Posté le 6 octobre 2018 - par dbclosc
Et si on rejouait les matchs jusqu’à ce que les résultats soient défavorables au LOSC ?
Le scandale de la 4e place en 1947
Le 11 mai 1947, le LOSC remporte sa deuxième Coupe de France consécutive aux dépens du Racing Club de Strasbourg. Si vous nous lisez dans LOSC In The City, nous y avons consacré un article en janvier dernier. Cette victoire a toutefois des conséquences en championnat : le LOSC ne conserve pas son titre de champion de France. Mais alors que la 3e place est assurée, la Ligue intervient pour mettre en place ce qu’elle fait de mieux contre le LOSC : le complot.
L’été 1946 voit le départ de George Berry. L’entraîneur anglais claque la porte sur un doublé coupe-championnat, excédé par son président, Louis Henno. André Cheuva, qui vient de terminer sa carrière de joueur à Marcq-en-Baroeul après avoir représenté plusieurs clubs de la métropole, arrive sur le banc de touche. Son premier match officiel est d’ailleurs un derby : le LOSC revient de Bollaert avec le point du match nul (3-3). A posteriori, c’est le premier match au cours duquel est pris en compte l’existence du virtuel bâton de Bourbotte. Si les résultats sont bons tout au long de la saison, ils sont en-deçà des performances de la saison précédente : deux mauvaises séries à l’automne (1 point en 5 matchs) puis au printemps (4 points en 5 matchs) ne permettent pas de suivre le rythme imposé par la surprenante équipe de Roubaix-Tourcoing. Le LOSC navigue entre la 3e et la 5e place, accédant même à trois reprises à la deuxième place (9e, 12e et 14e journées).
La 37e journée est programmée au jeudi 8 mai 1947. Plusieurs équipes sont au coude-à-coude, que ce soit pour la course au titre ou celle au podium.

La victoire est alors à deux points. Le goal-average est la division entre le nombre de buts marqués et le nombre de buts encaissés.
A trois jours de la finale de la Coupe de France, le LOSC (qui se déplace au Racing Club de Paris, 16e) et Strasbourg (qui se déplace à Bordeaux, 15e) choisissent de faire tourner leurs effectifs. Cela ne signifie pas que les joueurs doivent se tenir la main en faisant une ronde, mais que plusieurs joueurs habituellement titulaires laisseront leur place à leurs collègues réservistes. Les deux équipes s’inclinent 1-0. Reims n’en profite pas et perd 3-2 à Marseille, tandis que le Stade Français concède le nul 4-4 à domicile face à la lanterne rouge havraise. La bonne affaire est pour Roubaix-Tourcoing : sa victoire devant Rouen lui permet d’être champion de France !
Si le LOSC a raté une belle occasion de prendre la 3e place (et éventuellement la 2e en fonction du goal average), ce fut pour la bonne cause : le LOSC triomphe à Colombes et ramène la coupe à la maison.
La dernière journée offre toutefois quelques espoirs de podium au LOSC, qui affronte Rennes (9e). Dans le même temps, Strasbourg doit se remettre de sa défaite en finale à domicile face au Stade Français. Reims semble avoir le match le plus « facile » face au RC Paris, sauvé après sa victoire face à l’équipe lilloise remaniée. Le classement à l’entame de la dernière journée :
Comme prévu, Reims s’impose 2-1 et valide sa deuxième place. Dans le même temps, Strasbourg a flanché à la Meinau, où le Stade Français s’impose 1-2 après avoir été mené. Les Lillois en profitent : en battant Rennes 2-0, ils terminent la saison sur le podium grâce à un meilleur goal average :

Dans ce championnat à 38 journées, le LOSC effectue un parcours comparable à celui effectué en 1945-1946 dans un format à 34 matchs.
L’histoire aurait pu s’arrêter là. Pourtant, la 3e place du LOSC cette saison-là n’a jamais été au programme de l’Education Nationale. L’école aurait-elle renoncé à transmettre le savoir ? Et pour cause. Jamais avare d’idées en matière de complot contre le LOSC, le football français s’est surpassé pour réécrire l’histoire.
Le 13 mai 1947, soit deux jours après la finale de Coupe de France, le comité directeur du Groupement Professionnel de Football (l’ancien nom de la LFP) se réunit à Paris pour auditionner les dirigeants du Lille OSC et du RC Strasbourg. Il leur est reproché de ne pas avoir aligné leurs meilleures équipes lors de la 37e journée de championnat. Le comité reconnaît toutefois que les Lillois, « en présentant des joueurs de réserve professionnelle, avaient mieux respecté l’esprit du championnat que Strasbourg qui avait aligné huit joueurs amateurs[1] ». Les deux équipes sont ainsi sanctionnées :
- Lille et Strasbourg ne peuvent « en aucun cas » se voir attribuer le titre de champion de France 1946-1947. Le titre étant alors déjà mathématiquement hors de portée, cela signifie qu’en cas de déclassement de Roubaix-Tourcoing et de Reims, les deux clubs n’auraient pas pu prétendre au titre. Le Stade Français, 5e, aurait donc été champion.
- Lille reçoit une amende de 50 000 francs. Celle de Strasbourg est de 200 000 francs.
- Bordeaux-Strasbourg devra être rejoué. La recette du match ira intégralement aux Girondins. Et le LOSC ? Il ne rejoue pas !
Ces décisions, sans appel possible, déclenchent un tollé parmi les clubs de première division, qui jugent les sanctions exagérées et incohérentes. Outre les amendes pécuniaires, la décision de rejouer Bordeaux-Strasbourg est évidemment la plus problématique pour le LOSC : Strasbourg, qui a volontairement aligné une équipe plus faible pour préserver ses joueurs avant la finale de Coupe de France, est « condamné » à rejouer ce match avec ses titulaires habituels le 20 mai 1947, et risque donc de repasser devant le LOSC. Et attention à ne pas aligner de nouveau une équipe modifiée : la Ligue précise qu’une « surveillance spéciale sera exercée » ! Plus c’est gros, moins ça passe.
On y a cru, ce 20 mai, quand Bordeaux ouvre le score dès la 1e minute de jeu. Mais Strasbourg s’impose au final 2-5. Grâce à ce beau coup de pouce de la Ligue, Le RCS termine ainsi à la 3e place. Point positif, la défaite du LOSC au RC Paris a sauvé le club francilien aux dépens du RC Lens, relégué en Division 2.
[1] Le Monde, 14 mai 1947
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6 octobre 2018
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Demarez a dit:
Reportage intéressant que peu de monde ne connaîssait. J’adore les retros du losc et l’histoire de nos anciens qui ont fait le bonheur des lillois .