Archiver pour mars 2018
Posté le 25 mars 2018 - par dbclosc
La Coupe Latine, une compétition au rabais ?
« L’histoire retient que … ». Déjà, elle est marrante cette expression. Si je donne rendez-vous à Damien ou à Denis, ils le retiennent (sauf si je n’ai pas été très clair). Par contre, en vrai, j’ai beau dire tout ce que je veux à l’Histoire, elle ne retient rien. Pas plus qu’elle n’oublie d’ailleurs. En fait quand on dit que l’ « Histoire retient que », cela signifie qu’une idée donnée s’est imposée comme la version légitime de l’Histoire. Par exemple, « l’Histoire retient que » Christophe Colomb a découvert l’Amérique en 1492, même si les Vikings (nom que « l’Histoire retient », même si ce peuple du nord ne se désignait pas lui-même ainsi) l’ont découverte bien avant et que, par ailleurs, ses peuples autochtones l’avaient déjà fait bien avant (même qu’ils y habitaient).
Et la Coupe Latine, aux chiottes ?
Bref, « l’Histoire retient que » le Stade de Reims est le premier finaliste d’une coupe d’Europe, perdant en finale contre le Real Madrid. En fait, cette version de l’Histoire, comme par Eden, fait débuter les compétitions européennes en 1955/1956, c’est-à-dire qu’elle oublie la Coupe Latine, compétition dont le LOSC est justement finaliste en 1951. Les gens de ma génération, nés au début des années 1980, ont grandi avec cette idée que le LOSC n’avait jamais obtenu la moindre qualification européenne, à la différence de clubs très modestes, comme Angoulême ; que l’on était de gros losers en somme (dans un pays de losers, aucun club français n’ayant remporté de compétition européenne jusqu’en 1993). On avait bien entendu rapporté cette histoire de finale de Coupe Latine. Mais bon, tel qu’on nous l’avait raconté, ça avait l’air d’être un p’tit tournoi sympa, rien de plus. Pas de quoi la mettre à son palmarès. En gros : aux chiottes, la Coupe Lat(r)ine.
Lors de cette finale, perdue d’un cheveu par nos ouailles, Buffon était déjà là, à l’époque dans les buts de Milan. Quelle carrière !
Logique, répondront les complotistes comme d’ailleurs la plupart des honnêtes gens, eux victimes de plus de 70 ans de propagande complotiste contre le LOSC : la Coupe Latine n’est pas une coupe d’Europe puisque seuls quatre pays sont représentés, à savoir l’Espagne, le Portugal, l’Italie et la France.
Examinons d’abord ce premier argument. La première Coupes des champions européens serait une Coupe d’Europe et pas la Coupe Latine parce que la première invite des représentants de seize championnats européens différents quand la seconde n’a de représentants que de quatre pays. Si le constat est exact, on pourrait souligner que cette première édition de la C1 n’est elle-même pas entièrement une Coupe d’Europe selon cet argument. En effet, si elle compte davantage de participants, une partie conséquente des pays européens n’ont aucun participant. L’éclatement de la Yougoslavie et de l’URSS ne suffisent en effet pas à expliquer le nombre de pays représentés : le Pays de Galles, la Norvège, le Luxembourg et la Tchécoslovaquie, entre autres, n’ont ainsi aucun représentant.
Un tournoi mineur ?
Certes, me rétorquera-t-on, mais il s’agit de pays « mineurs ». D’abord, répondrais-je, si le fait que ce soit des pays « mineurs » justifiait l’exclusion des compétitions européennes, alors il faudra m’expliquer pour quoi Lens était autorisé à jouer en Coupe d’Europe. Ensuite, si on me répondait que par « mineurs », il faut entendre « d’un niveau inférieur » et que je fais « semblant de ne pas comprendre », je répondrais alors que, dans ce cas, il faut également examiner l’argument des performances des représentants des pays participants à la Coupe Latine.
Or, lorsque l’on examine les performances en C1 des représentants des pays disputant la compétition lors de ses dix premières années d’existence (1955-1965), on constate que les pays les plus performants sont justement les quatre qui disputent la Coupe Latine. On s’est ainsi amusés à constituer différents barèmes de mesure des performances des pays en C1, en faisant varier l’importance de différents critères. Dans tous les cas, on en arrive à une même claire hiérarchie : l’Espagne est nettement devant, suivie de l’Italie, puis du Portugal et enfin de la France. Certes, certains pays sont très proches de la France (à savoir l’Angleterre et l’Ecosse), voire même à égalité suivant l’un de nos barèmes : il n’empêche, les pays dominants de ces premières C1 sont bien ceux qui disputent auparavant la Coupe Latine.
Quelques statistiques illustrent cette domination des pays participants à la Coupe Latine : les dix premiers vainqueurs sont espagnols (5 titres), italiens (3 titres) ou portugais (2 titres). Neuf des dix premiers finalistes sont issus des pays participants à la Coupe Latine (3 pour l’Espagne, 2 pour chacun des trois autres pays). Seuls les Allemands de l’Eintracht Francfort, finalistes en 1960, atteignent la finale de la C1 parmi les pays non issus de ceux qui participent à la Coupe Latine (1).
Bref, en termes d’adversité, la Coupe Latine c’est le gratin du football européen, même s’il est vrai que d’autres pays importants, comme l’Allemagne et l’Angleterre y ont leurs représentants.
La Coupe des champions 1955/1956,
un trophée de plus faible niveau qu’on ne le présente
Le fait de présenter la Coupe des champions 1955/1956 comme une compétition indiscutablement plus prestigieuse que la Coupe Latine fait en outre l’impasse sur le fait que la C1 a elle-même connu des évolutions en la matière. Présenter la finale rémoise de 1956 comme une finale de C1 comme les autres fait notamment l’impasse sur le fait que la première édition de cette compétition connaît une adversité bien plus limitée qu’elle ne le connaîtra ensuite.
Ainsi, parmi les seize participants de cette première Coupe des Champions, huit ne sont pas champions en titre. Certains des participants sont même loin du compte : le Gwardia Varsovie n’a ainsi terminé que 4ème du précédent championnat de Pologne, le Partizan Belgrade et Hibernian FC avaient terminé 5èmes, respectivement en Yougoslavie et en Ecosse, le Servette seulement 6ème de Suisse. Que dire aussi du FC Sarrebruck ? Troisième de son championnat, certes, mais il s’agissait de l’Oberliga Sud-Ouest, le championnat allemand n’étant alors pas encore unifié. Un classement insuffisant pour placer Sarrebruck parmi les neuf participants de la phase finale du championnat d’Allemagne.
Et Reims dans tout ça ? Au premier tour, ils éliminent le modeste champion danois de l’AGF Arhus. En quart de finale, ils sortent le Vörös Lobogo, deuxième du précédent championnat hongrois. En demi-finale, Reims affronte Hibernian FC, lequel reste sur deux cinquièmes places en championnat écossais. Reims arrive alors déjà en finale, sans pour autant avoir eu à affronter une adversité incroyable. Alors, forcément, il y a quelque chose qui nous reste un peu en travers de la gorge : délégitimer la Latine, c’est encore faire de nouvelles coupes sombres dans le palmarès du LOSC quand la même performance du côté de Reims semble justifier qu’on trinque autour d’une coupe de Champagne.
Ah moins que …
Faire débuter la Coupe d’Europe en 1955/1956, aussi un complot contre Reims
Oh là ! Oh là ! On se calme, amis Rémois ! Et non, contrairement à ce que vous pensez, en émettant l’idée que la Coupe Latine était déjà une Coupe d’Europe (contrairement à ce qu’affirment qui vous savez), on dit certes que le LOSC a été finaliste d’une compétition européenne dès 1951, mais on ne remet pas en cause la primauté rémoise en termes de performances françaises en Coupe d’Europe, bien au contraire : on met aussi l’accent sur un complot qui vous concerne aussi (même si vous êtes en réalité les victimes collatérales d’un complot qui nous cible).
En effet, qui gagne la première coupe européenne « officiellement » ? Marseille, en 1993. C’est en tout cas ce que « l’Histoire retient », oubliant honteusement la victoire du Stade de Reims contre le Milan AC en finale de la Latine en 1953 (3-0) après avoir sorti le FC Valence (2-1) en demi-finale, soit des performances supérieures à celles connues six ans plus tard en C1. Retenir cette compétition, c’est plus généralement redorer le blason du foot français à travers les performances de ses représentants dans une compétition dont les vainqueurs sont tous prestigieux (2 titres pour le Barça, 2 pour le Real, 2 pour le Milan AC, 1 pour Benfica et donc 1 pour Reims) : si Lille parvient en finale en 1951, c’est également le cas de Bordeaux (en 1950), de Nice (en 1952), puis encore de Reims (en 1955).
L’oubli de la Coupe Latine, le complot gigogne
Vous connaissez les poupées gigognes ?
Non, ça c’est une poupée CIGOGNE. Le principe de la poupée gigogne, c’est un ensemble de poupées, de tailles différentes, qui s’emboîtent les unes dans les autres. Quand on ouvre une poupée, on découvre une autre poupée et ainsi de suite.
Poupées gigognes « Peppa Pig »
La Coupe Latine, c’est un peu notre complot gigogne. A l’époque, en 1951, comme on l’a largement développé, ça avait déjà été un beau complot : alors que le Milan AC, à domicile, remportait sa demi-finale, le LOSC et le Sporting du Portugal ne parvenaient pas à se départager (1-1) à l’issue du temps règlementaire. Plutôt que de faire des tirs aux buts (que le LOSC aurait remportés), le règlement prévoit des prolongations de 30 minutes. Et si les équipes sont alors toujours à égalité, elles disputent une nouvelle prolongation de 10 minutes. Et si elles sont toujours égalité, il faut jouer un second match le lendemain. C’est ce qui se passera.
Après 120 minutes de jeu, l’arbitre explique à Dubreucq qu’ils devront jouer une autre prolongation de 10 minutes
Le lendemain, Lille l’emportera, mais une nouvelle prolongation sera nécessaire (6-4), portant à 250 minutes le nombre de minutes jouées, contre 90 pour le Milan AC (2), tout cela deux jours avant la finale ! (3) Une fois ce complot de la Coupe Latine découvert, c’en était fini ? Et non, surprise ! Le complot dans le complot : la non-reconnaissance de cette performance comme relevant d’une compétition « européenne ». Encore une fois, le LOSC se voit spolié la reconnaissance de l’un de ses titres.
Complot dans le complot, la Coupe Latine, pendant sa période d’existence (1949-1957), la compétition a lieu à huit reprises, se tenant chaque année à une exception près. Laquelle ? En 1954. Qui remportait le championnat de France cette année là ? Le LOSC, bien entendu ! Cela suffit : la Coupe est pleine !
Notes :
1. Ajoutons que, pour parvenir en finale, ils n’affrontent auparavant aucun club issu de l’un des pays disputant la Coupe Latine jusqu’à cette finale disputée (et perdue 7 à 3) contre le Real Madrid.
2. l faut également indiquer que le LOSC est arrivé en Italie, où s’est joué cette Coupe Latine, sans Prévost et Baratte, blessés, et qu’il fût également privé de Walter, également blessé, en finale. André Strappe, lui, disputa quand-même cette finale même s’il était également blessé.
3. De plus, y compris si Lille n’avait pas dû rejouer sa demi-finale, le Milan AC aurait bénéficié d’un avantage puisque sa demi-finale se jouait quatre jours avant la finale quand celle de Lille était programmée trois jours avant.
Posté le 22 mars 2018 - par dbclosc
Fernando D’Amico, une recrue et trois poumons
L’année 1999 marque une césure entre un LOSC associé à des déceptions (la descente en 1997 puis deux montées successives manquées d’un rien) et le renouveau du club, qui le mènera jusqu’à la ligue des champions seulement deux ans plus tard. Sous l’impulsion de Vahid Halilhodzic, 6 joueurs sont recrutés au mercato estival. Parmi eux, l’Argentin Fernando D’Amico, que personne ne connaissait avant son arrivée à Lille.
Vahid Halilhodzic l’a souvent souligné, à propos des joueurs de son effectif : « je choisis. Pierrot [Dréossi] discute. Le président Lecomte paie1 ». Arrivé en septembre 1998, il avait dû composer avec un effectif qu’il n’avait pas choisi, mais auquel il avait déjà apporté sa touche personnelle, en écartant progressivement certains joueurs sur lesquels il ne comptait pas (Sanz, Renou, Dindeleux), en en faisant jouer d’autres dont il savait pourtant que l’avenir ne s’inscrivait pas à Lille mais dont on peut supposer qu’ils bénéficiaient d’un statut « spécial » (Koot pour son encadrement sur le groupe, Pickeu en souvenir de l’événement qu’a été son transfert, Leclercq pour son ancienneté et sa fidélité au club), mais surtout en posant les bases de l’équipe qui s’apprête à réaliser 3 saisons exceptionnelles. Dès cette saison 1998/1999, il rappelle Cygan, cantonné à la réserve, et le positionne dans l’axe. Il tance Boutoille sur son professionnalisme. Il replace Landrin un cran plus bas là où Thierry Froger s’acharnait à le faire jouer en n°10, comme il le faisait chez les plus jeunes. Il écarte progressivement Hitoto et Senoussi pour s’appuyer sur un duo de récupérateurs Tourenne/Cheyrou, ce dernier étant en pleine émergence. Le retour de Fred Viseux, remis de sa blessure, en fin de saison, augure de belles promesses. Collot, Peyrelade et Wimbée apparaissent comme des valeurs sûres pour jouer les relais. La deuxième partie de la saison 1998/1999 porte déjà la marque de Vahid : sur les 15 matches joués sur le début de l’année civile 1999, le LOSC est 2e… C’est toutefois insuffisant pour monter.
29 mai 1999 : triste victoire à Guingamp
Plus jamais ça
Les principales figures du staff sont, bien sûr, Vahid Halilhodzic et Jean-Pierre Mottet, Pierre Dréossi à la direction sportive, Philippe Lambert comme préparateur physique, Michel Rablat au recrutement, Jean-Noël Dusé à la tête des U17 et Michel Vandamme à la formation. Le club annonce un budget de 60 MF, ce qui le placerait dans le top 4 de la D2, pour une saison que Vahid prophétise comme étant « plus difficile que l’an dernier : 9 équipes peuvent prétendre à l’accession. Sans oublier l’habituelle formation-surprise ». Et cette fois, Vahid va choisir : les contrats de Senoussi, Hitoto, Sanz, Clément, Carrez, Nenem, Koot, Renou, Dindeleux et Leclercq ne sont pas renouvelés, contrairement à ceux de Peyrelade et de Boutoille (3 ans chacun). Voilà comment Halilhodzic justifie ce renouvellement : « la génération qui était en place n’avait connu que des déceptions. En trois saisons, ils ont vécu une descente et deux accessions manquées. En plus, ils ont évolué durant des années dans un environnement relativement hostile. Certains étaient usés, psychologiquement atteints. Ils avaient perdu la confiance, le plaisir de s’entraîner. Il fallait donc procéder à un changement radical pour donner un nouvel esprit, de nouvelles ambitions au club ». Outre le recrutement qui s’annonce, Halilhodzic compte sur le public : « quand je suis arrivé au LOSC, quelqu’un m’a dit ‘ce stade est maudit’. Cette année, nous aurons besoin de l’appui du public dès les premières journées afin de prendre le meilleur départ possible ». Le programme est fixé : du 4 au 13 juillet, le groupe sera en stage en Bretagne, à Saint-Cast-le-Guildo, où il disputera deux matches amicaux : le 7 juillet contre Le Havre et le 10 juillet contre Lorient. De retour dans le Nord, le LOSC jouera : le 14 juillet contre Harelbeke ; le 20 juillet contre Anderlecht ; et le 23 juillet aura lieu la soirée Émile Olivier. La reprise du championnat est quant à elle fixée au 31 juillet, à Laval.
Vahid : « Ceux qui restent auront intérêt à s’accrocher »
Après 3 semaines de vacances, l’équipe reprend l’entraînement le jeudi 24 juin 1999 pour 3 jours d’exercices physiques avant le premier « vrai » entraînement lundi. Déjà, 2 nouveaux visages : celui de Ted Agasson, venu du Red Star ; et celui de Johnny Ecker, défenseur Nîmois. On attend par ailleurs Abdelilah Fahmi, dont il faut 2 semaines à la Voix du Nord pour arrêter de l’appeler « Mustapha ». Le jeune arrière gauche nantais Ludovic Mary, annoncé en prêt dès le début du mois de juin, est finalement jugé « en mauvaise condition physique » et n’est pas retenu. Il faut dire que Vahid n’a pas l’intention de rigoler : « je n’ai pas le droit de me tromper. Les joueurs qui auront signé cette année au LOSC devront apporter un plus au club. Ceux qui restent auront intérêt à s’accrocher. Je veux des gens en pleine forme physique. J’ai besoin de 18 joueurs prêts à être titulaires à tout moment ». D’autres joueurs, encore sous contrat « peuvent partir s’ils le veulent. Ils doivent savoir qu’ils ne seront pas forcément titulaires. S’ils restent, ils devront me prouver qu’ils ont leur place dans le Onze » On pense notamment à Olivier Pickeu, dont il se murmure de plus en plus qu’il pourrait être échangé avec Bakari. Olive est en tout cas présent à la reprise, comme le montre cette photo, ainsi qu’Alain Raguel, finalement prêté à Valence. Valence en France hein.
Valois, Viseux, Pickeu, Agasson, Ecker, Raguel
À la recherche d’un milieu défensif
A posteriori, les intentions de Vahid font sourire tant on a l’impression qu’elles ont été mises en application à la perfection : « nous visons deux objectifs : donner une meilleure assise à l’équipe tout en créant un groupe de joueurs capable de travailler sur une durée de 3 ou 4 ans. Un plan adapté aux aspirations des repreneurs du club et aux nôtres. Nous voulons en effet bâtir du solide autour de nos jeunes ». Tandis que le groupe prend forme progressivement, le club cherche encore à recruter à deux postes : arrière gauche, et milieu défensif, pour accompagner Carl Tourenne. Et l’idéal serait qu’un de ces deux joueurs soit expérimenté. Tour à tour, les noms de Laurent Huard, Stéphane Pichot (déjà!) sont évoqués. Le 16 juin, Saint-Étienne annonçait même que Claude Fichaux avait signé son retour au LOSC pour 3 ans. Mais Lille a démenti et n’a évoqué que des « contacts ». à l’approche du stage en Bretagne, Vahid aimerait que son effectif soit presque définitif. Le groupe part avec Dagui Bakari, qui est arrivé le 2 juillet (tandis que Pickeu est parti au Mans), un arrière gauche à l’essai, Didier Santini, qui a participé au dernier entraînement avant le départ à Saint-Cast. Manquent seulement Coulibaly et Valois, blessés.
Le 5 juillet, au lendemain de l’arrivée en Bretagne, débarque Fernando D’Amico, dont on voit apparaître le nom pour la première fois dans La Voix des Sports du 6 juillet 1999. Il est accompagné de Fernando Zappia et vient faire un essai. Le journal précise seulement qu’il est « cher » et qu’« il tentera de convaincre Vahid Halilhodzic ». Parallèlement, le LOSC cherche toujours son milieu défensif : on évoque, toujours dans le journal du 6 juillet un retour d’Oumar Dieng (!), et la venue en prêt du monégasque Da Costa (Costinha), mais que Puel est réticent à lâcher. Merci Claude !
Premières prestations de Fernando
Nous ne revenons pas en détails sur la façon dont Fernando a vécu son arrivée : référez-vous à l’entretien qu’il nous a donné, dans lequel il évoque abondamment la dureté de ce stage et la difficulté de son adaptation, mais aussi sa volonté de tout donner pour signer au LOSC, malgré une blessure. Après le premier match amical contre Le Havre (0-0), une équipe de D1, Vahid est satisfait et indique que son équipe « est bien plus forte sur le plan technique que l’année dernière. Nous sommes sur la bonne voie ». Au cœur d’une intense préparation physique, les Lillois montrent déjà de belles choses. Sur les deux joueurs à l’essai, Santini et D’Amico, il temporise : « Santini ? Ce n’est pas mal. On sent qu’il a de l’expérience. En ce qui le concerne, je prendrai une décision après le match contre Lorient. Pour le milieu défensif argentin D’Amico, qui ne perd pas beaucoup de ballons et enchaîne bien ses actions, toujours dans le sens du jeu, j’attendrai le match suivant ». Après le match contre Lorient (1-1) et à l’issue du stage breton, Vahid a décidé… pour Santini : « on va se mettre d’accord pour 2 ans. C’est un joueur de qualité qui possède de surcroît une belle expérience. Je l’ai observé : il est déjà allé à la rencontre des plus jeunes pour les conseiller. C’est un signe. Ses qualités humaines et techniques m’ont incité à le prendre ». Et Fernando ? On attend : « D’Amico, lui, je veux le revoir une fois. Il se bat et récupère beaucoup de ballons. Hélas, il a dû digérer le décalage horaire avec l’Argentine et composer avec un léger excès de poids. Il n’a pas le profil traditionnel du footballeur argentin surdoué dans le domaine technique. Mais c’est un bon élément ». Il semble qu’on a dans ces phrases la parfaite description de Fernando !
Un groupe naît
Tout le monde s’accorde : ce stage a été une réussite pour la vie du groupe (en photo ci-dessous). En dépit d’un grand nombre de départs et d’arrivées, Vahid est d’abord confiant sportivement : « je suis maintenant convaincu qu’on a les armes pour lutter au plus haut niveau en D2. Malgré les arrivées de nombreux joueurs, le groupe ne s’est pas désuni. Il poursuit sa phase de reconstruction ». La phrase est bateau, mais c’est vrai et après tout on revient de Bretagne : le groupe vit bien. Johnny Ecker souligne : « nous avons énormément travaillé depuis la reprise, à un rythme que je ne connaissais pas encore ». Il confie même : « la saison dernière, lorsque j’ai joué contre le LOSC, je m’étais un peu bousculé avec Djezon. Eh bien, lorsque je suis arrivé, il fut l’un des premiers à m’accueillir. Honnêtement, si la situation avait été inverse, je ne sais pas si j’aurais été capable de faire preuve d’un si bel état d’esprit ». Rappelons également ce que nous avait dit Greg Wimbée à propos de ce séjour en Bretagne : « on a fait un stage de préparation de dingues. On a fait des séances athlétiques… Et tu vois déjà là qu’il va se passer quelque chose (…) Personne n’a triché. Tout le monde, tout l’effectif était concerné ! Là tu sais que ça va être une grosse saison ».
Mais Fernando fait-il partie du groupe ? Il nous l’avait dit : lors du dernier jour de stage, Vahid, par un signe de tête, lui avait fait comprendre qu’il avait réussi le stage. Mais le 15 juillet, il s’apprête à jouer son 3e match amical et il n’a toujours pas signé… Vahid a-t-il encore besoin d’être convaincu ou négocie-t-on le prix de son transfert en coulisse ? Toujours est-il que le match contre les Belges d’Harelbeke, le 14 juillet 1999, est présenté par la Voix du Nord comme celui où « D’Amico tentera une dernière fois de convaincre Vahid Halilhodzic ».
23 juillet 1999 : Fernando est Lillois
Le LOSC s’impose 4-1 à Linselles. Le lendemain, première photo de Fernando dans La Voix, qui indique que ce nouveau match amical est l’occasion de « garder un œil attentif sur Fernando D’Amico, actuellement à l’essai ».
Alors, qu’en pense Vahid ? Comme on a gagné seulement 4-1, il n’est pas très content : « nous sommes encore en rodage et nos placements, surtout défensivement, n’ont pas été très bons ». Et D’Amico ? « Concernant Fernando D’Amico, je suis satisfait, même si physiquement il est encore trop juste ». Alors, c’est bon… ? Oui, c’est bon ! Le 19 juillet, La Voix des Sports titre enfin ce qui va changer la vie de beaucoup de supporters :
On parle d’un contrat d’un an. Et comme Fernando a des origines italiennes, il ne sera pas comptabilisé comme un joueur extra-communautaire (hors CEE), ce qui fait dire à la VDS que ça laisse la possibilité d’en recruter un, puisqu’il y a déjà Fahmi. On en déduit alors qu’on a le droit d’en avoir 2, si vous suivez bien. Vahid peut enfin parler de Fernando sans faire sans cesse référence à son poids (on suppose que si Vahid en parlait ainsi publiquement, c’était pour le maintenir sous pression) : « c’est un milieu récupérateur qui peut très vite être utile. Il est capable de ratisser les ballons, de les relancer proprement, tout en apportant une note physique. D’Amico aime les duels et les contacts. Il est d’ailleurs parfois un peu trop agressif. Dans le contexte de la D2, avec des équipes comme Sochaux qui embauchent Drobjnak et Ferri, on aura besoin de sa combativité et de ses capacités en matière de construction. Lors de ses 3 apparitions, il a montré des choses intéressantes ».
En raison d’un rapide aller/retour en Argentine pour régler un problème de visa, Fernando ne prend pas part au match contre Anderlecht à Roubaix le 20 juillet où Lille fait forte impression (2-3) : il n’y est donc pour rien si le match se termine à 9 contre 10 avec bagarre générale (Dernis et Collot sont exclus) et envahissement de terrain par les supporters Belges. Il est désormais en attente d’une lettre de sortie de sa fédération, et l’attente risque fort de le priver du premier match de la saison à Laval.
Le jour de sa signature (un prêt d’un an), le 23 juillet, il dispute un dernier match amical, contre Boulogne-sur-mer (2-0, photo ci-dessus), pour la soirée Mimile Olivier, où il est à deux doigts de marquer : il manque son face-à-face avec le gardien de Boulogne, Sylvain Jore. Le lendemain, 24 juillet, la Voix du Nord lui consacre son premier article.
La journaliste ne parlant pas espagnol, elle précise que Bruno Cheyrou assure la traduction : quel bel homme ! Elle souligne d’abord que Fernando est « peu avare d’efforts, souvent bien placé, et ratisse large en milieu de terrain ». Ça commence à se savoir ! Elle donne ensuite la parole à Fernando pour recueillir son avis sur le niveau de jeu : « c’est un jeu beaucoup plus rapide. En Espagne, les schémas sont beaucoup plus défensifs et laissent moins d’espaces. Ici, on touche davantage de ballons ». Vahid, quant à lui, est toujours aussi exigeant : « c’est un bon milieu récupérateur. Il a manqué quelques petites passes… Mais il est encore sous le coup de la fatigue avec le décalage horaire ».
Frappe de D’Amico ? Pied gauche ?
Débuts en championnat
Comme pressenti, Fernando n’est pas qualifié pour le premier match à Laval, où le LOSC signe son premier succès de la saison grâce à un but de Djezon Boutoille. Il est en revanche titulaire pour la première fois en championnat quelques jours plus tard contre Nîmes (1-0), où il est remplacé à la 67e. À l’issue de la 5e journée, où le LOSC s’impose à Châteauroux (3-2), Fernando compte 4 titularisations. Et la presse est dithyrambique à son sujet. Par exemple, dans la Voix des Sports du 23 août 1999, on lit : « s’il est difficile de désigner un homme du match, tant cette victoire résulte d’une œuvre collective, la performance de Fernando D’Amico mérite quand même la citation. ‘L’homme aux 3 poumons’, aidé par un Tourenne tout aussi précieux dans la récupération, ne cessa de harceler le milieu de terrain adverse ». Texte accompagné de cette photo et de sa légende :
Dans la semaine, on apprend que Fernando et Patrick Collot se sont accrochés à l’entraînement, Pat’ reprochant à Fernando un contact un peu rude… Après intervention d’Halilhodzic, tout est rentré dans l’ordre, mais cette péripétie montre l’engagement de l’Argentin, pas seulement lors des matches. Après le match suivant, contre Louhans-Cuiseaux, la Voix souligne : « en recrutant l’Argentin D’Amico, Lille a-t-il fait l’un de ses meilleurs affaires depuis longtemps ? Il est un peu tôt pour l’affirmer, mais Fernando-Osvaldo est un phénomène : vendredi, il était partout! Certes, il a perdu des ballons (comme beaucoup de Lillois), mais c’est peut-être une perle ». On passe sur les nombreux récits de prestations de Fernando, toujours saluées, par exemple le 18 octobre après une victoire contre Lorient (1-0) : « une fois encore, Fernando D’Amico fut au four et au moulin, courant, taclant, mordant dans le ballon »
Lillois d’adoption
Comme nous l’avait indiqué Greg Wimbée, lors de ce mercato estival « toutes les arrivées ont été importantes. Des fois tu fais venir des joueurs, et t’en as toujours 3 sur 6 qui ne jouent pas, qui ne s’imposent pas. Et là, ils se sont tous imposés et ont apporté une plus-value à l’équipe ». En effet, Ted Agasson, Dagui Bakari, Johnny Ecker, Abdelilah Fahmi et Didier Santini sont devenus des maillons essentiels du LOSC, jusque 2001 pour les uns ou 2002 pour les autres. Mais il est vrai que le profil de Fernando D’Amico est probablement le plus spectaculaire, tant sa manière de jouer, dont on avait parlé ici, est originale, et tant sa réussite est inversement proportionnelle à sa notoriété quand il est arrivé, surtout après des années où Lille avait la fâcheuse habitude de se planter en recrutant des inconnus.
Le 6 décembre, la Voix des Sports annonce qu’en raison de « son excellent début de saison, Fernando D’Amico attire les convoitises. Il devrait malgré tout donner son accord pour 3 saisons supplémentaires au LOSC ». Lillois jusque 2003, Fernando laisse aujourd’hui le souvenir d’un joueur hors-norme et d’un homme généreux, ayant ponctué son passage à Lille de scènes inoubliables : la remontée en D1, son but contre Saint-Étienne, ses récupérations, ses shorts remontés, son duel avec Nakata, ou le fameux « il faut pas lâcher ». Le genre de joueur qui méritait bien qu’on crie le nom à pleins poumons.
FC Notes :
1 2 juillet 1999. Sauf indication contraire, toutes les citations sont issues d’articles de la Voix du Nord ou de la Voix des Sports de l’été 1999.
Posté le 19 mars 2018 - par dbclosc
Dans la fosse aux Lyonnaises
Quand on on joue Lyon en D1 féminine, il ne faut pas s’attendre à grand chose, et seulement espérer limiter la casse. Dans un championnat à deux vitesses, avec d’un côté l’OL, le PSG et dans une moindre mesure Montpellier et, de l’autre, le reste de la troupe, ce n’est pas contre ce type d’adversaire qu’il faut espérer prendre des points. Lyon, c’est le onzuple champion de France, onzuple c’est l’adjectif numéral qui correspond à 11, tous les dictionnaires ne l’acceptent pas mais moi je le prends. Concrètement, ça veut dire que les Lyonnaises sont championnes de France sans discontinuer depuis 11 ans, c’est-à-dire depuis 2007, au moment où Maïté Boucly avait 5 ans et demi. Elles sont aussi sextuples détentrices de la coupe de France. Par ailleurs, Lyon est également champion d’Europe depuis 2 ans, après l’avoir été en 2011 et 2012, et aussi finaliste en 2010 et 2013. L’International Federation of Football History & Statistics distingue l’OL féminins comme la meilleure équipe du monde depuis 2015.
Depuis le début du championnat, Lyon a tout gagné et est bien parti pour faire une 4e saison de la sorte. Leurs filles ont inscrit 74 buts en 16 matches, soit une moyenne de 4,6 buts marqués par match, et elles en ont encaissé… 3. À l’aller, ça a fait 6-0. Bref, inutile d’en rajouter : cette équipe, c’est le gratin, le gratin dauphinois bien sûr, et donc ça ne sera pas de la tarte pour nos Lilloises.
Et ce sera d’autant moins de la tarte que les Lyonnaises préparent la réception de Barcelone cette semaine et sont a priori en mode coupe d’Europe ; que suite à son expulsion la semaine dernière à Marseille, Maud Coutereels est suspendue ; et que Marine Dafeur, quant à elle, est toujours blessée.
Finalement, le seul point positif est que ce match tombe une semaine après la précieuse victoire à Marseille, et à ce titre les Lilloises n’ont raisonnablement pas à se mettre de pression supplémentaire inutile. L’essentiel est probablement de préparer le prochain déplacement à Rodez.
Jessica Lernon est alignée en défense centrale pour remplacer Coutereels, de la même manière qu’elle avait terminé le match à Marseille ; Héloïse Mansuy rempile à gauche pour le deuxième match consécutif ; Silke Demeyere a de nouveau une grande liberté au milieu sans qu’elle ne soit assistée d’une autre milieu spécifiquement défensive ; Justine Bauduin est titularisée au poste de milieu gauche, tandis que Bultel et Sarr forment le duo offensif, Jana Coryn étant reléguée sur le banc.
Il y a pas mal de monde, j’ai vu je ne sais plus où que près de 2700 spectateurs étaient présents, ça se peut bien. On compte quelques lyonnais, bruyants et colorés, sur la droite de la tribune. L’animation est assurée par Mickaël Foor. Mais qu’est-ce qu’il fait froid, ça ne devrait pas être autorisé. Il neigeote.
Pour tout vous dire, j’avais décidé d’emblée que je ne ferai pas un compte-rendu comme à l’accoutumée, avec un descriptif détaillé des meilleures actions du match, partant du principe que le scénario du match risquait de fort mal se prêter à ce genre d’exercice. Et, de fait, il n’y a pas eu de match. Pas même la possibilité de tenir le 0-0 pendant 20 minutes. Après 11 secondes, il y avait déjà 0-1 suite à un centre côté gauche et une reprise dans les 6 mètres. Après 11 minutes, c’était 0-3, sans compter déjà 2 beaux arrêts d’Elisa Launay et un bien vilain tirage de col de Jessica Lernon sur une adversaire à 18 mètres du but lillois. À la demi-heure, c’est 0-4.
En fait, devant un tel spectacle, on est tiraillé entre sensation pénible de voir les nôtres en difficulté dans un match si déséquilibré, et une certaine admiration pour les Lyonnaises, donnant pour la plupart la sensation d’être des athlètes d’une autre division. Au cours de cette première période, on ne compte plus le nombre de fois où, en quelques passes, elles parviennent à se retrouver à 4 derrière notre défense sans être hors-jeu, tant elles sont rapides, se permettant même de jouer avec nonchalance quelques face-à-face avec Launay, qui fait comme elle peut pour sauver son but (6e, 16e, 18e, 27e, 43e). À la 20e minute, elles sont même 3 Lyonnaises seules aux 6 mètres à ne pas parvenir à franchir la gardienne lilloise.
Côté lillois, très peu d’occasions de se mettre en valeur : seules deux occasions de Demeyere, qui frappe juste à côté (9e), puis de Sarr (18e) réchauffent un peu l’atmosphère, rendue encore plus froide avec la blessure de Bultel, remplacée par Coryn à la 31e. Puis, à l’entame du temps additionnel, Rachel Saïdi chipe un ballon à 40 mètres, transmet à Sarr qui combine bien avec Coryn et remet dans la course d’Ouleye : celle-ci frappe à ras de terre et le ballon file tout doucement vers le but avec l’aide du poteau : 1-4 !
Le LOSC met un but contre Lyon, et l’air de rien c’est un petit exploit. Voilà le 4e but encaissé par l’OL cette saison. Pour se la péter un peu, si vous voulez vendre l’équipe du LOSC à quelqu’un qui ne connaît pas trop comment fonctionne le championnat féminin, vous pouvez lui claironner que Lyon a encaissé 25% de ses buts à Lille, sans autre précision, ça sera du plus bel effet.
On a piqué ce GIF sur ce compte twitter (si ça ne se lance pas automatiquement, cliquez dessus)
La seconde période est longue et froide. Il me semble que Saïdi, Dali et Bauduin ont reculé d’un cran, mais cela ne change pas grand chose à la déferlante. Il ne neige pas assez pour assister à une avalanche, mais on a à défaut une avalanche de buts. À 1-7, la deuxième gardienne, Floriane Azem, entre, ce qui est une excellente idée, mais pondérée par le fait que, du coup, l’autre gardienne sort. Elisa Launay cède en effet sa place après s’être fait mal dès la première période. Ça fait beaucoup, et La Villa s’est aussi blessée après son entrée en jeu ; je propose d’inventer l’expression défaite à la Pyrrhus.
À la 59e, alors que le score est désormais de 1-8, Sarr réalise un bel enchaînement dans la surface de réparation adverse : elle enroule pied gauche et la gardienne claque joliment en corner.
Quelques minutes plus tard, l’entraîneur du LOSC use d’un grossier stratagème, en laissant traîner sur le terrain un sac plastique. Le but de la manœuvre ? Emballer le match, bien entendu.
Deux buts en fin de match, dont un au cours de 3 minutes additionnelles qu’on aurait pu s’éviter, ponctuent la soirée. Bon, on l’a écrit au début, le championnat des Lilloises ne se joue pas contre le top 3, mais 1-10 à la maison, ça fait mal.
Un « 1-10 », chez vous
On peut tout de même trouver quelques satisfactions : malgré 7 buts pris, Elisa Launay a encore eu l’occasion de montrer ses qualités ; Laëtitia Chapeh ne s’est pas laissé remuer, Héloïse Mansuy a été plutôt convaincante, et Ouleye Sarr a su se montrer dangereuse sur quelques occasions et remontées de balle. Surtout, on voudrait insister sur le comportement de Kenza Dali, qui a été admirable dans les 20 dernières minutes, malgré l’ampleur du score : outre sa grande activité la plaçant tantôt milieu offensive, tantôt à la même hauteur que Demeyere, on l’a vue beaucoup parler pour encourager, conseiller et placer ses coéquipières moins expérimentées et parfois débordées. Elle est très juste techniquement, et c’est aussi pour sa capacité à mobiliser le groupe dans les moments difficiles que son apport est crucial.
Espérons que les filles relèvent vite la tête ! Mais personne ne leur en veut d’avoir pris une telle déculottée. Prochain match dans deux semaines à Rodez, pour le retour au championnat « normal ».
Les compte-rendus des matches précédents :
Lille-Bordeaux : Et Sarr commence !
Lille-Albi : ♫ Albi à Lille, Albi-bi à Lille ♫
Lille-Marseille : Un nul peuchère payé
Lille Rodez : Si loin du compte
Lille-Soyaux : Une belle dernière : Soyaux Noël !
Lille-PSG : Une défaite, mais avec la manière
Lille-Paris FC : Paris tenu à Lille
Lille-Fleury : Lille-Fleury, mais lentement
Marseille-Lille : Le LOSC craint dégun
Posté le 17 mars 2018 - par dbclosc
D’un envahissement à l’autre…
Comme il est loin, le 29 juillet 2017… ! Ce soir-là, le club organisait son « fan-day » : une sauterie en grande pompe pour présenter le LOSC nouveau version Marcelo Bielsa : DJs, animations, goodies, pom-pom girls (!1) présentation des nouveaux joueurs, entrant sur la pelouse accompagnés de flammes, triomphe pour Marcelo Bielsa, causerie du président Lopez… Il y a même eu du football : 25 000 personnes pour un match amical du LOSC, du jamais-vu. Les Dogues battaient Rennes par 4-2, Luiz Araujo crevait l’écran et, grisés par tant de paillettes (à défaut de Payet), les supporters croyaient en leurs rêves d’un LOSC spectaculaire, qui allait titiller les premières places.
7 mois plus tard, le 10 mars 2018, la colère a éclaté : quelques dizaines de spectateurs ont envahi la pelouse du stade Pierre Mauroy pour, on le suppose, manifester leur exaspération face au spectacle offert depuis cet été plein de promesses. Les résultats ne sont pas satisfaisants, bien sûr. Mais pour que la colère se manifeste de cette manière après un nul contre Montpellier qui, d’un seul point de vue sportif, même à domicile, ne constitue pas une contre-performance, c’est qu’il y a donc autre chose. Et peut-être même que l’essentiel est ailleurs. À ce titre, cet envahissement de terrain est probablement inédit dans ses motivations.
Au stade de la violence
De mémoire, il nous semble que le dernier envahissement de terrain « hostile » de spectateurs lillois à domicile remonte au 1er mai 1999. C’était contre Amiens, en deuxième division. Après des années de tristesse sportive, ponctuées par la descente en 1997, le LOSC avait aussi exaspéré. Sportivement. Une première montée ratée en 1998 alors qu’elle nous tendait les bras. Le terrain avait aussi été envahi (pendant le match) au cours de cette saison 97/98 lors de la réception de Troyes (0-2) en février. Le début de la saison suivante est désastreux. Chez les supporters, là aussi, de la violence : que l’on se rappelle que l’entraîneur Thierry Froger a été agressé à l’entraînement par un supporter en août 1998, y laissant deux dents. Froger avait ensuite été pris à partie en plein match lors de Lille-Cannes en septembre 1998 : libres de leurs mouvements et sans opposition, des spectateurs s’étaient déplacés jusque derrière son banc pour le frapper à coups de pied.
4 septembre 1998 : les sièges volent à Grimonprez-Jooris
En ce soir de mai 1999, le LOSC a remonté la pente, et la réception d’Amiens, qui joue sa peau pour se maintenir est le match de la dernière chance. C’est même le match idéal. Mais malgré une domination infernale, Lille ne marque pas… et encaisse même un but en fin de match sur une erreur défensive. Le match est perdu. Lille ne retrouvera pas la D1.
Deux envahissements de terrain, deux situations similaires en apparence. Les images et les réactions sont les mêmes. Aux uns, l’exaspération, la colère, la violence. La terrible impression de l’effet de groupe. Les métaphores animales (« la meute »). Aux autres, l’appel à la modération, au calme, à la raison. Depuis la chaleur des vestiaires. Avec des mots qu’ils ont eu le temps de penser puis d’exprimer posément. Passion contre raison, schéma binaire qui permet de dénigrer les premiers et de les reléguer au rang de « pseudo-supporters », leur faisant porter la responsabilité de la déliquescence des valeurs promues par le club.
Un nouvel âge de la mobilisation ?
Et pourtant, peut-on affirmer que ce qu’il s’est passé samedi soir à Lille relève des mêmes logiques que les lamentables incidents d’il y a 19 ans ? Nous avançons l’hypothèse que non.
En mai 1999, c’en était trop de voir défiler ces équipes incapables de jouer mieux que la 15e place en D1, puis incapables de remonter en D1 avec pourtant un effectif taillé pour : trop de déceptions accumulées, trop de lacunes dans l’effectif, trop d’impatience à retrouver l’élite. En somme, une violence en réaction à des déboires sportifs. Mais fondamentalement, la situation du club lillois incitait largement à l’optimisme. En coulisses, le président Bernard Lecomte, arrivé par défaut en 1993 pour éponger une dette colossale qui semblait promettre le LOSC à la disparition ou à la fusion-absorption avec Lens, est en passe de réussir son pari. Le LOSC n’est plus endetté et, depuis son arrivée, Bernard Lecomte a régulièrement expliqué sa stratégie financière en toute transparence dans la presse régionale et dans le bulletin officiel du club. On y adhérait ou non, mais Lecomte jouait cartes sur table, et avec l’aval de la DNCG, confiante dans les capacités du président à redresser le club, au point de lui accorder à plusieurs reprises une certaine latitude dans l’interdiction globale de recrutement qui a pesé sur le LOSC de 1993 à 1996. Si le LOSC semblait donc échouer sur le terrain en mai 1999, Bernard Lecomte s’apprêtait à passer la main et à ouvrir la voie à la privatisation du club, fort du devoir accompli : le LOSC n’est pas mort. Désormais, au sportif de suivre, et Vahid Halilhodzic le fera avec le brio que l’on connaît.
En 2018, on ne peut pas se satisfaire de la 19e place. Évidemment. Mais le (relatif) aléa sportif fait partie du jeu. Quand on s’engage dans une compétition, il est possible de descendre dans la division inférieure. Certains ne l’acceptent pas, et c’est assez terrifiant. À Lille comme ailleurs, il y en a toujours eu de cette espèce, prête alors à demander des comptes directement.
Mais il y a fort à parier que la fureur de samedi soir voulait aussi dire autre chose. Et on peut la comprendre.
Entendons-nous bien, pour lever les malentendus qu’une tentative de discours critique d’énonciation peut susciter. Ne pas excuser, ce n’est pas ne pas chercher à comprendre, contrairement à ce que penserait probablement Manuel Valls. Expliquer et comprendre, c’est se donner les moyens objectifs de saisir les raisons profondes de ces actes, et faire en sorte que ce qu’une société, collectivement, qualifie de « débordements » ne se reproduise plus, puisqu’en en ayant trouvé les causes, la rationalité supposerait qu’on ne les renouvelle pas sous peine d’aboutir aux mêmes effets indésirés.
Alors écrivons-le clairement : quoi qu’il se passe sur et en-dehors du terrain à Lille, rien ne peut excuser que des spectateurs aient ainsi pénétré sur le terrain, et de surcroît pour agresser physiquement les joueurs. Les faits sont graves. Il revient désormais à la justice de prendre le relais et de qualifier ces faits tels que les textes juridiques le prévoient. Et comme dans tout État de droit idéalement constitué, d’éventuelles sanctions tomberont. Reste seulement à espérer que des débats judiciaires sereins puissent se dérouler dans un contexte où la répression envers de nombreux groupes de supporters, ne serait-ce que pour avoir ce droit de se déplacer, est devenue la norme. Sans compter les avis définitifs de quelques consultants et autres éditorialistes qui assènent, sur ce sujet comme sur d’autres, plus qu’ils ne démontrent ou n’invitent à la réflexion, considérant en général « les supporters » comme une réserve d’indiens dont ils ne connaissent ni les codes, ni les préoccupations, ni la (contre-)culture, et sur lesquels il convient de taper dès lors qu’ils sortent de leur rôle pittoresque d’ambianceurs colorés et folkloriques (sur lesquels on peut toutefois s’appuyer pour servir une stratégie de communication de crise, comme ça a été le cas la semaine dernière à Luchin).
Du public à la privatisation
Mais une fois que l’on a énoncé cela et adopté une posture somme toute sans risque, que fait-on ? On a souvent l’occasion de l’écrire : au-delà des souvenirs qu’on raconte ici et des articles qu’on écrit qui se veulent rigolos, on tente, dans la mesure du possible, de regarder notre club de manière globale, en le replaçant dans l’environnement dans lequel il évolue, en partant du principe que le foot n’est pas imperméable à son environnement social, politique, économique… Et qu’il en est à la fois un précurseur et un révélateur. Il ne nous semble ainsi pas exagérément audacieux d’énoncer que les événements de samedi disent quelque chose du LOSC bien sûr, mais aussi de l’état du foot. Pas de chance : le LOSC est devenu ce que le football peut produire de pire. Une caricature. Et le processus a été enclenché bien avant l’arrivée de Gérard Lopez à la présidence du club. On avait déjà eu l’occasion d’évoquer la façon dont le club actualisait son héritage, stratégie inévitable mais qui a pris une dimension plus commerciale depuis bien des années. Difficile de dater précisément un point de rupture, mais il est indéniable que la privatisation du club amène autour de celui-ci un autre type de dirigeants, socialement parlant, loin des présidents proches de la mairie quand le club était dans le giron du public, et généralement recrutés, comme bien souvent ici pour ce qui concerne le patronat du Nord, parmi la bourgeoisie catholique, comme par exemple Bernard Lecomte (ci-contre), dirigeant multi-situé dans la région et notamment patron de la Générale de Chauffe (devenue Dalkia). Le duo Dayan/Graille inaugurait l’arrivée d’« entrepreneurs » ou d’« investisseurs » aux objectifs bien différents, correspondant au statut juridique et économique d’un club lui-même en évolution. Ayant davantage assuré une transition financière, le duo n’a pas laissé d’empreinte durable au LOSC.
Perte d’ancrage
C’est surtout la présidence Seydoux, à partir de 2002, qui a amorcé une nouvelle ère, celle de la privatisation complète du club. Ère qui a renforcé la tendance et introduit des logiques déjà presque purement commerciales, avec des dirigeants rompus aux exigences (supposées) de l’image (M. Seydoux est issu du monde du cinéma), du fonctionnement du marketing privé, de la communication et de la publicité. Symbole : le changement de logo en 2002, manière classique de marquer une césure et de laisser une empreinte personnelle, changement de logo accompagné d’un courrier aux abonnés dans une novlangue libérale et publicitaire dont on aurait très bien pu intervertir les mots ou leur donner un sens inverse que ça n’aurait pas signifié grand chose de moins. Plus récemment, et notamment à l’occasion de l’entrée dans Ch’gros stade, le club a misé sur la création d’un clip promotionnel diffusé avant les matches. Dans ce clip, un condensé d’histoire et de clichés, dans la logique des story-telling : identification de mythes fondateurs, inscription dans l’histoire régionale, recours à l’émotion, mise en avant de valeurs, autant d’éléments qui sont censés faire correspondre une entreprise privée aux valeurs de travail (supposées) de sa région. C’est en somme l’exemple typique de la volonté de création d’un imaginaire, d’une culture d’entreprise, c’est-à-dire créer du consensus, stratégie intéressante pour une entreprise qui a évidemment intérêt à minimiser les oppositions et à faire croire qu’on (joueurs, dirigeants, partenaires, supporters) est tous dans le même bateau, en ne mettant en avant que la dimension sportive, précisément au moment où le club semblait aussi montrer sa capacité à être avant tout une remarquable entreprise de transferts aux montants toujours plus élevés. Cette recherche d’ancrage historique et régional était d’autant plus dissonante qu’elle semble s’affirmer au moment où toutes les valeurs revendiquées donnent l’impression de disparaître. Hormis quelques exceptions comme Stéphane Dumont (parti cet été…), quel joueur du coin a effectivement revendiqué un attachement sincère au club ?
« Michel Seydoux, qu’est-ce t’as fait des sous ? », question récurrente entendue dans le stade depuis le titre. On en avait parlé ici : après un titre sans doute trop précoce, explosion de la masse salariale, des primes, transferts onéreux… Le déficit à l’issue de la saison 2011-2012 est de 45M€. L’entrée dans le grand stade, son coût exorbitant, la surestimation de ses revenus, n’ont rien arrangé. Cette période Seydoux/Garcia que l’on a tendance à ne regarder que sous le seul angle sportif, est bel et bien catastrophique sur d’autres plans et sur ce qui a longtemps été une marque de fabrique du club : la formation, que Rudi Garcia a abandonnée au profit de joueurs immédiatement « performants » (et donc chers), stratégie que l’on le paye encore aujourd’hui. Quand on entendait Rudi Garcia dire en octobre « J’espère que ce club n’est pas en train de perdre ses valeurs », ça nous faisait tout de même amèrement rigoler.
Si M. Seydoux comptait rester 10 ans lors de son arrivée, l’entrée dans le Grand Stade l’a probablement contraint à rester, et ainsi il n’est sans doute pas resté par choix, comme il le prétend. On peut notamment supposer qu’il n’y avait pas d’acheteurs, malgré la (relative) bonne tenue financière du club à ce moment-là. Le problème est que le stade est démesuré et que Seydoux avait probablement déjà exploité tout son réseau, ce qui n’a fait que renforcer les premiers déboires économiques et sportifs. Quand Digne (2013), Origi (2014), Traoré (2015) ou Boufal (2016) partent après une saison (plus ou moins) pleine, ça n’est pas un choix sportif : c’est déjà une question de survie. La situation du LOSC en janvier 2017 ne permettait sans doute pas de refuser l’offre de Lopez, quel que soit son projet : Dominique Rousseau rappelle quelques chiffres éloquents, datant de juin 2016 : 8,1 M€ de déficit, 56,1 M€ de dette financière, 38,5 M€ de déficit structurel d’exploitation. Dominique Rousseau parle de Michel Seydoux comme d’un « pompier pyromane » : on se contentera de rappeler que, dans la période actuelle, chacun devrait prendre sa part, et que les sorties médiatiques récentes de M. Seydoux passent difficilement pour autre chose qu’un grossier contre-feu quant à ses propres responsabilités.
Et arrive donc Gérard Lopez, dont on n’a pas voulu à Marseille. Au sein du blog, on a rapidement été méfiants. Deux semaines après le début la présidence de Lopez, on se demandait si ça n’était pas 20 ans de LOSC qu’on assassinait. Les différentes enquêtes de Mediapart, Médiacités et France 3 Nord ont confirmé nos craintes et fait du LOSC le nouveau terrain de jeu d’hommes d’affaires qui échangent via des circuits financiers mondialisés et illisibles, contribuant à réduire à peau de chagrin l’ancrage local et les traditions du club.
Lille, avant-garde du foot-business
Au sang et aux larmes promises en son temps par Vahid (ce n’est pas une image), à la patience, à la formation, au projet de jeu longuement maturés par Puel, succèdent aujourd’hui des envies de résultats immédiats. Et pour être immédiatement performants, tous les moyens sont bons : méthodes opaques (on ne comprend RIEN à l’origine des fonds de M. Lopez, au point qu’on se demande parfois s’il en a effectivement), à l’éthique financière douteuse (Mediapart et Médiacités ont souligné les manœuvres offshore, les soupçons de blanchiment, les sociétés-écran et l’hypothèse de fonds vautour sur lesquels s’appuierait Gérard Lopez), à l’éthique sportive dévoyée (spéculation sur des joueurs mineurs, rupture du pacte de non-agression concernant les centres de formation). Et n’oublions pas que précédemment les conditions du transfert de Nicolas De Préville via Ostende en 2016 n’ont pas forcément été très appréciées, et ont pu laisser des traces. Mais c’était légal, dirait Fillon.
Insistons aussi sur cette dimension fortement spéculative autour du recrutement des joueurs qui tranche avec ce que l’on a connu par le passé. Dès janvier 2017, G.Lopez recrute 7 joueurs ! C’est trop, parce qu’avant de construire une équipe, Gérard Lopez nous exhibe ostensiblement sa capacité d’investissement. Il sort ses muscles pour ne pas dire qu’il sort autre chose. Comme si pouvoir se payer des joueurs était une finalité en soi. On peut toujours espérer que cette stratégie, proche sur ce point de celle adoptée à Monaco, porte ses fruits. Il n’empêche, c’est une stratégie qui, même si elle était efficace, ne nous convient pas bien : on pense les joueurs comme des produits, des « actif », en misant sur d’importantes plus-values sur certains, qui remboursent les inévitables échecs. Le problème éthique réside notamment dans le fait qu’un tel système sacrifie certains (ceux qui ne trouveront pas leur place et risquent d’avoir du mal à rebondir ensuite) et porte aux nues ceux qui réussissent, et ce uniquement parce qu’ils « rapportent ». Un club de foot dont la fin ultime est de rapporter de l’argent en faisant de ses joueurs les moyens de parvenir à ce but.
On pourra certes dire que les dirigeants lillois, depuis un peu plus d’un an, ne font qu’exprimer une stratégie commerciale, en des termes cyniques et crus. La nouveauté réside non pas dans l’affirmation du rôle central des investisseurs comme supports financiers aux objectifs sportifs (on a vu plus haut que Seydoux a été confronté à ce problème, et on pourrait remonter aux maintes fois où le président Lecomte a tenté de mobiliser le tissu économique régional derrière le LOSC dans les années 1990), mais dans l’inversion des priorités entre objectifs sportifs et objectifs financiers.
Un club de football est une organisation humaine
Le problème est bien qu’un club de football ne peut pas se réduire à un pari financier, et d’autant plus quand, manifestement, on ne prévoit pas que le business-plan soit apparemment à côté de la plaque, et uniquement pensé comme tel, sans un minimum d’attention au relations humaines et à ce qui constitue la base de ce que doit être aussi un lieu de travail : un lieu de socialisation et d’intégration des individus, que ne peuvent suppléer des artifices de communication tels que #LOSC Unlimited (succédant au tout aussi ridicule #WeAreLOSC).
Que les Mavuba, Béria, Enyeama et autres Basa soient écartés peut se justifier sportivement. Mais humainement, c’est évidemment scandaleux. Certains ont été des acteurs majeurs des deux premiers trophées majeurs du club depuis les années 1950. Ils font partie de l’histoire du club et sont soudainement déconsidérés et poussés vers la sortie. Quelles que soient leurs performances récentes (y compris les autres ex-lofteurs), la méthode est détestable et humiliante et révèle le management « humain » de personnes qui ne raisonnent qu’en termes de chiffres. De son côté, Marcelo Bielsa, dont on reconnaît aisément que l’arrivée nous avait excités, a élaboré une conception quasiment eugéniste de l’effectif, imaginant que sa jeunesse permettrait de le modeler à sa convenance et sans résistance, et que l’on pourrait l’entraîner à partir de statistiques et de modèles mathématiques. L’accumulation des ces erreurs nous place désormais en position de relégable.
Et quand la relégation sportive se pose pour le LOSC, c’est bien désormais sa survie qui est en jeu. Très dépendant de résultats sportifs à court terme, le projet Lopez est-il viable en L2 ? Presque inaudible y a quelques mois, la question se pose de plus en plus. Censée rassurer sur l’attrait du club malgré ses difficultés, la présence d’investisseurs potentiels samedi dernier rappelle combien le LOSC est à la recherche de liquidités.
Sentiment de dépossession
Face à des évolutions du football dont le LOSC est devenu une illustration très poussée, le sentiment de dépossession est très fort. Il est d’ailleurs étonnant que les supporters ne se soient pas manifestés plus tôt, car ce qui éclate aujourd’hui parce que les résultats ne sont pas là est connu depuis bien longtemps. On peut bien entendu avoir une confiance de principe envers les repreneurs, confiance presque contrainte tant il est difficile de comprendre précisément ce qui se joue si on ne maîtrise pas quelques opérations juridiques et financières complexes. Mais cette technicisation est aussi l’un des indicateurs de l’écart grandissant entre le club et son public. Puisqu’on ne saisit pas grand chose, que l’on n’a que rarement les éléments complets du mille-feuille politico-financiaro-administratif de tout ce merdier, seules des supputations ou méfiances peuvent être exprimées. Ce que font fort bien certains journalistes ou supporters critiques. Mais, par un étonnant réflexe de défense de l’institution, ce sont les journalistes qui révèlent les mauvaises nouvelles qui sont pris à partie sur les réseaux sociaux, accusés, en quelque sorte, de fomenter un complot contre le LOSC. Signalons d’une part que nous sommes les seuls habilités à décerner ce titre, et que d’autre part ce mécanisme corporatiste qui relève en partie de la psychologie – et qu’on peut largement comprendre – est tout de même problématique quant au rapport à la vérité des faits.
On a tendance à l’oublier, mais les supporters font partie d’un club. Ils sont même ceux qui témoignent de sa continuité, résistant aux départs et arrivées des joueurs et dirigeants. Et celles et ceux qui sont descendus sur le terrain samedi soir sont probablement les plus passionnés, donc les plus excessifs. Mais on peut supposer qu’ils et elles figurent parmi les plus anciens, et qu’ils fréquentent le stade lillois depuis bien avant l’arrivée de G. Lopez, et sont à ce titre bien placés pour avoir un avis sur le club. Il est regrettable qu’ils aient choisi de l’exprimer sur ce mode, mais on ne peut pas leur reprocher de revendiquer une place qui viendrait contrebalancer la toute-puissance décisionnelle de l’argent, qui peine de surcroît à s’incarner en M. Lopez, qui brille surtout par son absence et ses silences depuis les débuts de sa présidence, et laisse à M. Ingla le soin de répondre à la presse les soirs de crise.
Et les violences économiques, on en parle ?
L’analogie a bien sûr ses limites, mais on y trouvera, espère-t-on, également de la pertinence : dans un célèbre texte de sociologie historique des mouvements sociaux, Charles Tilly décrit 8 conflits, non-représentatifs de l’action collective en France, entre les XVIIe au XXe siècles. Leur point commun ? La façon dont on les rapporte : on parle de « violence », de « désordre », d’« émotion », d’« émeute ». ça vous rappelle quelque chose ? Mais ce que nous pouvons voir à travers un regard plus distancié, c’est l’évolution d’un répertoire d’action collective, expression qui permet de se démarquer du sens commun relayé par les autorités sous le terme de « violence », par exemple. Si la notion ne détaille pas l’ensemble des modes d’action, l’utilisation du terme « répertoire » laisse entendre une multiplicité de ces modes. Un répertoire d’action collective, ce sont les moyens mis en œuvre pour la réalisation d’une action collective. Et on peut dès lors rappeler que l’envahissement de terrain a été précédé par d’autres modes de revendication, moins violents, mais qui avaient un objectif commun : exprimer des craintes quant à la survie du club. Par des lettres ouvertes, des rencontres organisées avec les dirigeants, ou même de simples sifflets dans le stade. Ce qui ressort du texte de Tilly, c’est que l’usage de telle ou telle forme d’action collective dépend du contexte politique global. Les répertoires d’action évoluent en fonction du contexte économique et politique. Par exemple, l’action collective en France est devenue nationale quand la vie politique s’est elle-même nationalisée : on délégitime alors de même la violence privée à mesure que l’Etat de droit se construit. Le répertoire d’action correspond aux attentes de la société dans laquelle il se développe. Autrement dit, les mouvements de protestation en disent évidemment beaucoup sur celles et ceux qui les animent ; ils en disent également beaucoup sur la société dans laquelle ils s’expriment. Tout le monde ne dispose pas des mêmes ressources pour s’exprimer. Mais chacun a à son répertoire d’action la violence. En un sens, la violence observée samedi soir répond à la violence économique que symbolise M. Lopez. À système violent, réponse violente.
Inacceptable
Répétons-le : la violence est insupportable. Mais alors TOUTES les violences sont insupportables.
Le courroux tombe aujourd’hui en grande partie sur les « envahisseurs ». Dès qu’un public sort de son rôle, dès que des supporters cessent d’être identifiables à des poncifs idéologiques, alors ils sont considérés comme dangereux : ils envahissent les terrains, ils manifestent bruyamment, ils font sauter des pétards et des bombes agricoles, ils menacent verbalement et physiquement. De la même manière, quand des ouvriers protestent, leur violence est toujours visible et spectaculaire : ils brûlent des pneus, ils occupent des usines, ils séquestrent des patrons, ils arrachent des chemises de PDG.
On voudrait soumettre à votre réflexion cet extrait d’un discours de Jean Jaurès à la chambre des députés en juin 1906 :
« Les conditions de la lutte sont terriblement difficiles pour les ouvriers ! La violence, pour eux, c’est chose visible (…) Oui, la violence c’est une chose grossière, palpable, saisissable chez les ouvriers : un geste de menace, il est vu, il est retenu. Une démarche d’intimidation est saisie, constatée, traînée devant les juges. Le propre de l’action ouvrière, dans ce conflit, lorsqu’elle s’exagère, lorsqu’elle s’exaspère, c’est de procéder, en effet, par la brutalité visible et saisissable des actes. Ah ! Le patronat n’a pas besoin, lui, pour exercer une action violente, de gestes désordonnés et de paroles tumultueuses ! Quelques hommes se rassemblent, à huis-clos, dans la sécurité, dans l’intimité d’un conseil d’administration, et à quelques-uns, sans violence, sans gestes désordonnés, sans éclat de voix, comme des diplomates causant autour du tapis vert, ils décident que le salaire raisonnable sera refusé aux ouvriers ; ils décident que les ouvriers qui continueront la lutte seront exclus, seront chassés, seront désignés par des marques imperceptibles, mais connues des autres patrons, à l’universelle vindicte patronale. Cela ne fait pas de bruit (…)
La même opposition, elle éclate dans la recherche de responsabilités. De même que l’acte de la violence ouvrière est brutal, il est facile au juge, avec quelques témoins, de le constater, de la frapper, de le punir ; et voilà pourquoi tout la période des grèves s’accompagne automatiquement de condamnations multipliées.
Quand il s’agit de la responsabilité patronale – ah ! Laissez-moi dire toute ma pensée, je n’accuse pas les juges, je n’accuse pas les enquêteurs, je n’accuse pas, parce que je n’ai pas pu pénétrer jusqu’au fond du problème, et je veux même dire ceci, c’est quel que soit leur esprit d’équité, même s’ils avaient le courage de convenir que de grands patrons, que les ingénieurs des grands patrons peuvent être exactement comme des délinquants, comme les ouvriers traînés par des charrettes devant les tribunaux correctionnels, même s’ils avaient ce courage, ils se retrouvaient encore devant une difficulté plus grande parce que les responsabilités du capital anonyme qui dirige, si elles sont évidentes dans l’ensemble, elles s’enveloppent dans le détail de complications, de subtilités d’évasion qui peuvent dérouter la justice »
Est-ce que, du simple point de vue de la logique ou du raisonnement intellectuel, on peut admettre qu’à l’illégitimité de l’attitude de l’équipe dirigeante du LOSC, corresponde la légitimité de la violence qui s’exprime dans la révolte ? Il existe une violence légitime économique pour MM. Lopez, Ingla et Campos, et il existe une violence physique illégitime pour MM. Lopez, Ingla et Campos. La ligne de partage se fait selon des intérêts qui renvoient chez les individus à des considérations très personnelles, qui relèvent peut-être de l’intime, des sentiments, des émotions, dont on peut effectivement comprendre qu’elles débordent, et qui relèvent aussi, peut-être, d’une valeur générale que l’on pourrait nommer « éthique », et surtout de sa position au sein d’un système financier qui n’en finit pas de saper les bases de ce qui constitue notre attachement au football.
En 19 ans, d’un envahissement à l’autre, le LOSC a bien changé.
Dès lors, ce qu’il s’est passé samedi dernier, tout comme le 1er mai 1999, est inacceptable. Mais ce que le LOSC reflète aujourd’hui ne l’est pas moins.
FC Note :
1 On savait pas trop à quel moment placer ce « ! ». Là semble le mieux.
NB : on a pris la plume en début de semaine et avons pris le temps d’écrire cet article. Entretemps, d’autres, avec quelques nuances et probablement des désaccords, ont écrit des articles qui alimentent richement la réflexion : on vous renvoie notamment à cet article des Cahiers du foot, à celui de Marwen Belkaïd sur Au premier poteau, à celui d’Alexandre Pedro sur Le Monde, et à cette interview du sociologue Nicolas Hourcade dans Le Parisien.
Posté le 14 mars 2018 - par dbclosc
Silke Demeyere : « Sur le terrain, je me dois d’être agressive »
Depuis un an qu’on prend plaisir à aller voir régulièrement jouer les filles, il y en a bien une qui, à nos yeux, sort du lot, et peut-être l’avez-vous remarqué car il nous arrive de parler d’elle dans nos compte-rendus des matches de l’équipe féminine : c’est Silke Demeyere. Il est toujours difficile d’étayer objectivement ce qui fait qu’on aime particulièrement une joueuse, mais outre ses indéniables capacités à récupérer des ballons, à ne pas lâcher ses adversaires, à donner le sentiment d’être simultanément à plusieurs endroits du terrain et à être souvent très juste techniquement, Silke Demeyere a une attitude qui la rend forcément sympathique : elle court partout, elle surgit brusquement dans un duel, elle saute, elle met des coups, elle râle contre l’arbitre et les adversaires, tout ça avec un physique pourtant pas très impressionnant.
Dès notre premier match l’année dernière, nous avions repéré ses nombreuses qualités, alors qu’elle n’a pas le rôle le plus exposé : elle est une sorte de milieu défensive récupératrice et relayeuse, ce qui se traduit par le n°6 dans son dos. Si, chez les mecs, tous les Belges du LOSC sont attaquants, chez les filles, c’est plus diversifié : Jana Coryn perpétue cette tradition devant, mais en plus de Silke au milieu, on a Maud Coutereels derrière. Lors de notre tout premier compte-rendu (c’était lors du premier match contre La Roche-sur-Yon, celui gagné 5-1), on avait écrit à son sujet : « mention spéciale pour Silke Demeyere : celle-là, c’est un crack : une activité débordante, teigneuse, un grand nombre de ballons récupérés, au-dessus techniquement. Silke Demeyere, t’es la meilleure ». Puis, lors du match rejoué contre l’ESOF, nous n’avons pas été avare sur la prestation de Silke : « Silke Demeyere est toujours aussi monstrueuse au milieu (…) son activité et sa capacité à emmerder les adversaires nous font l’aimer particulièrement ».
Après l’obtention du titre de champion de D2 la saison dernière, le LOSC a recruté quelques joueuses au mercato, avec donc l’éventualité que Silke soit mise en concurrence au milieu de terrain, avec par exemple les arrivées de Julie Pasquereau, Héloïse Mansuy ou Aurore Paprzycki. Sur le principe, on peut bien évidemment considérer que c’est là l’évolution « normale » d’un club ambitieux qui veut faire en sorte que ses joueuses soient bousculées. Et ce que nous pressentions après avoir assisté à quelques matches amicaux s’est vérifié lors de la première journée contre Bordeaux : Silke n’a pas commencé la saison comme titulaire. Une tristesse que nous avions exprimée en nous basant sur un extrait de discours d’Emmanuel Macron, qu’on va d’ailleurs remettre parce que c’est vraiment drôle : qui aurait cru que le président s’engagerait de la sorte ?
« Ce que je veeeeeuuuux
C’est qu’on titularise Silkeeeeeee »
Ainsi, après un début de saison intermittent, reflet aussi des tergiversations et tests pour une formule de jeu idéale, Silke Demeyere s’est particulièrement illustrée à Fleury début octobre. Remplaçante, elle entre à la mi-temps, et si Fleury ouvre le score d’emblée, Silke sonne la révolte en provoquant l’égalisation d’une adversaire contre son camp, puis en étant à l’origine de la plupart des offensives lilloises.
Depuis la fin de l’année civile, Silke Demeyere est ainsi de nouveau solidement installée au milieu de terrain, et forme avec Julie Pasquereau un duo efficace à la récupération, pour notre plus grand plaisir. Sa stabilisation au milieu correspond au moment où Jérémie Descamps semble dégager une équipe-type, dont les prestations sont bien meilleures dans le jeu, même si la traduction en termes de points ne suit pas suffisamment cette réelle progression. Silke a même inscrit son premier but en D1 française il y a quelques semaines contre Fleury !
Depuis le temps qu’on en avait envie, nous avons donc sollicité Silke Demeyere pour pouvoir nous entretenir avec elle, ce qu’elle a accepté très rapidement, pour notre plus grande joie. C’était un peu avant la victoire à Marseille. Nous avons donc tenté d’en savoir plus sur elle, sur son parcours, et sur ses objectifs, aussi bien en club qu’en sélection, à l’approche de la coupe du monde en 2019. L’occasion de vérifier que Silke est très (trop ?) discrète. Elle s’excuse souvent pour son français qu’on comprend parfaitement. Elle se met peu en valeur. C’est aussi ce qui la rend si attachante. Mais ce serait dommage que sa modestie desserve son talent.
On va commencer par une question très courante : comment on en vient à jouer au foot, en Belgique, dans les années 2000 ?
J’ai commencé le football vers 9, 10 ans. D’abord avec mon frère dans le jardin, puis à l’école avec des garçons, ou dehors avec les voisins. J’ai toujours fait beaucoup de sport : tennis, judo, natation, gymnastique… Un jour, j’ai fait un tournoi avec l’école, et il y avait l’entraîneur d’Harelbeke, c’est là où j’habitais. Il m’a repérée et m’a demandé si je voulais venir dans son équipe. Au départ, mes parents n’étaient pas très favorables à ce que je fasse du foot : le foot féminin était encore assez peu développé. Mais il a su les convaincre. Et moi, je voulais jouer au foot ! J’ai donc commencé à jouer en club à ce moment-là, avec des filles. J’y suis resté 7-8 ans.
Donc dès l’âge de 9-10 ans, tu as trouvé une équipe entièrement féminine ?
Oui ! Il y avait aussi une équipe de garçons, et d’ailleurs ils voulaient que je joue avec eux. Mais ma mère ne voulait pas. Et moi je ne voulais pas vraiment non plus parce que je ne connaissais personne, et parce que je préférais jouer avec des filles. Voilà comment j’ai commencé à Harelbeke, c’était mon village et c’était donc naturel pour moi.
« Mon ambition a toujours été de voir plus haut »
Est-ce que, quand tu étais plus jeune, tu t’intéressais au football professionnel ? Tu supportais un club par exemple ?
Oui, je supportais Anderlecht ! Encore aujourd’hui, je suis ça de loin – je regarde surtout les matches de l’équipe nationale – mais quand je regarde du foot, je soutiens Anderlecht. J’ai pourtant joué à Bruges, alors que Bruges et Anderlecht sont deux clubs rivaux ! Mais cette rivalité n’est pas aussi forte chez les filles. Harelbeke a une histoire en première division, mais pas quand j’ai commencé le foot. Mais j’ai eu l’occasion eu jouer dans le grand stade d’Harelbeke avec l’équipe féminine. Nous aussi on était en première division… Mais maintenant le club est vraiment descendu.
Est-ce que t’as des modèles dans le football ? Des garçons ou des filles, mais des jeux que tu regardes pour essayer de refaire ça sur le terrain ?
Non, pas vraiment. J’aime bien Messi, mais pas parce que je veux jouer comme lui ! J’aime bien le regarder à la télé.
À quel moment tu t’es dit que le foot allait prendre de l’importance dans ta vie ?
Je pense que c’est au moment où j’ai intégré l’équipe première d’Harelbeke. J’avais 15-16 ans, c’est là que j’ai commencé à regarder plus haut. C’est sans doute aussi parce que j’ai commencé à être sélectionnée en équipe nationale. J’ai arrêté pendant un temps la sélection en U17, puis j’ai repris en U19. Personne ne m’a vraiment dit : « tu vas avoir une carrière et tout » ; c’était une ambition personnelle. Je crois que c’est moi-même qui voulais voir plus haut. À partir de cette période, à chaque fois que j’ai changé de club, c’était pour atteindre un niveau supérieur : Zulte-Waregem, Bruges, Lierse, Lille.. Le niveau a toujours monté d’un cran.
Que valait le foot féminin à Zulte-Waregem quand tu y es arrivée ? On sait que ça travaille très bien chez les garçons grâce à Franky Dury. Tu étais avec Tessa Wullaert là bas ?
Oui, avec Tessa et Jana [Coryn]. Zulte-Waregem était plus professionnel qu’Harelbeke, ça c’est sûr. J’y suis arrivée au moment de la fusion entre Zulte et Waregem, c’était une nouvelle équipe ! Zulte-Waregem est un nom plus prestigieux qu’Harelbeke. C’était une nouvelle équipe et on avait une bonne équipe aussi !
Peut-être qu’on peut revenir rapidement sur chacun des clubs dans lesquels tu as joués alors…
Après Zulte-Waregem, j’ai rejoint le FC Bruges. Quand tu dis que tu joues à Bruges, tout le monde connaît. J’y suis restée 3 ans, de 2012 à 2015. On a disputé deux finales de coupe de Belgique, qu’on a perdues… On avait une jeune équipe, une équipe forte. Malheureusement, le club s’est désinvesti du foot féminin : les dirigeants ne voulaient plus donner d’argent pour les femmes. Aujourd’hui, le club existe toujours mais il ne figure plus au plus haut niveau. Je pense que si on avait gardé cette équipe durant plusieurs années, on aurait vraiment pu être championnes. J’étais aussi avec Jana, et on avait aussi quelques filles de l’équipe nationale.
C’est donc en raison du manque d’investissement des dirigeants que tu as décidé de partir au Lierse ?
Oui, mais avant même ce manque d’implication dans le maintien du foot féminin de haut niveau à Bruges, j’avais déjà décidé de partir. Le Lierse, c’était encore plus professionnel. C’est pour ça que je suis partie là-bas. Toujours avec Jana ! C’était court, on y est restées 1 an. Mais on a enfin gagné la coupe de Belgique ! C’est mon premier trophée. Enfin, j’avais déjà été championne de Belgique avec les jeunes à Harelbeke !
Silke Demeyere avec les maillots de Zulte-Waregem, du FC Bruges et du Lierse
Et alors tu as connu la BeNeleague1. Qu’est-ce que tu en penses ? Est-ce que c’est faisable chez les garçons ?
Nous, on a aimé la BeNeLeague ! On se déplaçait dans des stades plus impressionnants qu’en Belgique, et on rencontrait des équipes comme l’Ajax, Twente… Au début on était encore clairement inférieures. Mais lors de la deuxième année, on a fait de bons résultats ! On a même gagné 1-2 à l’Ajax ! Sur les 3 ans d’existence, Twente a été deux fois champion, et la dernière année le titre est revenu au Standard de Liège. La Beneleague n’a pas duré : ça occasionnait des coûts de déplacement plus importants pour les clubs ; les Néerlandais ont considéré que le niveau en Belgique était inférieur au leur, alors je crois que c’est pour cette raison qu’ils ne voulaient plus donner d’argent… Mais il est de nouveau question de la reconstituer. Chez les garçons aussi, je pense que ce serait intéressant de fusionner les deux championnats.
« J’ai bien fait de venir à Lille »
On en a déjà parlé avec Rachel Saïdi au mois d’août, toujours pour essayer de comprendre ce qu’est être footballeuse aujourd’hui : dans la mesure où tu n’es pas professionnelle et que tu ne gagnes pas ta vie avec le foot, que fais-tu quand tu ne t’entraînes pas ?
On a nos entraînements le soir. Si on était professionnelles, on s’entraînerait pendant la journée, ce serait mieux. Le foot, c’est le plus important pour moi ! À côté, j’ai un diplôme de professeure de sport, pour donner des cours dans des écoles, pour les enfants. J’aime bien faire ça, mais ce n’est pas facile de trouver un travail dans ce secteur. Je ne fais que des remplacements de 3 ou 4 mois, pour pallier l’absence de profs malades ou des congés maternité. En ce moment, je n’ai pas de travail mais je cherche un emploi à mi-temps, plus stable, pour pouvoir le combiner avec le foot. L’idéal, ce serait de travailler le matin, après je fais une sieste, et après je joue au foot !
Revenons à ton parcours. Tu débarques donc à Lille en 2016. Est-ce que tu peux revenir sur les conditions de ton arrivée ?
Des dirigeants du LOSC ont visionné une vidéo de la finale de la coupe de Belgique de 2016. Mais c’était pour Jana ! Et ensuite, ils sont venus voir un match de championnat, contre Gand, toujours pour voir Jana ! Ils m’ont découverte ce jour-là et après le match, ils ont voulu discuter avec moi. Ils voulaient que je vienne aussi.
On t’a présenté quel type de projet à l’époque ?
Le club était en D2. Jana et moi, on voulait vraiment aller en D1. C’était l’ambition du LOSC aussi, c’est l’objectif qui était présenté, dans un futur proche. Mais je pense que ce n’était pas vraiment prévu de monter dès la première année ! Mais c’est tant mieux !
Août 2016, match amical contre Zulte-Waregem ; première apparition de Silke Demeyere avec le maillot lillois (crédits photo : Allez Lille)
Est-ce que c’était un risque pour toi de rejoindre la deuxième division française ?
Rester en Belgique était aussi un risque. Le Lierse s’est dissous. J’avais quelques possibilités en Belgique, mais je voulais quelque chose d’autre, un autre défi, un autre pays. Je pense que j’ai fait un bon truc en venant ici ! Sur un plan plus personnel, Lille est à 30 minutes de chez moi. Je joue donc à l’étranger, mais c’est proche ! C’est top ! Je peux rester dans ma famille. Partir à Lille pour jouer la montée a été bien perçu.
Comment s’est passée ton adaptation à Lille ?
J’avais déjà fait du français à l’école, donc je comprenais bien. Mais pour formuler des phrases, c’était plus difficile ! Il a fallu s’adapter, mais on a vite été intégrées. Maintenant c’est mieux ! Les filles m’ont vraiment aidé, notamment Maud [Coutereels], qui parle français et néerlandais. Quand on parlait néerlandais entre nous, les filles voulaient aussi apprendre notre langue, c’était marrant !
Lors des premiers matches à Lille, qu’est-ce que tu penses du niveau en deuxième division ?
C’était plus physique, plus agressif ! En D2, c’était comme ça ! Si tu joues contre Le Mans ou n’importe quelle autre équipe, il y a la possibilité que tu perdes. Mais en Belgique, si tu joues contre le dernier, tu ne peux pas perdre… On a fait 0-0 au Mans, une équipe de bas de tableau. Le niveau est plus homogène en D2. Il n’y a pas eu un match où on a été complètement à l’aise. Il fallait vraiment jouer. C’est la différence avec le championnat Belge, où même en D1 on faisait des 8-0, 10-0… C’est pas cool, ni pour nous ni pour nos adversaires. Tu marques, mais tu ne donnes pas tout. Ici, tu dois vraiment donner tout. Et c’est ça que j’aime !
Quel souvenir gardes-tu de cette première saison à Lille, ponctuée par le titre ?
Le titre n’est pas venu facilement ! Et c’est ça que j’aime aussi ! C’était serré, jusqu’à la fin. Et puis il y a eu ce mauvais coup de La Roche, mais je pense que ça nous a rendu la victoire encore meilleure.
Si Lille n’était pas monté, qu’est-ce qui se serait passé pour toi ? Est-ce que tu serais restée ?
Je n’ai pas vraiment pensé à ça. Je voulais vraiment monter… Je voulais vraiment rester ici, parce que je suis bien ! On est montées, donc la question ne s’est pas posée. Mais je ne voulais pas revenir en Belgique, en tout cas si vite. Jouer un an seulement à l’étranger, puis revenir… J’aurais considéré ça comme un échec. Beaucoup étaient sceptiques au début, quand ils ont vu qu’on allait en D2, Jana et moi. Maintenant, on est en D1, donc on a convaincu tout le monde.
Contre le PSG en janvier 2018 (Crédits photo : Sportpix.be – Dirk Vuylsteke)
« J’aime aller au duel »
Quel regard as-tu sur la saison actuelle ? Elle est très incertaine…
On a une bonne équipe, vraiment. Et les recrues ont apporté un plus. On fait de bons matchs, mais il manque quelque chose. C’est peut-être un manque d’expérience. On a perdu des points importants. Contre les équipes comme Lyon ou le PSG, on a fait de bons matchs ! Mais… On n’est pas efficaces ! Et on prend des buts bêtes. J’espère vraiment qu’on se maintiendra et qu’on fera mieux l’année prochaine. En attendant, on travaille pour prendre des points.
Récemment t’as marqué ton premier but en première division ! De la tête ! Ça t’arrive souvent ?
En fait, en Belgique, chaque année j’ai marqué une fois de la tête ! C’est bizarre mais c’est vrai ! J’ai vu le ballon d’Ouleye, et j’ai couru comme ça, tchouk ! Mais je pense que c’est aussi la faute de la gardienne, elle est restée statique… Elle n’a rien fait !
Buteuse et félicitée par ses coéquipières (Crédits photos LOSC/Marc Van Ceunebroeck)
Peut-être que la tête est très bien placée aussi et que la gardienne ne s’est pas plantée ! Du coup, puisqu’on parle de ton but, on aimerait bien évoquer ton jeu, plus spécifiquement. Comment tu définis ton poste ?
Avant, je jouais n°10, et j’étais beaucoup plus « passeuse ». En Belgique, j’avais beaucoup plus de passes dé que maintenant. C’était plus facile aussi, c’est peut-être pour ça. Maintenant, Jérémie Descamps m’a reculée, je suis un peu plus bas. J’aime bien avoir le jeu devant moi, et j’aime bien le poste-là. J’aime aller au duel. Parfois, je joue à gauche aussi.
Ce qu’on se dit souvent, ce qui nous étonne toujours c’est le décalage… On ne se connaît pas plus que ça, mais tu donnes l’impression d’être très timide en dehors du terrain, tu ne te mets pas beaucoup en avant – tu nous le montres encore durant cet entretien – et sur le terrain tu es infernale !
C’est vrai oui. Il m’arrive d’être extravertie en dehors des terrains, mais en général avec les gens et les supporters, je suis calme. Mais sur le terrain, je me dois d’être agressive ! J’aime bien les matches comme ça ! Je ne suis pas grande, mais dans les duels je donne tout, et des fois je gagne mes duels aériens aussi, hein ! C’est mon jeu. L’entraîneur de l’équipe nationale m’a dit d’essayer d’être moins impulsive sur le terrain, de ne pas me jeter systématiquement. Quand je dois attendre, c’est pas vraiment mon jeu… Je n’aime pas rester à une place ! Par exemple, si je suis à gauche, je dois rester tout le temps à gauche… Mais je voudrais aller partout !
Nous, on s’est adaptés quand on restitue les compos
« Le sélectionneur me connaît… »
On voudrait revenir sur la sélection belge. On en a déjà parlé. Tu disais, t’as été sélectionnée chez les U17 la première fois ?
Nous d’abord c’est régional. J’étais toujours sélectionnée en équipe régionale, avec toutes les copines et tout ! Après ça, tu peux aller en National U15 et U17. J’ai été sélectionnée en U15 quelques fois, puis en U17, où j’ai arrêté. Mes parents n’étaient pas contents, mais bon !
Ah cette fois-ci ils étaient pas contents parce que tu arrêtais !
Oui ! Après c’était U19, j’ai été sélectionnée de nouveau et j’ai dit « OK, je vais essayer encore une fois ». Et c’était mieux ! Je connaissais plusieurs filles, donc c’était mieux. Après ça, c’était U21 et après l’équipe A, je crois que c’était lors de ma dernière saison à Bruges, en 2014/2015.
Nous militons activement pour l’impunité de Silke Demeyere sur les terrains de foot. Là, par exemple, il n’y a rien. Quel tirage de maillot ?
Depuis, tu es sélectionnée de façon intermittente. L’équipe de Belgique est si forte que ça pour se passer de toi ?
[Elle sourit. Il faut dire que c'est une bien malicieuse question] Je ne sais pas ! J’étais systématiquement sélectionnée lors de ma dernière année à Bruges, puis au Lierse. Je n’ai pas toujours joué, j’ai parfois fait seulement quelques minutes, mais j’étais sélectionnée. Mais à partir de mon arrivée à Lille, Ives Serneels ne m’a plus sélectionnée. Il est venu une fois l’année dernière. Je pense avoir fait un bon match, tout comme Jana et Maud. Il a pris Jana et Maud, et pas moi. Et là en janvier, j’ai été de nouveau sélectionnée, pour un stage à Tubize avec des joueuses jouant à l’étranger. C’était la première fois depuis quelques temps. Mais je n’ai pas été prise pour la Cyprus Cup. C’est son choix. Je fais des bons matchs. Le sélectionneur était là lors du match contre le PSG au stadium. Il a eu une impression positive et c’est pour cette raison qu’il m’a sélectionnée. Le plus important est de bien jouer pour le LOSC, continuer à travailler et à tout donner ici. Et alors peut-être que je serai récompensée par de nouvelles sélections à l’avenir. C’est ce que j’espère.
Merci à Silke Demeyere et à Frédéric Coudrais pour leur disponibilité.
FC Note :
1 La BeNeleague, en football féminin, est une compétition qui, durant 3 saisons (2012-2015) a été organisée conjointement par les fédérations belge et néerlandaise, à la place des deux championnats nationaux. Les formules et le nombre de participants ont varié sur les 3 saisons, mais le principe d’un championnat belgo-néerlandais est l’essentiel à retenir.
Posté le 12 mars 2018 - par dbclosc
Marseille/Lille : Le LOSC craint dégun
Soyez attentifs, voici une tranche de vie : lorsque j’ai décidé il y a 3 semaines de prendre quelques congés, j’ai sollicité ma chère Marseillaise Manon, qui a bien du mérite à m’héberger de temps en temps : « hé Manon (que je lui écris) ! Tu me prends sous ton toit quelques jours ? Le soleil manque à Lille, et Laurent Romejkon à tendance à dire qu’il est davantage dans le Sud que dans le Nord ! ». « Maaaaaiiiis oui ! » (qu’elle me répond). Je prends aussitôt mes billets, et me voici donc Marseillais du mercredi 7 au dimanche 11 mars : une affaire rondement menée. Puis, dans un élan de culpabilité, je consulte le calendrier footballistique : quels matches vais-je donc honteusement manquer, aussi bien chez les mecs que chez les filles ? Lille-Montpellier ? Bon… Ah, et puis les filles se déplacent, donc ça va. Elles se déplacent où au fait… ? À… Marseille ?!! Mais samerlipopette, c’est d’où que je serai aussi ! Voilà de quoi rentabiliser encore plus le séjour. Décidément, à Lille, on le sait mieux que quiconque : le Hazard fait bien les choses. « Allô Manon (que je lui dis) ? Bon dimanche 11, on va voir du foot féminin : c’est Marseille-Lille, et c’est obligatoire. Merci bien ! ». « Maaaaaiiiis oui !1 ». Et voici donc venir le premier déplacement pour match à l’extérieur de la section féminines couvert par DBC.
La cathédrale de la Major, dont le style néo-byzantin vous saute aux yeux
Depuis le dernier match contre Fleury, il y a eu une trêve internationale, et quelques-unes de nos joueuses ont rejoint leur sélection : les Belges Maud Coutereels et Jana Coryn ont disputé la Cyprus Cup : en phase de poules, la Belgique s’en sort avec une défaite, un nul (contre le futur vainqueur, l’Espagne) et une victoire (contre l’Autriche, et Coryn a marqué). Elles ont terminé 5e sur 12 en battant l’Afrique du Sud en match de classement.
En équipe de France A, Ouleye Sarr a disputé la Shebelieves Cup aux États-Unis, et n’a pris part qu’au match d’ouverture contre l’Angleterre (1-4). La France termine 3e sur 4.
Et enfin, Elisa Launay, Marine Dafeur et Kenza Dali ont remporté la Turkish Women’s Cup avec l’équipe de France B. Dali a notamment inscrit un doublé contre le Kazakhstan.
Pendant ce temps, deux matches amicaux ont été disputés à Lille, forcément en effectif réduit : le 25 février contre Lillers, pour une victoire 5-0 (un csc, Dolignon, Davy, Bauduin et Dellidj), et le 6 mars contre les U15 masculins de Lesquin : match nul 3-3 avec un doublé de Ludivine Bultel et une réalisation de Justine Bauduin.
Retour donc au championnat. Le cadre est assez joli, avec ces montagnes rocheuses et le soleil. Par contre, le stade est tout pourri : il ressemble davantage à une cour de prison avec un grand mur en béton derrière l’un des buts. D’ailleurs, on est juste à côté des Baumettes. Il porte le nom de Roger Lebert, adjoint au Maire de Marseille délégué à la Jeunesse et au Sport de 1947 à 1976. Bel hommage. Un supporter local me dit que ce stade n’est même pas homologué pour la première division : on n’y joue que lorsque que les adversaires acceptent ! Je ne sais pas sur quelle base juridique cet accord est fondé, mais c’est un cas intéressant. Par exemple, le PSG a accepté mais Lyon n’a pas voulu « et donc nous on va jouer à Nice, à Fos-sur-mer, ça dépend des fois ». Alala, ces clubs avec des problèmes de stade… !
Si l’on en croit le petit écriteau à côté du nom du stade, nous sommes identifié.es et attendu.es ! Bon, on s’appelle « les Dogues », et non « les chiens », mais l’attention est très appréciable.
Je me sens un peu seul au début. J’ai mis mon écharpe du LOSC, mais j’ai l’impression d’être minoritaire. Ah oui au fait, Manon n’est finalement pas là : elle traîne un sale truc depuis des jours, et la sortie de samedi l’a achevée. C’est ça d’avoir un boulot où on traîne avec des mioches (et une vie d’excès) ! Allez Manon, bon rétablissement !
Arrivent tout de même quelques camarades : la famille Demeyere plus quelques autres, apparemment particulièrement fans de Ludivine Bultel.
Côté Marseillais, de la couleur, des chants, des drapeaux, une buvette à 1,20€ le café, une sono mouvante sur roulettes qui diffuse Shakira, « ♫ tu seras machin mon fils ♫ », et d’autres styles qu’il est difficile de qualifier de « musique », mais ça fait du bruit. Il y a une dame avec un micro qui tantôt hurle des chants à la gloire de l’OM, tantôt raconte sa vie comme si elle se parlait à elle-même. D’ailleurs, c’est ce qu’elle fait car les gens s’en fichent apparemment.
C’est complètement caricatural ici : tout le monde se parle à des mètres de distance à coups de « hé ! » et de « putaing ! », ça se traite de « fada » et de « cong ». On se croirait dans un épisode d’Astérix.
Ça ne va pas fort à Marseille : après une saison 2016-2017 très réussie (les Marseillaises ont fini 4èmes), elles sont désormais dernières, et ça ne tourne pas du tout. Attention toutefois à un petit regain de forme observé depuis la fin de l’année civile dernière : victoires contre le Paris FC (1-0) et Bordeaux (1-0), courtes défaites à Montpellier (2-3) puis à Soyaux (1-2). Ce championnat est si serré qu’on n’a pas une idée très claire de ce qui peut advenir. Du côté des Lilloises, on l’a dit : ça joue bien, mais les points ne suivent pas suffisamment… à l’aller, les deux équipes ont fait match nul (1-1), et on avait bien souligné que c’était « peuchère payé ». Oui, nous on vous fait la totale, et tant qu’on y est : Plus belle la vie et Mistral gagnant, comme ça c’est fait. D’autres clichés à suivre au fil du texte.
Côté effectif, Marine Dafeur s’est blessée avec l’équipe nationale B, elle est absente. Héloïse Mansuy, qui n’avait pas été titulaire depuis un moment, la remplace à gauche, ce qui lui permet de découvrir un 54e poste depuis le début de saison. Le reste de la composition est classique. Demeyere a une grande latitude au milieu sur la largeur, tandis que Saïdi et Dali font l’essuie-glace en longueur, sur les côtés, d’abord assez bas. Bultel débute en pointe aux côtés de Sarr, et Coryn joue à gauche, étant chargée de bloquer l’arrière-droite marseillaise. Quand cette dernière a changé de côté, Bultel et Coryn ont permuté, aux alentours de la 25e minute.
Y a un petit malin qui hurle « Gérard Lopez ! ». Cong.
12h58 C’est parti !
13h00 Premier cafouillage dans la défense marseillaise. Demeyere puis Bultel sont contrées à l’entrée de la surface.
13h02 Dégagement d’Elisa Launay, déviation de la tête de Bultel, et première frappe de Coryn, du droit, à l’entrée de la surface de réparation. C’est dévié et ça passe juste à côté. Le corner, frappé par Bultel, termine dans le petit filet, au pied du poteau, mais on n’a pas eu l’air très rassuré côté marseillais.
13h04 Belle remontée de balle de Sarr. Elle sert Saïdi côté droit, qui centre trop près de la gardienne.
Il y a des espaces dans cette défense de l’OM, c’est assez surprenant. À la moindre offensive, les Lilloises sont 5 devant (Dali, Saïdi, Bultel, Coryn et Sarr) et ça va très vite. À deux reprises, Dali puis Bultel sont à un orteil de réussir une dernière passe dans une défense pas très rassurante.
13h07 Nouvelle offensive côté droit de Saïdi, qui centre trop près de la gardienne. Ça doit être travaillé à l’entraînement.
13h11 Encore une occasion pour le LOSC ! Bultel transmet à Saïdi, qui cette fois centre très dangereusement devant le but. Le ballon traîne et au second poteau, Demeyere reprend dans le petit filet.
13h13 Récupération rigolote de Silke Demeyere. Dali transmet à Sarr qui frappe de 20 mètres à ras de terre, mais la gardienne s’en empare sans problème malgré le rebond.
Dans la foulée, très jolie faute de Coutereels, qui prend un jaune. Le long coup-franc traverse tout le monde et, au second poteau, Launay détourne la reprise aux 6 mètres.
13h15 Le public, connaisseur, aime beaucoup Mathieu Bodmer.
13h17 La gardienne de Marseille tergiverse en voulant dégager et cafouille complètement. Elle est contrée par Sarr, et le ballon termine juste à côté !
13h18 C’est un peu n’importe quoi derrière, franchement… Cette fois Bultel récupère et transmet à Sarr : au-dessus.
13h19 Coup-franc pour Marseille. Après un duel aérien gagné par l’OM, Launay capte superbement une reprise de volée !
Carton jaune pour une Marseillaise après une faute sur Silke Demeyere (c’est l’application à la lettre du règlement, rappelons-le). Depuis 5 minutes, les Lilloises reculent un peu. Pour égayer un peu la situation, Launay se met à tirer un coup-franc du pied gauche.
13h21 Ah en fait je me rends compte que les autochtones ne vouent pas spécialement un culte à Mathieu Bodmer : en fait ils disent « Ô bonne mère ». Je comprenais « Ô Bodmer ». Mea culpa. Je trouvais ça bizarre aussi.
13h26 Le public s’est bien calmé. Il faut dire que les locales n’offrent pas toutes les garanties. La gardienne suscite une rumeur dans le public dès lors qu’elle fait des dégagements : en fait, elle fait des drops, et comme le vent lui est défavorable, ça ne va pas bien loin.
13h28 Encore une ouverture en profondeur côté lillois qui passe bêtement entre les jambes d’une défenseuse marseillaise. C’est tellement mauvais et inattendu que même Sarr est surprise et n’en profite pas.
13h29 Silke Demeyere se jette par terre, sur le flanc, et fait une approche sur l’adversaire en agitant ses jambes comme des ciseaux. Et elle récupère sans faute en plus. J’ai jamais vu ça.
Tiens, y a des resquilleurs en face, qui regardent le match de derrière les grillages. Remarquez, on est aussi derrière des grillages nous, sans être resquilleurs pour autant. Loin de moi l’idée d’entrer dans des clichés, mais ça m’incite à penser qu’ici, la frontière entre les honnêtes gens et les voyous est assez ténue.
13h31 Montée rageuse de Maud Coutereels qui, après un relais avec Dali et Saïdi, centre en position d’ailière droit. La consigne est claire quand on centre de là : sur la gardienne.
13h34 Côté droit, coup-franc à une trentaine de mètres pour le LOSC. Dali le tire, la gardienne repousse du poing vers le point de corner. Saïdi a la bonne idée de tenter de remettre immédiatement dans l’axe de volée et en extension. C’est dévié par une arrière, le ballon part en l’air et on a bien le temps de voir qu’il va se passer un truc rigolo, surtout quand on aperçoit la gardienne avancer, puis reculer devant Sarr, qui laisse plus ou moins faire, comptant sur la bonne volonté de la portière. Bingo : la gardienne tente de claquer mais est lobée : 0-1 !
13h36 ça faisait bien longtemps que les Lilloises n’avaient pas mené.
13h37 Dégagement de Launay jusque dans la surface adverse. Le public marseillais gronde en mode « c’est pas la nôtre qui ferait ça ». Bon, le vent est avec Elisa.
13h39 Les Marseillaises ont l’air de vite baisser la tête quand une passe est ratée, et elles s’engueulent assez facilement.
13h40 Frappe d’une Marseillaise à côté. Elle prétend que Mansuy a touché le ballon et réclame un corner. N’importe quoi !
13h42 Dernière action de la première période pour Silke Demeyere, qui frappe de loin, à côté. Mi-temps.
Bonne première période des Lilloises, logiquement récompensées de cette avance d’un but. La défense, autour de Maud Coutereels, est bien solide, même si Launay a tout de même dû s’employer à quelques reprises. À gauche, Héloïse Mansuy fait sobrement le travail. Au milieu, Silke Demeyere est incroyable : elle est vraiment partout et récupère un grand nombre de ballons. Ça combine et ça circule bien devant avec la technique de Dali et de Saïdi à l’initiative des attaques. Il y a la place pour faire un très bon coup !
Je profite de la pause pour socialiser avec des supporters adverses. Un type m’explique que le club a voulu miser sur des jeunes et que les cadres ont été invitées à partir. Mais les jeunes n’ont pas d’expérience et il n’y a pas de leadeuses. Tiens, c’est marrant, ça rappelle quelque chose.
Sur la prestation de la gardienne, qui ne semble pas faire l’unanimité, un autre me dit : « notre gardienne est repartie à Lyon et on a trouvé celle-là, elle vient de D2 japonaise. Y a eu un match où elle a fait un bel arrêt ». Fichtre. Et enfin : « on en a une qui est pas mal, mais au futsal. Là, elle doit s’adapter au football à 11 ». Ah oui quand même. Tiens, ce n’est pas proche de la définition d’un Nenem ça ?
13h58 C’est reparti !
13h59 D’entrée, un bel arrêt de Launay, qui gagne son face-à-face. L’air de rien, elle est en train de faire un gros match alors qu’on a le sentiment que les Lilloises sont bien au-dessus.
14h00 Réplique lilloise, avec une combinaison entre Dali, Saïdi et Sarr côté droit. Ouleye, à l’entrée de la surface, enroule très intelligemment du gauche à ras de terre, et là la gardienne détourne superbement du bout des doigts en corner. Quel dommage ! Une Marseillaise se fait soigner, elle a mal au visage, qui perd en qualité. Voilà, je voulais juste dire que sa bouille abaisse, ce qui ne veut rien dire d’un point de vue syntaxique et est assez mauvais comme calembour, mais ça me fait rire et c’est bien là l’essentiel.
Sur le corner, ça cafouille mais Marseille s’en sort à bon compte.
14h06 Coup-franc côté droit que tire Bultel, pied gauche. Le ballon arrive entre Coutereels et Sarr, qui amortit mais ne peut pas se retourner. Le ballon traîne et Coutereels met tout le monde d’accord en mettant une volée à 8 mètres, du droit : 0-2 ! Premier but de la saison pour Maud, et désormais toutes nos Belges ont marqué !
14h09 Enfin une belle action des Marseillaises, qui remontent bien le ballon côté droit. Une attaquante se trouve en position de tir et Mansuy se jette pour contrer aux 6 mètres. Ouf !
14h12 La dame dont je parlais plus haut a un message : « Vous n’avez pas honte ! Douzièmes ! On est la maison ! Il reste encore 40 et je sais pas combien de minutes ! ». Tout le monde se marre, parce qu’elle est très sérieuse.
14h13 Dali frappe à côté.
14h15 Percée individuelle d’une Marseilllaise, qui se retrouve seule face à Launay, et choisit très peu opportunément de tirer à 20 mètres, alors qu’elle pouvait avancer. Je crois qu’elle était en bout de course. Launay détourne, encore, en corner.
14h17 Là on subit vraiment depuis 5 minutes. Jana Coryn est remplacée par Julie Pasquereau, qui se place aux côtés de Silke Demeyere en position de milieu défensive.
14h19 Très belle entrée en matière de Pasquereau qui shoote dans l’adversaire au lieu de shooter dans la balle. C’est involontaire mais ça doit faire très mal. Carton jaune et, à vrai dire, j’ai eu peur que ce soit pire.
14h21 Coup-franc pour Marseille. Ça traîne dans la surface, une Marseillaise est seule aux 6 mètres et frappe : quel arrêt de Launay, du tibia ! Corner. Sur celui-ci, Launay dégage d’un poing, ça ripe un peu mais ça rentre pas.
Après avoir vu l’après match Lille-Montpellier, un jeune hooligan tente de franchir les barrières et de pénétrer sur le terrain
14h23 Les Lilloises repartent en avant. Saïdi pour Sarr, puis Dali côté droit. Il y a du monde au centre, mais son centre est coupée au premier poteau par une arrière.
14h26 Faute de Silke Demeyere. L’entraîneur de Marseille s’énerve.
14h27 Franchement, on ne le dit peut-être pas assez car on finit par s’habituer : mais outre les arrêts décisifs qu’elle fait, Elisa Launay est très rassurante dans son attitude et ses prises de balle. C’est vraiment impeccable. Idem pour Maud Coutereels, qui tient sacrément la baraque derrière quand l’adversaire met de la pression.
14h29 Faute assez moche de Coutereels. Les Marseillaises râlent et, de toute façon, ça fait quelques minutes qu’elles misent sur une expulsion. Quelques minutes avant, elles l’ont réclamée pour une intervention limite de Pasquereau. L’arbitre consulte son assistant et expulse – logiquement cependant – notre capitaine. Merde. Le coup-franc est saisi par Launay.
Jessica Lernon passe dans l’axe pour suppléer Coutereels, et Rachel Saïdi recule d’un cran.
14h33 On s’en sort à peu près bien malgré l’infériorité numérique. Ce sont même les Lilloises qui tentent quelques incursions. Sarr frappe à côté, puis quelques secondes après Dali se retrouve dans la surface mais ne parvient pas à tirer.
14h34 Montée très tranquille de Sarr, qui gagne 50 mètres. Elle obtient un coup-franc que Demeyere envoie au-dessus. Entre la faute et la frappe, Bouchenna, qu’on n’avait pas vue depuis un moment aussi, est entrée et se place derrière, à droite. Rachel remonte.
14h38 Ça ne s’arrange pas en tribunes : voilà que les supporters marseillais s’engueulent entre eux. Celles et ceux qui s’en prennent à leurs joueuses se font traiter de « défaitistes ».
14h39 Encore Launay sur une tête à 8 mètres. Entendu derrière moi « elle est bonne hein » ; « elle attire tous les ballons ».
14h41 Sarr est remplacée par Anne-Laure Davy. Décidément, c’est la journée des retours. D’ailleurs, c’est le match retour. Et le retour à Lille est prévu à 17h.
14h43 On devrait avoir une fin de match tranquille… On se permet même de faire tourner avec quelques bonnes conservations de balle de Davy et Saïdi.
14h45 Une Marseillaise se présente seule face à Launay. Lernon revient, fait tomber son adversaire et, de mon point de vue, ne touche pas le ballon. L’arbitre se précipite et met son sifflet à la bouche : ça sent le rouge et le péno. Puis elle se ravise et lève les bras pour indiquer de continuer. Ça gueule bien et là je me fais tout petit. De toute façon, vu comme c’est parti, je crois que Launay l’aurait arrêté. Un type hurle à l’arbitre : « t’es payée par Gérard Lopez ? ». J’espère que non, elle risque d’avoir de mauvaises surprises.
14h46 La gardienne de Marseille s’apprête à frapper un coup-franc suite à un hors-jeu. Elle est à environ 15 mètres de son but, dans la surface, dans l’axe. Anne-Laure Davy surgit et frappe avec beaucoup de conviction, à côté. L’arbitre lui met un jaune (normal, on est à Marseille), et ce qui est encore plus drôle, c’est qu’elle proteste. On n’a pas bien compris ce qui lui a pris mais c’était très amusant. On appelle ça une « Zaïre 1974 »2.
14h47 C’est terminé !
3 points (plus les deux poings d’Elisa Launay, ce qui devrait donc faire 5 normalement) qui font du bien ! Techniquement, le LOSC était largement au-dessus mais a toutefois concédé pas mal d’occasions, et il a aussi fallu compter sur une grande Elisa Launay. La réussite qui manquait en début de saison est désormais là. On a eu un peu peur après l’expulsion de Coutereels, mais les filles ont tenu bon et sont restées bien groupées. Leur cri de guerre est audible depuis l’extérieur du vestiaire ! Les Lilloises vont pouvoir souffler un peu avant la réception de Lyon le week-end prochain.
Ces petits cases vous aideront à dessiner une Silke Demeyere et une Jana Coryn
À l’arrêt de bus, en repartant, d’autres marseillais m’indiquent qu’ils ont été fort impressionnés par Kenza Dali et Elisa Launay. « Et vous avez des Belges, non ? ». On me demande ça comme on me demanderait si j’ai des caries. Oui, on a des Belges, et du meilleur tonneau monsieur ! « Ah oui, et vous avez une petite au milieu là, la n°6, bien hein… ». Voilà qui est mieux ! Précisément, elle est Belge. Elle s’appelle Silke Demeyere. Restez attentifs cette semaine, on va parler d’elle.
FC Notes :
1 (qu’elle me répond)
2 Au passage, il y avait dans cette équipe Ricky Mavuba, le père de Rio.
Les compte-rendus des matches précédents :
Lille-Bordeaux : Et Sarr commence !
Lille-Albi : ♫ Albi à Lille, Albi-bi à Lille ♫
Lille-Marseille : Un nul peuchère payé
Lille Rodez : Si loin du compte
Lille-Soyaux : Une belle dernière : Soyaux Noël !
Lille-PSG : Une défaite, mais avec la manière
Lille-Paris FC : Paris tenu à Lille
Lille-Fleury : Lille-Fleury, mais lentement
Posté le 6 mars 2018 - par dbclosc
Le jour où Nadon a rendu son brassard
Jean-Claude Nadon a connu des hauts et des bas à Lille. Parmi les épisodes difficiles, il a même rendu son brassard de capitaine en janvier 1993 après une sortie du président Paul Besson à son endroit. À un moment-charnière pour sa carrière.
Jean-Claude Nadon est arrivé au LOSC en 1989, afin de pallier le départ de Bernard Lama. Formé à Vichy, Jean-Claude Nadon a jusqu’alors évolué en D2, à Guingamp, à partir de 1984, club qui lui a permis d’être sélectionné à 15 reprises en équipe de France Espoirs. On en a parlé ici : même gardien de but en D2, il a même été question, très brièvement, qu’il soit le troisième gardien des Bleus à la coupe du monde 1986. Il faut dire qu’à cette période, Nadon échoue de peu à monter en D1 avec Guingamp : 5e en 1985, c’est ensuite lors du barrage d’accession que les costarmoricains échouent en 1986 face à Alès. Pendant que les Guingampais rentrent dans le rang, Nadon dispute les jeux méditerranéens en 1987 avec l’équipe de France « amateurs » (qui est composée des meilleurs joueurs de D2, dont le futur Dogue Victor Da Silva), où il est battu en finale par la Syrie. Il rejoint le nord de la France en 1989.
Gardien emblématique du LOSC
Le 22 juillet 1989 contre Caen, Jean-Claude Nadon débute une aventure de 7 années au LOSC. 7 années globalement marquées par des performances solides, mais ponctuellement remarquées pour une certaine fébrilité. Là n’est pas l’objet de l’article, mais rappelons-nous par exemple que dès sa première saison, il a été remplacé pour les 8 derniers matches de championnat par sa doublure Jean-Pierre Lauricella. Et on garde le souvenir également que lors de sa dernière saison à Lille, il a perdu sa place au profit de Jean-Marie Aubry, après un début de saison catastrophique, aussi bien collectivement que personnellement, sa responsabilité étant clairement engagée par exemple contre Lens puis à Gueugnon en septembre 1995. C’est donc dans les coupes nationales que J-C enfile la tunique lilloise pour les dernières fois, contribuant au relativement bon parcours en coupe de France, avec les éliminations de Saint-Leu, Nancy (où il détourne un pénalty, avant de qualifier le LOSC aux tirs aux buts) et Monaco (où il détourne le dernier tir au but d’Anderson), avant de chuter en quarts à Marseille sur un pénalty scandaleux.
Olivier Hamoir sur Fréquence Nord, Nancy-Lille 2 février 1996
Mais Jean-Claude Nadon a été un quasi-inamovible gardien de but, signant par exemple un record de longévité dans le but lillois : du 9 novembre 1991 contre Saint-Étienne au 16 septembre 1995 à Gueugnon, il est titulaire en championnat durant 145 rencontres consécutives en championnat. Régulièrement capitaine, connu pour son franc-parler, Jean-Claude Nadon est indissociable du LOSC de la première moitié des années 1990. Une de ses plus remarquables performances ? À Lens, le 16 novembre 1991. Ce jour-là, Nadon est imbattable et il repousse même un pénalty du milieu Israëlien Shalom Tikva.
Parfois appelé en équipe de France A’ (appelée aussi « équipe de France B »), la presse évoque fréquemment l’intérêt que lui portent de nombreux clubs français. Au cours d’une saison 1992-1993 difficile pour le LOSC (on en a parlé ici et là), Nadon est considéré comme un leader dans le vestiaire. À la veille de jouer un match contre Marseille début janvier 1993, qui avait été remis à cause de la neige un mois auparavant, Nadon est officiellement promu capitaine pour succéder à Thierry Oleksiak qui joue de moins en moins. Et J-C l’ouvre : « J’ai un tempérament de gagneur, et j’aime bien le montrer. Si je n’étais pas capitaine, je me comporterais exactement de la même façon (…) Je suis un révolté, je ne peux pas rester insensible quand quelque chose se passe. S’il y a quelque chose à dire, il faut le dire… Même si ça ne plaît pas à tout le monde ».
Na-Don Quichotte (dans la balle)
Un mois de janvier 1993 de toutes les émotions
Après la victoire surprise du LOSC contre l’OM, Nadon est de nouveau appelé en équipe de France A’ (en même temps que Pascal Nouma), pour un match au Sénégal. Pour lui, c’est une première depuis 2 ans et un match contre la Finlande à Beauvais en 1991. La Voix du Nord écrit : « Gérard Houiller n’a fait que confirmer une tendance : à savoir que l’ancien international espoir ne cesse de monter. Ne dit-on pas à ce propos que Monaco, où Ettori songe à une possible retraite en fin de saison et Saint-Etienne auraient des vues sur lui ? ». Bon, il a manifestement fait une grosse boulette lors de ce match au cours duquel il est entré, du moins c’est ce qu’on comprend quand le même journal écrit que Nadon « fut assez malchanceux sur le but de Sané ». Mais ce n’est pas bien grave : il est titulaire en D1, son club va mieux, on murmure son nom à droite et à gauche… Et pourtant : Nadon a « le blues ».
En voici les causes : 10 jours après la belle victoire sur Marseille, Lille concède le nul face à Montpellier, à Grimonprez-Jooris (0-0). Le LOSC est retombé dans ses travers : on s’ennuie, Lille ne marque pas. Surtout, en coulisses, le club est touché par de nombreuses secousses et semble en sursis. Pierre Mauroy, maire de Lille, s’impatiente. De nombreux changements se préparent : le désengagement de la ville, la baisse des subventions de la région, et le départ du président Besson est acté pour juin. Des rumeurs font état de dettes colossales. Un tandem constitué de Bernard Lecomte et de Marc Devaux est chargé de réfléchir à l’avenir du club en proposant un plan de survie qui consiste à mobiliser le milieu économique régional autour du LOSC. Car oui, le LOSC est menacé tantôt du dépôt de bilan, tantôt de fusion avec Lens, et même avec Valenciennes ! Devant l’opacité de la situation, Nadon s’exprime abondamment dans la presse… et ça déplaît fort au président Besson : « Je ne suis pas en fin de contrat en juin. Mais je n’hésiterai pas à solliciter un transfert au président si ça continue comme ça ».
Dans la foulée, le LOSC a l’occasion de se relancer sportivement en recevant Valenciennes, relégable. Tu parles ! Lille s’incline 1-2 à domicile, et Nadon, piégé par le vent, se troue complètement sur l’ouverture du score de l’USVA dès la 5e minute, en boxant directement dans son but un corner valenciennois tiré par Thierry Fernier… Et la Voix indique qu’il est « auteur par la suite de relances directement en touche ». Nadon reconnaît sans problème son erreur : « On a pris un sacré coup derrière la tête. Et c’est le premier but qui déclenche tout. Un but stupide ! J’en assume tout à fait la responsabilité (…) Il faut savoir s’adapter à toutes les conditions atmosphériques. Le vent est à l’origine du but, mais il était gênant pour les 22 acteurs. Je ne cherche pas d’excuse… ».
Gianfranco Zola et son « J’accuse ! » peuvent aller se rhabiller
Le président Besson démonte son gardien à la radio
Le lendemain, invité à commenter l’actualité du LOSC sur Fréquence Nord, le président Paul Besson profite de la responsabilité du dernier rempart lillois la veille pour lui reprocher ses prises de position face aux problèmes du LOSC et lui dire sa façon de penser : « il ne faut pas oublier qu’il est arrivé à Lille inconnu et qu’il n’était pas très bon. Il a fait d’énormes progrès, mais quand on se considère comme un grand gardien de but, il faut quelquefois être modeste ». Vu l’extrait précédemment cité, on ne peut pourtant pas dire que Nadon l’ait beaucoup ramenée… Mais pour Besson, on l’a vu, le problème Nadon n’est pas sur le terrain.
Immédiatement, Nadon fait savoir à l’entraîneur Bruno Metsu qu’il rend son brassard de capitaine. Et il s’en explique dans une lettre recommandée adressée à Besson1. Le lendemain, lundi 25 janvier 1993, il ne se rend pas en mairie de Lille, où le groupe lillois est convoqué pour écouter la bonne parole de Mauroy quant à l’avenir du club. Il faut savoir qu’outre le statut public du LOSC à l’époque, le président Besson est également adjoint aux sports de la ville de Lille, ce qui renforce les liens pour ne pas dire la confusion des genres.
♫♫ Jean-Claude, Jean-Claudeoutai, Jean-Claude, Jean-Claudeoutai ♫♫
À la demande de Metsu, Le capitanat revient désormais à Jean-Luc Buisine, à droite sur la photo ci-dessus, une fonction qu’il a déjà occupée par le passé. Après une nouvelle défaite à Paris (0-3), le LOSC reçoit Toulouse début février. Dans les tribunes, deux banderoles en soutien au gardien : « Tous avec Nadon » et « Nadon Président » !
Besson se casse, Nadon revient
Mais plus que du soutien des supporters, Nadon va bénéficier de révélations sur les finances du LOSC. Fin janvier, une assemblée générale de la SAEM a lieu. Sont alors révélés des chiffres alarmants : le LOSC souffre d’un passif de 33 320 466 francs, et d’une dette de 67 385 405 francs. Il se murmure alors que la succession de Besson pourrait être plus rapide que prévue, et que la lettre de démission du président, sur le bureau de Mauroy depuis des semaines, peut enfin servir ; et, en effet, le 20 février, Paul Besson démissionne. Lui succède Marc Devaux qui s’exprime dès le 21 février dans la Voix du Nord. Sa première décision est surprenante : elle concerne le domaine sportif ! « J’ai déjà demandé à Jean-Claude Nadon de reprendre son brassard de capitaine, avec l’accord de Bruno Metsu. Il a accepté. Mais rassurez-vous, je ne m’immiscerai pas dans le domaine technique. C’est la première fois. Et la dernière. Je vous invite même à me le reprocher, le cas échéant, si je manquais à ma parole ». Le soir-même, Jean-Claude Nadon est capitaine pour la réception d’Auxerre. La fin d’un trou d’air sportif et administratif. Sans cet épisode, on doute que la carrière de Nadon eut connu une autre ampleur, mais il n’a plus jamais été question de lui en équipe de France, pas même en B, ni d’un grand club, puisqu’il a ensuite rejoint Lens.
Contre Auxerre, le LOSC s’impose 1-0, ce qui a notamment pour effet de… virer Bruno Metsu. Quelle grande époque.
FC Note :
1 Vous imaginez aujourd’hui Thauvin prendre la plume pour argumenter quant à son choix de ne pas s’entraîner… ?