Archiver pour mars 2019
Posté le 28 mars 2019 - par dbclosc
Roger Hitoto : « Je suis resté supporter du LOSC »
« Alors, comment ça va là-haut ? ». On ne sait pas si Roger Hitoto nous parle de géographie ou de classement quand il nous salue, mais dans les deux cas la réponse est « ça va bien ». Parce que le LOSC est 2e ; parce que par ailleurs, ça va bien, en effet, merci ; et parce qu’on rencontre Roger Hitoto, passé par le LOSC de 1994 à 1999.
Roger Hitoto, lors de son passage dans le Nord, c’est un milieu récupérateur hors pair, infatigable ratisseur de ballons, et c’est aussi un mec sympa : 25 ans après, quand on se remémore les longues matinées à attendre dans le froid les joueurs sortant du vestiaire pour l’entraînement, on a plutôt tendance à se souvenir plus particulièrement de ceux qui prenaient la peine de nous saluer ou de nous serrer la main, ce n’est pas grand chose mais, pour les gamins que nous étions, ça reste : Roger Hitoto fait partie de ceux-là.
En plus de ces bons souvenirs sur et en dehors des terrains, deux raisons nous ont poussé à le solliciter : il y a quelques temps, quand le blog en était à ses balbutiements et n’avait pas encore atteint la renommée mondiale qu’on lui connaît aujourd’hui, nous avions sollicité nos lecteurs et lectrices afin de déterminer leur « onze de coeur » : l’idée était de déterminer quels étaient les joueurs qui avaient le plus marqué les esprits, toutes époques confondues. Si Roger Hitoto n’apparaissait pas dans le 11 type, il n’était pas loin derrière, récoltant le même nombre de voix que des joueurs comme Dagui Bakari, Eric Assadourian, Vincent Enyeama ou Patrick Collot. Et c’était tout de même surprenant : même si on garde un excellent souvenir de lui, son passage remontait déjà à il y a 20 ans, à une époque pas franchement reluisante sportivement pour le LOSC, et Roger jouait à un poste « laborieux » dont on a parfois peine à évaluer l’importance. Depuis, l’Europe et le titre étaient passés par là, et on se disait que Roger Hitoto serait largement devancé par des joueurs plus récents… Il faut croire que notre souvenir du joueur et de l’homme sont largement partagés.
Dernière raison qui justifiait notre entrevue, en prolongement du paragraphe précédent : vous le savez, nous signalons régulièrement sur nos pages facebook et twitter les anniversaires des anciens Dogues, une bonne occasion de mesurer la côte que les uns et les autres ont laissée. Et, tous les ans, Roger Hitoto fait péter les « like », on nous demande si on sait ce qu’il devient, comme l’illustre cet échantillon de réactions après le dernier anniversaire, ce 24 février 2019 (on a paint et on en fait de belles choses) :
Donc une bonne raison de savoir ce qu’il devenait, c’était d’aller le voir ! Et c’est ainsi que Roger Hitoto nous a accordé du temps en nous donnant rendez-vous sur son lieu de travail actuel, au stade Charléty à Paris. Avec lui, nous sommes revenus sur ses souvenirs d’enfance au Congo, son arrivée en France, ses débuts comme footballeur à Grigny puis au centre de formation de Rouen et, bien sûr, plus longuement sur son passage au LOSC. Solidement installé titulaire dès sa première saison, Roger Hitoto devient incontournable au milieu de terrain. Sa lourde blessure fin 1996 freine malheureusement sa progression et anéantit une partie de ses espoirs, une période difficile sur laquelle il s’exprime largement. Il garde notamment de Lille une grande estime pour Jean Fernandez et pour Bernard Lecomte, un peu moins pour Jean-Michel Cavalli et Thierry Froger, pour des raisons bien différentes. Quelques courtes expériences à l’étranger ensuite puis une dernière pige à Rouen concluent sa carrière de joueur professionnel.
Et comme sur notre blog, le football est parfois un prétexte pour parler d’autre chose, on tenait à parler avec lui du Congo et de la sélection, mais aussi de la façon dont il a vécu la guerre dans son pays à la fin des années 1990. Une façon de voir que Roger sait aussi être sérieux et ne fait pas que des blagues, des blagues d’Hitoto.
Première photo officielle sous le maillot du LOSC, saison 1994/1995
On va commencer par ta situation actuelle : tu nous donnes rendez-vous au stade Charléty. Que fais-tu ici ?
Je suis depuis un an manager général du football au Paris Université Club. De manière générale, le PUC est un club omnisports qui, en plus de ses ambitions sportives, porte des valeurs sociales et citoyennes. J’ai des tâches administratives, d’orientation des jeunes, et je suis également sur le terrain puisque j’entraîne spécifiquement les attaquants et les milieux de terrain. Et parallèlement, cela fait 8 mois que je joue au PUC en tant que joueur vétéran. Je joue le dimanche matin, et je continue avec le Variétés Club de France (VCF) le dimanche après-midi. Pour le VCF, j’ai été parrainé par Jean-Pierre Orts, qui est d’ailleurs passé au centre de formation du LOSC. Il a été plusieurs fois meilleur buteur de D2, notamment à Rouen, c’est là que je l’ai connu, il a même été mon entraîneur. Et là ça fait 9-10 ans que je suis au Variétés. Donc je m’entretiens physiquement !
Je suis ici 24h/24 et pour moi c’est un plaisir. Et de temps en temps j’ai la liberté de repartir au Congo puisque je me sens toujours concerné par tout ce qui se passe dans le football, et en dehors du football : 3 fois par an, je retourne au Congo et j’essaie de donner un coup de pouce, dans la mesure de mes moyens, à certaines associations et à certains clubs. J’amène des équipements, des maillots, pour que les enfants puissent se vêtir.
Ce sont des responsabilités officielles auprès de la fédération du Congo ?
Non, c’est personnel, je fais ça par plaisir et sans faire du bruit. En revanche, j’ai eu par le passé des responsabilités officielles auprès du sélectionneur Florent Ibenge, qui est aussi mon cousin ! Comme je voyage et sillonne beaucoup, je me suis dit que je pourrais me rendre utile en signalant aux autorités, aux gens de la fédération, les jeunes pépites congolaises. Ça s’est accompagné d’une nouvelle politique d’anticipation au niveau de la fédération congolaise. Auparavant, on attendait le dernier moment pour se signaler auprès d’eux et, malheureusement, après ces jeunes là, comme ils ont toujours évolué en France ou dans le pays où ils sont nés, ils ne connaissent pas le Congo. Donc ce partenariat est officiellement terminé mais je continue de leur faire signe… Il y a désormais au sein de la fédération une chaîne sur cette problématique, et cette détection est bien mieux anticipée et gérée.
Et tu as aussi été consultant dans différents médias.
Oui ! Cette année j’ai arrêté, mais j’espère reprendre. Je suis resté durant 6 ans en tant que consultant pour des médias africains : Canal Horizon, avant que ça devienne Canal +, Africa 24…
Avec le Variétés Club de France et Dominique Le Bon, ex-capitaine de Melun, octobre 2017
Dans quelle mesure tu as anticipé ces reconversions durant ta carrière de footballeur professionnel ?
Paradoxalement, quand j’ai arrêté le football, je ne pensais pas forcément y rester. Mes premières réflexions remontent au moment où je me suis gravement blessé en 1996, et je ne savais pas trop vers quoi me tourner. Pendant un temps, j’ai essayé de m’éloigner de ce milieu qui est très compliqué. Mon souhait, c’était surtout de ne pas perdre ma personnalité et, si je devais rester dans le monde du football, c’était seulement à condition de garder ma liberté, sans faire comme tout le monde. J’ai toujours été un peu à part dans la mesure où j’ai commencé le football par l’amusement, et je voulais rester fidèle à ma liberté de pensée, ma philosophie. Donc à la fin de ma carrière, j’ai essayé de prendre du recul, je me suis entretenu physiquement en faisant des matches de gala ou avec le VCF, je discutais, je faisais des rencontres… Par exemple, devenir consultant, c’est une reconversion que je dois à Karl Olive, aujourd’hui maire de Poissy. Il y a quelques années, il travaillait à Canal + ainsi que pour le Variétés Club de France, et il m’a demandé si ça m’intéresserait de devenir consultant de télévision. Je lui ai dit que je n’y connaissais rien, mais il m’a rassuré en me disant de seulement rester comme j’étais, et d’apporter mes connaissances sur le football africain. Et j’ai donc pu commenter la Coupe du monde en Afrique du Sud en 2010 : c’était compliqué ! Par la suite, j’ai pris l’habitude, et ça s’est enchaîné. Donc j’ai appris à être de l’autre côté, et c’est une richesse de voir les choses différemment et de pouvoir partager. Ce qui est difficile, c’est de rester impartial, de ne pas prendre parti : ça ce n’est pas évident.
« Enfant, j’étais plutôt porté sur la danse »
Alors, revenons à des événements plus anciens : tu es né à Mbandaka. As-tu des souvenirs de ton enfance ?
Je suis né à à Mbandaka, en République Démocratique du Congo, qui est ensuite devenu le Zaïre, et qui s’appelle à nouveau République Démocratique du Congo. C’est un village de pêcheurs, au bord du fleuve, je n’en ai que de vagues souvenirs : les enfants s’amusent, vont en forêt, les parents vont pêcher. On essaie de s’occuper comme on peut. Mais le centre-ville, je ne connaissais pas. J’ai été élevé dans ce village par mon grand-père. Mon père était à la capitale avec ma grande sœur et mes deux frères, à Kinshasa. Je n’ai pas connu de suite ma mère. Moi j’étais le dernier, et ils vivaient tous à la capitale, y a que moi qui étais villageois.
Le Zaïre a joué la coupe du monde 1974… Tu étais encore là-bas à ce moment-là ?
Quand le Zaïre a joué, honnêtement, je ne connaissais rien et je ne suivais rien au football. N’étant pas du centre-ville, on n’avait pas l’électricité, donc je vivais ça comme un gamin du village ! J’ai seulement rejoint la capitale après quelques années : j’y ai vécu deux mois, avant de rejoindre mon Papa ici en France. Mon père a commencé ses études de docteur à Kinshasa, et il les a terminées en France. Après avoir obtenu son doctorat, il a fait venir tout le monde en France. Donc la coupe du monde en 1974… j’en ai entendu parler, mais je ne l’ai pas vécue. J’étais un campagnard et ce n’était pas donné à tout le monde à l’époque d’avoir la télé. La plupart des gens suivaient ça par radio, et à l’âge que j’avais, je n’étais pas encore attiré par ça.
Est-ce que tu peux raconter comment tu en es venu au foot ? Tu viens de dire que ça t’étais venu « par amusement ».
Oui, « par amusement », c’est ça ! J’ai commencé le foot en arrivant en France, à l’âge de 7-8 ans, à Grigny. En Afrique, je ne jouais pas, et moi j’étais plutôt porté sur la danse. À vrai dire, il n’y avait aucune place pour le football durant ma petite enfance. Quand je suis arrivé en France pour rejoindre mon père, je me suis lié d’amitié avec des gens qui jouaient au foot. Au départ je les regardais jouer… Puis j’ai commencé à jouer avec eux. J’ai ensuite fait 2 ou 3 entraînements, et l’entraîneur qui était là se demandait : « mais lui, il a déjà joué au foot, non ? Il a les aptitudes, il a tout ce qu’il faut ». Peut-être que je voyais vite le jeu, je savais comment me libérer, je me déplaçais facilement, et ils m’ont proposé de les rejoindre en club. Je leur ai dit que c’était impossible car mon père, médecin généraliste, intellectuel, ne voyait pas le foot d’un bon œil. Pour lui, il n’y avait que les études intellectuelles ! Le club de Grigny m’a fourni des équipements et j’ai joué en cachette, mes parents ne savaient pas !
Le centre de formation de Rouen
On imagine que le secret n’a pas tenu très longtemps !
Ça a duré un an ! Et quand mes parents ont su, j’en ai pris pour mon grade, je m’en rappelle encore ! Mais j’ai continué, toujours en cachette. Après Grigny, je suis allé à Melun. Et là, je dispute un tournoi, où il y avait de gros clubs. Enfin, c’est ce qu’on m’avait dit, car moi je ne suivais vraiment pas le football. On affronte la réserve de Rouen on réussit l’exploit de la battre. C’est là que les dirigeants du FC Rouen m’ont abordé. Ils m’ont accompagné jusque chez moi… et là, mon Papa, qui me voit débarquer avec un grand bonhomme, pensait que j’avais fait une bêtise et a dit qu’il ne me connaissait pas ! Après avoir levé les malentendus, le dirigeant a présenté un projet pour moi. Mon père a dit qu’il fallait que je pense d’abord à mes études. Le dirigeant lui a dit qu’il y avait de quoi suivre des études au centre de formation, puis a expliqué qu’il y avait une détection deux semaines après. Il m’a pris un billet de train, sans que mon père ne le sache, et donc 2 semaines après je suis allé faire ces détections à Rouen. À l’issue des différentes épreuves, je suis sorti deuxième ou troisième. Il y avait Christophe Horlaville, Yann Soloy, David Giguel… tous les gars avec qui je suis entré au centre par la suite. Et voilà comment l’aventure a commencé.
Tu as donc d’abord intégré le centre de formation de Rouen.
Quand je suis arrivé en tant que jeune, je suis entré au centre, j’y ai fait toutes mes classes, ça a été assez vite. C’était un grand changement car jusque là, j’étais entouré de mes amis, et là on est enfermés dans un centre, il n’y a que du football. J’avais un entraîneur, Daniel Zorzetto, qui a tout fait pour moi, car j’ai eu des hauts et des bas, notamment des moments de nostalgie : il m’a formé. Quand ça n’allait pas, j’allais chez lui, j’étais très proche de sa famille. Je l’ai d’abord eu comme formateur au centre puis comme entraîneur en deuxième division. Je n’envisageais pas de devenir professionnel dans un premier temps. Mais je me suis accroché et j’ai commencé à m’entraîner avec les pros à 17 ans.
L’équipe de Rouen était très ambitieuse à cette époque.
Durant mes années à Rouen, on a toujours fini dans la première partie de tableau. Et par deux fois, on est passés très près de la montée. À l’époque, il y avait deux groupes en D2, groupe A et groupe B. En 1990, on a joué le barrage de montée mais on a perdu contre Strasbourg. Et lors de la saison 1992-1993, on joue de nouveau le barrage de montée, contre Cannes, et on perd. En fait, lors de cette saison, on a joué contre l’OM en coupe de France, et ce match a laissé beaucoup de traces dans le club.
C’est-à-dire ?
On a été en tête du championnat, très longtemps. Et en coupe, on avait sorti deux clubs pros, dont Lille ! On tournait très très bien, on avait une bonne équipe, très solide. Quand on rencontre Marseille, on avait encore 6-7 points d’avance en championnat, on se voyait déjà arrivés. C’était la grosse équipe de Marseille, future championne d’Europe, un grand événement pour Rouen, le match était retransmis sur TF1. Et là… On perd quelques joueurs, dont nos deux gardiens, blessés. Quelques minutes avant la prolongation, l’arbitre siffle un pénalty pour Marseille, pour une faute contestable, hors de la surface de réparation. On est éliminés. On avait tout donné et après, on a loupé la montée.
Roger en gros plan, notamment à 2’05. L’ancienne ministre des sports, Valérie Fourneyron, est revenue sur ce match en 2013 dans So Foot.
J’ai encore fait une saison derrière à Rouen, car les ambitions restaient les mêmes, et la philosophie du club consistait à repérer et à engager des pépites de l’agglomération rouennaise, il y en avait tellement ! Mais la saison 1993-1994 s’est mal passée sportivement, comme si l’élan avait été coupé par le match contre Marseille. De nouveaux dirigeants sont arrivés, tout a été chamboulé, et c’est là que j’ai constaté que le langage d’auparavant n’était pas respecté. J’aurais aimé avoir tort, mais les faits m’ont donné raison puisque c’est parti en cacahuète avec un dépôt de bilan en 1995.
http://www.dailymotion.com/video/x43e33
On a rencontré Joël Dolignon, qui nous en a parlé.
Les dirigeants voyaient grand, certes… Pas mal de gens sont venus avec de grandes ambitions, mais ils se sont cassés la gueule. Désormais, c’est un club qui revit sainement, grâce à des personnes comme Arnaud Marguerite et David Giguel. Ils connaissent le club, son environnement, et les choses vont tout doucement mais sereinement. Là, ils sont premiers en National 3 et j’espère qu’ils vont remonter. Au mois de mai, c’est l’anniversaire du club, je m’y rendrai !
« Pierre Mankowski me voulait à Lille »
Est-ce que les premiers contacts avec Lille remontent à la confrontation en coupe lors de la saison 1992-1993 ?
Après le match contre Marseille, il y a eu quelques sollicitations de clubs de D1, mais je ne me rappelle pas que le LOSC ait été là de suite. C’est surtout durant la saison suivante que le LOSC est venu. Quatre clubs se sont montrés intéressés par mon profil : Lille, Lens, Le Havre et Caen. Moi, sincèrement, j’avais rencontré les dirigeants de Caen, et je voulais rester aux alentours de Rouen. Caen, j’aimais bien, j’y passais souvent des vacances. Au dernier moment, j’apprends que l’entraîneur de Lille, Pierre Mankowski, me veut absolument. Il a réussi à passer par la personne avec qui j’étais à l’époque, et ils ont mis l’option. Lors du dernier match, des dirigeants du LOSC sont venus à Rouen, l’agent avec qui j’étais a eu les mots qu’il fallait… Et ma petite amie était originaire de Valenciennes, elle voulait retourner dans le Nord, c’est comme ça que je suis venu à Lille, que je ne connaissais pas. J’ai signé dans un premier temps pour 4 ans.
Donc tu viens grâce à Pierre Mankowski que tu n’as même pas eu comme entraîneur à Lille, et qui est parti à Caen !
(Rires) Voilà, c’est ça qui est encore plus top ! Je donne mon accord pour Lille, je signe. Mankowski m’apprend lui-même par téléphone deux semaines après qu’il part à Caen, et répète qu’il me voulait absolument. Mais c’était signé avec le LOSC ! Et moi, dans mon cœur, c’est à Caen que je voulais aller, sans savoir que Mankowski y irait ! Mais ça ne s’est pas fait comme ça, et j’ai donc eu Jeannot Fernandez comme coach.
Tu as eu peur à ce moment-là que le club ou l’entraîneur ne te fassent pas confiance ?
Non, peur, non. J’avais l’excitation de découvrir. J’allais à Lille avant tout pour travailler. Je venais de deuxième division, un championnat réputé plus physique, plus rude, plus dur. Mais en première division, je savais qu’on valorisait d’autres aspects, comme l’anticipation ; il y avait des secteurs où il fallait garder le ballon et, à partir du milieu de terrain, c’est là qu’il fallait accélérer, donc il fallait être juste dans ce que tu faisais. Mais en même temps, je voulais tenter l’opportunité de me faire ma place. Je ne partais pas comme titulaire, j’étais déjà content d’être dans un club de première division, et puis je venais sans pression car on ne m’attendait pas ! Moi je venais de D2, y avait déjà des joueurs en place comme Jakob Friis-Hansen… J’étais là pour apprendre, mais s’il y avait la possibilité de jouer dès la première année, et ben pourquoi pas !
Tu as déjà indirectement un lien avec le LOSC, puisque ton frère est passé par le centre de formation ici !
Oui, mon grand frère Jean-Pierre Hitoto a fréquenté le centre avec Pascal Guion, Jean-Pierre Lauricella, Joël Henry. Je suis allé 2-3 fois lui rendre visite au centre, à une époque où le football ne m’intéressait pas encore. Mon frère était un surdoué du football, c’était inné chez lui, alors que moi j’y suis arrivé par le travail. Mais pour canaliser mon frère, c’était un gros problème. Il avait de gros problèmes de discipline, ses fréquentations n’était pas les meilleures… Quand on intègre un centre de formation, il y a une discipline à respecter, et Jean-Pierre ne l’avait pas. Charly Samoy l’aimait beaucoup mais à force, il a craqué ! Au bout de 3 avertissements, il a été viré du centre. Et de là, il est parti à Viry-Châtillon, en 3e division. Ensuite, il est allé dans des clubs amateurs. Il avait le potentiel sur le terrain pour aller plus loin que ça. Mais il y a certains sacrifices qu’il faut faire.. et qu’il n’a pas faits.
En arrivant à Lille, tu as également retrouvé Oumar Dieng, juste avant qu’il ne parte au PSG. On a retrouvé un article dans lequel tu dis : « on se retrouvait souvent l’été lors des traditionnels matches qui rassemblaient tous les blacks de France ». C’est quoi ça ?
(Rires) En fait, c’est l’équipe des Black Stars. Tu vois les 5 étoiles sur le logo ? Elles représentent les 5 continents. Tu peux venir de n’importe quel pays pour y jouer. Donc là y avait tous les géants du foot africain : Weah, Lama, Roger Boli, Joël Tiéhi… On faisait des matches de gala pendant les vacances, d’habitude c’était en décembre dans la période où on a 4-5 jours, dans des pays d’Afrique. Ce sont souvent des gouvernements qui nous invitaient. À l’époque, pour y entrer, il fallait être international ou jouer en Premier division, mais pas en deuxième division. J’étais le seul qui jouait en deuxième division ! Donc on faisait des matches de gala et les stades étaient toujours pleins. On a dû faire quelques matches ici en Europe quand même, mais les matches les prestigieux avaient lieu en Afrique. Donner cette ferveur aux jeunes, qui voyaient la plupart de ces joueurs à la télé, le jour où ils venaient jouer dans leur pays au stade… c’était un grand événement. On amenait pas mal de choses, on visitait des hôpitaux… Et on reversait l’argent qu’on récoltait à des associations. Donc on donnait du plaisir de cette façon là.
« L’ambiance du derby… »
OK ! Donc pour revenir à Lille : en 1994, tu es la première recrue à l’entraînement le jour de la reprise, car Christian Pérez, qui a signé aussi, n’arrive que le lendemain. Tu es accueilli comment dans le club ?
Ah, très bien ! Mais moi j’étais timide, j’étais quelqu’un d’un peu réservé, et quand j’arrive je dis « bonjour Monsieur, bonjour ceci… », ben oui ! Finies les habitudes de Rouen, tout était nouveau. Donc j’arrive, et j’écoutais tout ce qu’on me disait. J’apprenais ! Je suis nouveau donc on me dit : « tu dois être là », oui OK ! ; « tu dois faire ça », oui OK ! J’observais, j’avais envie d’apprendre, j’avais cette soif de conquérir mes coéquipiers d’abord, qu’ils aient confiance en moi, après le reste viendrait.
Juin 1994, premier jour d’entraînement avec le LOSC
Et donc tu arrives pendant les matches amicaux à convaincre Fernandez de te titulariser, parce que le premier match de championnat, tu es titulaire… Tu te rappelles où c’était ?
À Lens…
Il y avait quelle atmosphère ?
On a vite entendu parler de ce match, d’abord parce que c’était la reprise, mais aussi parce que c’était le derby. Chez moi, j’avais connu Rouen/Le Havre, mais c’était… rien à voir. À une semaine du match, les supporters nous parlaient, je n’avais jamais vécu ça. Trois jours avant, le mercredi, j’ai commencé à appréhender. Je ne dormais déjà pas bien, et je voyais ce derby approcher… Je commence à me poser des questions, mais il ne faut pas faire ça ! Non ! C’était di-ffi-cile ! Non mais je ne croyais pas que c’était comme ça ! On arrive à Lens, les supporters étaient chauds. Et quand j’entre dans le stade, gros coup de pression qui commence à monter… Je dis « mamma mia, ça va être quelque chose ». En plus, Lens à l’époque était très bon, y avait mon pote Roger Boli, ils avaient une équipe qui allait à 100 à l’heure, c’étaient les mêmes gars qui étaient remontés 3 ans avant et ils se connaissaient les yeux fermés, et ça poussait comme pas possible dans les tribunes.
Premier Onze de la saison 1994-1995, avec une ouverture du championnat au stade Bollaert à Lens
Et ce match-là s’est bien passé !
Oui oui ! Comme disait Fernandez, je me rappelle : il ne fallait pas perdre ce match. Il ne fallait pas perdre ! Match nul, tout ce que vous voulez, mais on doit rentrer chez nous sans avoir perdu. Et le schéma qu’il a mis en place était défensif. Il ne voulait pas que les milieux de terrain montent trop. Comme j’aimais bien aller de l’avant, il m’a dit « tu prends ton joueur et tu restes là. Tu prends, tu donnes, tu prends, tu donnes ». Il jouait beaucoup la prudence, et ça lui a donné raison, puisque ce match là a bien tourné. On est restés bien solides et on ne repart pas bredouille, donc ça c’était un point positif.
Et le deuxième match de la saison, il est aussi mémorable pour toi !
Le premier but contre Strasbourg, du gauche (Rires) Oh, purée !
À Lens, avec Antoine Sibierski, Clément Garcia, Philippe Levenard et Eric Assadourian,
29 juillet 1994
« Jean Fernandez, un passionné »
Et dans l’ensemble, Lille a été plutôt solide toute la saison. 1-0, c’était le score favori cette saison là. Comment ça se fait que l’équipe gagnait autant 1-0, c’était quoi le schéma de jeu ?
En ayant Jeannot comme entraîneur… Il était un milieu défensif, c’était déjà quelqu’un qui aimait travailler, de façon très disciplinée. Il avait mis un bloc, avec en plus 2 ou 3 joueurs qui avaient la liberté de faire ce qu’ils voulaient devant. Mais il fallait d’abord des travailleurs derrière pour les libérer. Et nous, au milieu de terrain, c’était très limité au niveau du jeu offensif, on pouvait rarement apporter un plus. Donc OK, on fermait, on pouvait sortir avec un match nul et parfois il y a une occasion qu’on arrivait à mettre au fond, mais lui son schéma, c’était la prudence, il ne fallait pas prendre de but. Si on ne gagne pas, on ne perd pas. On repart avec 1-0, ça suffit.
On prend du plaisir quand on est joueur dans ce genre de schéma ?
C’est vrai qu’à un moment, c’est un peu embêtant, parce qu’il y a des situations où tu sais que tu peux apporter davantage, mais le coach t’a demandé de rester à ta place. Mais Jean Fernandez arrivait à faire passer un message avec rigueur. Il était un passionné : c’était extraordinaire, il n’y a plus des comme ça : des entraîneurs qui arrivent à donner, à te transcender, à te pousser, sans pour autant que tu te bloques. Il a réussi à inculquer quelque chose. Cet entraîneur, c’était un battant, il ne lâchait pas, et il a réussi à transmettre ça. C’était sa façon d’être et j’étais proche de lui. Donc c’était le coach, avec ses hommes.
À Sochaux en août 1994, avec Thierry Bonalair, Henrik Lykke et Arnaud Duncker
Cette année-là, à Grimonprez presque tous les gros sont tombés : Paris, Monaco…
Parce qu’on avait une âme et on se battait. Et puis dans l’équipe, il y avait des aînés qui à chaque ligne assuraient un rôle de leader. Derrière, c’était Nadon, au milieu c’était Friis-Hansen et Bonalair, et devant c’était Assad. C’est important dans un groupe d’avoir des aînés, et cette saison là, quand les aînés parlaient, on se taisait. Quand Nadon parlait, on se taisait. Quand on faisait les efforts, les autres suivaient. Que ce soit au milieu ou derrière, chacun devait se battre pour ceux qui avaient la liberté devant, pour les mettre dans les meilleures conditions. Donc il fallait ne pas prendre de but, et essayer de les trouver. Il y a des jours, ça passait, on trouvait la faille, et quand on n’y arrivait pas, il fallait au moins repartir avec un point.
Et toi plus particulièrement, cette première année, tu étais souvent au milieu avec Friis-Hansen et Arnaud Duncker, c’est bien ça ?
Oui j’étais souvent avec Jakob. Après ça a pas mal tourné, Philippe Levénard est venu ensuite. On n’avait pas réellement un milieu type. Je me rappelle même avoir joué latéral ou stoppeur lors de certains matches. Ça dépendait du ressenti ou du besoin que Fernandez avait.
En 1995-1996, tu as davantage joué, 32 matches. Cette saison a très mal démarré. Il a fallu attendre la 10e journée pour signer une première victoire, Fernandez a été viré, Cavalli est devenu n°1… Tu te rappelles ce début de saison ?
Oui… C’est parfois difficile de comprendre pourquoi la mayonnaise n’a pas pris. Déjà, lors des matches amicaux, on avait des difficultés, c’était déjà mauvais signe. Il n’y a pas de vérité, tu peux louper les amicaux et bien rebondir en championnat, mais là on est restés dans cette continuité ça a été très compliqué, et on vivait ça mal. Est-ce qu’il y avait trop de leaders ? Est-ce qu’il y a des messages qui ne passaient pas auprès des joueurs charismatiques qu’il y avait des cette équipe-là ? Je ne sais pas. Après on nous a mis devant nos responsabilités, c’est nous qui sommes sur le terrain. Pour moi, on ne faisait pas tous les efforts en même temps. J’avais l’impression que le message ne passait plus. Ça s’est arrêté à un moment, sincèrement ça ne passait plus. Le vestiaire vivait très mal cette situation.
Jean Fernandez expliquait qu’il avait misé sur l’expérience lors de cette intersaison, car il fait venir des « vieux » : Rabat, Périlleux, Simba…
Si on revient en arrière, regardons : la première année avec Jeannot, il n’y avait pas tant de joueurs expérimentés que ça, mais ils étaient là depuis longtemps. Et la deuxième année, il a dû se dire « maintenant on met des joueurs qui ont un vécu ». Tu prends des joueurs qui ont un vécu, mais si ton football est trop défensif… à un moment donné, il y en a sur le banc qui disent « mais on ne touche pas assez de ballons ! », les joueurs commencent à râler ! Nous on était jeunes, on se taisait, mais quand tu as des Simba, Friis-Hansen, Périlleux, ils ont envie de jouer au ballon ! Et Jeannot avait peut-être trop tendance à miser sur le physique, le physique, le physique. À un moment donné, quand ils ne voyaient pas le ballon, les anciens se sont dits « ben on joue pas ».
Août 1995 contre le FC Nantes de Reynald Pedros
Et ça a changé quand Cavalli est arrivé n°1 ?
Alors Cavalli était jusque là n°2 et, à cette position, tu vois à peu près ce qu’il se passe dans le groupe. Même si Fernandez est ton collègue, et même plus que ça car je me rappelle quand ils se sont présentés à mon arrivée, ils se disaient amis et très proches, tu vois que ça ne marche plus. Donc il parlait beaucoup avec les joueurs quand il était n°2, surtout avec les joueurs expérimentés. Quand il a su qu’il allait reprendre l’équipe, je me souviens avoir reçu un coup de fil : ça m’a étonné qu’il m’ait appelé mais ça m’a fait plaisir. Il a appelé certains cadors et il a vu certains joueurs, parmi les anciens. Je lui ai dit que j’étais lillois, qu’on était là pour tout donner, qu’on vivait mal cette situation ! Je crois qu’il avait besoin de s’assurer de ma loyauté. Et il m’a donné une confiance inouïe en milieu de terrain. Il s’est appuyé donc sur certains joueurs, il a mis sa patte, petit à petit et les résultats sont arrivés, on a réussi à s’en sortir.
C’était chaud cette saison-là ! Heureusement, il y a cette victoire inattendue à Paris en fin de saison…
Le but de Patrick Collot ! Oh, Bernard… Je l’ai tellement charrié. Je lui ai dit « t’as pas voulu qu’on descende, hein ? ». Il était mal ! Il me dit « arrête, arrête, c’est bon… ».
Avril 1996 après la miraculeuse victoire du LOSC au Parc des Princes
« Avec ma blessure, j’ai tout pris sur la tête »
Et la saison suivante en 1996/1997, c’est tout l’inverse. Un super début de saison et une fin calamiteuse. Mais le LOSC était 4e en novembre, c’était incroyable.
Cavalli avait créé une équipe pour jouer. On a tous pris plaisir en début de saison. Au milieu, on a fait un boulot de fou : il fallait libérer les espaces pour Banjac, qui trouvait Becanovic très facilement. Les automatismes étaient là.
Août 1996 face au FC Metz de Robert Pirès
Et malheureusement, tu as vécu la fin de saison en spectateur.
En décembre, notre dernier match avant la trêve, c’était à Nice, un vendredi. On fait 1-1, je marque. Et c’est là que j’ai tout pris sur la tête. Deux jours après, je prends l’avion pour aller en sélection et jouer contre le Congo-Braza. Arrivé en sélection, je me brise la jambe. C’est là que mon ami… comment il s’appelle déjà ?
Cavalli ?
Jean-Michel Cavalli s’éclate en disant que si l’équipe en est là, c’est de ma faute, parce que j’étais parti en sélection. Et… j’ai très mal vécu ça. Lui, il avait déjà son équipe-type, tout allait bien, des automatismes étaient en place. Et désormais, il manquait une pièce. C’est là que l’équipe n’a plus tourné, à la reprise en janvier. Quand il a fait cette déclaration… je l’ai toujours en travers de la gorge. Il dit que les contre-performances de l’équipe étaient de ma faute car j’étais parti en sélection. Pour lui, tout venait de là !
Il t’a tout mis sur le dos.
C’était très compliqué parce que moi, de l’autre côté, on me dit qu’il n’est pas sûr que je remarche ou que je recoure. On me présente les choses en me disant que si je remarche, j’ai de la chance. Donc rejouer, c’était impensable. En fait, dans ma tête, c’était fini : j’avais oublié le foot. J’ai fait mon deuil. Et alors quand j’ai vu ce que Jean-Michel avait dit… je me suis complètement détaché. Je regardais désormais ça de loin. Là, dans ma tête, ma préoccupation c’était « sur quoi je vais bien pouvoir rebondir dans ma vie ? ». Et puis je ne l’ai plus jamais eu au téléphone. C’est aussi dans ces moments-là que tu apprends et que tu grandis. Quand tu es valide, il y a du monde hein… mais quand tu es out, même s’il me restait 1 ou 2 ans de contrat, tu es complètement à part. Voilà. Donc ce qu’il s’est passé sur le terrain en cette fin de saison, j’avoue que j’ai zappé. C’est là qu’on est descendus ?
Oui.
J’ai pas suivi, sincèrement. J’étais complètement à l’écart.
Jamais rassasié, il tacle même ses coéquipiers
Au-delà de l’entraîneur qui te laisse tomber, comment se comporte le club envers un joueur blessé comme toi, sur une longue durée ? Tu as quand même un suivi médical du LOSC ?
J’étais d’abord à Saint-Jean-de-Monts en Vendée, je suis resté là-bas plus longtemps que prévu parce que ça ne se remettait pas. Et après, oui, j’étais en lien avec les médecins du club, mais je me sentais un peu étranger. Je ne fréquentais que la salle où il y avait le kiné. Le club vivait déjà un moment difficile, je ne voulais pas faire pleurer sur mon sort mais encore une fois, je me demandais si je pourrais remarcher. Déjà, marcher c’était important. Jouer, dans ma tête, ce n’était plus possible. Remarcher correctement, ça a pris plus de temps que prévu. Je venais quand il n’y avait personne. Quand je savais que le stade était vide, je venais aux séances, ou je venais les jours où il n’y avait pas d’entraînement… J’étais mal à l’aise.
Tu as l’impression d’avoir été arrêté à un moment-clé de ta carrière ?
Oui, clairement. J’ai l’impression parfois de ne pas être allé au bout de ce que j’étais capable de démontrer. En fait, entre le match à Nice et le moment où je prends l’avion pour rejoindre la sélection, j’ai vu Jean Tigana, qui entraînait Monaco. On s’était mis d’accord sur un contrat de 4 ans. Qu’est-ce qui se serait passé…?
« Je n’ai pas oublié l’hommage du public lillois »
Le LOSC descend en D2. Quand le nouvel entraîneur, Thierry Froger, arrive, tu es sur le flanc. Dans ce cas-là, est-ce qu’il t’informe de ce qu’il compte faire avec toi ?
Il est en effet arrivé quand j’étais en convalescence. Froger est venu avec ses idées, et avec ses hommes du Mans : il a fait venir Bob Senoussi et Laurent Peyrelade, des hommes sur qui il voulait s’appuyer, ce qui est tout à fait normal. Tu viens d’arriver, tu prends des joueurs valides ! Moi j’étais encore sur le côté, je revenais tranquillement, heureux de voir que je pouvais courir, mais je n’étais pas pressé : j’étais déjà aux anges. Donc je suis devenu supporter ! Je poussais les gars, pour faire remonter cette équipe, et donc Froger ne comptait pas sur moi au départ, je devais faire mes preuves.
En l’occurrence, tu les as faites, puisque tu as joué souvent avec Froger. Tu étais souvent aligné avec Bob Senoussi. Vous donniez souvent l’impression d’avoir le même profil.
Froger voulait qu’on reste là comme ça (il fait un signe « sur la même ligne ») Si Bob va là (devant), je viens secourir (derrière). Si moi je vais là (devant), Bob passe derrière. Il voulait qu’on occupe le milieu de terrain, et les autres avaient une liberté totale. On devait rester l’un à côté de l’autre, et si l’un décroche, l’autre se positionne au milieu du milieu. Il ne voulait pas que le milieu offensif adverse puisse revenir. Donc il y avait ce milieu de terrain à 2, avec un travail très physique pour nous 2.
Tu as retrouvé les terrains en novembre, contre Nice. Tu te rappelles ton entrée en jeu, très applaudie ?
Ah… Sincèrement, j’étais bluffé. Je savais pas que le public allait me rendre cet hommage. Ça je n’ai pas oublié. J’ai joué avec les larmes aux yeux ce jour-là. Je ne m’y attendais pas. J’étais déjà content d’être là. J’avais déjà eu ma victoire : être là sur le terrain. J’étais un peu perdu.
Le retour de Roger Hitoto contre Nice : l’image en haut ; le son ci-dessous, avec la voix d’Olivier Hamoir sur Fréquence Nord :
Quelques minutes après, Roger est à deux doigts de marquer :
« La fin de saison 1997-1998, c’est presque une erreur professionnelle »
Est-ce que tu as une explication sur la fin de saison, où l’équipe s’écroule ? Sur les 30 premières journées, Lille n’a perdu que 4 fois. Puis 7 fois sur les 12 dernières.
Sincèrement, je ne sais pas. Honnêtement, je voudrais bien te répondre. Je n’ai pas la langue de bois ! Mais franchement… Je me rappelle que certains disaient qu’on choisissait nos matches. Ben non ! Contre des petites écuries, peut-être qu’on prenait les matches à la légère. Ce qui est certain, c’est qu’on aurait dû faire différemment, car c’est presque une erreur professionnelle. Mais je n’ai pas de mots.
Thierry Froger était très contesté par le public. Qu’en était-il dans le groupe ?
On ne partageait pas grand chose. Thierry Froger ne parlait pas, et prenait des décisions sans les expliquer. Donc à partir de là, on ne cherche même plus à comprendre. On est des hommes, je pense que le plus important, ce n’est pas nous, c’est le club et le meilleur moyen de le faire fonctionner. Je ne fonctionne pas avec des états d’âme, mais j’aime la droiture : quand tu es droit, quand tu es franc, tu peux prendre des décisions qui seront respectées. Par principe, on a du respect envers un coach. Mais ne sois pas sournois, apprends à t’exprimer… Si tu parles clairement, entre hommes, à partir de là, oui, y a pas de souci. Mais on ne savait jamais ce qu’il avait en tête, le lendemain ça changeait…
Et sur la saison suivante, ta dernière à Lille, le début de saison n’est pas bon non plus. Il y avait quelle ambiance ?
Le groupe avait éclaté, parce que certains joueurs trouvaient que Froger donnait la priorité aux joueurs qu’il avait fait venir. Il n’y avait pas de vraie concurrence et, dans le vestiaire, on vivait ça très mal. Certains ne « méritaient » pas d’être là, mais il les faisait quand même jouer car il les connaissait mieux. Certains gars du vestiaire l’ont lâché. On s’est dits « il est pas honnête dans tout ce qu’il est en train de faire ». Et je me rappelle un jour à l’entraînement, un supporter l’a frappé. Quand il y a eu cet incident, il n’a rien dit, il est parti. Et entre joueurs, on se disait « mais il aurait dû au moins se défendre ! ». En fait, il a réagi comme avec nous : alors que ça n’allait pas, il ne disait rien. Récemment, il est parti entraîner chez moi, dans mon pays, au Mazembé. On m’a demandé mon avis, et j’ai dit qu’il n’était pas fait pour l’Afrique.
« Bernard Lecomte, un grand président »
Tu vois ensuite débarquer Vahid Halilhodzic. Tu gardes quel souvenir de cet homme ?
Forte personnalité, avec beaucoup d’idées en tête. Il voulait surtout ouvrir une nouvelle ère, parce qu’on était quelques-uns à avoir vécu des choses pas marrantes avec le club, la descente, la montée ratée… Mais lui et moi, ça a pas collé. Faut être clair dans la vie, lui et moi ça a pas collé du tout ! Il y a eu des tensions entre lui et moi, on s’est vraiment pris la tête. Bon, c’était lui le patron… Donc je me suis rapproché de Pierre Dréossi : il me restait encore 2 ans de contrat, il fallait casser le contrat. À mon âge, je ne voulais plus me prendre la tête avec quelqu’un qui arrive avec des idées.
Face à futur Dogue, Ted Agasson
Tu avais l’impression de quitter une équipe qui irait loin ? Que les bases étaient bonnes ?
Quand il est arrivé, il savait qu’il y avait beaucoup de choses à faire. Il avait des idées, et le club, avec Bernard Lecomte et Pierre Dréossi, lui a donné les moyens de les réaliser. Parce que tu peux arriver avec des idées, si tu ne peux pas les appliquer… Là, on lui a donné le pouvoir. À partir de là il a pu faire un bon boulot et ça a permis de rehausser l’image du LOSC, c’était magnifique. Je suis resté supporter du LOSC. C’est marrant parce qu’on se voit de temps en temps au Variétés, mais on ne parle pas de cette époque (rires) !
Ça a été instable au niveau des entraîneurs, mais le président est resté le même : quel souvenir tu gardes de Bernard Lecomte ?
Magnifique. Pour le décrire, je dirais que c’était quelqu’un qui était très à l’écoute, avec beaucoup de sagesse et de recul. J’ai eu quelques tracas, et lui a toujours été là, a cherché des solutions pour m’aider, et aider pas mal de joueurs. Un grand président, qui avait Lille et le LOSC dans le cœur. Avoir un président comme ça aussi passionné et juste… C’est très rare.
Beaucoup ont tenté d’imiter le style capillaire de Roger Hitoto, la plupart ont lamentablement échoué. Ici, Bruno Cheyrou.
« J’ai peu à peu perdu l’envie »
Tu quittes Lille, et là on perd un peu ta trace… Tu pars en Chine ?
Quand j’ai quitté Lille, Beauvais s’est de suite manifesté. Mais je n’avais plus trop la tête au football. J’ai pris le temps, pendant un mois. Et puis un des agents que je connaissais m’a dit qu’en Chine, on me voulait à tout prix, et on m’a fait une proposition. Cet agent me dit : « ils veulent que tu ailles faire une détection de 4-5 jours ». J’arrive là-bas, il y avait de grands joueurs internationaux, qui ont fait des coupes du monde : Valderama était là ! La Chine à l’époque, c’était nouveau au niveau football. Et arrivé sur le terrain, je vois des gens qui courent, je demande « mais ils font quoi ? » ; et on me répond : « tous les clubs attendent ». Voilà comment ça se passait : il fallait d’abord faire un test de Cooper. Les clubs sont là sur le côté, et ils s’en foutent de ton nom : celui qui court le plus longtemps au test de Cooper a le meilleur contrat ! Je dis « Mais qu’est-ce que c’est que ça ? ». Et je te promets : celui qui fait le plus de tours, ils vont tous se battre pour le prendre ! On est comme des chevaux. Mais comment tu peux demander à un joueur comme Valderama de faire le Cooper ? Lui il s’est barré (rires) !
Tu as joué le jeu ?
Oui, j’avais fait un bon truc. 3 clubs se sont manifestés, et après je me mets d’accord avec l’un d’eux, et on m’annonce qu’on doit partir « dans un camp ». Je demande si je peux retourner dans mon hôtel, on me dit « non, on part au camp ». Bon.. On est allés au camp, on a fait des tests là-bas et on y dormait, pas moyen de retourner à l’hôtel, et le stage devait durer 10 jours. Attends, 10 jours ici ? Y a rien ! C’est un ancien camp de… je ne veux même pas savoir. Il paraît qu’ils ont l’habitude. Au bout de 3 ou 4 jours, j’ai craqué, j’ai dit « non, pardon… je ne peux plus ». J’avais plus cette envie-là, de batailler… Non, stop, je suis rentré.
Donc tu n’as pas joué en Chine.
Je n’ai fait que des matches amicaux. En 4 jours au camp, on a fait 2-3 matches. Ils voulaient que je reste, mais je n’avais plus cette mentalité à vouloir me battre.
Et après alors… Qatar ?
Je suis allé au Qatar, où je suis resté un mois et demi, 2 mois. Et après j’ai fait Dubaï, et ça s’est passé de la même manière.
Tu n’avais plus envie ?
Non. Là-bas aussi, quand je suis arrivé, j’ai commencé le stage, mais on n’a fait que des matches amicaux ! Énormément de matches amicaux, et tous les jours, de nouveaux joueurs arrivaient. À l’époque, seuls deux joueurs étrangers pouvaient jouer le match. Donc tu pouvais en avoir autant que tu voulais dans ton effectif, mais seulement deux jouaient. Pfff ! À Dubaï, il y avait un prince qui avait sa petite ville, le désert tout autour. Et un peu plus loin, un autre prince, désert tout autour. Une vie comme ça… Honnêtement, je n’avais plus le moral ou l’envie de faire des efforts. Donc j’ai voyagé, je suis resté 1 mois, 1 mois et demi, j’ai joué des matches amicaux et puis je suis rentré.
Et tu es revenu à Rouen.
J’ai d’abord pris quelques mois au cours desquels j’ai voulu zapper avec tout ça, et j’ai repris avec les matches de gala avec les Black Stars, que George Weah avait repris en main. Là, c’était ici en France. Je ne m’entrainais plus, je ne fais que ces matches-là. Et on vient jouer un week-end près de Rouen, on a fait un big match. Les dirigeants du FC Rouen, le président et l’entraîneur, m’ont approché en présentant leur projet : c’était en 2001, le club était en CFA et voulait remonter en National. Je me suis entretenu 40 minutes avec eux, je les ai écoutés, et j’ai dit : « OK, je suis rouennais, et c’est l’équipe qui m’a permis d’évoluer en tant que pro, donc c’est avec un grand plaisir. Mais si vous voulez qu’on monte réellement, j’ai 2 soldats : Pierre Aubame, un meneur d’hommes, le papa de Pierre-Aymerick Aubameyang, et Bernard Héréson qui a joué au PSG ». J’ai demandé ces deux joueurs car je savais qu’ils étaient des colonels, des guerriers, et qu’ils allaient pouvoir amener leur expérience. Ils m’ont fait confiance et à partir de là on est montés tout de suite. Et après quand on est montés, j’ai vu qu’ils ne gardaient pas mes deux amis. Je n’ai pas voulu aller trop loin, parce que le club montait, et entretemps j’étais en instance de divorce… Mais je suis parti aussi. Je suis retourné jouer à un niveau amateur. Puis le FC Rouen, qui avait fait venir Philippe Chanlot, a retrouvé la deuxième division en 2003.
« Transmettre l’histoire de son pays »
J’aimerais qu’on parle de la sélection nationale, et aussi d’autre chose que de foot, du Congo et de son histoire. La ville dans laquelle tu es née s’appelait Coquilhatville à l’époque coloniale, du nom d’un lieutenant belge. Est-ce que l’histoire, la politique t’intéressent ?
Oui, ça m’intéresse. Avec un père très porté sur les livres, sur les aspects intellectuels, j’ai appris à réfléchir à travers les bouquins, à comprendre le passé et à connaître mon pays. Si tu sais d’où tu viens, tu sauras où tu vas, c’est ma philosophie. Et comprendre l’histoire de mon pays demande beaucoup de recherche. Pendant longtemps, beaucoup d’épisodes m’échappaient, je voulais comprendre, pourquoi ceci, pourquoi cela, pourquoi ces différences dans mon propre pays, pourquoi autant d’ethnies, pourquoi s’appuyer sur « l’ethnie », par rapport à quoi, par rapport à qui… ? Quand tu n’as pas cette richesse, la connaissance de ton pays, il est compliqué de savoir où tu vas. C’est ma façon de voir les choses et j’ai cherché à comprendre. Grâce aux bouquins, j’arrive à plutôt être en paix par rapport à certains événements qui se passent ou se sont passés dans mon pays.
Qu’a t-on en héritage sur le plan politique quand on naît en 1969 dans un pays anciennement colonisé et tout récemment conquis par Mobutu ?
La part de l’héritage quand on est dans un pays comme ça, si je dis « néant », je mentirais. J’aurais aimé que le Congo valorise son passé, et que les enfants qui sont nés de parents congolais puissent rentrer pour comprendre leur histoire. Je pense qu’on ne transmet pas assez l’histoire du Congo, avant que ça ne devienne le Zaïre [en 1971]. Pourquoi c’est devenu Zaïre ? Qu’est-ce qui s’est passé ? La plupart ne connaissent pas cette histoire car les médias actuels sont dans une espèce d’euphorie du présent. Curieusement, on cherche plutôt à transmettre l’histoire de l’Europe que l’histoire du Congo. Si je prends l’exemple des jeunes que je forme, j’ai ici deux jeunes Congolais qui partent signer en pro : ils ne connaissent rien. C’est comme s’il n’y avait pas eu de transmission. Et à partir de là, ils sont toujours à la recherche de quelque chose. Il y aura toujours un vide. Si on ne comble pas ce vide, s’ils ne peuvent pas comprendre d’où ils viennent et qui ils sont, il y aura toujours de quoi satisfaire leur quotidien, mais ils seront perdus. Ils deviendront des suiveurs, pas des leaders. On devient leader quand on a la connaissance de cette histoire, qui permet de poser des bases : tu sais ce que tu es en train de faire. Mais si tu n’as pas ces bases-là… Tu es comme une feuille : tu vas de gauche à droite, tu ne sais pas le pourquoi ni le comment. Tu ne peux pas amener quelque chose de frais en étant seul. Ne pas avoir d’histoire, ne rien savoir de ton propre pays c’est ça qui me fait un peu mal. Être footballeur n’est pas une excuse.
Comment tu as vécu les événements de 1996 et 1997 au Congo ?
C’était difficile… Je ne vais pas faire comme beaucoup de gens qui disent « je ne veux pas faire de politique, je ne fais que du foot ». Là, même si je n’avais pas voulu, la politique s’est imposée à moi. Petit, je n’avais pas grandi avec ma maman et, quand je l’ai retrouvée, c’est devenu le grand amour. Durant la guerre en 1996 et 1997, elle était là-bas et, à l’époque, il n’y avait pas de whatsapp, il n’y avait rien ! J’avais vent des informations, des massacres à Mbandaka. Et je n’avais aucune nouvelle de ma maman qui était au pays. Il fallait éviter de se faire des idées, rester positif, se dire que tout va bien… mais je me mentais à moi-même parce qu’on est un être humain, et tout ce que je faisais à ce moment-là, c’était à moitié, car je ne savais rien sur ma famille. Là, tu commences à penser au pire.
« En 1998, le Congo avait une génération extraordinaire »
Est-ce que ça a eu des répercussions sur ton rapport avec l’équipe nationale ?
Mon père est très attaché au Congo. Quand je suis arrivé à Rouen, chaque fois que je faisais des détections, j’arrivais toujours dans le dernier carré mais on pouvait pas aller plus loin parce que j’étais Congolais ; or il fallait avoir la nationalité française pour aller au-delà. Mais mon père a refusé : il voulait que je reste Congolais. Les dirigeants ont insisté, en disant que ça m’aiderait, et mon père a fini par céder en partie : il a accepté que j’aie la nationalité française, mais il voulait que je garde la nationalité congolaise. Quand j’ai obtenu la nationalité française, à peine une semaine plus tard, les équipes nationales de jeunes sont venues me voir. Cette fois, mon père n’a pas voulu : il acceptait que j’aie ma nationalité française, mais pas que je joue pour l’équipe de France. Donc je n’ai fait que des présélections au niveau français. J’ai fait les catégories de l’Essonne, Seine-et-Marne et après pour l’équipe de Paris, mais là, non, il fallait être français.
Alors, comment as-tu attiré l’oeil de la sélection du Zaïre, puis du Congo ?
Avec Rouen, on a joué un match contre Valenciennes, où jouait mon ami Santos Muntubile1. Bon, on ne se connaissait pas à l’époque. Chaque fois qu’il dribblait, je revenais, et à un moment il m’a insulté en dialecte congolais en me disant… « espèce d’idiot », quoi. Et moi j’ai compris ! Alors je lui ai répondu, en français. Il me dit : « mais attends… t’es congolais toi ? Nous on te prenait pour un Camerounais parce que « Hitoto », tes cheveux etc ». Après le match, on a discuté, et là il a prévenu les gars de la fédération, qui ont fouiné, et ils ont bien vu que mon père était Congolais, que ma mère était Congolaise. Et donc quelques mois après, mon histoire a commencé avec l’équipe nationale.
Avec la sélection, tu as notamment joué la CAN en 1996 et 1998.
Ce sont de très bons souvenirs, même en 1996 en Afrique du Sud, où on n’a pas brillé Cette CAN-là était spéciale par rapport à l’Afrique du Sud, tout ce qui s’y s’est passé, on était tous heureux d’être là, en plus de revoir des amis du championnat contre qui on joue. Il y avait une super ambiance. Mais là où il y avait encore plus d’ambiance, c’est en 1998. On avait une génération extraordinaire, et mon but était de parvenir à amener la plupart des joueurs à venir jouer ici en Europe parce qu’il y avait un talent fou. Et surtout, on a fini 3es de cette CAN, dans des conditions incroyables contre le Burkina-Faso puisqu’on perd 0-3, puis 1-4 à 5 minutes de la fin, et puis on revient et on gagne, ce match-là c’était la folie. Et puis l’ambiance au pays, il y a eu des morts, ils ont fait une fête comme pas possible.
Le 27 février 1998, pour le match pour la 3e place de la CAN, les Congolais, menés 1-4 à la 88e minute, inscrivent 3 buts en 100 secondes !
Il y a eu des morts ??
Ah il y a eu des morts ! À l’époque, quand on parlait du Congo, on voyait des enfants avec des fusils, il n’y avait plus de vie, plus d’ambiance, plus rien. Avoir fini 3es pendant cette CAN, après avoir remonté 3 buts, finir 3e, ça a donné de l’énergie, et les Congolais se sont identifiés. C’était une semaine de folie. Ça tombait bien, même pour moi, car l’organisation de la sélection était chaotique. Tu veux toujours faire pour ton pays et puis… L’erreur c’est de dire : tu es professionnel, il faut comprendre, c’est ton pays, bats-toi pour ton pays. Tu te bats, tu prends ton billet d’avion car on te dit qu’on va te rembourser, tu fais ça 1 fois, 2 fois, 3 fois. Au bout de la 5e fois, il y a un souci ! Tu arrives à l’hôtel, il n’y a personne à l’hôtel, il faut aller à tel endroit… à un moment, je me suis demandé pourquoi je courais. Quand je me suis blessé, c’est le LOSC qui a payé mon billet d’avion pour que je revienne en France ! En plein conflit, on voulait me faire passer par Kinshasa…. OK, c’est mon pays, mais c’est pas parce que je suis professionnel et qu’il faut que je sois bien vu que je dois faire des efforts qui ne sont pas récompensés. Non, à un moment j’ai dit stop, on arrête parce que votre philosophie là, y a un moment j’en peux plus quoi.
On a une dernière question, une question que se posent tous les supporters lillois : est-ce que tu as toujours ta Porsche rouge ?
(Rires) Non, je ne l’ai plus ! Je l’ai revendue juste avant de partir à Dubaï.
Note :
1 Santos Muntubile était la star du Zaïre avec Mobati dans les 80′s. ils ont même joué ensemble en club à Bilima.
Merci à Roger Hitoto pour son accueil et sa disponibilité.
Posté le 18 mars 2019 - par dbclosc
Lille/Guingamp : l’Armortada
C’est long parfois deux mois, et deux mois, c’est le temps qui est passé depuis le dernier match de championnat à domicile, contre le PSG. Entre trêves internationales, coupe nationale et matches à l’extérieur, nous avons vécu ces deux mois sans les filles dans une détresse similaire à celle provoquée par la défaite de la réserve sur tapis vert contre le voisin lensois. Il s’est donc passé pas mal de choses depuis tout ce temps, qu’on va tenter de vous résumer :
Recrues
Le LOSC a enregistré l’arrivée de deux joueuses américaines, Sarah Teegarden et Hannah Diaz ; la première est milieu de terrain et arrive de Caroline du Nord ; la seconde est attaquante et évoluait précédemment au Japon. Devant, l’équipe a longtemps été privée de Sarr, blessée, Coryn est toujours convalescente, et Tolmais s’est elle aussi blessée en février – on lui souhaite quand même un bon anniversaire, c’était le 15 mars ; au milieu, on semble encore avoir du mal à trouver la bonne formule, et le lien avec l’attaque reste à faire : on peut donc considérer que ces renforts ne seront pas de trop, en effet. Leur présentation par le club ici et là.
Sélections
Caroline La Villa est allée faire un stage avec l’équipe de France Militaires du 14 au 17 janvier ; Maud Coutereels a été sélectionnée avec les Red Flames en janvier, puis a disputé la Cyprus Women’s Cup début mars et a fini 3e ; Ouleye Sarr a retrouvé la sélection française, mais n’a pas joué ; Elisa Launay et Marine Dafeur ont été sélectionnées en équipe de France B et sont allées remporter la Turkish Women’s Cup avec de larges victoires ; Carla Polito, Julie Dufour et Mary Innebeer ont retrouvé l’équipe de France U19 ; Esther Buabadi l’équipe de Belgique U19 ; et chez les plus jeunes, on a eu Maité Boucly et Charlotte Sawaryn en U18, Eva Fremaux et Orphée Lefebure en U17 et Noémie Mouchon en U16.
Médias
Hop, des nouvelles de Lina Boussaha, de Morgane Nicoli (émissions du 28 février et du 14 mars) et de Justine Bauduin.
Coupe de France
Le LOSC a poursuivi son parcours en coupe de France, en éliminant ESAP Metz 2-0 (Lernon et Sarr), puis La Rochelle, pour d’heureuses retrouvailles, 2-1 (Lernon et Boussaha) et enfin le Paris FC, première équipe de l’élite sortie par les Lilloises (1-0) grâce à un but de Boussaha, pas le plus beau du monde, voyez ci-dessous, mais ça compte aussi. Bon ben les voilà en finale ! Ce sera à Châteauroux, le 8 mai, contre Lyon.
Championnat
On ne vous cache pas qu’on échangerait volontiers le parcours en coupe de France contre un maintien. Parce qu’après la défaite contre le PSG, les filles ont enchaîné deux nouvelles défaites, et voient leur position devenir critique en queue de classement. En championnat, le LOSC s’est d’abord incliné à Dijon, à cause d’un but de Kenza Dali, qui s’invite dans la longue liste des exs qui nous en veulent. Rien de déshonorant de perdre face à une équipe qui avait montré sa supériorité à l’aller, mais il y a vraiment le feu, puisque désormais il y a 5 points de retard sur le premier non relégable. Ce n’est certainement pas en allant à Lyon que les Lilloises pouvaient espérer réduire cet écart ; et pourtant, on y a cru, car Lille n’a perdu que 0-1, et a eu les occasions pour marquer, avec notamment une frappe de Bauduin en fin de match sur la transversale.
Et pour être tout à fait complet, le LOSC a disputé un match amical contre le PSV Eindhoven durant la trêve internationale, entre la défaite à Lyon et la demi à Paris, et ça a fait 0-4.
Rachel Saïdi n°1 et la « mission commando »
C’était le cas dans les faits depuis quelques semaines, ça a été confirmé il y a quelques jours : Rachel Saïdi est la nouvelle n°1, Dominique Carlier ayant été limogé. Elle fonctionnera en binôme avec Christophe Douchez, et annonce par la même occasion la fin de sa carrière de joueuse. On en profite pour vous renvoyer vers cet entretien qu’elle nous a accordé il y a un an et demi.
Lors de la conférence de presse, les deux ont insisté sur l’importance des 3 matches à domicile qu’il reste, et on ne saurait les contredire : le LOSC reçoit Guingamp, Metz puis Soyaux, 3 adversaires a priori à portée du LOSC, et contre qui des victoires semblent indispensables, mais toutefois pas suffisantes. Rachel Saïdi l’a affirmé : « on est dans une mission commando avec ces 3 rendez-vous à domicile ».
Bon, on peut en arriver à ce match contre Guingamp ?
En dépit des défaites, les deux matches en championnat, ainsi que les qualifications en coupe, peuvent avoir redonné une certaine confiance aux joueuses puisqu’il semble y avoir quelques améliorations dans le jeu. Dans un schéma assez défensif et sans trop se découvrir, c’était déjà pas mal contre le PSG ; maintenant, il va falloir apprendre à attaquer et à s’installer durablement dans le camp d’en face.
À vrai dire, nous abordons ce match avec confiance, car figurez-vous que la veille, nous avons croisé Frédéric Biancalani au stade Pierre-Mauroy, et par la même occasion on a découvert qu’il entraînait les filles de Guingamp. Nous l’avons donc gentiment abordé en lui demandant d’être assez sympa car c’est avant tout nous qui avons besoin de points, et il nous a assuré de sa parfaite collaboration.
Il y a pas mal de monde à Luchin cet après-midi. Naïvement, on pensait que le manque récurrent d’affluence était dû à la difficile accessibilité du site. Puis quand on a vu que la Gambardella remplissait les tribunes, on s’est dit que ce n’était probablement pas la bonne explication. Reste alors ce constat désenchantant : les filles attirent moins. Eh ben y a pas de quoi, et on espère bien qu’il y aura autant de monde pour les deux derniers matches, et pas seulement parce que les femmes y seraient invitées. Ces invitations sont justifiées par la proximité avec la journée internationale des droits des femmes le 8 mars. C’est toujours ambivalent car un peu infantilisant comme démarche, mais soit.
Ces débats philosophiques sont bien peu de choses en comparaison d’un scandale grandissant signalé par de nombreux spectateurs/trices et dont nous nous faisons volontiers le porte-parole : il n’y a pas de chocolat chaud à la buvette, laissant l’impression à de nombreuses personnes que c’est un peu fort de café de rester chocolat.
Les personnalités habituelles sont là. Un « Carpentier ! » nous indique à coup sûr que le coup d’envoi de ce Dafeurico n’est pas loin. Côté effectif, Guingamp on connaît pas ; côté Lille, Jana Coryn est toujours absente, et Héloïse Mansuy et Sarah Teertegen sont en tribunes, il y a donc fort à parier qu’on ne les verra pas sur le terrain cet après-midi.
Mon voisin, fidèle lecteur, attire mon attention sur une nouveauté : deux petits panneaux solaires ont été installés sur le chronomètre-qui-ne-fonctionne-pas. On va bien voir si ça améliore ses performances.
Le tunnel d’entrée (ou de sortie) des joueuses n’est pas déployé : belle allégorie de la mission commando et de la perspective du bout du tunnel.
Dernière info d’importance avant le coup d’envoi : le toss aboutit à un changement de côté des joueuses. Il y a du vent mais latéral en mode « en plein dans la gueule » quand on est dans la tribune.
14h30 C’est parti mon kiki !
14h31 Une Guingampaise s’essaie au challenge Marine Dafeur dont le principe, nous vous le rappelons, est d’envoyer le ballon par-dessus la tribune. Malheureusement pour elle, ça tape le haut de la tribune et ça revient. La performance reste donc l’exclusivité de Marine (décembre 2018 contre le Paris FC). Nous rappelons qu’elle a aussi envoyé le ballon sur le haut du tunnel (Dijon, septembre 2018), et même dans le tunnel (Fleury, février 2018), un dernier titre qu’elle partage avec Aurore Paprzycki (Guingamp, avril 2018). Le challenge continue.
14h32 Vous noterez que j’indique l’heure car, évidemment, les panneaux solaires n’y changent rien : le chronomètre ne fonctionne pas. Je regarde donc l’heure sur mon téléphone, qui a cette option.
14h33 Guingamp attaque côté gauche avec une longue ouverture à ras de terre de Tyryshkina. Jessica Lernon se fait sacrément manger à la course par Louise Fleury, qui lui prend 15 mètres, temporise, repique dans l’axe, crochète Lernon et frappe du droit, et ça va dans le petit filet opposé. But de Fleury ! Enfin, but de Guingamp, mais but de Fleury… But guingampais marqué par Fleury….. En fait c’est un but pour les Bretonnes, mais c’est Fleury qui l’a marqué… Mais pas l’équipe de Fleury, qui joue contre Rodez au même moment et ça fait 0-0… Bon, vous avez compris. Ça fait 0-1. L’opération commando est mal partie.
14h36 Apparition partielle du chronomètre, qui daigne donner le score, mas pas le temps. Ça ne m’arrange pas, car c’est ce qu’il y a de plus facile à suivre.
14h38 Ça cafouille derrière, avec Coutereels qui n’a pas l’air très sûre dans un premier temps, mais le ballon parvient à Launay qui a le temps de dégager mais relance mollement et trouve directement Daouda à 20 mètres. Passe dans l’axe pour Le Garrec qui ajuste facilement Launay du gauche, 0-2. C’est absolument désastreux.
14h39 Qu’on me montre le point réglementaire qui oblige une équipe bretonne à avoir un ou une « Le Garrec » dans son effectif.
14h40 L’opération commando prend l’eau : c’est l’opération commando Cousteau. Complètement à la dérive.
14h41 Première incursion lilloise avec un centre de Lina Boussaha, mais ça ne pose pas de problème pour la gardienne.
14h44 Frappe lointaine de Ekaterina Tyryshkina. Contrairement à notre défense, le ballon flotte, et ça ne finit pas très loin de la lucarne.
14h45 Là, ça combine pas mal : Dafeur remonte côté gauche, passe dans l’axe à Boussaha qui trouve Sarr. Sa frappe du gauche est repoussée du pied par la gardienne, Solène Durand. Ça sent encore la grosse réussite offensive aujourd’hui !
14h49 Coup-franc tiré par Morgane Nicoli à une quarantaine des buts adverses. À la réception, Saar défonce la gardienne, qui s’écroule, et Lernon pousse le ballon au fond. Le but est logiquement refusé.
14h50 La gardienne prend bien le temps de se relever. Encore plus que pour tirer ses 6 mètres.
14h52 Remontée de balle de Boussaha, qui sert Sarr côté droit. Mais Ouleye envoie ensuite vers personne.
14h54 Corner raté de Demeyere, ça arrive bien trop en retrait. Mais Lernon peut récupérer dans la foulée et envoyer un bon centre, la gardienne cueille le ballon sur la tête de Sarr.
14h59 Très belle faute de Marine Dafeur, qui attrape le maillot de son adversaire alors qu’elle est presque par terre.
15h00 Encore Ekaterina tchi-tchi Tyryshkina qui frappe de loin, de l’extérieur du pied. C’est dévié et ça passe au-dessus.
15h02 Solène Durand commence à agacer sérieusement. C’est la deuxième fois qu’elle fait perdre une minute à tout le monde en refaisant ou en faisant refaire ses lacets. Comme elle est habillée en bleu, Didier la traite de « Schtroumpf ». Allons, il existe une Schtroumpfette, même si elle n’est pas le meilleur modèle féministe à proximité du 8 mars.
15h04 Carton jaune pour Jessica Lernon, après un tacle pas joli-joli.
15h06 Il y a de l’énervement sur le banc lillois. Rachel Saïdi a l’air de s’en prendre à quelqu’un, l’arbitre intervient mais on n’a pas trop compris.
15h07 Carton jaune pour la capitaine Julie Debever.
15h08 Les Lilloises cherchent des solutions dans le camp breton, mais rien ne passe. Maud Coutereels s’essaie du droit, de loin et de dépit : c’est largement à côté.
15h11 Après avoir feinté le centre environ une douzaine de fois, Sarr se décide et envoie un ballon dans les 6 mètres. Lina Boussaha est là, elle se retrouve par terre. On croit un temps au pénalty mais c’est une faute pour la défense.
15h14 Ça prend l’eau de toutes parts derrière. Au départ, une attaque de Silke Demeyere est contrée. En deux passes, l’adversaire élimine Dafeur et Polito, et Fleury se retrouve de nouveau seule devant Launay, la dribble chanceusement sur un contrôle de balle trop long, et marque. But de Fleury… de Guingamp… oh et puis zut : 0-3. Le naufrage.
C’est la mi-temps sur ce score catastrophique. Dans cette opération commando Cousteau, le LOSC coule. Et au-delà du score, on sent une impuissance collective qui laisse assez pessimiste sur l’issue du match (et de la saison, du coup). Alors qu’on attendait une équipe soudée et solidaire, puisque c’est le mot d’ordre qui a été passé, et qu’on souhaitait se trouver dans la continuité des matches de coupe ou du match à Lyon, les filles sont dans le creux de la vague, ont l’air paralysées par l’enjeu, ne se trouvent pas, se gênent, et font de grossières erreurs, face à un adversaire dont on pourtant de la peine à percevoir la force.
Au niveau des individualités, Marine Dafeur et Morgane Nicoli derrière, surnagent. Devant, si Lina Boussaha perd beaucoup de ballons, elle a au moins le mérite de se libérer et de proposer des solutions, mais c’est bien insuffisant pour porter l’équipe. La deuxième période risque d’être longue.
15h34 C’est reparti, et nous passons aux indications des minutes, puisque le chronomètre fonctionne ! Quel fascinant fil rouge dans cette saison !
46e Première incursion lilloise avec Diaz qui trouve Boucly dans la surface. Elle tente d’éviter la gardienne mais pousse trop son ballon, et sortie de but.
51e Centre de Sarr depuis la droite. Le ballon arrive sur Demeyere qui pose au sol vers Boucly, qui frappe à côté.
52e Nicoli trouve Dafeur qui frappe, de nouveau à côté. On ne peut pas dire que ce soit brillant, mais au moins les intentions semblent meilleures.
54e Sortie de Jessica Lernon, entrée de Julie Dufour.
On passe à 2 attaquantes, puisque Dufour prend la place de Sarr en position offensive droite, et Sarr monte d’un cran. Polito joue un peu plus en retrait et sur le côté, sans toutefois prendre véritablement la place de Lernon. En gros, on se retrouve dans un 3-2-3-2.
56e Bonne récupération de Boussaha dans le camp lillois, qui transmet à Polito à droite, qui accélère et ouvre vers Diaz. Les Guingampaises semblent dessus mais se gênent. Debever dribble sa gardienne en glissant, Diaz en profite et marque dans le but vide (de justesse) : 1-3. Allez, le vent tourne, ça entretient un petit espoir !
62e La gardienne de Guingamp fait absolument n’importe quoi. On a bien compris depuis le début de match qu’elle n’était pas pressée, mais là elle tarde à dégager alors qu’elle vient de poser le ballon au sol, elle est contrée par Diaz, qui récupère dos au but. Elle s’arrache, en dépit du tirage de maillot de la gardienne et sert Boussaha en retrait qui ne peut armer puissamment. Le ballon est récupérée par Debever dans les 6-mètres. Franchement, Diaz aurait pu/dû tomber là…
63e Sortie de Maïté Boucly, entrée de Justine Bauduin. Ça ne va pas calmer les « Allez Justiiiiiiiine ! » du fan-club. Ah, « allez mon chat » aussi.
64e Bauduin trouve Diaz qui remise parfaitement en une touche vers Sarr, seule à 8 mètres, qui envoie au-dessus.
65e Belle intervention défensive de Coutereels.
67e Boussaha, côté gauche, trouve Sarr, qui centre à ras de terre, c’est dégagé. Mais ça revient sur Bauduin, qui centre au second poteau ; ça semble trop long mais personne ne dégage et Julie Dufour redresse le ballon. Au lieu de s’en occuper, la gardienne lève le bras pour demander un 6 mètres, ça arrive sur la tête de Diaz, qui conclut : 2-3 ! Diaz a le vent en poupe : gardons le cap !
68e Et voilà le soleil.
69e Ce deuxième but, c’est grâce à Justiiiiiiiine.
72e On se demande souvent si Marine Dafeur n’a pas une formation de cirque, car elle fait de drôles de choses avec le ballon. Là, elle le récupère en taclant, le perd, puis le regagne en le bloquant entre ses jambes alors que son adversaire était devant. C’est très curieux mais apparemment, c’est réglementaire. Super deuxième période de Marine !
73e Coup-franc à 40 mètres, côté gauche, pour le LOSC. Dafeur le frappe directement et, avec le vent, c’est sorti de justesse d’une claquette par Durand !
74e Les Lilloises poussent vraiment fort. Les Guingampaises ne sortent plus de leur camp. Seules Dafeur, Coutereels et Nicoli restent derrière, mais elles n’hésitent pas à initier des attaques. Marine Dafeur est probablement la plus impressionnante avec ses incessants allers et retours. Morgane Nicoli fait souvent le coup de la feinte sur une adversaire puis de la passe en avant, souvent longue et précise, et Maud Coutereeels a retrouvé ses repères dans cette deuxième période. Carla Polito gagne davantage de duels. Silke saute toujours plus haut que tout le monde.
80e Bauduin, qui vient d’envoyer un corner directement en sortie de but, se charge d’un nouveau coup de coin. En fait, non. C’est Diaz qui transmet à Bauduin, alors que les Guingampaises, persuadées que Bauduin allait tirer, n’ont mis personne au marquage. Gros manque d’attention mais le centre de Justiiiiiiine est capté par la gardienne.
La gardienne se fait de nouveau contrer par Diaz sur son dégagement ! Mais cette fois l’Américaine ne peut en profiter.
81e Les Bretonnes, complètement dominées, sortent enfin. À 20 mètres, la frappe de Robert est facilement captée par Launay, qui veille au grain.
82e Après s’être driblée elle-même, Sarr garde le ballon et frappe depuis le côté gauche : arrêt de Durand.
83e Diaz s’infiltre dans la surface, est effleurée juste ce qu’il faut sans tomber… Nom de Dieu, il faut qu’elle soit plus vicieuse ! Ça fait deux fois qu’elle doit se laisser tomber !
Corner de Boussaha freiné par le vent. Ça rappelle des souvenirs mais la gardienne le récupère.
84e Carton jaune pour Le Garrec, qui empêche Dafeur de tirer un coup-franc. Le coup de pied de Marine trouve la tête de Boussaha. Ça passe juste à côté, mais il y avait hors-jeu.
87e Toutes à l’abordage ! On ne sait pas si on doit se désoler de voir leurs capacités sous-exploitées au cours d’un match sans comprendre pourquoi ou se réjouir de les voir si enthousiastes et déterminées, mais les filles poussent et c’est beau ! Nouveau corner, côté droit, tiré par Diaz. Sarr se détend et parvient à remiser de la tête à 6 mètres vers Boussaha qui, de volée, égalise du droit ! 3-3, nous revoilà à flots !
90e De la droite, Nicoli envoie à l’entrée de la surface, Boussaha laisse passer, ça arrive sur Ouleye Sarr, sa frappe est déviée par la gardienne et tape la transversale et revient sur la gardienne ! Elles vont même réussir à nous donner des regrets ! Si le match pouvait encore durer 6 ou 7 minutes…
Cool : 1020 minutes de temps additionnel.
Ah non, c’est la 10 (Le Garrec) qui cède sa place à la 20 (Le Moing)
91e Encore un corner de Diaz, qui traverse tout le monde mais arrive à l’entrée de la surface de réparation sur Dafeur, qui frappe fort du gauche : juste à côté ! On était pas loin du chant de la Marine :
C’est à bâbord
Qu’on shooooteuh qu’on shooooteuh
C’est à bâbord
Qu’on shoote le plus fort
94e Dernière occasion, avec un nouveau corner de Diaz, côté gauche. Nicoli arrive lancée, saute au-dessus de toutes et place sa tête : un rien trop haut ! Nondidjuuuuu.
C’est fini sur ce 3-3. Étant donné l’enjeu du match et la situation du LOSC, c’est un score qui ne peut pas être satisfaisant, car il n’amène qu’un point. Trop timorées par une pression négative en première mi-temps, les joueuses ont été logiquement sanctionnées, avant de jouer de façon beaucoup plus fluide quand il n’y avait plus rien à perdre. Le passage à deux attaquantes a été bénéfique et Hannah Diaz, assez transparente en première période – elle n’était pas la seule – a montré de sacrées capacités à emmerder la défense adverse, en plus de marquer. Comme contre le PSG, les entrées de Justine Bauduin et de Julie Dufour ont apporté davantage de justesse et de technique. Elles ont aussi permis de mettre en valeur Carla Polito, bien plus à l’aise dans la dernière demi-heure.
Nous saluons Frédéric Biancalani après le match, bien sympa. Notre accord n’aura finalement valu que pour la seconde période.
Le sentiment d’être revenues de loin ne peut pas faire oublier que Lille avance trop lentement. Heureusement, Metz a perdu contre Montpellier (0-7), et l’écart n’est plus « que » de 4 points. Mais cette remontada à l’Armoricaine peut donner des idées sur lesquelles s’appuyer pour les prochains matches : quand les filles se lâchent, elles sont capables du meilleur : mettre la pression sur l’adversaire, jouer collectivement, être agressives, se créer des occasions et, surtout, marquer. Ça reste mal embarqué, mais la deuxième période a évité une vraie galère. Le prochain match, c’est le 30 mars, contre… Metz. La victoire est indispensable. Astuce : se dire avant le match qu’on est menées 0-3 et qu’il faut tout faire pour revenir. C’est toujours dans des situations compliquées que ce LOSC-là a montré son meilleur visage cette année et, dans ces cas-là, il se peut que le maintien ne soit pas la mer à boire.
Vivement le prochain match, qu’on en finisse avec tous ces jeux de mots débiles autour de l’eau. On fera sur le vin la prochaine fois, c’est la spécialité du prochain adversaire, le fameux vin de Metz.
Le résumé du match :
Les comptes-rendus des matches précédents :
Lille/Lyon : Les carottes sont que huit
Lille/Dijon : Le coup de mou tarde (à nous quitter)
Lille/Fleury : Un point c’est tout
Lille/Montpellier : A la bonne heure
Lille/Bordeaux : Un LOSC bien bouchonné
Lille/Paris FC : Paris Fessé
Lille/Rodez : La rechute
Lille/PSG : Paris est une défaite
Notre entretien avec Dominique Carlier (août 2018)
Notre entretien avec Rachel Saïdi (août 2017)
Notre entretien avec Silke Demeyere (mars 2018)
Posté le 15 mars 2019 - par dbclosc
1960, 1989, 1997, 2000. Quatre glorieuses de la formation losciste
On en a longuement parlé dans cet article : en 1977, le LOSC est gentiment invité par la mairie à se « régionaliser ». Conséquence concrète : en février 1978 est inauguré le centre de formation du club qui, comme son nom l’indique, a pour vocation de former de jeunes joueurs à la pratique professionnelle du football. La saison 1977/1978 voit l’apparition régulière en équipe première d’Alain Tirloit, Jean-Paul Delemer, Pierre Dréossi et Stéphane Plancque, eux qui jusqu’alors évoluaient avec la réserve dirigée par Charly Samoy et qui intègrent de fait le nouveau centre de formation. La première « rentrée des classes » du centre, à l’aube de la saison 1978/1979 voit les arrivées des Mottet, Froger, Henry, J-M Vandamme… Tous ces joueurs ont, à l’époque, entre 16 et 19 ans, et seraient aujourd’hui plutôt considérés comme « post-formés » au LOSC. Le centre de formation concerne donc de jeunes adultes, qui ont déjà un parcours de formation ailleurs. C’est progressivement que le centre va ouvrir des sections pour des catégories plus jeunes et proposer la possibilité d’un parcours et d’une formation sur un temps bien plus long. Depuis lors, Bernard Lama, Franck Ribéry, Fabien Leclercq, Eden Hazard, Sébastien Pennacchio, José Saez, Mathieu Maton, Martin Terrier ou Geoffrey Dernis, arrivés à des âges variables, restés sur des durées plus ou moins longues, et avec des destinées footballistiques diverses, ont pour point commun d’avoir fréquenté le centre de formation du LOSC. Si ce sont les joueurs qui contribuent le plus à visibiliser la valeur d’un club en matière de formation, dans les faits rares sont ceux qui embrassent une carrière professionnelle : le professionnalisme comme débouché est bel et bien l’exception. Ainsi, même quand le LOSC est arrivé au sommet dans les catégories de jeunes, peu de ses joueurs ont percé en équipe première.
Mais si le LOSC est grand, le LOSC est beau, c’est aussi parce que ses jeunes ont brillé : on s’arrête ici sur 4 grandes performances du centre de formation lillois. On retrouvera le palmarès complet du centre et quelques informations sur le site du club.
Avant le centre de formation : la coupe Gambardella 1960
Bien avant l’avènement du centre de formation, la jeunesse du LOSC s’est déjà distinguée de deux manières. Le 26 mai 1955, quelques jours avant que l’équipe première n’emporte sa cinquième coupe de France, les juniors du LOSC parviennent en finale de la première coupe Gambardella. Connue sous le nom « coupe des juniors » lors de ses 3 éditions précédentes (1937, 1938, 1939), elle est relancée en 1954 et rebaptisée du nom du président de la fédération française de football entre 1949 et 1953, Emmanuel Gambardella. La Voix du Nord de l’époque relate que « malgré un avantage territorial », les jeunes Dogues s’inclinent 0-3 contre Cannes, sous une grand chaleur en première mi-temps, et un violent orage en seconde. Les buteurs : Lamberti (9e), Bellanti (12e) et Eigenmann (21e), profitant d’une mauvaise interception du Lillois Doisy. Retenez bien ces noms, car vous n’en entendrez plus jamais parler.
Cinq ans plus tard, en 1960, tandis que son équipe première est descendue deux fois en D2 (en 1956 puis en 1959) et termine à une piètre 11e place, le LOSC se console grâce à son équipe junior, qui remporte la coupe Gambardella en battant Quevilly 1-0. Si le parcours des jeunes Lillois est assez aisé jusqu’en quarts de finale, il se complique avec la réception de Strasbourg le 3 avril 1960. L’équipe alignée (photo-ci-dessous) a fort à faire face aux Alsaciens qui comptent dans leurs rangs des joueurs comme Gilbert Gress et Robert Wurtz, futur arbitre. Le LOSC l’emporte 3-1.
Debout : Dacquet, Lemay, Citerne, Lapage, Vaillant, Huart
Assis : Desreumaux, Merlier, Preenel, Femery, Flandrin
Parmi eux, Dacquet a joué 120 matches de championnat en équipe première ensuite ; Vaillant a joué au moins un match et on un doute pour Etienne Desreumaux et Flandrin.
En demi-finale, Lille s’incline à Montpellier 0-1. Vous allez dire : tiens, c’est étonnant de remporter une coupe la saison où on est éliminé en demi-finale. En fait, les dirigeants lillois ont posé une réserve après cette défaite, et ils obtiennent gain de cause : les Montpelliérains ont aligné 4 joueurs transférés de l’intersaison précédente, alors que le règlement n’en tolère que 2. Le match est rejoué – on aurait pu faire gagner le LOSC sur tapis vert hein – le 15 mai à Paris juste après la finale Monaco/Saint-Etienne. Cette fois, les Lillois, dans une ambiance dégueulasse, s’imposent 3-0 grâce Desreumaux, Flandrin et Merlier. Après le troisième but, les Montpelliérains ne reprennent même pas le match et filent aux vestiaires !
Le redoutable Etienne Desreumaux
C’est donc à Evian que le LOSC remporte son premier titre « junior ». L’unique buteur du match est Preenel (40e). Pour illustrer le fait que les équipes de jeunes étaient bien moins encadrées que ce qu’on connaît aujourd’hui, les vainqueurs de la Gambardella 1960 n’avaient pas d’entraîneur attitré pour la saison. Le jour de la finale, c’est Jules Vandooren, ancienne gloire de l’Olympique Lillois et désormais l’entraîneur de l’équipe première, qui prend place sur le banc pour coacher les petits !
1989 : champion de France Cadets
Ancien gardien de but de Lille (1970-1975) avec qui il a été champion de D2 en 1974, Jean-Noël Dusé a débuté sa carrière professionnelle à Grenoble, puis est allé du côté de Quimper, Tours, Rennes (avec qui il remporte un nouveau titre de D2 en 1983), puis Limoges. Après avoir stoppé les ballons, il stoppe sa carrière de gardien en 1986 et revient à Lille. En 1987, il prend la succession de Jean Cieselski et prend en main les destinées des jeunes stagiaires et aspirants du club. En outre, il s’occupe des cadets nationaux, avec Pierre Michel et Jean-Luc Saulnier.
À l’issue de la saison 1988/1989, il emmène les cadets du LOSC au titre de champion de France. On avait notamment parlé de cette génération avec Joël Dolignon. Son bilan est exceptionnel : deux ans d’invincibilité ! Et malgré les absences de Farid Soudani (22 buts) et Amadou Lô, tous deux blessés, les Dogues signent un ultime succès en finale du championnat contre le Paris FC à Pontivy (1-0) après avoir sorti Le Havre en huitièmes (7-1), Metz en quarts (4-1), et le PSG en demies (2-0). À l’aube de la saison 1989/1990, six de ces joueurs sont d’ores et déjà intégrés à l’équipe de D3 : outre Oumar Dieng, déjà habitué à jouer à ce niveau, arrivent Guikoune, Soares, Leclercq, le gardien Menendez, et Soudani.
Parmi les plus connus, on reconnaît sur cette photo ceux qui ont joué en pro : Fabien Leclercq, Cédric Carrez, Joël Dolignon, Frédéric Dindeleux
1997 : Champion de France 15 ans Nationaux
La catégorie des 15 ans est la première catégorie où se forge un palmarès probant et le niveau auquel les joueurs se constituent une carte de visite nationale. En 1996, le LOSC avait terminé deuxième de sa poule derrière Amiens puis avait échoué en quarts de finale du championnat. De nouveau, il termine 2e avec 15 victoires, 3 nuls, 4 défaites, 70 buts marqués et 23 encaissés, mais va cette fois aller au bout.
Et pourtant, en septembre 1996, le jeune groupe lillois semble miné par divers problèmes et l’ambiance laisse à désirer. Mais, sous la houlette de Rachid Chihab, un joueur va se révéler : Kader Zelmati. Leader technique de l’équipe, il débute aux Asturies, avant de jouer à Lens jusqu’en pupilles 2e année. Mécontent du poste où on le faisait jouer, il retourne dans un vrai club de foot en rejoignant Douai. Au cours de la saison 95/96, son équipe affronte le LOSC, sous les yeux de Rachid Chihab, fort séduit. Jean-Michel Vandamme fait le reste.
Lors du tournoi de Pentecôte de Saint-André, ce LOSC-là fait forte impression en s’imposant, devant des clubs du calibre de Benfica ou de l’Atlético Madrid. En championnat national, il sort Châteauroux en 16e (4-1), le Red Star en 8e (1-0), Auxerre en quarts (3-0), Saint-Etienne en demi (2-1), et s’apprête à affronter Rennes en finale, à Chantilly.
Sous les yeux du président Lecomte et de 200 supporters, les jeunes Lillois s’imposent 3-1 grâce à Bob Cousin (20e, 89e) et Maton (84e) tandis que les Rennais avaient égalisé par Boulou (80e). Le LOSC est champion de France des 15 ans! Pour Bernard Lecomte, « ce titre est révélateur car c’est celui des centres de formation ». Autant dire que le LOSC qui vient de descendre en D2, nourrit de sérieux espoirs dans cette génération, composée par exemple de Julien Decroix, arrière droit venu de Bergues en 1996, champion de France avec la sélection minime du Nord ; Florian Hamache, défenseur central au gros pied droit ; Kévin Hermann, milieu à l’abattage impressionnant ; ou Matthieu Maton, son meilleur buteur, à l’aise avec les deux pieds. Et pourtant, sur le 11 titulaire de cette année, un seul parviendra à s’imposer durablement dans le monde professionnel : le défenseur central Matthieu Delpierre, précédemment à Nantes. On a parlé plus longuement de quelques-uns de ces joueurs et de leur destinée dans cet article.
2000 : Finaliste de la Coupe Gambardella
Le LOSC a connu le stade de France bien avant la Ligue des champions en 2005 ! En 2000, 40 ans après, il se retrouve de nouveau en finale de coupe Gambardella, face aux Auxerrois entraînés par Alain Fiard, en lever de rideau de la finale de coupe de France Calais/Nantes. Le parcours des Lillois a là aussi été un temps chaotique. Pour Kamil Hamadi, « le déclic pour nous s’est produit après la défaite en championnat contre Le Havre. On avait perdu 5-3 et c’est vrai que nous avions été impressionnés ». À la tête des jeunes lillois, Jean-Noël Dusé : « dans cette équipe, l’envie est venue match après math. À la sortie, cette finale, on la mérite amplement ».
Voici la composition qu’il aligne : Coque ; Bourgeois, Vandewiele, Advice, Zenguignian (Pennacchio 80e) ; Saez (cap.), Debackère, Pierru ; Moussilou, Essaka (Hamadi 83e), Djamba.
Non entrés : Lalys, Khacer, Balijon.
Les Lillois sont fébriles lors des 10 premières minutes ; il faut dire qu’Auxerre est un habitué de ces rendez-vous. Toutefois, Moussilou et Essaka se créent les deux premières occasions du match. Et là, complot météorologique, comme en 1949 (et comme en 1955, si vous avez bien suivi) : un violent orage s’abat sur Saint Denis. Pour Jean-Noël Dusé, « la violente averse en fin de première période nous a un peu déstabilisés. Le terrain est devenu lourd, et a plutôt privilégié le jeu plus physique des Auxerrois ». Résultat, juste avant la pause, les joueurs lillois bafouillent une relance : Girard récupère et centre pour Leroy, qui bat Coque (42e). En seconde période, dans un match assez fermé, ni Moussilou (59e), ni Debackère (60e), ni Zenguignian, sur coup-franc (79e) ne parviennent à égaliser. Le LOSC s’incline mais lance un tour d’honneur, si bien qu’il faut retarder la cérémonie de remise des médailles ! Le LOSC prend encore rendez-vous pour l’avenir, sous les yeux de Bernard Lecomte, qui vient de quitter ses fonctions. Pour Sébastien Pennacchio, entré en fin de match : « on pensait vraiment gagner, alors on est forcément abattu. Mais bon, ce soir on a vraiment eu des frissons (…) Bernard Lecomte était là. Cela nous a fait plaisir. On lui avait promis de ramener la coupe à la Générale de Chauffe. On a manqué à notre parole, mais cette finale restera pour les jeunes une immense fierté et un souvenir irremplaçable ».
Guy Stéphan, adjoint du sélectionneur national, est également présent : « c’est vraiment une performance d’arriver en finale, il faut maintenant voir combien de joueurs de cette équipe parviendront à faire une carrière professionnelle. Si 3 ou 4 y parviennent, alors le club pourra dire qu’il a bien fait son travail ».
Le fidèle Neuneu
Les jeunes joueurs passent, et certains formateurs restent. Jean-Noël Dusé est à la tête des équipes qui arrivent au sommet en 1989 et en 2000. Revenu au club en 1994 après un intermède de 2 ans comme entraîneur des gardiens à Saint-Etienne, il laisse un excellent souvenir. Ceux qui l’ont connu sont unanimes : Jean-Noël Dusé, affectueusement surnommé « Neuneu », outre ses qualités d’entraîneur, est un personnage attachant et sympathique. Comme nous le confiait Joël Dolignon : « Monsieur Dusé était excellent. Avec sa femme, c’étaient un peu nos deuxièmes parents. On les appréciait beaucoup ». Même sans être apprenti-footballeur, par exemple en étant supporter du LOSC âgé d’une douzaine d’années, on l’appréciait, et pas parce que le paternel nous disait : « Non mais quand même, Jean-Noël Dusé, Neuneu ! Grand gardien de but… ». Nous, ça ne nous intéressait pas trop, ça. Pas plus que le fait qu’il soit désormais à la tête du centre de formation. Pour nous, il était surtout ce monsieur très gentil qui nous faisait la causette pendant qu’on attendait que les joueurs professionnels sortent du vestiaire pour faire leur entraînement ! Et une de nos mesures de la qualité du bonhomme, c’est qu’on le voyait régulièrement nourrir les canards qui traînaient autour du stade, ainsi que le prouve ce document exclusif DBC. Faut être un gentil monsieur pour nourrir les canards !
À son retour au LOSC en 1994, il avait pu avoir la satisfaction de voir dans le groupe pro des joueurs qu’il avait dirigés quelques années auparavant : Dieng (juste avant qu’il ne parte pour Paris), Carrez, Dindeleux, Dolignon, Leclercq… En 1989, il disait déjà « si 3 ou 4 de mes cadets parvenaient à intégrer l’équipe pro, ce serait bien ». Après 6 ans dans le staff du LOSC, il rejoint les Verts en 1992 : « mon séjour à Saint Etienne s’est plutôt bien passé, mais je n’ai jamais retrouvé là-bas ce que j’avais laissé ici. Aussi, lorsque les dirigeants lillois m’ont contacté, j’ai sauté sur l’occasion. J’ai vécu trop de choses ici pour oublier ». En plus d’avoir la responsabilité du centre (« j’espère apprendre plusieurs choses aux jeunes ; s’occuper d’une trentaine de gamins, ce n’est pas rien, il faut les aider, les intéresser »), il entraîne également les gardiens du groupe professionnel, avant l’arrivée de Jean-Pierre Mottet à ce poste. Il retrouve une place auprès du groupe professionnel en 2001, jusqu’en 2007.
L’un de ses derniers coups d’éclat ? Un superbe arrêt lors de Lille/Manchester en 2007 : c’est lui qui intercepte la frappe que Mathieu Bodmer envoie en touche pour poser une réserve après le but de Ryan Giggs.
Les photos de 1960 sont issues de l’ouvrage de Paul Hurseau et Jacques Verhaeghe, Olympique Lillois, Sporting Club Fivois, Lille OSC, collection mémoire du Football, Alan Sutton, 1997
Posté le 9 mars 2019 - par dbclosc
1955, un barrage pour rien ? « L’affaire du Red Star »
En 1955, le LOSC, 16e du championnat, est contraint de jouer un barrage contre Rennes, 3e de D2, pour garder sa place en D1. Pour se maintenir dans l’élite en s’épargnant une double confrontation à l’issue incertaine, il lui suffisait pourtant de faire comme Troyes : terminer une place derrière, 17e. Retour sur un complot flagrant lié à une affaire de corruption en D2.
On en a parlé dans cet article, dont on vous recommande chaudement la lecture pour comprendre cette fin de saison : en 1955, le LOSC, s’il remporte une nouvelle coupe de France, réalise un championnat très médiocre qu’il termine à la 16e place et le conduit pour la première fois de son histoire à disputer un barrage, contre Rennes, 3e de deuxième division, derrière Sedan et le Red Star. En effet, lors de la 34e et dernière journée, les Lillois, 13e, qui ont peut-être inconsciemment privilégié la coupe de France et pris à la légère leur dernier match de la saison contre Troyes, 17e, s’inclinent 1-2 à Henri-Jooris. Ils perdent donc trois places, tandis que les Troyens, qui avaient un infime espoir de se maintenir en cas de large victoire et d’autres résultats favorables, restent 17e et sont donc condamnés à la D2. Et comme le barrage entre Lille et Rennes a vu le LOSC s’en tirer assez facilement (7-1 sur les deux matches), voici le dénouement sportif de la saison : les Dogues verront la D1 en 1955-1956, en compagnie des promus Sedan et Red Star, tandis que Troyes et Roubaix-Tourcoing sont relégués en D2, et Rennes y reste. Un verdict logique pour le joueur Troyen Pierre Flamion : « si nous sommes à cette place, nous l’avons bien mérité. Notre équipe était vraiment faible ». Et pourtant, rappelez-vous, on en a parlé ici : à l’issue de la saison 1955/1956, Troyes est (de nouveau) relégué en deuxième division ! Que s’est-il donc passé entretemps ?
Le classement final de D1 1954/1955
Le Red Star, deuxième de D2, mis en cause
Pour comprendre cette affaire, il faut aller voir ce qui se passe en D2. Le 24 juin, le comité directeur du Groupement professionnel (l’ancêtre de la LFP), via son président Paul Nicolas, informe qu’il a ouvert une enquête à propos des agissements de certains clubs de deuxième division. Est particulièrement visé : le Red Star, qui a terminé deuxième du championnat. Une enquête est en cours pour déterminer précisément les responsabilités, mais il est reproché au club audonien d’avoir « offert des surprimes » à des clubs qui affrontaient ses adversaires. Cela signifie donc qui si les faits sont avérés, il y a des complicités dans d’autres clubs. Trois mesures sont d’ores et déjà prises, après l’audition du président du Red Star, Gilbert Zenatti : le Red Star est déclassé (il ne montera donc pas en première division) ; il jouera la saison 1955/1956 en deuxième division ; il n’y aura que 17 clubs en D1 à la rentrée, et donc un exempt lors de chaque journée.
La crise des surprimes
Le président du groupement, Paul Nicolas, fait un point presse le 28 juin pour apporter des précisions sur ce qui est d’ores et déjà appelé « L’affaire du Red Star ». Début juin, le Groupement a lancé une enquête suite à des rumeurs suffisamment graves et persistantes concernant « des manœuvres déloyales et susceptibles d’entacher la régularité du championnat de 2e division » qui auraient été réalisées par des personnes gravitant autour du club francilien. Il précise : « cette enquête n’est pas terminée, mais la gravité des faits m’a mis dans l’obligation de demander au comité directeur des sanctions immédiates. En effet, le Red Star, à maintes reprises au cours des matches retour de la compétition, a versé à des équipes qui rencontraient ses rivaux les plus directs des sommes importantes pour les inciter à les battre. Cela a été prouvé et reconnu ». Il semble que l’alerte soit d’abord venue de Valenciennes, dont la présidence signale dès le mois de mars au secrétariat du Groupement des tentatives d’approches de ses joueurs venant du Red Star. Puis c’est Marcel Langiller (passé par l’Excelsior Roubaix), président du CA Paris qui a fait savoir que ses joueurs avaient touché des surprimes de 5 000 à 10 000 francs pour des matches contre Le Havre et Rennes.
Paul Nicolas, alors joueur d’Amiens, face à l’Iris Club Lillois, en 1931 (photo prise sur le site Azur et Noir)
En guise de preuve, M. Nicolas présente aux journalistes le talon d’un mandat de 120 000 francs destiné à l’entraîneur de Montpellier, Marcel Tomazover (passé lui par le RC Roubaix), suite à la victoire de Montpellier contre Le Havre, qui visait la montée. Ce mandat est adressé par un certain « M. Charles », qui demeure 7 rue de la Condamine à Paris. Or, à cette adresse, résident des joueurs du Red Star, ainsi que l’entraîneur, Charles Nicolas ! Également auditionné, Charles Nicolas dément ces accusations. Oui mais voilà : l’entraîneur de Grenoble, Jean Belver, a affirmé qu’à la suite du match joué par son équipe à Saint-Ouen, Charles Nicolas lui a promis que si son équipe battait les rivaux du Red Star, il recevrait « un bouquet ». Pas improbable, mais difficile d’imaginer qu’il s’agit de fleurs.
♫ Ils ont filé des ronds, vive les Bretons ♫
Comme si c’était une circonstance atténuante qui ne méritait pas la dénomination de « corruption », Paul Nicolas précise qu’à ce stade de l’enquête, on ne trouve pas la trace de joueurs ou de clubs ayant été sollicités pour perdre contre le Red Star : « néanmoins, j’ai estimé, avec le Comité, que le fait d’accorder des surprimes constituait une manœuvre déloyale et que le Red Star, s’il s’est classé second, n’y était pas parvenu sur sa propre valeur ». Concernant les responsabilités individuelles, il semble que les approches d’autres clubs aient été faites par un membre du club des supporters (« Les amis du Red Star »), et « deux personnes de l’entourage » du président du Red Star. Et le président du club ? « Quant à M. Zanetti – que les déclarations faites paraissent mettre hors de cause – on peut justement lui reprocher d’avoir tout ignoré de cette affaire ». À un journaliste qui lui demande si d’autres clubs seraient impliqués, P. Nicolas met hors de cause les clubs approchés, mais affirme que des dirigeants du Stade Rennais ont aisément reconnu qu’avant Besançon/Red Star, ils ont offert 300 000 francs aux Francs-Comtois, en présentant cette démarche comme « une proposition d’auto-défense, pour contrebalancer les agissements – déjà connus, parait-il, dans la cité bretonne – du Red Star »1. Non mais franchement! En tout cas, info intéressante : Rennes, adversaire de Lille en barrage, aurait donc recouru aux mêmes méthodes que le Red Star.
Valenciennes, 5e de D2, brigue l’accession en D1
Les révélations du Groupement mettent particulièrement l’USVA en émoi. Ainsi, le vice-président De Breyne réagit avec véhémence : « Faudra-t-il, pour que Valenciennes mérite sa place en Nationale, qu’il prévoie un budget spécial destiné à alimenter les caisses de ses adversaires ? ». Et si on est si mécontent à Valenciennes, c’est parce que l’USVA a fini 5e, et qu’en l’état actuel des budgets présentés au Groupement (fin juin), le 4e, Le Havre, ne présente pas les garanties pour se maintenir en D2, et donc encore moins pour postuler à la D1 en cas de désistement devant. Or, le Groupement a finalement laissé entendre qu’il pourrait intégrer un 18e club en D1, les Valenciennois se sentent donc lésés mais posent leur candidature à une accession : « une aubaine pareille ne peut se refuser, ajoute M. De Breyne. J’ai écrit à M. Paul Nicolas pour poser la candidature de l’USVA au cas où, pour des raisons diverses, Rennes et Le Havre ne seraient pas retenus ». Il faut traduire « raisons diverses » par : corruption pour Rennes, soucis financiers pour Le Havre.
En Une de la Voix du Nord, 12 et 13 juin 1955
Le Red Star réplique
Suite à la conférence de presse de Paul Nicolas, le président Zenatti tient à réagir, avec une brillante argumentation en 5 points, que l’on vous résume :
1. Ce sont des mécènes étrangers au club qui ont donné de l’argent. Ils pensaient bien faire et agir pour le bien du Red Star « sans pour cela fausser le cours du championnat, puisqu’il s’agissait de primes de victoires ». Ils n’ont fait ça que parce que d’autres clubs « bien placés pour l’accession en Division Nationale » font la même chose. Outch !
2. Y a pas de primes systématiques puisque « à ce jour » (c’est pas un aveu ça ?), seuls deux clubs en ont bénéficié : Montpellier et le CA Paris.
3. Sur la déclaration de Charles Nicolas (entraîneur du Red Star) à Jean Belver (entraîneur de Grenoble) qui promettait « un bouquet » : libre à chacun d’y voir une allusion financière ; « ceux qui veulent n’y voir un encouragement le peuvent également ». Et d’ailleurs, un mois après cette réflexion, Zenatti s’étonne que Belver lui ai proposé ses services pour la prochaine saison.
4. J’ai toujours tout ignoré des interventions des « amis du Red Star ».
5. Là, on vous met le passage in extenso, car ça vaut son pesant de coucougnettes : « le mot « corruption » employé à l’encontre du Red Star, pour désigner le geste d’amis qui accordent une prime à des joueurs pour donner le meilleur d’eux-mêmes semble pour le moins exagéré ».
En conclusion, Zenatti insiste : non vraiment, c’est pas juste, parce que c’est pas des gens de chez nous, et d’autres clubs font pareil, donc si on nous déclasse, il faut les déclasser aussi. Il ne semble guère faire de doute que Zenatti vise Rennes. Mais c’est le dilemme du numéro 9 et du match de poule : qui a commencé ?
Un seul promu, un seul relégué
Le 18 juillet, une nouvelle réunion du groupement apporte de nouvelles précisions. Outre les cas de surprime avérés pour des joueurs de Montpellier et du CA Paris, il s’avère que Jean Belver a bien touché 10 000 francs. En outre, Serge Schoenhenzel, gardien de but de Toulon, a dans un premier temps déclaré dans une déposition par écrit qu’il avait reçu de Charles Nicolas, l’entraîneur du Red Star, la somme de 150 000 francs pour se montrer maladroit lors d’un Toulon/Red Star (0-4). Si l’argument consistant à nier la corruption au motif qu’on ne paye pas des joueurs pour lever le pied était jusqu’alors avancé par Zenatti, ça commence à sentir mauvais ! Convoqué au Groupement, Schoenhenzel se rétracte oralement, et explique qu’il a monté cette histoire de toutes pièces pour nuire à son ex-entraîneur qui ne l’avait pas gardé quand il était chez les audoniens. Mais son récit est si incohérent et ses contradictions si flagrantes qu’il est radié à vie (après consultation de son livret de caisse d’épargne). Enfin, Delmas, capitaine du CA Paris, est venu témoigner que Charles Nicolas lui avait personnellement demandé que son équipe lève le pied, contre le Red Star et de l’argent, on appelle ça un zeugma. Charles Nicolas est également radié à vie, cette radiation étant également effective dans le monde amateur. Le président Zenatti est suspendu 3 ans pour « négligence ».
Concernant l’équipe de Rennes, adversaire de Lille, le Groupement précise que l’enquête continue. Et la Voix du Nord précise bien : « au cours de cette réunion, il ne fut pas un seul instant question des Bretons pour prendre la place du Red Star en Division 1 ». Le Havre, 4e, n’a toujours pas apporté de garanties suffisantes pour jouer en D2, donc hors de question de voir les Normands en D1. Alors, Valenciennes ? Mais le rôle de certains joueurs de l’USVA n’est pas net… En fait, la méfiance s’est abattue sur les clubs de D2. Par conséquent, les clubs de D1 ayant affirmé leur hostilité à un championnat à 17, seul Sedan est promu, et c’est Troyes, 17e de l’exercice 1954/1955, qui sera la 18e équipe de D1.
Epilogue
Seul le Red Star et le gardien toulonnais ont été sanctionnés dans cette histoire. L’enquête du Groupement n’a pas permis d’établir clairement les responsabilités du côté, notamment, de Rennes et de Montpellier.
Question (que vous pouvez facilement identifier par vous-même grâce à la présence d’un point d’interrogation à la fin) : que se serait-il passé si Lille avait perdu le barrage contre Rennes ?
On n’ose imaginer que Rennes accède à la D1, et que Troyes y reste également, alors que les Aubois ont terminé derrière le LOSC ! Plus probablement, on peut penser que si Rennes avait remporté le barrage, il aurait dans un premier temps, logiquement, accédé à la D1. Puis que face aux difficultés du Red Star, Lille, 16e, aurait été repêché. Et qu’ensuite, les affaires autour de Rennes en D1 auraient suscité une enquête plus approfondie, du fait de leur présence en D1. Il se peut donc qu’en cas de corruption des Bretons, l’accession leur soit finalement refusée, et alors Troyes aurait été repêché aussi, puisqu’il semble que les soupçons généralisés sur la D2 empêchent le Groupement de favoriser l’accession des poursuivants du Red Star. Mais à l’avenir, il serait bon que le Groupement reconnaisse directement son rôle actif dans le complot contre le LOSC : si l’enquête avait été lancée dès les premières suspicions, on n’aurait pu s’épargner un barrage, et la vexation de voir le 17e se maintenir en ayant fait une saison encore plus nulle que la nôtre.
FC Note :
1 Besançon s’est incliné 0-6, à vous dégoûter de la corruption.
Posté le 8 mars 2019 - par dbclosc
1955, un premier barrage et une cinquième coupe
Club français au plus grand palmarès de l’après-guerre, le LOSC est en perte de vitesse en 1954/1955 : il est en effet contraint de passer par un barrage pour sauver sa place en première division, à cause notamment d’une fin de championnat bâclée. La saison est toutefois sauvée avec le gain d’une cinquième coupe de France.
Cette saison avait bien mal commencé avec le départ, dans des conditions conflictuelles, du défenseur néerlandais Corry Van Den Hart, qui réclamait une prime de 10 000 francs suite à une nouvelle réglementation sur les internationaux, et que le président Henno refusait de lui octroyer. Le LOSC lui avait pourtant trouvé un remplaçant fin juillet 1954, mais en guise d’arrière central, le club s’est offert l’histoire la plus rocambolesque de son histoire en recrutant un légionnaire déserteur se faisant passer pour le Hongrois Zacharias. Avec la blessure en début de saison du gardien César Ruminski, on se dit que cette saison peut s’annoncer difficile… mais sur le terrain, il n’en paraît rien : lors de l’ouverture du championnat, le LOSC écrase le RC Paris 6-0.
Le LOSC 1954/1955
Debout : Van Cappelen, Clauws, Van Gool, Bieganski, Lemaitre, Somerlinck
Assis : Strappe, Douis, Bourbotte, Vincent, Lefèvre
Moyen en championnat, superbe en coupe
Mais c’est un feu de paille. Alors que Lille, s’appuyant sur une défense intraitable la saison précédente, avait remporté le titre, les absences de Ruminski et Van Der Hart sont pesantes : très vite, on comprend que le LOSC ne pourra pas garder son titre. Il va même probablement connaître le plus mauvais classement de son histoire, ou plutôt le moins bon : au « pire », le LOSC s’est classé 5e lors du dernier « championnat de guerre » en 1945, puis 4e lors du championnat régulier en 1947 et 1953.
Donc pour le moment, rien de catastrophique : nous sommes fin février 1955. La fin de saison s’annonce même peinarde : même si le LOSC vit une saison en deçà des standings auxquels il nous a habitués depuis sa création, la situation sportive après 28 journées (sur 34) est assez claire : en championnat, le LOSC est 7e ! Certes, 13 équipes, de la la 5e à la 17e place se tiennent en 5 points, mais Lille regarde vers le haut. Pourquoi même ne pas tenter d’accrocher le podium, 5 points devant ? (Pour rappel, la victoire est à 2 points ; le 16e dispute un barrage contre le 3e de D2 ; les 17e et 18e sont relégués en D2)
Et surtout, le LOSC est toujours qualifié en coupe de France, dont il a déjà atteint 6 fois la finale depuis la Libération. Après avoir sorti Nantes (3-2), puis Grenoble (3-0), le LOSC a sorti le leader Reims en huitièmes fin mars (1-0), et Toulouse, le deuxième, en quarts mi-avril (1-0). C’est désormais le 3e, Strasbourg, que le LOSC va affronter en demi.
Haie d’honneur des Dogues pour leur gardien Jean Van Gool, qui se marie en avril 1955
Le sprint final
Concentré sur sa coupe, le LOSC traîne en championnat, en ne prenant qu’un point en 3 matches pendant qu’en coupe il éliminait les deux premiers du championnat. Après 31 journées – il reste donc 3 journées – la descente directe en D2 est relativement loin (Troyes, 17e, est à 4 points), mais le barrage, bien que 4 places derrière, n’est plus qu’à 1 point… Faut-il s’inquiéter ? Ou alors des joueurs de la trempe de Bieganski, Strappe, Somerlinck ou Vincent savent doser leurs efforts en priorisant la coupe tout en sachant mettre le coup de collier nécessaire pour obtenir les 2 ou 3 points qu’il manque et assurer le maintien ?
Le 24 avril, pour la 32e journée, Lille reçoit Bordeaux, un autre demi-finaliste de la coupe de France. Si la confiance est de mise côté lillois après la victoire en quart contre Toulouse, la Voix du Nord rappelle opportunément que dès lors qu’il s’agit de championnat, les Lillois perdent de leur superbe. Et c’est précisément ce qui va arriver : le LOSC, bien que devant à 2 reprises, concède le nul (2-2), la faute à un manque d’efficacité des attaquants, notamment Bourbotte et Douis qui « ratèrent des buts faciles et ne surent pas profiter des erreurs d’une défense bordelaise qui parut lourde et mal inspirée ». Ainsi, à la 17e minute, le gardien Bernard relâche une frappe de Bourbotte et « Douis, seul devant le but, reprit la balle pour l’expédier au-dessus de la transversale, alors que le point paraissait immanquable ». Ainsi donc, si Bourbotte ouvre le score (31e), Kargu égalise (41e) ; Vincent redonne l’avantage aux locaux (51e) avant que Grimonpont n’égalise (71e). On apprend après le match que si le gardien des Girondins fut si maladroit, c’est parce qu’il a été handicapé par une sortie à la 5e minute, qui lui a occasionné… une fracture du métacarpe.
Voici le classement : le LOSC prend malgré tout un point sur Metz… et la D2 se retrouve à 2 points. Somme toute, ce point n’est pas une mauvaise affaire.
Après Marseille, serrés comme des sardines au classement
33e journée, direction le Sud pour nos Lillois. Au stade Vélodrome, le LOSC va affronter un OM qui a à cœur de proposer une belle dernière devant son public. Et ça démarre mal : dès la 2e minute, Rusticelli bat Ruminski, puis Luzy fait 2-0 à la 13e. Anderson (44e) puis Marcel (55e) portent la marque à 4-0. Vincent réduit l’écart à la 59e (4-1) mais, débordés en dépit d’un « heading » de Douis sur la barre à la 65e, les Lillois encaissent un 5e but par Rusticelli (75e). 1-5, ça fait mal : « les Lillois n’ont aucune excuse à faire valoir. Ils ont été battus normalement par une équipe marseillaise beaucoup plus rapide ». Et ça fait d’autant plus mal que, pendant ce temps, Nancy a pris un point, et que Metz en a pris 2. C’est donc uniquement grâce à leur goal-average favorable par rapport à Nancy, Metz et Monaco que les Lillois ne sont pas barragistes. Et autre problème de taille : Troyes a également gagné, et revient donc à 2 points de ce groupe de 4. Autrement dit, Troyes n’est pas condamné avant la dernière journée, et va donc disputer son 34e match de la saison pour se sauver… à Lille. On reviendra plus bas sur les enjeux et les scénarios possibles de la dernière journée. En attendant, la Voix du Nord n’est pas tendre avec les Lillois : « nous n’avons jamais eu de fréquentes occasions, cette année, de nous réjouir de la tenue de l’équipe du LOSC (…) Ce que l’amateur ne peut comprendre, c’est que les joueurs du LOSC parviennent à se distinguer en coupe et soient si ternes dans le championnat, depuis la fin de janvier. La débâcle de Marseille est d’autant plus insupportable qu’un seul point aurait suffi aux Lillois pour se tirer d’affaire ».
En route pour la finale
Afin d’évacuer cette cinglante défaite, les Lillois vont pouvoir se projeter dans leur demi-finale de coupe. Pas de chance : Ruminski, gêné depuis le début de saison par un genou, a rechuté. C’est Van Gool qui gardera le but contre Strasbourg, à Colombes. En guise d’amuse-bouche, un amical contre Maubeuge est organisé : Lille gagne au petit trot, en deux périodes de 35 minutes, 3-1 « devant quelques centaines d’amateurs préférant à cette occasion le casse-croûte au plus copieux beefsteack », allez comprendre l’utilité de cette précision dans un article. Les buteurs : Douis, Bourbotte et Lefèvre. Le match s’est terminé avant le clair de lune. Poisse : Strappe s’est blessé : Lenglet devrait donc être aligné comme avant-centre.
La presse régionale s’interroge : face à un adversaire d’une telle qualité, quelle équipe du LOSC allons-nous voir ? « On ne sait plus par quel bout la prendre. Elle est fantasque au possible, instable dans ses résultats ». Même si la coupe semble sublimer les Lillois qui « grâce aux succès qu’ils ont accumulés cette saison, leur laisse un sentiment d’invulnérabilité qui les stimule », c’est surtout, paradoxalement, le beau jeu des Strasbourgeois qui serait un atout pour ce LOSC qui a du mal contre les équipes « au jeu à l’emporte-pièce, mais incisif » comme Nantes, Marseille ou Nancy. Au contraire, « la recherche du beau football, du jeu à ras de terre » de Strasbourg promet un match entre formations aux qualités égales. Bien renseignée, la Voix du Nord balance tout, et après ça se targue d’avoir été créé dans la Résistance : « les Lillois ont prévu une parade : Bieganski ne suivra pas comme l’ombre Stojaspal, avant-centre en retrait. Clauws, dans ces moments, se chargera de l’Autrichien, et Bieganski sera prêt à surveiller Carlier, inter libéré par Clauws ».
9 mai, 15h : c’est parti ! Mauvais présage ? Les Lillois perdent le toss et jouent la première période face au vent. L’avantage, c’est probablement qu’ils joueront la seconde période avec le vent dans le dos. Le LOSC démarre fort, mais ni Douis (3e), ni Bourbotte (4e), ni Vincent (6e) ne trouvent l’ouverture. Les 10 minutes suivantes sont pour Strasbourg, avec 4 corners, dont l’un est dégagé par Pazur, sur la ligne de but, qui supplée Van Gool, battu. Les débats sont équilibrés, ce que reflète le score à la pause : 0-0.
Van Gool s’empare du ballon sous les yeux de, de gauche à droite : Bourbotte, Pazur, Bieganski, Stojaspal et Somerlinck
À la reprise, Lille pousse de nouveau : Lefèvre (53e), Douis (54e), Vincent (55e), puis Lenglet (57e) manquent de peu d’ouvrir le score. Finalement, la libération arrive 5 minutes plus tard : sur un centre de Douis, Lenglet profite d’une hésitation de Borkowski pour ouvrir le score (62e) ! De la 60e à la 70e, le LOSC subit : Van Gool est sauvé par sa barre (65e) avant de réaliser deux superbes arrêts (67e). Et alors qu’on croit l’égalisation proche, Douis envoie un « bolide », un « tir fracassant » de 25 mètres qui fait 2-0 ! Dès lors, les Dogues déroulent et, à Strasbourg, « la pagaille se mit à régner » : à la 75e, Bourbotte fait 3-0 ; Clauws parachève le succès lillois à la 90e (4-0). Lille est en finale, et affrontera Bordeaux.
La Voix salue la « puissance, l’énergie, le sang-froid » des joueurs lillois, Bieganski en tête, ainsi que Lenglet, dont on craignait qu’il ne soit trop tendre pour un match de cet enjeu : « ne crions pas miracle : Lenglet n’est pas Bihel ou Baratte, beaucoup s’en faut. Mais il apporte dans l’attaque une note agressive que l’on ne connaissait plus. Il sprinte pour toutes les balles, même si elles paraissent perdues. Et c’est pour cela qu’il plaît et que parfois, il réussit d’admirables choses. On admire en lui le goût de la lutte, de la hargne. Il donne l’apparence d’aimer son club, de se battre pour lui ». Lenglet a gagné avec cette performance un contrat pro ! Il aurait dû soit retourner dans un club amateur, en l’occurrence Hallencourt, d’où il est originaire, soit signer pro, selon une réglementation nouvelle concernant les stagiaires après une saison dans un club professionnel. Or, la tendance était jusqu’alors au retour de Lenglet à Hallencourt.
La tête à la finale
Après 15 jours d’interruption pour cause de coupe de France et de matches internationaux (au cours desquels 4 lillois ont été sélectionnés en équipe nationale : Bieganski, Louis et Vincent en A, Lefèvre en B), la Division Nationale est de retour. C’est la dernière journée. En bas de tableau, on sait déjà que le CORT est condamné. Pour la descente automatique, Troyes est le mieux placé pour l’accompagner, car il a 2 points de retard sur un groupe de 4 clubs (le LOSC, Metz, Nancy et Monaco) parmi lesquels on trouve probablement le barragiste. On a fait les calculs pour vous : pour se sauver, Troyes doit gagner à Lille. En raison d’une différence de goal-average trop importante, il est improbable que Troyes passe devant le LOSC (il faudrait une victoire de Troyes par 13 buts d’écart). En revanche, en gagnant, les Troyens passeraient à coup sûr devant les Messins, si du moins ces derniers perdent. Donc, pour la dernière journée, Lille s’en sortira quoi qu’il arrive s’il gagne ; en cas de nul, il suffit qu’une des 3 équipes (Monaco, Nancy, Metz) ne gagne pas pour se sauver ; en cas de défaite, il faut que l’une des 3 mêmes équipes perde. Tout autre scénario envoie le LOSC en barrage.
Mais la Voix du Nord le souligne bien : ce qui préoccupe les Lillois, c’est bien la préparation de la finale de la coupe de France : « bien que l’on ne dissimule pas l’intérêt et l’importance de cette rencontre, elle ne retient pas l’attention des Lillois. On considère que Lille battra Troyes. Ce qui compte, c’est la finale. Et plus encore, les billets pour la finale ». Cela fait déjà 8 jours que les supporters du LOSC cherchent à se procurer des places, et le secrétariat du club est « positivement assiégé par des gens très respectables qui sont prêts à de gros sacrifices pour obtenir une toute petite place de tribune ». Le LOSC a obtenu de la fédération 4 500 places (2 000 assises, 2 500 debout). La priorité va aux 1600 abonnés qui, parfois, réclament une place supplémentaire qu’il est difficile de refuser car, selon L. Henno, « chaque saison, ils nous font une avance de 8 millions ». Le président du LOSC s’émeut auprès du président de la fédération que chaque club finaliste ne dispose que de 4 500 places, alors que le stade de Colombes en compte 65 000, et demande une rallonge : « jovial et conciliant comme le sont toujours les présidents, M. Pochonnet a répondu : « mon gros, tu sais bien que je ne peux rien te refuser ! ». Mais Monsieur Henno attend toujours ». Et voilà que le préfet, ses chefs de cabinet, les sous-préfets et chefs de division veulent aussi assister au match, si bien que M. Henno « se fait autant d’amis que d’ennemis en pareille circonstance ». Idem pour Gaston Davidson, président de la section des supporters qui « se trouve des tas d’amis inconnus ».
Pour ce dernier match de championnat de la saison – a priori – le LOSC doit de nouveau faire sans Ruminski et Strappe. De plus, Lemaître, blessé à une cuisse, est remplacé par Van Cappelen. Confiance mais prudence : « les Bonnetiers présenteront leur équipe au grand complet et des attaquants comme Ben Tifour, Winckler, Flamion, Bessonart ne sont pas à dédaigner. Ils donneront du travail à la défense lilloise qui devra se montrer d’autant plus prudente qu’elle sera privée des services de son arrière gauche titulaire Lemaître ».
Ça démarre très bien : après 25 minutes de jeu, Vincent ouvre le score, trompant la vigilance de Flamion. Oui, Flamion, l’attaquant de Troyes, qui a échangé sa place avec Landi, l’habituel gardien, blessé d’entrée de match. À la pause, le LOSC est devant, et l’issue de la saison paraît toute tracée pour les deux adversaires du jour. Et pourtant : « les Loscistes, au lieu de demeurer calmes, d’organiser leur défense comme ils savent si bien le faire en coupe, s’affolèrent, commirent de lourdes fautes de marquage. Figés, parfois incapables de réaction rapide devant des adversaires dont la qualité essentielle était la mobilité, ils furent ballotés de toutes parts ». En début de seconde période, Delcampe égalise, mais « ce n’était pas encore tragique pour le LOSC ». Landi reprend sa place dans le but troyen. Le match se transforme en n’importe quoi, « une pagaille » : « l’enjeu de ce match se limitait à quelques combats singuliers ». Et Troyes porte le danger : « Bessonnart et Ben Tifour semaient la panique dans la défense locale, et chaque fois que Ben Tifour prenait la balle, des sueurs froides coulaient dans le dos des supporters locaux ». Inévitablement, l’international français marquait le 2e but de son équipe à la 68e. Les Dogues attaquent alors de manière désorganisée, sans se créer d’occasion : « Lille était dans un jour horrible et l’on n’arrive pas à comprendre comment en 15 jours une équipe peut se transformer de la sorte ». Le LOSC s’incline 1-2 ; Nancy ayant gagné et Metz et Monaco ayant pris un point, le LOSC est 16e, son pire classement de la saison, au plus mauvais moment : il faudra jouer un barrage pour garder sa place en D1. Ce sera contre Rennes. La coupe de France a-t-elle encore de l’importance dans ces circonstances ?
Ce diable de Ben Tifour poursuivi par Bieganski et ses grands compas
Le 24 mai, dans un éditorial, la Voix du Nord regrette que se soit trouvée réduite « la puissance acquise par la fusion des éléments de l’Olympique Lillois et du SC Fivois (…) Si la ville de Lille, après celles de Roubaix et de Tourcoing, perd tout contact avec l’élite du football français, pour une période dont il sera impossible de déterminer la durée, il faudra bien exposer au grand jour les erreurs commises dans maints domaines, depuis deux ans à peu près (…) Quelqu’un disait à la sortie du stade Henri-Jooris, dimanche, que l’équipe actuelle du LOSC serait nettement battue par les équipes de l’OL et de Fives d’avant-guerre. Elles lui étaient supérieures par la valeur technique de l’ensemble, et plus encore par l’énergie déployée en toutes circonstances. Tout cela qui doit être vrai met le niveau actuel du football lillois à un degré assez bas et explique le désintéressement des foules sportives. Comme quoi nous n’avions pas besoin d’un stade de 40 000 places… ». Oui, ça date de 1955.
Bon ben on se retrouve comme des cons là. On pensait avoir l’esprit libéré pour préparer dans les meilleurs conditions la quête d’une cinquième coupe de France, et voilà que cette finale devient presque superflue.
Les Lillois s’entraînent à Henri-Jooris en attendant leur départ le jeudi soir pour Brunoy, en Seine-et-Oise, où ils résideront à l’hôtel du Cheval blanc. Jean Chantry, de la VDN, y a vu Vincent, Strappe et Douis envoyer des « shoots terrifiants » : « vraiment, on se demande pourquoi ce qui est si bien fait à l’entraînement donne un résultat pitoyable quand il s’agit d’un match officiel ». Une fois arrivé en région parisienne, Strappe a à cœur de montrer qu’il est rétabli pour la finale : « je ne voudrais pas me présenter devant M. Coty sans être en parfaite condition. Ce serait lâche de prendre la place d’un copain et de laisser l’équipe à 10 après un quart d’heure de jeu ». Le vendredi après-midi, détente pour nos Dogues, de passage au vélodrome miniature de Brunoy, où « Lefèvre, Donis, Bieganski s’amusèrent comme des gosses sur des vélos de toutes dimensions » sous l’oeil inquiet de Cheuva, Klès et Dassonville, craignant une bête blessure. Au programme du samedi : footing le matin « cours tactique et conférence » l’après-midi, au cours de laquelle « il sera fait appel aux sentiments : le renom du club, la petite fibre locale y seront particulièrement soulignés, afin de mieux faire comprendre aux footballeurs lillois l’importance de la lutte qu’ils auront à livrer ».
3 trains et « une centaine d’autocars » font le déplacement à Colombes. Événement : la finale est télévisée. Ce n’est pas une première et le parc des téléviseurs est encore assez faible à l’époque, mais c’est notable tant les relations entre la fédération de football et la télévision sont conflictuelles. Toujours la même question : à quel visage du LOSC allons-nous avoir droit ? Celui, pataud, du championnat ou celui, virevolant, de la coupe ? La réponse arrive assez vite : dès la 6e minute, Vincent marque un premier but de la tête sur un centre de Lefèvre initialement repoussé par le gardien : « d’entrée, on eut la certitude que Lille allait gagner. Les loscistes semblaient voler sur le terrain. Ils étaient partout où la moindre once de danger pouvait se manifester. En 3 passes, la balle était devant le but bordelais et, toujours, un shoot partait dans de bonnes conditions ». « Déjà inspirée, soudée et bien en train, l’équipe devint irrésistible » : mis à part quelques minutes autour du quart d’heure où le LOSC subit, rien ne semble plus pouvoir atteindre négativement le LOSC. « Soudain, piqué par on ne sait quelle mouche, Douis se déchaîna. On le vit à droite, à gauche, toujours élégant, souverain » : il centre sur la tête de Lefèvre qui heurte la barre ; un instant après, il inscrit le 2e but lillois après s’être ouvert le but d’une feinte sur le gardien (27e). 3 minutes après, à une quinzaine de mètres du but bordelais, Douis arme à nouveau et surprend encore Astresses : 3-0 ! Face à des Bordelais « débordés, accablés », Bourbotte inscrit un 4e but, en deux temps, bien servi par Douis (34e) : « c’était la ruine totale de ce match ». À la 37e, Lefèvre ajoute même un cinquième but, refusé par l’arbitre pour des raisons que la VDN n’a pas comprises. Pour un ouvrage relatif au football au stade Henri-Jooris que nous avons consulté, si l’arbitre n’a pas accordé ce but, c’est pour « ne pas condamner trop tôt les malheureux bordelais ». Résultat, les malheureux bordelais reviennent à 1-4 juste avant la pause. À l’heure de jeu, ils reviennnent même à 2-4. Mais, à la 75e, Bourbotte conclut la fête en reprenant de volée un corner de Lefèvre. Lille remporte encore la coupe de France, et c’est probablement la plus éclatante de ses finales.
Lefèvre est ravi : « une tête sur la barre, un but refusé, deux autres ratés. Quelle poisse pour cette finale ! ». Mais le LOSC remporte donc sa cinquième coupe de France ! C’est la fête ! Non, ce n’est pas vraiment la fête. André Cheuva a interdit le champagne : « ça vous apprendra ! Vous n’aviez qu’à mieux jouer en championnat ! ». N’attendaient les Dogues qu’« une vulgaire tisane et des bouteilles d’eau minérale ». On apprend finalement qu’un dirigeant bordelais, M. Balarès, est entré dans le vestiaire lillois avec un quadruple magnum de vin blanc : « on ne saura jamais par quelle opération du Saint-Esprit il disparut. Un quart d’heure après, le divin flacon traînait dans un coin, vidé ».
Place au barrage
André Cheuva, après avoir enterré son père le 1er juin, emmène son équipe à Jonchéry-sur-Vesle, dans la Marne, le premier barrage se déroulant à Reims. Il espère bien reconduire la même équipe contre Rennes que celle qui a triomphé en coupe. Il manque Roland Clauws, qui se marie mais reviendra vite à l’essentiel et sera disponible ce week-end.
On connaissait la clause de mariage, voici le mariage de Clauws
Il paraît que les Rennais en veulent aux Lillois, qui auraient « faussé les barrages » en perdant contre Troyes : « contre le LOSC, disent les Rennais, nous n’avons aucune chance. C’est Troyes, Metz ou Monaco que nous aurions dû rencontrer. Lille n’est pas une équipe mûre pour la seconde division ». L’entraîneur, Artigas, est bien plus nuancé : « il apparaît que le LOSC n’est pas le même en championnat qu’en coupe de France. Allons ! Si nous ne devons pas être considérés comme favoris, nous ne devons pas être sacrifiés à l’avance ». L’entraîneur rennais est aussi joueur : à 38 ans, il a décidé de se titulariser en milieu de terrain. Il dit qu’il a bien préparé la confrontation contre le LOSC, notamment en regardant les actualités cinématographiques (une espèce d’ancêtre du JT, qui passait avant le film de la semaine dans les cinémas), où la finale Lille/Bordeaux était amplement développée. Espérons pour lui que les images étaient de meilleure qualité que celles du résumé posté plus haut.
Côté supporters lillois, une micheline fait le trajet jusque Reims : départ de Lille à 8h301 pour un coup d’envoi à 15h ce 5 juin.
Le match est fermé. Les Rennais sont venus pour défendre, et seulement pour défendre. La VDN évoque le « béton breton » : un marquage strict, et la quasi-impossibilité pour les Lillois de se mouvoir. « Les Rennais étaient sur notre dos avant que nous ne soyions en possession du ballon. Nous n’avions même pas le temps de faire une déviation » déplore Lefèvre. De l’autre côté du terrain, l’attaque rennaise n’en est même pas une : « il n’y avait pas d’ailier gauche, et à droite, Aubautret, bon joueur, n’avait rien d’un ailier et multipliait les rentrées vers le centre. Donc, pas d’avants de pointe ». Lille est coincé, et Rennes n’envoie que de vagues centres qu’intercepte sans problème Van Gool. À la mi-temps, c’est 0-0. à la reprise, même scénario : « les Lillois, qui avaient aussi peur que les Rennais, n’osaient pas se découvrir ». À la 54e, les Dogues trouvent enfin l’ouverture : Strappe remonte le ballon côté droit, efface 2 adversaires et centre en retrait ; Douis gêne habilement le gardien et Bourbotte, opportuniste, ouvre la marque ! « Nous vous jurons qu’à ce moment, et à ce moment seulement, les poitrines nordistes se décontractèrent. André Cheuva, sur son banc, sortit un mouchoir et s’épongea ». Le match se termine dans l’ennui. Rennes tente de sortir, mais cette fois les Lillois attendent, et le match s’achève sur une première manche gagnée 1-0.
Pour le barrage retour, les Lillois se mettent au vert à Maisons-Laffitte. Ils sont décidés à ne pas reproduire le scénario du barrage aller, en marquant d’entrée, et en obligeant ainsi Rennes à sortir. Coup d’envoi donné à 16h au Parc des Princes : Rennes, manifestement, a décidé d’attaquer. Il faut dire que les Bretons n’ont pas vraiment le choix. Ils attaquent alors de manière désordonnée : le LOSC plie, dès la 5e minute. Alors que Van Gool est à terre, Baillot frappe, mais de manière précipitée et envoie le ballon à côté. « Dieu seul sait ce qui fut advenu d’une équipe lilloise remontée au score » : Lille tient encore 10 minutes et sort à son tour. Sur sa première attaque bien construite, Vincent centre sur la tête de Bourbotte qui ouvre le score (16e). Le match était déjà plié. Rennes continuait d’attaquer de manière toujours plus inoffensive, et Lille jouait désormais rapidement en contre-attaque. Ce schéma fait alors ressortir l’écart technique entre les deux équipes : les Lillois étaient rapides et précis, les Rennais étaient lents et « monocordes », leurs attaquants se faisant surtout remarquer pour « l’indigence de leurs tirs ». Et à la 36e, logiquement, un dégagement de Van Gool, relayé par Pazur, parvient à Bourbotte qui réalise un doublé : 2-0 à la mi-temps ! Dès la reprise, Bernard Lefèvre fait 3-0 après avoir dribblé Le Boadec et Pinat (48e). Les Bretons, dans la foulée, réduisent l’écart par Artigas, reprenant un tir sur le poteau de Baillot (3-1, 50e). Puis « à chaque action éclatait la supériorité des Lillois » : Lefèvre inscrit un 4e but (63e), puis au but d’une action collective Somerlynck-Strappe-Douis, Vincent place le ballon entre les jambes de Pinat (5-1, 67e)
Bourbotte y va de son triplé à la 71e (6-1). « Le jeu du LOSC était infiniment plus riche, plus complet. Mais on ne le vit que lorsque furent disparus tous les sujets de crainte, car tant qu’il fut en danger, le LOSC joua mal ». Tout à sa joie, un groupe de supporters écrit à la Voix du Nord pour remercier ses journalistes, en particulier MM. Charlet et Chantry, de leurs judicieuses critiques sur leur club durant la saison, et notamment depuis la défaite en janvier à domicile contre Nancy (2-5). En voici un extrait :
« L’euphorie de la victoire ne doit pas faire oublier que le LOSC a une renommée nationale que ses dirigeants n’ont pas le droit de diminuer (…) La saison est finie, oublions les regrets, les déceptions, mais dès maintenant, préparons la saison prochaine. Nous faisons appel à votre sens judicieux, votre connaissance des joueurs, pour que ne se renouvellent pas les erreurs, les situations comiques et cruelles pour nous. L’étonnante renommée du LOSC et de Lille impose, à notre avis, la création d’un comité de gestion qui comprendrait quelques personnalités qualifiées, des représentants des supporters, et surtout des critiques sportifs de la presse de Lille ; ce comité veillerait à émettre des suggestions, des critiques, dont les dirigeants devraient tenir compte pour un rendement maximum.
Nous vous faisons confiance car nous savons votre dévouement au LOSC et à tous les sports où le renom de la ville de Lille est en jeu.
Merci. Vive le LOSC, vive Lille, vive La Voix du Nord »
À l’issue de performances décevantes en championnat, le LOSC se maintient donc en première division. La saison a été marquée par une part de malchance (les blessures de Ruminski et de Strappe), mais aussi par des tâtonnements qui ont lourdement pesé (le remplacement de Van Der Hart, l’incapacité à percevoir le danger de la relégation à partir de janvier). Pour Louis Henno, « ces émotions vont rendre à chacun le goût de la lutte, de l’entreprise. Nous allons nous remuer davantage. Ceci a été une bonne leçon pour nous tous » : ces intentions ne seront malheureusement pas suivies d’effets, puisque dès la saison suivante, de nouvelles erreurs conduisent encore à la 16e place et, cette fois, les barrages ne souriront pas aux Dogues. Finalement, cette saison 1954-1955 marque la fin d’une époque. L’équipe a affiché deux visages : l’un, excellent, en coupe, comme les derniers soubresauts d’une glorieuse décennie, l’autre, inquiétant, en championnat, comme les prémisses d’années bien plus difficiles.
La saison s’achève sur un transfert-surprise
FC Notes
1 Cet horaire est déterminé pour permettre aux supporters qui le souhaitent « d’accomplir leurs devoirs électoraux », indique la Voix du Nord. Mais il n’y a pas d’élection le 5 juin 1955. Mystère.