Archiver pour mai 2019
Posté le 22 mai 2019 - par dbclosc
Lille/Sedan 1999 : l’aube d’une nouvelle ère
Le 22 mai 1999, en dépit de sévères contre-performances au cours des dernières semaines, le LOSC est encore en course pour remonter en D1. La réception du 2e, Sedan, va offrir une performance de haut niveau, dans une ambiance que Grimonprez-Jooris n’avait pas connue depuis bien longtemps. La victoire est au bout (1-0) et, avant la dernière journée, les supporters célèbrent autant l’espoir de montée que la fierté d’avoir retrouvé une équipe au visage si séduisant.
En ce soir de printemps, c’est peu dire qu’avoir encore la possibilité de jouer la montée relève de l’inespéré pour le LOSC : il y a 3 semaines, il s’inclinait à domicile contre le 17e Amiens (0-1) et semblait avoir laissé définitivement s’échapper Sedan et Troyes, 5 points devant, alors que Saint-Etienne est hors d’atteinte depuis un moment. Mais en cette fin saison, les Dogues, aussi décevants quand on les attend que surprenants quand on ne croit plus en eux, se sont donné une nouvelle chance en allant battre Châteauroux, tandis que Troyes perdait. Il reste 2 matches, Troyes est 2 points devant, et Sedan 5 points devant. Arrivent alors les Sangliers à Grimonprez-Jooris. Retour un match qui symbolise la transformation de l’équipe depuis l’arrivée d’Halilhodzic, et qui prélude aux superbes saisons qui suivront.
En dents de scie
Après l’échec de la saison 1997-1998, on croyait cette fois le LOSC taillé pour remonter, avec un recrutement ambitieux, et notamment l’arrivée du buteur Olivier Pickeu. Mais manifestement, les mêmes lacunes et errements ont persisté. Après un mauvais départ (3 défaites, 2 nuls, 1 victoire, 2 buts marqués, 5 encaissés en 6 matches), Thierry Froger est débarqué : il est remplacé par Vahid Halilhodzic. Si l’équipe n’est pas flamboyante, elle a retrouvé des résultats corrects et s’est progressivement replacée à proximité de la 5e place au cœur de l’automne. Quand seuls les 3 premiers montent, c’est encore insuffisant, mais on a tendance à penser que la dynamique est positive et la trajectoire ascendante. Le championnat des Lillois est marqué par des performances irrégulières, avec d’un côté de jolis coups comme une victoire à Caen début décembre (1-0) ou une victoire contre Troyes, 2e à 1 point du leader, début février (1-0) ; mais, de l’autre côté, Lille concède de bêtes nuls à domicile contre Châteauroux en novembre (2-2), Wasquehal en décembre (1-1, après avoir ouvert le score à la… 84e) et perd ses deux premiers matches à l’extérieur de l’année 1999 avec une manière qui laisse à désirer (au Mans 1-2 puis à Nîmes 0-3). Mais il n’empêche : le LOSC est toujours en course et après une belle victoire à Gueugnon en mars (1-0), il pointe pour la première fois à la 4e place, à 3 points du podium. Malheureusement, un déplacement à Saint-Etienne se présente : pas de miracle, le LOSC s’incline malgré une belle résistance (2-3) et se retrouve à 6 points du podium ; puis le LOSC gagne à domicile contre Nice (2-0) et se redonne donc de l’espoir, mais perd de nouveau à Laval (0-1). Au soir de la 32e journée, les Dogues sont toujours à 6 points du podium (mais potentiellement 9 car Sedan compte un match en moins), avec une différence de buts nettement plus faible que celle des 3 premiers.
Après ce match à Laval, Frédérik Viseux, qui faisait enfin ses débuts avec le LOSC après sa longue blessure, semble être le seul à y croire encore : « le championnat n’est pas fini, je peux vous le dire. L’an dernier, j’étais à Sochaux, et à 6 journées de la fin, on avait 7 points de retard sur Lille. Et qui est monté ? ». Sochaux, si vous aviez oublié.
Amiens, la défaite de trop
Pour la réception de Valence le 14 avril, l’accueil des DVE est particulièrement hostile : « chèvres », « bouffons » lit-on sur des banderoles, par opposition aux « héros » de l’après-guerre. Lille bat Valence (2-1) puis va s’imposer chez le 8e, Ajaccio (2-0), et se retrouve à 5 points des 2e (Sedan) et 3e (Troyes). Le LOSC reçoit Amiens, 17e, pour la 35e journée. Cette fois, une banderole côté Honneurs énonce simplement l’enjeu du match : « Victoire = Espoir ». Malheureusement, comme le titre la Voix du Nord le lendemain, c’était la soirée « de tous les gâchis » : entre les occasions manquées, l’envahissement de terrain et la défaite (0-1), Lille a perdu gros. Vahid Halilhodzic remet même sa démission au président, qui la refuse. Plus grand monde n’y croit, de Bernard Lecomte (« C’est un mélange de très grande colère et de très grande tristesse. On domine et on prend un but grotesque. C’est un cauchemar. C’était la marche à ne pas rater. Nous sommes coutumiers de ce genre de faits depuis 2 saisons. Je n’y crois plus. À moins d’un miracle ») au capitaine Djezon Boutoille (« Nous avons certainement manqué l’accession »). Carl Tourenne stigmatise l’ambiance au club : « Une part du public ne mérite pas la D1. Ici, le respect d’autrui n’existe pas ». Et dire que Troyes et Sedan ont aussi perdu… !
Remobilisation générale
Pourtant, une fois l’émotion de la défaite atténuée, joueurs et dirigeants affichent de nouveau un visage conquérant. Comme si, finalement, la défaite contre Amiens ne faisait que confirmer qu’à l’issue d’une saison aussi irrégulière, il n’était pas anormal de ne pas monter, surtout quand on se rappelle que le LOSC était 17e début septembre. Retour aux fondamentaux et au long terme : construire des bases solides à Lille pour retrouver la D1. Cette année, le LOSC est parti de trop loin. S’il a remis sa démission samedi, Vahid est désormais projeté vers l’avenir : « J’ai discuté avec le président. Samedi, j’ai pris la défaite comme un échec personnel, sur le coup d’une occasion extraordinaire que nous venions de rater. Je suis très sévère avec moi-même. J’ai pris tout cela pour moi. Mais il n’y a aucune crise, ni de différend. Le président m’a rassuré sur l’avenir du club. Il me reste une année de contrat et je souhaite rester pour construire ». Bernard Lecomte est sur la même longueur d’onde : « Vahid a eu une réaction d’orgueil qui l’honore. Il a toute notre confiance. Il sera l’entraîneur la saison prochaine. L’esprit de nos discussions porte beaucoup plus sur une prolongation et sur l’avenir que sur autre chose ».
Le LOSC se déplace désormais à Châteauroux, pas très loin derrière. Faut-il encore y croire ? La Voix du Nord rappelle que la situation est bien compromise : « perdre chez soi un match relativement facile en apparence, au moment où l’opposition lâche prise, n’est pas pardonnable. Un dérapage de cette envergure constitue même une erreur majeure dont les conséquences, à trois encablures de la fin du championnat, ne peuvent être a priori que douloureuses ». Et pourtant, les Dogues ne vont pas lâcher. Grégory Wimbée : « ce serait bien de pouvoir entretenir l’espoir jusqu’au bout. L’idéal serait de pouvoir affronter Sedan en ayant un objectif. J’ai suivi l’émission D2 Max sur Canal +, au cours de laquelle Fugen, le joueur de Troyes, se posait beaucoup de questions concernant l’aptitude de son équipe à aller jusqu’au bout de ses ambitions. Nos chances sont infimes. Mais on ne peut pas finir le championnat comme ça ! ». L’entraîneur de Châteauroux, Joël Bats, se méfie des Lillois : « Je connais trop bien Vahid, avec qui j’ai joué au PSG. Il va remonter ses joueurs. On va souffrir ! ». Et en effet, Lille gagne, à la dernière minute : « décidément, ces Lillois sont des adeptes du yin et du yang : à la grande déprime de samedi a succédé une énorme bouffée d’espoir » souligne la Voix. Et si Sedan a gagné, laissant Lille à 5 points, Troyes a encore perdu (à Wasquehal), et voilà que Lille n’est plus qu’à 2 points de la 3e place !
« Les Lillois ont prouvé qu’ils avaient cette dignité morale qui permet aux formations les plus meurtries de se relever » pour le quotidien régional. Au-delà du score, Halilhodzic est satisfait du contenu : « ce qui me fait plaisir, c’est que l’on a montré un bon fonds de jeu, on a été combatifs, solidaires. J’espère au moins que ce succès servira à quelque chose… ». Le lendemain, 15 mai, c’est l’anniversaire de Vahid. Après l’entraînement, il invite jouer et dirigeants à le fêter. Au journaliste qui lui demande son âge, il répond : « le soir de la défaite contre Amiens, j’avais 88 ans. Le soir de la victoire à Châteauroux, j’en avais 27 ».
Des Sangliers à bon port
En attendant la finale contre Sedan, il y a 15 jours à tuer. Pour combler ce trou, les Lillois disputent un match amical contre Tourcoing FC (CFA2) et s’imposent 3-1 (Peyrelade, Boutoille et Camara contre Descarpentries). Et si on ne joue pas en championnat le week-end du 15 mai, c’est parce que Sedan a lui aussi sa finale à disputer, une vraie, contre Nantes en coupe de France. En 1999, il faut dire que les Sedanais sont intenables : c’est la meilleure équipe des matches retours, avec 38 points pris sur les 18 derniers matches, et seulement 2 défaites. Personne ne s’attendait à voir les Ardennais si haut dans le classement, puisqu’ils viennent directement de National, dont ils ont été les champions 1998 sous la direction de l’ancien joueur puis coach lillois Bruno Metsu. Désormais, l’entraîneur est Patrick Remy. Il dirige un groupe composé de joueurs dits « revanchards » qui, dans leur parcours footballistique, ont connu des accidents (blessures, pas de contrat après un centre de formation, relégations sportives…). Résultat : un ensemble a priori hétéroclite mais qui fait fureur, et Sedan est en passe de réussir une deuxième accession consécutive. Comme le résume Vahid Halilhodzic, « vous pouvez prendre des joueurs de divers horizons, mais si vous parvenez à leur faire partager l’aventure et qu’en plus ces gars-là ont une revanche à prendre sur leur propre parcours de footballeur professionnel, voilà qui forme une équipe irrésistible ». Devant, Pierre Deblock, Pius N’Diefi, Cédric Mionnet et olivier Quint forment un quatuor particulièrement redouté tandis que derrière, Sachy dans les buts ou Satorra en défense centrale, permettent à Sedan d’être aussi la meilleure défense du championnat de D2.
Du côté du vieux stade Emile-Albeau, cette génération rappelle les anciennes gloires du club telles que Maxime Fulgenzi, Maryan Synakowski, Marc Rastoll, Yves Herbet, Serge Delamore ou bien entendu Louis Dugauguez, instituteur à Carvin, devenu entraîneur qui gagna 2 coupes en 1956 et 1961, quand le club se nommait Union Athlétique Sedan-Torcy. À l’âge d’or du club, entre 1954 et 1969, l’UAST a disputé 5 fois les demi-finales de coupe de France, 3 fois la finale, et en a remporté 2. 34 ans après leur dernière finale, les Sedanais ont donc l’occasion de remporter un 3e trophée, après avoir sorti Le Mans au tour précédent à l’issue d’une demi-finale épique (1-1 après 90 minutes 4-3 après prolongation (allez voir les 5 dernières minutes ! Il y a 3-1 à la 115e, et Le Mans trouve la barre à la 120e). Sedan est sur 2 tableaux mais la priorité reste au championnat. Patrick Remy souligne : « si j’avais le choix entre jouer une finale de coupe de France et avoir un point de plus au classement, je choisirais ce point ». Tant mieux pour lui car Sedan perd sur un pénalty très litigieux (0-1). Ne lui reste plus que le championnat, et 1 point à venir prendre à Lille.
« Tu es un sanglier, tu es un sanglier ! »
La chasse au sanglier
Il ne reste que quelques jours avant ce match décisif. Lille, bien sûr, doit gagner. Et encore, une contre-performance de Troyes n’obligerait même pas les Dogues à prendre 3 points, mais ils seraient tout de même bienvenus, histoire de garder contact Sedan, qu’il est encore possible de dépasser ! Contrairement à la saison précédente, où le LOSC avait passé presque 36 journées sur le podium avant de s’effondrer, Lille n’a jamais été mieux classé que 4e en 1998/1999. Si on part du principe que l’an passé, les joueurs n’ont pas résisté à la pression de voir revenir des adversaires sur leurs talons, peut-on envisager qu’être à l’affût d’un faux-pas des autres est un avantage ? C’est ce que semble dire Djezon Boutoille : « après tout, c’est nous qui mettons la pression sur les autres. L’an dernier, c’est Sochaux qui était en embuscade et qui nous avait mis la pression…On a pu se rendre compte que contre de grosses écuries, on a fait de très bons matches. Le mental fera la différence. On a un très bon groupe. Depuis que je suis au LOSC, je n’ai jamais senti autant de solidarité entre nous. ». Certes, mais même au pied du podium, Lille a fait preuve de son irrégularité depuis quelques semaines, gagnant là où on ne l’attend pas et se déchirant quand la victoire semblait facilement à portée. Comme le résume bien Pierre Diéval dans la Voix du Nord : « cette situation, inconfortable en apparence, n’est, au fond, que le fidèle reflet d’une saison erratique, sans réelle consistance, mais génératrice quand même d’espoirs. Le chaud et le froid… ».
Le jeudi, les joueurs du LOSC s’entraînent à huis-clos (sous les yeux de 3 journalistes), dans le stade Grimonprez-Jooris, comme pour bien leur faire comprendre la dimension exceptionnelle de ce match. Halilhodzic parle à chacun de ses joueurs, les yeux dans les yeux : « je veux que chaque joueur se sente capitaine de l’équipe. Et tout ce que je peux promettre, c’est une motivation exceptionnelle. Moralement, physiquement et tactiquement, nous serons prêts. À nous de ne pas tomber dans le piège d’un excès de motivation comme ce fut le cas lors des 2 ou 3 matches que nous avons manqués à la maison (…) Lorsqu’on est attaqué de toutes parts, on doit montrer sa force de caractère. Je suis fier de constater que mes joueurs ont eu un comportement d’adultes. Ensemble, nous avons souffert. Ensemble, nous avons eu du plaisir. Ensemble, nous avons fait des bêtises. Ensemble, nous battrons peut-être Sedan et… ». C’est marrant : il n’a pas fini sa phrase et le journaliste l’a retranscrite telle quelle. C’est un peu comme si je… Laurent Peyrelade a mis en garde ses adversaires : « j’ai vu la plupart des joueurs ardennais lors de la soirée des Oscars de Canal +, et je les ai prévenus que ce sera chaud ». Le public va répondre présent : les 15 500 places (c’est à ce moment la capacité maximale du stade) ont déjà été vendues. Vendredi soir, le groupe part à l’hôtel.
Chaude ambiance en tribunes
Samedi 22 mai, c’est le jour J. Le LOSC invite les spectateurs à venir tôt au stade en raison de l’important dispositif de sécurité mis en place. L’ambiance est chaude, également grâce aux supporters sedanais, nombreux : 30 bus ont fait le court déplacement. Première manifestation du soutien que porte le public : une banderole « Merci Vahid, reste avec nous » est déployée depuis le Virage Est. Lui qui voulait démissionner il y a 3 semaines sait désormais à quoi s’en tenir concernant les sentiments que les supporters lui portent. Pour se distancier des « envahisseurs » d’Amiens, d’autres se qualifiant de « vrais supporters » demandent la D1. Le stade est entièrement rouge et blanc grâce à la distribution de maillots du LOSC low-cost du genre « sac à patates ».
Sur le terrain, le seul bémol vient de l’absence de Djezon Boutoille, victime d’une élongation. Mais Halilhodzic l’inscrit tout de même sur la feuille de match, histoire de brouiller les pistes. Par ailleurs, Vahid a laissé de côté Dindeleux, Hitoto et Koot. Frédérik Viseux connaît sa seconde titularisation à domicile. Voici la compo lilloise :
Wimbée ; Viseux, Leclercq, Cygan, Camara ; Tourenne, Landrin, Cheyrou ; Collot, Peyrelade, Pickeu.
Tandis que Pasal Cygan prend conscience que ses cheveux ont disparu, Momo Camara tente de se piéger tout seul à « Coucou, qui c’est ? »
Grand spectacle sur le terrain
On comprend bien vite que les déclarations de la semaine dans la presse n’ont pas été des paroles en l’air : les joueurs lillois jouent vite et jouent bien ! Poussés par leur public, les Dogues attaquent fort, avec une grosse frappe de Collot que Sachy repousse des poings (5e) ; puis Peyrelade s’engouffre à droite et centre en retrait, obligeant la défense sedanaise à dégager en catastrophe (16e). À la 25e, Pickeu remise bien un corner de la tête mais ne trouve personne. Les Sedanais sont bousculés comme ils l’ont rarement été cette saison, et ont toutes les peines à sortir de leur camp. Seul Di Rocco met Wimbée à contribution à la 51e. Lille joue vite et bien, mais toujours 0-0… jusqu’à la 60e. Bruno Cheyrou, omniprésent et régulièrement titulaire depuis quelques semaines, trouve Camara à sa gauche qui, dans la surface, envoie un centre-tir puissant que Pickeu ne peut reprendre. C’est dégagé sur la ligne des 6 mètres en plein sur la tête de Bruno Cheyrou, qui propulse le ballon au fond des filets ! Déjà buteur à l’aller sur une pelouse gelée (1-1), Bruno décrit son but : « je récupère un ballon en milieu de terrain. Après un une-deux avec Collot, je fixe Oliveira et glisse le ballon à Camara qui centre. Elzeard essaie de le sortir, mais je me trouve sur la trajectoire et, de la tête, je trompe Sachy ». Au moment où Cheyrou marque, Troyes est mené sur sa pelouse. C’est la première fois de la saison que le LOSC est virtuellement en D1.
Dans la foulée, Peyrelade est proche de faire le break avec une frappe contrée, au-dessus (65e). Sur le corner, Leclercq échoue sur Sachy (66e). Devant un public survolté, Sedan est étouffé. Peyrelade signe la dernière occasion franche lilloise, mais son tir est repoussé par Quint (76e). La fin de match est haletante, même si Lille n’est pas is en danger. Au bord de la crise cardiaque, Djezon Boutoille est rentré aux vestiaires, tandis que Patrick Collot joue les animateurs pour le public. Djezon peut revenir : le LOSC s’impose 1-0, et sa performance est saluée par la Voix du Nord : « ce n’était pas un LOSC de pacotille ! » ; « un match époustouflant » ; « ces Lillois-là ont un tel cœur ! » ; « les Lillois peuvent se retirer la tête haute ». Côté ardennais, pas de regret : « Lille a mérité sa victoire » commente Patrick Remy. Dans le même temps, Troyes a fait match nul contre Niort, et a égalisé dans les arrêts de jeu.
Communion
Au-delà du score et de l’espoir qu’il fait renaître, on note une communion entre le public et ses joueurs, que seuls de rares événements comme la remontée en 1978 ou la victoire contre Bordeaux en 1985 avaient permis. Tous, à l’instar de la VDN soulignent un « public totalement retrouvé » :
Bruno Cheyrou, un peu maladroit : « ce stade était impressionnant. Une sorte de petit Bollaert. Nous avions besoin d’un tel douzième homme. Il nous aura permis de garder le résultat » ;
Fabien Leclercq : « on a gagné sur tous les plans. On a pu voir un public et une équipe, tous unis. Il y a bien longtemps que je n’avais pas vu cela ici » ;
Patrick Collot : « un tel soutien sur le terrain, on le sent. Ça apporte quelque chose. Ça fait tout de même plaisir de ne plus pouvoir nous entendre parler entre nous » ;
Bernard Lecomte : « ce soir, le LOSC a offert une image positive, presque idéale. Je regrette pourtant que le public ne soit pas venu plus nombreux précédemment. Nous serions peut-être en D1 depuis longtemps ! »
Vahid Halilhodzic : « ce soir, il y avait tout : l’ambiance, le public, la combativité, le panache et la qualité de jeu. Nous avons évolué au-delà des standards de la Division 2, ce qui est de bon augure. Et puis vous avez vu cette communion entre le public et son équipe ? À la fin du match, les supporters tiraient sur ma veste, sur ma cravate. Ils voulaient que j’aille avec eux sur la pelouse. Tous me disaient « il y a tellement longtemps, Vahid, qu’on n’a pas pris autant de plaisir ! » ça fait chaud au cœur d’entendre de telles choses » ;
On en oublierait presque que le LOSC n’a toujours pas son destin en main : lors de la dernière journée, à Guingamp, il devra faire mieux que Troyes, en déplacement à Cannes. Sur les 7 derniers matches, Troyes, en perte de vitesse, n’a marqué que 5 points, là où Lille en prenait 15.
Mais encore une fois, en sachant d’où l’on vient, est-ce là l’essentiel ? Le LOSC a marqué des points en termes d’image ce soir. Et ça, le président Lecomte, qui est en pleine négociation pour l’avenir économique du club, ne manque pas de le souligner et d’en faire un atout pour faire monter les enchères auprès des repreneurs qui hésiteraient encore : « cette victoire contre Sedan va m’aider dans mes recherches d’investisseurs. Après une telle soirée, il n’est pas exagéré de dire que le ‘LOSC-Métropole’ existe vraiment ! Jusqu’ici, on me disait souvent, lorsque j’évoquais l’hypothèse d’un nouveau stade : ‘Allez en D1 et on verra !’ Avec un tel déclic, les points de vue vont évoluer, c’est sûr ! ». Pierre Dréossi renchérit : « Si l’on monte en D1, tout changera. On intéressera beaucoup plus de monde ».
Et peut-être qu’après tout, même si l’espoir demeure, ne pas monter cette année n’est pas une catastrophe. Le public sait depuis longtemps qu’avec Lecomte, le LOSC est bien géré. Il sait désormais qu’avec Halilhodzic, il aura une belle équipe, même pour un an supplémentaire en D2. Avec un peu de patience, le LOSC retrouvera l’élite. Ce soir, c’est comme si la saison 1999/2000 avait déjà commencé.
Posté le 13 mai 2019 - par dbclosc
Pickeu au LOSC : Olive étonne
Auréolé d’une belle réputation de buteur à Amiens, pour qui il vient de marquer 15, 13 puis 17 buts sur les 3 dernières saisons, Olivier Pickeu est lors de l’intersaison 1998 la recrue-phare du LOSC, qui doit permettre de retrouver la D1. Mais l’année va se révéler bien plus compliquée que ce que les promesses d’avant-saison avaient montré.
11 février 1998 : à Grimonprez-Jooris, le LOSC, 3e avec 6 points d’avance sur le 4e, reçoit Amiens, 10e. Alors que le LOSC domine globalement la partie et qu’il a même de bonnes chances en cas de victoire de doubler Nancy, 2e, il entame la seconde période de façon offensive avec la présence simultanée sur le terrain de Patrick Collot, Djezon Boutoille, Stephan Van Der Heyden, Frédéric Machado et Samuel Lobé. Mais il se fait surprendre en contre par une tête croisée de l’Amiénois Olivier Pickeu, dans le petit filet de Jean-Marie Aubry. Pickeu inscrit là son 12e but en 1997/1998 ; il en inscrira encore 5 autres pour parvenir à son meilleur total sur une saison : 17 buts. Parmi le lot de défaites à la con qui ont émaillé la saison, celle-ci tient une bonne place : elle inaugure une série de 7 défaites sur les 13 dernières journées, si bien qu’en mai 1998, le LOSC échoue de peu à remonter en D1, un an après l’avoir quittée.
Histoire de conjurer le mauvais sort, le LOSC recrute donc l’un de ses bourreaux, qui semble constituer une excellente recrue pour un club qui vise la D1 : depuis 1994, sur les 4 dernières saisons de D2, Olivier Pickeu a inscrit 53 buts.
Formé au LOSC
Plus qu’une arrivée, c’est un retour : Olivier Pickeu est né à Armentières et a été formé au LOSC, après des débuts au CS Erquighem puis à la Jeunesse Athlétique Armentièroise : « j’ai l’impression de revenir chez moi, confiait-il à la Voix des Sports en juillet 1998. J’ai commencé à jouer au football ici. Le LOSC, c’est mon club ! C’est une grande fierté pour moi de porter ce maillot ». Sollicité par des clubs de D1 comme Strasbourg, Rennes, Lorient, Sochaux, et plus encore par Nancy, il a privilégié la piste lilloise, à la grande joie de sa mère, Rosiane, à qui il a fait une bonne blague en lui annonçant dans un premier temps qu’il avait signé à Nancy, avant de lui décrocher une larme en lui disant qu’il avait en fait signé au LOSC et qu’il était de retour dans la région. Il aurait même ajouté que la devise du club lorrain serait alors devenue « Qui s’y frotteu s’y pickeu ».
_Président, voulez-vous que je raconte encore une fois ce que j’ai dit à ma maman ?
_Non c’est inutile, mais je me félicite de recruter un joueur à l’esprit-maison : figurez-vous que mes joueurs m’ont fait croire pendant 6 mois qu’on était en D1 alors que là on est en D2
Si l’on en croit ses paroles, outre ses qualités de buteur, son recrutement relève même d’une stratégie délibérée de la direction de jouer sur la « fibre régionale » : « l’amour du maillot fera la différence. Qu’il y ait beaucoup de joueurs issus du club est, à cet égard, important. Pierre Dréossi et le président cherchaient des joueurs ayant la fibre régionale. En ce qui me concerne, je ressens vraiment plein d’émotions dès que je remets ce maillot ».
En 1986, Olivier a 16 ans et évolue avec les Cadets nationaux du LOSC, dirigés par Charly Samoy. Il est alors promis à la 2e division de district (à l’époque la 3e équipe seniors gravissait les échelons du district Flandres), mais il préfère miser sur une hausse de régime à Vichy pour terminer sa formation à l’INF. En en sortant en 1989, un premier contrat pro l’attend, mais pas à Lille… « Charly Samoy avait laissé sa place à Bernard Gardon, qui ne me connaissait pas ». Plusieurs clubs le contactent et, après avoir craqué sur « l’atmosphère un peu britannique » de l’ancien stade de Venoix, l’entraîneur de Caen, Robert Nouzaret, l’appelle pour lui signifier son intérêt pour son profil. Il signe 3 ans à Caen.
Quelques buts en D1…
Au cours de cette première saison professionnelle en Normandie, il entre en jeu à 8 reprises (pour la première fois, c’est à Toulon, en août 1989) sans avoir l’occasion de se mettre en valeur. Il est alors prêté en D3 en 1990/1991, à Tours, où il inscrit en championnat 6 buts. Il participe aussi au beau parcours tourangeau en coupe (élimination en 1/8ème) en marquant le 2ème but contre le Red Star en 1/32ème (2-1) et le seul but du match contre la D1 toulousaine en 1/16ème. Sur l’année civile 1990, il obtient même 5 sélections en équipe de France Espoirs.
De retour à Caen lors de l’intersaison 1991, sa carrière semble cette fois décoller : il inscrit son premier but en D1 lors de sa 3e apparition, contre Marseille en août 1991 (1-3). Cette première réalisation lui permet d’obtenir sa première titularisation en D1 la semaine suivante, à Lyon, où il marque encore (2-2). Ce bon début de saison le propulse titulaire pendant quelques semaines, reléguant Xavier Gravelaine sur le banc. Il en profite pour inscrire 2 nouveaux buts avant la fin de l’été, puis reste calé à ce total de 4 buts jusqu’à la fin de la saison (plus un en coupe de France), alternant titularisations et entrées en jeu, mais contribuant à la belle saison caennaise (5e) qui emmène le club en coupe d’Europe. En 1992, il est transféré à Montpellier, où il emmène Sophie, rencontrée à Caen et qu’il a épousée à Deauville.
Pickeu débute en trombe à Montpellier : il remporte d’abord l’ancienne version de la coupe de la Ligue durant l’été 1992 contre Angers en finale (3-1), en inscrivant le troisième but. En championnat, il inscrit un doublé dès la première journée contre Caen, marque à Toulouse lors de la deuxième journée, puis contre… Lille, lors de la troisième journée. S’il ne tient pas ce rythme toute la saison (ce qui l’aurait amené à un total de 50 buts), il inscrit très honorablement 8 buts en D1 lors de cette saison 1992-1993. Il est transféré à Toulouse, toujours en D1, où il réalise une saison blanche en 1993-1994. Il ne joue qu’un match sur deux et, quand il joue, c’est seulement une fois sur deux comme titulaire. Comme souvent, le TFC est relégué en D2.
Toulouse 1993/1994
Explosion en D2
Titulaire cette fois trois fois sur quatre sous la direction de Rolland Courbis, Olivier Pickeu inscrit 8 buts pour sa première saison en D2 : pas suffisant pour le garder. Il prend alors la direction d’Amiens où, dès sa première saison avec comme coach l’ancien lillois Arnaud Dos Santos, il se révèle être un redoutable buteur. En février 1996, il inscrit un mémorable triplé au Red Star pour une victoire 4-1, dont 2 buts marqués sur des volées lointaines en pleine lucarne. 15 buts pour sa première saison en Picardie, 13 pour sa deuxième, et donc 17 pour sa troisième, dont ce fameux but à Lille, au cœur d’une période qui le voit marquer 5 buts en 10 jours, puisque le match à Grimonprez s’intercale entre deux doublés inscrits contre Martigues et Beauvais, pour deux victoires 2-1. Revient donc à Lille un joueur formé au LOSC, qui a ensuite fait ses premières armes en D1, avant de se révéler comme buteur « made in D2 », au même titre que d’autres noms auxquels les auditeurs des multiplex radio des années 1990 sont familiarisés : Jean-Pierre Orts, Yannick Le Saux, Tony Cascarino, Samuel Michel, Réginald Ray, Guilherme Mauricio ou… Samuel Lobé, l’avant-centre du LOSC, qui vient d’achever cette saison 1997/1998 avec 19 buts marqués, et avec qui il va falloir cohabiter quelques temps.
Une attaque qui pèse lourd
En fait, sur le papier, Samuel Lobé a de meilleurs statistiques qu’Olivier Pickeu. Outre son total de buts sur la saison écoulée, on évoquait plus haut les 53 buts d’Olive en D2 entre 1994 et 1998 : sur la même période, Lobé en a inscrit 68… auxquels il faut ajouter 22 buts inscrits en D3 en 1996-1997 avec Créteil ! Si l’on ajoute à Lobé et ses 19 buts, Pickeu et ses 17 buts, le recrutement de Valois et ses 11 buts, et la présence de Peyrelade (7) et de Boutoille (10), l’attaque de Lille pèse 64 buts sur la saison 1997/1998. C’est 2 buts de plus que ce que le LOSC a marqué lors de l’exercice écoulé, et on n’inclut même pas la présence de joueurs peu connus pour leur maladresse devant le but, comme Renou ou Collot.
Mais voilà aussi un premier problème : cette attaque pèse lourd, trop lourd, et il n’y a manifestement pas de place pour tout le monde. Les matches amicaux le montrent : Samuel Lobé n’a plus sa place dans le 11 titulaire, et le club aimerait s’en séparer. Or, malgré quelques touches en Angleterre, Lobé ne trouve pas de porte de sortie, et se traîne dans l’effectif. Mais pourquoi donc se séparer d’un tel joueur, pour le remplacer par un autre aux stats manifestement moins spectaculaires ? Il faut bien le dire : en dépit de ses buts, Samuel Lobé n’a jamais convaincu à la pointe de l’attaque du LOSC. 19 buts oui, mais 6 pénaltys et, à l’image de l’équipe, une grande difficulté à marquer à l’extérieur, parce qu’il a du mal à faire la différence autrement qu’en marquant des « buts d’avant-centre », c’est-à-dire laids, de près, quand l’équipe joue haut. Pour ainsi dire, Lobé ne participe pas vraiment au jeu. En outre, son manque de mobilité agace. Accessoirement, Lobé a déjà 31 ans, Pickeu en a 3 de moins. Alors, quoi de mieux qu’un attaquant qui court – et, de surcroît, chevelu, donnant une impression de vitesse – pour le remplacer ? Dans sa présentation de l’effectif du LOSC à la veille de la reprise, La Voix du Nord semble faire une gaffe, en attribuant le n°9 à Olivier Pickeu, tandis que Samuel Lobé, titulaire du n°9 en 97/98, se voit accorder le n°10, entre parenthèses bizarrement. Finalement, Pickeu débutera la saison avec le n°10, mais on a bien compris que le n°9 était à prendre.
Pickeu-Viseux
12 ans après son départ, Olivier Pickeu est donc de retour au LOSC. Il est la deuxième recrue du club après la signature de Frédérik Viseux. Les deux hommes, amis, se sont connus à Amiens et ont joué 2 ans ensemble, de 1995 à 1997. Depuis, ils passent régulièrement leurs vacances ensemble et s’appelaient très souvent. Pour Fred, « la signature d’Olivier m’a fait énormément plaisir. Je connais ses qualités de buteur. Nous avons senti au sein du staff lillois une réelle volonté de nous faire signer. Moi, j’ai connu une montée en D1 avec Sochaux, mais je n’y étais pas heureux. J’espère revivre ce moment avec le LOSC et y rester, pour évoluer à l’étage supérieur ».
« Alors Fred, ça t’étonne (de me voir là) ? »
Sportivement, maintenant que toutes les dettes du club ont été effacées depuis le 30 juin, l’objectif est en effet de faire remonter le club, et ainsi éviter de renouveler les erreurs de la saison précédente, avec cette fin de saison en quenouille (c’est pour pas dire en couille), au sujet de laquelle Roger Hitoto nous parlait même d’« erreur professionnelle » : « l’objectif est clair et défini. Il n’est pas insurmontable. J’aimerais tant contribuer à écrire une nouvelle page de l’histoire du club ». Olive a un avis sur ses nouveaux équipiers : « pour les avoir rencontrés, je sais que le groupe avait de la qualité. Non, quand vous avez 6 points d’avance si près du but et que vous échouez, le problème est forcément d’ordre psychologique. C’est une question d’état d’esprit. S’aimer permet de se transcender. C’est ce qui a dû manquer au groupe dans les matches capitaux (…) Je suis agréablement surpris. Les vacances ont fait du bien. Je n’ai pas senti une grosse démobilisation. Je crois surtout que personne n’a envie de répéter les mêmes erreurs et a compris que l’on avait plus de temps à perdre ». Des propos qui corroborent les déclarations des uns et des autres, comme Fabien Leclercq qui, à propos de la dernière saison, évoque de façon lapidaire « trop de divergences ». L’entraîneur Thierry Froger insiste lui aussi sur « l’état d’esprit ». Et il y aura fort à faire, avec la concurrence annoncée de Guingamp, qui a recruté Papin, de Saint-Etienne, Châteauroux ou encore Cannes. En outre, la D2 passe de 22 à 20 clubs : tout le monde s’accorde pour dire que le niveau en sera meilleur ; nous n’avons pas trouvé d’arguments étayant ou infirmant cette croyance.
Quoi qu’il en soit, Lille fait bien partie des favoris pour la montée, et Olivier Pickeu est attendu comme le buteur-vedette. Onze mondial ne s’y trompe pas en le mettant en Une de l’édition régionale ; et la campagne publicitaire du LOSC autour du slogan « Une nouvelle énergie ! » place Pickeu en évidence sur l’une de ses deux affiches.
En amical, Olive détonne
Avec deux nouvelles recrues offensives (lui-même et Jean-Louis Valois) et le maintien des attaquants de la saison précédente (seul Frédéric Machado est parti, prêté à Valence), reste à savoir à quoi va ressembler l’attaque lilloise, où on risque de se bousculer : « la concurrence fait partie du métier. Le tout, c’est de la gérer dans la plus grande intelligence. Je sais qu’on me jugera sur mon efficacité et sur rien d’autre. Aux attaquants, on ne demande pas comment, mais combien ». Si concurrence il y a, elle ne semble pas vraiment concerner Olivier Pickeu, en qui Thierry Froger semble avoir pleine confiance. Dès le premier match amical de la saison contre Courtrai à Linselles le 11 juillet, Pickeu est titularisé, avec Laurent Peyrelade. Et il marque même le premier but lillois de la saison, à la 45e minute. En seconde période, Lobé entre… et inscrit un doublé ! Collot parachève le succès lillois (4-0).
Après un stage de quelques jours à Samoëns, les Lillois jouent un deuxième match amical à Amnéville, contre Metz, vice-champion de France. Devant, Froger a de nouveau choisi la paire Pickeu/Peyrelade. Et à la 39e minute, reprenant un centre de Valois, Pickeu ouvre le score. Rodriguez égalise (55e) avant que Kastendeuch n’offre la victoire, sur pénalty, aux Messins (77e). En seconde période, Pickeu a joué 10 minutes avec Lobé, quand celui-ci a remplacé Peyrelade (64e), avant qu’il ne sorte lui-même pour laisser entrer Boutoille (73e)
Vient ensuite le 22 juillet le Challenge Emile-Olivier qui, pour la première fois, va se jouer en une soirée avec d’abord deux confrontations en 45 minutes (Lille/Valenciennes et Wasquehal/Boulogne-sur-mer), puis, soit un match de classement sur le même format, soit une finale en 2 fois 25 minutes. Lens, fraîchement champion, décline avec dédain l’invitation, préférant se mesurer à des adversaires « étrangers ». Contre Valenciennes, l’ouverture du score est signée… Pickeu (16e), avant que Cuvier n’égalise (30e). Finalement, les Dogues s’imposent aux tirs aux buts (7-6). En finale, Lille bat Boulogne 1-0 et, pour la première fois, Olivier Pickeu ne marque pas : le seul buteur du match est son compère d’attaque Djezon Boutoille (33e). Le LOSC conserve donc son titre et, jusqu’à preuve du contraire, il en est toujours le détenteur.
Enfin, les deux derniers matches amicaux confirment la côte du duo Pickeu/Peyrelade, encore aligné d’entrée contre l’Antwerp (3-1, buts de Boutoille entré à la mi-temps 56e, Pickeu d’une volée 72e, Coulibaly 83e, alors que le LOSC est en infériorité numérique après l’expulsion de Collot en première période), puis au Mans (2-2 après avoir été mené 0-2, Coulibaly 65e et Boutoille 89e sur une passe de Pickeu qui « a pesé » selon La Voix des Sports).
335 minutes en amical, 4 buts et une passe décisive, c’est très encourageant pour Olive qui, surtout, semble avoir la garantie d’une place de titulaire, soit aux côtés de Boutoille, soit aux côtés de Peyrelade, avec le soutien de Valois et Coulibaly, les plus testés en position de milieux offensifs. Mais sur le plan collectif, c’est plus compliqué. Froger souligne déjà (encore) que son équipe a deux visages, et l’effectif tarde à se modeler. Si Pickeu, Viseux, Koot et Valois ont intégré le groupe assez tôt, Camara n’est apparu que contre l’Antwerp après l’essai infructueux d’un arrière gauche espagnol ; ce n’est également qu’après ce match que Carrez, sur lequel Froger ne compte pas, est prêté à Nice, et que Jean-Marie Aubry, qui a un bon de sortie, rejoint Monaco. Bref, ça traîne, sans compter que Lobé est bon pour continuer à se chercher une porte de sortie qu’il ne trouve pas. Ah, et donc on n’a plus de gardien : durant la préparation, la doublure d’Aubry était Grégory Legrand. On parle de Valencony, Petereyns, Boumnijel, et même de… Nadon. Finalement, à quelques heures de la reprise du championnat, Grégory Wimbée débarque. Bref, on a encore le sentiment que ça bricole.
En championnat, Olivier atone
Le championnat offre d’emblée au LOSC un gros morceau : Guingamp, qui nous arrive tout droit de D1. Comme prévu, Pickeu est titulaire, assisté de Boutoille et soutenu par Valois et Coulibaly. Dans la tribune Secondes, une affiche « Pickeugoal », signe des espoirs placés en Olivier et de sa réputation digne d’un Batigol (toutes proportions gardées), 5 fois buteur avec l’Argentine lors de la coupe du monde en France.
Ce qui était moins prévu, c’est l’hostilité du public à l’égard de son équipe, signe que l’échec de la saison précédente n’a pas été digéré. L’entraîneur est déjà sifflé et le virage des DVE est vide en première période. Seule une affiche « Phénomène D2 » est visible. En seconde période, le retour des supporters s’accompagne d’une nouvelle affiche : « Phénomène D1 ». Sur le terrain, ce n’est pas brillant : Lille est mené 0-1 à la pause, et Olivier Pickeu est très discret, et il est même remplacé à la 69e par Laurent Peyrelade… qui égalise immédiatement (70e). Mais Lille s’incline finalement (1-2) et démarre bien mal sa saison. À Niort (0-0) puis contre Caen (0-0), inutile de préciser qu’il n’a pas davantage marqué, ni à Wasquehal, en dépit de la première vicoire du LOSC (1-0). Contre Cannes, pour la 5e journée, la défiance du public vis-à-vis de son équipe est maximale. Le LOSC s’incline encore (0-2), et Pickeu est remplacé de façon précoce (59e), tandis que Lobé, de retour, joue tout le match. La Voix du Nord n’est pas tendre avec l’attaquant lillois : « à l’image d’une équipe lilloise bien faible, Olivier Pickeu ne pesa guère sur la rencontre, ne réussissant que très rarement à aller au bout de ses actions. Il va falloir réagir ». Enfin, à Beauvais, pour la dernière de Froger, le principal fait d’armes de Pickeu est de prendre un jaune à la 1ère minute, mais il ne marque toujours pas. Lille a encore perdu, et Froger est viré : « je savais qu’il y aurait des difficultés, du fait du passé mouvementé de cette équipe. Pourtant, les matches, on les attaque pied au plancher. Seulement, on n’a pas de réussite. On avait fait une bonne préparation. Ce qui est arrivé à Thierry Froger me désole, quand on voit le travail qui a été accompli. Malheureusement, il a fait les frais de notre mauvais départ ».
Son prénom, son numéro 10, sa coiffure, son poste, la couleur de son maillot… Olivier Pickeu a beaucoup de points communs avec Olivier Atton, le serial buteur de la série Olive et Tom, mais pour le moment c’est Olivier atone. Donnez-nous encore un T !
RT pour Olivier atone, FAV pour Olivier Atton
Olivier tâtone
Merci pour le « T », mais il n’est pas encore bien placé. L’arrivée de Vahid Halilhodzic, un ancien avant-centre, va-t-elle être bénéfique pour l’attaque de Lille, qui n’a inscrit que 2 buts, et pour Olivier Pickeu en particulier ? On sait que Vahid a beaucoup parlé à son arrivée, consacrant 40 minutes à chaque ligne de son équipe. Pickeu parle au sujet de l’arrivée du nouvel entraîneur de « bouleversement, dans les méthodes et le discours ». La première impression à son égard est positive : « Halilhodzic, c’est quelqu’un. Son palmarès parle pour lui. Quand j’étais gamin, c’était une référence. On pouvait difficilement trouver mieux que lui pour savoir ce que ressent un attaquant qui ne marque pas. Je suis à l’écoute de tout ce qu’il peut m’apporter, pour en prendre le maximum. C’est à toute m’équipe d’emmagasiner ce vécu, de sen servir et de s’imprégner de l’état d’esprit qu’il dégage. Une partie du dernier championnat est morte avec le changement d’entraîneur. Il est important d’enterrer cette grosse déception. Il faut être fort mentalement. C’est ensemble qu’on marquera ou qu’on ne prendra pas de but. Je continue de travailler. Je suis très fier d’être revenu ici. J’en avais très envie, pour relever le défi ». Pour la première d’Halilhodzic contre Le Mans, le résultat est peu satisfaisant mais la manière est encourageante, puisque les Dogues ont remonté 2 buts en fin de match (3-3). Vahid a opté pour une attaque Lobé/Pickeu, pas beaucoup plus satisfaisante, puisque c’est surtout l’entrée de Peyrelade à la place de Lobé à 15 minutes de la fin qui a transcendé les Lillois. Un point positif cependant : sur l’égalisation de Koot à 1-1, c’est Pickeu qui se détend au premier poteau pour dévier le centre de Patrick Collot.
Lors du match suivant, à Troyes, Pickeu est remplaçant pour la première fois de la saison. Lobé est aussi sur le banc. Olive remplace Peyrelade à la 70e, mais Troyes inscrit le seul but du match à la 77e…
Nîmes, la délivrance : Olive décolle
Jusqu’alors, on peut penser qu’Olivier Pickeu a appelé son épouse relativement tard après les matches. Sophie Pickeu précise : « je n’écoute jamais la radio, ça me crispe trop. Je suis avertie parfois par des amis quand Olivier marque un but. Ma principale référence reste l’heure. Olivier m’appelle toujours après un match. S’il téléphone entre 22h et 22h05, c’est que tout s’est bien passé. S’il est plus tard, généralement c’est mauvais signe ». Le 26 septembre 1998, Olivier est aligné avec Samuel Lobé contre Nîmes. Sa famille est présente. Sophie Pickeu : « quand Olivier a un peu la pression, il préfère que je reste à la maison. En revanche, quand tout va bien, je vais le voir jouer. Dire que je suis stressée est un doux euphémisme. Comme il est attaquant, il faut absolument marquer. Et quand c’est le poteau, là c’est terrible ! ». Et devant ses deux frères et sa sœur, Olive trouve enfin la faille. Lancé par Collot, il se présente seul face à Karwat (qu’elle préfère), et frappe en force sur le gardien, qui repousse dans ses pieds. Cette fois, le but est vide et le ballon termine au fond des filets. C’était laborieux mais c’est dedans. On sent tout le soulagement dans sa célébration : « si je dois me souvenir d’un but, je crois que ce sera de celui-là. Quand ça ne va pas, on peut se laisser aller, mais ce n’est pas mon genre. J’ai bossé, en me disant que c’était obligatoire que ça revienne ». à la mi-temps, Peyrelade remplace Lobé et Lolo signe un doublé: Lille s’impose 3-0 sous la pluie.
Dans la foulée, il signe un doublé au Red Star, et le LOSC enchaîne un deuxième succès consécutif (3-2). La Voix des Sports évoque le « réveil d’un buteur », tandis que l’entraîneur du Red Star souligne que « quel que soit le maillot qu’il porte, Pickeu nous fait toujours très mal ». Lille signe même une troisième victoire de suite, contre Gueugnon (1-0). Le LOSC s’est correctement replacé en milieu de tableau.
Arrive ensuite Saint-Etienne, le leader, à Grimonprez. Le LOSC ne résiste pas, malgré un but de Lobé 10 minutes après son entrée en jeu (1-2, 65e), son dernier sous le maillot lillois. Lors du match suivant à Nice, Lobé remplace Pickeu à la 87e, avant de quitter le club pour Troyes. De quoi soulager Olivier ?
Lors de la 15e journée, Pickeu, avec le n°9 laissé vacant par Lobé, donne la victoire au LOSC à Valence (2-1), en se jetant après une frappe contrée de Valois, avant de marquer à Amiens contre son ancien club (3-1), puis contre Châteauroux, un but à écouter ci-dessous.
Mine de rien, il vient d’inscrire 6 buts en 9 matches. Avec un collectif retrouvé fin novembre-début décembre, le LOSC n’est plus qu’à un point de la 3e place. À la trêve, le LOSC est 6e à 4 points du podium.
Ce résumé original de France 3 ne vous montre pas le troisième but lillois, signé Boutoille
Olivier Pickeu n’est pas là lors de la reprise début 1999. Blessé, il manque tous les matches du mois de janvier. On en conclut qu’il l’une des nombreuses victimes du « stage Vahid » de janvier dont nous a parlé Grégory Wimbée, un stage très éprouvant physiquement qui a causé pas mal de dégâts. Il revient en entrant d’abord en jeu à 3 reprises, sans marquer, à un moment où Laurent Peyrelade commence à enchaîner les buts. Après la 29e journée et une victoire à Gueugnon (1-0), Lille est de nouveau au pied du podium, à 3 points de Sedan. La 30e journée offre un match au sommet : un déplacement chez le leader stéphanois : Pickeu n’entre même pas en jeu, et Peyrelade marque encore 2 fois, malgré la défaite (2-3). Il retrouve une place de titulaire contre Nice la semaine suivante, et ouvre la marque d’une superbe volée à l’entrée de la surface. La Voix des Sports salue une attaque Peyrelade/Pickeu « libérée et inspirée » qui a illustré « l’esprit de conquête » du LOSC : « Peyrelade-Pickeu, c’était samedi l’expression la plus pure de la générosité dans sa version lilloise. Du travail d’abord, beaucoup de travail en première période, avant cette belle réussite à venir après la pause. Sur cette formidable reprise d’Olivier Pickeu, ponctuée d’un des buts les plus limpides de la saison du LOSC, on ne put s’empêcher de penser aux semaines de galère que le goleador avait traversées. Lui voulait surtout y voir la résultante de l’infaillible soutien de ses équipiers : ‘j’ai travaillé dur dans mon coin pour revenir, mais j’ai eu à mes côtés des gens que je tiens ici à remercier ».
Badaboum, c’est dedans, sous le regard incrédule de Laurent Peyrelade
Eh bien but eh bien d’Olivier eh bien Pickeu
Lille s’impose 2-0, mais est à 6 points du podium, et même à 9 après une nouvelle défaite, à Laval (0-1). Il reste 6 matches. La D1 semble bien loin.
Un intermittent du sprint final
Et pourtant, Lille ne va pas passer loin de l’accession, en profitant de l’écroulement de Troyes et de Sedan. Deux victoires contre Valence (2-1) puis à Ajaccio (2-0), avec Pickeu titulaire, font revenir le LOSC à 5 points de ses 2 concurrents. Malheureusement, le piètre sketch de la défaite contre Amiens avec comme buteur l’avant-centre chevelu se reproduit, avec envahissement de terrain en prime.
On a jusque là surtout parlé de la présence ou de l’absence de Pickeu dans le 11 titulaire, mais on a peu parlé de son jeu : il est temps de le faire, car le résumé vidéo ci-dessus offre un aperçu de quelques séquences intéressantes. Halilhodzic fait avec un effectif qu’il n’a pas choisi ; et on comprend assez vite que Pickeu fait partie de ceux sur lesquels il ne compte pas trop, non pas nécessairement à cause des qualités et caractéristiques d’Olive, mais plutôt en fonction du plan de jeu que Vahid considère comme idéal pour la D2. En l’occurrence, dans un championnat réputé physique, il a un plan : placer un grand attaquant devant qui pèse sur la défense adverse, avec des joueurs qui tournent autour et profitent de ce travail largement invisible. Or, ni Pickeu ni Peyrelade ne présentent ce profil de point d’appui ; ils sont plutôt ceux qui devraient bénéficier de son travail. On peut penser que Lobé présentait davantage ce profil mais, si lent et en fin de carrière, il ne présentait pas de perspective très intéressante. Dès lors, on le voit donc sur le résumé du match d’Amiens, Olivier Pickeu a souvent été employé dans un rôle auquel il n’a pas été habitué, et presque à contre-emploi : on le voit jouer ce rôle de pivot, de l’attaquant qui dévie de la tête, souvent dos au but. Bref, il n’est pas, comme il l’a été à Amiens, le dernier maillon de la chaîne, celui qui conclut, rôle qui échoit davantage à Peyrelade, et cela explique en partie son moindre nombre de réalisations. Car on n’a pas le souvenir que Pickeu ait vendangé devant : il était même très actif et donnait l’impression de se battre, mais il avait peu d’occasions. Contre Nice, les deux attaquants ont alternativement joué l’un et l’autre rôle, et il est intéressant de noter que la volée d’Olivier Pickeu arrive après que le rôle de pivot a été joué par Peyrelade. Lors de la 36e journée à Châteauroux, 20 minutes après son entrée en jeu, Pickeu initie l’attaque à 40 mètres du but adverse et sert Peyrelade qui inscrit le but de la victoire (1-0, 90e). Lolo salue le travail d’Olive : « j’ai vu qu’il allait me mettre une super balle dans l’intervalle. Contre Amiens, nous nous étions créé deux ou trois occasions similaires. Mais à chaque fois, on avait été signalés hors-jeu de 10 centimètres. Ce soir, ça a rigolé ! ».
De nouveau titulaire contre Sedan pour un match à enjeu tant ça n’avance pas devant, Pickeu est à deux orteils de reprendre le centre de Camara, mais le ballon revient sur la tête de Cheyrou, qui marque, et Lille gagne.
Pour le dernier match de la saison, au cours duquel Lille doit impérativement s’imposer en espérant que Troyes ne fasse pas de même à Cannes, Halilhodzic titularise Laurent Peyrelade et… Rudy Giublesi, pour la première fois de la saison. Un dernier message clair de l’entraîneur sur la confiance qu’il accorde à Olivier Pickeu. Mais un affront qui est aussi un énième signe que les intuitions d’Halilhodzic sont justes : sur le premier but lillois, c’est un pressing et une récupération de Giublesi qui permettent aux Lillois de filer au but ; Peyrelade n’a alors plus qu’à effacer le gardien. Olivier entre en fin de match, alors que la vedette lilloise de la soirée est Lolo, auteur d’un doublé. Et le héros de la soirée, c’est… Samuel Lobé, qui a marqué avec Troyes, en route vers la D1.
Deuxième départ
Vahid Halilhodzic peut désormais modeler un effectif à son image. Pour 2,5 MF, le LOSC acquiert Dagui Bakari, l’avant-centre du Mans, qui correspond bien davantage à ses intentions de jeu. Olivier l’a connu à Amiens en 1995/1996. Même s’il a repris l’entraînement avec le LOSC, Olivier ne croise pas Dagui puisque, après avoir repoussé une alléchante offre (financière) du FC Sion, qui est descendu en D2, il va faire le chemin inverse et retrouver Henriette (du Mans) : « avec Lille, le club de mes débuts, on a manqué la remontée de peu. J’ai été blessé une partie de la saison et je n’ai jamais pu revenir à 100%. De plus, Vahid Halilhodzic avait une façon de me diriger que je n’assimilais pas. À partir de là, je n’ai pas hésité, même si j’adore Lille, que je n’ai pas quitté en mauvais termes ». Dans la Sarthe, en deux saisons et 45 matches, Pickeu inscrit 9 buts, sans retrouver là non plus des performances similaires à celles qu’il a eues avec Amiens. Lors de son ultime confrontation contre Lille en mars 2000, il est passeur décisif pour David Charriéras, qui trompe Wimbée, avant que Landrin n’égalise. Il signe en 2001 au Portugal, à Varzim, où il joue (12 matches) et marque (1 but) peu. Il signe une dernière saison professionnelle en deuxième division en 2002-2003, à Reims, où il inscrit un dernier but, son seul de la saison, contre Saint-Etienne.
À l’arrivée, que retenir du passage d’Olivier Pickeu à Lille ? Globalement, une déception, bien sûr, si l’on se réfère au nombre de buts qu’il a marqués (7), un total bien en deçà de ses performances antérieures et donc du niveau auquel il était attendu pour aider le LOSC à retrouver la D1 dès 1999. Néanmoins, on peut trouver à ce manque de réussite bon nombre de facteurs explicatifs qui exonèrent largement le joueur de responsabilités qui lui seraient propres ou seraient directement liés à son niveau : une préparation marquée par de trop longues incertitudes quant à la composition de l’effectif, et notamment un effectif trop peu renouvelé avec la conservation de joueurs qui ont vécu bien trop d’expériences négatives avec le club, avec la descente puis la montée ratée ; la conservation de Lobé, un concurrent direct, alors que tout indiquait qu’il était invité à partir dès l’été 1998 ; le départ de l’entraîneur qui l’a fait venir et l’arrivée d’un autre qui basait son système offensif en demandant des qualités qu’Olive n’avait pas (complètement) ; une blessure en janvier qui lui a fait perdre une petite dynamique qu’il avait réussi à enclencher à l’automne… D’un autre côté, on garde de lui l’image d’un homme attachant, d’un joueur actif et dont le travail, sans nul doute, a largement profité à Laurent Peyrelade, auteur de 15 buts cette saison-là.
Aujourd’hui, et depuis 2006, Olivier Pickeu est directeur sportif du SCO d’Angers, une reconversion qu’il a imaginée très tôt, avec son frère Benoît. Sa longévité à ce poste ne trompe pas : il est unanimement reconnu (et très sollicité) pour le travail qu’il a accompli jusqu’alors. Si Angers n’est pas une équipe spectaculaire, c’est un club qui, avec ses moyens, fait de nécessité vertu pour (sur)vivre en L1, et il le doit en partie au travail d’Olive, à mi-chemin entre le sportif et l’administratif. Si vous avez l’occasion de l’entendre ou de le lire, indépendamment de ce qu’on pense du fond de sa pensée et de la stratégie politico-sportive du SCO, c’est passionnant ; voyez par exemple ces articles récents dans Libération ou Ouest-France.
Ainsi, aujourd’hui, si les joueurs du SCO d’Angrs tiennent la route en L1, c’est sans doute parce qu’Olivier tonne. Car quand Olivier tonne, ils sont toujours en forme.
Posté le 2 mai 2019 - par dbclosc
Jean Vincent, profession : footballeur
Grand buteur du LOSC puis de Reims, Jean Vincent est moins connu pour son excellent placement en dehors du terrain. Pourtant, à deux reprises, en 1947 devant la FFF puis en 1955 face à la direction du LOSC, il se distingue de façon spectaculaire par une attitude intransigeante pour que lui soient reconnus, en tant que footballeur, des droits : une position pionnière pour son époque, bien avant la création de syndicats professionnels.
On les appelle les « réfractaires » : ce sont les footballeurs du LOSC dont nous avons déjà eu l’occasion de parler dans de précédents articles. Il s’agit par exemple du Néerlandais Cor Van Der Hart, qui refuse de reprendre la saison 1954/1955 avec le LOSC, sauf si le club l’augmente de 10 000 francs : « réfractaire » selon le président Henno ; un an après, il s’agit de Jean Vincent, Yvon Douis et Bernard Lefèvre, qui refusent de prendre part au match de reprise de la saison 1955 entre Lille et Monaco : « réfractaires » pour La Voix du Nord. Leur tort ? Avoir réclamé le paiement d’une prime au nom de leur statut d’internationaux français (A pour Vincent, B pour Douis et Lefèvre).
Le CNRTL définit comme réfractaire une personne « qui refuse d’obéir, de se soumettre » et va chercher dans l’histoire révolutionnaire, militaire et politique du pays ses illustrations de l’adjectif. Est ainsi réfractaire « un prêtre qui avait refusé, pendant la Révolution, de prêter serment à la Constitution civile du clergé », le « conscrit qui refuse de se soumettre au service militaire obligatoire » et c’est encore « en 1941-44, sous l’occupation allemande en France, [un] résistant qui refusait le travail obligatoire en Allemagne ». Autant dire que le mot est fort et renvoie à des situations dans lesquelles il faut bien comprendre qu’être réfractaire est une faute. D’ailleurs, après avoir en partie renoncé à leurs revendications, la Voix du Nord évoque la « résipiscence » des trois « réfractaires », un terme issu du vocabulaire religieux et qui désigne, selon le CNRTL, une « reconnaissance de sa faute, avec la volonté de s’amender ».
Un contrat de travail entre un employé et son employeur est par nature inégalitaire. Mais c’est peu dire qu’à cette époque le rapport entre les footballeurs et leur club est inégalitaire. Si le championnat de D1 est professionnel depuis 1932, les relations entre employés et employeurs ne le sont pas vraiment. Concrètement, pas grand chose n’encadre juridiquement les intérêts des footballeurs : les joueurs sont liés à leur club par un contrat « à vie ». Durant cette période, le club dispose de son joueur à sa guise, décide de ses transferts sans son accord, et verse des salaires fixés avec le Groupement. En 1955, et a fortiori en 1947, on est encore loin de la création de l’UNFP (1961) ou de la déclaration fracassante de Raymond Kopa dans France Dimanche en 1963 : « les joueurs sont des esclaves », qui lui valut… 6 mois de suspension avec sursis.
Premières tentatives de défense collective dans les années 1930
Et pourtant, dès 1934, Marcel Langiler, vainqueur de la coupe de France avec l’Excelsior Athlétic Club de Roubaix en 1933, crée l’Amicale des joueurs professionnels. Son objectif déclaré est de défendre les intérêts des footballeurs, notamment en cas de blessure, mais la reconnaissance du métier de footballeur, les salaires et les transferts sont aussi au cœur du combat de l’Amicale. Une caisse, financée par des matches de bienfaisance, est mise en place. Marcel Langiler, internatioanl dès 1927, s’était fait remarquer lors d’un match France/Angleterre (0-6) joué à Colombes : avec ses coéquipiers, il avait présenté à la Fédération Française de Football (FFF) des notes de frais afin qu’ils se fassent rembourser leurs déplacements, et la FFF s’en était acquitté.
À l’automne 1936 est créé le Syndicat des joueurs professionnels de football, présidé par l’international Jacques Mairesse. Son but est de « grouper les joueurs de toute nationalité opérant en France dans le but de créer un organisme de défense des intérêts moraux et financiers des joueurs (…) Le Syndicat aura peut-être à intervenir lors de l’application de certains articles du règlement qui régit le football professionnel ». En janvier 1938, en réaction à sa non-reconnaissance par la FFF et pour demander une augmentation des salaires, le syndicat lance un appel à la grève, quelques jours avant un France/Belgique. Très hostiles au mouvement, la presse sportive et les dirigeants du football le mettent en échec1. L’entrée en guerre, la mort de Jacques Mairesse lui-même, abattu le 15 juin 1940 par l’armée allemande, marquent la fin du syndicat.
Après-guerre, quelques projets naissent çà et là sans aboutir. Un article du Monde daté du 14 octobre 1948 évoque ainsi une réunion entre dirigeants des clubs professionnels à propos du statut des joueurs. Entre autres idées, est évoqué un salaire minimum mensuel variable « selon l’Importance des villes », qui s’échelonnerait de 17.500 à 25.000 francs. Un joueur aurait aussi la possibilité de réclamer une « prime de valeur », dont le montant serait en accord avec son club : « si un joueur l’estime insuffisante, il aura la faculté de se faire porter, par l’intermédiaire du Groupement, sur la liste des mutations. Selon les propositions qui lui seront faites, son club aura la possibilité de le conserver, en lui offrant une somme équivalente, ou de le transférer. Dans ce dernier cas le montant du transfert sera fonction de l’âge du joueur. Il sera calculé en multipliant le montant de la prime offerte par 17 si l’Intéressé n’a pas vingt-cinq ans révolus, par 15 si son âge s’échelonne entre vingt-cinq et trente ans et par 19 s’il dépasse trente ans ».
Le LOSC, comme toujours à l’avant-garde
De nombreux épisodes de la vie du LOSC témoignent des tensions récurrentes entre la direction et ses joueurs pour des histoires d’argent. Rappelons-nous que notamment François Bourbotte fut viré en 1946 suite à une altercation avec le trésorier du club dans un train, de retour d’un déplacement en région parisienne, pou une histoire floue de note de buvette qui devait refléter un problème d’une autre ampleur ; quelques mois plus tard, le repas qui suit la victoire en coupe de France ressemble à « un repas d’enterrement où, dans une ambiance sourdement aigre-douce, on se chamaille autour de la succession du défunt » écrit Jacques De Ryswick, journaliste à L’Équipe, un quotidien sportif. En cause : la prime de victoire, jugé trop faible par les joueurs lillois. Un an plus tard, en mai 1948, le LOSC remporte sa 3e coupe de France d’affilée, mais a bien failli ne pas se présenter à Colombes : jusqu’au matin même du match, les joueurs, emmenés par Jules Bigot, réclament une prime de 75 000 francs en cas de succès, que le président Henno refuse de leur octroyer : ce ne sera « que » 50 000. En décembre 1949, les Lillois menacent de ne pas se rendre à Nice en championnat : leur ex-coéquipier Justo Nuévo, désormais au Havre en D2, leur apprend qu’il y gagne bien mieux sa vie… En sondant leurs camarades internationaux, les Dogues se rendent alors compte que leurs salaires sont bien inférieurs à la moyenne ! Ils obtiendront gain de cause avec une sensible augmentation. Et nous évoquions donc en début de texte le cas du « réfractaire » Van Der Hart : cette fois Henno ne veut rien entendre et se croit en position de force car il a trouvé un remplaçant à son solide arrière néerlandais : du moins, le croit-il car son Joseph Zacharias est en fait un imposteur. Quelques mois plus tard, alors que le LOSC est en fâcheuse posture en championnat, le président rappelle Van Der Hart et daigne lui accorder ses 10 000 francs mensuels supplémentaires, mais Corry réclame encore davantage et ne reviendra pas. Il est alors définitivement transféré au Fortuna Greelen pour la somme de 9 MF ce qui, pour la presse de l’époque, constitue la moitié de sa valeur marchande réelle.
La sélection, un « manque à gagner »
Bon, on avait pas annoncé un article sur Jean Vincent ? Si. Donc on voudrait désormais fournir deux illustrations de ces relations entre joueur et club, avec Jean Vincent, en 1947 puis en 1955. Jean Vincent est né en 1930 à Labeuvrière, à côté de Béthune, en plein bassin minier. Jean Vincent fait rapidement parler de lui pour ses talents de footballeur du côté de Labeuvrière, puis d’Auchel à partir de 1946, juste à côté. Il est même sélectionné à l’âge de 16 ans pour un tournoi juniors avec l’équipe de France à Rotterdam, que les Bleus remportent. L’année suivante, Gaston Barreau le sélectionne en équipe de France amateurs, pour jouer un match contre l’Angleterre, à Londres. Or, à cette époque, Vincent est employé au Service de construction des Mines et ambitionne d’étudier à l’école des Mines de Douai. À son retour d’Angleterre, au moment d’apporter une sorte de note de frais à la Fédération Française de Football, il ajoute quelques lignes originales : il demande en effet le remboursement de ses 4 journées de travail perdues à cause du déplacement, ainsi que le paiement de la prime de régularité dont toute absence à la mine faisait perdre le bénéfice. Il argumente sa demande en plaidant un « manque à gagner » dû à sa sélection. Ainsi, la démarche est assez proche de celle de Marcel Langiler 20 ans plus tôt, mais Vincent y ajoute une différence notable : le paiement des heures de travail perdues auprès de son employeur. La demande est d’autant plus audacieuse qu’elle se fait cette fois au niveau amateur ! La FFF est dans un premier temps scandalisée, mais finit par payer.
« Une belle tête de lard »
L’année suivante, en 1948, bon nombre de clubs s’intéressent à lui : Lens, le CORT, le Racing, le Stade Français, Troyes, inondent de coups de téléphone les mines d’Auchel pour attirer Vincent, qui a donné sa parole au LOSC, sur les conseils de son père. Durant cette même année, le LOSC vient jouer à Auchel. Avant le match, le Lillois Lefèvre est à la recherche d’un « pied de fer » pour fixer ses crampons. La Voix du Nord raconte : « Vincent, qui était en train de clouer les siens, n’aimait pas les professionnels. Lentement, tout en narguant Lefèvre, il monopolisa le pied de fer ». Dans le vestiaire lillois, Lefèvre s’énerve : « ce Vincent qui doit venir chez nous, c’est une belle tête de lard. Quel crétin ! Il se prend déjà pour Rastelli2 ». En 1949, Vincent signe une licence amateur avec les Dogues. Il commence à jouer avec la réserve du LOSC, se fait remarquer pour son habitude matinale « café au lait-camembert » et est toujours sélectionné, cette fois avec les militaires. Puis il devient professionnel en 1950. Dès sa première saison, en seulement 4 matches joués, il inscrit son premier but en D1, et participe même à la rocambolesque Coupe latine 1951 ; il en inscrit 14 la saison suivante, puis 8 en 1952-1953, année où il remporte sa première coupe de France. À Lille, il se révèle au poste de milieu axial offensif, en « 10 » comme on dirait aujourd’hui, tandis que le côté gauche, où il a surtout joué à Reims et en équipe de France, est occupé par Jean Lechantre puis par Bernard Lefèvre lors de son passage à Lille. Fin 1953, il découvre l’équipe de France A, et c’est du prestige qu’il y acquiert que va venir un autre conflit, cette fois avec la direction du LOSC.
Entre Jean Vincent et Guillaume Bieganski, la coupe de France 1953
Confirmations nationale et internationale
Sa première sélection en A date du 17 décembre 1953 : en vue de sa qualification à la coupe du monde 1954, la France affronte le Luxembourg. 4 Lillois sont titulaires : Pazur, Lemaître, Bieganski et, donc Vincent, qui après 10 minutes de jeu a déjà inscrit un doublé. Il offre en seconde période une passe décisive et la France s’impose 8-0. Près de 6 mois plus tard, en mai 1954, il honore sa deuxième sélection, à Bruxelles, contre la Belgique. En 1953/1954, il n’a inscrit que 4 buts, mais c’est toute l’équipe lilloise qui a peu marqué cette saison-là, ce qui ne l’a pas empêchée de conquérir le titre grâce à sa défense de fer.
En Belgique, c’est le dernier match de préparation avant l’annonce de la sélection pour la coupe du monde. Et là encore, il marque. Il est donc du voyage en Suisse (avec Ruminski et Lemaître). Si la France ne passe pas le premier tour, Vincent, auteur d’un nouveau but, est unanimement reconnu comme l’un des rares Français à avoir fait bonne figure.
Malgré la difficile saison du LOSC en championnat en 1954-1955, Vincent retrouve ses talents de buteur : 15 buts en championnat (dont 1 lors du barrage), et 5 en coupe (il marque en finale et remporte encore le trophée). Parallèlement, il ajoute 5 sélections à son palmarès, marquant notamment chez les champions du monde ouest-Allemands en octobre 1954, et confirme qu’il est l’un des meilleurs footballeurs de sa génération.
Guillaume Bieganski et Jean Vincent, avec la coupe de France 1955
La sélection avec « l’équipe du Continent »
Cette réputation va se traduire par la sélection de Jean Vincent dans « l’équipe du Continent » en août 1955. Voilà de quoi il s’agit : une équipe composée de joueurs évoluant en Grande-Bretagne rencontre une équipe composée de joueurs du « continent » (européen). Cette nouvelle tradition, dont la fréquence est aléatoire, connaît là sa 4e édition, et se déroulera à Belfast car la date coïncide avec les 75 ans de la fédération irlandaise (en fait, la fédération nord-irlandaise, l’Irish Football Association, voyez ici ce qu’on a dit sur son histoire). La Voix du Nord ne manque pas d’impertinence pour présenter l’événement : « à l’origine, ces rencontres avaient leur raison d’être. La Grande-Bretagne était l’incontestable maîtresse du football mondial. Mais son isolement, son manque de contact avec les types de football étranger, le rigorisme et le traditionalisme de ses méthodes ont provoqué rapidement la déchéance du football anglais. Étrillé par les Hongrois, étrillé en Suisse lors de la coupe du monde, étrillé récemment encore en URSS, le football anglais subira bien d’autres mortifications s’il ne se rend pas à des méthodes plus modernes, donc plus valables ». Par ailleurs, le quotidien régional moque la façon dont est composée cette équipe du continent « bâtie à la hâte, privée du concours des prestigieux Hongrois et des Allemands (qui ont estimé avec beaucoup d’orgueil ne rien avoir à apprendre des Britanniques), qui n’aura d’équipe que l’appellation. En fait, il s’agit plutôt d’un puzzle ». Il n’empêche : la VDN s’enorgueillit d’y trouver deux Nordistes : le Rémois Raymond Kopa, né à Noeux-les-Mines, et le Lillois Jean Vincent, né à Labeuvrière, à côté de Béthune, en plein bassin minier, on l’a déjà écrit. On n’avait pas eu de Nordiste dans cette équipe depuis 1947 : cette année-là, c’est Julien Darui, le gardien de Roubaix-Tourcoing (et ancien du LOSC), qui gardait la cage de l’équipe continentale3. Donc bon : la VDN se moque, mais elle est bien contente et voit là le signe incontestable que Vincent, le Lillois, est « le meilleur ailier gauche européen ». Voici la sélection complète, coachée par le Belge José Crahay, avec la présence dans les buts de l’Italien Buffon, dont la longévité au plus haut niveau est décidément exceptionnelle.
Pronostic de la Voix du Nord en ce 13 août 1955 : « les Anglais, avec leur légendaire étroitesse de vue tactique, auront beaucoup de mal à battre l’amalgame continental ». 60 000 personnes se massent dans les tribunes et exultent quand, à la 25e minute, l’Ecossais Johnstone lobe Buffon : 1-0 pour les Britannniques ! Mais 2 minutes plus tard, la « mixture continentale » égalise par… Jean Vincent : 1-1.
La seconde période est tout à l’avantage des « européens », qui ne concrétisent que dans le dernier quart d’heure grâce à 3 autres buts du Yougoslave Vukas. Score final : 1-4. Les « continentaux » ont fait la preuve de leur supériorité, Jean Vincent s’est particulièrement distingué : tout va bien, et le championnat va pouvoir reprendre.
Si l’on en croit la Voix du Nord, voici l’égalisation de Vincent, ici sur la gauche
Hé oui, c’est la reprise
Dimanche 21 août 1955 : c’est la reprise. Au stade Henri-Jooris, le LOSC reçoit Monaco, et a à cœur de renouer avec la victoire à domicile, ce qui n’est pas arrivé depuis janvier. L’effectif a peu changé lors de l’intersaison : seul Somerlynck a changé de statut, retournant au niveau amateur4. C’est donc désormais Michel Taisne qui est amené à être titulaire à sa place. Seule inquiétude : durant un tournoi de pré-saison aux Pays-Bas, Robert Lemaître s’est blessé au genou ; il sera remplacé au poste d’arrière gauche par Jacques Delepaut. En attaque, la VDN annonce que le public se réjouit à l’avance de voir évoluer Douis et Vincent, tous deux en « excellente forme » et qui « étonnent leurs partenaires, tant est grande leur réussite et leur forme ». Les regards seront particulièrement portés sur Jean Vincent : « le public lillois aura l’occasion de manifester sa sympathie à Jean Vincent, l’un des meilleurs (sinon le meilleur) ailiers gauches d’Europe, et qui vient d’être honoré d’une splendide sélection dans l’équipe du Continent ». Voici les équipes annoncées :
Mais à 15h, pas de Vincent, ni de Douis ou de Lefèvre dans le 11 de départ lillois. Ils sont respectivement remplacés par Walzack, Somerlynck et Lenglet. Les trois joueurs sont pourtant dans les tribunes et paraissent valides : c’est bien l’entraîneur, André Cheuva, qui les a écartés. Sportivement, la décision est difficilement justifiable : ce sont quasiment les 3 meilleurs éléments de l’équipe. Alors , quel est le problème ? Depuis son retour de sélection avec l’équipe du Continent, Jean Vincent est en dscussion avec ses dirigeants. Une nouvelle réglementation de la FFF lui a fait perdre une partie de la prime à laquelle il avait droit en tant qu’international. Il conteste le bien-fondé de la réglementation, et demande a minima que cette perte soit compensée par une augmentation de salaire. Ses coéquipiers Bernard Lefebvre et Yvon Douis, internationaux B, et donc potentiellement concernés par la même problématique, le soutiennent et rencontrent la direction du club.
Mais face à l’intransigeance de la direction, les 3 joueurs affirment dimanche midi qu’ils ne joueront pas contre Monaco. Cheuva, soutenu par sa hiérarchie, écarte volontiers les « réfractaires » et convoque en dernière minute Walzack, Somerlynck et Lenglet. À 14h, les 3 grévistes reviennent sur leur décision et se déclarent prêts à jouer : trop tard pour les dirigeants, qui laissent leurs joueurs sur la touche. Sur le terrain, les Dogues battent Monaco à l’issue d’un match médiocre : 2-0, doublé de Taisne (42e, 59e).
Mis à l’amende
Dans la semaine, la Voix du Nord revient sur « l’incident » et donne quelques détails. On apprend ainsi que Vincent, Douis et Lefèvre seraient « rentrés dans le rang » : « la loi, même injuste, est la loi » philosophe le journal. Certes, mais la loi est surtout le produit d’un rapport de forces bien peu favorable aux footballeurs, et très favorable à la direction du LOSC, qui a, dans un premier temps, pris les sanctions suivantes en attendant une convocation devant le conseil de discipline :
_Amende pour avoir manqué le rendez-vous de dimanche midi
_Amende pour avoir eu des réflexions désobligeantes à l’égard de l’entraîneur
_Amende pour avoir failli à l’esprit d’équipe.
Le quotidien précise qu’avec l’absence de la prime de match, les trois grévistes ont perdu entre 50 000 et 60 000 francs. La VDN dit d’un côté comprendre les revendications de Vincent (« il est vexant de voir échapper – à cause d’une nouvelle réglementation – un capital que l’on touchait du doigt ») mais salue la fermeté des dirigeants du LOSC qui « se sont engagés à respecter les salaires dictés par le Groupement ». Le problème semble précisément dans l’utilisation du verbe « dicter » : quelle place pour les revendications salariales des joueurs ? On se rend bien compte du caractère peu encadré de la situation (et de la toute puissance des clubs) quand on apprend que la direction du LOSC daigne bien plaider la cause de son joueur auprès du Groupement. Finalement, ce qui a surtout déplu aux dirigeants lillois, « c’est l’allure brutale, genre ultimatum, de leurs joueurs. Répétons que le fait de s’être présenté au stade à 14h mérite l’absolution. La faute n’était pas entière ».
En attendant, la Voix du Nord est elle-même embarrassée car elle reçoit « pas mal de lettres de lecteurs » mécontents que le journal n’ait pas prévenu de l’absence des internationaux ! Ainsi, M. Delgrange, résidant rue de Valenciennes à Lille, indique fort justement qu’ « avec ou sans vedette, le tarif est toujours le même pour nous ». Le journal se justifie : « les dirigeants [du LOSC] ont fait face à une situation imprévue. Déclenchée vendredi, l’affaire n’a pris corps que dimanche matin. Il était trop tard pour en informer le public. D’ailleurs, la plupart des dirigeants loscistes, plusieurs joueurs et la presse en général, ignoraient le différend ».
Le 25 août, Vincent, Douis et Lefèvre sont convoqués devant le conseil de discipline du LOSC, présidé par Henri Kretzschmar. L’ambiance est détendue, et le conseil de discipline se termine par un apéritif : « les trois footballeurs s’en tirent avec ne amende qui n’atteint pas les chiffres énoncés hier [15 000 francs chacun] et l’espoir d’une intercession de leurs dirigeants auprès du Groupement, afin de défendre leur cas, et d’obtenir une augmentation dont personne ne discutera l’équité. Car même si la qualité d’international A ne leur est pas officiellement accordée par une sélection, on admettra qu’en valeur absolue, ils méritent cette qualité. Ne serait-ce que par le truchement d’une comparaison avec d’autres footballeurs français, touchés par la grâce (parfois absurde) de la sélection ».
« Je ne veux pas être une cigale »
Après cet épisode, Jean Vincent expliquait son rapport à l’argent et faisait la preuve de sa connaissance des fables de Jean II La Fontaine en déclarant à la Voix du Nord le 28 août 1955 : « j’ai 25 ans. Notre métier va rarement au-delà de 30 ans. Sous mes yeux, j’ai l’exemple de quantité de camarades dont la carrière a été brutalement détruite. Albanési est tourneur, Stricanne pèse de la viande aux abattoirs. Et combien d’autres ont vécu la mésaventure. Le football nous a procuré quantité de satisfactions matérielles : je ne veux pas être une cigale. Ai-je tort ? ».
Cet été 1955 a eu une résonance profonde tout au long de la saison. Même si la version officielle soutient que les malentendus ont été levés et que les rapports entre joueurs et dirigeants sont au beau fixe, Jean Vincent garde quelque rancune à l’égard de son entraîneur. À l’automne, lorsque le sélectionneur, Paul Nicolas, appelle André Cheuva pour savoir s’il est opportun de faire jouer Vincent en équipe de France, l’entraîneur du LOSC répond par la négative, c’est à dire « non », arguant de la méforme de son attaquant. Mais à cause d’une fuite, Vincent tient Cheuva pour responsable de son éviction de la sélection et le prend à partie dans le vestiaire. On peut toujours extrapoler en se disant que cette ambiance est en partie responsable des mauvais résultats du LOSC et de sa descente en 1956… En tant que joueur, le dernier rapport de Jean Vincent avec le LOSC fut également conflictuel, reflétant encore une fois les rapports entre footballeur et direction de club : son transfert-record à Reims lors de l’été 1956 a été négocié dans son dos ! « L’épisode Zacharias nous a fait bien rire, d’autant que Louis Henno n’était pas toujours notre copain. Comment se faisait-il appeler déjà ? Louis XIV ? Louis XIX dites-vous, oui c’est ça. Quel personnage ! Quand j’ai été transféré à Reims, je lui en ai voulu. D’abord parce qu’il a tout arrangé sans me prévenir. Après il m’a dit : « pour ta prime de transfert, débrouille-toi avec eux, cela ne me regarde plus ». Ce fut surtout dur à encaisser car je venais d’ouvrir un magasin d’articles de sports et d’acheter une maison pour laquelle j’avais effectué un emprunt ».
Vers le contrat « à temps »
Fin 1956, le président Henno annonce à Gérard Bourbotte : « toi, tu vas rester toute ta vie au LOSC. Tu fais partie intégrante du club ». Surpris par cette déclaration péremptoire mais qui, dans un sens, peut l’arranger, Gérard en profite pour investir dans l’immobilier et achète une maison. 6 mois plus tard, Henno lui apprend qu’il est transféré à Strasbourg. « J’ai eu du mal à le digérer » dit Gégé ; en 1958, c’est André Strappe qui était transféré, à sa grande surprise, au Havre, après 10 ans passés au club ; en 1959, Fernand Devlaminck entre en conflit avec le LOSC, qui refuse de le céder, et reste 3 mois sans jouer, donc sans salaire : « tous les bons joueurs avaient été vendus et moi on voulait me conserver en 2e division alors que j’avais plein de propositions, de Monaco et du Racing Club de Paris notamment. Pourquoi ? Je ne sais pas, je ne comprenais pas ». On pourrait donner bien d’autres exemples qui ont scandé la vie du LOSC et, probablement, de tous les clubs professionnels de l’époque. C’est le reflet d’un temps où les joueurs n’ont comme levier que la possibilité de négocier une prime à la signature de leur contrat (la « prime de valeur » dont il est question plus haut), ce qui représente bien peu par rapport à 15 années (à peu près la durée d’une carrière professionnelle) au cours desquelles un club fait de ses footballeurs des « objets » qu’il « utilise à sa volonté » (ces expressions sont tirées d’un article du Monde de 1967) : « il s’ensuit alors cette véritable « traite d’hommes », pudiquement appelée « transfert », qu’il convient d’abolir ». À cette période – l’UNFP a été créée entretemps – on discute déjà de la création d’un contrat « à temps », visant à abolir la « toute-puissance féodale des clubs en instituant un système démocratique » (Le Monde, novembre 1967) : « ce contrat sera discuté cette fois par les deux parties (club et joueur) et pourra être établi pour un, deux, trois ans, etc. Il doit permettre un brassage réel de nos meilleurs footballeurs, en laissant à chaque joueur la possibilité de construire sa carrière et en éliminant les médiocres, dont le contrat ne sera pas renouvelé ».
C’est peu connu, mais Mai 68 a aussi concerné les footballeurs : c’est lors de ce printemps que le contrat à vie a été aboli. Le 22 mai, une centaine de footballeurs se rend au siège de la FFF et dénoncent un football soumis à l’argent et au bon-vouloir des présidents des clubs et de la Fédération.
Le 12 juin 1969, Michel Hidalgo, président de l’UNFP, obtient l’entrée en vigueur du contrat à durée librement consentie. Dans les faits, il faudra encore quelques années pour respecter la réglementation, mais le principe est acquis5. Nul doute que Jean Vincent, alors entraîneur en Suisse, n’y est pas pour rien.
FC Notes :
1 Ainsi, Henri Desgrange, directeur du quotidien L’Auto, écrit : « Ce que je n’arrive pas à comprendre, c’est la raison pour laquelle les revendiquants persistent à exercer une profession qui ne les nourrit pas, un métier qui n’enrichit d’ailleurs personne, et un métier qui leur impose d’avoir une autre occupation. Ne semblerait-il pas plus logique, si leur métier de joueur ne les nourrit pas suffisamment, qu’ils aillent exercer celui qu’ils faisaient auparavant ? Car enfin, de quel droit exigeraient-ils que le métier de joueur les fasse vivre ? »
2 Encrico Rastelli, un célèbre jongleur du début du XXe siècle, qui a la particularité d’avoir introduit des ballons de football pour ses jonglages.
3 Après sa carrière, ce Julien Darui a été engagé par le cirque Jean Richard : son numéro consistait à arrêter des pénalties sur la piste. Une reconversion toute trouvée pour Mike Maignan.
4 Il resignera très vite un contrat professionnel pour tenter de sauver les meubles durant la saison.
5 Et déjà se posent deux craintes, qui s’actualiseront sans cesse ultérieurement avec d’autres termes : « l’insécurité de l’emploi et le risque d’expatriation de notre élite, avec l’application du traité de Rome concernant la liberté du travail entre les pays du Marché commun »