio de 0,32, se situe en effet en quatrième position de ce classement. Respectivement 10èmes, 11èmes et 12èmes, Monaco, Paris et Lyon se situent tout juste dans la norme. Marseille se situe pour sa part en 19ème position. En somme, il semble qu’il y a une indépendance entre le statut du club et sa propension à obtenir des pénalties.
Un effet « style de jeu » ou le simple produit de l’aléa
Le plus étonnant dans ce classement réside finalement dans le fait qu’une poignée de clubs bénéficie d’un ratio particulièrement élevé par rapport à la tendance générale. Ainsi, quatre équipes, Nice, Saint-Etienne, Caen et Toulouse obtiennent un ratio minimal de 0,32 alors que les deux tiers de l’ensemble des clubs ont un ratio inférieur à 0,14.
Toulouse, avec un ratio de 0,563, et Caen (0,462) sont-ils alors favorisés par l’arbitrage ? Suivant notre ratio, les deux clubs ont en effet bénéficié d’un nombre de pénalties 4 à 5 fois supérieur à la norme de la plupart des clubs de L1. Difficile de ne pas de poser la question des causes d’un tel avantage. On peut ici avancer deux interprétations complémentaires.
Mika Debève, concernant le cas de son club, Toulouse, qui est le club qui a obtenu le plus de pénalties (9) cette saison, avance l’hypothèse suivante : « Ce n’est pas volontaire. Mais on a des joueurs qui vont vite et qui s’engagent dans la surface ». Puisque Debève est pour nous, supporters lillois, nécessairement un éternel lensois, nous avons forcément une envie spontanée de nous moquer. « Mais bien sûr Mika, c’est bien connu, les avants toulousains vont vachement vite. J’ai d’ailleurs été très impressionné par le 100 mètres réalisé l’autre jour par Andy Delort en 24 secondes 41 centièmes. Mais quand-même, tu avoueras que, neuf pénos, pour une équipe qui est rentrée dix fois dans la surface adverse depuis le début de saison, ça fait quand-même beaucoup ». Et puis, passé notre bien légitime envie de moquerie, il pourrait être opportun de se poser la question de savoir si cette thèse est si absurde.
En effet, si nous avons avancé que la propension d’une équipe à obtenir des pénalties était étroitement liée à sa capacité à se retrouver en phases offensives, il n’empêche que, à présence offensive égale, toutes les équipes n’ont pas les mêmes styles de jeu et, ce faisant, ne basent pas leurs réussites offensives sur les mêmes facteurs. On peut alors en déduire que certains joueurs ont pour spécificités la capacité à provoquer des pénalties. A Lille, on est bien placés pour en parler (ok : on ETAIT bien placés) : Gervinho s’était ainsi jadis révélé par un style de jeu l’inclinant à obtenir un nombre particulièrement élevé de pénalties.
La seconde hypothèse explicative du fait que certaines équipes ont obtenu un nombre de pénalties beaucoup plus élevé c’est, tout simplement, l’aléa.
En fait, en soit qu’une équipe obtienne davantage de pénalties qu’une autre à occasion égale ne suffit pas à attester d’un privilège accordé à cette équipe en raison d’une cause déterminée. On a tendance à l’oublier, mais si la logique aléatoire (en gros « le hasard ») tend à favoriser des distributions plus ou moins égales entre les différentes unités, elle a plus ou moins systématiquement tendance à favoriser certains et à défavoriser d’autres (1). Nous avons par exemple procédé à un tirage aléatoire des 89 pénalties tirés depuis le début du championnat en faisant comme si chaque équipe avait autant d’opportunités, c’est-à-dire pour voir quelle distribution on aurait dans un contexte où aucune équipe ne bénéficie du moindre avantage.
En théorie, chaque équipe devrait obtenir 4,95 pénalties. En procédant à un tirage aléatoire, on constate que certaines équipes bénéficient de beaucoup plus de pénalties que d’autres : avec notre simulation, Troyes a « aléatoirement » bénéficié de 8 pénalties, Toulouse, Nice, Monaco et Angers 7; parallèlement, d’autres semblent pénalisées : Saint-Etienne n’obtient que 2 pénalties à ce petit jeu, Bordeaux 1 seul. Et pourtant, ici, malgré ces grandes différences individuelles, seul l’aléa est en cause.
Ah oui, on oubliait, il y a bien sûr une autre cause explicative d’éventuels déséquilibres : le complot, ourdi par qui vous savez contre notre club. Dans ce cas, il n’est point nécessaire de procéder à de grandes analyses : en moyenne, chaque club obtient près de 5 pénalties. Le LOSC en a obtenu 2. Nous en avons dit assez semble-t-il.
Complot.
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Suivant un tirage aléatoire, les éventuels déséquilibres s’estompent à mesure qu’augmentent les effectifs, c’est à dire dans le cas présent avec le nombre de pénalties. En d’autres termes, si sur 89 pénalties la distribution peut-être relativement inéquitable, les différences observées seraient certainement très ténues avec 1000 pénalties.
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16 mai 2021
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guillem a dit:
Vous trouvez dans le foot des arbitres qui s’apparentent à des courtisans bien conscients de l’influence des gros clubs et désireux d’êtres bien vus de ces derniers…
Avez vous vu l’arbitrage de la 1ère mi-temps de rennes psg 2021? Avec en point d’orgue la demande de vidéo de mr Buquet et le penaltys sifflé en suivant pour le psg à la ème minute… et que pensez vous du carton rouge sur abdelhamid délivré par l’arbitre alors que seuls quelques journalistes sportifs, tout aussi soucieux de se faire bien voir également nous expliquent que cest justifié car le ballon serait directement entré dans les buts sans cette main… ou ont ils vu que le centre que délivrait Mbappé entrait dans les buts? Vraiment quand on voit ça ou se situe l’intérêt pour le sport? Personnellement plus l’argent domine moins le foot m’intéresse…c’en devient ecoeurant!!
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24 février 2018
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aaaa a dit:
A propos des nombreux articles, parfois sujets à polémiques qui sortent à propos du nombre de pénaltys sifflés et sur le fait que certaines équipes seraient avantagées, je ne comprends pas pourquoi on ne se penche pas sur les faits réels. Les fautes qui ont été sifflées et qui impliquent un pénaltys.
Si on analysait l’ensemble des fautes qui ont apportées un penaltys et qu’on compterait, par équipes, les fautes :
- Indiscutables
- Sujet à interprétation
- Erreur arbitrale
On se rendrait peut-être rapidement compte qu’une équipe qui a obtenu 10 pénaltys, mais sur 10 fautes indiscutables, n’est pas forcément avantagée et qu’il n’y a donc pas de polémiques à créer.
Certes, l’étude serait incomplète car elle ne prendrait pas en compte les possibles pénaltys oubliés, mais pourrait déjà être un bon indicateur et serait basée sur les faits concrets.
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18 février 2018
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Lagirafe a dit:
Intéressant. Est-ce qu’il ne serait pas plus judicieux de pondérer le nombre de penalty par nombre moyen de ballons touchés dans la surface. Les buts pouvant l’être d’en dehors, cela pourrait peut-être affiner encore un peu le classement.
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18 février 2018
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dbclosc a dit:
En effet, cela serait très pertinent. ca serait le type de données qui donnerait certainement des éléments pertinents d’analyse de ce que nous appelons le « style de jeu » dans l’article.
près, est-ce que l’indicateur serait meilleur, pas forcément. Je pense que les deux sont bons et complémentaires mais que l’un et l’autre ne sont pas meilleurs l’un que l’autre.
Par exemple, il est juste que des buts sont marqués de l’extérieur de la surface, mais finalement ça ne change pas grand chose par rapport à notre raisonnement : ça indique avant tout la capacité à se montrer dangereux, qui augmente le risque d’obliger les défenseurs adverses à faire faute.
Quant à l’indicateur des ballons touchés dans la surface, il est très bon pour indiquer la propension à se trouver en poistion pur obtenir un pénalty, tout en sachant que certaines équipes touchent beaucoup de ballons dans la surface sans en faire grand chose.
En somme, deux bons indicateurs, chacun avec leurs imperfections et leurs avantages.