Archiver pour février 2019
Posté le 26 février 2019 - par dbclosc
Buteurs et buteuses dès leur première en championnat (1964-2022)
C’est bien connu : le plus difficile, pour une première fois, c’est de la mettre au fond.
Quel est le point commun entre Jocelyn Angloma, Miladin Becanovic et Jonathan Bamba ? Ils ont au moins un « A » dans leur nom, en effet, ainsi qu’un « B » (sauf pour Angloma). Mais aussi, au même titre que Pleimelding ou Lobé, ils ont profité de leur premier match en championnat pour marquer sous leurs nouvelles couleurs. Il ne s’agit pas nécessairement du premier but de leur carrière, mais bien de leur premier but pour les Dogues. Si on devait être vraiment tatillon, on pourrait aller chercher les premiers buts « tout court » : par exemple, Olivier Pickeu et Amara Simba ont inscrit un but pour leur premier match avec le LOSC, en match amical. Mais on manque de données pour avoir une approche à peu près complète. On sait aussi que Kennet Andersson et Miladin Becanovic ont réussi cette perf’, mais eux y sont aussi arrivés dès leur premier match de championnat : ils apparaissent donc dans cet article.
Tout ça n’est bien sûr qu’un prétexte pour évoquer quelques-unes de nos glorieuses idoles, par ordre chronologique. Depuis 1964, voici donc la liste, a priori exhaustive, des buteurs pour leur premier match de championnat avec les Dogues. Avec deux bonus. Si on en a oublié, indiquez-le nous !
Francis Magny, Lille/Monaco, 6 septembre 1964
Le LOSC, entraîné par Jules Bigot, vient de remonter en première division après un titre de champion de D2. De retour dans l’élite, le club recrute notamment un attaquant au Racing de Paris, relégué : il s’agit de Francis Magny. S’il ne joue pas le premier match de la saison à Toulon, où le LOSC s’incline (1-3), il fait très fort pour son premier match la semaine suivante, le 6 septembre 1964 : il inscrit un triplé et le LOSC s’impose 3-0 face à Monaco ! Il inscrira 9 buts supplémentaires cette saison-là, plus un en coupe, avant de partir à Nantes où il sera champion de France avec José Arribas.
André Perrin, Lille/Lyon, 24 août 1967
Alain De Martigny, Lille/Sochaux, 22 août 1970
Pascal Fournier, Monaco/Lille, 19 juin 1976
Gilbert Dussier, Lille-Guingamp, 12 août 1977
Lors de l’été 1977, le LOSC hésite à recruter Günther Nasdalla, un attaquant autrichien du Cercle de Bruges ; il jette finalement son dévolu (car le LOSC avait un dévolu à l’époque) sur Gilbert Dussier, formé comme électricien mais qui s’épanouit finalement comme footballeur. En général, c’est plutôt l’inverse si on en juge le taux de professionnalisation de 1 %. Il évolue d’abord au niveau amateur au Luxembourg au CS Sanem, puis à partir de 1969 chez les rivaux du Red Boys Differdingen, où il devient international luxembourgeois. Il participe notamment à une historique victoire du Luxembourg contre la Turquie en octobre 1972 dans un match de qualification pour la coupe du monde 1974. Il est ensuite repéré par un club de D2 allemande, le SV Röchling Völklingen, où il signe pour la saison 1974-1975. Il y inscrit… 72 buts toutes compétitions confondues ! Il faut dire qu’ily a eu un tournoi aux Etats-Unis, probablement contre des équipes très faibles. Gilbert est alors repéré par les dirigeants nancéiens Claude Cuny et Serge Etienne et signe à l’ASNL en 1975. Sa première saison est perturbée par des blessures, mais sa deuxième, aux côtés de Michel Platini, le voit marquer 15 buts en D1. En concurrence avec Pokou, il demande à être prêté en 1977 et atterrit donc à Lille, coaché par José Arribas. Sa première partie de saison est excellente : dès la première journée, il inscrit le deuxième but lillois contre Guingamp. Souvent blessé, il inscrit tout de même 9 buts en 18 matches et contribue largement au titre de champion de la saison 1977-1978, même s’il a laissé un souvenir moins marquant que les spectaculaires Pleimelding ou Olarevic. À l’issue de son prêt, il signe en Belgique, au THOR Waterschei -club qui a fusionné avec le FC Winterslag pour donner depuis 1988 le KRC Genk – où il fait beaucoup moins parler de lui, et pour cause : Gilbert Dussier est décédé d’une leucémie le 4 janvier 1979.
Gilbert Dussier, avec un « D » comme Dussier, alors à Nancy
Pierre Pleimelding, Lille-Tours, 14 octobre 1977
Si le LOSC a recruté Gilbert Dussier, c’est parce qu’un autre de ses attaquants, recruté quelques jours auparavant, s’est blessé durant l’avant-saison. Suite à un choc avec Alain Tirloit, Pierre Pleimelding se fait une entorse du genou avec arrachement du ligament interne : il sera absent 3 mois. Barré par Delio Onnis à Monaco, il espère se relancer après un brillant début de carrière où, pour le compte de Troyes, il termine meilleur buteur de D2 en 1972. En principauté, il n’inscrit « que » 10 buts en 3 saisons. Le LOSC profite alors du transfert de Bernard Gardon à Monaco pour mettre dans la balance ce grand attaquant facilement reconnaissable à sa chevelure blonde. Il fait ses débuts à Grimonprez-Jooris lors d’un match au sommet contre Tours et inscrit le but du 4-0 à la 75e. Dès cette première saison, il inscrit 15 buts en championnat (et 4 en coupe) et devient un des chouchous du public lillois qui le surnomme affectueusement « Ploum », le même surnom que le public nancéien donnait à son père 25 ans auparavant. Lors de ses 3 saisons suivantes avec les Dogues, il inscrit respectivement, toutes compétitions confondues, 26, 20 et 14 buts, ce qui lui permet notamment d’obtenir une sélection en équipe de France A, contre l’Espagne en 1978. Son père, René Pleimelding, avait étonnamment connu le même destin, avec une unique sélection en Yougoslavie en 1953.
Bel hommage du Furet du Nord à Ploum et son unique cape en bleu (Février 2019)
Principal contributeur (avec Philippe Bergeroo et Zarko Olarevic) d’une mémorable victoire 3-0 contre Saint-Etienne en 1979, il a ensuite pris la direction de la Suisse, avant de se reconvertir entraîneur. « Ploum » est décédé en 2013 à l’âge de 60 ans.
Merry Krimau, Lille/Strasbourg, 24 juillet 1980
Abdelkrim Merry, dit « Merry Krimau ». Déjà, c’est bizarre car on est davantage habitués à lire « Merry Kristmas ». Ensuite, il fait partie des joueurs qui laissent des souvenirs ambivalents. Révélé à Bastia, où il participe à l’épopée européenne de 1978 (il inscrit notamment un doublé sur la pelouse du Torino), il marque les esprits par son talent précoce… mais aussi par son instabilité, aussi bien au niveau de ses performances sportives que pour son sens de la bougeotte, puisque cet international marocain depuis 1977 a connu 9 clubs professionnels dans les années 1980. Après cette révélation européenne, Krimau ne signe aucun but sur l’année civile 1979… avant de finir en trombe : 7 buts de février à mai 1980. Lassés de leur joueur, les dirigeants bastiais le cèdent à Lille où, dès son premier match, il inscrit le troisième but lillois contre Strasbourg, pour une nette victoire 3-0 (avec Pleimelding et Dos Santos pour autres buteurs). Souvent milieu de terrain derrière le prolifique trio Olarevic-Pleimelding-Cabral, Krimau inscrit 12 buts en championnat et 2 en coupe. Considéré comme trop instable, il rejoint Toulouse en D2, avant de poursuivre son tour de France en D1 : Metz (avec une saison à 23 buts), Strasbourg, Tours, Le Havre, Saint-Etienne, Matra Racing.
Aux dernières nouvelles, après quelques ennuis judiciaires dans les années 2000, il a ouvert une académie de football au Maroc.
Engin Verel, Brest/Lille, 24 juillet 1981
Le premier Turc du LOSC est Engin Verel : il arrive dans le Nord lors de l’été 1981, en provenance d’Anderlecht. Après un début de carrière prometteur et de nombreuses sélections en équipe nationale, Verel s’est un peu perdu, en Allemagne puis en Belgique, où il a très peu joué. Un parcours qui ressemble à ce qu’il va montrer à Lille : pour son premier match en D1, il ouvre le score à Brest, où le LOSC ramène un nul (1-1). Ce début de saison est remarquable : il inscrit 7 buts pour ses 8 premiers matches… avant que ses performances de déclinent jusqu’à devenir franchement décevantes la saison suivante. On retiendra aussi de son passage à Lille une célèbre photo où il serre la main de Pierre Mauroy, nu (pas Pierre Mauroy hein). Un aperçu de sa carrière est à lire ici.
Dusan Savic, Nancy-Lille, 20 juillet 1983
Au cours de l’été 1983, le LOSC recrute un Yougoslave dont la valeur semble assez proche de celle du buteur Vahid Halilhodzic, qui brille à Nantes. Après une première expérience à l’étrange de quelques mois peu concluante, à Gijon, Dusan Savic signe donc au LOSC et réussit des débuts intéressants puisqu’il marque quelques buts dans le tournoi estival de la CUDL. Ces promesses sont confirmées quelques jours après : il inscrit le premier but lillois de la saison en championnat, à Nancy, où le LOSC s’impose 2-1. La suite de sa carrière à Lille sera plutôt correcte, bien qu’irrégulière : on en a parlé ici.
Bernard Bureau, Nancy/Lille, 20 juillet 1983
Formé en région parisienne, Bernard Bureau rejoint logiquement le PSG pour sa première expérience professionnelle en 1978. Mais c’est surtout à Brest qu’il se révèle, avec deux saisons du tonnerre, 23 buts toutes compétitions confondues, et une première sélection en équipe olympique en prime. A l’époque, son profil de plus en plus rare d’ailier en fait un candidat sérieux à l’équipe de France. Lors de l’été 1983, il est échangé avec Joël Depraetere/Henry et arrive à Lille. La saison s’ouvre à Nancy, dont le but est gardé par Jean-Michel Moutier. Après l’ouverture du score de Savic, Bureau double la mise en début de seconde période. Un but lorrain en fin de match n’empêche pas la victoire losciste 2-1. Cette saison-là, Bureau est encore sélectionné deux fois en équipe de France olympique, et inscrit 8 buts au total sur la saison. La saison 1984-1985 est moins réussie (3 buts), mais en 1985/1986, Nanard réalise son meilleur total avec 13 buts, dont 7 en 4 matches consécutifs fin janvier-début février 1986 (2 à Lens pour une victoire 4-1, 2 contre le PSG qui chute pour la première fois de la saison, 1 contre Metz, puis 2 à Monaco). C’était au cœur d’une période de feu avec son compère Gérard Soler (voir plus bas).
Le deuxième but de Bureau contre le PSG, 22 janvier 1986
Gérard Soler, Lille/Toulon, 11 janvier 1986
Lors de cette saison 1985-1986, évoqué au-dessus avec Bernard Bureau, la première partie est très décevante, à cause notamment d’un duo d’attaque Bureau/Vilfort assez peu efficace. Le LOSC n’a remporté que 3 matches et est barragiste à la trêve. Au cours de celle-ci, Lille recrute Gérard Soler, ancien international français de 32 ans, mondialiste en 1982, plutôt sur la pente descendante mais plutôt une bonne pioche a priori. Pour ses débuts contre Toulon à Grimonprez, le LOSC s’impose 1-0 grâce à un but de son nouveau joueur, servi par Stéphane Plancque. Le début de 40 jours de feu avec son compère Bureau (voir plus haut). Gérard Soler inscrit 5 buts durant la deuxième partie de saison et contribue ainsi au maintien plutôt tranquille du LOSC.
Ne pas confondre avec Gérard Soler : Gérard Lunaire
Jocelyn Angloma, Lille/Nantes, 18 juillet 1987
Le mercato losciste printemps/été 1987 est marqué par la volonté de rompre avec une fin d’exercice précédente mal terminée, avec des joueurs qui ont semblé résigné notamment lors du dernier match contre Nantes perdu 0-1. Le manque d’investissement du groupe 86/87 motive le recrutement de joueurs réputés pour leur sérieux et leur professionnalisme : parmi eux, entre autres, Christophe Galtier et Jocelyn Angloma, venu de Rennes. Titularisé milieu droit, Angloma aura fort à faire face à une belle équipe de Nantes, notamment emmenée par le Belge Frankie Vercauteren et l’Ecossais Johnston, tout juste arrivés. De façon assez surprenante, le LOSC s’impose largement par 3-0, le nouveau milieu lillois étant l’auteur du deuxième but à la 71e, suite à un relais de Vandenbergh et une talonnade de Desmet. Jocelyn Angloma présente même la particularité d’avoir marqué lors de ses deux premiers matches, puisqu’il égalise à Nice la semaine suivante, avant que le LOSC ne perde (1-2). Il inscrit cette saison-là un troisième but dans le derby contre Lens en décembre 1987 (1-1). Lors de sa dernière saison à Lille, il marque 7 buts, avant de poursuivre une brillante carrière, notamment à Marseille, au Torino et à Valence. Petit clin d’oeil : il a inscrit son seul but en équipe de France conte l’Arménie, au Stadium Nord de Villeneuve d’Ascq.
Frédéric Lafond, Metz/Lille, 28 octobre 1989
Frédéric Lafond signe à Lille en 1989. Jusqu’alors, sa carrière professionnelle n’est passée que par sa ville natale, Reims, en D2, où il a inscrit quelques buts depuis ses débuts en 1980. En octobre 1989, les absences de Mobati, Sauvaget et Vandenbergh incitent Jacques Santini à lancer Frédéric Lafond, pour sa première en D1 à 27 ans. Et, dès la 4e minute, le LOSC ouvre le score par… Frédéric Lafond, avant de se faire rejoindre (1-1). Cette réussite précoce conduit à une deuxième titularisation une semaine plus tard contre Sochaux où, cette fois, il ne marque pas malgré une large victoire (5-0). Il connait par la suite 3 titularisations et 2 entrées en jeu au cours de cette saison 1989/1990, avant de jouer en réserve en 1990/1991, et de ne plus jamais jouer en D1.
Henrik Nielsen, Metz/Lille, 21 juillet 1990
Si on se fie aux apparences, Henrik Nielsen a eu une première carrière au sein du groupe ABBA ou des Modern Talking, au choix. Il n’est pourtant pas le plus connu de la Danish Connection passée par le LOSC. Mais s’il était resté sur les performances de ses premières semaines loscistes, il y a fort à parier que sa réputation ici serait bien plus fameuse que celles de Simon Kjaer ou de Jakob Friis-Hansen : en effet, après 8 journées, Henrik avait déjà marqué 6 fois, et il était même en tête du classement des buteurs ! Dès la première journée à Metz, après un premier but de Périlleux, il permettait ainsi au LOSC de mener 2-0, avant que les Grenats ne reviennent en fin de match. Début septembre, un doublé contre Saint-Etienne permettait à Lille d’arracher une victoire tardive. Et puis… plus grand chose, l’attaquant étant souvent blessé. Seul un dernier doublé en fin de saison contre Toulon (4-1) permettait d’atteindre un honnête total de 8 buts. Sa deuxième saison à Lille est à ranger aux oubliettes : seulement 8 apparitions, et un but, tout de même pour son dernier match, contre Auxerre en novembre 1991.
Kennet Andersson, Lille/Martigues, 24 juillet 1993
On a longuement parlé de Kennet Andersson dans cet article. Mis à l’essai début juillet 1993 pour un amical contre Beauvais, le grand blond inscrit un doublé et fait déjà forte impression. International Suédois en disgrâce après une expérience mitigée en Belgique, il espère se relancer à Lille en vue de la coupe du monde aux Etats-Unis. Tout juste qualifié la veille, Andersson est titularisé pour l’ouverture de la saison contre Martigues. Tholot ouvre rapidement le score (8e). En seconde période, Lille égalise d’entrée grâce à une tête de son géant, qui reprend un centre d’Assadourian et devance Durand (47e). Sur la saison, il inscrit 11 buts, avec notamment 2 précieux doublés pour le maintien en fin de saison à Montpellier (3-1) et à Angers (2-1). Seulement prêté, il quitte le LOSC qui n’a pas les moyens de l’acheter. Il suit son coach Pierre Mankowski à Caen, et réussit une superbe coupe du monde avec la Suède, en terminant 3e et en inscrivant 5 buts.
Miladin Becanovic, Lille/Le Havre, 22 septembre 1995
Comme Kennet Andersson, Miladin Becanovic a marqué lors de son premier match amical avec le LOSC. Entré à la mi-temps, il inscrit un doublé contre l’UNFP et le LOSC s’impose 4-1 en juillet 1995. Le Monténégrin est toutefois trop cher, et la concurrence est rude. Il n’empêche : en septembre, probablement entouré de personnes trop gourmandes (lui-même avait d’ailleurs un peu d’embonpoint), Becanovic n’a trouvé aucun point de chute. Et puisque le LOSC s’englue en fond de classement avec 1 seul point en 9 journées, il est temps de faire venir un joker. Frank Pingel, gros bide également, parti, et Becanovic ayant fait diminuer les enchères, le Monténégrin signe enfin à Lille. Trois jours après, Lille reçoit Le Havre et – miracle ! – mène 1-0 depuis un but de Sibierski à la 6e minute. Miladin entre à la 77e à la place de Djezon Boutoille. Mais le Monténégrin ne touche que peu de ballon : les havrais poussent et campent dans le camp lillois. À la 90e minute, une remontée de Simba aboutit à un centre que Becanovic contrôle dans la surface puis, résistant à la défense havraise, il place une lourde frappe hors de portée de Revault : 2-0 !
Débuts fracassants qui masquent, nous l’écrivions plus haut, une méforme certaine. Au cours de cette saison, il n’inscrira que 2 autres buts, en coupe de la ligue, trainant le reste du temps sa lourde silhouette inefficace. Il compte donc 25 matchs de D1 de suite sans marquer : qui dit mieux ? « Mieux ».
En 1996/1997, amaigri, il inscrit 13 buts et, dans l’euphorie générale, le LOSC met en vente un T. Shirt « Tremblez gardiens, Becanovic va encore frapper ».
Samuel Lobé, Saint-Etienne/Lille, 2 août 1997
Lille vient de descendre en D2 et se déplace à Geoffroy-Guichard avec une nouvelle attaque, composée de Laurent Peyrelade et de Samuel Lobé. Ce dernier a déjà pas mal bourlingué, et présente l’avantage d’être un buteur confirmé de D2. Les dirigeants Lillois vont le chercher à Créteil, en National 1, où il vient d’inscrire 22 buts. Il avait inscrit 20 buts avec Laval, en D2, en 1995/1996. Il ne brille pas par sa vitesse, mais inscrit un très honorable total de 19 buts, insuffisant toutefois pour remonter. Il remporte même cette saison-là le titre UNFP de meilleur joueur de D2, à l’époque où les matches étaient moins télévisés et qu’on filait ce titre au meilleur buteur. Il en aurait certainement marqués davantage s’il n’avait pas le sommet du crâne en forme de triangle.
Samuel Lobé est probablement le serial buteur le plus précoce du LOSC, puisqu’outre un doublé pour commencer chez les Verts (un pénalty et une tête plongeante, voir ci-dessous), il inscrit la semaine suivante un triplé contre Martigues : 5 buts en deux matches, difficile de faire mieux.
La saison suivante, l’arrivée d’Olivier Pickeu le relègue sur le banc. Le changement d’entraîneur en septembre lui donne brièvement davantage de temps de jeu, qu’il met à profit en inscrivant un but contre Saint-Etienne, mais Samuel Lobé quitte le LOSC lors du mercato hivernal et rejoint Troyes… où, lors de la dernière journée, il marque le premier but de son équipe, qui s’impose 2-0 et et file en D1 au nez et à la barbe des Lillois, à la différence de buts.
Aujourd’hui encore, Samuel Lobé est le 3e buteur de l’histoire de la Division 2.
Stephan Van Der Heyden, Lille/Red Star, 10 janvier 1998
Lille est 3e de D2 mais il manque bien des choses. Lors du mercato estival, le LOSC s’est fait prêter par Bordeaux un milieu offensif gauche, une sorte de Dernis, petit blond rapide : Cédric Anselin. Ses performances sont correctes mais il semble encore trop tendre. Thierry Froger va alors se tourner vers un autre joueur, au même poste, expérience en plus : le Belge Stephan Van Der Heyden, 28 ans. Passé par Beveren et le FC Bruges, désormais barré à Roda, aux Pays-Bas, il compte 4 sélections avec les Diables Rouges, la dernière remontant à 1995. Sans jouer, il était avec l’équipe de Belgique aux Etats-Unis en 1994.
Il est titularisé pour le match de reprise contre le Red Star. Patrick Collot marque le premier (8e), Samuel Michel égalise (34e), mais Samuel Lobé, dans la minute suivante, permet à Lille de rejoindre les vestiaires avec un avantage d’un but. En début de seconde mi-temps, Van Der Heyden, calmement, remonte son côté gauche et, à l’approche de la ligne de but, repique dans l’axe, passe enre deux défenseurs et envoie un petit pointu du gauche qui file sous le gardien audonien : superbe but et 3-1 pour Lille, qui alourdit la note une demi-heure plus tard par Franck Renou. Aligné régulièrement ensuite, il met en avant la qualité de ses passes et de ses centres du pied gauche. On se rappelle notamment une passe décisive pour la tête de Frédéric Dindeleux lors d’un match au sommet à Nancy (1-1), et une passe décisive pour l’ultime but de la saison contre les Verts, par Bob Senoussi sur un corner. En fin de prêt, Stephan a retrouvé sa place à Roda, avant de terminer sa carrière de joueur en Belgique puis de se reconvertir entraîneur et superviseur, notamment au FC Bruges.
Milenko Acimovic, Metz/Lille, 31 janvier 2004
La saison 2003/2004 avait bien débuté, avec 3 victoires, et un LOSC leader. Puis il faudra attendre début décembre pour signer une 4e victoire en championnat. À la trêve, le LOSC n’a que 22 points et se place 14e. Le mercato hivernal est alors l’occasion de renforcer l’effectif, avec l’arrivée de 4 joueurs aux fortunes diverses : Youssef Sofiane, Stathis Tavlaridis, Ali Lukunku, et Milenko Acimovic. L’arrivée de Tavlaridis stabilise la défense lilloise dès la reprise au Parc en janvier, même si la défaite est encore au rendez-vous (0-1, voir plus bas). Lors du match suivant contre Toulouse, la titularisation de Youssef Sofiane et l’entrée en jeu précoce d’Ali Lukunku, qui nous gratifie d’un formidable retourné en tribune, confirment que le salut offensif ne viendra pas de ces deux-là. Lille a toujours 22 points après 21 journées, et n’a que 3 points d’avance sur la zone de relégation.
Et puis Acimovic. Le Slovène, en déshérence à Tottenham, où il n’est pas parvenu à s’imposer en 18 mois, est enfin aligné pour un déplacement à Metz. À la 40e minute, il frappe un corner de la droite, et surprend tout le monde en le frappant directement au premier poteau, à ras de terre. La gardien messin, Ludovic Butelle, est battu, et le LOSC s’impose 1-0. Conjuguée à l’arrivée de Tavlaridis et à l’éclosion de Moussilou, l’arrivée de Milenko correspond à une sacrée embellie dans le jeu du LOSC, qui préfigure la superbe saison 2004/2005. Par la suite, Acimovic fait profiter le public lillois de sa remarquable vision du jeu et sa technique au-dessus de la moyenne. Il nous a gratifiés d’autres buts splendides (Caen en août 2004) ou mémorables (Manchester en novembre 2005). Seul regret : il quitte discrètement le LOSC lors de l’été 2006, alors qu’il est blessé depuis plusieurs mois.
Kevin Mirallas, Lille/PSG, 7 mai 2005
Même si une défaite à Monaco a vu l’équipe de la principauté revenir à un point, Lille est toujours 2e et est bien parti pour accrocher directement une place en Ligue des Champions. Paris, 7e, joue encore une place pour la coupe UEFA. Le score est de 0-0 quand Puel fait sortir son meilleur buteur, Moussilou, et lance un jeune Belge, Kevin Mirallas, qui fait ses premiers pas en L1. Il compose le trio d’attaque avec Nicolas Fauvergue, entré à la 83e, et Mathieu Debuchy, entré à la 66e. Sur une action initiée par Makoun et relayée par Fauvergue, Stéphane Dumont trouve dans l’axe Mirallas ; le ballon est freiné juste ce qu’il faut par Pierre-Fanfan, et Mirallas, sur son premier ballon, frappe à mi-hauteur, dans l’axe, trompant Létizi, ce qui lui vaut d’être superbement plaqué par Nicolas Fauvergue sur la célébration.
Kevin Mirallas reste à ce jour le plus jeune buteur du LOSC, à 17 ans, 7 mois et 2 jours, devant Eden Hazard (17 ans, 8 mois, et 13 jours) et Divock Origi (17 ans, 9 mois et 14 jours). Vive la Belgique !
Moussa Sow, Rennes/Lille, 7 août 2010)
Lille recrute en juin 2010 le Sénégalais Moussa Sow qui vient de passer une année compliquée à Rennes, où il n’avait inscrit que 3 buts. Ecarté par l’entraîneur « breton » Antonetti, puisqu’il n’avait pas daigné prolonger son contrat à Rennes, le LOSC récupère ainsi un joueur libre. On peut dire que c’est une bonne pioche, puisqu’il termine meilleur buteur de l’exercice 2010/2011 avec 25 buts. Cela faisait 62 ans qu’un joueur lillois n’avait pas terminé meilleur buteur du championnat : c’était Jean Baratte en 1948-1949, avec 26 buts.
Arrivé sans la certitude d’être titulaire, Sow enchaîne rapidement les buts et, donc, dès la première journée, à Rennes : à la suite d’un corner, le centre d’Hazard est dévié sur la transversale par la défense rennaise et Sow, opportuniste, conclut de la tête au second poteau, ce qui permet au LOSC de revenir avec un point (1-1) et de lancer une saison ponctuée par le doublé coupe/championnat.
Nolan Roux, Lille/Saint-Etienne, 28 janvier 2012
Annoncé depuis plusieurs mois, Nolan Roux arrive enfin au LOSC au moment où le transfert de Moussa Sow en Turquie, pour 13M€, est officialisé. Et ce alors même que le LOSC dispose dans son effectif du redoutable Ireneusz Jelen. Formé à Lens, Roux a notamment inscrit 15 buts avec Brest en L2 en 2009-2010, puis 6 en L1 la saison suivante, et 4 lors de la première moitié de saison 2011-2012, où il semble ruminer d’être resté en Bretagne. Reconnu pour sa combativité et sa capacité à jouer en profondeur, il inscrit, comme Samuel Lobé 15 ans plus tôt, un doublé contre Saint-Etienne pour ses débuts avec le LOSC, aux 86e et 87e minutes, et le LOSC s’impose 3-0.
Djibril Sidibé, Nice/Lille, 25 août 2012
International chez les moins de 20 ans, Djibril Sidibé débarque à Lille en provenance de Troyes. Il doit notamment sa première titularisation à Nice au fait que le LOSC joue, 4 jours plus tard, son match retour de tour préliminaire de Ligue des Chmpions contre Copenhague : Rudi Garcia a ainsi fait souffler certains de ses cadres (par exemple, Marvin Martin est remplaçant : figurez-vous qu’il fut un temps où l’on plaçait beaucoup d’espoirs en lui). Payet ouvre le score, et Sidibé n’est pas irréprochable sur l’égalisation niçoise juste avant la pause. Bauthéac donne l’avantage aux Aiglons mais rapidement, Sidibé égalise après s’être enfoncé dans la surface et avoir réalisé un petit pont sur Pejčinović. Djibril montrait ainsi tout son potentiel : s’il enchaîne les prestations quelconques durant près de 2 ans, il se révèle ensuite indispensable, à droite ou à gauche, en montrant notamment une grande activité offensive, et en se révélant comme le spécialiste incontesté de la passe en bout de course qui le fait s’effondrer.
Divock Origi, Lille/Troyes, 2 février 2013
Initialement formé à Genk, puis à Lille, le Belge Divock Origi fait ses débuts en L1 contre Troyes quelques jours après avoir été convoqué pour la première fois par Rudi Garcia dans le groupe pro pour un match de coupe de France à Plabennec. Dans une période de dèche offensive avant que le trio Kalou/Payet/Rodelin ne se montre très efficace sur la fin de saison, il remplace Ronny Rodelin à la 68e. 6 minutes plus tard, il est à la réception, de la tête, d’un centre de Dimitri Payet, et il trompe Thuram. Après une saison à 5 buts en 2013/2014, profitant de la blessure de Benteke, il est de la délégation belge à la coupe du monde au Brésil. Son but contre la Russie en match de poule est une aubaine pour les finances du club : il est transféré pour 13 M€ à Liverpool, qui le prête au LOSC une saison supplémentaire.
Ouleymata Sarr, Lille/Bordeaux, 3 septembre 2017
L’équipe première de la section féminine, fraîchement créée, accède à la D1 à l’issue de la saison 2016/2017 (après un petit imbroglio avec le club de La Roche). Formée au PSG, Sarr y découvre la première division et la coupe d’Europe. Mais, barrée par la concurrence en dépit de son potentiel et de ses sélections en équipes de jeunes, elle rejoint le promu losciste lors de l’été 2017. Elle fait déjà forte impression par sa taille et ses grandes enjambées lors des matches d’avant-saison, et confirme dès la première journée de championnat, en inscrivant le premier but lillois de la saison… mais aussi le deuxième, puis le troisième ! Lille s’impose de façon presque surprenante et facile, 3-0. Trois jours après, Ouleye est appelée par Corinne Diacre en équipe de France A pour des matches face au Chili et à l’Espagne, contre qui elle inscrit même un but. Buteuse à 9 reprises pour le LOSC en 2017-2018 au cours d’une saison irrégulière, elle inscrit également l’ultime but du LOSC d’une lourde frappe dans la lucarne opposée en toute fin de match, à Bordeaux, assurant ainsi le maintien en D1.
Lebo Mothiba, Nantes/Lille, 11 février 2018
Prêté à Valenciennes depuis un an et demi, Lebo Mothiba est rappelé en catastrophe après les incohérences du mercato 2017. Bien qu’appartenant au LOSC, il a coûté 1 M€ au club, une loufoquerie à ajouter au palmarès de cette brillante saison. Et s’il a été ainsi rappelé, c’est parce que sur le terrain, ça va plutôt mal. Avec Ponce, inefficace, comme seul avant-centre de métier, le LOSC se traîne en fond de classement et ses supporters vivent des déceptions à la mesure des espoirs qu’avaient suscités l’avant-saison. On rappelle donc notre avant-centre à l’ancienne – on dit ça uniquement parce qu’il a son maillot dans le short. L’Argentin Sala ouvre le score en première mi-temps après un grand classique : la perte de balle stupide dans l’axe après qu’Amadou se soit driblé lui-même. 3 passes plus tard et un tir bien placé, c’est au fond. À la reprise, Mothiba reprend dans les 6 mètres un corner de Mendès d’une tête piquée et égalise.
Mais Lille fait sa spéciale 2017/2018 : encaisser un but dans les 4 minutes qui suivent : l’inévitable Sala, seul aux 6 mètres, marque encore, de la tête (2-1). Fort heureusement, Pépé fait sa spéciale *intérieur-pied-gauche-en-finesse-poteau-opposé-en-profitant-du-défenseur-qui-masque-son-gardien*, et on revient avec un heureux 2-2, Sala ayant échoué une dernière fois sur Maignan. On doit une fière bretelle à Lebo, qui inscrit 6 buts sur cette phase retour, dont un doublé lors du « match du maintien » contre Dijon. Il a été transféré à Strasbourg en août 2018.
Jonathan Bamba, Lille/Rennes, 11 août 2018
Après une saison difficile où il s’est sauvé de justesse, le LOSC ambitionne de retrouver une certaine tranquillité sur le terrain. Au niveau transferts, c’est encore largement incertain, puisque sont alignés pour ce premier match 2 joueurs appelés à partir (Benzia et Mothiba), tandis que Jonathan Bamba, international Espoirs, est la seule recrue offensive titularisée. On joue la 67e minute et Bamba, triste, n’a toujours pas marqué. C’est chose faite à la 68e : servi par Pépé, il feinte une frappe côté ouvert avant de refermer son pied et de tirer juste devant lui, prenant Koubek à contrepied. Lille s’impose 3-1 et semble poser les bases d’une saison meilleure que la précédente.
Victor Osimhen, Lille/Nantes, 11 août 2019
Après une intersaison désormais routinière au LOSC, marquée par le départ des plus grandes valeurs marchandes et l’arrivée de « jeunes à fort potentiel », ce premier match de la saison suscite quelques inquiétudes et pas mal d’excitation. Face au FC Nantes provisoirement dirigé par Patrick Collot, et contraint par diverses blessures et suspensions, le LOSC aligne d’emblée 5 recrues, dont Victor Osimhen, auteur de 20 buts en Jupiler Pro League la saison précédente. Il est présenté comme le remplaçant de Léao et profite ici de la suspension de Loïc Rémy. Et il fait rapidement la preuve de quelques unes de ses qualités : sur un long ballon de Fonte, il prend de vitesse la (lourde) défense centrale de Nantes, contrôle parfaitement de la poitrine et conclut à ras de terre. Puis, en fin de match, alors que Lille est plus laborieux mais profite de l’élan suscité par l’entrée de Yacizi, il profite d’un loupé de Pallois pour s’emmener le ballon dans la surface et conclure en force, dans un angle fermé.
Il faudra voir ce que ça donne quand il y a aura un gardien en face, mais deux buts pour débuter sur des occasions qu’il s’est créées quasiment lui-même, c’est très prometteur.
Salomé Elisor, Lille/Thonon-Evian, 8 septembre 2019
Premier match officiel des Lilloises depuis la finale de coupe de France du 8 mai. Pour cette reprise en deuxième division, l’effectif a été largement remanié et rajeuni. Parmi les nouvelles venues : Salomé Elisor, qui nous vient de Grenoble mais est précédemment passée par Marseille et a été formée à Lyon. Alignée devant, à gauche pour ce match, elle ouvre le score à la 35e minute, quelques secondes après avoir permuté avec Julie Dufour. Sur le but, elle reprend du plat du pied droit un centre en retrait de, justement, Julie Dufour. Elle avait déjà marqué au cours des matches de préparation et confirme donc d’entrée cette bonne impression, avec un but déjà décisif puisque le LOSC gagne 2-1 pour ce match de rentrée.
Akim Zedadka, Lille/Auxerre, 7 août 2022
Pour la reprise du championnat 2022/2023, le LOSC aligne quatre de ses recrues, parmi lesquelles le latéral droit Akim Zedadka, venu de Clermont pour remplacer Celik, parti en Italie. Peu sollicité défensivement jusque là tant les Dogues dominent (3-0 à la pause), le nouveau défenseur du LOSC s’illustre offensivement : à la 64e, un centre de Bamba le trouve au second poteau, où il réalise une reprise qui termine dans le filet opposé de Costil. Le LOSC s’impose 4-1.
Ismaily, Nantes/Lille, 12 août 2022
Une semaine après Zedadka, un autre défenseur réussit sa première avec le LOSC : le brésilien Ismaily. Mené à la pause à Nantes, le LOSC a vu ses deux arrières latéraux écoper d’un avertissement. Cela donne un argument supplémentaire à Paulo Fonseca pour les remplacer dès la mi-temps : Diakité remplace donc Zedadka, et Ismaily remplace Tiago Djalo. Alors que Lafont multiplie les exploits dans le but nantais et que l’on pense le LOSC voué à perdre, Ismaily s’infiltre à gauche et, après un relais avec Cabella puis avec David, parvient à tromper le gardien nantais d’une frappe croisée à ras de terre. Voilà de quoi bien commencer avec Lille et même, pour lui, de faire de bons débuts en 2022 : en effet, précédemment au Chakhtior Donetsk, Ismaily n’avait pas encore joué une minute en compétition officielle au cours de l’année civile, en raison de la guerre en Ukraine. Après le match, José Fonte révèle : « Je suis content pour lui, disait son capitaine José Fonte, car il m’a dit qu’au bout de 10minutes il avait déjà envie de sortir. Ce but lui a donné une bouffée d’oxygène ».
Bonus 1 : Arnaud Souquet, Slavia Prague/Lille, 1er octobre 2009
Là, il ne s’agit pas de championnat mais de coupe d’Europe. Professionnel depuis l’été 2009, Arnaud Souquet est convoqué pour la première fois par Rudi Garcia pour un déplacement à Prague en Europa League. Surprise : il est même titularisé pour compenser l’absence de Florent Balmont. Les Lillois sont rapidement menés (6e) mais accélèrent après la pause, en égalisant (47e), puis en inscrivant un deuxième but par Frau sur un service de Souquet, de la tête (71e). Gervinho fait 1-3 (86e) puis Souquet, sur un centre de Vandam, place une imparable tête plongeante, inscrivant son premier (et dernier) but avec le LOSC. Gervinho porte finalement le score à 1-5. Il ne jouera que deux autres matches avec le LOSC, l’un en championnat et l’autre en coupe de France (l’inoubliable voyage à Colmar)
http://www.dailymotion.com/video/x4q31wt
Bonus 2 : Grégory Wimbée, Lille/Guingamp, 8 août 1998 et Stathis Tavlaridis, PSG/Lille, 10 janvier 2004
N’oublions pas qu’un terrain de football comprend en général 2 cages de but, et qu’il est possible de ne pas marquer du bon côté. C’est la mésaventure qui est arrivée à notre gardien Grégory Wimbée pour son premier match, à Grimonprez-Jooris, contre Guingamp : cherchant à intercepter un centre a priori anodin, il voit le ballon ricocher sur sa poitrine et terminer dans ses propres filets. Quelques années plus tard, le grand Greg est toujours dans le but losciste, et parraine les débuts de Tavlaridis en défense centrale, qui dévie de la tête une passe de Reinaldo. Greg, qui avait anticipé au second poteau, ne peut revenir à temps, et Lille s’incline 0-1.
Quand on connaît les performances ultérieures des deux joueurs avec les Dogues, on se dit que ça arrive décidément aux meilleurs.
Posté le 16 février 2019 - par dbclosc
1956, la chute d’un monument
La saison 1954-1955 avait été un avertissement sans frais : à la faveur d’un barrage remporté contre Rennes, le LOSC s’était maintenu in extremis dans l’élite. Un an plus tard, pas de miracle : l’équipe, vieillissante, enchaîne les prestations calamiteuses et s’incline finalement en barrage contre Valenciennes. Pour la première fois de sa courte histoire et après une glorieuse décennie, le LOSC va connaître la deuxième division.
Le 11 juin 1955, le LOSC souffle : au Parc des Princes, il vient de remporter son barrage retour contre Rennes, 3e de D2, par 6 à 1 ; 5 jours plus tôt, à Reims, les Lillois avaient déjà battu les Bretons 1-0. Les Dogues joueront donc de nouveau en D1 en 1955-1956. Avec le gain de la coupe de France quelques jours avant contre Bordeaux (5-2), cette saison, qui avait débuté de manière désastreuse avec l’affaire Zacharias, est sauvée. On imagine désormais que le LOSC va retrouver les sommets du championnat : depuis la Libération, il a été au pire 4e : ce mauvais championnat 1954-1955 ne peut être qu’une péripétie. À l’intersaison, le gardien César Ruminski, trop handicapé par des blessures récurrentes, part pour Évreux ; Jacques Van Cappelen signe à Revin. Côté renforts, on note les arrivées de Jacques Delepaut, venu de Roubaix-Tourcoing, fraîchement relégué en D2 ; et de Enzo Zamparini, espoir de Jeumont, une sorte de Pavard, coiffure correcte en prime.
Dernier moment de joie dans les rangs du LOSC avant un long moment : le président René Coty salue le capitaine du LOSC, André Strappe, le 29 mai 1955, avant la finale de coupe de France que Lille va gagner 5-2 contre Bordeaux. Les autres joueurs, de gauche à droite : Van Gool, Pazur, Lemaître et Clauws.
Les fondations s’effritent
Pas d’histoire farfelue de faux recrutement cette fois mais hélas, le nouvel exercice démarre sur de bien mauvaises bases qui semblent déjà traduire des tensions au sein de l’effectif d’une part, et entre une partie de l’effectif et la direction du club d’autre part. Quelques jours avant la reprise du championnat, prévue le 21 août 1955 contre Monaco, Jean Vincent, dont le statut de vedette ne fait plus de doute après sa sélection durant l’été dans « l’équipe du Continent1 » qui battu l’Angleterre 4-1 à Belfast, refuse de reprendre le championnat avec le LOSC. Bernard Lefebvre et Yvon Douis, internationaux B, le soutiennent et se joignent à la grève. Leur revendication : qu’on rende la prime aux internationaux qui leur a été supprimée. Le président Louis Henno ne cède pas et Lille, sans ses grévistes, bat Monaco 2-0. Les 3 contestataires rentrent dans le rang, s’acquittent d’une amende de 15 000 francs chacun, mais bonjour l’ambiance. Ce succès inaugural est vite évacué : si le LOSC parvient à faire des performances honorables à domicile, sa défense est catastrophique. Dès le 14 septembre, pour le trophée des champions contre Reims, le LOSC signe une inquiétante défaite 1-7 contre Reims ; 4 jours plus tard, le 18 septembre, pour la 5e journée, le LOSC remet ça signe ce qui est encore à ce jour sa plus lourde défaite en championnat à l’extérieur : 1-7 à Nice. Du 14 au 18, 4 jours dramatiques que les historiens nomment la « boucherie de 14-18 ». Résultat, le club se retrouve vite englué en fond de classement. Dans L’équipe, André Cheuva déclare : « si le LOSC continue à jouer de la sorte, si on ne fait pas d’efforts pour réagir, le LOSC descendra en seconde division ». À l’issue des matches aller, le LOSC compte déjà 10 défaites, et se retrouve 17e sur 18, c’est-à-dire en position de relégable (le 16e jouera un barrage contre le 3e de D2).
Si l’entraîneur, André Cheuva, considère que la parcours du LOSC jusqu’alors n’est qu’un « accident », il fait tout de même venir en cours de saison Alphonse « Fanfan » Cassar de Perpignan et Robert Meuris de Nîmes. De façon plus surprenante et signe de la panique qui s’empare du club, alors qu’il avait pris une licence amateur et préparait sa retraite, l’ancienne gloire Marceau Somerlinck est rappelé en urgence en équipe première.
En coulisses, ce n’est guère mieux : l’un des dirigeants, Marcel Veroone, le directeur des finances, également passé par l’Olympique Lillois et le SC Fives, démissionne en mars à la fin d’un hiver qui a vu les révélations s’accumuler sur l’état catastrophique des finances du club : 18 millions de déficit, et probablement bien plus à attendre en fin de saison, sans compter que le LOSC rémunère grassement des joueurs amateurs ; Henri Kretzschmar, ancien président de l’OL (et ancien sélectionneur de l’équipe de France de basket, qui fit 3e au championnat d’Europe de 1937 ! Il est aussi le père de Jean-Jacques, losciste entre 1945 et 1948, puis qui a surtout marqué l’histoire du CORT), désormais vice-président du LOSC, décède en mars 1956 : on dit de lui qu’il assurait des liens précieux entre les joueurs et la direction.
Le printemps est là, mais rien n’y fait : Lille est toujours en bas de classement.
Nous allons à partir de maintenant nous intéresser à la fin de saison de ce LOSC 1955/1956, avec de longs extraits de presse dont les formulations nous ont bien amusé.
Le LOSC 1955-1956
Debout : Delepaut, Pazur, Van Gool, Clauws, Bieganski, Lemaître
Assis : Bourbotte, Douis, Taisne, Strappe, Lefevre
Y a le printemps qui déchante
Voilà la situation début avril :
_Lille a joué 25 matches de championnat, il en reste donc 9 à disputer.
_Les Dogues sont 16e avec 21 points, en position de barragiste, juste derrière Strasbourg, devant au goal-average. Derrière, Bordeaux est à 4 points ; Troyes à 6 (la victoire est à 2 points). Devant, Metz, Nancy et Nîmes ont 24 points.
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Joués |
Victoires |
Nuls |
Défaites |
BP |
BC |
Points |
12. Nîmes |
26 |
9 |
6 |
11 |
53 |
47 |
24 |
13. Nancy |
26 |
9 |
6 |
11 |
43 |
50 |
24 |
14. Metz |
26 |
9 |
6 |
11 |
40 |
51 |
24 |
15. Strasbourg |
26 |
9 |
3 |
14 |
41 |
51 |
21 |
16. Lille |
25 |
9 |
3 |
13 |
46 |
49 |
21 |
17. Bordeaux |
26 |
6 |
5 |
15 |
33 |
53 |
17 |
18. Troyes |
26 |
4 |
7 |
15 |
33 |
58 |
15 |
_Le LOSC est éliminé de la coupe de France depuis les 16e de finale et un déplacement à Saint-Etienne (0-2)
_En revanche, le LOSC reste qualifié pour la coupe Drago après avoir sorti Grenoble en 1/8e : cette coupe est un lot de consolation pour les équipes prématurément éliminées de la coupe de France. Vous allez voir que ce « cadeau » se révélera empoisonné pour la fin de saison des Lillois et leur lutte pour le maintien.
Avez-vous remarqué ? Les adversaires du LOSC ont joué un match en plus. Les Lillois ont un match en retard, à Sedan, qui aurait dû être joué en février. Le classement ne le laisse pas penser quand on le découvre, mais ça va mieux pour nos Dogues, qui viennent successivement de battre à Henri-Jooris le leader niçois (2-1) puis Strasbourg (4-0). Voilà une bonne occasion de laisser la place de barragiste à Strasbourg ! Hélas, le renouveau est de courte durée. La Voix du Nord donne le ton : la confiance règne. En évoquant les Lillois, le journal écrit : « c’est un match qu’en principe ils doivent perdre ». Les Sedanais sont en effet bien placés : 5e, et le LOSC est privé de son buteur Jean Vincent, touché aux reins (probablement lors d’un match contre Strasbourg). Devant un public nombreux au stade Emile Albeau, Gérard Bourbotte ouvre le score à la 54e minute et semble prolonger la bonne série lilloise. Mais les sangliers égalisent à la 65e et, 5 minutes plus tard, ils inscrivent un second but par… Bieganski, contre son camp, qui manque son contrôle sur un corner. Lille s’incline 1-2 aux buts, 3-8 aux corners, et reste barragiste. Attention, c’est le début d’une série cataclysmique : après cette défaite dans les Ardennes, le LOSC enchaîne en effet 5 défaites consécutives.
Tout d’abord à Monaco : toujours privé de Vincent et de Douis, le LOSC doit affronter des monégasques motivés par le mariage de leur Prince avec Grace Kelly trois jours plus tard. Monaco s’impose 2-0 grâce à des buts de Valoryzeck (23e) et de Stopyra (35e) sur une contre-attaque initiée alors que les Dogues venaient de frapper la transversale. L’ASM prend sa revanche par rapport au match inaugural de cette saison, et les deux points qu’espéraient le LOSC sont en principe ôtés. Tandis que les mariés roucoulent sur le trône, on se dit de plus en plus que le LOSC a fini de régner. Et pour couronner le tout, Strappe s’est blessé ! Eh ben y a qu’à mettre un strap ! Il a dû finir le match ailier droit, puisqu’on rappelle que les remplacements ne sont pas autorisés avant 1967. Dans le même temps, Strasbourg a battu le leader niçois (2-1) et se retrouve de nouveau 2 points devant. « La fin de saison s’annonce bien difficile », écrit la VDN le 17 avril 1956. Le LOSC reste bloqué à 21 points. Le prochain adversaire ? Bordeaux et ses 17 points.
Des images insupportables quand on a conscience du drame qui se joue au LOSC au même moment
Mais alors que le LOSC a l’occasion d’écarter Bordeaux de manière quasi-définitive, il chute à nouveau. La VDN semblait pourtant confiance en décrivant une équipe girondine vieillissante, bien que son dernier coup d’éclat fut une finale de coupe de France 10 mois plus tôt : on y trouve désormais une « absence à peu près complète d’éléments jeunes, dynamiques et rapides. Pour n’avoir pu ou voulu rajeunir les cadres en début de saison, les dirigeants girondins assistent maintenant, impuissants, à la chute verticale que rien, sauf un miracle, ne peut arrêter. Est-ce à dire que les Girondins jouent mal ? Certes non, ils produisent au contraire un jeu classique calme, pondéré. Mais rien de tout cela ne vaut si, chaque fois, l’adversaire vous prend de vitesse. Les Girondins jouent bien, mais ils jouent vieux ». Après tout, si la VDN avait voulu parler du LOSC sans le dire explicitement, elle ne s’y serait pas prise autrement. Malgré le retour de Vincent, le LOSC s’incline (1-2) et voit Bordeaux se rapprocher dangereusement à 2 points.
Journal de tradition facétieuse, la VDN profite le même jour d’un article sur les basketteurs du LOSC pour égratigner ses footballeurs, assimilés désormais au fond du panier.
« Le rush du muguet »
Mais tout va s’arranger : le 29 avril puis le 1er mai, le LOSC reçoit deux fois consécutivement à Henri-Jooris, Sochaux puis Toulouse (entraîné par Jules Bigot). Une opération commando en deux jours que la presse locale appelle le « rush du muguet » : misons donc sur la fée Clochette ! « Que peut-on attendre, se demande la VDN, d’une formation lilloise qui n’a pas su battre une équipe bordelaise pourtant bien faible ? Nouvelle déception ? Sursaut revanchard ? ». En fait, on comprend bien que quel que soit l’adversaire et sa façon de jouer, le LOSC rencontrera des difficultés. Sochaux sera difficile à battre car il est « un adversaire sérieux, solide, très rapide. Or, le LOSC ne prise guère ces équipes dynamiques, au football prompt ». Et Toulouse sera également difficile à battre, parce que son système de jeu semble inverse : « Toulouse a une fâcheuse tendance à choisir des méthodes purement défensives. Le LOSC, dont les avants ne sont pas toujours des modèles de spontanéité et de décision, aura, là encore, une tâche bien difficile ». On en conclut logiquement que le problème, c’est bel et bien notre équipe ! Le LOSC s’incline deux fois sur le même score (1-2) et se retrouve 17e, même pas en position de barragiste, car Bordeaux a pris des points, tandis que Strasbourg s’échappe. La VDN n’est pas tendre avec des Lillois « ridiculisés » contre Sochaux. Quant à Jules Bigot, l’entraîneur toulousain, il s’étonne même de gagner en dépit de la médiocrité de son équipe : « nous n’avons jamais réussi à prendre la surmultipliée, et pourtant nous avons battu Lille. C’est dire à quel point l’équipe est très loin de ce qu’elle était autrefois ». Sous la plume d’Augustin Charlet, la VDN tire donc le bilan du « rush du muguet » : « les grands vaincus de la période à cheval sur avril et mai sont donc les Lillois, en raison de la position maîtresse qu’ils ont occupée durant tant d’années dans la hiérarchie du football français. C’est absolument navrant ». Dans le cul les petites clochettes !
Robert Lemaitre échappe au marquage de René Pleimelding (le papa!) et trompe le gardien toulousain, Guy Roussel (le cadet !)
Après 30 journées, voilà le bas de classement. Il reste 4 matches.
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Joués |
Victoires |
Nuls |
Défaites |
BP |
BC |
Points |
14. Nancy |
30 |
10 |
6 |
14 |
44 |
56 |
26 |
15. Nîmes |
30 |
9 |
8 |
13 |
57 |
53 |
26 |
16. Bordeaux |
30 |
9 |
5 |
16 |
41 |
59 |
23 |
17. Lille |
30 |
9 |
3 |
18 |
50 |
59 |
21 |
18. Troyes |
30 |
4 |
8 |
18 |
37 |
67 |
16 |
Les joueurs s’agacent, la Voix du Nord contre-attaque
Pour le moment, il y a une trêve de 8 jours. La VDN y avait déjà fait allusion dans un éditorial le 2 mai, après les deux défaites du « rush du muguet » : il va y avoir des révélations sur le comportement des joueurs lillois, vous allez voir ce que vous allez voir. Le lendemain, Jean Chantry écrit dans un article intitulé « la recherche du coupable » que les joueurs lillois accusent la VDN d’être en partie responsable de leurs mauvais résultats ! La rédaction fait le point et en profite pour révéler les conceptions journalistiques du président Henno :
« Il y a 6 mois que, dans ce journal, sont soulignées les erreurs d’une direction molle, incapable de faire front à ses responsabilités, qui tolère les pires abus. Il y a 6 mois que nous ne cessons de dire aux Lillois qu’ils sont sur la mauvaise pente, sans que quoi que ce soit ait été tenté pour redresser la barre. Contrairement à ce que seuls les sots peuvent penser, ce n’est pas une entreprise de démoralisation (…)
Depuis 6 mois, les dirigeants du LOSC pratiquent la politique de l’autruche, limitent leur champ d’action à quelques querelles intestines de comité, alors que l’équipe est en péril. Quant à prétendre que notre journal est responsable, voilà qui est vite dit. On inverse les rôles… et le tour est joué. Le but raté, c’est la faute d’une critique abusive ; ce but concédé, c’est à cause d’une phrase acerbe. La puérilité de telles excuses n’échappe à personne (…)
Les footballeurs professionnels ont vraiment une conception comique de leur rôle. La moindre phrase qui ne vanterait pas leurs mérites diminuerait donc leur potentiel ? Certes, on sait bien que ce qu’il faut, c’est une presse à l’eau de rose, qui exclurait les critiques pour n’adresser que louanges. M. Henno ne l’a d’ailleurs pas caché. Un après-midi de juin 1953, alors que l’on recevait les joueurs lillois qui venait de remporter la coupe de France, il déclara sans vergogne, dans notre salon de réception : « ce qu’il nous faut c’est une presse nordiste ! » . Nous sommes navrés, mais notre conception du journalisme est de n’être à la solde de quiconque, de garder notre liberté d’expression, de jugement, de critique.
Admettez plutôt, messieurs les footballeurs du LOSC, qu’il était difficile, dimanche et mardi soir, de vous tresser des lauriers. Chaque fois que cela était votre dû, les félicitations n’ont pas été marchandées. Souffrez qu’aujourd’hui le ton ait changé (…)
Ne rendez pas responsable de vos errements le journaliste qui fustige, le spectateur qui siffle ou le sportif qui ne partage pas vos sentiments. Le coupable, c’est vous, et ceux qui vous dirigent. Et personne d’autre ».
Histoire de montrer que les avis de la VDN ne sont pas isolés, l’édito reprend des critiques récentes, pas vraiment plus tendres à l’égard des joueurs loscistes, formulées par les concurrents Nord-Eclair (« Vincent et Strappe ont couru dans le vide », « Rivet a manqué son entrée »), Nord-Matin (Lefèvre y a été qualifié de « boulet » et de « poids mort »), et Liberté (« on se demande avec effroi ce que fera l’équipe de Lille, même en seconde division, dans sa forme actuelle »).
Après ces propos acides, peut-être pour désamorcer les tensions, la VDN, dès le lendemain, propose un article dont nous n’avons pas bien compris l’intérêt ni si cela voulait dire que le 1er avril avait été repoussé cette année-là au 4 mai. Sous le titre « Ce que pense l’homme de la rue de la situation du Lille O.S.C. », la VDN propose une « enquête » – en fait, un micro-trottoir – pour recueillir l’avis de passants sur le LOSC, mais pas n’importe quels passants, puisqu’il est explicitement écrit : « qu’en pensent les sportifs de Lille ? ». En guise de sportifs : l’agent 843 de l’ELRT (Electrique Lille-Roubaix-Tourcoing, l’ex-tram) ; M. Vergracht, pâtissier ; M. Renard, commerçant de la Grande Chaussée à Lille ; le marchand de billets de la loterie place du théâtre ; l’agent 239 717 affecté Grand’place ; M. Wanin, militaire et footballeur à l’US Maubeuge ; M. Marle, gérant de café ; ou M. Neuwiart, dont on ne sait pas ce qu’il fait, mais voici sa déclaration : « quand le LOSC jouera ses matches à la Porte des Postes, j’y retournerai. Et ça ne tardera pas ! ». Citons enfin in extenso la déclaration de l’abbé Desrumeaux, 52 ans, particulièrement éclairante : « Je n’y connais rien du tout en football. Pourtant, j’entends dire que ça « cloche » au Lille OSC. Mais je ne sais pas quoi ». Un reportage qui rappelle les plus belles heures de Groland.
L’abbé Desrumeaux (oui parce qu’il y a la photo de tout le monde aussi)
Lille et Lens, destins liés
Retour à la compétition. Rappelez-vous : le LOSC est toujours engagé en coupe Drago, cette coupe de consolation. Et Lille brille : 3-0 contre Monaco (Lemaître, Vincent et Lefèvre) ! Cette coupe est bien moins prestigieuse que la coupe de France, et les résumés de matches ne sont l’objet que d’un petit encart. Impossible de savoir si Monaco a aligné son équipe-type, et pas un mot d’étonnement sur cette bonne performance des Dogues. Quoi qu’il en soit, voilà le LOSC en demi-finale.
Côté championnat, on en est à 4 défaites consécutives. Voilà la cinquième : à Nîmes (0-2). Dans la continuité de leurs précédentes prestations, les Lillois ont déçu et inquiété : « l’équipe lilloise a donné l’impression d’être complètement de coton. Ses hommes ne se sont jamais trouvés, ses actions ont été pauvres, sa défense a souvent paru désespérée. Les hommes de base ont souvent erré sur la pelouse (…) On peut encore s’étonner d’une chose. Notre correspondant Roger Chabaud mentionne que c’est Rivet qui a été chargé de veiller Kominek, qui est le meilleur avant, le stratège de l’équipe gardoise. Déjà, la même erreur avait été commise contre Toulouse, avec Di Loretto. Le meilleur avant contre le Lillois le moins expérimenté et le mois rapide. C’est à peine pensable. On appelle cela donner des armes à l’ennemi ». Lille 17e avec 21 points, est presque largué par Metz, 15e avec 27 points. Bordeaux est 16e avec 23 points. Nancy, Nîmes et Strasbourg sont hors de portée. La cause des Lillois est presque entendue : il reste 3 matches et, s’ils se sauvent, ça ne peut plus qu’être via le barrage.
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Joués |
Victoires |
Nuls |
Défaites |
BP |
BC |
Points |
14. Nancy |
31 |
11 |
6 |
14 |
46 |
58 |
28 |
15. Metz |
31 |
10 |
7 |
14 |
44 |
61 |
27 |
16. Bordeaux |
31 |
9 |
5 |
17 |
41 |
62 |
23 |
17. Lille |
31 |
9 |
3 |
19 |
50 |
61 |
21 |
18. Troyes |
31 |
4 |
9 |
18 |
38 |
69 |
17 |
Et pendant ce temps, lors de cette 31e journée, Lens bat Nice 4-0. Cela signifie que les Sang & Or, deuxièmes, reviennent à 2 petits points de Nice, leader. Alors qu’une victoire des Aiglons aurait quasiment acté le titre niçois, et par la même occasion anéanti les espoirs lensois, ces derniers abordent la dernière ligne droite avec un enjeu de taille : un éventuel premier titre. Et où se rendent donc les Lensois pour la 32e journée ? À Lille, bien évidemment. Autant dire que ça pue, et la VDN écrit : « tels que l’on a vu les Lensois hier, et tels que l’on connaît les Lillois, il ne semble pas que les Loscistes aient grand chose à espérer ».
Faudra nous donner la définition de « sensationnel »
Le derby se joue le 13 mai 1956, tandis que dans le même temps, Bordeaux se déplace à Strasbourg. Le quotidien régional regrette presque cette opposition : « quoi qu’il arrive, même dans le cas d’un match nul, l’un des clubs sera perdant ». Lens est logiquement favori, et se crée rapidement 3 occasions : l’une finit sur la barre (8e), une autre sur Van Gool (18e), et la dernière sur Strappe (20e). Mais les Lillois résistent et ouvrent même le score par Lefèvre, reprenant un centre de Walzack (22e). Les Lensois sont alors désorientés et subissent, mais ni Lefèvre (53e, 59e) ni Vincent, qui trouve à son tour la transversale sur un « heading » (on suppose qu’il faut comprendre « une reprise de la tête », 61e) ne parviennent à doubler la mise. Et ce qui devait arriver arriva, mon p’tit Jean-Mimi : Lens égalise par Jonsson (73e). Lens termine fort le match mais Van Gool permet de prendre 1 point. Somme toute, le LOSC a (enfin) montré un visage assez séduisant. La Voix du Nord écrit avec amertume : « on est au regret de vous dire que si les Lillois s’étaient plus souvent battus de la sorte, ils n’en seraient pas là ». Bordeaux a aussi pris 1 point à Strasbourg, donc statu-quo de ce côté du classement : Bordeaux, 16e et barragiste, a 24 points, et le LOSC, 17e, en a 22. C’était presque acté depuis la dernière journée mais c’est désormais officiel : le LOSC finira ce championnat au mieux 16e, c’est-à-dire barragiste, et au pire 18e, Troyes n’étant que 3 points derrière. Par ailleurs, mauvaise nouvelle pour les Lensois et maigre consolation pour nous : Nice s’est imposé contre Metz (1-0) et reprend 3 points d’avance alors qu’il ne reste que 2 journées. Il y a une tournure des événements à laquelle la VDN n’avait pas pensé : que les deux clubs nordistes soient perdants avec ce nul. C’est bien parti.
Strappe en plein « heading », avec le Lensois Polak
À l’ATAC !
La situation est simple : le LOSC, 17e, a 2 points de retard sur le barragiste Bordeaux. Il reste 2 matches, la victoire est à 2 points, et a priori, si on ne déconne pas, le goal average est favorable au LOSC. Prochain déplacement : Troyes, 18e ! L’occasion soit de préparer le bouquet final en terminant dernier, soit de se donner une chance de passer devant Bordeaux, qui reçoit… Nice, qui peut être sacré champion de France. « Raisonnablement, on peut penser que le LOSC gagnera à Troyes » lit-on dans le quotidien, d’abord en raison des « forces » sportives en présence, mais aussi parce que Troyes joue la finale de coupe de France une semaine après, contre Sedan : « or, huit jours avant un tel événement, inédit chez les Troyens, on songe plutôt à se garer les tibias ». Autrement dit : il y a fort à parier que les Troyens, qui ne peuvent même plus accrocher le barrage, lèveront le pied, ou qu’ils aligneront une équipe de réservistes. Et puisqu’on peut toujours compter sur pire que soi, on apprend que c’est un merdier sans nom à Bordeaux : la direction vient de collectivement démissionner, aucun responsable n’a assisté au « training », et Manuel Garriga, défenseur central des Girondins, a frappé son entraîneur, un dénommé Gérard, qui a déposé plainte.
Le 21 mai 1956, le LOSC se rend au stade de l’Aube. Sa première relégation peut être officialisée à l’issue du match. Il n’a pris jusqu’alors que 2 points à l’extérieur… La VDN souligne que l’esprit des Troyens est à Colombes pour la finale, mais que l’équipe-type devrait être alignée, sauf en attaque. On note notamment les absences, de Flamion (blessé) et de Hjalmarsson (suspendu), ce qui fait se demander très sérieusement au journaliste si l’entraîneur de Troyes, Roger Courtois, 43 ans et 11 mois, va rechausser les crampons pour l’occasion. Il paraît que ça lui arrive encore de temps à autre, lui qui fut meilleur buteur du championnat en 1936 et 1939 avec Sochaux.
Allez, c’est parti ! En fait, Troyes a bel et bien aligné une équipe-bis. Tentative de déstabilisation évidente : Roger Courtois est titulaire ! Résultat : dès la première minute, but pour Troyes ! Mais Lille réagit vite par Vincent, qui égalise d’une frappe lointaine. Et puis, certes face à une équipe limitée, les Lillois jouent un football « splendide » : « les Lillois avaient, d’un seul coup, retrouvé la plénitude de leurs moyens, et étaient devenus l’équipe irrésistible qu’on avait connue jadis ». Score final : 1-6. Et comme Bordeaux s’est incliné 1-2 face à Nice (qui est officiellement champion, en dépit du carton des Lensois, 7-3 contre le RC Paris), Lille reprend la place de barragiste grâce à son goal average.
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Joués |
Victoires |
Nuls |
Défaites |
BP |
BC |
Points |
16. Lille |
33 |
10 |
4 |
19 |
57 |
63 |
24 |
17. Bordeaux |
33 |
9 |
6 |
18 |
43 |
65 |
24 |
Bon sinon, le club de Troyes, à l’époque, ce n’est pas l’« ATAC », mais l’« Association Sportive Troyes Sainte-Savine ». Cependant, un intertitre « à l’ASTSS ! » n’aurait rien signifié. Prochain match de championnat dans 15 jours.
Les complots se mettent en place
Dans toute histoire mettant en scène des déboires du LOSC, il y a forcément un complot. Comme nous l’avons déjà brillamment démontré, il y a même parfois des complots-gigognes : quand on pense découvrir un complot, d’autres apparaissent. C’est typiquement ce qui va arriver pour clôturer la saison. Vont se liguer contre le LOSC : l’armée française ; la ligue nationale de football ; la propre réserve du LOSC ; les maladies infantiles. Suivez bien, c’est limpide et cela va apparaître progressivement.
On en a peu parlé jusque là, mais en fouillant les archives de l’époque, on est frappés par la prégnance de l’actualité internationale. C’est la guerre en Afrique du Nord, et l’Afrique du Nord à l’époque, c’est encore un peu la France.
Si la Tunisie et le Maroc sont officiellement indépendants depuis quelques semaines, la situation est dramatique en Algérie : conséquence notable, le service national a été allongé au mois d’avril ; les Algériens se révoltent, et notamment en mai 1956 où « l’embuscade de Palestro », causant la mort de 20 militaires, suscite une émotion considérable en métropole ; près de 50 000 réservistes sont appelés à rejoindre l’Algérie, ce qui suscite durant tout les mois de mai et juin des émeutes à Paris entre forces de l’ordre et manifestant hostiles au départ des rappelés vers l’Algérie. Les informations sont partielles, et la VDN sert régulièrement de carte postale pour rassurer les familles des militaires basés en Afrique du Nord.
Or, parmi les appelés se trouvent… Gérard Bourbotte et Roland Clauws. Après le match à Troyes, ils rejoignent immédiatement Sissonne (Aisne), centre de rassemblement. Mais on va toutefois pouvoir compter sur eux encore un peu.
La coupe Drago, ce boulet
Mais si le LOSC finit en barrage, qui affrontera-t-il ? Lors de la dernière journée, et dans des conditions semble-t-il suspectes qu’on ne va pas relater ici, Béziers, jusqu’alors 3e, concède un étonnant nul à domicile contre le Stade Français (1-1), si bien que Valenciennes profite de son succès au Red Star (9-1) pour lui chiper la place de barragiste, au goal-average. Apparemment le gardien du Red Star, un dénommé Hugues, n’est pas très content sur le 8e but, car il a raté son dégagement : « c’en était trop pour le malheureux portier parisien, qui quitta le terrain. Son entraîneur dut aller le chercher et lui offrir le poste de demi-droit », tandis que Pasik passe dans les cages. C’est écrit comme si on décrivait une touche. Donc on aura en barrage, sur deux confrontations en terrain neutre : Valenciennes/Lille ou Bordeaux.
« Terrain neutre » ? Pas exactement. Voici venir un autre complot. On apprend fin mai que si Bordeaux joue le barrage, les matches se dérouleront à Rennes, puis à Paris. Mais si c’est le LOSC, on jouera le premier match… à Lens. Très belle idée déjà dans l’absolu, et d’autant plus après avoir contribué à empêcher le premier titre des Lensois. C’est une décision du « groupement des clubs autorisés », ancêtre de la Ligue de Football Professionnel. Merci le Groupement !
Souvenez-vous : le LOSC est en demi-finale de la coupe Drago. L’adversaire : le FC Metz, que le LOSC affronte à Boulogne-sur-mer le 29 mai, avec ses 2 rappelés, Bourbotte et Clauws, qui bénéficient d’une permission exceptionnelle. Comme d’habitude, ça ne fait l’objet que d’un petit encart dans la presse, mais on apprend qu’au bout de 90, puis de 120 minutes, il y avait 1-1. Et en prime, Bourbotte a joué toute la prolongation avec une élongation. Donc on fait quoi ? Eh bien on rejoue, bien sûr. Ce sera le 6 juin, à Longwy.
Arracher le barrage
Ne voyez pas dans cet intertitre une référence à nos amis de Fréjus : l’humour noir, très peu pour nous. Le dernier match de championnat, avant un éventuel barrage, a lieu le 4 juin à Marseille, 5e. Bordeaux, de son côté, va à Monaco, qui peut encore accrocher la 2e place. A priori, on peut encore compter sur Gérard Bourbotte, qui vient d’avoir un deuxième enfant, et bénéficie « des dispositions spécialement prévues dans ce cas ». En clair, il vient d’avoir un enfant à Lille et est donc autorisé à se rendre à Marseille. Tiens, Clauws est aussi autorisé à jouer, c’était bien la peine de s’encombrer d’un marmot.
Le suspense du bas de tableau conduit à une décision qui nous paraît farfelue aujourd’hui : pour assurer l’équité sportive, le Groupement a interdit toute retransmission radiophonique des matches Marseille/Lille et Monaco/Bordeaux. Que le Groupement en ait le droit est déjà étonnant, qu’on considère que l’interdiction assure l’équité l’est tout autant. De toute façon, Marcel Dassonville, directeur sportif du LOSC, se tiendra informé par téléphone de ce qui se passe à Monaco.
Nous sommes le 3 juin 1956, notez l’usage des parenthèses : « le même jour, à la même heure, dans la même ignorance voulue par le Groupement, se disputeront, à 300 kilomètres de distance, deux matches capitaux. Et une heure et demie plus tard, Bordeaux (ou Lille) sera condamné à descendre en deuxième division ». La VDN souligne qu’a priori, la tâche des Lillois est moins ardue que celle des Bordelais, car leurs adversaires n’ont plus rien à espérer du championnat. « Nous croyons que le LOSC, à cause de l’enthousiasme et du dynamisme qui l’animera (ce serait un comble s’il n’en était pas ainsi!) aura raison de l’OM ».
Il fait très chaud, note le journal ; or, « jouer sous un tel climat est difficile quand on n’est pas Sénégalais ». Bon… Douis, blessé, est remplacé par Walzack. Les Lillois semblent tétanisés par la peur. Dès la 9e minute, l’OM marque, sur, apparemment, une très belle action : « Anderson, le centre-avant sudiste, après une feinte se trouva à gauche du but. Van Gool parvint à repousser le shot, mais Anderson eut une chance extraordinaire en captant la balle au retour et son heading, monté en chandelle, retomba dans la cage. Somerlinck aurait peut-être pu dégager, mais il fut gêné par l’ailier Rusticelli qui, fonçant dans le tas, entérina le point ». Et 10 minutes plus tard, c’est 2-0 ! Voilà qui est très mal parti. 33e minute : Bourbotte redonne de l’espoir et fait 2-1. Cheuva joue alors l’offensive, mais « les actions n’allaient pas au-delà de 3 passes » ; « Walzack et Bourbotte shootèrent souvent. Ils le firent si mal qu’on souffrait pour eux ». À la mi-temps, les Lillois sont menés d’un but, et sont virtuellement en D2, puisque Bordeaux, qui avait ouvert le score, tient le nul à Monaco (1-1). Après la pause, le LOSC domine largement, mais sans parvenir à marquer, tandis que les Marseillais semblent déjà en vacances : « Anderson, Durant, Mercurio devaient disparaître au point d’être minables au cours d’une seconde mi-temps jouée au pas par les Marseillais ». Les Lillois sont maladroits : « ils ne ralentirent jamais leurs efforts (…) mais ils ne donnèrent pourtant pas l’impression de jouer le match de leur vie » ; « il n’y avait plus de jeu collectif, rien que des coups de boutoir, des actions individuelles que, seul, Vincent, savait mener jusqu’à l’approche des buts », tandis que Marseille, sous les huées de son propre public « jouait à 5 arrières, se contentait de défendre la zone, refusait visiblement de porter le jeu dans le camp adverse. Si les Marseillais avaient voulu faire un cadeau aux Lillois, ils n’auraient pas agi autrement (…) Même dans ces conditions, Lille était incapable de marquer un but ». Les Lillois semblent « désemparés », cherchent à savoir ce qui se passe à Monaco, et multiplient les vaines attaques, « et sous les huées du public qui avait pris fait et cause pour les Lillois et insultait violemment les dirigeants locaux se termina cette partie ». On doit avouer que la relation entre l’équipe de l’OM et ses supporters nous échappe un peu. Mais bref, Lille a perdu.
Mais Lille s’en sort bien : Bordeaux a finalement été battu à Monaco (2-4), et accède au barrage, par la toute petite porte. André Strappe ne cache pas sa déception : « je suis écoeuré. Chaque dimanche, je mets toute la gomme et, à ce jeu, j’ai acquis la réputation en France d’être un matraqueur. Mais ici, la passivité de certains m’a navré. Je n’arrive plus à comprendre ». Le quotidien régional n’est pas tendre avec les joueurs du LOSC : « on sent le désarroi le plus complet » ; « ils ont lutté sans entrain » ; « une équipe a bord du naufrage aurait dû s’accrocher avec une énergie plus farouche ». Côté marseillais, toujours des mots sympas pour notre équipe : ainsi, l’entraîneur Jean Robin déclare que « si Lille avait eu une équipe moyenne, nous aurions été battus par 4 ou 5 buts ».
Sinon, Roger Courtois, vous vous rappelez ? L’entraîneur de Troyes. Eh ben il a décidé de se titulariser pour le dernier match de la saison, à Lens. Troyes a perdu 1-3. Le but troyen a été marqué par… Roger Courtois, 44 ans et 4 jours. Ah, ça rigole moins là. Par prudence, on a vérifié les stats d’Amara Simba, mais Roger Courtois est bien à ce jour le plus « vieux » buteur de la première division française.
Le sort s’acharne
Trois mauvaises nouvelles avant de se projeter vers le barrage : cette fois, Clauws et Bourbotte qui « pleurent à chaudes larmes » vont embarquer de Marseille pour l’Algérie, dès le mardi 5 juin : si le LOSC espère les garder en arguant du fait qu’ils sont volontaires, et que Clauws a déjà fait une partie de la campagne d’Algérie, on ne pourra donc plus compter sur eux cette saison. Si Lille est mal embarqué, espérons au moins que nos deux appelés embarquent bien. Ensuite, Jean Vincent a été victime d’un choc en fin de match. Il semble souffrir et annonce lui-même une absence de 15 jours. La VDN signale « il a les deux genoux touchés sérieusement. Il boîte et souffre à chaque pas ». Notez que nous ne sommes pas médecins mais, en effet, ce n’est pas très encourageant. Lueur d’espoir (ou pas) : il va consulter « un rebouteux à Noeux ». Enfin, le malheureux Yvon Douis a perdu son deuxième enfant, né prématurément, le 5 juin.
La coupe est pleine
Voilà le programme : dimanche 10 juin, match aller du barrage Lille/Valenciennes, à Lens, stade Bollaert. Samedi 16 juin, match retour du barrage Lille/Valenciennes, à Paris, Parc des Princes. L’équipe qui inscrit le plus de buts sur les deux matches jouera en première division lors de la saison 1956/1957. Comme les matches se déroulent sur terrain « neutre » (lol), il n’y a pas de considération de buts marqués « à l’extérieur » qui auraient valeur double en cas d’égalité. En l’occurrence, en cas d’égalité, une belle sera jouée. Et si, au cours de cette belle, les deux équipes ne parviennent pas à se départager, c’est l’équipe de D1 – le LOSC – qui sera déclaré gagnante !
Oui mais vous n’avez pas oublié : le LOSC a toujours cette coupe Drago sur les bras, et un match contre Metz à rejouer, le 6 juin. La priorité est désormais claire pour les dirigeants lillois : objectif maintien. Hop, on évacue la coupe et on se centre sur l’essentiel. C’est donc la réserve qui est envoyée à Longwy pour refaire ce match.
Voilà l’équipe alignée : Schmidt ; Pazur, Delepaut ; Wezolek, Meuris, Rivet ; Cassar, Viaene, Lenglet, Taisne, Walzack.
Vous sentez qu’il y a une connerie à faire… ?
Eh bien elle va être faite. La réserve du LOSC, avec « rapidité », « vitalité » et « conviction », écrase le 15e de première division 5 à 1, grâce à Taisne (10e), Viaene (30e), et Lenglet (62e, 87e, 88e), les Lorrains ayant marqué par Rangoni (53e). Il faut dire aussi que les faits de jeu ont tourné en faveur du LOSC, un joueur messin se blessant à la 34e et ne revenant en jeu qu’à la 66e, le défenseur Rigoulot, touché à la 62e, a alors été placé ailier droit, et enfin le messin Imbernon, auteur d’un « tackle trop appuyé » a subi une « éviction » à la 70e2.
Voilà donc le LOSC avec une finale à jouer (après la confrontation aller/retour… et avant une éventuelle belle contre Valenciennes !) et, surtout, désormais, de nouvelles incertitudes sur la composition à aligner. La VDN ne manque pas de souligner que « la prestation aura fait regretter à André Cheuva de n’avoir pas fait appel, en cours de saison, à ces jeunes éléments. Il aura fallu attendre la fin de saison pour comprendre qu’il y avait au LOSC, inemployés, des footballeurs de valeur ». Le président du FC Metz, Raymond Herlory, se fiche carrément de notre gueule, puisqu’il déclare à Louis Henno : « j’aurais préféré rencontrer votre équipe première. Elle court moins que votre réserve ». Voilà André Cheuva face à une situation inattendue et compliquée, que résume bien la VDN : « faut-il maintenir les titulaires fatigués, qui ont donné maintes preuves de leur incapacité, ou faire confiance sans hésiter à ceux qui viennent de se distinguer contre Metz ? ». L’heure est-elle aux expériences avant un barrage ? André Cheuva doute, et fait jouer de nouveau sa réserve contre une sélection régionale. Résultat : 6-2, voilà qui n’aide pas car comme dit le proverbe, 6-2, méfie-teu.
Première manche à Bollaert
Surprise : on apprend que Clauws et Bourbotte ne sont finalement pas partis pour l’Algérie, mais ont été affectés au centre sportif de l’armée, à Vincennes, si bien qu’ils sont candidats à une place de titulaire. Les jeunes Lenglet et Cassar, après leur excellente prestation en coupe Drago, devraient être alignés devant une défense qualifiée de « vieillissante » par la VDN, une faiblesse que connaît aussi le LOSC. En face, Valenciennes est présenté comme une équipe « rapide », « soudée » et « collective », avec un avant-centre redoutable : le Néerlandais Petrus Van Rhijn. Sa préparation a également été perturbée par les allers et retours de ses deux militaires, Stako et Chiarelli, qui sont présents.
Très vite, Valenciennes semble bien meilleur collectivement face à une « équipe lilloise souvent affolée et désorganisée ». VA multiplie les corners, mais c’est sur un coup-franc que vient l’ouverture : de la droite, Chiarelli dépose un ballon vers le point de pénalty, et Van Rhijn surgit entre le gardien et les défenseurs pour placer un coup de tête gagnant : 1-0 pour Valenciennes !
Juste avant la pause, le LOSC réagit : Bourbotte sert Lenglet, qui frappe le poteau. En seconde période, les Valenciennois fléchissent physiquement, mais le LOSC n’en profite pas car « ses avants shootèrent horriblement mal ». Seul Strappe, de loin, inquiétait le portier adverse. La première manche est perdue.
Somme toute, le résultat de ce premier barrage est logique. Valenciennes a joué en équipe et le LOSC n’a mis en relatif danger son adversaire que par le biais d’actions individuelles : autrement dit, les deux équipes sont sur la dynamique de leur saison. Mais les jeux sont loin d’être faits. L’entraîneur de VA, Robert Domergue, met en garde ses joueurs : « Bravo, mais de grâce, ne vous leurrez pas. Vous n’avez qu’un but d’avance et si vous vous endormez sur vos lauriers, vous pourriez avoir un réveil terrible. Je vous demande d’oublier que vous avez gagné la première manche. Tout est à recommencer ». Domergue est particulièrement inquiet sur un point : il a vu ses joueurs inférieurs au LOSC sur la condition physique. Les Lillois admettent une défaite logique mais ne sont pas abattus pour autant. André Cheuva : « l’équipe ayant le plus désiré la victoire s’est imposée. Ce revers, loin de nous abattre, doit nous servir. Puissions-nous profiter de la leçon ! Que chacun se batte comme André (Strappe) et nous marquerons les deux buts indispensables à notre maintien ». De nouveau, les militaires sont retenus durant la semaine. D’ailleurs, les hésitations sont légion : on parle de Rivet milieu gauche ; Viaene, habituellement junior et réserviste, est pressenti en attaque ; la condition physique de Douis est incertaine ; Lefevre sera suspendu ; les entraînements laissent penser que Strappe restera en milieu de terrain même s’il a été le plus dangereux offensivement dimanche dernier. Vincent fait une apparition, mais il est « incapable de faire un effort brusque, il sentait fléchir son genou gauche à la moindre tentative brutale ». On apprend en outre que Lemaître, mécontent d’avoir été écarté du match aller, ne s’est même pas rendu à Lens pour soutenir ses équipiers. Les supporters s’énervent.
Il faut pas lâcher
Le 15 juin, la Voix du Nord publie une lettre du groupe de supporters « Allez Lille », évoquant l’« amertume profonde qui s’est emparée de tous nos membres sincères à la suite de votre match de dimanche dernier à Lens ». Voici le document.
Nous avons par ailleurs mis la main sur un enregistrement audio d’époque, un véritable document historique, diffusé aux joueurs lillois pour les motiver avant le match retour. Nous le partageons volontiers :
Deuxième manche
Parc des Princes, 16 juin. La semaine a été sereine pour les Valenciennois, et marquée par l’incertitude pour les Lillois. Il semble que Walzack sera titularisé en attaque côté lillois (rappelons qu’on joue le plus souvent à l’époque avec 5 avants) : on justifie cette titularisation parce qu’il a bon « shoot », et parce que sa « puissance de tir » a même blessé la main gauche du gardien de VA, Schaeffer, à Lens. Douis est incertain jusqu’au matin du match, ce qui pose question sur le positionnement de Bourbotte : avant-centre ou sur l’aile ? Quoi qu’il en soit, le LOSC se présentera avec une composition inédite, ce qui ne manque pas d’inquiéter face à la stabilité valenciennoise. VA a misé sur des « cross en forêt » pour favoriser la récupération physique durant la semaine.
Voici la composition lilloise : Van Gool ; Bieganski, Zamparini, Lemaître ; Somerlinck, Rivet ; Clauws, Bourbotte, Strappe, Viaene, Walzack. Les Lillois peuvent compter sur le soutien de supporters : une agence de voyage de Lille a organisé un déplacement ; on trouve… 8 personnes sur le quai de la gare pour Paris ! (ce qui n’empêche pas que d’autres supporters se soient rendus à Paris par d’autres moyens).
Le match est fermé. Seul le Valenciennois Flament manque une grosse occasion à la 28e minute, il échoue sur le gardien du LOSC. À la pause, c’est 0-0, sans qu’on ne puisse dire dans quel camp va basculer la partie. En seconde période, les Lillois, volontaires, parviennent à marquer par Lemaître à la 65e, sur un centre de Bourbotte. Le jeu cette fois trop « classique » et « prudent » des Valenciennois est sanctionné. Lille pense tenir son succès, qu’il espère creuser et ainsi se sauver, mais en fin de match, un centre de Van Rhijn est exploité par Legrand, qui élimine Somerlinck dans la surface avant de tromper facilement Van Gool. 1-1, il reste 8 minutes, et le LOSC n’a jamais été aussi proche de la D2. En tribunes, les trompettes des supporters valenciennois se font entendre.
Les dernières minutes sont « poignantes », voire « inhumaines ». Face à des Lillois « furieux, énervés », qui attaquent à tout-va, les Valenciennois, « massés dans leurs 18 yards », restent calmes et « détruisent méthodiquement chaque attaque ». Signe de l’âpreté des débats, Clauws et Bourbotte côté lillois, Stako et Schaeffer côté valenciennois, se blessent durant le match.
89e minute : le défenseur de VA, Pleuwa, concède un bête corner par manque de communication avec ses équipiers. Lemaître le frappe. Strappe « dans une détente désespérée » dévie de la tête au premier poteau. Toute la défense de Valenciennes est surmontée et, au second poteau, Bourbotte est à 2 mètres de la cage, dos à celle-ci. Il tente alors un retourné qui finit miraculeusement dans le but valenciennois : Lille prend l’avantage !
Le match ne reprend même pas : Lille remporte la seconde manche 2-1. 2-2 sur l’ensemble des deux matches il faudra donc jouer un dernier match, le 25 juin à 18h, toujours au Parc. Pour la presse, si VA a une nouvelle fois fait preuve d’une bonne solidité collective, les Lillois ont cette fois eu le mérite d’être à l’initiative des principales attaques. Certes, ce n’est plus le LOSC d’antan car il a encore joué « petit, étriqué, lent mais avec vaillance ».
Dans le vestiaire lillois, c’est la joie, voire l’euphorie. Ainsi, Cheuva déclare : « j’ai eu chaud, quand Flament a raté le coche à la 28e. J’ai cru la partie perdue lorsque Legrand a égalisé, mais le but de Bourbotte a récompensé in extremis nos efforts car, pour une fois, nous nous sommes battus. Je ne veux pas vendre la peau de l’ours. Néanmoins, je crois que nous nous en tirerons encore ». Pour le président Henno, l’affaire est entendue : « nous sommes sauvés, les enfants ! Si nous ne descendons pas ce soir, c’est que nous ne descendrons jamais. La prochaine fois, nous récupérerons Douis, Lefevre et, sans doute, Vincent, et nous l’emporterons plus nettement ».
Côté VA, Pleuwa pleure « à chaudes larmes ». L’entraîneur Domergue est déçu : « je craignais un manque de cohésion dû à l’absence de mes militaires à l’entraînement. Cette éventualité s’est malheureusement produite, d’autant qu’on n’y a pas cru, alors que la cause paraissait gagnée. Nous avons mal joué, mais nous essaierons de nous reprendre : tout n’est pas perdu, nous repartons de zéro. Ah ! Si seulement j’avais mes militaires sous la main ! »
La D1 se fait la belle
C’est donc l’heure de la belle. Le Nord est en ébullition : le groupe « Allez Lille » organise un déplacement pour ses membres à jour de cotisation : renseignements et inscriptions au Moulin d’Or, 15 rue du Molinel, et au café Michel, place Rihour.
Ah mais non, on a d’abord une finale de coupe à jouer ! Coupe Drago, contre Nîmes, le 20 juin, au Parc des Princes, encore.
La coupe Drago 1956 pour le LOSC, allégorie
André Cheuva est bien ennuyé pour composer son équipe : est-ce un avantage sur Valenciennes de jouer un match à ce moment-là ? La conséquence sera-t-elle de fatiguer ses joueurs, ou de les maintenir dans un certain rythme ? À ces interrogations s’ajoutent les habituelles incertitudes sur les participations de Clauws et de Bourbotte. Lefèvre revient de suspension, et Douis, qu’on espère meilleur que lors du match à Lens, devrait retrouver une place de titulaire. On ne va pas s’appesantir : le LOSC a perdu la finale de la coupe Drago (1-3). Devant 10 000 personnes (dont l’équipe de Valenciennes), le LOSC était déjà mené de 2 buts à la pause, avec un deuxième but ainsi décrit : « il fut la conséquence d’un coup-franc indirect accordé à 6 mètres du but à la suite d’un hors jeu ». Si vous avez compris, n’hésitez pas à nous transmettre vos éclaircissements, ou à écrire au Moulin d’Or, rue du Molinel, ou au café Michel, place Rihour. Nîmes inscrit un troisième « point à la suite d’un bon travail d’approche » à la 62e, et Delepaut réduit l’écart en fin de match. Pour la VDN, Lille a montré « qu’il pouvait conserver sa place en division nationale si les circonstances lui permettent d’aligner lundi prochain sa meilleure formation ».
Venons-y. À Valenciennes, on rumine sur le corner largement évitable de la 89e minute, et sur le raté de Flament en première période. Les joueurs semblent touchés physiquement et moralement. Depuis la deuxième manche, ils ont un programme basé sur la « décontraction », avec mise au vert de 3 jours « dans un endroit reposant d’où tout contact sera coupé avec l’ambiance, devenue déprimante, du valenciennois ». Habituellement, VA se met au vert au Quesnoy. Cette fois, l’équipe est à Brunoy, en Seine et Oise (ex-78), plus proche de Paris, et plus proche de ses militaires à Vincennes. Au programme : « cross en forêt le matin, pêche à la ligne dans la Seine l’après-midi ». Bon, c’est toujours mieux que l’inverse. Domergue revient sur le match de Paris : « nous avons joué uniquement avec nos nerfs et nos muscles et non avec nos têtes, alors que notre force réside dans notre jeu collectif. Que nous surmontions notre crise et le LOSC, heureux samedi, n’aura bénéficié que d’un sursis (…) Dans les deux matches, notre football a été meilleur, plus précis, plus pensé, plus rapide. Il n’y a aucune raison de croire en la supériorité de Lille ».
Côté lillois, malgré la défaite, on est plutôt rassurés par le visage montré par l’équipe face à Nîmes. Les Dogues ont notamment fait preuve d’une excellente condition physique en fin de match, et c’est précisément sur ce point que Valenciennes semble prenable. Mais c’est bel et bien cet optimisme qui inquiète : « lorsque les Lillois ne craignent pas l’adversaire, c’est mauvais signe. Mais dans un tel match, la confiance peut être aussi un atout important ». Deux absences d’importance : Bourbotte et Clauws sont en Algérie. On aura donc la même équipe que contre Nîmes.
La confrontation s’annonce équilibrée. Comme le résume la VDN : « pour oser affirmer que telle équipe triomphera, il faut être guidé par un esprit partisan d’ailleurs très louable ». On salue la meilleure organisation collective des valenciennois ; les Lillois ont peur eux le physique et la « volonté ». Et un but d’avance, finalement : pour rappel, en cas d’égalité, on jouera une prolongation, et si le départage est impossible, Lille restera en D1.
Le LOSC perd le Nord
Les Lillois ne sauvent pas les apparences très longtemps. Ce qui était en germe depuis des mois éclate soudainement au grand jour : cette équipe est dépassée. Les Dogues sont la caricature d’eux-mêmes : quelques actions individuelles çà et là ne résistent pas au « football de mouvement » des Valenciennois. C’est un miracle si le LOSC n’est pas mené de 3 buts dès la 6e minute ! À la 2e, Van Gool réalise un superbe arrêt ; il ne peut rien à la 4e face à Legrand (1-0) ; Van Rhijn échoue encore devant le portier lillois à la 6e. Le deuxième but valenciennois arrive à la 24e : le centre de Chiarelli est repris de la tête par l’inévitable Van Rhijn. Déjà 2-0 malgré l’« évidente bonne volonté » côté lillois. On se dit que la mi-temps va permettre au LOSC de se remobiliser. Mais la première action de la seconde période est pour VA : à la 55e, Gaillard récupère une mauvaise passe de Somerlinck, ouvre sur Van Rhijn qui envoie une lourde frappe que Van Gool repousse… dans les pieds de Zamparini, qui envoie malencontreusement le ballon dans ses propres filets. 3-0, bravo le veau. Enfin, à la 63e Westwood fait 4-0. Quelle catastrophe !
En Une de la Voix du Nord, 26 juin 1956
Sur le terrain, il n’y avait pas photo : « Valenciennes domina le LOSC de cent coudées » ; « le football des valenciennois fut nettement supérieur » ; « Combat inégal : on n’oppose pas des pur-sang à des chevaux de trait » ; « Les Valenciennois bâtissaient leurs actions à toute allure. Le plus remarquable était de constater qu’ils savaient ce qu’ils voulaient faire, alors que les Lillois laissaient à tout coup l’impression de jouer au petit bonheur, sans but bien défini ». Outre l’attitude des joueurs sur le terrain, on fustige, comme durant les semaines précédentes, certains choix tactiques grossiers. Par exemple, la VDN souligne que dès la 25e, l’arrière de VA Gaillard se blesse en arrêtant Douis. Il boîte ; « personne n’a alors l’idée de le confronter à l’avant le plus rapide. Non, c’est Rivet, lui-même claqué, qui lui fait face ». Ça devait être beau à voir ! Beau perdant, Henno félicite les valenciennois, en division nationale pour la première fois depuis 18 ans.
Dans les jours qui suivent, c’est l’heure du bilan. Ce barrage est le point final d’un processus entamé depuis de nombreux mois : « c’est dur de tomber de si haut. C’est pourtant l’aboutissement logique d’une belle brochette d’erreurs et d’entêtements ». On l’a évoqué en début d’article, les problèmes de gestion, et les extravagances d’un président qui peuvent toutefois amuser quand ça tourne bien, ont plombé ces deux dernières saisons. Sur le terrain, le LOSC n’a pas su se renouveler, préférant s’appuyer sur ses glorieux cadres au risque d’un conservatisme dont il fut puni dans le jeu. La VDN pointe une formation losciste « vieille avant l’âge, lente, incapable de réagir » ; « un LOSC à la dérive » ; « Lille, résigné, las, écroulé, anéanti » ; « Lille, c’est le triomphe de l’immobilisme » ; « Prisonnier de sa routine, Lille a vécu de souvenirs ».
Les méthodes d’André Cheuva sont discutées, avec un argument qui nous semble en partie fallacieux. La VDN le qualifie de « rétif à la nouveauté », lui reproche « un football désuet », « une méthode aussi lente que rétrograde ». Son tort : avoir insisté (ou persisté, si on veut le voir sous un jour négatif) sur des principes « dépassés ». Mais ils ne sont « dépassés » que parce que les résultats n’ont pas suivi ! « Quand un nouveau arrivait, c’était à lui de s’adapter et de changer son jeu » stigmatise la VDN. En soi, avoir voulu créer une sorte d’identité de jeu n’est pas blâmable, bien au contraire. Quand Arribas est arrivé en 1977 avec les mêmes arguments et que ça a plutôt bien marché, il n’y avait personne pour lui reprocher de l’entêtement. Disons qu’en football, à l’arrivée, ce sont les résultats qui priment, et que les arguments sur les moyens sont réversibles en fonction de ce que ça donne sur le terrain. Sinon, contre la chute de Cheuva, y a Pétrole Hahn. Bref, sans vouloir enlever toute responsabilité à l’entraîneur, puisque l’opposition de style avec VA était apparemment frappante, on ne peut en tout cas lui attribuer tous les malheurs du club.
Louis Henno concède des « erreurs de recrutement », annonce un élargissement du comité de direction, renouvelle sa confiance à Cheuva pour la prochaine saison (alors que naissaient des rumeurs annonçant l’arrivée de François Bourbotte comme entraîneur). Sur le plan financier, le LOSC respire grâce à la vente de Jean Vincent à Reims, à un prix record pour l’époque (le montant du transfert varie selon les sources : dans la presse de l’époque, on parle de 10 MF + Templin, ailier de Reims + la recette d’un amical Lille/Reims ; d’autres sources évoquent directement la somme de 19 MF, ce qui peut d’ailleurs correspondre au résultat de l’addition précédente) ; la municipalité de Lille accorde de plus une subvention de 7 MF au LOSC. Pazur (qui a la côte), Lemaître, Cassar et Meuris quittent aussi le club. La VDN n’oublie pas d’égratigner la présidence : « nous estimons que les Lillois terminent à très bon compte deux années de gestion désastreuse : pas de bilan à présenter, pas d’opposition, pas d’autre objection que les sarcasmes de supporters déçus. Bravo, donc, pour l’adroite façon adoptée pour éluder les problèmes. Vraiment, M. Henno est un matois de la meilleure veine. Il l’est d’autant plus que les opposants ont brassé de l’air, ont joué les « Don Quichotte » ».
L’avenir du LOSC est incertain. Il dispose désormais de 11 joueurs professionnels (dont deux sont en Algérie, et trois – Zamparini, Douis, Walzack – probablement bientôt rappelés), deux stagiaires (Viaene, Kechichian) et 3 amateurs (Rivet, Somerlinck, Taisne). Il va découvrir la deuxième division après une décennie marquée par 2 titres de champion (et quatre positions de dauphin), 5 coupes de France (et 2 finales perdues), faisant de son club le plus performant et régulier d’après-guerre. Il faudra attendre très longtemps pour le retrouver à pareille fête.
FC Notes :
1 À ne pas confondre avec « l’équipe d’incontinents », composée des mêmes joueurs 60 ans plus tard.
2 Ce qui peut interroger car le carton rouge, officiellement, n’existe pas avant la fin des années 1960, mais cet exemple montre qu’en pratique, l’exclusion était appliquée : il revenait alors à l’arbitre de la signifier oralement et gestuellement.