Posté le 6 mars 2018 - par dbclosc
Le jour où Nadon a rendu son brassard
Jean-Claude Nadon a connu des hauts et des bas à Lille. Parmi les épisodes difficiles, il a même rendu son brassard de capitaine en janvier 1993 après une sortie du président Paul Besson à son endroit. À un moment-charnière pour sa carrière.
Jean-Claude Nadon est arrivé au LOSC en 1989, afin de pallier le départ de Bernard Lama. Formé à Vichy, Jean-Claude Nadon a jusqu’alors évolué en D2, à Guingamp, à partir de 1984, club qui lui a permis d’être sélectionné à 15 reprises en équipe de France Espoirs. On en a parlé ici : même gardien de but en D2, il a même été question, très brièvement, qu’il soit le troisième gardien des Bleus à la coupe du monde 1986. Il faut dire qu’à cette période, Nadon échoue de peu à monter en D1 avec Guingamp : 5e en 1985, c’est ensuite lors du barrage d’accession que les costarmoricains échouent en 1986 face à Alès. Pendant que les Guingampais rentrent dans le rang, Nadon dispute les jeux méditerranéens en 1987 avec l’équipe de France « amateurs » (qui est composée des meilleurs joueurs de D2, dont le futur Dogue Victor Da Silva), où il est battu en finale par la Syrie. Il rejoint le nord de la France en 1989.
Gardien emblématique du LOSC
Le 22 juillet 1989 contre Caen, Jean-Claude Nadon débute une aventure de 7 années au LOSC. 7 années globalement marquées par des performances solides, mais ponctuellement remarquées pour une certaine fébrilité. Là n’est pas l’objet de l’article, mais rappelons-nous par exemple que dès sa première saison, il a été remplacé pour les 8 derniers matches de championnat par sa doublure Jean-Pierre Lauricella. Et on garde le souvenir également que lors de sa dernière saison à Lille, il a perdu sa place au profit de Jean-Marie Aubry, après un début de saison catastrophique, aussi bien collectivement que personnellement, sa responsabilité étant clairement engagée par exemple contre Lens puis à Gueugnon en septembre 1995. C’est donc dans les coupes nationales que J-C enfile la tunique lilloise pour les dernières fois, contribuant au relativement bon parcours en coupe de France, avec les éliminations de Saint-Leu, Nancy (où il détourne un pénalty, avant de qualifier le LOSC aux tirs aux buts) et Monaco (où il détourne le dernier tir au but d’Anderson), avant de chuter en quarts à Marseille sur un pénalty scandaleux.
Olivier Hamoir sur Fréquence Nord, Nancy-Lille 2 février 1996
Mais Jean-Claude Nadon a été un quasi-inamovible gardien de but, signant par exemple un record de longévité dans le but lillois : du 9 novembre 1991 contre Saint-Étienne au 16 septembre 1995 à Gueugnon, il est titulaire en championnat durant 145 rencontres consécutives en championnat. Régulièrement capitaine, connu pour son franc-parler, Jean-Claude Nadon est indissociable du LOSC de la première moitié des années 1990. Une de ses plus remarquables performances ? À Lens, le 16 novembre 1991. Ce jour-là, Nadon est imbattable et il repousse même un pénalty du milieu Israëlien Shalom Tikva.
Parfois appelé en équipe de France A’ (appelée aussi « équipe de France B »), la presse évoque fréquemment l’intérêt que lui portent de nombreux clubs français. Au cours d’une saison 1992-1993 difficile pour le LOSC (on en a parlé ici et là), Nadon est considéré comme un leader dans le vestiaire. À la veille de jouer un match contre Marseille début janvier 1993, qui avait été remis à cause de la neige un mois auparavant, Nadon est officiellement promu capitaine pour succéder à Thierry Oleksiak qui joue de moins en moins. Et J-C l’ouvre : « J’ai un tempérament de gagneur, et j’aime bien le montrer. Si je n’étais pas capitaine, je me comporterais exactement de la même façon (…) Je suis un révolté, je ne peux pas rester insensible quand quelque chose se passe. S’il y a quelque chose à dire, il faut le dire… Même si ça ne plaît pas à tout le monde ».
Na-Don Quichotte (dans la balle)
Un mois de janvier 1993 de toutes les émotions
Après la victoire surprise du LOSC contre l’OM, Nadon est de nouveau appelé en équipe de France A’ (en même temps que Pascal Nouma), pour un match au Sénégal. Pour lui, c’est une première depuis 2 ans et un match contre la Finlande à Beauvais en 1991. La Voix du Nord écrit : « Gérard Houiller n’a fait que confirmer une tendance : à savoir que l’ancien international espoir ne cesse de monter. Ne dit-on pas à ce propos que Monaco, où Ettori songe à une possible retraite en fin de saison et Saint-Etienne auraient des vues sur lui ? ». Bon, il a manifestement fait une grosse boulette lors de ce match au cours duquel il est entré, du moins c’est ce qu’on comprend quand le même journal écrit que Nadon « fut assez malchanceux sur le but de Sané ». Mais ce n’est pas bien grave : il est titulaire en D1, son club va mieux, on murmure son nom à droite et à gauche… Et pourtant : Nadon a « le blues ».
En voici les causes : 10 jours après la belle victoire sur Marseille, Lille concède le nul face à Montpellier, à Grimonprez-Jooris (0-0). Le LOSC est retombé dans ses travers : on s’ennuie, Lille ne marque pas. Surtout, en coulisses, le club est touché par de nombreuses secousses et semble en sursis. Pierre Mauroy, maire de Lille, s’impatiente. De nombreux changements se préparent : le désengagement de la ville, la baisse des subventions de la région, et le départ du président Besson est acté pour juin. Des rumeurs font état de dettes colossales. Un tandem constitué de Bernard Lecomte et de Marc Devaux est chargé de réfléchir à l’avenir du club en proposant un plan de survie qui consiste à mobiliser le milieu économique régional autour du LOSC. Car oui, le LOSC est menacé tantôt du dépôt de bilan, tantôt de fusion avec Lens, et même avec Valenciennes ! Devant l’opacité de la situation, Nadon s’exprime abondamment dans la presse… et ça déplaît fort au président Besson : « Je ne suis pas en fin de contrat en juin. Mais je n’hésiterai pas à solliciter un transfert au président si ça continue comme ça ».
Dans la foulée, le LOSC a l’occasion de se relancer sportivement en recevant Valenciennes, relégable. Tu parles ! Lille s’incline 1-2 à domicile, et Nadon, piégé par le vent, se troue complètement sur l’ouverture du score de l’USVA dès la 5e minute, en boxant directement dans son but un corner valenciennois tiré par Thierry Fernier… Et la Voix indique qu’il est « auteur par la suite de relances directement en touche ». Nadon reconnaît sans problème son erreur : « On a pris un sacré coup derrière la tête. Et c’est le premier but qui déclenche tout. Un but stupide ! J’en assume tout à fait la responsabilité (…) Il faut savoir s’adapter à toutes les conditions atmosphériques. Le vent est à l’origine du but, mais il était gênant pour les 22 acteurs. Je ne cherche pas d’excuse… ».
Gianfranco Zola et son « J’accuse ! » peuvent aller se rhabiller
Le président Besson démonte son gardien à la radio
Le lendemain, invité à commenter l’actualité du LOSC sur Fréquence Nord, le président Paul Besson profite de la responsabilité du dernier rempart lillois la veille pour lui reprocher ses prises de position face aux problèmes du LOSC et lui dire sa façon de penser : « il ne faut pas oublier qu’il est arrivé à Lille inconnu et qu’il n’était pas très bon. Il a fait d’énormes progrès, mais quand on se considère comme un grand gardien de but, il faut quelquefois être modeste ». Vu l’extrait précédemment cité, on ne peut pourtant pas dire que Nadon l’ait beaucoup ramenée… Mais pour Besson, on l’a vu, le problème Nadon n’est pas sur le terrain.
Immédiatement, Nadon fait savoir à l’entraîneur Bruno Metsu qu’il rend son brassard de capitaine. Et il s’en explique dans une lettre recommandée adressée à Besson1. Le lendemain, lundi 25 janvier 1993, il ne se rend pas en mairie de Lille, où le groupe lillois est convoqué pour écouter la bonne parole de Mauroy quant à l’avenir du club. Il faut savoir qu’outre le statut public du LOSC à l’époque, le président Besson est également adjoint aux sports de la ville de Lille, ce qui renforce les liens pour ne pas dire la confusion des genres.
♫♫ Jean-Claude, Jean-Claudeoutai, Jean-Claude, Jean-Claudeoutai ♫♫
À la demande de Metsu, Le capitanat revient désormais à Jean-Luc Buisine, à droite sur la photo ci-dessus, une fonction qu’il a déjà occupée par le passé. Après une nouvelle défaite à Paris (0-3), le LOSC reçoit Toulouse début février. Dans les tribunes, deux banderoles en soutien au gardien : « Tous avec Nadon » et « Nadon Président » !
Besson se casse, Nadon revient
Mais plus que du soutien des supporters, Nadon va bénéficier de révélations sur les finances du LOSC. Fin janvier, une assemblée générale de la SAEM a lieu. Sont alors révélés des chiffres alarmants : le LOSC souffre d’un passif de 33 320 466 francs, et d’une dette de 67 385 405 francs. Il se murmure alors que la succession de Besson pourrait être plus rapide que prévue, et que la lettre de démission du président, sur le bureau de Mauroy depuis des semaines, peut enfin servir ; et, en effet, le 20 février, Paul Besson démissionne. Lui succède Marc Devaux qui s’exprime dès le 21 février dans la Voix du Nord. Sa première décision est surprenante : elle concerne le domaine sportif ! « J’ai déjà demandé à Jean-Claude Nadon de reprendre son brassard de capitaine, avec l’accord de Bruno Metsu. Il a accepté. Mais rassurez-vous, je ne m’immiscerai pas dans le domaine technique. C’est la première fois. Et la dernière. Je vous invite même à me le reprocher, le cas échéant, si je manquais à ma parole ». Le soir-même, Jean-Claude Nadon est capitaine pour la réception d’Auxerre. La fin d’un trou d’air sportif et administratif. Sans cet épisode, on doute que la carrière de Nadon eut connu une autre ampleur, mais il n’a plus jamais été question de lui en équipe de France, pas même en B, ni d’un grand club, puisqu’il a ensuite rejoint Lens.
Contre Auxerre, le LOSC s’impose 1-0, ce qui a notamment pour effet de… virer Bruno Metsu. Quelle grande époque.
FC Note :
1 Vous imaginez aujourd’hui Thauvin prendre la plume pour argumenter quant à son choix de ne pas s’entraîner… ?
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