Posté le 19 juin 2018 - par dbclosc
Bac philo 2018 : les corrigés
Philosophie et football font bon ménage : Socrate est là pour nous le rappeler. Il fut à la fois l’un des premiers penseurs grecs et également un footballeur brésilien de génie, en ayant vécu sur près de 25 siècles, ce qui est toutefois moins que Thierry Rabat.
C’est pourquoi nous vous proposons quelques éléments de correction de l’épreuve du bac de philosophie. Nous avons sélectionné quelques-uns des sujets de dissertation, ceux qui nous semblent faire un clin d’oeil évident à l’histoire de notre club. Ces remarques ne sont pas exhaustives mais elles pourront rassurer les candidat.es qui ont su mobiliser le LOSC pour étayer leur démonstration.
Série L : Littéraire (coef. 7)
Sujet 2 : Peut-on renoncer à la vérité ?
Il y a évidemment un piège grossier dans la question pour tout supporter du LOSC : les rédacteurs du devoir ont voulu jouer sur la polysémie et le caractère androgyne du terme « Vérité ». En fait, on peut renoncer AU « Vérité », si on se sépare de Benjamin Vérité, via un transfert. Après avoir traité ce point, il est possible de s’intéresser à la dimension féminine du mot.
Force est de constater que l’on peut facilement renoncer à la vérité, en persistant par exemple à voir en Marvin Martin le « nouveau Zidane », ou en Victor Klonaridis notre nouvelle « pépite ». On pense aussi aux supporters incrédules qui, des années durant, ont maintenu leur banderole « Assad ou rien » dans le virage, n’acceptant pas la vérité : il était parti. De même, la banderole « Pickeugool » en Secondes n’a jamais correspondu à une quelconque vérité. On peut également développer un exemple récent : mettre en doute l’origine des fonds du LOSC semble susciter chez certains supporters un réflexe complotiste et anti-journalistique, à base d’argument du genre « si tu critiques c’est que t’aimes pas le LOSC ».
Pensons enfin à certains supporters de l’équipe féminine qui sont persuadés que les fautes que fait Silke Demeyere ne se sifflent pas.
Série ES : Economique et sociale (coef. 4)
Sujet 1 : Toute vérité est-elle définitive ?
Voilà une question qui perturbe ceux qui proclament et assènent de façon péremptoire plus qu’ils ne démontrent et invitent à la réflexion.
Comme l’ont dit les philosophes Bataille et Jean II La Fontaine, « y a qu’la vérité qui compte ». Mais on peut prendre deux exemples probants qui illustrent le fait que, non, toute vérité n’est pas définitive.
Tout d’abord, le pénalty à retirer : un pénalty est tiré et hop, l’arbitre décide qu’on doit le refaire, ce qui peut en changer l’issue (but ou pas but). Mikkel Beck connaît bien cette situation, et ce philosophe Danois a tenté de montrer que toute vérité était définitive, en marquant un pénalty contre Auxerre en novembre 2000, que l’arbitre a fait retirer, et qu’il a de nouveau transformé, face à Fabien Cool. L’idée qu’il a défendue dans son œuvre est alors la suivante : quand je marque, je marque, et puis c’est tout. Cependant, des éléments contraires ont mis à mal sa théorie : ainsi, quelques jours plus tard, il marque un pénalty contre le PSG, mais la pluie empêche le match de se terminer. Le match est rejoué et son but annulé. Cela montre que même les plus grands auteurs ont eu à affronter une réalité opposée à leurs idées.
Dans un autre style, Grégory Wimbée, en détournant deux fois un pénalty à retirer contre Gueugnon en octobre 1998, s’inscrit dans cette pensée. Comme il l’a exposé dans son ouvrage « quand j’arrête un péno, j’arrête un péno », il est hors de question de changer l’issue d’un pénalty quand il est à retirer alors qu’il l’a arrêté une première fois.
Deuxième exemple illustrant que toute vérité n’est pas définitive, c’est le but marqué en fin de match. À l’époque Halilhodzic, les adversaires ignoraient que le score n’était jamais acquis et se laissaient surprendre en fin de match. Mais une école de pensée bosniaque a instauré le « Vahid time » : c’est le but de raccroc qui vous fait gagner un match à la 93e et change alors ce qu’on appelle le score du match, c’est-à-dire votre rapport au monde, en somme la vérité.
Sujet 2 : Peut-on être insensible à l’art ?
De toute évidence, oui. Si l’on prend une des définitions du Larousse, on peut définir l’art comme une « manière de faire qui manifeste du goût, un sens esthétique poussé ». Il suffit alors de penser à Tavlaridis, Vitakic, et autres Ricardo Costa pour comprendre que l’art est absolument imperméable à certaines personnalités, que l’on appelle ironiquement des « poètes ». La qualité de jeu des équipes de René Girard et cette capacité à déconstruire le football de l’adversaire manifestent également une proximité avec une forme de nihilisme artistique.
À l’inverse, être sensible à l’art n’est pas systématiquement une vertu. Certains esthètes privilégient la beauté du geste à l’efficacité du résultat. Les philosophes sud-américains en sont particulièrement friands : Marcelo Bielsa s’amuse ainsi à faire des compositions fantaisistes en mode patchwork, pour voir s’il se passe un truc. Et vas-y que je mets un gamin de 12 ans titulaire, que je fais jouer 3 joueurs pas à leur poste, et que je joue avec un seul arrière. Le Brésilien Thiago Maïa a toujours une belle note artistique mais une créativité de jeu proche du néant.
On peut enfin penser à Mike Maignan, très sensible à l’art footballistique consistant à jouer vite au pied et à dribbler, sauf que quand tu te rates, tu prends un but.
Une des grandes réussites de Bielsa, après son départ : cet audacieux 40-40-30 en mouvement
Série S : Scientifique (coef. 3)
Sujet 3 : Expliquer le texte extrait de l’ouvrage de Mill
Nous apprécions particulièrement que les rédacteurs des sujets du bac 2018 aient pensé à étudier un texte de Mill Sterjovski. Les candidat.es qui suivent avec acuité l’actualité avaient un avantage indéniable puisqu’ils/elles auront très bien anticipé ce sujet qui avait de fortes chances de tomber le lundi suivant un week-end de France/Australie.
Séries Technologiques (coef. 2)
Sujet 1 : L’expérience peut-elle être trompeuse ?
Ce sujet est ambivalent et demande aux candidat.es une grande capacité de nuance et une certaine habileté dans le maniement de références a priori contradictoires. On croit de prime abord que l’expérience renvoie à la sagesse, à la modération, à l’équilibre dans une équipe. Cependant, les exemples récents de Franck Béria et de Rio Mavuba montrent qu’il ne faut pas pousser cette logique trop loin sous peine d’être contre-productive en raison de performances médiocres qui vous conduisent au mieux à une retraite anticipée, au pire à un exil forcé en République Tchèque. C’est le syndrome de la « saison de trop » : ainsi, l’expérience est dans ce cas trompeuse : on croit qu’elle vous apporte des garanties, mais en fait elle fragilise votre équipe.
On appréciera que les lycéen.nes développent l’exemple du mercato lillois de l’été 1995, où le recrutement de joueurs « d’expérience » (Germain, Meszoly, Rabat, Périlleux, Simba) a complètement plombé l’équipe en début de saison.
A contrario, la saison 2017/2018 du LOSC montre que le manque d’expérience est aussi trompeur : sans joueur-cadre, sans leader, sans personnalité de vestiaire, un effectif peut sombrer psychologiquement et effectuer durant 6 semaines consécutives le coup de « je mets péniblement quelques dizaines de minutes pour marquer avant d’en encaisser un dans les 10 secondes suivant l’engagement ».
On attendra donc des candidat.es la valorisation d’un savant mélange entre explosivité et retenue, entre expérience et naïveté.
Sujet 2 : Peut-on maîtriser le développement technique ?
« Sans maîtrise, la puissance n’est rien » énonçait une célèbre publicité pour une marque de pneus. Outre qu’il est toujours très bon de commencer sa dissertation par une citation, cette référence permet d’approcher la pensée complexe du philosophe Nolan Roue.
Les références aux techniciens tels que Pelé, Hazard ou Dali seront valorisées dans la note finale.
Sujet 3 : Explication de texte de Montesquieu, De l’Esprit des lois (1748)
Cette œuvre fait évidemment référence, avec quelques siècles d’avance mais Montesquieu était visionnaire, aux lois du jeu et à leur interprétation. Ce philosophe est issu du siècle des Lumières, qui a donné son nom à un stade à Lyon, très logiquement car Montesquieu disait bien qu’il faut passer son Bak pour trouver un Job à Laville. Il sera bon de rappeler qu’on se demande toujours si le but de Pastore en finale de coupe de la Ligue était valable, mais Montesquieu insistait bien sur l’interprétation des textes : en somme, parfois, chacun trouve dans la loi des raisons légitimes de défendre son camp.
Montesquieu a aussi théorisé la séparation des pouvoirs sur la quelle reposent les démocratie libérales, ou du moins ce qu’il en reste. On dit souvent que les pouvoirs doivent se limiter les uns les autres. Mais ce qui est valable en démocratie ne l’est pas forcément au LOSC. L’expérience montre que c’est quand les 3 pouvoirs vont dans le même sens que ça fonctionne bien. Ce principe de séparation/collaboration a très bien fonctionné entre présidence, direction sportive et coach : pensons au trio Lecomte/Dréossi/Halilhodzic. En revanche, quand des rivalités apparaissent ou lorsque les responsabilités sont inégalement réparties, ça part en sucette, avec Campos/Bielsa/Ingla.
Et, bien entendu, quel que soit le sujet choisi, quelques mots sur ce film de référence étaient bienvenus :
Visiter mon site web
16 juin 2019
Permalien
Rodriguez a dit:
Encore un article sympa et décalé !
Par contre ne pas voir l’art de Tavlaridis, ça méritait qu’il vous tacle.
Ses coups de coude dans le nez de Rooney sans que l’arbitre ne siffle faute c’était de l’art, la chorégraphie de la filsdeputerie dans sa plus pure expression !