Archiver pour juillet 2018
Posté le 26 juillet 2018 - par dbclosc
Transfert de Pelé : Le LOSC envoie l’OM au Tapie
Durant l’intersaison en 1989, le transfert définitif d’Abedi Pelé, prêté par l’OM au LOSC lors de la saison 1988/1989, ne devait être qu’une formalité au vu des échanges entre les deux clubs. Mais le président marseillais, Bernard Tapie, tente un coup de force et cherche à récupérer en dernière minute le franco-ghanéen. Après quelques jours de batailles juridique et médiatique, la Ligue nationale de football donne raison au LOSC : Pelé sera Lillois en 1989/1990.
Depuis l’été 1987, Abedi Ayew « Pelé » est un joueur de l’OM, après avoir fait ses gammes au Ghana, en Suisse, au Bénin, puis en deuxième division française (Niort et Mulhouse). Mais l’étape marseillaise est pour l’instant un échec : il ne joue que 6 matches lors sa première saison à l’OM, en 1987/1988. Il entame la saison suivante comme titulaire durant 3 matches (il joue même à Grimonprez-Jooris lors de la 2e journée, et Lille gagne 2-1 en juillet 1988), et se retrouve remplaçant lors du match suivant, début août. Puis plus rien pendant un mois : la presse fait notamment état d’incompatibilités d’humeur avec Jean-Pierre Papin, l’avant-centre vedette de l’équipe. Quoi qu’il en soit, Pelé est écarté du groupe et cherche un nouveau point de chute. Une aubaine pour le LOSC, qui fait preuve d’irrégularité en ce début de saison puisqu’après 11 journées, Lille est 15e, battant les « gros » mais peinant face aux « petits ». Le club obtient le prêt du Ghanéen pour le reste de la saison 1988/1989, prêt assorti d’une option d’achat de 4 MF à la fin de la saison, option d’achat logiquement levée en juin 1989 après que Pelé a montré son talent durant ses 8 premiers mois loscistes. C’est alors que les problèmes commencent : été 1989, une intersaison agitée dont on a déjà parlé ici.
Un Pelé et un tordu
À peine le temps de nommer le nouvel entraîneur, Jacques Santini, que le LOSC est déjà perturbé par le comportement d’Erwin Vandenbergh, qui souhaite quitter le club. S’ajoute à cela le forfait de l’OM pour le tournoi du Stadium Nord (qui succède au « tournoi de la CUDL » et précède le « challenge Emile-Olivier ») les 4 et 5 juillet, à la dernière minute. Si bien que le tournoi, se jouant à trois (Lille, Dunkerque, Botafogo) est annulé en tant que tel, même si les 3 équipes s’affrontent, mais personne ne peut remplacer Marseille au pied levé.
« Moi je sais jouer au pied levé ! Les deux pieds levés même ! » revendique Philippe Périlleux
Et puis surgit Bernard Tapie, le médiatique président de l’OM, par ailleurs entrepreneur, homme d’affaires, animateur de télévision, chanteur, coach d’entreprise, homme politique et surtout acteur. Fin juin, le LOSC est allé faire un stage de préparation au Touquet. Surprise, Pelé y reçoit deux coups de téléphone de Tapie, qui souhaite le faire revenir à l’OM. Étonnant, sachant que quelques mois auparavant, l’entraîneur, Gérard Gili l’avait mis au placard ; et surtout, très surprenant sachant que le transfert de Pelé à Lille a été officialisé par le LOSC le 19 juin : il a signé pour 4 ans dans le Nord. Il lui annonce qu’il est désormais le bienvenu dans le Sud, et que Jean-Pierre Papin, avec qui il était en froid, veut oublier les querelles du passé. Bernard Tapie joue à fond de son aura pour, d’une part, contester la validité juridique du transfert de Pelé, d’autre part pour engager une campagne de presse hostile au LOSC, laissant de plus entendre que le joueur lui-même souhaite revenir à Marseille. Ainsi, le « manager » de Pelé, Christian Durancie, semble avoir pris fait et cause pour Tapie, et il le fait savoir : « la proposition de l’OM intéresse Abedi au plus haut point. Il a une revanche à prendre à Marseille avec qui il a envie de connaître le haut niveau ». Et pour enfoncer le clou, il met en garde les dirigeants du LOSC : « à deux reprises dans le passé, il a dû évoluer sans être au mieux moralement. À Mulhouse, où il ne se plaisait pas, et au stade Vélodrome, au temps de la concurrence avec Foerster et Allofs. Or, dans ces cas-là, il perd toute sa spontanéité. Les Lillois devraient y réfléchir ». Après avoir lâché le tournoi du Stadium, qui avait fait écrire à la Voix du Nord que l’OM se comportait avec un « mépris total des règles en vigueur dans le football », ça commence à faire beaucoup.
Le LOSC dénonce une « manœuvre de déstabilisation »
Il faut bien comprendre que l’intérêt de l’OM est, bien entendu, d’abord sportif : l’Allemand Klaus Allofs, principal concurrent de Pelé, a été transféré à Bordeaux et l’OM cherche un joueur offensif pour le remplacer ; mais réglementairement, Pelé offre un autre avantage. Au cours de la saison 1988-1989, il a été naturalisé français. Autrement dit, Marseille a prêté un Ghanéen et peut récupérer un Français ce qui, au vu de la législation sur le nombre d’étrangers autorisés à l’époque, est un critère non négligeable. Il n’empêche : pour le président Amyot, « c’est une manœuvre de déstabilisation. Je suis atterré et profondément écœuré. Bernard Tapie m’annonce que l’OM a toujours un droit de préemption sur Pelé. Et qu’il peut exiger son retour au bercail sans se soucier de Lille. Je rêve ! Au terme du prêt consenti par les Marseillais, un accord est intervenu. D’où la signature d’un contrat qui ne comporte aucune clause particulière. Pelé est donc Lillois et rien ne s’oppose à son maintien dans le club ».
Pour se défendre, le LOSC s’appuie sur des documents qu’il prétend détenir, et rappelle la chronologie des faits :
- en septembre 1988, Abedi Pelé est prêté avec option d’achat
- le 21 mars 1989, le LOSC envoie un « avis de mutation » (c’est-à-dire une demande de transfert) à l’OM
- le 21 avril 1989, l’OM répond au LOSC et donne son accord pour la mutation
- le 19 juin, Pelé signe au LOSC pour 4 ans.
De son côté, l’OM indique qu’il n’a pas signé le transfert définitif de Pelé (le document de juin) : puisque le contrat n’est pas validé par l’une des deux parties, alors il est nul. Et le club olympien continue d’appeler Pelé en lui promettant monts et merveilles, notamment en matière financière. Le joueur doute : « je suis un peu perdu. J’attends. C’est un peu dur pour moi, vis-à-vis de mes coéquipiers. J’espère que ça va se régler vite »
Caricature de Honoré Bonnet dans La Voix du Nord (6 juillet 1989)
Une semaine d’incertitudes
Le LOSC transmet les documents qu’il possède à la LNF le 4 juillet. Mais celle-ci souhaite entendre les deux parties, et indique qu’elle rendra une décision au cours de la réunion de sa commission juridique le mercredi 12. En attendant, le « tournoi » du Stadium se joue sans Pelé, blessé à la cuisse. Bernard Gardon, le directeur sportif lillois, expose ses certitudes quant au bien-fondé de la démarche du club, et exprime sa colère : « on a des documents solides. Je vois mal comment la Ligue nationale pourrait ne pas nous accorder cette mutation. Avec les documents que l’on possède, que peut argumenter Marseille ? Maintenant, si les écrits n’ont plus de valeur, autant arrêter tout de suite. Si la Ligue s’aligne sur Tapie, elle implose. Cette affaire n’est bonne pour personne, dans une période où l’on dit qu’il faut mieux gérer le football ». Du 4 au 11, les responsables des deux clubs se haranguent par voie de presse ; les Lillois convoquent le respect du droit, et les Marseillais l’attractivité financière et sportive de leur proposition. Pour amadouer les dirigeants loscistes, Tapie fait même savoir qu’il est prêt à céder Vercruysse et Meyrieu en échange de Pelé ! « à quoi bon ? répond Gardon. On ne pourrait jamais s’aligner sur leurs salaires ! ». La Voix du Nord, sous la plume de Guy Delahaye, dénonce les méthodes de « Tapie, l’homme pour qui un contrat n’est qu’un chiffon de papier à noyer au fond de la bouillabaisse », et rappelle que « Pelé a été rejeté comme un malpropre en septembre ».
« Pelé is magic » peut-on lire dans les tribunes de Grimonprez-Jooris, avec l’intéressé et Enzo Scifo contre Auxerre
L’affaire prend une tournure plus politique lorsque les présidents des clubs s’expriment sans se faire représenter, à partir du 8 juillet. Le président du LOSC, Jacques Amyot, exprime son ras-le bol : « Tapie n’en est pas à sa première magouille. Cette situation nous est préjudiciable. L’OM emploie des moyens illégaux, en contactant Abedi tous les jours, en lui proposant un tas d’argent, ce que gagnent Sauzée ou Papin, tout et n’importe quoi ! Tapie a frappé à toutes les portes en Europe, mais le foot européen n’attend pas après Marseille. L’OM, et ne parvenant pas à trouver ses joueurs, lui promet tout, déstabilise tout le monde. C’est facile ! ». Puis la mairie de Lille (propriétaire du club), via Paul Besson, son adjoint aux sports (et futur président du club), monte aussi au créneau : « avec mon avocat personnel, nous avons encore épluché le dossier durant deux heures cet après-midi. Il ne peut y avoir de doute : nous sommes sûrs de notre coup ». Et quitte à utiliser les mêmes méthodes que les Marseillais, le LOSC attaque médiatiquement : la convention du 21 avril est publiée dans La Voix des Sports le lundi 10 juillet. Signée par Jean-Pierre Bernès, la lettre indique : « nous vous confirmons les termes de la convention signée en commun le 14 septembre 1988. En conséquence, l’Olympique de Marseille donne son accord pour le transfert définitif du joueur Ayew Pelé Abedi de l’Olympique de Marseille au Lille Olympique Sporting Club, à compter du 1er juillet 1989 ».
Ce document semble attester de la bonne foi des dirigeants nordistes. Mais que décidera la Ligue face à l’influence de l’OM et de Tapie ? Durant le week-end, Pelé est revenu sur le terrain pour un match amical contre Beauvais (1-1). Et le LOSC a reçu le soutien de… Gervais Martel, président du RC Lens et membre du conseil d’administration de la LNF ! Le 12 juillet, jour de la décision de la LNF, dernière saillie médiatique du président olympien, qui s’exprime dans les pages de la Voix du Nord. Pour être plus précis, Tapie s’invite dans les colonnes du journal en téléphonant directement à la rédaction. Fidèle à son style, il y alterne menaces et flatteries, et remet en cause la compétence des dirigeants du LOSC. Quant au fond juridique, il le conteste : il évoque une clause suspensive souhaitée par Bernard Gardon, qui remettrait en cause la convention du mois d’avril : « vous n’avez reproduit qu’une partie du document. En réalité, le contrat comporte une clause suspensive, voulue par Gardon, qui entendait conserver une possibilité de se désister. Cette prudence se retourne aujourd’hui contre lui car cette clause n’était pas unilatérale. Nous n’avons pas signé l’avis de mutation (…) Je suis très attaché au Nord et si je n’avais pas repris l’OM, je me serais tourné vers Lille qui possède un public fabuleux. Ma proposition tient toujours mais qu’ils se dépêchent. Ils commencent à m’échauffer les oreilles » Et Tapie de promettre un amical au Stadium contre Tottenham en guise de dédommagement du forfait de dernière minute au tournoi ! On vous propose l’interview in extenso, car ça vaut son pesant de coucougnettes.
L’OM se prend les pieds dans le Tapie
La commission juridique de la LNF se réunit le 12 juillet pour trancher le litige. À l’issue des auditions des représentants des deux clubs (pour l’OM : Jean-Pierre Bernès, secrétaire général du club, et son avocat, Me Ghevontian. ; pour le LOSC : Bernard Gardon, Paul Besson et Jacques Amyot), ce sont les Lillois qui ont le sourire : « le dossier marseillais est indéfendable » selon Gardon, confiant et donc frais comme un Gardon. Dans le même temps, le LOSC joue à Colombes un amical contre le Racing Paris, et Pelé marque le but égalisateur (1-1). À 20h, la commission rend sa décision : les documents présentés donnent raison au LOSC. Pelé est Lillois !
Retournement de situation : Pelé évoluera finalement au Celtic Glasgow
Ouf ! Voilà une sacrée épine retirée du pied de Jacques Santini pour constituer son effectif. « C’était tellement évident confie Bernard Gardon. La Ligue a fait son travail en toute objectivité, au vu des documents qu’elle possédait, sans tenir compte de la nature des gens en présence. Faire preuve d’autorité n’est rien. Le plus important, c’est de respecter les règlements. Si nous étions le seul club à avoir eu des problèmes avec Tapie, passe encore, mais il cherche par tous les moyens à imposer sa loi. Ce n’est pas pour cela qu’il faut se mettre en doute et c’est ce qu’on a fait ». La Voix du Nord applaudit également la décision de la LNF et ironise : « la solidité du dossier de Tapie était inversement proportionnelle à sa faconde, à ses certitudes de façade. Au fait, envisage-t-il toujours de venir jouer au Stadium Nord la rencontre amicale promise avant-hier ? Pour officialiser dans la bonne humeur le transfert définitif de Pelé… ». Bien entendu, aucun Marseille/Tottenham ne s’est joué à Villeneuve d’Ascq. La saison peut commencer. Le mot de la fin pour Bernard Gardon : « c’était n’importe quoi, on ne va pas revenir là-dessus ».
Pelé apprend dans La Voix des Sports qu’il est Lillois. « ça tombe bien, j’ai le maillot de l’équipe ! » réagit-il sobrement.
L’OM, Tapie, Pelé et le LOSC
En guise d’épilogue au récit de ce complot déjoué, on peut se remémorer 4 éléments.
Premièrement, Tapie n’en était pas à sa première entourloupe concernant Abedi Ayew. Dans Le Monde, en juillet 2017, il révélait comment il l’avait recruté en 1987, le subtilisant au nez et à la barbe de l’AS Monaco, alors que le club principautaire s’apprête à le faire signer : « je lui ai dit : “En général, on fait faire une prise de sang aux joueurs africains, alors quand tu vas passer la visite, tu vas refuser, dire que tu ne supportes pas ça, que c’est plus fort que toi”. » Dans la foulée, Tapie s’adresse à un employé de l’OM qu’il sait proche de Monaco : « Je lui dis : “Tu sais, on l’a échappé belle, j’ai pas pris Abedi Pelé, il est séropositif.” Je savais qu’il me trahirait et le dirait à Monaco. Ça n’a pas raté. Et quand Pelé refuse la visite médicale, Monaco se dit : “Ah oui, c’est vrai, il est séropositif, alors on ne le prend pas.” Et le lendemain, il signait à Marseille ! C’est comme ça. Faut gagner ».
Deuxièmement, on se souvient qu’en 1997, le LOSC et l’OM s’étaient aussi affrontés en dehors du terrain, à propos d’un match de coupe de France qui devait initialement se jouer au Vélodrome, mais que la FFF avait inversé en raison des travaux au stade Marseillais en vue du Mondial. La délégation de l’OM n’avait pas daigné se déplacer à Lille, et un accord avait été concédé pour jouer sur terrain neutre, à Valence, un match que le LOSC a gagné (1-0).
Troisièmement, rappelons que 3 mois après cet épisode estival de 1989, les deux équipes se rencontrent, sur le terrain cette fois, à Grimonprez-Jooris. Et le 4 octobre 1989, Lille gagne 2-0, grâce à des buts de Sauvaget et… Pelé, qui d’un magistral coup-franc se rappelle au bon souvenir du président Nanard. Pour compenser un peu, Pelé a marqué contre Lille sous le maillot marseillais, entrant dans la catégorie des exs qui nous en veulent.
Enfin, le transfert de Pelé en 1989 a permis au petit André Ayew de naître à Seclin. Il paraît que le personnel de la maternité a déroulé le Tapie rouge ce jour-là.
Posté le 25 juillet 2018 - par dbclosc
Sondage : quelle musique doit accompagner l’entrée des joueurs ?
Chères lectrices, chers lecteurs,
Le LOSC a pris l’initiative d’une consultation pour déterminer quelle musique accompagnera l’entrée des joueurs au cours de la nouvelle saison à venir. Vous pouvez lire les détails de cette opération ici. Pour reprendre les termes de l’opération, il s’agit de choisir un morceau qui réponde aux critères suivants :
- « Elle doit être motivante, rythmée et dynamique afin que les Dogues aient les crocs dès leur entrée sur la pelouse !
- Elle doit véhiculer toute l’émotion, les frissons et la passion pour votre équipe de coeur.
- Elle doit être originale, unique, pour affirmer le caractère du LOSC face à l’adversité »
À l’unanimité, la rédaction de Drogue, Bière, et Complot contre le LOSC a décidé de participer à ce grand rendez-vous démocratique. Par attachement à la démocratie, bien entendu, mais aussi parce que nous avons, depuis la création de ce blog, proposé quelques morceaux qui semblent parfaitement correspondre à la demande du club.
C’est pourquoi nous proposons à notre tour un référendum pour déterminer laquelle des productions de DBC sera soumise au LOSC. Nous vous proposons ainsi nos 6 morceaux : cliquez sur les liens pour les (re) découvrir !
Notre seule consigne est de respecter les attentes du club reproduites ci-dessus. Si notre proposition remportait la consultation, nous nous chargerons personnellement de chanter le morceau sélectionné.
« L’histoire se joue maintenant » : à vos votes, ouverts jusqu’en fin de semaine ! (sondage sous la pochette)
Et puis Pascal Cygan…
Dès que le LOSC marquera
Petite Marie du LOSC
Viens prendre les 3 points à la maison
Dernis et Cabaye
Souaré dit « SCO »
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Posté le 24 juillet 2018 - par dbclosc
Lille déjoue (encore) le complot. Retour sur l’Algarve Football Cup 2018
Du 20 au 22 juin, le LOSC disputait l’Algarve Football Cup, compétition qui allait opposer nos Dogues au FC Porto, champion du Portugal en titre et à Everton, 8ème du dernier championnat anglais. Au sein des forces du complot, on y a sans doute vu l’occasion d’une humiliation de nos chers joueurs face à deux équipes de haut niveau. Hélas pour eux, c’est mal connaître les Dogues.
Relevons un premier complot, révélateur de l’esprit perfide des organisateurs : ce tournoi oppose notre équipes à deux adversaires qui ne nous ont pas vraiment réussi ces dernières années. En tour préliminaire de Ligue des Champions, Porto nous a éliminés en août 2014 (0-1 ; 0-2) ; puis en Europa League, on n’a guère brillé contre les Anglais (0-0 ; 0-3). 4 matches, 3 défaites, zéro but marqué : nul doute qu’il y a une volonté consciente de placer les Dogues dans des dispositions psychologiques fragiles en leur rappelant ces médiocres performances.
Ce tournoi comporte une originalité certaine, nous dit-on : à la fin de chacune des trois rencontres, les adversaires disputeront une séance de tirs aux buts qui permettront de les départager en cas d’égalité de points. Au calendrier, Lille affronte d’abord Porto, le 20, puis ensuite Everton, le 21, avant ce qui peut ressembler à une finale entre les deux plus gros morceaux du tournoi, Porto et Everton. Pourtant, en théorie, ce match peut compter pour du beurre : si Lille remporte ses deux premiers matchs, le dernier ne servirait qu’à déterminer qui obtiendrait le fauteuil de dauphin. Notez que c’est une expression car, en réalité, il n’y a là ni siège à dossier et à bras, ni sympathique et intelligent animal aquatique.
Lille champion ?
Lille débute bien le tournoi. Contre Porto, les Lillois ouvrent le score peu après l’heure de jeu sur une tête de Xeka suite à une remise de Soumaoro (63è, 1-0). Si les Portugais réagissent et égalisent seulement huit minutes plus tard par Hernani (71è) c’est finalement bien le LOSC qui l’emporte suite à un contre rondement mené et conclu par Lebo Mothiba sur un service d’El Ghazi (87è). Cerise sur le bateau, les Lillois remportent également la série de tirs aux buts.
Le lendemain, contre Everton, les Lillois tiennent bien le 0-0 dans un match équilibré. La série de tirs aux buts peut alors permettre d’assurer le titre aux Lillois : s’ils la gagnent, seul Everton pourrait encore obtenir autant de points qu’eux, la victoire aux tirs aux buts départageant les deux équipes. Et, là encore, c’est Lille qui l’emporte 5 tab à 3. Notons au passage une originalité du règlement : les équipes tirent cinq tirs chacune y compris si elles sont encore à égalité au bout de cette série (et donc il peut y avoir des égalités finales) et elles continuent la série jusqu’au bout même si le vainqueur est déjà déterminé avant. C’est d’ailleurs ce qui se passe ici, les Lillois menant 4 tab à 2 au bout de quatre tirs par équipe. Autrement dit, le LOSC avait déjà gagné avant le dernier tir de chaque équipe.
Ca y est ! C’est officiel ! Lille est le vainqueur de l’Algarve Football Cup ! Empêtré dans l’affaire Benalla, on voit ici le président Macron se réjouir y voyant l’occasion d’une liesse nationale permettant de redorer son blason passablement terni.
« Ne changez pas ! », lance-t-il ainsi aux Dogues, soulignant que cette équipe a été sacrée championne « parce qu’elle a été unie ». Dans un discours tout en sobriété – ce qui est un effort remarquable pour lui – il a tenu à remercier les Lillois : « Merci d’avoir apporté cette coupe, merci de nous avoir rendus fiers, merci d’avoir mouillé le maillot, merci d’avoir été unis », a-t-il dit.
« Lille remporte l’Algarve Football Cup » titre, tout aussi sobrement L’Equipe, semble-t-il enfin décidé à revenir à un peu plus de dignité. Pour l’AFP « Vainqueur d’Everton aux tirs au but, Lille est d’ores et déjà assuré de remporter l’Algarve Football Cup, avant même le dernier match. ». Si l’AFP le dit, c’est que c’est vrai, hein ?
Et puis les « forces obscures » du complot interviennent …
Sauf que les forces invisibles du complot ne l’entendent pas de cette oreille, comme en atteste cet échange de sms entre deux membres du complot que les services secrets de DBC ont réussi à intercepter.
Malgré le caractère invraisemblable de la chose, c’est finalement ce qui est décidé dans les hautes sphères du complot et qui est annoncé officiellement : Lille n’a pas encore gagné l’Algarve Football Cup, Everton pouvant encore s’imposer en l’emportant par au moins deux buts d’écart contre Porto ou par un seul but en marquant au moins trois fois. Ne sachant que faire, le président Macron préfère faire fuiter des informations sur Alexandre Benalla afin d’enfoncer encore plus ce dernier.
A Lille, c’est la stupéfaction. Gérard Lopez déclare en interne qu’il ignorait totalement l’existence de ce complot lorsqu’il a repris le club et que s’il avait été au courant, il aurait nécessairement pensé différemment son business plan. Le fait est d’autant plus marquant, qu’il rappelle les heures les plus sombres du complot contre le LOSC : en 1987, le LOSC avait déjà subi un complot analogue lors du tournoi CIFOOT organisé au Cameroun. A l’époque, un changement réglementaire en cours de route avait empêché le club de remporter un tournoi qu’il aurait nécessairement gagné.
Sauf que, maintenant, DBC est là !
Sauf que depuis 1987, un nouvel acteur a fait son apparition. DBC LOSC a alors mis toutes ses ressources en jeu pour déjouer cet odieux complot, en l’occurrence par la diffusion d’un tweet presque impossible à contrer.
Ce tweet parviendra à atteindre son but. Le soir même, le FC Porto s’imposait contre Everton (1-0), assurant le titre aux joueurs du LOSC lesquels terminent premiers devant les Portugais, les Anglais fermant la marche.
Tout est bien qui finit bien dirons-nous. Mais il s’agit là aussi d’une belle piqûre de rappel : cette saison, rien ne nous sera encore épargné.
Posté le 14 juillet 2018 - par dbclosc
Jean-Pierre Lauricella garde la main
Lors de la dernière journée du championnat 1989/1990, alors que le LOSC joue sa peau à Caen, également en danger, son gardien Jean-Pierre Lauricella se casse la main à la 27e minute, alors que les Lillois sont mal embarqués (0-2), et qu’il n’y a pas de doublure sur le banc. Pour que la blessure ne soit pas connue et n’encourage pas les concurrents directs du LOSC pour le maintien, le staff lillois maintient son gardien dans la cage jusqu’à la fin du match.
19 mai 1990 : c’est la dernière journée du championnat de France de D1 : une saison très inégale pour nos Dogues qui, à l’instar de la saison 1994-1995, sont presque intraitables à Grimonprez-Jooris (12 victoires, 5 nuls et seulement 2 défaites) et nullissimes à l’extérieur (4 nuls et 14 défaites avant cette 38e journée). Résultat, comme bien souvent dans ces années-là, le maintien se joue pour le LOSC lors de la dernière journée. Lille, 15e, 33 points, se déplace à Caen, 17e, 32 points. Entre deux s’intercale Toulon, même nombre de points que Lille mais une différence de buts défavorable. Et comme à cette époque la victoire est à 2 points, Lille est sous la menace de Nice, en position de barragiste avec 31 points, mais une différence de buts défavorable, mais qui n’est pas sans importance comme nous allons le voir.
Les Lillois ont donc leur destin entre leurs mains :
s’ils gagnent ou s’ils font match nul, ils assurent leur maintien en D1 ;
s’ils perdent, Caen passe donc logiquement devant. Il faut alors espérer que Toulon perde et/ou que Nice ne gagne pas de sorte que la défaite lilloise et la victoire niçoise fassent passer la différence de buts de l’OGCN devant celle du LOSC.
Le problème est bien que Caen serait bien avisé de gagner, car comme l’indique le classement, un scénario défavorable peut le conduire à la 19e place, directement relégable. Mais bon, quand même, ça devrait aller.
Le LOSC se présente avec la composition suivante :
Lauricella ; Dieng, Leclercq, Decroix, Galtier ; Da Silva, Fiard, Périlleux, Friis-Hansen, Angloma ; Pelé.
C’est la 8e titularisation de la saison pour Jean-Pierre Lauricella, la 7e consécutive. Habituellement remplaçant, il profite de la blessure de Jean-Claude Nadon.
Lauricella touché
Selon Daniel Jeandupeux, l’entraîneur caennais : « j’ai toujours pensé que ce dernier match contre Lille serait celui de la vie ou de la mort ! ». Les Lillois sont les premiers dangereux, avec une frappe manquée d’Angloma que récupère Pelé, balancé dans la surface mais sans que ça n’émeuve l’arbitre (3e). Et à la 14e, Fabrice Divert reprend de la tête un corner de Rudi Garcia : 1-0 ! Côté Lillois, Victor Da Silva tape la barre (26e), et dans la minute suivante, Dieng, pressé, ajuste mal sa passe en retrait à son gardien, et l’opportuniste Olivier Pouchard fait 2-0 (27e). Problème : le gardien lillois reste à terre. Jean-Pierre Lauricella explique : « l’attaquant caennais me tacle en marquant et me touche durement à la main ». Après quelques minutes d’interruption, probablement le temps de déposer une main courante, tout semble rentrer dans l’ordre, et la mi-temps est sifflée sur cet avantage de 2 buts pour les Normands. Sur les autres terrains, Toulon est tenu en échec à Saint-Étienne (1-1), et Nice est mené au Parc grâce à un doublé d’Amara Simba. 17e, le LOSC est virtuellement sauvé. Dans la configuration actuelle, il faudrait que Nice inscrive 6 buts sans en encaisser pour laisser sa place de barragiste au LOSC.
La main invisible
Durant la pause, la main de Jean-Pierre Lauricella est examinée plus attentivement : le docteur René Cappelaere et le kiné Eric Hallard diagnostiquent une fracture du métacarpe de la main gauche. Et Jacques Santini n’a aligné que 13 joueurs sur sa feuille de match : ses deux remplaçants, Patrice Sauvaget et Frédéric Lafond, sont attaquants. Kékonfé ? En substance, on dit à notre gardien : « Eh bien Jean-Pierre, tu vas serrer les dents, les fesses, tout ce que tu veux, mais tu restes sur le terrain avec ta fracture de merde ! ». Comment se justifie cette décision ? En fait le LOSC est confronté à un dilemme : en cette dernière journée de championnat, les clubs menacés par les barrages et par la relégation ont un œil sur la pelouse et une oreille au poste de radio. Selon les dirigeants du club, la nouvelle du remplacement de son gardien se répandrait très vite et pourrait donner confiance à une équipe, sachant que le classement peut se jouer au goal-average. Même si Nice paraît largué, on ne sait jamais… Quant aux Caennais, même s’ils sont sauvés à 2-0, ils pourraient redoubler d’ardeur pour offrir un score-fleuve à leur public pour la dernière de l’année.
Jacques Santini tranche : Jean-Pierre Lauricella défendra la cage lilloise en deuxième mi-temps, avec un strapping masqué par son gant ! L’entraîneur explique : « on a essayé de cacher ce coup dur. À la reprise, il fallait calmer le jeu. Caen en avait largement assez avec son 2-0. De notre côté, on savait que Nice était toujours mené au Parc ». On évoquait récemment le fait que le la langue française devait beaucoup au LOSC : cet épisode rappelle combien le l’économie doit au LOSC, puisque le club invente ainsi la théorie de la main invisible, chère à Adam Smith : il s’agit de cacher le mal pour faire croire que le jeu se déroule bien. Par extension, la théorie économique libérale considère qu’il ne faut surtout jamais intervenir dans le jeu économique, et les lois « naturelles » du marché mèneront à un équilibre.
Changement de main
« Ça changeait toutes les données de mon match » confie très justement Jean-Pierre Lauricella. Fort heureusement, la ruse n’est apparemment pas découverte, et les Caennais se contentent de préserver leur avance, tandis que les Lillois restent confiants. Ce sont même ces derniers qui se montrent les plus dangereux par un centre-tir de Galtier (65e), puis par un coup-franc de Pelé sur la barre (68e). Score final : 2-0. Nice s’est incliné à Paris (1-2), et Toulon s’est finalement imposé à Geoffroy-Guichard grâce à un deuxième but signé Collot (2-1). Sur le ton de la mission accomplie, Alain Fiard souligne : « on a encore prouvé notre fébrilité à l’extérieur ! ». Pelé modère un peu : « on aura vraiment fait une mauvaise saison, mais on a su préserver notre place en D1 ». Le LOSC termine alors à une peu reluisante 17e place, mais l’essentiel est en effet assuré : les joueurs laissent le club en D1, tandis que l’équipe dirigeante passe la main, elle aussi : Jacques Dewailly démissionne, et Claude Guedj est pressenti pour lui succéder.
« Jean-Pierre, Lloris est là »
Posté le 7 juillet 2018 - par dbclosc
Kennet Andersson, vedette américaine
Lors de l’été 1994, les vedettes offensives sont au rendez-vous de la World cup : le Bulgare Hristo Stoitchkov (6 buts), l’Italien Roberto Baggio, l’Allemand Jürgen Klinsmann et le Brésilien Romario (5 buts) portent leur sélection. Avec également 5 buts inscrits, s’immisce parmi ces noms prestigieux un inconnu de la planète foot, issu d’une équipe suédoise qui fait sensation en se hissant à la troisième place du tournoi : il s’agit de Kennet Andersson, meilleur buteur du LOSC lors de l’exercice 1993/1994.
Samedi 16 juillet 1994 : profitant d’une sortie approximative du gardien bulgare, le Suédois Kennet Andersson s’élève et place un coup de tête à 15 mètres des buts qui termine au fond des filets : on joue la 40e minute, les Scandinaves mènent déjà 4-0 dans ce match de classement pour la 3e place, et son grand avant-centre (1,93m) signe son 5e but personnel. Pourtant, pas grand chose ne destinait Andersson à se distinguer ainsi dans la compétition : en difficulté un an auparavant, il signe à Lille lors de l’été 1993 avec l’espoir de se relancer. Une saison et 11 buts pour le LOSC plus tard, il fait partie de la délégation suédoise présente lors de la coupe du monde 1994, et il s’en contente déjà largement. À la rentrée, Kennet Andersson poursuit son honnête parcours, sans relief particulier. Entre temps, il a réalisé le coup d’éclat de sa carrière, le temps d’un été aux États-Unis.
De Linselles à Los Angeles
L’histoire de Kennet Andersson avec Lille commence le 4 juillet 1993 à Linselles. Face à Beauvais, alors en D2, le LOSC met à l’essai deux joueurs. Alors que les rumeurs vont bon train quant à l’identité de l’« attaquant de valeur » annoncé par le président Devaux (on annonçait notamment… Fabrice Divert), le public découvre Jean-Christophe Cano et Kennet Andersson. Et le grand Suédois fait forte impression : si Cano ouvre la marque à la 28e, Kennet se met en évidence en seconde période avec d’abord une tête sur la barre (63e), suivie d’un doublé (72e, 78e). Le LOSC s’impose 3-0 et Andersson a déjà conquis le public, notamment grâce à son jeu de tête.
4 juillet 1993 : premier match pour Kennet Andersson avec le maillot lillois
10 mois et 11 buts pour Lille plus tard, il sait déjà qu’il est sélectionné pour le Mondial américain alors que le LOSC se rend à Martigues pour la dernière journée de championnat. Il signe sa dernière prestation sous les couleurs du LOSC avec 2 passes décisives pour Étamé puis Frandsen, et Lille ramène un point du Var (2-2). Son pari est réussi : il va participer à la coupe du monde : « je suis d’autant plus fier de cette sélection que je n’évolue pas, sans faire offense au LOSC où j’ai trouvé une très bonne ambiance, dans une équipe en vue. Cette confiance du sélectionneur montre, je pense, que je n’ai pas déçu lorsqu’il m’a aligné. Je sais bien que je serai plus un joker qu’un titulaire, mais je suis prêt à saisir toutes mes chances1 ». C’est donc en tant que « joker » que Kennet Andersson foule la pelouse du Rose Bowl à Pasadena, dans la banlieue de Los Angeles : devant 94 000 spectateurs, il entre en jeu pour le dernier quart d’heure du premier match des Suédois dans le Mondial, face au Cameroun, alors que le score final est déjà atteint (2-2).
Un maçon au pied du mur
Revenons en arrière : en juillet 1993, Kennet Andersson a alors 25 ans. Il compte 18 sélections avec l’équipe suédoise. Jusqu’alors, son principal fait d’armes remonte à un an auparavant : lors de l’Euro 92, il a inscrit le deuxième but de sa sélection face à l’Allemagne en demi-finale, ne pouvant toutefois éviter la défaite des siens (2-3). La même année, il est finaliste de l’Euro Espoirs, et s’incline face à L’Italie (0-2 ; 1-0).
Il débute le football à Eskilstuna, sa ville natale, et fait ses premiers pas en pro à Göteborg en 1988. Il s’exile ensuite en Belgique en 1991, à Malines où il entre dans la société Cova Invest de John Cordier, par ailleurs président du FC Malinois, qui gère les carrières de certains joueurs, notamment ceux qui ont mené le club belge à la victoire européenne de 19882. Durant un an et demi en Belgique, il peine à convaincre, est souvent gêné par des blessures, mais inscrit toute de même 8 buts en 33 rencontres. En janvier 1993, il retrouve la Suède, étant prêté à Norrköping, où il marque 8 fois en 12 matches. Son lien avec la sélection nationale s’est distendu : il n’a joué que 10 minutes, contre la Bulgarie, en éliminatoires du Mondial depuis l’Euro 92… Que faire pour jouer le Mondial un an plus tard ? Le LOSC profite alors du désinvestissement de John Cordier dans le club Malinois : les joueurs qui lui appartiennent personnellement (il les loue à Malines) ne peuvent être retenus par le club belge, trop dépendant de son mécène. C’est là qu’Andersson prend la route de Lille, avec la volonté de se professionnaliser. Oui, car Andersson est maçon dans la vie. Il a juste cessé de cette activité en arrivant à Malines en 1991 : « je viens à Lille car je veux être footballeur professionnel. En Suède, j’étais amateur. Là-bas, il y a moins d’argent. À Norrköping, par exemple, deux ou trois joueurs ne travaillaient pas mais la plupart avaient un emploi à mi-temps. Avant, j’étais maçon3 ». Andersson est donc prêté un an à Lille par John Cordier lui-même, avec une option de rachat de 2 ans. Pour la toute petite histoire, ce prêt se fait au détriment d’un dénommé Stojadinovic, autre attaquant à l’essai au LOSC du 5 au 10 juillet 1993. Avec Jakob Friis-Hansen, Per Frandsen et Edgar Borgès, le LOSC a désormais son quota d’étrangers autorisés à l’époque.
Un avant-centre à Lille !
Après ses débuts fracassants en amical contre Beauvais, Andersson récidive pour sa deuxième apparition : 5 jours plus tard, à Péronne, il marque le deuxième but lillois contre Amiens d’une lourde frappe de 20 mètres. Son partenaire d’attaque, Eric Assadourian, est conquis : « c’est un garçon solide, il a très bon jeu de tête et une frappe terrible ». La préparation estivale se termine par le traditionnel challenge Emile-Olivier où ni le LOSC ni Andersson ne brillent spécialement (défaite aux tirs aux buts contre Valenciennes après un 2-2, dont un but d’Arnaud Duncker pour l’USVA, puis victoire 3-2 contre Dunkerque). Le 24 juillet, il joue son premier match de championnat contre Martigues à Grimonprez-Jooris, pour l’ouverture de l’exercice 1993/1994 : à la 47e, il inscrit son premier but officiel avec le LOSC, reprenant un centre d’Assadourian, de la tête évidemment. Une semaine plus tard, il score de nouveau, au Parc des Princes, insuffisant pour éviter la défaite (1-2). En championnat, 9 buts suivront, ce qui fait un total de 11, si on compte bien. Parmi ces 11 buts, un fameux doublé à Caen en octobre, au cours d’un de ces matches ou Lille a tout renversé : en 2 minutes, notre Suédois fait 2-2 (84e) puis 2-3 (86e). On note aussi un apport décisif en fin de saison, où le LOSC signe 3 victoires consécutives de la 32e à la 34e journée, à Montpellier (3-1), contre Caen (3-1), puis à Angers (2-1) : chaque fois, Kennet est buteur ; il signe même un doublé dans l’Hérault.
11 buts malgré une blessure à l’automne, un apport indéniable dans le jeu : bien soutenu par Frandsen et Assadourian, le LOSC a enfin un finisseur, un poste vacant depuis le départ d’Erwin Vandenbergh 3 ans auparavant4. Mota, Nouma, Sauvaget, N’Diaye, Nielsen… aucun n’a convaincu, c’est peu de le dire, et Lille n’avait pas d’avant-centre digne de ce nom.
Un départ inéluctable
C’est donc fort logiquement que Kennet est sollicité à l’issue de cette saison réussie. Parallèlement, c’est une période de grande instabilité au LOSC : Bernard Lecomte remplace Marc Devaux à la présidence5, et Jean Fernandez remplace Pierre Mankowski sur le banc de touche. Très rapidement, début juin, Fernandez fait part de son intention de conserver Andersson : « les choses n’ont pas encore été arrêtées. Ce que je peux vous dire, c’est que Lille a des problèmes, mais pratiquement tous les clubs français en ont. Pour ce qui concerne certaines pièces-maîtresses, il y a des discussions. Il n’y a rien d’officiel, mais il est évident que les dirigeants de Lille ont le souci de garder des joueurs comme Kennet Andersson6 ». Il ajoute qu’il se contenterait bien de garder l’effectif actuel, en s’appuyant notamment sur Dieng et Étamé, si bien que tous s’en vont. À mesure que les semaines passent, on comprend que le LOSC n’est pas en mesure de conserver son Suédois, d’autant que sa sélection augmente sa valeur : il faudrait débourser 4 MF pour l’acquérir. Bernard Lecomte confirme le départ : « ce n’est franchement pas une bonne nouvelle, mais dans le contexte financier du club, il ne pouvait pas en être autrement. Même si nous avons été repêchés par la DNCG, ce n’est pas raisonnable7 ». Le Sporting Lisbonne, Besiktas, Lyon et Caen sont intéressés. Alors que la coupe du monde a débuté et que la Suède a joué ses deux premiers matches contre le Cameroun et la Russie, on apprend que le président de Caen, Guy Chambly, se rend aux Etats-Unis pour négocier avec Andersson. La veille du troisième match des Suédois, c’est officiel : Kennet Andersson est Caennais. Il y retrouve… Pierre Mankowski, disposant là-bas des moyens qu’il n’aurait pas eus à Lille. D’où son départ. D’ailleurs il nous pique Étamé aussi.
Il faut donc bien le dire : complot contre le LOSC oblige, Kennet Andersson n’est plus Lillois lorsqu’il brille aux États-Unis. À la différence de ce qu’on entend souvent, son transfert s’effectue alors qu’il n’a pas encore marqué lors de la coupe du monde, si bien qu’on considère parfois que le LOSC s’est un peu fait avoir dans l’affaire. Mais comme on l’a écrit précédemment, le joueur étant prêté, le club n’a pas été floué : il n’avait simplement pas les moyens d’acheter son avant-centre qui pesait 11 buts en D1.
Andersson fait trembler les filets (américains)
Avant la compétition, la Suède fait office de sympathique nation qui vient faire un peu de tourisme. Même si elle a été demi-finaliste du dernier Euro, et si elle s’est qualifiée avec une seule défaite en éliminatoires (en France), le souvenir du fiasco de 1990 est prégnant : 3 matches, 3 défaites, ça fait zéro point. Avec un peu plus d’expérience, la Suède espère éviter d’être ridicule, d’autant qu’elle se retrouve dans un groupe considéré comme relevé, avec le Cameroun, la Russie et le Brésil. La présence de joueurs qui évoluent désormais hors du pays (Patrick Andersson et Martin Dahlin à Mönchengladbach, Stefan Schwarz au Benfica, Tomas Brolin à Parme, Jonas Thern à Naples, Klas Ingesson à Eindhoven) fait dire à la presse que l’équipe a abandonné son traditionnel style britannique pour un style plus latin.
La Suède a les mêmes couleurs que Gueugnon
Nous l’écrivions plus haut, la Suède entame la compétition contre le Cameroun, le 19 juin 1994, et Andersson joue un quart d’heure. Le 24 juin, elle bat la Russie 3-1. Cette fois, Kennet est titulaire, et est remplacé à la 85e minute. Après ces 2 matches, la Suède est déjà qualifiée pour les 1/8e. Il reste un match de prestige contre le Brésil pour un remake de la finale de 1958, et peut-être pour la première place du groupe. Andersson est de nouveau titulaire. À la 23e, il inscrit son premier but du tournoi, et quel but ! Un superbe lob du pied droit en extension, dans le petit filet opposé.
Romario lui répond dès la reprise en seconde mi-temps, et les équipes se séparent sur un nul (1-1), mais la Suède semble monter en puissance. Elle doit désormais affronter l’Arabie Saoudite, qui a miraculeusement arraché une qualification en battant la Belgique, qui s’est bien chié dessus sur le coup car ça la fait terminer 3e de son groupe et affronter l’Allemagne en 1/8e. Bref.
Le 3 juillet à Dallas, sous 40 degrés, Kennet Andersson se signale dès la 6e minute : son centre de la gauche est repris de la tête par Dahlin qui marque son 4e but du tournoi. Puis Andersson prend le relais, et s’impose progressivement comme le buteur n°1 de la Suède : il double la mise d’une frappe de 20 mètres à la 51e (2-0), puis assure la qualification d’une frappe croisée en fin de match (3-1). La Suède est en quarts, performance inédite depuis 1958.
Se présente désormais la Roumanie, tombeuse de l’Argentine au tour précédent. Après un match longtemps moyen dans le temps réglementaire (1-1, les Roumains égalisant à la 89e), la prolongation est haletante : la Roumanie prend l’avantage grâce au 2e but personnel de Raducioiu (102e), mais la Suède pousse… À la 115e Ljung envoie une balle au petit bonheur la chance dans la surface roumaine. Le gardien semble pouvoir s’emparer du ballon, mais surgit… la tête d’Andersson, pour l’égalisation (2-2). Bonjour le « jeu latin » ! La Suède s’impose aux tirs aux buts, et Kennet transforme là aussi son tir, le gardien Ravelli s’assurant du reste avec deux arrêts.
« Dites à mes amis Lillois que je ne les oublie pas »
La Suède et Andersson n’en finissent pas d’étonner, au même titre que la Bulgarie, elle aussi dans le dernier carré. À commencer par le sélectionneur lui-même, Tommy Svensson. Parlant de Kennet, il déclare : « c’est vrai que je l’avais d’abord sélectionné comme un attaquant d’appoint. Maintenant, il est devenu un des hommes indispensables de l’équipe, et c’est son égalisation magnifique, autant que les 2 arrêts de Ravelli, qui nous permettent de continuer ». Devenu une des stars d’une coupe du monde qu’il avait abordée dans l’ombre, Andersson attribue les mérites de son dernier but au centreur… et au gardien Roumain : « le centre était parfait et je l’attendais. Et le gardien n’a pas sauté très haut. C’est le plus beau jour de ma vie »
Face à tant de réussite, une question ne tarde pas à se poser : qu’est-ce qu’un attaquant de sa trempe faisait à Lille, et surtout que n’a-t-il pas fait en signant à Caen…? Quand on lui pose la question, Kennet renverse le raisonnement : c’est sa signature en Normandie et l’éclaircissement précoce de son avenir qui l’ont libéré : « on me dit parfois que j’ai eu tort de signer si rapidement à Caen, que j’aurais pu faire monter les enchères après cette coupe du monde. J’avais, avant tout, besoin d’être tranquille, de vivre cette compétition dans la sérénité. J’espère que Pierre Mankowski est content de moi. Dites à mes amis Lillois que je ne les oublie pas et que j’ai passé une bonne année au LOSC8 ».
La Suède tombe en demi-finale, contre le Brésil (0-1), pour ce qui était un remake du match de poules qui était déjà un remake du match de 1958 si vous suivez bien. Et donc, lors du match de classement pour la troisième place le 16 juillet, elle bat facilement la Bulgarie (4-0), et Kennet Andersson inscrit là son 5e but. On apprend le même jour que son remplaçant à Lille a été trouvé : il s’agit de Frank Farina, un attaquant Italo-Australien de Strasbourg.
Andersson, quant à lui, poursuit une belle carrière qui n’atteindra toutefois plus les sommets qu’il a côtoyés durant l’été 1994. Sa saison à Caen en 1994/1995 est un échec sur le plan sportif : en dépit d’un superbe but contre Bordeaux et d’un but contre Lille lui permettant d’entrer dans le cercle pourri des ex qui nous en veulent, Caen est relégué et le Suédois déçoit, avec « seulement » 9 buts inscrits. Il ne reviendra qu’une fois à Grimonprez-Jooris, lorsque Caen se déplace à Lille, le 23 septembre 1994 : probablement dépité de ne pas jouer sous les bonnes couleurs, il improvise un ballon-prisonnier avec Arnaud Duncker qui lui vaut une expulsion directe. Brave Kennet, qu’on n’oublie pas dès qu’on s’ouvre une bière ici à Lille : Kennet de bière, c’était gage de réussite.
FC Notes :
Pour d’autres détails sur la carrière de Kennet Andersson, on vous renvoie à l’excellent site Foot d’avant, et à l’interview parue en septembre 2017 : https://footdavant.fr/kennet-andersson-les-suedois-savent-ou-ils-etaient-quand-jai-marque-contre-le-bresil/
1 La Voix des Sports, 23 mai 1994.
2 Oui, oui : Malines a gagné la C2 en 1988, en battant l’Ajax en finale.
3 La Voix du Nord, 24 juillet 1993.
4 Et au vu de la dernière saison de Vandenbergh, on peut dire que Lille n’a pas d’avant-centre depuis 4 ans.
5 Il a longtemps été question qu’Addick Koot s’associe à Marc Devaux, pour une présidence Koot-Devaux, mais le projet n’a pas abouti.
6 La Voix du Nord, 3 juin 1994.
7 La Voix du Nord, 16 juin 1994
8 La Voix des sports, 11 juillet 1994.
Posté le 6 juillet 2018 - par dbclosc
« Bien Malicki ne profite jamais », « Vendre son Lââm au Diable » et autres expressions qui doivent leur existence au LOSC.
« Plus qu’à Molière et à Jean II La Fontaine, la langue française doit tout au LOSC » affirmait ainsi l’académicien Jean D’Ormesson lorsqu’on l’interrogeait sur ses principales références littéraires. Il est vrai que cela est peu connu – et d’autant plus que le « grand complot » s’emploie à nous le cacher – mais la langue française doit énormément de ses expressions au LOSC et à son histoire, l’Historien Pierre Bellemare avançant le chiffre de 90 %. On vous présente ici un maigre aperçu de ces nombreuses formules loscistes d’origine qui ont considérablement enrichi notre bel idiome.
Un chien vaut mieux que deux ch’tis lensois : la référence au chien, c’est bien sûr une allusion assez explicite au Dogue losciste. D’ordinaire, les proverbes sont censés nous rappeler à la sagesse, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas. Ici, la formule remplit fort opportunément son office, nous rappelant une évidence trop souvent contestée.
Bien Malicki ne profite jamais : en août 2008, Grégory Malicki réalise un bon match contre Rennes. Pour autant, le match finit mal avec un but de Cheyrou, un ex qui nous en veut, et de Sow, un futur qui nous en veut sans nous connaître, scellant la défaite du LOSC (2-1). De cet épisode naît une expression, faisant référence au fait que même s’il joue bien, Greg Malicki n’en profite jamais. Par extension, l’expression fait référence aux cas de figure où, tout en ayant fait le maximum, on n’atteint pas son objectif.
Greg Malicki, en train de ne pas profiter
Vendre son Lââm au Diable : désigne le fait d’essayer d’arnaquer quelqu’un de bien. Fait référence au fait que Rio Mavuba, profitant de la crédulité du alors très jeune Diable Rouge Eden Hazard, lui revendit un disque de Lââm en lui faisant croire que c’était super bien.
Il n’y a pas de Sow métier : cette expression met en valeur la spécificité du jeu de Moussa Sow, unique en son genre, si bien qu’il est impossible de le copier et donc d’en faire son métier, puisque ce sera toujours différent du modèle original. Dans le langage courant, dire qu’il n’y a pas de Sow métier revient à souligner l’impossibilité de renouveler une grande performance.

Quand Lama fâché, lui toujours faire ainsi : On ne le sait pas toujours, mais Hergé a tiré l’essentiel de son inspiration de l’observation minutieuse du LOSC. Le célèbre dessinateur belge avait ainsi remarqué que Bernard Lama, à chaque fois qu’il encaissait un but, crachait par terre de dépit. La légende raconte que Zorrino, le jeune indien du « Temple du Soleil », lui aurait été inspiré par Fernando Zappia, le défenseur central argentin du LOSC.
Fernando « Zorrino » Zappia, expliquant au Capitaine la réaction de Bernard
Il n’y a que Vérité qui se blesse : on n’a pas trouvé beaucoup d’informations quant à l’origine de cette expression. Il s’agit vraisemblablement là de souligner la belle qualité de la préparation physique des jeunes lillois qui, de ce fait, ne se blessent que rarement. « Il n’y a que Benjamin Vérité qui se blesse » souligne alors le caractère exceptionnel de la chose.
Tire la chevillette et la bobinette Cheyrou : les plus grands linguistes se sont penchées sur cette expression pour nous en faire découvrir les arcanes. Ils ont échoué. Il n’empêche, c’est une sacrément belle expression.
Et là, paf ! La bobinette Cheyrou !
Clouer le Beck : il est arrivé que certaines organisations défensives parviennent particulièrement bien à contenir Mikkel Beck, avant-centre lillois de 2000 à 2002, réussissant ainsi à le « clouer » pour employer une formule métaphorique. « Clouer le Beck » désigne alors par extension une organisation parvenant à empêcher l’avant-centre adverse de s’exprimer.
Nul n’est censé ignorer Valois : cette expression fait référence à de nombreuses interventions de Vahid vantant les vertus d’un jeu collectif. « Nul n’est censé ignorer Valois » indique combien il est important de faire des passes à tout le monde y compris à Jean-Louis et même si on a plus envie de l’envoyer à Ted Kelton Agasson ou à Djezon Boutoille.
Eh ! Les gars ! Par ici ! Arrêtez de m’ignorer !
Après Mickaël Foor, le réconfort : en entendant les cris de Mickaël Foor dans les nombreux moments chauds d’un match, on a parfois les oreilles qui bourdonnent. D’où le soulagement ressenti une fois l’action passée : « après Mickaël Foor, le réconfort ».
Faut pas pousser Pépé dans les orties : cette expression nous appelle à la sagesse. Si l’on pousse Nicolas Pépé dans les orties, il aura d’importantes démangeaisons qui affecteront nécessairement ses performances. Par extension, « Faut pas pousser Pépé dans les orties » est une expression qui invite à ne pas faire des trucs stupides.
Se faire l’avocat du Diable : un jour, Eden Hazard fit un match bien moins bon que d’habitude, comme on peut en trouver un indice dans le fait que L’Equipe ne lui attribua que la note de 7/10. Rio Mavuba, culpabilisant de lui avoir refourgué un vieux disque de merde (cf. « Vendre son Lââm au Diable ») le défendit, expliquant que le jeune Diable Rouge s’était cassé la jambe le matin même, se faisant en quelque sorte « son avocat ».
Jean passe, et Demeyere : cette expression met l’accent sur le fait que tout est l’occasion de prendre des nouvelles de Silke Demeyere. Par exemple, si Jean Fernandez passait, cela serait une bonne occasion de prendre des nouvelles de Silke : « Tiens, Jean passe. Et Demeyere ? ». On parle de Jean qui passe comme on aurait pu évoquer Thierry Froger qui part ou tout autre événement. Tiens, d’ailleurs, ça va Silke ?
Mettre de l’eau dans Thauvin : à l’été 2013, Florian Thauvin rejoint le LOSC pour immédiatement faire grêve dans l’optique de rejoindre l’OM avant même d’avoir joué ne serait-ce qu’une minute avec son club, démarche d’autant plus conne qu’il a joué comme une chèvre chez les Phocéens pendant longtemps une fois son départ acté. En représailles face à cette marque de mépris, nombre de supporters lillois voulurent le torturer, certains pensèrent à cette technique qui consiste à remplir d’eau l’individu. Remplir d’eau une tête pleine d’eau, quoi de plus naturel en somme.
En (Nolan) Roux libre : cette expression est née beaucoup plus récemment que ce que l’on croit souvent, puisqu’elle date de la fin de contrat de Nolan Roux qui, dès lors, s’était retrouvé libre : en Roux libre, en somme.
Il est libre Nolan
Vieux mollard de Jallet : fait référence au fait que, comme tout bon supporter lillois, nous trouvons que Jallet est une sacrée raclure.
Apporter de l’eau à Monsieur Moulin : expression qui doit son origine au caractère très sympathique des Lillois qui, même bafoués par des erreurs arbitrales, ne manquent pas de savoir vivre à l’égard de l’homme en noir. Dans cette expression, c’est Monsieur Moulin qui est retenu, mais l’expression aurait tout aussi bien pu faire référence à Bruno Derrien : « apporter de l’eau à Monsieur Derrien ».
Tant va la cruche Tallo qu’à la fin il se casse : on reconnaît bien là une expression d’origine populaire, pas forcément tendre avec ceux qu’elle attaque. Ici, il est fait référence à Junior Tallo, l’assimilation à une « cruche » venant révéler une appréciation négative des performances du joueur aboutissant à son départ. Il s’agit de dire que, quand un joueur n’est pas bon, il ne faut pas s’inquiéter : il finit toujours par quitter le club.
Delpierre, tel fils : cette expression revoie à la tradition familiale qu’entretient le LOSC, qui voit des « fils de » s’engager au club. Il en est ainsi de Jean-Michel et Michel Vandamme. Par extension, on utilise cette expression pour évoquer les fratries au sein du club (comme les Robail, Cheyrou ou Fonte). Une variante existe pour les filiations féminines, comme pour les Dolignon : Delpierre, telle fille.
Frais comme Bernard Gardon : cette expression, apparue dans les années 1970, fait référence aux capacités physiques impressionnantes de l’ancien défenseur du LOSC. D’un joueur qui ne semble pas souffrir de la fatigue, on dit alors qu’il est « frais comme Bernard Gardon ». A ne pas confondre avec « Frey comme Bernard Gardon ». Cette dernière expression vient de supporters lillois découvrant Michael Frey qui le jugeaient du niveau physique qu’avait Gardon, non au temps de la splendeur losciste de ce dernier, mais du temps de l’arrivée du Suisse (en 2014), c’est-à-dire alors que Bernard avait 62 ans.
Christophe Galtier, s’adressant à Michael Frey, s’étonnant de sa présence à la reprise de l’entraînement
Cela ne doit rien au Hazard : au départ, quand le jeune Eden fit ses débuts, les commentateurs élogieux faisaient systématiquement remarquer que tel ou tel but « devait beaucoup à Hazard ». L’expérience allant, on remarqua que à peu près tous les buts lillois « devaient beaucoup à Hazard », si bien qu’on jugea plus pertinent de ne plus le signaler tellement cela allait de soi. Parallèlement, un but du LOSC ne devant rien à Eden étant si rare, il fallait le souligner quand c’était le cas. Par exemple : « le but d’Obraniak en finale de coupe 2011 ne doit rien au Hazard ».
Qui veut noyer son chien l’accuse de Faraj : comme la langue française est riche ! Même d’expressions qui n’ont aucun sens ! Car, il est vrai que « accuser quelqu’un de Faraj » ça ne veut pas dire grand chose, si ce n’est peut-être d’être un jeune joueur plein de talent, ce qui, avouons-le, est sacrément étrange comme accusation. Si cette hypothèse s’avère exacte, cela signifie donc que si vous avez l’intention de noyer votre chien, il faut au préalable l’accuser d’être un jeune joueur plein de talent.
Passer du Cogalan : à l’été 2018, Ferhat Cogalan signe au LOSC. Le site internet du club le présente comme un « grand espoir du football mondial ». Quelques années plus tard, bien malin qui peut dire où joue le petit prodige. En fait, il semblerait que le trio magique Lopez/Campos/Ingla ait médiatiquement survendu le joueur, lui attribuant soit des qualités qu’il n’avait pas, soit des qualités qu’il avait mais qui lui ont mis la pression au point de perdre son football.
Passer du Cogalan signifie donc un déclassement footballistique : cela peut en effet renvoyer à une subite baisse de niveau, soit à un trop grand décalage entre ce que des dirigeants crapuleux projettent sur lui et son niveau réel.
Qui s’y frotte s’y Pickeu : Pickeugool lisait-on en 1998 sur une banderole du stade à l’arrivée du redoutable buteur amiénois. Pourtant, Olive n’a pas trop réussi pour son retour à Lille. C’est ce qu’on appelle le karma : à trop projeter d’espoirs sur un joueur avant qu’il ait fait ses preuves, nous payons le prix de notre prétention. Cette expression est donc une invitation à la modestie et à n’encenser les joueurs que s’ils ont très performants. Sinon, le retour de bâton du destin est cruel.
Pickeu se frottant à un adversaire
Jeter Lobé avec l’eau du bain : les performances de Samuel Lobé ont parfois agacé. Par extension, c’est toute l’équipe de Thierry Froger qui était critiquée lors de la saison 1997/1998. Il s’agit donc ici de rejeter un grand ensemble à partir d’un de ses éléments qui le symbolise. Exemple : « quel président omnipotent, fichue Ve République !« .
La réponse de Bergeroo à la bergère : à l’époque d’Arribas, le LOSC se créait beaucoup d’occasions, mais en concédait tout autant. Par conséquent, un arrêt du gardien adverse était souvent suivi d’un arrêt de Bergeroo. Par extension, la réponse de Bergeroo à la bergère désigne tout mimétisme dans les interactions entre individus.
Sans contrefaçon, je suis Agasson : c’est Mylène Farmer, en 1987, qui a remis cette expression peu usitée au goût du jour. Elle désigne le fait que le LOSC a bel et bien recruté Ted Agasson, qui a confirmé son niveau à Lille, après avoir quitté le Red Star. Ainsi, il n’était pas une contrefaçon contrairement, par exemple, à Amara Simba qui, en arrivant à Lille, n’avait rien du buteur qu’il avait été. Cette expression est très utilisée dans le commerce pour signifier qu’il n’y a aucune tromperie sur la marchandise.
Certains linguistes soulignent aussi le fait que le deuxième prénom de Ted étant « Kelton », il y aurait une référence ancienne à des montres contrefaites. On trouverait donc peut-être aussi les origines du temps additionnel.
Ted Kelton signale à l’arbitre que sa montre est une contrefaçon. Vexé, ce dernier lui adresse un carton jaune.
Bourbotte en touche : la langue française est connue pour sa plasticité, elle nous le prouve encore ici puisque cette maxime s’applique autant à François qu’à Gérard Bourbotte. Le revers, c’est qu’elle est parfois imprécise. Bourbotte en touche désigne donc une incertitude qui incite à ne pas émettre d’opinion tranchée.
Les blagues d’Hitoto : en août 1994, Roger Hitoto, fraîchement recruté, marque pour son premier match à domicile, contre Strasbourg. Il n’est pourtant pas un buteur. De surcroît, il marque de son mauvais pied : le gauche. Cela avait bien fait rire ses coéquipiers, qui y ont vu un heureux accident. Ils ont alors désigné tout événement heureux et inattendu comme étant une blague d’Hitoto. Par extension, c’est aussi une petite histoire avec une bonne chute.
Jeunes supporters demandant à Roger Hitoto de noter les blagues qu’ils ont écrites sur leur carnet
Posté le 5 juillet 2018 - par dbclosc
Vladimir Manchev, le Bulgare du Nord
En juin 2002, le LOSC entame un nouveau cycle. Président depuis avril, Michel Seydoux peaufine la stratégie qu’il a choisie pour le développement du LOSC. Celle-ci est symboliquement marquée par un changement de logo. Seulement voilà, le chantier est gigantesque. Après quatre saisons incroyables dirigées par Vahid Halilhodzic, le Bosniaque a choisi de partir. Seydoux doit en plus gérer les volontés de départ de nombreux cadres désireux de relever un nouveau challenge. Tous les secteurs de jeu sont concernés, à l’exception des buts gardés par le grand Greg. En attaque, le LOSC prospecte en Amérique du Sud et espère attirer deux joueurs. Alors qu’Hector Tapia est le premier à rejoindre le Nord, les négociations se concentrent sur des attaquants brésiliens. Fin juillet, c’est la délivrance : le LOSC a trouvé son avant-centre pour épauler le Chilien. Il vient de Sofia en Bulgarie (comme Sylvie Vartan), il s’appelle Vladimir Manchev (pas comme Sylvie Vartan).
La rançon de la gloire
Après avoir marché sur la D2 en 1999-2000, le LOSC a effectué un retour triomphal en D1. Et ça ne s’arrête pas là ! Qualifiés pour le tour préliminaire de Ligue des Champions, les Dogues éliminent Parme, restent invaincus à domicile lors de la phase de groupe, viennent à bout de la Fiorentina avant de subir une élimination frustrante face au Borussia Dortmund. En championnat, la 5ème place acquise qualifie le club pour la Coupe Intertoto.
Toutefois, le nouveau chapitre qui s’ouvre marque également un recul sportif à court terme. Le diagnostic de Seydoux entraîne en effet la mise en œuvre d’une « sévère politique de gestion »[1]. Comprenez : des joueurs partiront et ne seront pas remplacés par des joueurs (immédiatement) du même niveau. Ainsi, à la reprise des entraînements, Bruno Cheyrou s’est déjà envolé vers Liverpool et Johnny Ecker vers Marseille. On note aussi les départs de Bassir, Murati, Michalowski et Olufadé, tandis que Pignol met un terme à sa carrière. La vague de départs n’est pas terminée : Pascal Cygan a clairement fait comprendre qu’il n’effectuera pas une nouvelle saison à Grimonprez-Jooris, et Dagui Bakari est en négociations avec Lens. Quant à Mikkel Beck, il ne sera pas retenu. Mais on l’apprendra quelques temps plus tard, une infection nosocomiale attrapée lors d’une intervention sur sa cheville met un terme à sa carrière de footballeur professionnel.
Des recrues de seconde zone
Si les supporters sont inquiets de tous ces départs, c’est aussi parce que les arrivées ne sont pas de nature à rassurer : si Malicki reste dans le Nord après un prêt jugé concluant, Matthieu Chalmé est récompensé du bon parcours de Libourne Saint-Seurin (4ème division) en Coupe de France et devient le nouvel arrière droit losciste. Marc-Antoine Fortuné s’engage également, fort de ses 12 buts en National avec Angoulême. Enfin, Grégory Campi, que Puel a connu à Monaco, arrive de Bari. C’est avec ça qu’on doit foutre eu’l bazar ? Non, car les trois nouveaux venus sont rejoints par Nicolas Bonnal. Si le milieu (pouvant jouer à gauche et à droite) s’était montré à son avantage lorsque Puel lui avait donné du temps de jeu sous le maillot monégasque, il reste sur dix-huit mois sans jouer en raison de blessures récurrentes.
Le LOSC cherche toutefois encore deux joueurs offensifs pour son équipe-type. « L’entraîneur cherche un attaquant pour remplacer Dagui Bakari et un autre qui puisse tourner autour de lui », précise Alain Tirloit, le directeur sportif, dans La Voix du Nord. Le 13 juin, deux noms sont cités dans la presse pour la première fois : l’Uruguayen Richard Morales et le Brésilien Joao Kleber sont pistés. Une semaine plus tard, Ricardo Oliveira s’ajoute à la liste des cibles connues. À l’évidence, c’est d’Amérique du Sud que viendront les renforts offensifs.
En effet, le 25 juin, par le train de 13h49, Hector Tapia arrive à Lille-Europe. Conseillé par l’ancien Lillois Raoul Nogues (lui-même proche de Puel), le Chilien répond à la description de l’attaquant mobile recherché. Petit gabarit, Nogues présente le meilleur buteur du dernier championnat chilien comme « rapide, puissant, et très doué techniquement ». (Trop) rapidement, Hector séduit : sa première apparition se résume aux cinq dernières minutes contre Beauvais (L2), en amical. Suffisant pour que le journaliste de la VDN sur place considère le nouveau venu comme « assurément l’attaquant dont le club a besoin ». Tapia poursuit son tour de charme lors du deuxième match amical : dès la 4e minute, il ouvre le score contre Visé (D2 belge) d’un coup-franc des vingt mètres. Bien visé.
Pas de nouvelle, pas de nouvelle
Mais le remplaçant de Dagui tarde à être trouvé. Kleber est le premier choix du club. Tirloit est même au Brésil pour « obtenir au plus vite l’accord de l’attaquant ». Et puis plus rien. Plus aucune nouvelle. A une semaine du premier match officiel de la saison, en Coupe Intertoto, la présentation de l’équipe aux supporters se fait avec un effectif incomplet, mais avec la nouvelle mascotte.

La mascotte est à droite.
Ainsi, la victoire à Bistrita est acquise avec un duo Boutoille-Tapia, Matt Moussilou effectuant sa première apparition sur une feuille de match.
Soudainement, le 24 juillet, l’information tombe : le LOSC a trouvé son attaquant. Son nom n’a jamais été cité, et pour cause : alors que tout indiquait que l’attaquant serait sud-américain, la télévision bulgare annonce la signature de son compatriote Vladimir Manchev, meilleur buteur du championnat bulgare la saison écoulée. Pour quitter le CSKA, la transaction s’élève à 2,3M€, du jamais vu en Bulgarie. Il semble que le LOSC effectue là un joli coup, puisque l’Inter Milan et Stuttgart étaient également intéressés. Quant au PSG, il aurait fait une offre largement supérieure au LOSC mais serait arrivé trop tard : Vladimir a fait son choix, il veut enflammer Grimonprez. Cette décision peut s’expliquer par la présence en Bulgarie de deux anciens Lillois : Zarko Olarevic entraîne le Slavia Sofia, tandis que Slavo Muslin entraîne le Levski, rival du CSKA. Y’a du monde aux Balkans ! Dans la touffeur sofiote, les deux entraîneurs se souviennent du LOSC pour la presse bulgare.

Manchev, un p’tit verre, on a soif !
Grâce à Pelé et Friis-Hansen
Le choix de se porter sur Vladimir Manchev a surpris. Parce que rien n’avait fuité, dans un premier temps. Et parce que c’est la première fois que le LOSC achète en Bulgarie, alors que le club entretient une tradition yougoslave (Karasi, Olarevic, Savic, Muslin, Primorac, Banjac) ou danoise (Frandsen, Hansen, Nielsen, Jensen, Pingel, Lykke, Beck…). Tirloit justifie cette arrivée : « Kleber, c’est compliqué et cher. Quand un transfert doit se faire, ça se fait vite ».
Manchev avait échappé à la cellule de recrutement du LOSC. C’est Laurent Roussey, l’entraîneur-adjoint, qui a eu des contacts avec les frères Duraincie, tous deux agents mandatés. Les Duraincie avaient déjà fait venir Abedi Pelé et Jakob Friis-Hansen au LOSC dans les années 1990. La réussite de ces deux joueurs a donné confiance à la nouvelle direction pour valider l’arrivée du jeune Bulgare.
Présenté lors de la réception d’Aston Villa en demi-finale aller de Coupe Intertoto, Vladimir vit une intégration difficile à cause de la barrière de la langue. Il aime les contacts humains mais, comme il le dit très justement, « mon visage fermé me rend peu sympathique ». Plus rapide, le football français le met en difficulté et ne facilite pas son ouverture. Il est d’ailleurs sifflé pour sa sortie lors de première titularisation à domicile (défaite 0-3 contre le promu Nice). « C’est vrai que je suis mal à l’aise. Les résultats, les difficultés de communication »… Maîtrisant quelques notions d’italien, il est toutefois couvé par Fernando D’Amico, dont il a très vite compris les qualités : « Il s’est déjà intéressé à la Bulgarie. Il m’a posé un tas de questions ! C’est un personnage très attachant ».

A la lutte avec Noé Pamarot et José Cobos
Manchev attend la 6e journée pour débloquer son compteur. Face au PSG qu’il a failli rejoindre, il inscrit un doublé et le LOSC empoche sa première victoire de la saison, dans un match marqué par 4 expulsions. Dans un contexte sportif compliqué, il inscrit quatre buts en quatre journées avant Noël, mais ne marque qu’une fois lors de la phase retour.
Son bilan honnête lui permet d’être reconduit une deuxième saison sur le front de l’attaque lilloise. Il devient alors indispensable grâce à ses qualités de finisseur, même si son activité sans ballon lui est souvent reprochée. Au sein d’une équipe qui peine à enchaîner les bons résultats (après trois victoires pour débuter la saison, le LOSC ne reprend les trois points qu’à la 16e journée), Vladimir claque douze fois sur la phase aller (soit 60% des buts lillois). Mais une blessure contractée au mois de janvier l’éloigne des terrains pendant deux mois. Renforcée au mercato hivernal par l’arrivée d’Acimovic et Tavlaridis (on passera sous silence Sofiane et Lukunku), l’équipe se met à tourner et son remplaçant, Matt Moussilou, marque six fois lors des 8 matchs que rate le Bulgare. Sur la même période, le LOSC prend 19 points (6 victoires, 1 nul, 1 défaite). Aucun club de Ligue 1 ne fait mieux. Vladimir revient pour les derniers matchs mais peine à convaincre. Il inscrit son 13e but contre Bordeaux, lors de la 35e journée. Passé derrière Matt Moussilou dans la hiérarchie des attaquants, il s’en va en août 2004 à Levante, après 20 buts en championnat sous le maillot des Dogues.