Archiver pour septembre 2018
Posté le 24 septembre 2018 - par dbclosc
Lille/Dijon : le coup de mou tarde (à nous quitter)
Lille accueille un promu en ce samedi après-midi, mais un promu qui s’est sacrément renforcé durant l’intersaison, notamment avec Kenza Dali, dont c’est le retour à Lille. Autrement dit, ce match, c’est le Dalico. Fernando D’Alico. Pour l’occasion, le maillot de Dali est floqué « Dalil ». Elle aura l’air bien bête avec son maillot « Dadijon » quand elle quittera la Bourgogne.
Après un bon bœuf bourguignon à midi, on a pris des chocolats Côte d’Or pour supporter une température un peu frisquette et nos filles préférées qui, après la logique défaite inaugurale contre Lyon, ont enchaîné deux bons résultats à l’extérieur, avec une victoire à Rodez (3-2) puis un nul au Paris FC (0-0). La défense ne change pas ; après avoir purgé son match de suspension, Marine Dafeur retrouve sa place au milieu de terrain ; en l’absence de longue durée de Jana Coryn, qui est présente avec ses béquilles en tribunes et sera prochainement opérée, l’attaque est composée de Sarr/Tolmais. Juste derrière, on pourra observer Lina Boussaha pour la première fois à domicile dans des conditions « normales » (c’est-à-dire pas contre Lyon).
Les premières vingt minutes sont plutôt à l’avantage des Lilloises. Celles-ci se présentent souvent aux abords de la surface dijonnaise, dès la première minute par exemple, avec un coup-franc de Demeyere dégagé par la défense mais repris de la tête par Mansuy à 18 mètres. Toutefois, les Dijonnaises pointent également leur nez, avec d’abord une échappée de Dali, bien reprise par Nicoli, ce qui confirme que cette fille a l’air très bien (3e), juste avant qu’un centre de la droite, contré par Mansuy, soit récupéré au premier poteau par Elisa Launay (4e).
Le premier scandale du match survient à la 6e minute, quand une faute est sifflée contre Silke Demeyere. L’arbitre semble manifestement ignorer que SuperSilke bénéficie de l’immunité sur le terrain : elle ne fait jamais de faute.
10e Première belle combinaison lilloise avec Mansuy, Polito puis Dafeur qui centre, mais ni Sarr ni Tolmais ne peuvent récupérer le ballon. Dans la minute suivante, nouvelle ouverture de Marine Dafeur, mais nos deux attaquantes font le même appel.
14e Première vraie occasion lilloise : Marine Dafeur, absolument déchaînée depuis le début du match, réussit un joli dribble et centre au premier poteau où Sarr est à deux doigts de pied de reprendre le ballon, intercepté de justesse par la gardienne.
15e Centre de Dali côté droit. Jessica Lernon se troue un peu, touche involontairement le ballon de la main dans la surface, et ça arrive jusqu’à une attaquante dijonnaise qui met une frappe dégueulasse à côté.
17e RÉCUPÉRATION DE DEMEYERE qui passe à Sarr, qui décale Boussaha qui s’emmêle les pinceaux dans la surface en voulant dribbler.
18e But pour Lille ! À l’origine, un long coup franc de Launay suite à un hors jeu, Sarr contrôle en pivot et trouve Dafeur à une vingtaine de mètres qui envoie une belle frappe croisée du gauche dans le filet opposé. Le super début de match de Marine est récompensé d’un but : 1-0 !
20e Chez nous, Marine est à gauche. Elle récupère encore un ballon et centre sur Sarr, qui tombe grossièrement dans la surface.
Dans la foulée, Tolmais redescend assez bas pour envoyer au tapis Kenza Dali d’une manière très esthétique, et sans faire faute.
Après ces vingt minutes bien maîtrisées, le LOSC se montre moins offensif et plus brouillon. On a de plus en plus de mal à sortir le ballon et, surtout, à se trouver devant. Et, surtout, quelque chose ne va pas : Maud Coutereels n’a encore envoyé aucune adversaire par terre.
25e De là où on est, on croit voir une faute de Mansuy sur son côté gauche, à proximité de la surface et de la ligne de but. L’arbitre ne dit rien. L’entraîneur dijonnais n’est pas content et le fait savoir. L’arbitre vient lui dire « Vous avez vu où j’étais ? J’étais plus près que vous ». Admettons que ça vaille pour nous aussi.
28e Dafeur contre une passe adverse : le ballon vient heurter le haut du tunnel d’entrée des joueuses sans y entrer. Dommage, elle ne réitérera pas sa performance de l’année dernière contre Fleury, prouesse également réalisée par Aurore Paprzycki contre Guingamp. C’est ça aussi les petits plaisirs qui égayent un match.
29e Tiens, le panneau d’affichage vient de s’allumer. Le score est de 1-0, ce qui confirme nos observations.
30e Ouverture dijonnaise dans l’axe. Elisa Launay hésite et tarde à sortir. Elle est lobée par un piqué et le ballon est ensuite prolongé par une de ses coéquipières devant la ligne de but. Selon les sites de foot, la buteuse s’appelle Thomas ou Bouillot, selon qu’on considère que la buteuse est la frappeuse initiale ou celle qui a prolongé. Nous on l’accorde à celle qui a prolongé car il semble que Nicoli pouvait sauver sinon. Donc but de Thomas. C’est con de prendre un but sur l’action la moins construite de Dijon, qui cherchait depuis le début à passer sur les ailes. 1-1.
35e Boussaha, à l’entrée de la surface, décale très à gauche pour Marine, alors qu’elle aurait peut-être pu frapper. Encore un très beau centre, mais personne ne peut reprendre. Du coup est-ce que c’est vraiment un beau centre ? Vous avez 3 heures.
38e Attaque dijonnaise. Reprise de volée contrée dans la surface par la main de Dafeur. L’arbitre accorde un pénalty : ça semble très sévère, car la volée se fait à 50 cm de Marine et elle n’a vraiment pas le temps de bouger sa main, en tout cas l’intentionnalité semble peu évidente. Le ballon est posé sur le point de pénalty, on s’apprête à tirer, mais l’arbitre revient finalement sur sa décision, sans qu’on n’ait bien compris ce qui l’a faite changer d’avis car l’assistant semble n’avoir rien dit. Là, l’entraîneur de Dijon se fait de nouveau remarquer, et pose une réserve. Un facétieux papy à notre gauche indique que « la moutarde lui monte au nez ». Ces jeux de mots sur la moutarde, c’est tellement facile… On comprend que l’entraîneur ne soit pas content, mais il peut aussi comprendre qu’on n’ait pas été contents qu’un pénalty eut été initialement sifflé.
43e Centre de Dafeur, encore, repoussé. Demeyere récupère à l’entrée de la surface et frappe, sans problème pour la gardienne.
45e Long coup-franc pour Dijon tiré côté gauche, il y a de l’espace dans la défense lilloise, une dijonnaise est seule au deuxième poteau mais sa reprise un peu fouirée file juste à côté du but lillois
45 + 3 Frappe de Sarr de 40 mètres, ben oui pourquoi pas. À côté.
Mi temps, 1-1.
20 bonnes premières minutes, récompensées par un but de la joueuse la plus en vue, Marine Dafeur. Par la suite, ça a été plus brouillon, les Lilloises se trouvant très peu dans les 30 derniers mètres, un peu à l’image de ce qu’on a régulièrement vu la saison dernière. La blessure de Jana Coryn contraint en outre l’équipe à une solution offensive en moins, ce qui la rend assez prévisible. En revanche, une grosse satisfaction saute aux yeux : c’est le duo de récupératrices Demeyere/Polito. Carla Polito joue parfois un cran plus haut que Demeyere, et constitue un relais très efficace entre défense et attaque.
48e RÉCUPÉRATION DE SILKE DEMEYERE !
52e Belle petite combinaison Demeyere, Sarr, Boussaha puis Tolmais qui réussit un très beau contrôle orienté et frappe spontanément. C’est dévié en corner par une défenseure.
53e Faute sur Demeyere ! Et toujours pas de carton !!! Le coup-franc lointain est tiré par Marine Dafeur. Le rebond ne surprend pas la gardienne
54e Encore Marine Dafeur à l’initiative d’une offensive. Elle trouve Sarr côté gauche, qui centre trop haut.
55e Frappe lointaine de Dafeur. Bon, elle a dû avoir des consignes pour tenter sa chance de loin.
60e Passes entre Dafeur, Sarr et Boussaha. À l’entrée de la surface, celle-ci crochète et frappe pied gauche. C’est contré puis ça tape sur sa main. Coup-franc.
63e Belle intervention défensive de Lernon. L’occasion de visionner ce reportage sur sa vie de téléconseillère au Crédit Mutuel ici, à partir de 7’15. Nous ajoutons cette belle action à son crédit, ahaha.
65e Julie Dufour remplace Lina Boussaha.
« Le sport, c’est aussi au féminin ». Bon, alors faut écrire LA sport.
67e Bon pressing de Sarr, qui récupère et file au but côté droit. Mais elle se précipite et tente sa chance alors qu’elle est bien trop excentrée et loin du but. Elle tente un lob qui passe au-dessus.
68e Centre de Tolmais, ça arrive sur Sarr qui contrôle, crochète et tombe sur une adversaire. Pas d’obstruction selon l’arbitre, donc pas de péno. Là l’entraîneur de Dijon ne dit rien.
70e Coup-franc de Marine Dafeur. Tolmais récupère côté gauche, centre au deuxième poteau sur Dufour, qui ne cadre pas à 12 mètres.
72e Silke Demeyere est blessée, encore. Elle est remplacée par Rachel Saïdi.
75e Faute de Lernon côté droit. Le coup-franc, tiré au deuxième poteau, est remisé de la tête dans l’axe, puis repris acrobatiquement au point de pénalty par la capitaine Ophélie Cuynet, qui inscrit là un bien joli but. Mais on s’est bien fait balader là-dessus. 3 minutes après la sortie de Silke, mais ça n’a peut-être aucun rapport. 1-2.
76e Carton jaune pour Marine Dafeur.
83e Ludivine Bultel remplace Jessica Lernon
85e Dali ouvre à gauche. Le centre à ras de terre est contrée au premier poteau par le pointu de Mansuy. Elisa Launay est à contre-pied et ne peut rattraper, ça file tout doucement au fond. 1-3.
88e Frappe de Sarr de 30 mètres, ben oui pourquoi pas. Au dessus. Faudrait pas voir à jouer les sauveuses toute seule.
93e Dernière jolie percée de Polito dans la surface adverse, son centre est contré.
Bon ben on a perdu. Mais comme Dijon a posé une réserve, on va peut-être rejouer, non ?
Comme en première période, les 20 premières minutes de la deuxième mi-temps ont été plutôt bonnes, mais il y a eu peu d’occasions, et la construction offensive reste assez confuse, comme si la mayonnaise ne prenait pas. Oui on a dit que les blagues sur la moutarde, ça allait 5 minutes, donc on change. Dijon s’est alors contenté d’attendre avant de se montrer réaliste. Mais globalement, l’adversaire a montré une force collective qui rend sa victoire tout à fait logique. Prochain rendez-vous à domicile le 13 octobre contre Fleury !
Posté le 12 septembre 2018 - par dbclosc
Dominique Carlier : «Il y a la performance, et l’accompagnement de la performance »
Chose promise, chose due : on vous annonçait dans notre compte-rendu de Lille-Lyon que nous aurions bientôt l’occasion d’évoquer la nouvelle saison de la section féminine avec un peu de recul, comme on l’avait fait l’année dernière en compagnie de Rachel Saïdi. Nous sommes donc allés à la rencontre du nouveau coach, Dominique Carlier, afin de connaître tout d’abord mieux son parcours. L’officialisation de son arrivée a eu lieu en juin, après que Jérémie Descamps a annoncé son départ en fin de saison dernière. Né en 1959, Dominique Carlier a d’abord eu une carrière de joueur professionnel, en deuxième division, avec des passages par Dunkerque, Châteauroux, La Roche-sur-Yon, Thonon-les-Bains et Châtellerault. Puis il découvre le métier d’entraîneur progressivement, en étant d’abord entraîneur adjoint-joueur de Châtellerault durant une saison, avant d’en devenir le coach à plein temps. Il poursuit son parcours à l’Union Sportive Stade Tamponnaise (La Réunion), puis à Wasquehal, en deuxième division, pour son passage sur un banc que l’on connaît probablement le plus ici, notamment parce que l’ESW a été un coriace adversaire du LOSC durant ces années, et surtout l’une des 4 équipes a l’avoir battu en 1999/2000, au Stadium ! Une excellente occasion de se plonger dans nos archives et de voir Dominique Carlier époque « moustache ».
Simultanément à ses expériences sur le banc, Dominique Carlier intègre la DTN, en compagnie de Gérard Houiller ou d’Aimé Jacquet. De 2002 à 2016, il met le terrain entre parenthèses, et monte sa structure d’accompagnement de sportifs et sportives de haut niveau, une expérience qu’il nous relate et dont il dit désormais s’inspirer dans sa pratique d’entraîneur afin de répondre aux exigences d’un métier qui s’est complexifié et demande des compétences plus étendues que la seule gestion du domaine sportif. Un profil qui traduit en actes les « missions » récentes que s’est données le LOSC quant à l’accompagnement de ses jeunes, et dont nous parlait Rachel Saïdi l’an dernier. Rappelé par le LOSC en 2015 pour s’occuper des jeunes stagiaires, il retrouve son activité de coach un an plus tard en prenant en charge l’Iris Croix, en Nationale 2.
Sur le terrain, Dominique Carlier se dit « formateur dans l’âme ». Précisément, après le match d’ouverture contre Lyon qu’on met de côté, le LOSC s’est imposé à Rodez (3-2) avec une équipe particulièrement jeune : une moyenne d’âge de 22,3 ans. Et les entrées de Chrystal Lermusiaux et de Maïté Boucly n’ont pas vraiment augmenté cette moyenne (celle de Laëtitia Chapeh, un peu). Une traduction rapide de la mise en valeur de la jeunesse lilloise… et de l’importance de sa gestion, sur laquelle insiste Dominique Carlier dans l’entretien. Il nous présente enfin les 4 recrues engagées cet été : Carla Polito, Morgane Nicoli, Lina Boussaha et Danielle Tolmais. En cliquant sur leurs noms sous leurs photos, vous accéderez à leur présentation individuelle réalisée par le club.
On va commencer par votre parcours jusqu’ici au LOSC. Vous avez commencé à Châtellerault, il me semble comme manager.
Oui ! C’était en 1988. Cela faisait 12 ans que j’étais joueur professionnel. Le club de Châtellerault m’a proposé d’être entraîneur de D2, de suite. Mais à seulement 29 ans, j’avais encore envie de jouer. Et par ailleurs, je considère qu’on ne peut pas être entraîneur et joueur de D2 à ce niveau-là : ce n’est pas crédible vis-à-vis des joueurs. Donc on m’a proposé d’être joueur et entraîneur-adjoint de Prudent Bacquet, qui a exercé au LOSC (comme par hasard !). Nous avons donc fait une première année en binôme. La deuxième année, Prudent Bacquet a souhaité partir. Châtellerault m’a alors demandé si ça m’intéressait de prendre la place. Il y avait une décision à prendre. Un peu difficile, mais quand on s’engage dans cette carrière-là, ce n’est pas par hasard non plus ! On a une certaine idée derrière la tête.
C’est donc là que vous avez pratiqué pour la première fois votre « reconversion ».
Ça m’a permis, pendant 8 ans, de faire mes armes en tant qu’entraîneur, mais aussi de manager, de responsable de club, de structuration de club. Au niveau sportif, on a fait de très bonnes saisons en National, on a manqué de peu plusieurs fois de retrouver la D2 [Note DBC : Le Stade Olympique de Châtellerault compte une saison en D2, en 1987/1988]. C’est donc là en effet que j’ai vraiment appris le métier. Et, parallèlement, j’avais aussi l’honneur d’intégrer la DTN (Gérard Houllier me l’avait demandé) pour former des entraîneurs. Après, c’est Aimé Jacquet qui m’a demandé de venir avec lui. Et je peux vous assurer que passer chaque année (la France était championne du monde et championne d’Europe) un mois avec Aimé Jacquet, Henri Michel et tout le staff, c’est une sacrée formation.
À quel point le métier a changé depuis 30 ans ?
Le métier a changé sur le plan technique : on est avant tout des techniciens, car on se doit d’avoir des connaissances et des compétences. Maintenant, le métier a énormément évolué sur deux plans : sur le relationnel et au niveau de la communication. Au niveau relationnel, c’est la population avec qui on exerce : je parle ici des joueurs et des joueuses, du pré carré. Bien sûr, je ne vais pas vous apprendre que les générations ne sont pas les mêmes ! Donc il y a une approche qui est différente. Quant à la communication, ou l’entraîneur de haut niveau, homme ou femme, mais aussi au niveau amateur, se doit d’être communicant. Parce que le message n’est plus seulement passé dans le sacro-saint du vestiaire, mais il est aussi véhiculé par les médias, sur des réseaux toujours plus nombreux. L’entraîneur ne se doit pas nécessairement de maîtriser cette communication, mais au moins d’en être conscient. Et certains techniciens peuvent être très compétents et avoir de grandes difficultés à déployer ces compétences. Peut-être moi le premier ! Ces compétences ne sont pas naturelles.
Morgane Nicoli, défenseure centrale, prêtée cette année par Montpellier
« Je pense m’être enrichi de mon expérience d’accompagnement de sportifs et sportives de haut niveau »
Si on comprend bien, le métier s’est diversifié, et vous y avez trouvé l’opportunité d’y développer des aspects qui vous intéressaient particulièrement.
Durant mon parcours, j’ai cheminé. Quand l’aventure s’est terminée avec Wasquehal, j’avais cette idée d’accompagner la personne. Je me reconnaissais plus ou mieux dans l’accompagnement de la performance que dans un entraîneur « classique ». Dans l’approche relationnelle, je ne pense pas être quelqu’un de fort communicant. Je pense être meilleur, parce que je pars de loin. Mais la relation en interne m’a toujours intéressé. Et petit à petit, je me suis rendu compte que dans la performance, avant tout on accompagnait la personne. Maintenant, j’en suis sûr ! Au haut niveau, on accompagne la personne ! Et chaque personne a son environnement de performance qui lui est propre. Et plus la personne est proche de son environnement de performance, plus ça va être fort et durable. Cet aspect m’intéressait, oui.
Ce sont des compétences que vous avez appliquées en dehors du football aussi. En fouillant un peu sur internet, on vu que vous êtes cadre en RH…
Oui, je suis cadre en RH, on peut dire ça. J’ai créé ma structure d’accompagnement de sportifs et sportives de haut niveau.
Ça signifie qu’aujourd’hui votre nouvelle fonction au LOSC, c’est être davantage qu’un entraîneur ? Vous êtes vraiment dans une dimension plus large, plus qu’entraîneur, comme un gestionnaire de la section féminine avec Jules-Jean Leplus ?
Le rôle qu’on m’a proposé d’avoir cette année, c’est celui d’entraîneur de l’équipe première de D1, donc je suis avant tout dans une optique de compétition et de performance. Ma mission première, c’est maintenir l’équipe première en D1. Après, j’ai bien entendu des relations avec Jules-Jean, on discute… Mon approche, ce que je veux apporter à ce groupe D1 élargi, est plus large parce que je me suis enrichi de ces 12 ans d’accompagnement de sportifs et de sportives de haut niveau, quelle que soit la discipline. Et pas seulement dans leurs performances propres, mais aussi dans leur progression dans la vie ! Cela m’a permis de mieux connaître la relation féminine, parce que j’ai accompagné principalement des sportives, et de connaître aussi les approches des différentes disciplines : quand vous accompagnez la championne d’Europe de tir à l’arc, ça vous apprend plein de choses, en termes de concentration par exemple. Je pense m’être enrichi de tout cela.
Vous revenez donc à la compétition, dans le Nord. Il me semble que cet ancrage local est également important pour vous.
Quand j’ai été débarqué de Wasquehal, le premier à m’avoir appelé est Aimé Jacquet. Il me dit « Dominique, tu viens, j’ai de quoi faire pour toi, tu vas à aller à l’étranger ». Mais moi j’étais revenu à Wasquehal parce que c’est ma région. J’ai commencé à Dunkerque, et mon père était mineur dans le Pas-de-Calais. Je la fais pas Zola hein, mais c’est ma région. Mais quand on est joueur professionnel ou entraîneur, on est partout sauf dans sa région. Quand Wasquehal m’a appelé, j’étais en Afrique. J’étais à La Réunion pour faire la Coupe d’Afrique. On m’a demandé si reprendre l’ESW m’intéressait. Si ça avait été ailleurs que dans le Nord, j’aurais dit non. Quand je suis revenu, c’était pour m’ancrer. Quand j’ai été limogé de Wasquehal, je pouvais repartir. Je continuais mon métier, mais je repartais. Deux ans ailleurs, deux ans là… C’est pas grave, c’est pas le métier le plus difficile ! C’était peut-être pour moi le moment de faire de cette difficulté une opportunité, avec ce projet d’accompagnement Et je reviens à ce que je vous ai dit : les 12 ans que j’ai passés, j’ai toujours été dans le football (le relationnel), mais je me suis enrichi de ce que j’avais envie d’avoir. Et cet enrichissement, j’ai envie aujourd’hui de le transmettre. Mais dans la compétition, parce qu’on se refait pas !
Comment avez-vous été approché par le LOSC ?
Ça s’est passé très simplement il y a 2-3 ans : le LOSC n’avait pas de stages pour ses jeunes. Le club est alors venu vers moi en 2015 : « est-ce que ça vous intéresserait ? ». Les jeunes ça me plaît bien, je me suis dit que ça allait me faire redécouvrir un peu les choses, et le déclic a eu lieu avec la redécouverte du terrain ! Mais avec une envie différente. Je ne sais pas si je vais réussir, mais je sais que je n’entraînerai plus comme j’entraînais auparavant. Non pas que j’entraînais mal, mais j’entraînais comme je savais. Aujourd’hui, j’ai envie d’apporter au groupe dont j’ai la responsabilité l’approche que je vous ai évoquée. Parce que pour moi, c’est source de performance.
Carla Polito, milieu de terrain défensive. Elle a joué 16 matches avec Arras en D2 la saison dernière, et 6 matches lors de la coupe du monde U20 cet été, au cours de laquelle la France a terminé 4e.
« La transmission avec Jérémie Descamps a été naturelle »
Patrick Robert, lorsque vous avez été nommé, a évoqué l’idée de « participer au développement de la section féminine ». Est-ce qu’on vous a demandé d’intégrer des joueuses formées par le LOSC ? Cette année, Julie Dufour et Maïté Boucly ont rejoint l’équipe première. Est-ce qu’il y a un objectif comme dans l’équipe professionnelle masculine d’intégrer des jeunes ou est-ce que c’est trop tôt ?
Non, ce n’est pas trop tôt ! On n’a même pas eu besoin de me demander ! C’est peut-être aussi pour ça que l’intérêt est arrivé sur moi. Pour moi, c’est une évidence. Ma vision consiste aussi à pouvoir valoriser le travail du club, donc de la section féminine. Et je ne connais pas d’entraîneur qui se prive de qualités si celles-ci sont apparentes. La qualité, le talent c’est peut-être un grand mot, n’est pas une question d’âge. On l’a bien vu lors de la Coupe du Monde ! Après, c’est la gestion de l’âge qui doit être différente. Savoir gérer des talents précoces/jeunes est très important, parce que c’est dangereux de les griller, de les « cramer ». Gérer des talents vieillissants est tout aussi délicat. Pourtant, ce sont des talents ! Mais à un moment donné, ils vont apporter quelque chose. Et si on demande trop à des talents vieillissants ou trop vite à des talents naissants, ça ne marchera pas.
La première chose que j’ai voulu connaître en arrivant, ce n’est pas le groupe D1. C’est le groupe élargi D1. Pendant la préparation, j’ai ouvert le groupe plus largement à des U19. Vous parlez de Julie et Maïté : Chrystal Lermusiaux et Lise Michalak sont venues parce qu’il faut qu’elles puissent voir. Et moi j’avais besoin aussi de découvrir. Et s’il y en a d’autres, on les prendra. J’ai toujours fonctionné comme ça. Mon regard est large. Mais mon objectif est clair : je ne fais pas de la formation ; je fais de la compétition. Cela n’empêche pas d’avoir un œil de formateur, car je suis un formateur dans l’âme. Claude Puel, pour ne citer que lui, n’est-il pas l’un des plus grands formateurs de France ? Ça ne l’a pas empêché d’entraîner les plus grands clubs, et on a vu Leicester jouer contre Lille, les jeunes sont là… Pour moi, ce n’est pas antinomique.
On en vient à cette saison avec l’équipe première. Comment ça se passe dans ces cas-là ? Est-ce que vous avez eu votre mot à dire, avec un travail en amont ? Ou est-ce que c’est le staff déjà en place l’année dernière ?
Ça s’est très bien passé parce que la transmission a été vraiment naturelle. Jérémie Descamps a ouvert son expérience de groupe. Il m’a fait un tableau de chaque joueuse. Dès que j’étais en situation d’intérêt, je me suis documenté, j’ai vu des vidéos pour connaître les joueuses. Ma préoccupation était de savoir si le staff voulait continuer avec moi. Il ne fallait pas qu’il continue parce qu’il était en place ! Donc c’était ma première question, individuellement : « est-ce que tu souhaites continuer et dans quel cadre ? Voilà ma façon de fonctionner, mes principes ». Je pense que c’est important parce qu’il va y avoir une évolution. Je n’y vais pas avec mes gros sabots, mais chacun apporte sa propre personnalité.
« Le LOSC a quelque chose de très important à offrir : la structure »
L’effectif a été pas mal modifié : 8-9 départs pour 4 arrivées. Est-ce que vous êtes à l’origine des arrivées ?
Il me semblait très important que les filles aient des repères, qu’il n’y ait pas une révolution, un bouleversement qui aurait pu être difficilement vécu. Qui plus est dans un groupe qui avait vécu des choses difficiles, mais qui avait réussi ! Donc très concrètement, c’est la première chose que j’ai dite aux filles le premier jour : « je suis content, parce que toutes celles qui sont là, j’ai souhaité que vous soyez là ». Après, en termes de recrutement, l’objectif très rapidement était de fixer des priorités avec quelque chose de très difficile : le budget ! Le LOSC a quelque chose de très important à offrir : la structure. Que ce soit Morgane Nicoli, Lina Boussaha, Danielle Tolmais, Carla Polito qui a fait la Coupe du Monde… s’il n’y avait pas ce projet du club, cette structuration qui monte en puissance, cette qualité de structure, de terrains, de staff, d’encadrement, elles ne seraient pas venues ! À leur âge, elles veulent avoir des conditions pour se développer. De ce côté-là, on est riches de propositions. Au niveau du recrutement, on a pris 4 joueuses. J’ai dit aux joueuses que pour faire aussi bien que l’année dernière, il faudra être bien meilleures ! Le football féminin évolue très vite car il profite de toute la structuration des années de formation du football masculin. Ici, depuis trois ans, c’est incroyable tout ce qui a déjà été mis en place, mais parce que ça existait déjà au niveau masculin.
Lina Boussaha, milieu de terrain offensive, prêtée cette saison par le PSG. Et derrière, Aurore Paprzycki, partie à Reims lors de l’intersaison.
« Ces filles-là ont du caractère »
Et du coup, au niveau de la structuration, on peut penser que ça va s’accélérer avec l’arrivée de droits TV sur Canal ?
Je n’en sais rien. Sportivement, c’est une mise en avant. Même Lyon a besoin de ça. J’ai entendu Reynald Pedros après le match contre nous. La première chose qu’il a dit, c’est « on était sur un bon terrain, mais on était devant Canal + devant des gens qui ne nous regardent pas d’habitude et il fallait absolument montrer ce qu’était le football féminin de haut niveau ». Ils sont au taquet parce qu’ils savent que l’image aujourd’hui va être exposée. C’est mobilisateur !
Pour terminer, est-ce que vous pouvez nous dire un mot sur les 4 recrues ?
On va commencer devant : Danielle Tolmais est une vraie compétitrice. Elle est Franco-américaine, avec cet esprit américain, universitaire, formée pour ne jamais renoncer, et elle a aussi des caractéristiques qui pourront être très complémentaires et valorisantes pour Sarr et Coryn (qui s’est malheureusement blessée), qui ont des caractéristiques différentes. Elle va nous permettre de diversifier notre potentiel offensif. L’année dernière, il était relativement ciblé. Les adversaires ne sont pas fous, ils ont ciblé très vite où était le problème.
Danielle Tolmais, arrivée de Soyaux, où elle a inscrit 4 buts en championnat et 6 en coupe de France en une demi-saison. Elle est internationale B.
Lina Boussaha est véritablement une joueuse d’avenir du PSG. Les relations avec le PSG (via Bruno Cheyrou) et Jules-Jean ont facilité les choses. Elle voulait du temps de jeu, elle travaille pour en avoir (elle est très jeune, U19). C’est quelqu’un qui peut franchir un palier dans une équipe comme le LOSC cette année. Alors qu’au PSG, elle serait bloquée.
Carla Polito est pour moi une des grandes espoirs du football des Hauts-de-France. Elle est U19, elle a fait la Coupe du Monde en U20, je ne pense pas que Gilles Eyquem [le sélectionneur] soit un inconscient. Elle a des qualités. Elle a encore à se former, elle vient de D2. Le rythme de D1 est déjà beaucoup plus rapide. Il serait inconcevable qu’elle ne soit pas au LOSC : les meilleures jeunes filles des Hauts-de-France doivent venir au LOSC !
Et puis Morgane Nicoli, après un bon début à Montpellier où elle s’était fait une place, a eu une opération du genou. L’année dernière, elle est revenue. Et aujourd’hui, si elle veut retrouver le niveau qu’elle avait à un moment donné, elle doit retrouver du temps de jeu. On n’est pas déçus, parce qu’on pensait que son caractère de Corse correspondait à cette volonté qui existe déjà dans le groupe. Cette ténacité… Les filles sont allées chercher la D1 l’année dernière ! Il a fallu montrer du caractère. Je pense que Morgane ne dévalorise aucunement cet élément-là. Et avec Maud [Coutereels] et Laëtitia [Chapeh], c’était difficile de repartir uniquement sur un duo en défense centrale, avec la saison qui nous attend.
Merci à Dominique Carlier et à Frédéric Coudrais pour leur disponibilité.
Crédits photos : LOSC
Posté le 11 septembre 2018 - par dbclosc
Plus jamais ça : 21 actions dégueulasses réalisées par les Dogues
Il faut bien l’admettre : on ne voit pas toujours du beau jeu quand on regarde le LOSC. La faute, bien sûr, à quelques ennemis infiltrés qui participent au grand complot contre le LOSC. Nous avons sélectionné 21 de ces actions, depuis une vingtaine d’années. C’est tout à fait arbitraire et ne demande qu’à être complété grâce à votre mémoire.
N°21 : le loupé de De Préville (Strasbourg-Lille, 13 août 2017)
Match mémorable ce le 13 août 2017 au stade de la Meinau : le LOSC (Bielsa) a déjà effectué deux changements (blessures de Thiago Mendès puis de Malcuit) lorsque, à la 35e minute, El Ghazi centre pour De Préville seul aux 6 mètres, qui va immanquablement ouvrir le score. Eh bien non : il frappe à côté de la balle. Dans la foulée, Bielsa effectue un troisième remplacement. On connait la suite.
N°20 : le dégagement de Lichtsteiner dans les couilles de Tafforeau (Lille-Strasbourg, 27 octobre 2007)
Nous sommes le 27 octobre 2007 : le début de saison des Dogues est laborieux. Il faut dire que bon nombre de vedettes sont parties (Bodmer, Keita, Odemwingie) après quelques années de grande réussite. Et ce soir-là, Lille va être à peu près au creux de sa saison, tandis que Strasbourg en sera à son sommet ; on en avait parlé ici : finalement, le LOSC va jouer l’Europe jusqu’au bout et Strasbourg sera relégué. Avant cet heureux dénouement (pour nous en tout cas), Puel aligne une audacieuse doublette Kluivert/Tahirovic devant, et Lille s’incline 0-3. Et on n’est pas passé loin du 4e but alsacien : il aurait fallu que Lichtsteiner ne sauve pas en catastrophe aux 6 mètres, et que son dégagement merdique rebondisse sur les genoux, et non sur les couilles, de Grégory Tafforeau. Bref, un ballon sauvé mais 2 boules perdues.
N°19 : Frédéric Dindeleux, un cadeau pour le nouveau-Née (Caen-Lille, 8 mars 1997)
Le LOSC a fait un excellent premier tiers de championnat et, depuis, dégringole. En Normandie, les Lillois vont se retrouver relégables pour la première fois de la saison, après une défaite 0-1 contre un concurrent direct. Un but marqué après… 14 secondes, alors même que les Dogues avaient l’engagement. Mais une perte de balle de Rabat dans le rond central et un air-dégagement de Frédéric Dindeleux permettent à Frédéric Née d’inscrire le seul but du match.
N°18 : Marko Basa, le novice du pénalty (Lille-Toulouse, 14 décembre 2014)
On est mi-décembre, et Lille, bouffé par l’Europa League, n’a pas gagné depuis fin septembre. Ce match commence bien : Toulouse est réduit à 10 dès la première minute après une faute sur Origi qui partait au but : pénalty ! Ledit Origi ayant fait preuve de quelque maladresse lors de cet exercice durant les semaines précédentes, c’est Marko Basa qui s’y colle. Mais il n’a pas l’habitude et est tout paniqué ! Il marque dans un premier temps, mais personne n’est prêt, et l’arbitre n’a même pas sifflé. Deuxième tentative : il n’attend toujours pas le coup de sifflet, s’élance, et le sifflet retentit en fait durant la course d’élan. L’arbitre dit donc OK, mais c’est très mal tiré et Ahamada arrête sans problème. On peut supposer que si Marko avait marqué, il aurait fallu le retirer.
N°17 Jean-Claude Nadon, une dernière en championnat (Gueugnon-Lille, 16 septembre 1995)
Début de saison à chier pour les Lillois : 8 matches, 2 points, et l’entraîneur a déjà changé. Il s’agit alors de rendre visite aux promus gueugnonnais, c’est pas facile à écrire sur un clavier. Si Nadon s’est illustré en début de saison en repoussant un pénalty de Moravcik à Saint-Etienne, il connaît une période difficile : la semaine précédente, il a été responsable du 2 des 3 buts lensois, pour une victoire des Sang & Or dans le derby (3-1). Ce déplacement à Gueugnon est la dernière apparition en championnat de Jean-Claude Nadon, titulaire depuis 1989 avec le maillot lillois,. Sur le premier but, il repousse du poing en plein dans l’axe ; sur le 2e, il sort, ne sort pas, puis sort, enfin en tout cas ça fait but. Lille s’incline 1-3, Jean-Marie Aubry prend le relais, Lille se redresse puis se maintient miraculeusement.
N°16 Junior Tallo, RIP l’attaque (Angers-Lille, 28 novembre 2015)
Premier match d’Antonetti sur le banc lillois, après le renvoi de Renard et l’intérim de Collot. Mais une certaine continuité se ressent. Sur un centre d’Eric Bauthéac, Junior Tallo n’a plus qu’à pousser le ballon aux 6 mètres au fond des filets. Mais il décide de contrôler, ce qui constitue déjà un mauvais choix. Puis il rate son contrôle face au but vide. La défense dégage. Heureusement, Junior « pépite » Tallo est parti. Comme dit le proverbe : tant va la cruche Tallo qu’à la fin il se casse. Désolé, on n’a pas la vidéo.
Junior Tallo, 2 buts contre Lille (avec Ajaccio), et un pour Lille (contre Amiens AC, en coupe, sur pénalty)
N°15 : Thiago Mendès, c’était plus difficile de la mettre au-dessus (Lille-Monaco, 15 mars 2019)
En 2018/2019, le LOSC renait (Girard). Puisque tout ne peut pas être parfait, on compte tout de même deux défaites à domicile : contre Toulouse, puis contre Monaco, à l’approche du sprint final. Lille aurait pu ouvrir le score si le centre en retrait de Pépé avait trouvé l’adresse d’un des trois lillois isolés, mais Thiago Mendès a préféré reprendre nonchalamment au-dessus, ce qui ne compte pas pour un but.
N°14 Milivoje Vitakic, la passe presque décisive (Lille-Troyes, 13 août 2005)
Après s’être brillamment qualifié pour la Ligue des Champions à l’issue de la précédente saison, le LOSC reprend ce championnat 2005/2006 du bon pied (victoire contre Rennes puis nul à Ajaccio). Mais les Dogues trébuchent contre Troyes, promu. Menés 0-2 à la pause, ils semblent confondre vitesse et précipitation à l’image de Vitakic qui, voulant jouer rapidement un coup-franc défensif vers Bodmer, envoie le ballon dans l’axe en plein sur un adversaire qui, par chance, ne trouve pas le cadre vide.
N°13 Marko Basa, du mauvais côté (Lille-Rennes, 15 mars 2015)
Comment ça, ça ne se fait pas de placer Marko Basa dans ce genre de classement, et deux fois qui plus est ? Ben la preuve que si. Les Lillois engagent. Au bout de quelques secondes, le ballon arrive sur Marko Basa. Légèrement pressé, il se retourne vers Enyeama… et envoie un missile en corner, alors qu’il avait un grand éventail de solutions. Voilà la description qu’en fait L’Équipe, puis la vidéo :
N°12 Nolan Roux, si proche du csc (Lille-Nantes, 15 mars 2014)
Match infâme au stade Pierre Mauroy. Le LOSC est pourtant bien classé mais on se fait profondément chier depuis quelques mois. Par bonheur, Nolan Roux sort le public de sa torpeur. Sur un corner nantais, Djidji remet vers le premier poteau où se trouve Nolan Roux, qui se trompe de côté et envoie un amorti de poitrine un peu trop appuyé vers son propre but. Mais c’était oublier un peu tôt que la formation qu’il a acquise en cirque durant ses années de jeunesse permet de Nolan d’enchaîner avec une bicyclette, du bon côté cette fois, qui fracasse la transversale et ressort. Et ça le fait rire.
N°11 : Pascal Nouma, (Lille-Saint-Etienne, 22 mai 1993)
Pascal Nouma joue son premier match avec le LOSC en novembre 1992 : il est arrivé en tant que joker afin de donner un coup de main à une attaque qui, en 15 matches, a alors marqué… 5 buts. 20 matches, plus tard, à l’aube de la 36e journée, le LOSC a marqué 24 buts : on constate dès lors que la moyenne de buts marqués s’est grandement améliorée (même si elle reste toute pourrie). L’apport de Nouma là-dedans ? Deux buts. Auxquels on peut ajouter un pénalty manqué contre Lyon (frappé à côté). Résultat : Lille est premier non relégable, 2 points devant Valenciennes (victoire à 2 points). Les Dogues seraient donc bien inspirés d’écarter les Verts, septièmes. Nouma a l’occasion de mettre le LOSC devant : après un beau débordé d’Eric Assadourian, il est seul aux 6 mètres et n’a plus qu’à conclure du plat du pied au second poteau. Mais il envoie sur le poteau. Résultat, encore un 0-0. Fort heureusement, Lille se rend ensuite chez la lanterne rouge, Nîmes, et assure son maintien après un… 0-0.
N°10 Anwar El-Ghazi, un coup-franc ambitieux (Lille-Marseille, 29 octobre 2017)
On vit un début de saison dont les résultats sont inverses aux attentes qu’il a suscitées. Nous sommes relégables et les jours de Marcelo Bielsa sont déjà comptés. Cependant, l’équipe montre un beau visage ce soir-là, et particulièrement Anwar El-Ghazi, très en vue. Se sentant pousser des ailes, il prend en charge un coup-franc à 35 mètres du but de Mandanda, à proximité de la ligne de touche. Les grands sont montés : on va sans doute chercher une tête. Non : le Néerlandais tente de surprendre tout le monde en frappant directement. Mais le ballon peine à décoller du sol, et si on ajoute à cela une puissance de tir en-dessous de tout, on a un coup-franc complètement gâché.
N°9 Mikkel Beck, la soirée de l’esthétique (Saint-Etienne-Lille, 17 septembre 2000)
Le LOSC vient de remonter en D1. Après un début de saison encourageant, le doute s’est installé avec deux défaites consécutives à Bastia (0-1) puis contre Troyes (1-2). Ce déplacement à Geoffroy-Guichard offre une première période très ouverte et animée, et Alex trompe Grégory Wimbée à la 20e minute. Mais les Lillois se créent aussi quelques occasions franches : après un duel remporté par Wimbée (il en gagnera un paquet ce soir-là), Boutoille parvient à décaler Agasson côté droit tandis que la défense stéphannoise est très haute. Ted déborde, tard peut-être à donner le ballon mais parvient tout de même à faire une passe largement exploitable pour notre attaquant Danois. Mais celui-ci, aux 6 mètres sur son pied droit, fait un lamentable botté tibia-genou qui file 2 mètres à côté. Par chance, il inscrit quelques minutes plus tard un but que nous avons placé n°1 de notre « top buts à la con », et le LOSC ramène un très bon point.
N°8 Dagui Bakari, un affreux lob (Lens-Lille, 4 février 2001)
C’est le premier derby à Bollaert depuis près de 4 ans. À l’aller, les Dogues se sont imposés dans des conditions inoubliables. Depuis, les trajectoires des deux clubs se sont croisées : Lens traîne en fond de classement, et le Lille est en tête du championnat depuis une semaine. Sur sa lancée, le LOSC ouvre le score en début de seconde période. Rarement inquiétés, les Lillois exploitent mal quelques contres : par exemple, à la 59e minute, Pascal Cygan balance une balle à l’emporte-pièce qui surprend la défense lensoise, très mal alignée. Dagui Bakari se retrouve absolument seul dans les 30 derniers mètres ; il a même Djezon Boutoille à ses côtés pour assurer le 0-2. Mais il se précipite et envoie un drop dans la tribune. Heureusement, le score n’a pas bougé.
N°7 Pegguy Arphexad, le gardien troué (Marseille-Lille, février 1997)
Le 4 février 1997, le LOSC éliminait l’OM en coupe de France. Une qualification chèrement payée : son gardien Jean-Marie Aubry a une déchirure à la cuisse gauche. C’est donc sa doublure qui va jouer les 3 matches suivantes : si, pour sa première, Pegguy Arphexad s’en tire très bien en coupe contre Lyon, ses deux matches de championnat virent au fiasco : 1-5 à Marseille, puis 2-4 contre Strasbourg, et une responsabilité largement engagée sur la moitié des buts. Il avait déjà encaissé 7 buts en 210 minutes avec Lens en D1 : ça aurait dû nous alerter.
On a choisi le but de l’égalisation signé Marc Libbra, mais on avait aussi cette très belle sortie devant Xavier Gravelaine.
N°6 Vladimir Manchev, tout est dans le contrôle (Lille-Strasbourg, 22 janvier 2003)
Lille est en plein dans une sale série de 7 défaites consécutives qui va le planter en fin de tableau jusqu’à la fin de saison. Pourtant, ce soir-là les Lillois reçoivent des Strasbourgeois qui ne sont qu’un point devant au classement et 12e, ce qui semble une bonne occasion de se relancer. Hélas, les saucisses ouvrent le score à la 88e à l’issue d’un bien terne match. Mais, dans le temps additionnel, le gardien de Strasbourg, Vincent Fernandez, dégage horriblement une passe en retrait d’un de ses coéquipiers, et le ballon arrive directement sur Vladimir Manchev, l’une des rares satisfactions du dernier mercato. Hélas, le Bulgare tente de reprendre de volée du plat du pied qui passe largement à côté. Une défense de fer, une attaque de feu : un beau résumé de l’année 2003 à Grimonprez-Jooris.
N°5 Jonathan Bamba, le drop
Avril 2023 : le LOSC de Fonseca, si séduisant dans le jeu, a une fâcheuse tendance à gaspiller des occasions devant et à encaisser des buts un peu idiots. Le match contre Lorient en est une nouvelle illustration : après une première période à sens unique, le LOSC ne mène « que » 1-0. Et bien entendu, Lorient égalise sur un but stupide à 10 minutes du terme. Alors, encore des points bêtement perdus ? C’est ce que l’on croit quand, à la 81e, Bamba manque une incroyable occasion. Un centre de Weah est remisé par Gudmunsson, dans les pieds de Bamba, seul aux sic mètres. Son contrôle est approximatif mais il est tant isolé qu’il a encore largement le temps de se positionner de sorte à marquer à coup sûr. Malheureusement, il se précipite et frappe du gauche alors que son pied est en trajectoire ascendante. Dans ces cas-là, ça part généralement vers le haut. Et ça finit bien au-dessus. Une belle prouesse !
N°4 Benoît Cheyrou, la combinaison individuelle (Lille-Marseille, 22 novembre 2003)
Après un début de championnat canon ponctué par 3 victoires, le LOSC n’a plus gagné depuis 3 mois. Et apparemment, ça ne va pas s’arranger puisqu’on est menés 0-2 à domicile par l’OM. Mais Lille peut sauver l’honneur avec un coup-franc bien placé dans les dernières secondes du match. À proximité du ballon : Tapia, Makoun et Benoît Cheyrou. C’est ce dernier qui, très astucieusement, ne frappe pas le ballon mais place un petit ballon à côté du mur qui, paniqué, se disloque. Mais il n’y a personne : Brunel n’est pas parti. Ni personne d’autre d’ailleurs. Runje récupère donc le ballon tranquillement. Une action pas travaillé à l’entraînement, à ne pas montrer dans les écoles de football.
N°3 : Ali Lukunku, le retourné dans la tribune (Lille-Toulouse, 17 janvier 2004)
Prêté par les Turcs de Galatasaray, Ali Lukunku arrive au LOSC durant un mercato hivernal 2003-2004 aux pioches diverses (Sofiane, Tavlaridis, Acimovic et lui-même). Au cours du mois de janvier 2004, Lille est sur la lancée d’un début d’exercice très moyen. Comble de malchance, Christophe Landrin se blesse lourdement en début de match : Ali Lukunku le remplace, pour une prestation d’anthologie, sa seule sous le maillot lillois en D1. Cédric Fauré ouvre la marque à la 37e. Mais Lille réagit : suite à un coup-franc excentré à droite, le ballon traîne dans la surface et arrive à proximité des 6 mètres : « Tiens, je vais faire une bicyclette, comme ça je reste dos au but et ce sera plus fastoche » se dit Lukunku. Sauf que le cher Ali, peut-être gêné par quelques kilos en trop, oublie un tantinet de se coucher, et prend le ballon alors qu’il est bien trop haut. Résultat : le ballon s’envole quasiment à la verticale en Secondes.
Par la suite, il a été contrôlé positif lors d’un mach de la réserve. Après un retourné pareil, ce serait quand même une circonstance très aggravante d’être effectivement dopé.
Notez qu’en début de match, la fameuse combinaison sur coup-franc (voyez le n°3) a cette fois fonctionné
N°2 : Frédéric Machado : le missile à côté (Marseille-Lille, 16 mars 1996)
Quart de finale de coupe de France 1995/1996 : après un beau parcours, surtout comparé aux difficultés rencontrées en championnat, les Lillois se déplacent à Marseille, en tête de la Division 2. Le match est équilibré et assez pauvre en occasions, jusqu’à ce que l’arbitre accorde un pénalty scandaleux à l’OM pour une prétendue faute de Cygan, que Bernard Ferrer transforme (81e). Dans les dernières minutes, afin de prêter main-forte à Becanovic, Collot et Simba, Jean-Michel Cavalli joue le tout pour le tout en faisant entrer un nouvel attaquant à la place de Fabien Leclercq : Frédéric Machado. Le jeune lillois va toucher un ballon durant ses 5 minutes sur le terrain. Et quel ballon ! Sur la toute dernière attaque lilloise, Cygan trouve Bécanovic qui remise sur Simba ; comme d’habitude, Amara dévisse sa frappe, mais le ballon traîne devant les 6 mètres où se trouve Fred Machado, absolument seul, qui allume Alonzo face au but quasi vide… à côté. Et c’est fini dans la foulée. Oui, c’est vache de mettre ce brave Fred dans ce classement de l’horreur, et à sa décharge la « frappe » de Simba tourne fort, mais c’est tout de même prodigieux.
N°1 : Remy Cabella, 96% de chances de marquer (Reims-Lille, 7 mai 2023)
Comme à son habitude au cours de cette saison, le LOSC se crée beaucoup d’occasions mais a du mal à marquer. Et, comme trop souvent, Remy Cabella, par ailleurs très intéressant à la construction, est en peine dans le dernier geste, semblant préférer rentrer dans le but avec le ballon que frapper. Ça tombe bien : à Reims, il a justement l’occasion de le faire. Mais, même dans cette position, ça ne marche pas : sur un centre de Zhegrova, à 3 mètres du but vide, Cabella reprend mollement du mauvais pied, et avec une mauvaise surface. Le ballon n’est que poussé mollement vers le but, et le gardien rémois a le temps de revenir en catastrophe. Selon le centre statistique Opta, la valeur Expected Golas (xg) de cette action était de 0,96, c’est-à-dire que Cabella avait une probabilité de marquer de 96%, un taux jamais enregistré sans que ça ne finisse au fond. Vraiment ballot.
Bonus : Marc Cuvelier en kilt (Lille-Laval, 20 mai 2000)
Dernier match d’une exceptionnelle saison, tout le monde se relâche : les joueurs se sont teints en blond (Sauf Cygan et Viseux), ils s’entraînent dans le vestiaire, ils font tirer un péno à Tourenne… Et quand Lolo Peyrelade se retrouve par terre, arrive Marc Cuvelier dans un kilt du meilleur goût. Une expérience jusqu’alors non renouvelée, mais on guette.
Posté le 4 septembre 2018 - par dbclosc
Derry Football Club, l’Irlande en plein cœur
De notre envoyé spécial en vacances en Irlande du Nord
Ce vendredi 31 août 2018, le Derry Football Club, club situé en Irlande du Nord, recevait le Bohemian Football Club, club de Dublin, capitale de la République d’Irlande, pour la 30e journée de championnat. Il existe pourtant un championnat nord-irlandais, organisé par l’Irish Football Association (IFA), et un championnat pour la République d’Irlande, organisé par la Football Association of Ireland (FAI). Mais Derry présente la particularité rarissime de participer à un championnat qui n’est pas celui de sa fédération « géographique », et pour des raisons encore plus exceptionnelles, explicitement politiques. La population de Derry, majoritairement catholique et indépendantiste au cœur d’une Irlande du Nord majoritairement protestante et loyale au Royaume-Uni, a exprimé (et suscité contre elle) tant d’hostilité à (de) la couronne britannique que son club de football est encore aujourd’hui banni des compétitions du Royaume-Uni. Il s’agit des répercussions de l’histoire récente de la cité, étroitement liée aux tensions politiques qui ont ensanglanté l’Irlande à partir des années 1960, avec pour point d’orgue dramatique le Bloody Sunday en 1972, où 14 militants pacifistes furent tués à deux pas du Brandywell Stadium. Encore plus longue, l’intro ? Non, on arrête là.
Quel lien avec le LOSC, allez vous dire ? Eh bien aucun, mais c’est les vacances, alors bon. Rappelons seulement que Lille a connu un adversaire irlandais. C’était en 2004, après la victoire en coupe Intertoto, qui nous ouvrait ainsi les portes du premier tour de coupe UEFA, contre Shelbourne : 2-2 à l’aller en Irlande, avec 2 buts bêtement encaissés en fin de match, alors que Bodmer et Landrin avaient donné un avantage confortable aux nôtres ; fort heureusement, le match retour au Stadium fut sans anicroche, avec une victoire 2-0 (Moussilou et Acimovic).
Pour raconter l’histoire de Derry et du Derry FC, deux retours, l’un sur l’histoire politique de l’Irlande, l’autre sur l’institutionnalisation du football en Irlande, sont nécessaires.
Un territoire, deux entités politiques
Voici l’Irlande. Elle abrite la République d’Irlande, et l’Irlande du Nord (sur environ 15% du territoire au nord-est). Un seul territoire pour deux entités politiques : l’une indépendante depuis 1922, la République d’Irlande, aussi appelée Eire, dont la capitale est Dublin ; l’autre, l’Irlande du Nord, composée de 6 des 9 comtés de la province d’Ulster, et qui a pour capitale Belfast. Au même titre que l’Angleterre, l’Écosse et les Pays de Galles, elle est l’une des 4 nations constitutives du Royaume-Uni. Durant près de 30 ans, des années 1960 aux années 1990, ses habitants ont été en guerre civile. Pour en comprendre les causes, il faut notamment remonter au XVIe siècle.
Aux débuts de l’ère chrétienne, l’Irlande, peuplée d’habitants de culture celte et parlant gaélique, était divisée en 5 provinces, et sur chacune d’elle gouvernait un roi. Le territoire a été évangélisé par le fameux Saint Patrick au Ve siècle.
Au XIIe siècle, le roi d’Angleterre Henri II soumet l’Irlande. Une soumission bien mal acceptée, même si la présence anglaise se limite pendant 3 siècles aux alentours de l’actuelle Dublin. Au XVIe siècle, on change de niveau : Henri VIII, roi d’Angleterre, décide qu’il est aussi roi d’Irlande. Conséquence directe : il lance une politique de « peuplement », visant à installer certains de ses sujets en Irlande afin d’y asseoir sa domination. Concrètement, des Anglais et des Écossais s’installent sur des terres confisquées aux Irlandais, et notamment au nord de l’île, là où les terres sont plus fertiles. Ne reste alors plus aux Irlandais qu’à s’installer dans l’ouest, dans le Connaught, où les terres, balayées par le vent salé, et brûléééées au veeeent des laaaaandes de pieeeeerre, sont peu exploitables. Il faut dire que l’alternative n’était pas réjouissante, car on prête à Cromwell, représentant du roi, la parole suivante, à propos des Irlandais : « en Connaught ou en enfer ! ». Et en plus de cette colonisation, Henri VIII souhaite imposer le protestantisme sur tout son royaume. Et donc, y compris aux Irlandais, catholiques depuis plus de 10 siècles, grâce à Saint Patoche, qu’on dit très sympatoche.
Henri VIII. Il aurait été surnommé « The Fat » qu’on serait pas étonnés
Ainsi sont posés les ferments du conflit irlandais : la politique de peuplement, ou colonisation ; la confiscation des terres ; et la question religieuse. Mais ce sont surtout les deux premiers facteurs qui sont décisifs, la religion s’apparentant davantage à un signe d’identification des communautés. Cette lutte n’est donc pas réductible à un conflit religieux, comme on le croit souvent, et c’en est même plutôt une dimension accessoire : en résumé, les Irlandais, catholiques, vont se battre d’un côté pour leur indépendance, en réaction au peuplement ; de l’autre pour leur subsistance, en réaction à la confiscation des terres ; et au travers de ces deux luttes, pour leur religion.
« Père Castor, l’histoire de Thierry Henry VIII et de sa main contre l’Irlande était vachement plus drôle ! »
Conséquence très concrète de la politique menée par les Anglais : entre 1641 et 1703, la proportion de terres détenues par les Irlandais catholiques passe de 59% à 14%. La question des terres devient alors la principale revendication des nationalistes irlandais, surtout après la grande famine de 1845-1862, en raison de la maladie dite de la pomme de terre. Admettons que ça puisse arriver, mais ce qui tend les relations entre Irlandais et Britanniques, c’est que, durant la famine, les exportations de produits agricoles vers l’Angleterre sont restées à un niveau similaire à celui de la période antérieure à la catastrophe. De là à penser que les Anglais se fichaient pas mal que les Irlandais meurent de faim (1 million de morts), s’exilent (2 millions partent, notamment aux États-Unis), et finalement disparaissent (en 7 ans, l’île a perdu 1/3 de ses habitants), il n’y a qu’un pas qu’il est aisé de faire.
Si, fin XIXe, des réformes visent à restituer une partie des terres aux Irlandais, ceux-ci aspirent désormais à leur indépendance. Cette indépendance est proclamée le jour de Pâques 1916, au cours d’une insurrection qui, sur le coup, a peu d’écho, mais fait partie de la mythologie nationaliste irlandaise. Quoi qu’il en soit, Londres répond à cet événement par un bain de sang (c’est « Pâques sanglantes »), ce qui a pour effet inattendu de pousser les Irlandais vers les idées nationalistes. Le Sinn Féin, parti nationaliste, et l’Irish Republican Army (IRA) lancent une guerre d’indépendance contre les Britanniques. En 1920, la réponse de Londres est alors d’accorder l’autonomie à l’Irlande, mais en imposant la partition de l’île, un épisode ambigu que relate le film Le vent de lève, de Ken Loach, palme d’or à Cannes en 2006. Sur les 32 comtés que compte l’île, seuls 26 deviennent autonomes. Les 6 autres restent partie intégrante du Royaume-Uni, afin de satisfaire les protestants Irlandais, partisans de ce maintien dans le royaume. Ces 6 comtés de la province d’Ulster forment jusqu’à nos jours l’Irlande du Nord. Elle possède son Parlement, sa capitale, et Londres peut désormais se débarrasser de sa question irlandaise, du moins le croit-on.
Un territoire, deux fédérations de football
Côté football, jusqu’à ce que l’île ne soit divisée, elle n’avait qu’une seule fédération : L’Irish Football Association (IFA), qui s’occupait aussi des matches de l’équipe nationale. Mais après la partition, deux fédérations distinctes cohabitent : L’IFA, attaché au Royaume-Uni, ne s’occupe plus que du football nord-irlandais, tandis que la Football Association of Ireland (FAI) devient la fédération de football de la République d’Irlande. Elle est reconnue en 1923 par la FIFA, ce qui lui permet de créer son équipe nationale. L’IFA, quant à elle, n’est reconnue par la FIFA qu’en 1946 mais qu’à cela ne tienne, Étienne : elle n’attend pas cette reconnaissance pour composer elle aussi son équipe nationale. Le problème, c’est que l’IFA, se prévalant de sa légitimité « historique » – l’ancienneté quoi – sélectionne aussi bien des joueurs qu’il est désormais convenu d’appeler des « nord-irlandais » que des « irlandais de République d’Irlande ». Et côté républicain, la FAI fait la même chose ! Elle se base pour ce faire sur l’article 2 de la Constitution irlandaise de 1936 qui dispose que « chaque personne née sur le sol irlandais a le droit d’être membre de la nation irlandaise ». Le « sol irlandais » faisant fi des frontières, on se retrouve durant quelques années avec une situation cocasse : on a deux équipes irlandaises qui s’évitent en ne participant pas aux mêmes compétitions (l’IFA se contente des tournois au sein du Royaume) et, surtout, certains joueurs répondent aux convocations des deux équipes ! Il faut dire que c’est tout bénéf’ pour ces quelques chanceux, surnommés les dual internationals : ils multiplient leur chances de jouer des compétitions, et donc de les remporter. La FIFA intervient finalement au cours des éliminatoires de la coupe du monde 1950, quand elle veut faire cesser la présence presque systématique de 4 joueurs dans les deux équipes irlandaises. Depuis, chacun chez soi ! Du moins pour ce qui concerne le foot, car l’Irlande sportive n’est pas homogène : par exemple, la fédération de rugby à XV concerne l’ensemble de l’île depuis une fusion de 1879, et cet état de fait n’a jamais bougé au gré de la conjoncture politique. Mais si l’Irlande est œcuménique pour le rugby, cela pose d’autres problèmes : pendant longtemps, seul l’hymne de la République d’Irlande était chanté avant les matches, par exemple. Que fait-on de ceux qui ne le connaissent pas, ou qui ne veulent pas le chanter, car Nord-Irlandais ? Évidemment, impossible d’imaginer chante God save the Queen pour eux. Eh bien on crée un autre hymne : depuis la fin des années 1990, c’est l’Ireland’s call qui résonne, composé ad hoc, et qui fait aujourd’hui consensus. Et quand on joue à Dublin, on chante même les deux hymnes, par exemple ici en 2007.
Fresque en hommage à l’IFA, Belfast, quartier protestant de Sandy Row, août 2018
Derry, un bastion catholique
Ces rappels historiques étant faits, voyons désormais de quelle manière ils vont se relier. Dès la partition en 1920, le pouvoir appartient en Irlande du Nord à la majorité protestante, qui représente environ 2/3 de la population dans cette partie de l’île. Et l’exercice du pouvoir fait que les catholiques sont soumis à d’importantes discriminations, tant politiques qu’économiques ou sociales. Historiquement, la ville de Derry est réputée pour sa vaillance : surnommée « Maiden City » (« la cité vierge ») en vertu du fait que ses remparts sont restés inviolés en dépit des nombreux sièges dont elle a fait l’objet (notamment celui 1688-1689, ou elle résista 109 jours), elle est la seule ville d’Irlande, et l’une des rares en Europe dont les fortifications n’ont jamais cédé. Et si Derry fait parler d’elle dans des temps plus contemporains, c’est parce qu’elle présente une particularité : sa population est majoritairement catholique, ce qui, presque mécaniquement comme on l’a évoqué précédemment, est l’une des expressions du nationalisme irlandais, contre les intérêts britanniques, contre la politique de développement séparé qui s’exerce en Irlande du Nord entre catholiques et protestants. Les conflits vont jusque dans l’appellation même de la ville : sur les cartes britanniques, dans les gares, sur les routes, on lit encore aujourd’hui son nom officiel : Londonderry. Ce « London » a été ajouté en 1613 pour humilier les Irlandais, après que les corporations de Londres ont « parrainé » la ville et y installent des garnisons, restées jusqu’en 1994. Autrement dit, « Derry » est l’appellation nationaliste de la cité, et « London » n’est là que pour rappeler la soumission des Irlandais. Toutefois, l’usage oral est de dire « Derry », et il faudrait vraiment tomber sur un provocateur ou un membre de la famille Thatcher pour entendre prononcer « Londonderry ». À partir des années 1960, les habitants catholiques de Derry organisent des manifestations pour réclamer l’égalité des droits avec les protestants.
Interlude
Figurez-vous qu’un des faits les plus méconnus de l’histoire concerne les liens entre le Titanic et les populations durement touchées par la politique du Royaume-Uni. Ainsi, avant même que ne naisse la guerre d’indépendance irlandaise, les populations de Belfast (où fut construit le bateau) de de Liverpool (son port d’attache), visionnaires, et devinant le conflit à venir, ont en fait volontairement saboté le Titanic pour écorner l’image du gouvernement britannique, qui avait fait de ce bateau le plus éminent représentant de la puissance du royaume. D’ailleurs, de futurs combattants de l’IRA qui avaient embarqué à bord ont, comme par hasard, disparu juste avant que le Titanic ne sombre après avoir heurté un gros glaçon. Comme les meilleurs détectives l’ont constaté à l’époque, donnant corps à une expression populaire, « l’IRA quitte le navire ». Hé ben ça valait le coup de faire un paragraphe pour en arriver là [fin de l'interlude]
Champion d’Irlande du Nord
Le premier club de football de Derry apparaît en 1890 : il se nomme St Columb’s Hall. Il prend ensuite le nom de St Columb’s Hall Celtic en 1893, puis de Derry Celtic Football Club en 1900. Le club joue ses matchs à domicile d’abord au Celtic Park, puis, à partir de 1900, au Brandywell Stadium, 100 mètres à côté. Les deux stades se situent en contrebas de l’immense et magnifique cimetière qui les domine d’une bien belle manière.
Derry, le quartier catholique dit « Bogside ». Sur la gauche, sous le cimetière, le Celtic Park, et encore plus à gauche, non visible sur cette photo, Brandywell Stadium, août 2018
Le Derry Celtic disparaît en 1913. Mais le football renaît en 1928 par le biais du Derry FC. À partir de 1929, il intègre le championnat nord-irlandais, géré donc par l’IFA. L’un des premières figures majeures du club est Billy Gillespie. Ancien coach de Sheffield United, en Angleterre, il importe à Derry les couleurs de son précédent club : à son initiative, Derry joue désormais en rouge et blanc, et les joueurs sont désormais surnommés les « candystripes », littéralement les « rayures de bonbons », parce que ça ressemble à des rayures comme on en trouve sur certains bonbons et papiers de bonbons, si vous n’aviez pas compris.
Le club remporte ses premiers trophées dans les années 1930 : notamment emmenée par son avant-centre Jimmy Kelly, auteur de 363 buts pour Derry en 21 ans de carrière, l’équipe remporte la coupe nord-irlandaise en 1935 puis en 1937. Cette performance est réitérée en 1949, 1954 et 1964, année durant laquelle le Derry FC goûte à l’Europe pour la première fois, en coupe des vainqueurs de coupe 1964-65 : apprentissage rude, puisque Derry perd au total 0-5 sur la double confrontation contre le Steaua Bucarest. Cependant, la saison termine en beauté, puisque Derry remporte le championnat. Son premier (et unique) titre de champion d’Irlande du Nord. En coupe des clubs champions, le Derry FC devient quelques mois plus tard le premier club irlandais à remporter une confrontation en matches aller/retour : il élimine en effet les Norvégiens du SFK Lyn Oslo (3-5 ; 5-1).
Un champion catholique : premières tensions avec l’IFA
Mais lors du tour suivant, la situation va brusquement se tendre avec la fédération nord-irlandaise. Sur le terrain, Derry est balayé à Anderlecht (0-9, avec Georges Heylens titulaire chez les Belges). Toutefois, la perspective de jouer l’équivalent d’un huitième de finale à Brandywell face à un habitué de l’Europe reste tout à fait réjouissante. Mais il n’y aura pas de confrontation retour : la fédé nord-irlandaise n’homologue pas le stade pour ce match, pour le prétexte suivant : le terrain présente une déclivité trop importante ! La fédé reprend à son compte une plainte des Norvégiens éliminés au tour précédent : ils ont estimé que le terrain était trop en pente et que c’était injouable ! Et à vrai dire, le dénivelé entre les deux buts était effectivement de… 2,74 mètres ! On peut en effet considérer que c’est une anomalie, mais elle existe depuis 35 ans et ça n’a jamais fait réagir personne. Le club de Derry ayant refusé que le match se joue ailleurs qu’à Brandywell, les deux clubs s’étaient même mis d’accord pour jouer la qualification sur une seule manche, à Bruxelles. Mais l’UEFA n’a pas vraiment goûté cet accord amiable : elle a puni financièrement les deux clubs, et a donné match perdu à Derry : 0-3, ce qui constitue une belle perf.
Bref, le champion d’Irlande du Nord est donc éliminé sans avoir pu jouer chez lui. En fait, le club suspecte la fédération de préférer un club unioniste et protestant comme représentant de la nation nord-irlandaise, plutôt que le club d’une ville catholique et nationaliste. Dès lors, les relations entre Derry et l’IFA ne vont cesser de se détériorer, d’autant qu’en parallèle, la situation politique part en sucette candystrip : c’est le début des Troubles.
Derry, à proximité de Brandywell Stadium, août 2018
Derry, épicentre des Troubles
Les Troubles sont un euphémisme qui désigne notamment la mort de près de 3 500 personnes en Irlande du Nord des années 1960 aux années 1990. Comme nous l’écrivions plus haut, à partir des années 1960, Derry, au même titre que les quartiers catholiques de Belfast, est le théâtre d’importantes manifestations pour l’égalité des droits entre catholiques et protestants. Ces manifestations, qui tournent souvent à l’émeute et aux barricades, incitent le gouvernement britannique à envoyer directement l’armée à Derry, notamment après l’épisode de la « bataille du Bogside » en 1969 : 3 jours d’émeutes à l’issue desquelles la police d’Ulster est incapable de rétablir l’ordre. Chaque rassemblement suscite provocations, affrontements, et déjà près de 120 morts sont à déplorer en Irlande du Nord entre le début des Troubles et la fin de l’année 1971. Il faut bien comprendre encore une fois qu’au-delà de la question religieuse, catholiques et protestants vivent dans deux mondes parallèles pour ce qui concerne l’enseignement, la santé, la représentation politique, l’accès à l’emploi ou la répartition géographique dans la ville. Le quartier catholique le plus célèbre de Derry est le Bogside, où une population très pauvre et particulièrement touchée par le chômage illustre parfaitement la situation d’appartheid que connaît l’Irlande du Nord. En octobre 1971, la télévision publique suisse réalisait un reportage sur les conditions de vie au sein du Bogside, et l’extrême tension qui existe alors dans la ville. Fin 1971, 29 barricades entourent le Bogside pour y empêcher l’accès à l’armée britannique : c’est « Free Derry », une zone gérée par l’IRA, que même les blindés militaires ne parviennent pas à franchir.
Le dimanche 30 janvier 1972, l’Association nord-irlandaise pour les droits civiques organise une manifestation pacifique pour protester contre l’internement sans procès des militants nationalistes. Un régiment de parachutistes envoyé par Londres prend position dans la ville. Comme à l’accoutumée, la manifestation déborde, quelques militants nationalistes cherchant à rejoindre les quartiers protestants. Après l’usage classique de canons à eau et de gaz lacrymogènes, les militants nationalistes sont redirigés vers Free Derry, où la situation dégénère. Après un moment de stupeur, il faut se rendre à l’évidence : l’armée tire à balles réelles, causant la mort 14 personnes, dont 7 adolescents. Pendant des décennies, la version officielle a soutenu que l’armée avait répondu à des tirs de l’IRA. Mais aucune arme n’a été retrouvée dans les rues de Derry, et aucune des victime ne portait de trace d’explosif. Et ce jour-là, aucun soldat n’a été tué ou blessé. Ce dimanche sanglant est l’épisode le plus connu des Troubles, « popularisé » ensuite par une abondante production culturelle, comme cette chanson de John Lennon, ou plus encore celle de U2, et plus récemment par le film de Paul Greengrass (2002).
Évidemment, le Bloody Sunday est un moment-charnière : à partir de ce moment, la violence terroriste s’installe et l’IRA est de plus en plus soutenue par la population catholique, qui voit en elle l’unique protecteur de ses intérêts.
Le Derry FC quitte l’Irlande du Nord
Dans ce contexte, le club de Derry, déjà en froid avec sa fédération, va encore plus s’éloigner de l’Irlande du Nord. Dès 1970, la montée des tensions incite certains supporters adverses à ne pas se rendre à Derry. L’équipe de Lindfield, de Belfast, refuse carrément d’y aller, et Derry « reçoit » alors Lindfield… à Belfast. Par ailleurs, le public de Derry manifeste tant d’hostilité à la police d’Ulster et à la police britannique les soirs de match qu’elles décident de ne plus en assurer la sécurité ! En 1971, le bus de l’équipe de Ballymena est incendié à proximité de Brandywell : cela servira de casus belli à la fédération. La conséquence est terrible pour le club : la fédération considère que Brandywell ne peut plus recevoir de matches. Elle impose alors au club de se délocaliser et de jouer ses matches à Coleraine, à 50 kilomètres de là. Pour les supporters de Derry, peu fortunés, le déplacement est impossible, d’autant que la liaison ferroviaire à l’époque entre les deux villes est très limitée. Après une saison dans cette situation (1971-1972) et avec des coûts financiers importants, Derry demande à la fédération l’autorisation de rejouer à Brandywell. Mais la demande est rejetée en octobre 1972 : le DFC jette l’éponge et se retire du championnat. Seules des équipes de jeunes subsistent. Durant plus de 10 ans, chaque année, le DFC demande son adhésion à la ligue nord-irlandaise : demande systématiquement rejetée.
Une dame de fer à cheval sur ses principes
Les années 1970 et 1980 ne laissent entrevoir aucune éclaircie politique : chaque attentat est présenté comme une riposte à un précédent attentat. Par exemple, le 21 juillet 1972, l’IRA réplique au Bloody Sunday : en l’espace de 80 minutes, 19 bombes explosent à Belfast provoquant la mort de 16 personnes, civiles et militaires, épisode connu sous le nom de Bloody Friday. L’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher raidit encore les positions : outre son attitude intransigeante sur la question nord-irlandaise, son gouvernement s’en prend férocement à tout ce qui ressemble aux classes laborieuses (et notamment les mineurs ou les ouvriers touchés par la désindustrialisation, aussi bien en Irlande qu’au Nord de l’Angleterre et en Écosse) qui, bien souvent, sont aussi catholiques. Parmi son œuvre, Margaret Thatcher laisse crever de faim Bobby Sands et ses copains en prison, leur tort étant de réclamer le statut de prisonnier politique. La mort de Sands, récemment élu au Parlement Nord-Irlandais, et de 9 autres grévistes de la faim au printemps et à l’été 1981 provoque de nombreuses émeutes dans les quartiers nationalistes en Irlande du Nord, et évidemment à Derry.
Regain de tension entre les communautés, à coups de « Z’vais t’arrasser les yeux, tête de cul ! »
Cette période est elle aussi richement appropriée culturellement, par exemple avec les films Hidden Agenda (1990), Au nom du père (1993), ou Hunger (2008). En littérature, on ne peut que vous conseiller les ouvrages de Sorj Chalandon. Côté musique, on peut évoquer Paul et Linda McCartney, Phil Coulter (natif de Derry, il a composé l’Ireland’s call), Soldat Louis, Renaud, voire avec les Cranberries, bien que la chanson soit idéologiquement différente puisqu’elle renvoie dos-à-dos les protagonistes du conflit. Et ce n’est pas forcément la dimension politique de cette chanson – qui échappe sans doute à la plupart des auditeurs – qui a fait son succès
Renaud en bal(l)ade à Derry, 1991
Derry demande son adhésion au championnat de la République d’Irlande
1985 : voilà 13 ans que Brandywell ne sert qu’aux courses de lévriers. Les tensions politiques servent de prétexte à la fédération nord-irlandaise pour refuser que le Derry FC ne revienne dans son championnat. Constatant que toute conciliation est impossible, les dirigeants du club ont une idée. À côté d’ici, il y a un autre championnat : celui de la République irlandaise. Et, précisément, la fédération irlandaise, la FAI, est en train de le restructurer. Désormais, le championnat se jouera entre 22 équipes, contre 16 jusqu’alors. C’est l’occasion rêvée : le Derry FC demande à jouer dans le championnat de l’Irlande, avec Brandywell comme terrain officiel. La FAI est d’accord. La FIFA est d’accord. L’UEFA est d’accord. Et l’IFA est d’accord, avec probablement un mot sympathique du genre : « OK, cassez-vous, on n’aura plus à refuser annuellement votre demande de réintégration ». Le Derry Football Club est donc de retour, en First Division (équivalent de la deuxième division). Et voilà comment ce club joue dans une fédération autre que celle de emplacement géographique.
« Le rire de nos enfants sera notre revanche ». Mural en hommage aux grévistes de la faim dans le Bogside, Derry, août 2018
Il existe de rares cas similaires à travers le monde : proche de nous, Monaco est rattaché au championnat français, et Swansea, club gallois, est rattaché au championnat anglais. Le plus souvent, ce sont des contraintes géographiques qui expliquent ces exceptions (ainsi de certains clubs espagnols qui jouent au niveau régional en France, ou de clubs anglais rattachés au championnat d’Écosse) ; il est bien plus rare que ces motivations soient politiques. Au niveau international, le cas d’Israël, rattaché à l’UEFA, en fait partie. Mais les frontières politiques et géographiques ne sont pas les frontières sportives, chacune d’elles résultant finalement de conventions en partie arbitraires et pratiques : la présence de clubs turcs et kazakhs en coupe d’Europe ne manque pas de faire grincer des dents de temps à autre. Et les frontières sportives sont elles-mêmes mouvantes selon la discipline, ainsi qu’on l’a vu plus haut. On a par exemple hésité à aller voir Irlande du Nord/Irlande en foot féminin, plutôt que d’aller à Derry : cette confrontation est inexistante en rugby.
Champion d’Irlande
Le Derry FC change donc de fédération, et s’y installe plutôt bien. Dès sa première saison en Irlande, le club remporte le titre de deuxième division. Le club a même réalisé un étonnant triplé en 1989, performance encore non égalée dans le pays, en remportant les deux coupes nationales et le championnat irlandais. Le Derry Football Club présente donc la particularité d’être champion de deux pays différents, et d’avoir remporté la coupe de deux fédérations différentes. C’est un peu comme si le LOSC avait un jour été rattaché à l’union royale belge de foot (une idée que, d’ailleurs, nous avons soufflée mais qui, à notre connaissance, n’est pas dans les tuyaux), et y avait remporté le championnat et les coupes.
Un deuxième titre a été remporté par Derry en 1997. Quant aux coupes, le club est presque devenu un spécialiste : le club remporte la coupe d’Irlande encore en 1995, 2003, 2006 et 2012 ; et la coupe de la Ligue en 1991, 1992, 1994, 2000, 2005, 2006, 2007, 2008 et 2011.
« Doire », c’est « Derry » en gaélique
Mais si Derry est bien implanté dans le paysage du football irlandais depuis les années 1980, tout ne s’est pas fait sans heurts. Dans les années 1990, l’Inland Revenue – une espèce de bureau des taxes dépendant du gouvernement britannique, en gros le fisc – a tout fait pour conduire à la ruine du club et à sa disparition. Car si le Derry FC est rattaché à la République irlandaise, c’est uniquement pour le foot, mais pas pour les impôts, pour lesquels il dépend encore du royaume. Légalement au Royaume-Uni, footballistiquement en Irlande, le Derry FC a un pied partout et nulle part à la fois. Alors que le club est au bord du dépôt de bilan, intervient John Hume. Député Nord-Irlandais siégeant à Londres depuis 1983, il est membre du Social Democratic and Labour Party, le parti de la minorité catholique. En 1998, il a reçu le prix Nobel de la paix pour sa contribution à l’élaboration des accords de paix, prix partagé avec David Trimble, un unioniste protestant. Ce n’est que grâce à l’influence de John Hume que le club a pu se sauver : sous son impulsion, et avec l’aide généreuse des clubs en question, des matchs amicaux contre Barcelone (Ronaldinho a inscrit ici son premier but sous les couleurs du Barça !), le Real Madrid, le Celtic Glasgow et Manchester United ont été organisés et ont renfloué les caisses.
Au début des années 2000, le club se sauve donc de justesse, en passant notamment à deux reprises par des barrages. Après ces quelques années difficiles, Derry est revenu dans le haut de tableau. 2e en 2005 derrière Cork, 2e en 2006 derrière Shelbourne. Cette saison reste marquée par une polémique à Derry : Shelbourne a été reconnu coupable d’irrégularités financières, tandis que des soupçons sur d’autres affaires impliquant le club pèsent toujours, mais les autorités irlandaises n’ont pas estimé devoir faire des investigations plus poussées… ce qui aurait pu offrir le titre à Derry.
Petite épopée européenne
L’année 2006 est marquée par l’aventure européenne de Derry. En tours préliminaires de C3, Derry élimine Göteborg (1-0 ; 1-0), puis les Écossais de Gretna (5-1 ; 2-2). Derry doit encore passer le premier tour pour se qualifier pour la phase de poules. Le tirage au sort lui offre le Paris-Saint-Germain, entraîné par l’ancien Lillois Guy Lacombe. À l’aller, en Irlande, Derry tient le coup : 0-0 ! Au stade, nous avons discuté avec un papy de ce match, voilà ce qu’il nous en dit : « on a joué le PSG, mais la pire équipe du PSG de l’histoire ! On avait un terrain tout pourri, c’est probablement un des pires matches que j’aie vu, mais tout le monde était heureux ici ». Puis il ajoute en s’esclaffant : « quand on voit ce qu’est devenu le PSG depuis, on s’est dit que ça aurait pu tomber sur nous, ça tient vraiment à rien ! ». Sans surprise, Derry s’incline au retour en France (0-2), après avoir reçu un chaleureux accueil du Parc des Princes, avec des inscriptions en gaélique et une banderole « You are now entering in Free Paris », référence au monument d’entrée du Bogside.
En novembre 2009, rebelote : de nouveau, le club est endetté. La FAI dissout le Derry City FC. Une nouvelle entité, avec le même nom, est créée. Immédiatement, elle demande à rejoindre la League of Ireland First Division (deuxième division). Un an plus tard, Derry est de retour dans l’élite.
Parc des Princes, septembre 2006
Ainsi va la vie à Derry : entre un passé dont les cicatrices ont du mal à se refermer et un avenir que l’on souhaiterait délesté de ce lourd héritage. Les quartiers sont encore très clairement délimités selon l’appartenance religieuse. D’ailleurs, l’office de tourisme de Derry vous donne un plan sur lequel, hormis pour l’hyper-centre, manque une rue sur deux. L’avantage, c’est bien entendu qu’on peut y trouver une rue sur deux. Mais l’inconvénient, c’est qu’on ne peut y trouver qu’une rue sur deux. Dans une ville aussi marquée par la présence de cul-de-sac (pour éviter que quartiers protestants et catholiques ne communiquent), c’est un plaisir pour les touristes. En gros, la ville reste marquée par une division que marque le fleuve qui la traverse, la Foyle. Sur la rive droite, les protestants ; sur la rive gauche, les catholiques. Depuis 2011, le « pont de la paix » permet un nouveau point de liaison entre les communautés. La tension qui règne encore ici contraste avec la verdure paisible et les paysages à couper le souffle qui entourent la cité.
Enclave protestante, derrière les grillages, sur la rive gauche de la Foyle
Le club de football de la ville est le témoin des années de guerre. Le stade, situé au cœur du Bogside, nous replonge inévitablement dans les années du conflit. Les murals font le lien avec le passé ; des grafs appellent encore aux armes. Bien sûr, l’armée britannique a quitté la ville depuis 1994. Bien sûr, des « accords de paix » ont été signés en avril 1998. Bien sûr, l’IRA a officiellement rendu les armes en 2010. Mais outre le fait que des tensions demeurent, que des branches de l’IRA ressurgissent çà et là (l’année dernière, c’est « l’IRA-continuité » qui tuait à Dublin ; vendredi soir, à 1 heure d’ici en voiture, un monument rendant hommage à deux membres de l’IRA a été recouvert de peinture et de l’inscription « SAS » – une unité de l’armée britannique présente en Irlande du Nord durant les Troubles -, la veille d’une commémoration à l’initiative des nationalistes), Derry est surtout peuplée de fantômes, qui rappellent à chaque instant celles et ceux qui sont tombé.es ici, et dont le flou qui entoure les circonstances de la mort ne peut tranquilliser celles et ceux qui restent. Par exemple, en allant au stade depuis le centre-ville, on ne peut manquer de voir la silhouette d’Annette McGavigan, peinte sur la façade d’une maison du Bogside. Le 6 septembre 1971, elle devient officiellement la 100e victime civile depuis le début des Troubles. Et la plus jeune : Annette McGavigan a été tuée par l’armée britannique en revenant de l’école à l’âge de 14 ans, alors qu’elle portait encore son uniforme d’écolière. Elle est enterrée à quelques mètres de là, dans le cimetière qui domine le stade, en compagnie de ses parents récemment décédés, pendant que ses frères et sœurs demandent encore justice aux autorités nord-irlandaises. L’année dernière, soit 46 ans après la mort d’Annette, sa famille a demandé qu’une nouvelle enquête sur ses circonstances soit ouverte, prétendant détenir des preuves jusqu’alors non prises en compte. Selon la version officielle, Annette est morte d’une balle qui a malencontreusement « dérivé (sic) ou ricoché » avant de l’atteindre. La famille, bien qu’on lui obstrue encore l’accès à certains documents, affirme désormais détenir un film et le rapport d’un médecin-légiste prouvant qu’Annette est morte d’un tir rectiligne dans la tête.
Ce mural à l’entrée du Bogside, intitulé « Death of Innocence », indique sans ambiguïté « Annette (…) shoot dead by the British Army »
Et c’est ici à Derry comme dans beaucoup d’endroits en Irlande du Nord. Il y a 15 jours, à Omagh – à 40 kilomètres d’ici – on commémorait les 20 ans de l’attentat le plus sanglant qu’ait connu le territoire : le 15 août 1998 (après les accords de paix, donc), 29 personnes de tous horizons périssaient suite à l’explosion d’une voiture piégée de l’IRA. Mais les responsabilités ne sont pas si limpides : l’IRA affirme que des coups de téléphone pour prévenir de l’explosion ont été préalablement passés, mais les indications, selon la police britannique, étaient volontairement imprécises. N’importe quoi, répond l’IRA : c’est justement parce que les indications était très précises que la police britannique a volontairement massé les passants vers le site de l’explosion afin de décrédibiliser les opposants au processus de paix. Encore aujourd’hui, le mystère plane sur les circonstances exactes de l’événement : qui manipule qui ? Le film Omagh (2004), de Pete Dravis, relate cet épisode. Quant au Bloody Sunday, la vérité apparaît: devant l’évidence des faits, une nouvelle enquête a été ouverte en 1998. Achevée il y a quelques années, elle met en lumière le fait que plusieurs soldats ont menti lors de leur première déposition, et que leurs victimes étaient toutes désarmées. Le gouvernement britannique, par l’intermédiaire de James Cameron, a reconnu la responsabilité des parachutistes et a présenté ses excuses à la population de Derry en 2010.
Au stade de la contestation
Brandywell est un petit stade de 7 500 places, genre « Grimonprez-Jooris à la campagne ». Ses alentours sont un énième rappel à l’identité du quartier : affiches et peintures en soutien à la Palestine, hommages aux morts nationalistes, atmosphère revendicative et parfois agressive à l’égard du Royaume-Uni. Les habitants du quartier restent touchés, plus que la moyenne, par le chômage et la pauvreté. Le stade a été rénové il y a 2 ans : à cette occasion, la piste de course de lévriers a disparu, et le fameux dénivelé entre les deux buts, qui avait déjà été amoindri à 1,8 mètres (!), a été entièrement corrigé. Voilà une riche idée. Il est vrai que pratiquer du sport en pente n’est guère pratique, sauf s’il s’agit de de sports de descente. Toutefois, celles et ceux qui ont envahi Grimonprez-Jooris – uniquement les soirs de fête, hein – se rappelleront que notre ancien terrain était également quelque peu penché, dans le sens de la largeur. Je signale à toutes fins utiles qu’aujourd’hui, les tribunes sont en pente, mais ça a l’air de satisfaire tout le monde. Événement notable, durant les travaux, sur l’année civile 2017, le Derry FC a joué ses matches « à domicile » à Buncrana, de l’autre côté de la frontière : l’occasion de quitter le Royaume-Uni était trop belle.
Au guichet, les tickets, déjà imprimés, ne demandent qu’à être achetés. Ce soir, ce sont les Dublinois de Bohemians qui se présentent. C’est déjà la 30e journée de championnat car, à l’instar des championnats nordiques, le championnat irlandais se déroule sur l’année civile. Dans le public, beaucoup de jeunes enfants, aux couleurs de leur club favori. Il faut dire que c’est encore ce genre de stade où l’entrée est gratuite pour les moins de 12 ans. Une tribune sur chaque longueur du terrain, deux kops d’une cinquantaine de personnes assurent l’ambiance. En moyenne, le Derry FC y reçoit 3 500 spectateurs par match. On doit être 2 000 à tout casser ce soir. On est loin d’une grosse ambiance, mais il faut dire aussi que Derry termine son championnat en roue libre : ne pouvant plus rien espérer ni craindre en championnat, le DFC mise tout sur la coupe de la Ligue (EA Sports Cup) pour espérer gagner sa place en coupe d’Europe. Et cela semble une stratégie intéressante, puisque Derry est en finale, finale qui aura lieu… à Brandywell, le 16 septembre, contre Cobh Ramblers [Edit : Derry s’est imposé 3-1].
Il y avait davantage d’ambiance dans le quartier le 8 avril 2013. Ce jour-là, on apprenait la mort de Margaret Thatcher. À Derry, comme en d’autres endroits qui ont souffert de sa politique, des centaines de personnes se sont retrouvées pour faire la fête : à Glasgow, à Liverpool, à Leeds, à Manchester. Si ces célébrations ont été officiellement condamnées par la plupart des partis politiques, on était bien contents ici. Autour de Free Derry, des inscriptions que l’on peut encore lire aujourd’hui ont fleuri : « Rot in Hell » (Va pourrir en enfer), « Iron lady, Rust In Peace » (Dame de fer, rouille en paix), ainsi qu’une nouvelle version d’une chanson du Magicien d’Oz (« Ding-Dong! The Witch – parfois the Bitch – Is Dead ». La chanson a atteint la deuxième place des ventes au Royaume-Uni en avril 2013 ! On note toutefois une pointe de déception chez certains habitants du quartier : « c’est quand même dommage qu’on ne l’ait pas tuée nous-mêmes il y a 30 ans ». Le chanteur Morrissey, qui avait lourdement chargé Thatcher, a salué la disparition d’une femme « barbare » et « sans la moindre once d’ humanité ».
Si on s’attarde un peu sur Maggie, c’est parce son attitude à l’égard de Derry d’un côté, du football de l’autre, est très révélatrice de sa politique en général, profondément hostile aux classes populaires. Dès la tragédie de Hillsborough, en 1989, elle a soutenu la version policière qui affirmait que les 96 supporters de Liverpool tués dans le stade par écrasement avaient provoqué eux-même le mouvement de foule. Depuis 2016, on sait que la faute incombait aux organisateurs du match.
♫ When Maggie Thatcher dies
We’re gonna have a party ♫
Supporters de Liverpool à Sunderland en septembre 2012
Cet héritage laisse encore des traces sur l’appartenance « nationale » de certains joueurs. Depuis 1998 et les accords de paix, tout Nord-Irlandais peut détenir la citoyenneté irlandaise, britannique, ou les deux. Cette décision a permis à certains joueurs nés en Irlande du Nord de choisir la sélection irlandaise malgré un passage dans les sélections de jeunes de l’IFA. Les joueurs concernés sont d’ailleurs critiqués par cette dernière, pour qui l’éligibilité à une sélection « ne doit pas être une question politique ou religieuse, mais simplement de football ». L’IFA demande ainsi que les joueurs ayant représenté une sélection chez les jeunes ne peuvent en représenter une autre chez les A. Outre les actuels internationaux Shane Duffy, Darron Gibson ou Eunan O’Kane, le cas le plus célèbre concerne James McClean. Né à Derry et ayant représenté l’Irlande du Nord jusqu’aux Espoirs, McClean a refusé la sélection de l’équipe A pour revêtir le maillot de la République. « Je ne me sentais pas faire partie de cette équipe. Et tout catholique qui dit le contraire est probablement un menteur. Je sens que nous ne sommes pas désirés. C’est compliqué d’entendre cet hymne, de voir ces drapeaux et ces chants sectaires. Encore plus quand on vient de Derry » (ici)
En Premier League, toutes les équipes portent un coquelicot sur leur maillot aux alentours du 11 novembre pour le Remembrance Day. L’action caritative étant organisée par la Royal British Legion (organisation apportant un soutien financier aux membres et vétérans des Forces Armées Britanniques), McClean refuse chaque année le coquelicot.
A l’occasion d’un match amical aux Etats-Unis avec West Bromwich, il a également refusé de se tourner vers le drapeau anglais lors du God Save The Queen.
Happy Friday
Dans l’enceinte du stade, seuls les véhicules de secours rappellent la présence de l’État britannique. Inutile de chercher une trace de la police : elle n’y a pas mis les pieds depuis 1971. La sécurité est assurée par le club et des bénévoles. Toutefois, son retour est évoqué depuis 2016, suite à l’agression d’un fan de Dundalk dans des circonstances floues, à l’extérieur du stade. Même le Sinn Féin, historiquement lié à l’IRA, a reconnu qu’il serait peut-être temps de penser à des forces de sécurité supplémentaires.
Derry, à proximité de Brandywell Stadium, août 2018
La première intervention du speaker consiste à rappeler que quelles que soient les circonstances du match, il est recommandé de ne pas manifester de comportement « sectarian », et qu’il est bon de se limiter à des passions footballistiques. Sur le terrain, les Candystripes semblent assez peu concernés : sur la première attaque côté droit, on joue depuis 45 secondes, les Dublinois ouvrent le score avec une reprise aux 6 mètres de Dinny Corcoran. Derry domine territorialement, mais se crée peu de situations dangereuses. Les deux kops poussent à coups de « Red ‘n white army ! ». Mais c’est la trentaine de supporters dublinois qui est à la fête. À la 19e minute, le stade applaudit, en hommage à Oran Tuly, 19 ans, supporter des Bohemians, récemment décédé. Cela nous offre le fun fact du match : seul à 20 mètres à la ronde mais persuadé que le public réagit pour encourager un de ses joueurs qu’il n’aurait pas vu dans son dos, un défenseur de Bohemians panique et envoie le ballon par dessus la tribune, sous le regard interloqué de ses partenaires. Y aura touche. On rigole. Bel hommage.
Deux changements à la pause n’y feront rien : Derry encaisse un 2e but en début de seconde période par Daniel Kelly d’une frappe bien placée dans le filet opposé (54e). En dépit d’une succession de tirs en fin de match, soit repoussés par le gardien, soit sur le poteau, les locaux s’inclinent 0-2. Les deux kops de Derry s’unissent et brandissent de nouveau la banderole pour Oran. Les adversaires saluent longuement le public de Derry à l’issue du match, qui lui-même applaudit chaleureusement les Dublinois.
Après le match, les plus téméraires chantent encore :
Red an white army !
You know I am, Sure I am !
I’m City until I die !
Puis chacun.e retournera à son quotidien, inévitablement marqué par cette situation si particulière, localement, mais aussi à un niveau plus général. Depuis vendredi, voilà 590 jours que l’Irlande du Nord n’a pas de gouvernement. Même s’il n’est pas un pays indépendant, le « pays » a ainsi battu le vieux record de la Belgique de 2010-2011. Dans les faits, cela a peu de conséquences car la plupart des lois sont votées depuis Londres, mais Londres, précisément, se fait de plus en plus pressant et menace de reprendre les choses en main. À l’origine de ce blocage, l’impossibilité de trouver un accord sur le partage du pouvoir entre catholiques et protestants, comme la loi y oblige. Le Sinn Féin considère qu’il n’est pas traité de manière équitable. Un énième rappel de la toile de fond de cette nation : la division.
« Hands Across the Divide ». Monument de la réconciliation à l’entrée de Derry.
Résumé du match :