Posté le 4 janvier 2019 - par dbclosc
1977-1978 : le LOSC se forme
Au printemps 1977, le LOSC s’apprête à descendre d’un étage et à retrouver la D2 après une saison pathétique, marquée en outre par des déboires financiers. La mairie impose alors un changement d’orientation au club, qui devra s’appuyer sur la jeunesse de la région, au sein du tout nouveau centre de formation. Dans le sillage de José Arribas, le club ouvre une ère nouvelle.
8 juin 1977, fin du calvaire : le LOSC est relégué en deuxième division après une piteuse saison qu’il termine 19e, avec 10 points de retard sur le premier non relégable, Valenciennes (la victoire est alors à 2 points). Cette saison-là, Lille n’a pris qu’un point à l’extérieur (à Bastia) ! Cause et/ou conséquence de ses problèmes sportifs, le club est également en grande difficulté financière, puisqu’il présente un déficit de 6,5 MF. À titre d’illustration, sachez que pour la 36e journée à Nancy le 1er juin 1977, le LOSC a même été dans l’incapacité de louer un bus… Les joueurs se sont alors rendus en Lorraine en voitures particulières ! Un mois auparavant, la mairie avait déjà tapé du poing sur la table.
Le changement, c’est maintenant
La municipalité impute en effet la responsabilité de la saison manquée à certaines dérives propres au football moderne : côté sportif, on aurait des joueurs surpayés, des mercenaires, au comportement de starlettes : Pierre Mauroy tonne ainsi : « ce qui se passe est vraiment inadmissible, c’est vraiment devenu une des branches du show business » ; côté administratif et gestionnaire, le mode de gouvernance du club ne serait plus adapté : il s’agit alors de passer à une société d’économie mixte, et de davantage structurer le club. Pour marquer une rupture avec la saison écoulée, Pierre Mauroy et son nouvel adjoint aux sports, Albert Matrau, provoquent la démission du président Paul-Mary Delannoy le 5 mai 1977, et l’arrivée de Jacques Dewailly, directeur de la Générale de Chauffe, à la tête du club. Dans les faits, le LOSC est désormais dirigé par le tandem Roger Deschdot/Jacques Amyot. Et pour préparer la transition financière et passer à une société mixte pour club professionnel, le club présente également Yves Bonhomme, Patrick Dussot (avocat) et Roger Verloo (comptable).
Roger Deschodt et Jacques Amyot, un tandem pour se remettre en selle et arrêter de pédaler dans la semoule
L’équipe municipale réagit en fait aux mois précédents, puisque des élections municipales ont eu lieu en mars. Le principal challenger de Pierre Mauroy est le leader de la droite lilloise : il s’appelle Norbert Ségard et se promène souvent avec une boussole. Pourquoi ? Parce que Norbert s’égare. Bien. Il indique en tout cas une direction dans laquelle vont s’engouffrer tous les protagonistes de l’élection : le LOSC. Au cœur de sa triste saison, Ségard attaque l’équipe municipale sortante (déjà dirigée depuis 1973 par Mauroy). Au début de l’année 1977, il fait placarder en ville et le long des voies rapides alentours des affiches où on voit un chien dans des tribunes de Grimonprez-Jooris désespérément vides. C’était le bon temps où LOSC et politique étaient intimement liés, ce que nous avons tenté de réhabiliter en 2017. Le message de Ségard est clair : contribuables lillois, votre argent finance une équipe médiocre qui n’attire personne.
Un peu d’animation
Le LOSC se dote aussi d’une « commission d’animation » (équivalent aujourd’hui d’un département de com’), signe aussi d’une certaine professionnalisation du club, composée de Jean Paul Delporte, Jean Luc Dupuis, Jean-François Michallat, Jacques Verhaeghe, et présidée par Patrick Robert : son rôle est de s’occuper de la sono, du bulletin officiel du club, ou encore des relations avec les supporters.
La commission d’animation en septembre 1978 : J-F Michallat, A. Wostyn, J. Verhaeghe, P. Robert (à moins que ce ne soit Michel Delpech), J-L Dupuis, J. Houte, J-P Delporte
Le 4 juin, l’une des première mesures du comité d’animation est d’organiser un diner spectacle au palais Rameau, avec notamment en vedette le groupe anglais The Rubettes, à qui on doit notamment l’inoubliable Sugar Baby Love. 2500 personnes sont attendues. On aura ce soir-là 328 tickets payants. Bref, y a du boulot pour faire revenir le public et fédérer autour du LOSC.
Révélé initialement avec son tube « Aline » lors de l’été 1965 sous le pseudonyme « Christophe », Jean-Claude Chemier est écarté du concert au Palais Rameau par le comité d’animation qui lui préfère les fameux Rubettes. Il se reconvertit alors gardien de but et connait enfin la dolce vita.
La municipalité veut « régionaliser » le LOSC
Surtout, le LOSC veut désormais miser sur des jeunes issus de la région. Selon Mauroy, « il faut bâtir une équipe qui serait l’émanation de la région et non la réunion temporaire de mercenaires venus d’ailleurs (…) Je ne suis pas contre les vedettes, mais une région comme le Nord-Pas-de-Calais est capable de fournir de bons joueurs. Je suis contre les équipes composées presque exclusivement d’étrangers à la région qui restent une année ou deux avant de s’en retourner à partir de considérations qui n’ont rien à voir avec le football ». À sa demande, les sept joueurs les mieux payés du club sont remerciés ou laissés libres (parmi eux, Christian Coste, Hervé Gauthier, Michel Mézy, et Bernard Gardon, dont on dit – et lui-même s’est gargarisé de cette anecdote – que le transfert à Monaco aurait permis d’assurer les paies dans le club en juin 1977).
En juillet 1977, la mairie vient encore plus franchement à la rescousse du club : Pierre Mauroy fait voter en conseil municipal le soutien à la création de l’ADPL (Association pour le Développement et la Promotion du LOSC), présidée par Jacques Dewailly. À la clé : une subvention de 1 700 000 F, dont 1 380 000 F pour financer du 1er juillet 1977 au 30 juin 1978 les frais de fonctionnement d’un ersatz de centre de formation, qu’on retrouve dans la presse de l’époque sous l’appellation « centre d’accueil des jeunes footballeurs ». En outre, un autre crédit de 3 700 000 francs est voté pour l’aménagement du stade. Car si Grimonprez-Jooris a été inauguré il y a 2 ans, les aménagements sous les tribunes ne sont pas encore achevés. Or, il est question d’y accueillir les jeunes du futur centre de formation. L’objectif est clair pour le maire de Lille : former, c’est s’éviter de recruter des joueurs à un prix déraisonnable, et c’est réduire la masse salariale qui selon ses calculs représente neuf dixièmes des dépenses, et qui de 1972 à 1976 a doublé. « Il faut redonner une tournure régionaliste : le football lillois doit retrouver ses racines et lorsque le LOSC sera revenu en première division, il devra s’y comporter fort honorablement » résume Gros Quinquin.
Place aux jeunes : l’évidence Arribas
La nouvelle philosophie étant posée, reste à la mettre en œuvre. Côté terrain, le fidèle Charly Samoy, qui a signé sa première licence de gardien au LOSC en 1963, avait quitté son poste de directeur sportif et pris la tête de l’équipe en novembre 1976 après le renvoi de Georges Peyroche. Sans l’avoir vraiment choisi, il a pris place sur le banc « les dirigeants étaient prêts à donner l’équipe à un ensemble de joueur avec pour meneurs Michel Mezy et Stanislas Karasi, ou à m’en confier les destinées car ils refusaient d’engager un autre entraîneur. Placé au pied du mur, dans des circonstances où joueurs et dirigeants me sollicitaient, j’ai accepté. Les résultats des deux premiers mois avaient laissé entrevoir une réhabilitation. Nous possédions les moyens de nous en sortir, d’autant que l’esprit des joueurs me laissait croire, fin décembre, que nous pouvions tenter le coup. Rien n’a suivi. Ces mêmes joueurs qui m’avaient demandé de rester ne jouèrent pas le jeu jusqu’au bout et ont laissé tomber le LOSC. C’est une énorme déception. Je n’avais à qui parler que certains joueurs qui avaient gardé confiance : Chemier, Grumelon, Gianquinto, Denneulin, Simon ou Gardon. J’avais envie de tout abandonner. Avec le recul du temps, je ne regrette pas de ne pas avoir quitté le bateau dans ce naufrage. J’ai pu récupérer quelques gars et former un nouveau noyau ».
Noyau sur lequel va s’appuyer le nouvel entraîneur du LOSC : le club recrute un technicien en disgrâce, qui a fait les beaux jours de Nantes avec qui il a été champion 3 fois, avant de connaître une expérience mitigée à Marseille, d’où il a été limogé dès sa première saison en février 1977 : José Arribas. Les conditions qui lui sont proposées à Lille ne sont pas attractives : on lui dit qu’il n’y a pas d’argent, qu’il faut reconstruire autour des jeunes, avec quelques vieux briscards qui voudront bien rester, et on pourra peut-être se permettre 2-3 recrues pas chères. Banco dit Arribas, qui dit qu’il a connu les mêmes conditions lors de son arrivée à Nantes.
Arribas et Samoy vont parfaitement s’entendre sur ce nouvel intérêt porté sur les jeunes. Samoy : « nous ne nous connaissions pas. Dans la minute qui suivit notre rencontre, nous eûmes l’impression que nous nous fréquentions déjà depuis 10 ans. C’est le même langage. José a apporté énormément au LOSC, en sagesse et en expérience. Il n’était pas seulement l’entraîneur de l’équipe professionnelle ; il était l’entraîneur de tout le club, du poussin au professionnel ». Parmi ses nombreuses casquettes à partir de l’été 1977 (directeur administratif, recruteur) Samoy est désormais l’entraîneur des Cadets, qui évoluent en DH, en 4e division, et pour la première fois au niveau national : autrement dit, c’est la réserve, renforcée dès l’été 1977 par quelques jeunes : Pierre Dréossi arrive de Wasquehal, Patrick Rabathaly et Jean-Pierre Orts de Boulogne-Billancourt, un dénommé Valeur dont nous n’avons pas trouvé le prénom, de Calais, et les frères Stéphane et Pascal Plancque, de Lambersart. Et Samoy se retrouve donc en plus à la tête de cette première structure pour les jeunes : « c’est beaucoup trop. La vie familiale en prend un coup ! Mais le LOSC n’avait pas les moyens d’engager un entraîneur pour le centre. Et puis les jeunes, la formation, ça me plait… ».
Un nouveau visage séduisant
La reprise est fixée au 11 juillet 1977. Comme écrit plus haut, 7 joueurs, et pas des moindres, sont partis. Signe du nouvel élan voulu par la direction, Jean-Claude Chemier, Serge Besnard et Didier Simon sont explicitement conservés pour leurs « qualités morales ». Côté recrutement, le club est très limité mais va attirer 3 joueurs, tous des bonnes pioches : Pierre Pleimelding, grâce à un sympathique arrangement avec l’AS Monaco qui le met dans la balance pour favoriser le transfert de Gardon ; Zarko Olarevic, un yougoslave inconnu, échangé à l’Antwerp avec Karasi ; et Gilbert Dussier, un attaquant luxembougeois prêté par Nancy. Pour le reste, il y a les jeunes. Pour le premier match de la saison contre Guingamp, qui joue là le premier match de son histoire en D21, l’éditorial du bulletin du LOSC, rédigé par Patrick Robert himself, appelle au soutien à cette jeune et nouvelle équipe : « vous avez été déçus par une saison médiocre, par une équipe souvent amorphe car bien trop secouée par une succession de crises internes. Vous allez découvrir une nouvelle équipe. Nous sommes convaincus qu’elle se battra pour ses couleurs, avec un esprit de club chevillé au corps, et dirigée par l’un des techniciens les plus éminents que notre football ait produit. C’est pourquoi elle mérite d’ores et déjà votre soutien ; car il serait injuste qu’elle subisse le préjudice populaire d’une saison à oublier bien vite ».
Le LOSC démarre sur les chapeaux de Nolan roues : 4 victoires d’emblée contre Guingamp (2-0), Lucé (5-0), Caen (2-0) puis Boulogne (3-0) le placent à une surprenante première place. « Surprenante » car on n’attendait pas le club à pareille fête hein, car il n’est pas « surprenant » de se retrouver à la tête du championnat après 4 victoires en 4 matches. Surtout, cette équipe a l’air franchement combative, et les recrues crèvent l’écran, bien que les retransmissions télévisées soient moins fréquentes à l’époque (Pleimelding attendra toutefois quelques semaines avant de se montrer, car il se blesse durant l’avant-saison). Régulièrement, plus de 10 000 personnes viennent à Grimonprez-Jooris pour voir la bande à José. Quelques défaites à l’automne font rentrer Lille dans le rang, mais Arribas reste confiant et réaffirme ses principes : « je préfère rater un match par ci par là, pourvu que l’équipe respecte un certain régime, un fond de jeu ». Une tuile survient rapidement : Patrick Deschodt se blesse sérieusement. Mais les performances demeurent régulières en dépit des blessures et des suspensions : Arribas intègre notamment très vite Alain Tirloit et Jean-Paul Delemer dans le groupe pro, alors qu’ils étaient censés évoluer avec le groupe de Samoy. La saison avance et, désormais, ce sont Pierre Dréossi et Stéphane Plancque qui intègrent régulièrement l’équipe première. Ce dernier inscrit même un doublé pour sa première apparition en janvier 1978 : bon, contre une équipe de DH (Hautmont) en 7e tour de la coupe de France, ses équipiers ont mis 6 autres buts, mais il les a marqués. En championnat, 5 équipes se sont détachées : le Red Star, Tours, Dunkerque, le Paris FC et le LOSC, qui se tiennent en 3 points. Seul le premier du groupe monte, le 2e devant jouer un barrage contre le deuxième de l’autre groupe. Après 3 victoires en janvier, le LOSC se déplace au Red Star le 11 février 1978 pour un match au sommet. Les Audoniens se sont déjà imposés à l’aller (3-2) ; ils remettent ça : 1-0. Flûte.
Les principaux artisans de la formation lilloise : au premier plan, José Arribas et Michel Vandamme. Au fond, Charly Samoy.
Inauguration du centre de formation
Quelques jours plus tard, la principale nouveauté du grand chantier entamé par le LOSC voit le jour. Jusqu’alors, le « centre d’accueil » consistait, si l’on en croit le journaliste Jean-Pierre Mortagne, en « un immeuble vétuste, dénué de tout confort, avec en tout et pour tout 5 chambres. Les stagiaires étaient quelquefois obligés de loger dans la salle de bains ». C’est peut-être la faute à l’arbitre ça Jean-Pierre ? En lieu et place de ça, voici désormais, sous les tribunes de Grimonprez, un centre « magnifique » selon Patrick Robert. Voulu, financé et entretenu par la mairie, le centre, disposant de 15 chambres, d’une cuisine, d’un foyer-restaurant et d’une salle de cours, est inauguré le dimanche 26 février 1978 par Pierre Mauroy, en présence de quelques personnalités.
Le maire y réitère sa volonté de « transformer le football de recrutement en un football d’apprentissage », une formulation bien compliquée à comprendre aujourd’hui. On suppose qu’il faut comprendre par là que le football ne peut pas seulement reposer sur la détection des talents régionaux qu’on enrôle prêts-à-jouer, mais que sa professionnalisation passe par l’idée de faire d’en faire un métier « comme un autre », qui nécessite une acculturation, l’apprentissage de méthodes, d’une discipline comportementale et alimentaire, bref, d’une formation au même titre qu’un travail « classique ». Albert Matrau, l’adjoint aux sports, déclare : « si, disposant de telles conditions de travail, les jeunes ne parviennent pas à prendre goût au football, ce sera à désespérer ! » ; Jules Bigot, ancienne gloire du club et désormais représentant la fédération française de football, se réjouit : « il faut donner au public l’envie de revenir au stade et pour cela il faut travailler très sérieusement. Sous cet angle, cet hôtel 3 étoiles que vous offrez aux jeunes doit servir de base à un travail durable ».
Le LOSC retrouve la D1
Revenons au terrain : en fait, la défaite au Red Star est la dernière de la saison. À partir de là, les Dogues vont se montrer quasiment irrésistibles, avec 9 victoires et 3 nuls. Cette fin de saison en boulet de canon est aussi marquée par un huitième de finale de coupe de France contre Monaco, qui file vers le titre de D1. À Grimonprez-Jooris, pour le match aller, 19 000 spectateurs sont présents. Lille fait bonne figure mais Courbis ouvre le score pour Monaco. Lille revient rapidement grâce à Didier Simon et accroche un nul valeureux (1-1). Quatre jours plus tard, les Dogues ne s’inclinent que 2-3 en Principauté. Ils sont éliminés. Dans un vestiaire abattu malgré cette grande performance, Arribas s’adresse à ses joueurs : « si vous voulez revenir dans ce vestiaire la saison prochaine autrement qu’avec la coupe, vous savez ce qu’il vous reste à faire. Car Monaco ne descendra pas ! ». Message bien reçu : dans la foulée, Lille s’impose à Tours, chez un concurrent direct (2-0). Ils en profitent pour saboter le pont Wilson, qui s’effondre deux semaines plus tard, manière de mettre en pratique l’expression « couper les ponts » (avec la D2). Limoges (4-2), Noeux-les-Mines (3-0), Rennes (4-0) s’inclinent, seul Poissy prend un point contre Lille (0-0). Le 6 mai 1978, le LOSC se rend au Paris FC : en gros, si le LOSC ne perd pas, ça sentira très bon ! Le nul (1-1) est une excellente opération : il reste deux matches et Lille peut assurer la montée en battant Quimper Cornouaille dès le 20 mai !
Et ça démarre plutôt bien : Didier Simon marque dès la 7e minute. Le LOSC conserve longtemps son avance, et il ne fait aucun doute que les festivités d’après-match, bien prévues mais qu’on n’ose pas encore annoncer, auront lieu. Mais à l’heure de jeu, catastrophe : Quimper inscrit deux buts coup sur coup. Les Lillois se ruent sur le but du gardien « breton », un certain… Jean-Noël Dusé, qui fera quelques années plus tard le bonheur de la formation lilloise. Didier Simon (76e) égalise, avant que Jean-Paul Delemer n’inscrive le but de la victoire à la 85e, hors-jeu de 10 mètres selon les témoins de l’époque. Le match n’est pas terminé que la sono invite le stade à une kermesse juste après le match ! Lille assure donc la première place de son groupe, et remporte même le titre en battant le leader de l’autre groupe, Angers, dans le « match des champions » (5-3 ; 1-2). Une marque de champagne décerne au LOSC le titre d’équipe « la plus pétillante » de la saison.
José Arribas porté en triomphe sur les épaules d’Alain Tirloit au milieu des supporters
À fond la formation
La remontée immédiate dans l’élite est une aubaine. Pour la mairie, c’est la preuve de la justesse de sa stratégie : le LOSC a épongé une partie de son déficit. La ville et le club passent à une collaboration encore plus étroite. La première offre 800 000 F au LOSC, de quoi recruter Roberto Cabral et René Marsiglia, déjà international junior. Le centre de formation se dote d’un entraîneur à temps plein en juillet, en collaboration avec Arribas : Jean Parisseaux, qui fut champion de France en 1947 avec le Club Olympique Roubaix-Tourcoing. Originaire de Dunkerque, il a même entraîné l’USLD devenant à 33 ans le plus jeune entraîneur de D2 (en 1966). Il entraîna ensuite Hazebrouck (où il joua aussi), faisant passer le club de la DH à la D2 entre 1969 et 1973.
Le centre du LOSC n’a bien sûr rien à voir avec ce que proposait le CORT, du point de vue de l’équipement bien entendu, mais simplement dans l’idée même de former des jeunes : « à cette époque, on ne favorisait guère l’épanouissement des jeunes, même dans le grand CORT, celui qui fut champion de France ». à l’été 1978, intègrent le centre : Jean-Pierre Mottet et Dominique Bisbal (Vichy), Pascal Gousset (Angoulême), Olivier Hotton (Roubaix), Thierry Froger (Le Mans), Carol Renuit (Sainghin en Weppes).
Les footballeurs en formation peuvent s’initier aux métiers du secrétariat, de la comptabilité ou de la gestion grâce à l’apport de l’Institut Lillois d’Education Permanente. Au bout de deux ans d’étude, les jeunes du centre sortent avec un certificat d’aptitude professionnelle de footballeur (!)
Un emploi du temps pour jeunes loscistes, rentrée 1978
En 1978, 15 des 18 membres du centre de formation sont originaires du Nord. Plus précisément, ces jeunes se divisent alors en stagiaires (Brisbal, Dréossi, Fournier, Hotton, Marsiglia, Millevoye, Mottet, Barathaly, Vandamme), aspirants (Botysow, Capon, Depraeter, Gousset, Gressani, Orts, S. Plancque) et amateurs (P. Deschodt, Gauvain). Comme on l’a déjà évoqué dans cet article, il ne s’agit pas encore de formation à un âge précoce : les jeunes sont généralement recrutés à 15 ou 16 ans. L’idée est de construire une identité de jeu qui serait propre au club, comme l’indique J. Parisseaux : « j’attache énormément d’importance à la technique. Je suis partisan d’une équipe qui joue méthodiquement. Le travail tactique sur le terrain et les manœuvres répétées sont de première importance ». Idéalement, le centre de formation doit donner dans un délai de 4 à 5 ans des hommes de bases au LOSC. Parmi les pensionnaires de 1978, au moins 4 ont déjà fait leurs preuves au haut niveau : Pierre Dréossi, Alain Grumelon, René Marsiglia et Jean-Pierre Delemer.
La réserve du LOSC en 1978/1979
Debout : Capon, Gauvin, Rabathaly, P. Deschodt, Renuit, Mottet, J. Parisseaux, M. Vandamme
Assis : Bisbal, J-M Vandamme, Hotton, Gressani, Depraeter
Il n’empêche : le club est en D1 mais reste fragile. Arribas annonce : « nous essaierons de faire de notre mieux. La saison dernière, nous sommes montés alors que nous ne nous y attendions pas. Cette fois, nous pouvons fort bien redescendre, ce serait d’ailleurs plus logique que catastrophique. Si, en revanche, nous nous maintenons, il s’agira d’un exploit. Mais ne nous faisons pas d’illusions : la saison sera très dure ». Le 19 juillet 1978, la saison reprend contre Nancy à Grimonprez. Au coup d’envoi, le LOSC présente une équipe dont 4 des titulaires sont passés par le centre de formation : Pierre Dréossi (18 ans), Alain Tirloit (20 ans), Patrick Zagar (23 ans), Alain Grumelon (21 ans). Et les deux remplaçants, non entrés en jeu, en sont issus : Thierry Deneullin (24 ans) et Jean-Paul Delemer (20 ans). Devant l’ASNL de Platini et Rouyer, 6e du dernier championnat et vainqueur de la coupe de France, Lille fait le spectacle : Pleimelding marque rapidement (4e), avant que les Lorrains ne mènent 3-1 à la 40e. Finalement, Lille s’impose 4-3 en fin de match !
Pierre Pleimelding vient de tromper Jean-Michel Moutier, le portier de Nancy, et inscrit le premier but de la saison 1978/1979.
Au cours de cette saison 1978/1979, Pierre Dréossi fait déjà figure d’inamovible. À l’âge de 16 ans, Joël Depraeter est lancé à Nantes, au cours d’un match où le LOSC accroche le FCN (0-0), suscitant la colère du public nantais qui scande le nom d’Arribas et siffle son entraîneur… l’ancien lillois Jean Vincent. Si le nom de Depraeter ne vous dit rien, c’est parce que ce jeune venu d’Armentières va bientôt prendre le nom de son père : Joël Henry.
L’effectif du centre de formation au complet en 1978. Pour les plus connus, on note, assis, les Vandamme père et fils aux extrémités, Joël Henry au milieu. Debout, Jean Parisseaux à gauche, Jean-Pierre Mottet à droite.
En 1978-1979, le LOSC est spectaculaire : il signe des victoires sur des scores-fleuves, contre Nancy donc (4-3), Laval (5-3), Monaco, le Paris FC, Sochaux (4-2), Nice, Rennes (4-0), et un petit 4-4 à Metz. L’équipe termine à une étonnante 6e place, une performance inédite depuis 1958, qui sera égalée en 1991 et seulement battue en 2001. De plus, les Dogues ne sont éliminés qu’en quart de finale de coupe de France, contre Auxerre, pourtant en D2 mais futur finaliste (0-0 ; 1-2). Lille n’était pas allé si loin depuis 1960. Avec une moyenne de 14 350 spectateurs à domicile, le LOSC signe ses meilleures affluences depuis 1952, et devra là aussi attendre la saison 2000-2001 pour faire mieux. Avec 21 buts marqués, Pleimelding est le 4e buteur du championnat, Cabral se plaçant 9e avec 16 réalisations, et Olarevic 10e avec 15. En fait, Lille ne marque qu’un but de moins que le champion, Strasbourg (67 contre 68), mais en encaisse un peu plus, pas grand chose (62 contre 28).
Discussion tactique entre Arribas et Dréossi, portant sur le fait qu’il faut savoir assurer ses arrières en toutes circonstances. Avec le kiné Michel Frémaux.
Dans l’immédiat, la saison lilloise est récompensée par la sélection de Pierre Pleimelding en équipe de France espoirs au cours de l’été 1978 (il connaîtra sa seule sélection en A quelques semaines plus tard) ; et pour ce qui s’agit de la formation, le LOSC salue les sélections, au même moment, de Stéphane Plancque en équipe de France Junior 1, et de Joël Henry en équipe de France Junior 2. Le signe d’une philosophie des années Arribas qui, par la suite, verront l’éclosion en équipe première d’Eric Péan, Pascal Guion, Thierry Froger, Michel Titeca, Eric Prissette, Rudi Garcia, ou encore Luc Courson.
FC Notes :
1 Généreux, le LOSC offre près de 20 ans plus tard à l’En Avant sa première victoire à l’extérieur en D1 : 3-0 le 9 août 1995.
Sources :
Presse écrite des années évoquées.
Les photos de la chambre, de la salle de cours et de l’emploi du temps sont issues d’un ouvrage de Jean-Pierre Mortagne, LOSC, gloire du Nord, Solar, 1978.
On a par ailleurs trouvé nombre de détails et anecdotes dans un ouvrage de Patrick Robert, Vingt ans de passion, vingt ans de LOSC, éditions La Voix du Nord, 1991
Les jeux de mots, c’est nous.
12 commentaires
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25 mars 2024
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Holonne a dit:
Excellent article que j’ai pris plaisir à lire … 5 ans après
J’ai travaillé avec le regretté jean pierre Mortagne, joue avec Dréossi et Tirloit à Wasquehal et Hotton à Roubaix
At mon père spirituel était Bernard Lernould fidèle et amoureux du LOSC
Un plaisir de retrouver tout le monde dans l’article (sauf Bernard Lernould)
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25 novembre 2021
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claire a dit:
Bonjour,
Je souhaiterai utiliser votre photo du comité d’animation qui se forme.
En effet, j’ai encadré un atelier vidéo à propos de l’association de football de Faubourg de Bethune dont le président à été Jean Luc Dupuis. Tous me monde en parle et je cherchais une photo de lui pour illustré les propos des joueurs amateurs. Est-ce que vous me donneriez l’autorisation ?
Merci d’avance pour votre réponse
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26 novembre 2021
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dbclosc a dit:
Bonjour,
Cette photo ne nous appartient pas, donc on n’est pas vraiment habilités à vous donner une autorisation !
Elle est extraite de l’ouvrage de Patrick Robert, Vingt ans de passion, Vingt ans de LOSC, 1979-1990, éditions la Voix du Nord, 1991, p. 72
Bonne journée
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17 octobre 2019
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Michel Agnes a dit:
Sur la dernière photo du centre de formation je reconnais Pascal Gousset mais pas Thierry Froger.
Sinon, sur une photo précédente c’est Gressani (et non Gressan). Pascal de son prénom.
Superbe article !!!!
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31 décembre 2019
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dbclosc a dit:
Merci !
C’est rectifié !
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7 janvier 2019
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RABATHALY a dit:
top
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7 janvier 2019
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RABATHALY a dit:
Que dire de cette époque.
Un reve , une aventure , des vrais amis
« APPOLO 13 DU FOOTBALL. » les premiers a viser la LUNE avec comme catalyseur l’amour des uns envers les autres.
Et pour que personne n’oublie , on etait que 13 sur la feuille de Match !!!!!!! soit que 2 remplacants..
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5 janvier 2019
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Stéphane a dit:
Excellent article,instructif et bien écrit,comme d’hab!Continuez surtout
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4 janvier 2019
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LESAGE a dit:
Superbe article ! j’étais jeune et trois années plus tard, j’ai rejoins la Commission d’Animation avec Patrick Robert et le regretté Jean-Luc Dupuis. Plus spécialement dévolu à la rédaction du magazine du Club, « Allez Lille » puis « Score ». Je peux ajouter un détail à votre article, le prénom de Renuit, c’est Carol !
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4 janvier 2019
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dbclosc a dit:
Merci pour votre commentaire, et pour votre précision sur Carol Renuit, on modifie le texte !
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4 janvier 2019
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Greg a dit:
Superbe article, comme d’hab !
Avec une pointe de dérision et le tour est joué, continuez les gars !
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4 janvier 2019
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dbclosc a dit:
Merci !