Archiver pour juillet 2019
Posté le 20 juillet 2019 - par dbclosc
Une nouvelle page s’ouvre à Bistrita
Au cours de l’été 2002, le LOSC ouvre un nouveau cycle : les départs de Vahid Halilhodzic et de quelques joueurs-cadres laissent en héritage une spectaculaire et inoubliable période de réussite. Autour du nouveau président, Michel Seydoux, et du nouvel entraîneur, Claude Puel, le club tente de pérenniser sa stabilité, dont le revers est de susciter beaucoup d’attentes. Cette nouvelle ère s’ouvre officiellement le 20 juillet, au fin fond de la Roumanie. Un obstacle passé sans encombre, mais qui ne masque que très brièvement les inévitables difficultés de l’après-Vahid.
Un jour ou l’autre, on savait qu’il faudrait faire sans lui. Annoncé depuis des mois, le départ de Vahid Halilhodzic a été officialisé au printemps. Celui qui a fait passer le LOSC de la 17e place de D2 à la Ligue des Champions en 3 ans s’en est allé sous une dernière ovation du public lillois et sur une ultime victoire contre le PSG (1-0) le 5 mai. 5e, le LOSC est de nouveau qualifié pour une coupe d’Europe même si, cette fois, ce ne sera que la « petite » : la coupe Intertoto. Après plusieurs décennies de galères sportives, financières, seulement ponctuées de quelques coups en coupe de France ou de titres de D2, le LOSC a enfin d’autres références à présenter que celui de « meilleur club français de l’après-guerre » : un titre de champion de D2, une troisième place en D1 dans la foulée, une qualification en Ligue des Champions, et surtout l’image d’un groupe de joueurs qui ont semblé motivés par une irrésistible rage de vaincre : une évolution incroyable compte tenu du lourd déficit d’image dont le LOSC souffrait précédemment et de la vitesse à laquelle se sont enchaînés les événements. Seulement, son entraîneur a occupé une telle place durant cette période que son départ place les supporters lillois devant la peur du vide : et si ça n’avait été qu’une parenthèse enchantée, avant que ne revienne l’ennui, auquel Grimonprez-Jooris nous a tant habitué ? Les joueurs-cadres qui ont pris leur envol se sont-ils posé la même question ? Car en plus de Vahid, le LOSC doit composer avec le départ de 4 joueurs emblématiques : Johnny Ecker, à jamais dans la postérité pour son coup-franc à Parme, parti libre à Marseille ; Bruno Cheyrou, meilleur buteur du club, gaucher technique, parti à Liverpool pour 5,7 M€ ; Dagui Bakari, point d’ancrage en attaque, dont la progression a semblé sans fin, buteur décisif des fins de matches, parti à Lens pour 2,5 M€ ; et Pascal Cygan, tour de contrôle de la défense, parti vers Arsenal pour 3,5 M€, après avoir joué le premier amical de la saison avec le LOSC. Si on peut voir dans ces transferts une forme de reconnaissance des joueurs qui ont brillé à Lille, on peut craindre aussi l’incapacité du club à entretenir la dynamique créée ces dernières années.
Entre héritage à fructifier et nouvelles ambitions
Déjà, des questions se posent, notamment celle-là, récurrente durant les années qui vont suivre : Michel Seydoux, qu’est-ce que tu fais des sous ? On reproche au président de « brader » les joueurs : il s’en défend en affirmant que « Lille ne brade pas », ce qui semble tout de même être une grossière erreur si l’on en croit la tradition de septembre, et que les joueurs ont été vendus « selon les réalités de l’économie de marché ». En plus des 11,7M€ qui correspondent à la somme des transferts évoqués au-dessus, le LOSC a récupéré une manne de l’UEFA de 15M€, qui correspondent aux parcours en Ligue des Champions puis en coupe de l’UEFA et aux victoires et aux nuls que le LOSC y a obtenus (1V, 3N en Ligue des Champions, 2V et 2N en UEFA1) : cela fait 26,7M€, une fortune pour le club. Or, Lille ne semble pas se presser sur le marché des transferts pour remplacer ses idoles et rassurer ses supporters. Là est le piège pour le nouveau président Seydoux : cet argent crée des attentes et des envies inconsidérées. Patience, mesure et pondération restent les maîtres-mots. Dans une interview donnée à la Voix des Sports en juillet 2002, Michel Seydoux affirme vouloir constituer des fonds propres avec l’argent récupéré « pour pallier un coup dur ou répondre à une demande pressante ». En outre, il tient à maintenir un équilibre salarial semblable à celui qui a réussi durant les saisons précédentes d’où, dans ces conditions, le caractère inéluctable du départ de Pascal Cygan : « peut-être serait-il resté si nous avions triplé son salaire, mais c’est de cette manière qu’un club peut déraper très vite. Or, une entreprise n’est pas faite pour vivre en déficit chronique ». Il s’agit donc de stabiliser le club dans la sérénité, ne pas brûler les étapes ni vivre sur les acquis du passé. Le budget du club pour la saison 2002/2003 sera de 22 M€, ce qui le place dans la moyenne des clubs de D1. À terme, Michel a un plan : les recettes augmenteront par 4 avec le nouveau Grimonprez-Jooris, fin 2004.
Pas de folies
Côté terrain, on imagine que quel que fût le nom retenu, la succession de Vahid Halilhodzic aurait d’abord souffert de la comparaison, mais le choix de Claude Puel est salué durant l’été dans la presse locale comme « judicieux », « bon » ; « l’arrivée d’un entraîneur du calibre de Claude Puel est un élément rassurant » au regard de son « amour du travail », de son « autorité » et de son « sens du dialogue ». Pour Puel, « le challenge serait de réussir à garder la solidité qu’a pu montrer cette équipe sur le plan défensif et de mettre, si possible, un peu plus d’allant offensif. Cette ambition nécessite de nouvelles bases de travail avec un nouveau groupe et de nouveaux joueurs. Des joueurs emblématiques ou cadres nous ont quittés. Il faut trouver les bases pour construire une nouvelle équipe avec son propre style ».
Mais on ne risque donc pas d’observer de transfert onéreux cet été à Lille. Pour l’heure, début juillet, sont arrivés : Matthieu Chalmé, un de nos bourreaux Libournais de la coupe de France ; Nicolas Bonnal, que Claude Puel a lancé à Monaco, et qui avait marqué à Grimonprez lors d’un Lille-Ajaccio en octobre 1998 ; Grégory Malicki, dont le prêt s’est transformé en contrat de 4 ans ; un attaquant dont le nom rappelle que le LOSC assume en partie son statut de nouveau riche : Fortuné ; et Hector Tapia, un attaquant chilien qui a signé pour 3 ans. On parle d’un attaquant brésilien, Kléber, que Puel voit en « complément idéal de Tapia », encensé par Raï (qui fait de la prospection en AmSud pour le LOSC à la demande de Luc Dayan…) mais il serait trop cher et les nombreux intermédiaires compliquent la tâche. Manque donc encore : un attaquant, un défenseur central, et un arrière gauche (Abidal et Rabarivony sont évoqués). On a évoqué plus longuement les atermoiements de ce mercato 2002 dans cet article.
Un nouveau copain pour Djezon Boutoille, s’il est d’accord
Espoirs en Tapia
L’engagement en coupe Intertoto oblige le LOSC a reprendre tôt-tôt, dès mi-juin, puis le groupe part rapidement pour un stage de 10 jours au Touquet, au cours duquel l’accent est mis sur « le foncier et l’aérobie » d’après le coach. Un premier match amical contre Beauvais ponctue ce stage : Lille s’impose 1-0 grâce à un but de Rafaël Schmitz. Sans Wimbée, Malicki, Fahmi, N’Diaye et Pichot, blessés, la composition de départ est encore expérimentale : Pichon ; Chalmé, Delpierre, Cygan, Rafael ; Landrin, Cheyrou, Murati, Sterjovski ; Boutoille, Olufadé.
Dès le 1er juillet, Claude Puel affiche sa satisfaction d’être à la tête d’« un groupe sain, qui a réalisé du bon travail ». Le stage est conclu par un deuxième match amical contre Visé (D2 belge), alors que le transfert de Pascal Cygan vient d’être officialisé. L’équipe semble incertaine dans son jeu, en dépit de la belle impression que laisse Hector Tapia, auteur de l’ouverture du score sur un « coup-franc magistral », avant que les Belges n’égalisent en fin de match. Mais le Chilien, conseillé à Puel par Raoul Nogues, est un « chasseur de buts », « altruiste », « particulièrement à l’aise techniquement », et a une « belle lucidité dans le jeu ». Tapia était destiné à venir au LOSC dans la mesure où il a déjà quelques attaches avec le club : il a en effet été lancé en D1 chilienne à (Patrick) Colo-Colo par Ignacio Prieto, qui a d’ailleurs favorisé son transfert dans le Nord, de même qu’un autre ancien lillois : Alberto Fouillaux. Il a en outre déjà une expérience du football européen, puisqu’il a été transféré à Pérouse en 1999, mais n’y a joué que 11 matches, sans marquer. De retour au pays, il cartonne à Colo-Colo en inscrivant 24 buts en 26 matches, au point de devenir international. À son arrivée à Lille, il compte 9 sélections. Puel ne tarit pas d’éloges à son égard : « toutes proportions gardées, il joue dans le registre de Salas. C’est un vrai buteur, il a le geste juste et intelligent. Mais il faut attendre de le voir en match pour vraiment analyser ses qualités ». Signe des espoirs placés en lui, la plupart des articles consacrés au LOSC en cette période sont illustrés avec une photo du nouvel attaquant à la « gueule d’ange et au look de surfeur ».
Bistrita ?
Après un nouveau stage à Capbreton basé sur « l’intensité, les efforts de match, l’aspect tactique » (Puel) et deux derniers (Fernando d’) amicaux contre Sedan et Pau, ce nouveau LOSC, amputé de ses cadres et très rajeuni, a plutôt laissé une bonne impression générale, avant de regoûter à l’Europe. Si la Voix des Sports souligne qu’« il est bien difficile de savoir si cette équipe sera capable de rééditer les exploits des trois années précédentes », elle semble avoir gardé des qualités qui ont fait sa force : « don de soi, plaisir de jouer ensemble, organisation, adhésion aux consignes d’équipe ». Suffisant pour atteindre l’UEFA ? La première confrontation est fixée au samedi 20 juillet, à Bistrita, en Roumanie. Bistrita est en 2002 une ville de Transylvanie de 45 000 habitants selon la Voix des Sports, 80 000 habitants selon le recensement officiel. Intégrée au Royaume de Roumanie en 1918 après avoir eu le statut de « ville franche » depuis 1330, ce qui souligne une certaine prospérité, Bistrita est une ville excentrée, située à 2 heures en bus de Cluj. Patrick Collot et Stéphane Pauwels en savent quelque chose, puisqu’ils ont fait le déplacement une semaine auparavant pour superviser notre adversaire. C’est le genre de ville pour laquelle probablement seul le football permet d’assurer une certaine notoriété à l’échelle européenne. En s’intéressant de plus près à l’histoire de la ville, on apprend tout de même qu’elle est célèbre pour son ghetto où furent parqués puis déportés vers Auschwitz près de 6 000 Juifs en 1944, au moment où la ville est passée sous domination hongroise. Plus récemment et pour revenir à des considérations footballistiques, Bistrita est la ville natale de Viorel Moldovan. Pour le reste, la Voix souligne que Bistrita « n’exhale pas spécialement la joie de vivre. Elle s’inscrit en fait dans les schémas classiques des pays de l’est. Industrieuse et plutôt morne » : une description sociologiquement poussée, probablement soufflée par Tintin lors de son retour de Syldavie. Le seul hôtel fonctionnel de la ville, dans lequel séjourneront les Lillois, appartient au président du club, de même que la société d’autocars qui se chargera du déplacement de nos joueurs, sur la voie de la finale, le fameux « car de finale ».
Gonflé à bloc par ces représentations, le staff lillois affiche une telle confiance en la gastronomie locale qu’il amène un cuisinier, Eric Loiseau, ami de Marc Cuvelier, le staff voulant « mettre toutes les chances de son côté ». Le cuisinier est présenté comme un habitué de la logistique culinaire lors de tournées d’artistes tels que Johnny Hallyday, Mylène Farmer, Lara Fabian ou Zazie (que le même Johnny aime beaucoup). Les Lillois n’auront donc pas l’occasion de manger du tokitura (mélange de viandes), ni de la clorba (soupe). L’accueil des « habituelles maitresses des fourneaux » de l’hôtel, vexées, est mitigé. Au sommet de son art, Stéphane Carpentier écrit que « la recette du succès est aussi dans l’assiette »
Tirer dans les Carpates
Bistrita a accédé à la D1 roumaine en 1993. à la surprise générale, le club a remporté la coupe de Roumaine en 1995 en battant Craiova, ce qui lui a permis d’accéder à la C2, dont il a été éliminé au cours d’un tour préliminaire. Cette année, c’est la première fois que Bistrita va si loin dans une aventure européenne. La principale fierté du club est de comprendre dans son effectif Lucian Sinmartean, un international espoir, mais absent car blessé pour le match aller. Dans les buts : Cimpeanu, 39 ans dont 20 au club !
A priori, il n’y a pas grand chose à craindre de la part d’une équipe qui « n’a pas d’atouts majeurs dans son jeu », et qui a jusque là écarté les redoutables équipes d’Union Luxembourg et de Teuta (Albanie). Son niveau est estimé à celui d’un club français de National ; le salaire moyen de ses joueurs s’élève à 150€. « Sérieux mais sans réel génie », « costaud mais peu créatif », Bistrita reste un « adversaire énigmatique » qu’on aurait toutefois tort de prendre de haut : en 2001, des Italiens ayant eu cette attitude à l’égard de nos Dogues s’en mordent encore les doigts. Bref, « ça sent le coup fourré à plein nez ». Claude Puel demande donc du sérieux : « nous savons que nous allons avoir une fin de juillet et un début août difficiles. Mais nous allons jouer les matches de coupe Intertoto très sérieusement. Evidemment, nous serons plus au point pour le 27 que pour le 20… Ensuite, si nous devions passer ce tour, il faudra être pointilleux sur la gestion des joueurs et faire tourner l’effectif, car il ne s’agit pas non plus d’hypothéquer notre début de saison ».
Ce samedi 20 juillet 2002 à 18h (17h en France), le LOSC entame donc sa saison, inaugurant ainsi ses nouveaux maillots (en amical, les maillots 2001/2002 étaient utilisés), dont il a fallu couper les manches, car c’est la version « hiver » qui a fait le déplacement, alors qu’il fait 30°. Au dernier moment, Grégory Tafforeau (ischio-jambiers) et Benoît Cheyrou (abdominaux) sont absents. Voici la composition du LOSC et son évolution :
Wimbée ; Pichot, Delpierre, Fahmi, Rafael ; Chalmé (Landrin 55e), D’Amico, Bonnal, Brunel ; Boutoille (N’Diaye 89e), Tapia (Moussilou 73e)
5 000 spectateurs – dont le frère de Viorel Moldovan, qui habite toujours ici – ont pris place « dans des tribunes d’un autre âge ». Les premières minutes du match sont pénibles pour les Lillois, qui semblent gênés par la chaleur. Les Roumains ne se montrent pas pour autant très dangereux, mais le guet-apens semble se mettre en place. « J’ai dû expliquer certaines choses pendant la mi-temps, car cela ne se passait pas du tout comme je l’avais souhaité » explique Puel.
En début de seconde période, Delpierre sauve un ballon chaud devant Negrean, tout juste entré. Mais cette fois, les Dogues ont le pied sur le ballon et trouvent l’ouverture par Djezon Boutoille à la 63e minute. Son dernier but avec le LOSC : ça aussi, c’est la fin d’une ère. Il était de retour après des blessures à répétition (et avant des blessures à répétition). Il avait d’ailleurs joué les amicaux en traînant la patte. Le LOSC contrôle et inscrit même un deuxième but en fin de match par Brunel (85e). Avec ce 0-2, Lille a fait une bonne partie du chemin vers la qualification.
« Mon but est de continuer à faire monter en puissance l’équipe afin qu’elle soit prête pour l’ouverture du championnat » avance Puel. La Voix des Sports souligne que même avec des moyens limités, Bistrita était très bien préparé: les indicateurs sont au vert pour le LOSC.
Une semaine plus tard, à Grimonprez-Jooris, le retour se passe sans difficulté : le LOSC se qualifie à l’issue d’un match assez insipide, marqué par le but vainqueur de Fernando D’Amico sur un centre de Tapia (52e) et l’expulsion de Lucian Sânmărtean 5 minutes plus tard. Au prochain tour, il faudra affronter les Anglais d’Aston Villa.
Deux gifles à la maison
Cette coupe Intertoto, qui jusque là apparaissait bien sympathique à tout le monde et s’inscrivait dans la logique d’une préparation d’avant-saison, semble désormais plus gênante, quand on se rend compte du calendrier qui s’annonce. La Voix des Sports l’appelle désormais la « coupe Intertoto-Hérisson » (gné ?) ; elle « induit une importante débauche d’énergie, quand elle ne vide pas carrément les équipes engagées prématurément de leur énergie ». Même s’il y a un ticket pour l’UEFA à la clé (il faudra encore gagner 2 confrontations aller/retour), on se dit que le prix à payer est bien élevé. Même Puel s’inquiète : « on risque de manquer de fraîcheur. Ces matches contre Aston Villa sont donc un peu mal placés ». Il faut dire que l’aller est placé 3 jours avant la première journée de championnat contre Bordeaux, et le retour entre les 1e et 2e journées de championnat.
Face à Villa, le 31 juillet, le public fait connaissance avec Vladimir Manchev, un attaquant bulgare, et on assiste à un match plaisant, mais l’ouverture du score de Taylor à la 76e minute compromet largement les chances de qualification lilloise. Pourtant, Lille parvient à égaliser, encore dans les arrêts de jeu, encore grâce à Fernando D’Amico, encore servi par Tapia (93e). Mais face à une équipe d’un tel calibre, qui s’est qualifié au tour précédent après avoir perdu l’aller 0-2 à Zurich, sera-ce suffisant ?
Pour l’heure, la priorité est au championnat. Lille reçoit Bordeaux, un sérieux adversaire. Et là, ça tourne très mal : les Girondins s’imposent 0-3, et il n’y a pas grand chose à dire. 4 jours plus tard, le match retour à Birmingham paraît bien dérisoire face à la nécessité de remettre les pendules à l’heure en championnat. Et pourtant, Lille s’impose 2-0 en Angleterre (Fahmi et Bonnal), avant de se rassurer en partie au Havre, pour la deuxième journée de championnat, avec un nul (0-0) malgré un match terminé à 9. De quoi aborder plus sereinement la finale (car on est en finale !) d’Intertoto contre Stuttgart. Et si près du but, Lille va jouer à fond : « À Aston Villa, on voulait surtout se rassurer après la claque reçue contre Bordeaux, explique Nicolas Bonnal. Mais maintenant que nous sommes en finale, on ne veut rien lâcher » ; « On serait vraiment déçus d’échouer aux portes de l’UEFA. Après ce qu’on a connu l’an dernier, notamment en Ligue des champions, on a tous envie de regoûter à l’Europe » appuie Cheyrou.
Le 13 août, Lille remporte la finale aller 1-0, grâce à une volée de Nicolas Bonnal au terme d’une superbe action collective. Mais 3 jours après, en championnat, Lille va subir la même correction que face à Bordeaux : cette fois, c’est Nice qui s’impose largement 0-3, et sans que les Dogues n’aient semblé mériter mieux.
Au retour en Allemagne, les Lillois, vite réduits à 10, s’inclinent 0-2, après avoir manqué deux occasions franches. L’aventure européenne s’arrête là. Le championnat se poursuit avec la réception de Troyes : 0-0 et un pénalty manqué par Tapia.
Capable en cet été du meilleur (en Intertoto), comme du pire, Lille va connaître 18 mois sur ce modèle : sur courant alternatif, avec tantôt des résultats brillants (une démonstration face à Marseille à l’automne 2002, de belles victoires face au PSG ou à Lyon, un début de saison canon en 2003/2004), tantôt de grosses inquiétudes (1-5 à Rennes en novembre 2002, près de 10 matches sans gagner début 2003 et un maintien sans gloire, 12 matches sans gagner fin 2003), et des recrues aux performances variées (Tapia, Manchev, Baciu, Fortuné, Bonnal, Campi, Lukunku, Sofiane, Bodmer, Plestan, Acimovic, Tavlaridis…)
18 mois, le temps que la patte Puel prenne et envoie de nouveau le LOSC en Europe. 18 mois qui ont commencé sous l’attention de tous à Bistrita, si bien que quand l’Ivoirien Wilfried Kanon a failli devenir Lillois au cours de l’été 2015, et qu’on a appris qu’il avait joué à Bistrita en 2012/2013, tout le monde ici savait évidemment quel était ce club roumain.
FC Notes :
1 Vous remarquerez le complot qui consiste à éliminer de la compétition une équipe qui n’a pas perdu.
Posté le 13 juillet 2019 - par dbclosc
Patrick Collot : « Ce n’est pas parce qu’on est discret qu’on n’a pas de caractère »
Deuxième partie de notre entretien avec Patrick Collot, dans laquelle il revient sur ses reconversions après sa retraite des terrains au cours de la saison 2001/2002.
La première partie est à lire ici !
Tu as terminé ta carrière de footballeur au cours de la saison 2001/2002. Dans quelle mesure as-tu préparé ta reconversion ?
Je n’y ai pas véritablement réfléchi. Lors de la saison 2001-2002, avant la trêve, Vahid me convoque dans son bureau. À cette époque, le club était en construction et il fallait tout structurer. Vahid m’évoque clairement la situation : « Patrick, tu es en fin de contrat en fin de saison, je veux créer une cellule de recrutement ». Une seule personne était éventuellement chargée d’aller voir les adversaires à l’époque : c’était Marcel Campagnac. Et donc Vahid poursuit : « moi je pense que c’est le bon moment : tu vas sur tes 35 ans, réfléchis, je te laisse les vacances, durant la coupure entre Noël et nouvel an, mais si ça t’intéresse, je voudrais que tu intègres la cellule de recrutement ». C’est vrai que je commençais un peu à m’essouffler car je jouais de moins en moins ; je m’entraînais mais je n’avais pas beaucoup de temps de jeu, donc c’était de plus en plus fatigant de toujours donner physiquement et psychologiquement, et de ne pas avoir beaucoup de temps de jeu. C’était une décision difficile, car quand on est joueur, se dire qu’il faut arrêter… Et puis je pensais que j’irais jusqu’à la fin de la saison. Ensuite, si on ne m’avait rien proposé, je serais peut-être parti en deuxième division ou en National. J’ai discuté avec Emmanuelle, mon épouse, et on a décidé de passer à autre chose, en cours de saison. C’est-à-dire que je suis parti en vacances fin 2001 en tant que joueur du LOSC, et je suis revenu début 2002 en tant que membre de l’encadrement. Vahid a voulu me remercier par rapport à tout l’investissement, tout le travail, il m’a donné la possibilité de travailler dans une autre fonction et de me reconvertir à l’intérieur du club. Donc j’ai saisi cette opportunité, ce qui m’a permis par la suite de faire maintes choses au club. C’était une décision importante, une décision qui m’a permis d’être là où je suis encore.
Comment as-tu vécu cette transition entre tes deux carrières ?
Au début ça m’a fait un bien fou : de ne plus me lever le matin, de ne plus aller faire les efforts, de ne plus aller courir… Et puis de découvrir un autre travail ! Et au bout de 2-3 mois, j’ai eu le blues. Je me suis demandé : est-ce que j’ai pris la bonne décision ? Le vestiaire me manquait. Quand on s’occupe du recrutement, on s’en va à droite, à gauche, on regarde des matches, on prend des notes, mais on est tout seul, on n’est plus avec les équipiers, les copains, on ne vit plus les déceptions et les victoires. Pendant quelques mois, jusqu’à la fin de la saison, j’ai eu des difficultés. Puis petit à petit, les choses se font et se normalisent.
« Vahid Halilhodzic et Claude Puel m’ont jugé à l’aune de mon travail »
À la fin de cette saison, Vahid Halilhodzic s’en va, et Claude Puel arrive. Est-ce que ça a changé quelque chose pour toi ? Comment s’est faite la rencontre ?
Ça a été encore compliqué… En tant que joueur, j’avais un fonctionnement dans le vestiaire, j’étais là pour faire vivre le groupe car j’étais la personne désignée pour faire ça, et j’avais donc une relation particulière avec l’entraîneur. Quand Claude Puel est arrivé, première rencontre que j’ai eue avec lui (rires) : je dis bonjour, je me présente, et Claude Puel a cette réflexion, je m’en souviendrai toute ma vie : « Ah oui, c’est toi le bras droit de Vahid Halilhodzic… ! ». Je prends sur moi… Et comme je suis franc et droit, je lui réponds : « je ne suis le bras droit de personne ! Moi j’étais là pour que le groupe et le club fonctionnent le mieux possible. Mais si vous estimez que travailler à faire fonctionner un groupe dans un vestiaire le mieux possible avec l’entraîneur, c’est être le bras droit de Vahid Halilhodzic, vous en avez le droit… ». Et on s’est séparés comme ça. Je me suis dis « oulalala, je ne vais pas faire long feu, je crois qu’il va me virer dans les quelques semaines ou quelques mois qui vont arriver ! ». Et petit à petit, toujours pareil : en travaillant, en m’investissant pour le club, sans penser à autre chose, ça m’a permis de pouvoir continuer au recrutement. L’intelligence de Vahid Halilhodzic et de Claude Puel, c’est de ne pas avoir écouté ce qui avait été dit à mon égard. C’est de juger une personne en fonction du travail qu’elle fait. Donc même fonctionnement : j’allais voir des adversaires, on faisait des montages vidéos, on les présentait à l’entraîneur qui, lui, les présentait au groupe. On échangeait, on discutait, et ça a créé de la proximité. Il s’est aperçu de qui j’étais. Vahid Halilhodzic était parti, Patrick Collot était toujours là et travaillait toujours pour le club.
Et votre relation est même devenue si forte que tu es devenu son adjoint quelques années après, à Lille puis à Lyon.
Laurent Roussey, qui était adjoint de Claude Puel, a eu l’opportunité de partir à Saint-Etienne. Moi, j’étais au recrutement depuis 4 ans et, en plus, sur les deux dernières années (de 2004 à 2006), je m’occupais aussi des 16 ans, puis des 15 ans. Avec les 16 ans on était descendus cette année-là. Donc j’étais à la formation, j’allais aussi voir des matches, je m’occupais des jeunes le dimanche, je ne m’arrêtais jamais. Quand Laurent Roussey part, j’étais au recrutement, à Toulon, au festival Espoirs, et Claude Puel m’appelle. Je pensais qu’il m’appelait pour que je lui dise quels joueurs je voyais. Il me demande : « quand est-ce que tu rentres ? Est-ce qu’on peut se voir ? ». Je me demandais ce qu’il me voulait, est-ce que j’avais fait quelque chose de mal ? Je rentre du tournoi de Toulon, il vient me chercher à la gare, on se rend à mon domicile, et c’est là qu’il me dit : « j’aimerais que tu deviennes mon adjoint ». Je lui ai dit que je voulais bien l’aider, l’accompagner, mais que je n’avais aucune expérience et qu’il fallait me former. Il m’a dit « pas de problème », et c’est comme ça que je suis parti en tant qu’adjoint avec Claude Puel. Donc j’ai fait 2 ans à Lille et après, on est partis à Lyon. Après j’ai été un peu au chômage, et je suis remonté dans le Nord. Jean-Michel Vandamme et François Vitali ont pensé à moi pour m’occuper dans un premier temps de la cellule de recrutement, et m’ont réincorporé dans le club. Donc ça a duré une année, ensuite je suis parti à Mouscron.
« Le partenariat avec Mouscron, un projet intéressant dont on n’a malheureusement pas pu démontrer le bénéfice »
Sur Mouscron, comment tu voyais le projet ? L’objectif est de former des jeunes pour le LOSC, c’était la nouvelle politique du club ? C’était une sorte d’équipe réserve améliorée.
Oui. Je suis arrivé au moment où Rachid Chihab venait de faire monter l’équipe en première division. Il voulait étoffer son staff et a pensé à moi pour l’épauler à Mouscron, par rapport à mon expérience avec Claude Puel. Le but de ce projet, c’était de faire jouer les jeunes qui étaient aux portes de l’équipe première mais qui ne pouvaient toutefois pas prétendre y jouer, parce qu’ils n’avaient pas complètement l’expérience, la maturité. Il s’agissait de leur apporter, dans un championnat différent mais qui est quand même la première division belge, une certaine expérience pour les préparer, pour les développer, au lieu de jouer en CFA, ou Nationale 2 maintenant.
Quel bilan en tires-tu ?
C’était une très bonne idée, quelque chose de vraiment très intéressant. Malheureusement, on n’a pas pu démontrer le bénéfice de ce fonctionnement car le club a vendu Mouscron trop tôt. Le coût, le fonctionnement étaient assez importants, et le club a voulu arrêter tout ça. On a fait une année en première division, et le club a été vendu. Il aurait fallu rester 2 ans, 3 ans, 4 ans, pour que ces jeunes joueurs, qui commençaient à prendre un peu de consistance, de maturité, d’expérience dans leur jeu, puissent renforcer l’équipe du LOSC, ou être vendus dans des clubs belges pour rentabiliser le projet. Mais c’était une très bonne expérience. J’ai adoré participer à ce championnat. C’est très différent de la France, il y a en Belgique une convivialité, une proximité qui est complètement différente du fonctionnement du championnat français, qui lui est beaucoup plus cadré, avec des obligations.
Ça rappelle un peu la deuxième division de la fin des années 1990 en France. Quand on va à Mouscron, on se rappelle un peu Grimonprez.
Quand je suis arrivé ici à Lille et qu’on jouait à Grimonprez, même en première division, il y avait une proximité avec les gens ! Quand on sortait, on était au milieu des supporters, on allait en haut fêter les matches avec les partenaires : ça a existé à Lille. Maintenant, c’est beaucoup plus compliqué, mais c’est l’évolution du football, partout, c’est beaucoup plus cadré : il y a moins de proximité, moins d’échanges, et surtout beaucoup plus d’intérêts. Mais la Belgique reste encore dans ce fonctionnement là qui est très agréable.
Jusqu’à ce que Rachid Chihab soit remercié en cours de saison et qu’il revienne à Lille, la première partie de saison est vraiment très bonne, parce que vous êtes dans la première partie de tableau, le maintien est presque assuré à la trêve… Puis Diaby est de retour au LOSC, Rachid Chihab et toi êtes aussi rappelés. Et les résultats déclinent fortement. Est-ce qu’il y a déjà des tensions ?
Une des raisons des mauvais résultats, c’est bien sûr le départ de notre meilleur buteur ! Il était capable de faire la décision. On avait aussi un joueur, Langil, sur le côté, qui avait fait un super début de saison, et qui après s’est un peu éteint. Il y eu des raisons au manque de résultats sur la deuxième partie de saison. Après, c’était une volonté du LOSC de rapatrier toutes les personnes qui avaient été mises à disposition.
Mais les tensions avec les dirigeants belges ont joué ? Ou avec les supporters, éventuellement ?
Oui, quand même. Disons qu’on sentait que le club de Mouscron voulait reprendre son indépendance et récupérer son identité, car il était tout de même sous la tutelle du LOSC. Mais c’est compréhensible : ils ont envie d’être autonomes et d’exister par eux-mêmes. C’était une évidence que, sur la durée, ça ne tiendrait pas. La direction a voulu changer l’entraîneur, donc elle a mis une autre personne à la place, ça n’a pas fonctionné… Je ne souhaitais pas quitter Mouscron, ne serait-ce que parce que pour moi, il est hors de question de quitter un club ou un groupe qui est difficulté : c’est en dehors de mes principes. Mais je suis parti avec Rachid Chihab puisqu’on nous l’a imposé, et je suis revenu pendant 2 mois et demi au LOSC, au recrutement. Et finalement, au bout de 2 mois, comme ça ne fonctionnait pas et que Mouscron était en danger, on m’a demandé d’aller épauler Fernando Da Cruz. J’ai accepté tout de suite.
Mais ce qui est étrange, c’est que Mouscron souhaite retrouver une autonomie, une indépendance, mais ils ne l’ont retrouvée que quelques mois, car ils ont été vendus très rapidement ensuite. Donc ils t’enlèvent, ils enlèvent Rachid, ils enlèvent Abdoulaye Diaby mais au final, vous êtes remplacés par quelqu’un du LOSC, et Diaby est remplacé par Ronny Rodelin.
À l’époque, Fernando Da Cruz n’était pas du LOSC : il appartenait au club de Mouscron. Nous, avec Rachid, on était du LOSC, mis à disposition pour travailler à Mouscron. Mais toutes les ressources mises à disposition par le LOSC avaient été rapatriés : Stéphane Pichot, Rachid Chihab, l’entraîneur des gardiens et moi. C’était la volonté du club par rapport à la demande des dirigeants de Mouscron. Il y a eu des grosses difficultés sur la deuxième partie et on s’est sauvés miraculeusement.
Sur un but de Ronny Rodelin !
Oui, et aussi le manque de victoire de nos adversaires directs ! Sur le dernier match, si les autres gagnaient, on descendait. Mais on a perdu, et les autres ont perdu aussi. C’est beaucoup de réussite cette fin de saison.
Ce n’est pas l’année où le Cercle de Bruges mène 2-0 à la 90e contre Malines, et perd finalement 3-2 ? Si le Cercle gagnait, il se maintenait.
C’est possible oui. En Belgique, y a des choses qui sont incroyables. Incompréhensibles. Cette année, Mouscron s’est maintenu facilement avec une deuxième partie de saison vraiment intéressante. Autrement, chaque année, ils se sont sauvés dans les dernières journées. Mais si Mouscron réussit à être là où il est aujourd’hui, c’est aussi grâce, pendant quelques années, à ce que le LOSC a mis à disposition : les structures, le recrutement, l’encadrement. On s’entraînait à Luchin. Le dernier entraînement, la veille de match, on allait le faire à Mouscron avec le point presse et on jouait à Mouscron, autrement toute la semaine on était à Luchin. Je regarde toujours car ça a été une bonne expérience, avec pas mal de joueurs de Lille qui ont été mis à disposition pour les développer comme Arnaud Souquet, Nolan M’Bemba, Adama Traoré, Sanaa Altma… Mais malheureusement, le club n’a pas pu assumer financièrement, ou n’a pas voulu patienter suffisamment de temps pour développer cette idée-là.
« Je suis un serviteur. On a besoin de moi ? Je suis là »
Tu es donc de retour au LOSC en 2015. À un an d’intervalle, tu prends en charge deux fois l’équipe première de façon intérimaire, d’abord pour remplacer Hervé Renard, ensuite Frédéric Antonetti. On a bien compris, en tout cas on l’interprète comme ça, que tu sais pousser des gueulantes dans le vestiaire, mais tu gardes l’image d’un homme discret, et là on imagine que l’exposition est incomparable.
Oui, bien sûr. Bon, la première expérience a été très courte : je n’ai fait qu’un match, ça n’a pas été une exposition très importante. M. Seydoux et M. Vandamme m’ont demandé de pallier à ce moment de transition, ce que j’ai fait avec le plus grand plaisir, avec mes qualités et mon fonctionnement. J’ai toujours été à disposition du club. Après le départ de M. Antonetti, le deuxième intérim a été plus long, et là oui, c’est vrai que médiatiquement, c’est une autre exposition et c’est complètement différent. Après, l’exposition médiatique, moi je n’y suis pour rien. C’est le fonctionnement du foot, c’est les journalistes, c’est tout ce qui est autour, ça fait partie du métier. Mais là encore, on m’a demandé de pouvoir pallier à cette situation, ce que j’ai fait le plus normalement. J’ai essayé de sortir le club d’une situation difficile. De plus, c’était la revente du club, un moment particulier, donc les choses étaient assez floues. Ça s’est fait naturellement. Après oui, je suis quelqu’un de discret mais j’ai des convictions, j’ai un fonctionnement, j’ai un vécu, j’ai des idées. Ce n’est pas parce qu’on est discret qu’on n’a pas de caractère.
Ce n’est pas ce qu’on voulait dire !
Non, non ! Moi je suis respectueux, je fais bien mon travail, je ne suis pas là pour écraser les autres, quand on fait appel à moi, je suis présent. Je suis un…. (il réfléchit) Je suis un serviteur. Je me définirais comme ça. On a besoin de moi ? Je suis là. Je ne réclame pas, je ne revendique pas. Les choses arrivent si elles doivent arriver, naturellement, par mon travail, par mon fonctionnement, par ma personne. J’ai toujours agi comme ça, ça m’a toujours réussi et je ne changerai pas. On m’a éduqué ; mon père, ma mère, ma famille m’ont inculqué des valeurs, et j’applique ce qu’on m’a donné, la richesse qu’on m’a donnée. Ça convient, ça ne convient pas ; ça marche, ça ne marche pas. Mais je resterai qui je suis, avec mes valeurs et ce qu’on m’a donné. Après, il y a différentes choses, il y a différents fonctionnements, et il y a des choses auxquelles je ne peux pas adhérer. On reste soi-même, hein !
Tu penses à quelque chose en particulier quand tu dis ça ?
Au dénouement de mon histoire avec le LOSC ! Ce sont des choix d’hommes, de travail, des orientations de fonctionnement, d’entreprise. Ils arrivent, ils achètent le club, ils veulent mettre en place certaines choses.
« Personne ne m’enlèvera les moments extraordinaires vécus à Lille »
On a tous été surpris par ton licenciement l’an dernier.
C’est quelque chose qui a été très douloureux parce que quand on travaille, quand on s’investit pendant des années le mieux possible et qu’on en arrive à une telle situation… Après, il faut arriver à prendre un peu de recul et essayer de comprendre pourquoi les gens qui dirigent ont pris des décisions et ont envie de travailler avec d’autres personnes, avec un autre fonctionnement, avec d’autres idées. C’est aussi normal que ces gens puissent éventuellement penser différemment. J’admets volontiers que collaborer avec des gens qui ont travaillé ici pendant des années, avec une forte identité dans certains fonctionnements, soit délicat. Mais je pense avoir prouvé que j’étais capable de m’adapter et de travailler avec des personnes différentes, et ces personnes-là ont eu l’intelligence de patienter et d’attendre pour juger. C’est leur volonté, je la respecte parce que c’est leur projet, c’est leur investissement, c’est se donner la capacité de réussir avec les personnes qu’ils désirent, et de créer une nouvelle histoire. Quand j’analyse ça un an après, je me dis que c’est logique aussi de pouvoir mettre en place les choses et les personnes avec lesquelles on a envie de travailler. Mais je vous assure que quand j’ai appris que je devais quitter le club, ça a été très très douloureux. Aujourd’hui, c’est une déception mais il ne faut pas s’arrêter que sur ça.
Avec presque un an de recul, quel regard portes-tu sur tes années lilloises ?
Il y a eu des moments extraordinaires qui resteront à jamais gravés dans mon esprit, et ça personne ne pourra me l’enlever. Personne. Aujourd’hui, avec les copains avec qui on a vécu ça, quand on se rencontre, on est heureux et fiers de pouvoir discuter, d’échanger, de parler de tous ces bons souvenirs, ou mauvais, ces périodes difficiles de notre histoire. Ça fait partie du LOSC et ça n’a pas de prix. Tout ce que j’ai fait, tout l’investissement, tout le travail que j’ai donné dans ce club-là m’a marqué à vie. Parce que le LOSC restera toujours mon club, bien que ça se soit terminé de cette façon-là. Mais il n’y a rien de grave, je suis en bonne santé, tout va bien, ma famille est heureuse, c’est simplement la fin d’une histoire. On m’a donné la possibilité de faire plein de choses au sein de ce club, et ça je n’oublierai jamais. J’ai quasiment tout connu avec le LOSC, j’ai occupé pratiquement toutes les fonctions, sauf président ! J’ai rencontré des gens merveilleux, des présidents extraordinaires, Bernard Lecomte, Francis Graille, Michel Seydoux…. C’est une histoire très riche qui m’a permis de grandir, de me développer, d’être ce que je suis, d’avoir une expérience assez importante dans ce milieu. Quand je me retourne, je suis quand-même assez fier et heureux de ce que j’ai fait. C’est un pincement au coeur que l’histoire se finisse comme ça. Mais c’est comme ça, c’est la vie, c’est le football. Avant moi le club existait, après moi le club existera encore, mais je fais partie de cette histoire, et c’est une fierté.
« Là où je suis le mieux, c’est sur le terrain, avec les joueurs,
à faire ce que j’aime »
Entre le moment où tu quittes le LOSC et où tu arrives à Nantes, qu’est-ce que tu fais ? Est-ce que tu déconnectes ? Est-ce que tu suis un peu le football ?
Je suis allé voir deux matches à Lille en août et septembre, contre Guingamp et Nantes. Mais c’était difficile parce qu’on va dans un endroit dans lequel on a travaillé, on a vécu, et ne plus appartenir au club tout en étant dans son enceinte…. Donc après je n’y suis plus retourné et je regardais les matches à la télévision. Il faut pouvoir évacuer et le temps assouplit un peu les choses.
Retrouvailles avec Vahid à la rentrée, en septembre 2018. On a cru comprendre qu’il t’avait laissé une heure pour faire ton choix quand il t’a appelé …
Le LOSC m’a licencié au mois d’août. Je me suis donc inscrit au chômage et, peu après, Vahid a la possibilité de reprendre Nantes. Avec Vahid, on a eu une relation très particulière dans le fonctionnement, et il y a quelques temps déjà, quand je me suis reconverti entraîneur, il avait voulu qu’on puisse travailler ensemble pour des sélections nationales, mais moi j’étais dans mon environnement, avec mes enfants, mon équilibre familial, et partir dans des endroits un peu plus lointains, ce n’était pas ma tasse de thé. Là, je me retrouvais sans rien et quand il l’a su, il m’a appelé car il cherchait un adjoint. J’ai d’abord manqué son appel – j’aidais un voisin à déménager – puis je l’ai rappelé. Il était avec la famille Kita en train de tout mettre en place pour prendre la suite de M. Cardoso et il me dit : « c’est Vahid. Je suis avec le président Kita, est-ce que tu voudrais venir travailler à Nantes avec moi ? » Alors moi, surpris, je lui réponds : « sur le principe, oui, mais il faut quand-même que j’aille en discuter avec mon épouse et mes enfants » ; « Ah, non ! Non ! Non! Non ! Non ! Là, c’est pas possible du tout ! Là, tu as cinq minutes pour te décider ! » (Rires)
Cinq minutes !
Je lui dis : « je ne peux pas prendre de décision en cinq minutes. Il faut me laisser au moins une heure ou deux, il faut que je discute avec mon épouse, mes enfants, voir comment on peut s’organiser, si c’est possible ou pas, et je reviens vers vous » ; « Non ! Non ! Cinq minutes ! » ; Je dis : « Je ne peux pas » ; Il me dit : « Bon, ok. Mais le plus vite possible ». Donc, je suis rentré, j’ai discuté et puis une heure après je rappelais pour lui donner mon accord. Et dès le lendemain, je prenais la voiture et j’allais à Nantes. Ça s’est fait comme ça, sur les chapeaux de roue. Mais ça se fait souvent comme ça quand les gens sont déterminés.
Oui, mais cinq minutes, quand-même !
C’est du Vahid tout craché. C’était aussi une possibilité pour moi de passer à autre chose, de pouvoir me remettre un peu dans le bain. Je ne pensais pas rebondir rapidement, donc quand je suis parti à Nantes, j’avais vu jouer l’équipe mais je ne connaissais pas particulièrement les joueurs. La décision reste difficile car, du jour au lendemain, il faut s’organiser. Quand je suis parti à Lyon, c’était avec mes enfants et avec Emmanuelle. Cette fois, on a décidé qu’Emmanuelle et les enfants resteraient vivre ici. Ensuite, retrouver Vahid a été un grand plaisir. Nous avons un respect mutuel, sur les plans professionnel et humain. C’est un nouveau club, une nouvelle aventure, de nouvelles personnes… Mais ça reste du football. Que ce soit ici, à Nantes, à Lyon ou à Mouscron, ça reste toujours le même travail, la même finalité. Et là où je suis le mieux, c’est sur le terrain, avec les joueurs, à faire ce que j’aime.
Comment as-tu vécu cette saison à Nantes ?
Quand on est arrivés, Nantes était 19ème avec 6 points au bout de 9 journées. On a fait un premier match à Bordeaux où on prend trois buts : on s’est dit que ça allait être compliqué ! Et puis petit à petit, toujours pareil, avec le travail, la rigueur, l’exigence qu’a Vahid et l’adhésion des joueurs, ça prend progressivement. Mais si les joueurs n’adhèrent pas au projet, à ce qu’on propose, on n’est rien ! Quand on arrive dans ce genre de situation, je dirais presque que c’est à notre avantage car les joueurs sont plus à l’écoute, avec une volonté de se remettre en question, et de s’en sortir. On peut presque faire ce que l’on veut, et les joueurs ont adhéré. Le travail, la remise en condition ont permis de rebondir et de se repositionner. On a stagné assez longtemps dans une position assez fragile, avec seulement 6-7 points d’avance sur le premier barragiste, sans pouvoir vraiment en sortir. Puis au printemps, on a eu une grande réussite, à un moment où on s’y attendait presque le moins parce qu’on rencontrait des équipes comme Lyon, Paris, Marseille. On a eu de la réussite et on a réussi à s’en sortir et à faire une fin de saison plus tranquille. On en avait bien besoin par rapport à d’autres émotions qu’on a subies dans la saison.
« En tant qu’adjoint, on valide les choix de l’entraîneur principal. Mais c’est important de rester soi-même »
Comment on fait pour bien connaître un effectif en cours de saison, en si peu de temps ? Un effectif qu’on n’a pas choisi en plus.
La chance qu’on a eue, c’est qu’après notre premier match à Bordeaux, il y a eu une trêve internationale de 15 jours, si bien que lors de notre deuxième match, ça faisait déjà trois semaines qu’on était avec les joueurs. Au bout de trois semaines, en étant quotidiennement avec les joueurs, on voit assez vite leurs qualités. On ne sait pas encore ce qu’il en est des hommes, de la mentalité, de l’état d’esprit, mais ce temps nous a donné une première idée pour organiser un peu ce puzzle, trouver les meilleurs équilibres. Ce temps a été bénéfique puisqu’on a gagné trois matches d’affilée, certes contre des équipes qui n’étaient pas très bien classées non plus : Amiens, Toulouse et Guingamp. Ces quelques victoires nous ont donné un peu d’oxygène.
C’est sur le terrain qu’on apprend à connaître les joueurs quand on ne les connaît pas spécialement ou qu’on ne les pas beaucoup vu jouer. Le meilleur ressenti ce sont les matches et l’entraînement. La vidéo, c’est bien, c’est un complément, mais on ne ressent pas tout. Avec le temps, on connaît de mieux en mieux les joueurs, on discute, on partage, on parle de leur parcours : on essaie de connaître davantage les joueurs : ont-ils une famille, des enfants ? Ça prend du temps. Mais c’est très enrichissant de découvrir d’autres personnes et d’autres clubs.
Est-ce que la manière dont tu mènes ces échanges a évolué avec le temps, entre le moment où tu étais plutôt sur la fin de ta carrière de footballeur, une personne-relais, et aujourd’hui ? Est-ce que Vahid, ou Claude Puel, ou d’autres, ont eu une influence sur ta manière de faire ?
Disons que chacun est différent dans son management, son fonctionnement, son approche, et ça enrichit toujours de côtoyer ces personnes. Je n’ai pas eu la chance de connaître beaucoup Hervé Renard parce qu’il n’est pas resté longtemps, mais j’ai mieux connu Frédéric Antonetti, Claude Puel, Vahid Halilhodzic et Rachid Chihab, ce qui me permet de comparer, de comprendre. Toutes ces personnes m’ont apporté beaucoup, m’ont fait grandir, m’ont fait toucher du doigt certaines choses. En tant qu’adjoint, on est là pour valider le projet et les règles mises en place par l’entraîneur principal. Et il faut être fidèle à ça. C’est important de pouvoir garder ce cap et de rester dans le chemin tracé par l’entraîneur. Alors, je prends, je ne prends pas, je garde, je ne garde pas : chacun fait un tri. Après, on a sa sensibilité, la personne que l’on est. Je pense qu’il faut rester soi-même, avec ses valeurs, ses qualités et son fonctionnement. Je crois qu’au début, je n’étais pas tout à fait moi-même, parce qu’on veut tellement appliquer les choses à la lettre qu’on respecte trop les consignes. Ce n’est pas toujours bon. Donc je pense que je suis meilleur aujourd’hui que quand Claude Puel m’a pris comme adjoint ! Mais comme toute personne, dans n’importe quel travail : c’est une évolution.
« Claude Puel a sa part dans le titre de champion de France de 2011 »
Tu disais que tu avais commencé ta carrière après cette élimination de Toulon par Sète, quand des joueurs ont été écartés. Quand tu commences avec Claude Puel, ce n’est pas du tout la même situation parce que Claude Puel lance rarement un jeune par défaut : il a tendance à faire confiance aux jeunes et à les mettre en difficulté pour les faire progresser. Est-ce que cette philosophie de post-formation correspondait à ton approche, ou ton expérience faisait qu’un jeune pouvait arriver par défaut ?
Je n’avais pas véritablement de vision là-dessus. Claude Puel est un formidable développeur de talents par son travail, son abnégation, son professionnalisme, sa rigueur. Il va au bout de ses idées, et ça c’était extraordinaire pour le club. À une période très importante aussi pour le LOSC, il était la bonne personne au bon moment. Pourtant, au début, le club était en grande grande difficulté. Je me souviens à Grimonprez-Jooris, les « Seydoux démission ! », « Puel démission ! » ça a duré pendant des mois. Jusqu’à ce qu’à ce que ça bascule. Mais sur les jeunes : je sais qu’il faut faire confiance, parce que ce n’est que quand on donne au jeune la capacité de jouer en équipe première qu’on découvre s’il peut s’imposer. Il a beau avoir toutes les qualités, ou soi-disant des qualités qui sont pas suffisantes pour jouer au-dessus, tant que on n’a pas donné la chance au gamin de s’exprimer en première division, on ne sait pas ce qu’il est capable de faire. Sauf, bien sûr, des grands talents comme Eden Hazard qui crèvent l’écran, là ça pue le football ! Ces joueurs-là sont programmés, et on ne fait qu’accompagner. Mais il y a des joueurs pour qui on doit forcer un peu le passage, ce que fait très bien Claude Puel. Il a été fondamental dans la réussite du club. Pour moi, Claude Puel a sa part dans le titre de champion de France de 2011, même si il n’était plus là. Après, évidemment, Rudi Garcia a sa propre réussite : il a amené sa patte et est parvenu à faire jouer cette équipe. Il a aussi amené des joueurs tels que Moussa Sow et Gervinho. Mais l’ossature du groupe était là, elle a été créée avant. Rudi Garcia a très bien su profiter de ce travail-là, mais c’est un travail sur des années, d’Halilhodzic, de Puel, puis de Garcia.
C’est aussi notre avis que Claude Puel a joué un rôle important dans le titre de 2011.
On peut même remonter jusqu’à Vahid Halilhodzic, qui amène la première Ligue des Champions, et donc une dynamique, une possibilité au club de grandir. Après, Claude Puel arrive à faire deux Ligues des Champions. Rudi Garcia en fait deux, puis encore une avec René Girard. C’est quand-même formidable ! On ne s’en rend peut-être pas compte mais, sur les quinze ou vingt dernières années, le LOSC est un des clubs les plus performants de France ! Des Ligues des Champions tous les deux-trois ans, c’est quand-même merveilleux !
Quand, comme nous trois, on a découvert le LOSC dans les années 1990 avec ces soirées à 0-0 à Grimonprez-Jooris, effectivement, on n’imaginait pas vivre ça. On voit le pendant avec notre voisin lensois. Quand on était enfants, c’était eux au sommet, c’était eux que les copains supportaient…
Tout tourne ! Quand on était en deuxième division, je suis allé voir un match à Lens. J’étais dans les salons VIP et une personne de Lens s’approche, on discute. Et cette personne a eu une réflexion : « ouais, mais à Lille, c’est un club de ratés ». Comme ça ! « C’est un club de ratés. Et ça restera un club de ratés ». Ça a été très difficile à entendre. Je suis resté calme, je n’ai rien dit. Bon, à l’époque on était en deuxième division, on se battait pour monter et Lens était très haut, donc je n’allais pas polémiquer sur quoi que ce soit, mais je m’en souviendrai toute ma vie. Maintenant, Lille, depuis des années, est en haut de l’affiche et Lens a du mal à sortir de la deuxième division. Mais ça peut changer, toujours.
Tu as un peu de repos mais est-ce que tu es impliqué dans le mercato de Nantes, même à distance ?
Oui. Une cellule à Nantes s’en occupe mais je suis impliqué en fonction des joueurs. Vahid me demande de regarder certains joueurs, par exemple issus de pays étrangers, qu’on ne connaît pas très bien. On a les moyens de visionner ces joueurs en vidéo et exprimer ce qu’on ressent. Sur certains profils, Vahid m’appelle, me demande de passer un peu de temps pour visionner et lui dire ce que je pense. Ça permet de croiser les informations et le ressenti entre la cellule, Vahid et moi, pour se tromper le moins possible. En sachant que le recrutement, c’est très difficile, même quand on a beaucoup d’argent ! C’est une phase très importante de la saison. Si on réussit notre recrutement, on réussit notre saison. Si on rate notre recrutement, on va rater notre saison.
Est-ce que tu as suivi la saison du LOSC ? Quel regard portes-tu sur elle ?
Cette année, le LOSC a rectifié ce qui avait été mal fait l’an dernier : ce qui ne fonctionnait pas ou très peu l’année dernière a fonctionné cette année. Avec Bielsa, le LOSC a recruté des joueurs de qualité : Thiago Mendès, Araujo, Pépé…. Mais ils n’ont pas su – ou Bielsa n’a pas su – mettre de joueurs suffisamment expérimentés à des postes-clés pour encadrer les jeunes joueurs de talent. Cette année, ils sont pris Fonte : une grande réussite ! Celik : très grande réussite ! Bamba, Ikoné, Rémy, Leao… Tous ces joueurs ont apporté une plus-value et une sérénité. La paire Xeka/Mendès a été très intéressante et a mis en valeur tous les talents recrutés en 2017.
L’an dernier, Christophe Galtier a sauvé le club de justesse, ce n’était pas pour autant le plus mauvais entraîneur du monde. Et cette année, il a été élu meilleur entraîneur français par l’UNFP, mais pour moi, il n’est pas le meilleur entraîneur du monde non plus ! Tout en haut ou tout en bas : ce décalage-là ne me plaît pas. La réussite, ce sont aussi les joueurs, leurs qualités. Il faut saluer le recrutement de Campos et des personnes qui ont réussi à rééquilibrer l’équipe en fonction des besoins pour être le plus performant possible. Il faut être intelligent et lucide : analyser les manques et trouver les joueurs adéquats, aux bons postes, aux bons endroits pour que l’entraîneur puisse avoir les meilleurs équilibres possibles. La grande réussite, c’est ça.
Est-ce que c’est une correction des erreurs qui ont été faites l’année dernière, ou une correction des erreurs que Bielsa a faites l’année dernière ?
Je ne sais pas qui prenait les décisions ou qui intervenait. Est-ce que Monsieur Bielsa doit porter toute la responsabilité de la saison dernière ? Ou le club en général, avec toutes ses composantes ? Je pense que c’est un peu tout le monde, mais c’est difficile de juger. En tous cas, ils sont su rectifier pour être plus performants, et très rapidement. C’est tout à leur honneur d’avoir eu ce jugement et cette lucidité. Et ça, c’est tout un travail aussi ! De plusieurs personnes, pas que de l’entraîneur : du recrutement, des prises de décision d’un club en général avec toutes ses composantes.
Comment as-tu vécu le match contre Lille en mars ? Nous on a beaucoup aimé ! (rires)
Alors moi j’ai détesté ! (rires) J’ai dit : « c’est pas possible ! C’est pas possible ! ». C’est la seule fois où je suis rentré dans le vestiaire deux minutes avant la fin. Je n’avais pas envie de voir la joie des Lillois et du banc lillois dans cette situation-là. Moi, j’avais très envie de battre Lille, je vous l’avoue ! Malheureusement on a perdu et en plus on menait 2 à 0, c’est encore pire. Tant mieux pour Lille, tant pis pour nous. C’est notre faute.
On s’est dit que c’était l’esprit de Vahid qui rôdait encore autour du LOSC, parce qu’un scénario comme ça … trois buts en dix minutes, retournement de situation, pénalty raté à la fin…
On a fait des fautes individuelles sur certains buts, il y a eu des prises de risque inutiles, mais ça fait partie du jeu. Les Lillois n’ont pas volé leur victoire, mais c’est vrai que c’était un match particulier. Et, incroyable, ce sera encore particulier pour la reprise du championnat, avec Lille/Nantes !
Un grand merci à Patrick Collot pour sa disponibilité, son accueil et sa gentillesse.
Posté le 12 juillet 2019 - par dbclosc
Patrick Collot : « La réussite, c’est la qualité des hommes »
Nous poursuivons les rencontres avec nos idoles du passé : après Fernando D’Amico, Grégory Wimbée, Arnaud Duncker, Joël Dolignon et Roger Hitoto (rappelons que nous avons aussi des idoles du présent chez les filles avec Rachel Saïdi et Silke Demeyere), c’est désormais vers Patrick Collot que nous nous sommes tournés. Parce que nous gardons un excellent souvenir du joueur qu’il a été à Lille, de 1995 à 2001, que ce soit pour ses performances purement sportives ou pour son rôle au sein du groupe, notamment après l’arrivée de Vahid Halilhodzic ; et aussi un excellent souvenir de l’homme, de son attitude, et des valeurs qu’il a affichées dans des périodes parfois difficiles, aussi bien sportivement qu’humainement : nous avions déjà déclamé notre admiration dans cet article.
Rendez-vous a été pris le 22 juin, jour de ses 52 ans, durant la trêve (relative), avant que le FC Nantes ne reprenne l’entraînement.
Patrick Collot est l’un des rares joueurs, avec Pascal Cygan, Djezon Boutoille et Christophe Landrin, à avoir connu le LOSC avant et après le passage en D2, de 1997 à 2000 : à ce titre, il est un observateur privilégié de l’évolution sportive du club, la plus évidente aux yeux du grand public, à la fin des années 1990. Dans la première partie de notre entretien, c’est davantage sur cet aspect que nous nous arrêtons : Patrick y relate son parcours, d’Avignon à Lille en passant par Toulon et Martigues , jusqu’à sa retraite sportive en 2001/2002. Bien entendu, on s’arrête plus longuement sur la période lilloise et les émotions diverses qu’il y a connu : l’occasion de se rappeler ses débuts, pas faciles, avec Jean Fernandez en 1995 ; le maintien miraculeux obtenu à l’issue de la saison avec ce but invraisemblable au Parc des Princes ; les deux visages montrés par l’équipe en 1996/1997, et la descente ; les moments difficiles en D2 et la renaissance, du titre de D2 jusqu’à la Ligue des Champions, avec Vahid Halilhodzic et Bernard Lecomte. En témoignant sur son parcours professionnel et en le reliant à quelques épisodes de sa vie personnelle, Patrick Collot nous a confirmé tout le bien qu’on pensait de lui : intègre et authentique.
On s’en rendra aussi compte dans la deuxième partie de l’entretien, davantage centrée sur son après-carrière footballistique et ses reconversions en tant que recruteur puis entraîneur. Patrick nous dévoilera ici des éléments plus analytiques sur son travail actuel (la gestion d’un groupe, le recrutement, le partenariat entre le LOSC et Mouscron, la relation aux entraîneurs qu’il a côtoyés : C. Puel, R. Chihab, F. Antonetti, V. Halilhodzic) et sur des évolutions plus générales du football. On a aussi évoqué la fin de l’aventure avec le LOSC au cours de l’été dernier : un épisode douloureux, qui trahit l’attachement qu’il porte au club, toujours.
Rendez-vous le 11 août à 15h pour retrouver avec grand plaisir Patrick au Grand stade, mais sur le banc nantais !
On va commencer très classiquement : comment as-tu démarré le football ?
Depuis tout petit, je jouais dans la cour de l’école, et dans le club de mon petit village dans le sud de la France, avec des copains de classe, jusqu’à l’âge de 14 ans, c’est-à-dire jusqu’en en cadets première année. J’avais certainement quelques qualités supérieures à la moyenne mais je n’étais pas destiné à faire une carrière professionnelle : je n’en avais même pas l’idée ! C’est alors que le district Rhône-Durance, qui était le district des alentours, organise une détection. Une détection très particulière, puisque le district demande à tous les petits clubs (puisqu’on était un petit club, on était au plus bas niveau) d’y envoyer leurs trois meilleurs joueurs. J’en faisais partie, et je me retrouve avec une centaine de gamins. À l’arrivée, 20 joueurs, dont je faisais partie, ainsi qu’un joueur de mon équipe, ont été conservés. Dans la foulée a eu lieu une autre détection contre la sélection Rhône-Durance, constituée des meilleurs joueurs du district. Je joue une mi-temps avec la sélection créée par les petits clubs au poste d’attaquant, et je marque un but. À la mi-temps, on vient frapper au vestiaire et on me dit : « on vient chercher Patrick Collot, il faut qu’il passe dans l’autre équipe ! ». Alors je passe de l’autre côté et je change de maillot. Et je marque ! Le match s’est terminé sur ce 1-1.
« Une carrière professionnelle ne tient à rien du tout »
Et c’est donc là que tu es « repéré » au niveau du district ? Que se passe-t-il ensuite ?
Il y avait là un entraîneur, qui n’était pas du district, mais de la MJC Avignon, qui était le meilleur club de jeunes de la région, d’où sont sortis Eric Di Meco, ou Laurent Paganelli. Il vient voir mes parents, qui étaient présents, et leur demande si je pouvais aller jouer dans ce club-là. Mes parents me l’ont autorisé. J’ai joué donc deux ans là-bas : d’abord un an en cadets 2e année et en cadets nationaux, donc le plus haut niveau, on jouait contre tous les clubs professionnels de la région : Nîmes, Nice, Monaco ; et une deuxième année en Juniors 1e année. Pendant ces deux années, j’avais un ami avec qui je me rendais souvent aux matches. Il a su en fin de saison qu’un joueur de notre équipe allait faire une détection à Toulon. À l’époque, Toulon venait de monter en D1 et devait créer son centre de formation, c’était une obligation. Et donc cet ami me dit : « Patrick, viens, on va demander si on peut faire la détection ». Je lui ai répondu : « qu’est-ce que tu veux qu’on aille faire à la détection ? Si tu veux, demande… Et si tu as l’autorisation, je t’accompagne ». Et finalement, comme Toulon était en recherche de jeunes joueurs, la MJC Avignon a été autorisée à envoyer trois joueurs au lieu d’un. Alors je pars faire cette détection de trois jours, et Toulon me recrute. C’est comme ça que je suis parti en centre de formation. Mais loin de moi l’idée de partir en centre professionnel ! Je pensais que ce n’était pas accessible. Moi, j’étais dans un petit village, j’avais mes amis, j’avais l’école. Je faisais du foot avec mes copains et voilà… Mais cette opportunité m’a permis de partir en centre de formation, alors que ce n’était pas dans mes projections. A partir de là, j’ai travaillé, puis Toulon m’a fait signer professionnel après quelques années, puis j’ai été aspirant, stagiaire…
Tu es lancé par Rolland Courbis. Dans quelles circonstances tu démarres en pro ?
Oui, ayant fait toute ma formation à Toulon, c’est Rolland Courbis qui m’a lancé. J’étais en fin de contrat stagiaire et vers le mois de mars-avril 1988, il y avait un match de Coupe de France contre Sète, en aller-retour. Sète était en 2e division, Toulon en 1e. Le match se passe mal, Toulon perd 2-0 à Sète. Au retour, Toulon gagne 2-0 mais perd aux penalties1. Rolland Courbis, en fin de saison, par rapport à cette non-qualification, écarte quelques joueurs de l’équipe première et fait appel à des jeunes. Et donc il fait appel à moi, et à d’autres. Et je fais mon trou, j’arrive même à marquer dès mon deuxième match, à Laval. Mais s’il y avait pas eu cette élimination, je ne sais pas s’il y aurait eu la volonté de m’inclure dans l’équipe première. Peut-être que je n’aurais pas percé, que je serais parti ailleurs. En tout cas, petit à petit, je passe pro, et je suis resté quelques années à Toulon. Mais le club a déposé le bilan, et je suis parti à Martigues.
Lorsqu’on va voir d’anciens joueurs et qu’ils nous parlent de leur parcours, on a l’impression qu’une carrière professionnelle tient à une série d’événements, de circonstances, si ce n’est de hasard…
Je ne connais pas l’histoire de tout le monde, mais je pense en effet que ça ne tient à rien du tout ! Il y a du travail, mais ce sont toujours des rencontres, des connaissances qui permettent de s’orienter. Mais si je suis aujourd’hui avec Vahid Halilhodzic à Nantes, c’est parce que Vahid me connaît de notre époque au LOSC !
Il y a forcément des qualités footballistiques au départ.
Oui. Mais aussi des rencontres. Le hasard des rencontres a fait que je suis devenu joueur professionnel. Bien sûr que si je suis devenu joueur professionnel c’est parce que j’avais certaines qualités ! Mais le fait d’être joueur professionnel, c’est plein de rencontres, et ça ne tient à rien. Ça ne tient pas du football.
« Rester dans le Sud, c’était la facilité. Je n’avais pas la bougeotte »
Revenons à Toulon : tu l’évoquais, le club a été rétrogradé sportivement et également administrativement. Est-ce qu’en tant que joueur, tu avais vent de toutes les « affaires » autour du Sporting Club de Toulon ?
J’étais jeune et je ne m’occupais pas de tout ça… Tout ce qui se passait autour, c’était un peu occulte mais je n’y faisais pas attention. Mon but était de jouer et d’être plus performant. Le club a eu des problèmes financiers, des problèmes de « caisse noire » a déposé le bilan. Certaines personnes ont payé en justice : Rolland Courbis a été emprisonné à cause de ça. Toulon, c’était un club dans le sud de la France qui n’était pas toujours très clair avec les personnes qui dirigeaient… Je suis parti à Martigues.
L’équipe de Toulon, saison 1992-1993
Quand tu choisis Martigues en 1993 , tu as d’autres propositions ?
J’ai eu quelques possibilités, notamment venant de Newcastle, qui s’intéressait à moi quand j’étais à Toulon. Mais ça me faisait peur d’aller à l’étranger, avec une nouvelle langue. Et Nantes aussi ! Patrice Rio voulait que je parte à Nantes juste avant que je n’arrive à Lille.
Donc Martigues, c’était la facilité : je suis un enfant du Sud ! Je pouvais rentrer chez moi très facilement, j’habitais à côté de Saint-Rémy-de-Provence à 45mn. Toulon, c’était 1h15, 1h20 de voiture. Ça me faisait peur de partir loin, parce que j’avais mes attaches, mes connaissances, mes amis, mon fonctionnement. Donc un club juste à côté, ça m’allait bien ! Je n’avais pas la bougeotte.
Quels souvenirs gardes-tu de ton passage à Martigues ?
Je suis resté deux ans là-bas, de 1993 à 1995. Je suis venu de Toulon avec Philippe Anziani, on a pris le même chemin. J’étais aussi avec Thierry Rabat, que je connaissais depuis quelques années. En 1995, après une bonne saison [Martigues termine 11e], Martigues voulait me refaire signer. Mais je n’étais pas satisfait des conditions financières. Je n’avais pas un gros salaire, et on me proposait de le diminuer. Etant un peu orgueilleux, je suis parti. Un autre entraîneur est arrivé pour apporter un peu plus de plus-value à l’équipe, mais bon… l’année d’après ils sont descendus !
« À Lille, j’ai découvert un fonctionnement plus professionnel »
C’est donc là que tu prends la direction de Lille.
Thierry Rabat venait de signer ici à Lille, avec Jean Fernandez comme entraîneur. En échangeant avec Thierry Rabat, il demande s’il ne connaîtrait pas des joueurs qui pourraient jouer tel rôle… Et Thierry dit : « Patrick Collot pourrait ! ». Donc Monsieur Fernandez, par l’intermédiaire de mon agent, me propose de venir pour faire un essai2. Et moi, fier, j’ai dit : « jamais de la vie je n’irai à Lille ! Il fait toujours froid, il pleut ! Et en plus ils veulent me faire faire un essai ? Mais qu’ils aillent se faire voir ! ». Bon, moi, je n’avais pas dépassé Avignon : le nord c’était Valence ! On se fait des idées, on a des clichés : quand on vient du Sud, on parle toujours des régions au-dessus comme étant invivables…
Mon agent me dit de réfléchir. Sur le coup j’étais un peu énervé, mais après un week-end de réflexion, j’ai accepté. Ça ne coûtait rien. Je suis parti faire un essai de trois jours, et M. Fernandez m’a engagé, mais pas comme attaquant. C’est lui qui m’a reconverti milieu excentré, ou milieu à l’intérieur du jeu, et pas du tout attaquant comme j’étais à Martigues ou à Toulon. Voilà comment je suis arrivé à Lille. C’était une remise en question. Partir dans le Nord comme ça, loin de notre famille… Je suis arrivé avec mon épouse et ma petite fille, qui avait un an et demi. Et en 1995, il a fait un été de folie, un soleil jusqu’en octobre, novembre… C’est donc ça le Nord ?! On m’a toujours dit des bêtises ! Bon, après j’ai un déchanté, même si je me suis aperçu qu’il ne pleut pas tout le temps dans le Nord (rires) !
Les premières recrues de l’été 1995 : Joël Germain, Patrick Collot, Pascal Cygan et Thierry Rabat
Quelle image avais-tu du LOSC avant d’y venir, et quel club as-tu trouvé ?
J’ai découvert un autre fonctionnement. Parce qu’à Toulon et Martigues, on était très…familiaux. On ne nous lavait pas les affaires ; on avait tous des affaires différentes. Quand je suis arrivé à Lille, notre casier nous attendait au stade. Quand on arrivait, on le prenait, on allait se déshabiller, on se changeait et on le remettait, et tout était pris en charge par un intendant. Je trouvais que c’était le top niveau, je découvrais un autre métier ! Chaque fois que je partais de chez moi, j’avais l’impression d’oublier quelque chose : « J’ai oublié mon sac ! Ah mais non, les affaires sont au club ! ». C’était une progression dans l’approche, dans un club plus professionnel. Et puis j’ai trouvé des personnes très attachantes. Il y a des qualités, des mentalités dans le Sud, mais il y en a aussi dans le Nord. Je me suis très bien adapté dans l’équipe et dans le club. Ca ressemblait à mes valeurs, à mon fonctionnement et c’était très agréable de trouver autre chose.
Et au-delà du côté sportif, le club souffrait à l’époque d’un gros déficit d’image, les dernières années avait été marquées par des problèmes financiers, une grande instabilité au niveau administratif, et le club ne pouvait recruter que des joueurs en fin de contrat, comme toi. Est-ce que ces incertitudes étaient une crainte en tant que joueur ?
Honnêtement, je n’avais pas cette connaissance de l’histoire du club. Je ne savais pas qu’il y avait des problèmes. On me proposait un contrat, et comme mon objectif était de venir jouer au foot en première division et de découvrir autre chose… Grâce à Thierry Rabat, mon intégration a été facilitée. Puis Jean-Marie Aubry nous a rejoints, on logeait à l’hôtel ensemble et on est restés amis : il est le parrain de mon premier fils. Plein de choses se sont créées très rapidement, mais je ne savais pas du tout quelle était la situation générale du club. On le découvre petit à petit.
Sur le plan sportif, tu l’évoquais tout à l’heure : tu ne joues pas vraiment attaquant à Lille. Mais tu venais quand même remplacer le chouchou des supporters, Eric Assadourian, qui venait de partir !
J’étais là pour jouer. Je ne me posais pas la question de savoir qui je remplaçais, si c’était difficile, si on me comparait à lui ou pas. J’étais à 1000 lieues de penser à tout ça. J’étais là pour jouer le mieux possible, d’apporter ce que je savais faire et puis c’est tout ! Si on se commence à poser des questions en disant « je remplace untel, untel, untel », bon… Chacun ses qualités et ses défauts ! Tous les joueurs sont différents. On peut toujours comparer quand on est supporter, de l’extérieur. Mais c’est pas du tout mon cas.
Qu’est-ce qu’on te présente comme projet quand tu arrives à Lille ?
Rien du tout ! On me propose de venir jouer à Lille ! Sur un plan individuel, M.Fernandez me dit : « je veux t’utiliser dans un rôle différent ». Je devais appréhender un nouveau poste, une nouvelle fonction, donc il fallait que je travaille certains aspects, notamment défensifs, alors que j’étais plutôt basé sur l’offensive. En tant qu’attaquant, il y a un replacement mais il n’y a pas véritablement un fonctionnement particulier tandis que sur un côté, il faut défendre, il faut fermer, il faut rentrer, il faut attaquer. C’était beaucoup plus compliqué pour moi au début ! J’ai mis un peu de temps pour appréhender le poste et être performant.
« Au Parc en 1996, pas une seconde je ne pensais marquer ! »
Ce début de saison a été collectivement difficile pour tout le monde…
Oui. Sur un plan personnel, c’était un grand bouleversement : changer de région, changer quasiment de travail, avec ce nouveau poste… Monsieur Fernandez ne m’a pas fait jouer tout de suite, car je me suis blessé au genou. Au bout de 3 mois, on est derniers, et Jean Fernandez s’en va. Quand Jean-Michel Cavalli prend la suite, il me fait confiance et il me lance dans l’équipe. À partir de là, j’ai commencé à jouer et à m’intégrer. C’était beaucoup plus facile. Peut-être que M.Fernandez m’aurait fait jouer s’il était resté, je ne sais pas. Mais au départ, je n’ai pas eu beaucoup de temps de jeu, à cause de blessures, de mon intégration, de mon changement de poste qui n’était pas aussi facile. Donc il y avait des raisons ! Après on a fait une saison où on s’est sauvés presque miraculeusement !
Notamment avec un but en fin de saison dont on se rappelle tous !
On m’en parle toujours ! Lille n’a plus gagné à Paris depuis ce match-là ! C’est un grand souvenir.
En plus de son importance, c’est un but pas banal !
C’est inespéré ! À cette époque, Paris a une super équipe, qui joue encore le titre, et qui 5 jours après joue la finale de Coupe des Coupes contre Vienne à Bruxelles, où je suis d’ailleurs allé, car mon ami Luc Borelli jouait au PSG. On a réussi à gagner à Paris alors qu’on ne pensait jamais prendre un point. Ça nous avait donné une grande bouffée d’oxygène pour pouvoir nous maintenir. C’est un des souvenirs les plus marquants de toutes ces années à Lille.
Finalement, on n’a jamais eu le fin mot de l’histoire : tu as voulu tirer ?
Alors… Je crois que c’est un ballon qui revient après un corner. Je suis sur le côté. J’ai voulu tirer, mais pas une seconde je ne pensais marquer. Dans ma tête, je me dis « le ballon me revient, je vais frapper, si je ne cadre pas, au moins on aura toujours le temps de se replacer ». Donc j’ai frappé, fort, presque les yeux fermés. Je pensais que j’allais casser les tribunes, mais ma balle part bien… Et après c’est Bernard Lama qui fait une erreur ! Il anticipe un centre, et à l’arrivée, il se la met dedans ! Mais jamais je pensais que j’allais marquer, sincèrement ! Il y a des choses bizarres dans le football… C’était incroyable. Le hold-up de chez hold-up ! Des supporters nous attendaient au retour de Paris devant Grimonprez. Un grand souvenir ! On avait tant ramé… Cette année-là, on n’aurait jamais dû se maintenir. Et l’année d’après par contre, on aurait dû se maintenir 100 fois, et on est descendus…
« Le derby de novembre 1996 où je marque un doublé m’a autant marqué qu’il a marqué les supporters »
Précisément, la saison suivante, on a un scénario inverse : un début canon et une fin catastrophique. Comment on peut expliquer de tels écarts de performances sur une même saison ?
Quelques joueurs sont arrivés : Renou, Garcion, Banjac, et Becanovic qui marquait. On fait une très belle première partie de saison, c’est ça qui est incroyable ! Je me souviens qu’on devait être 4e ou 5e avec Lens à peu près. On se battait pour être éventuellement dans les places européennes. Et puis en 2e partie, on s’est complètement écroulés… Complètement… Et c’est une grosse déception, parce que cette année-là, on ne doit jamais descendre. Mais les problèmes internes de vestiaire, de fonctionnement, de rapports… Le groupe a complètement explosé et n’adhérait plus au discours de l’entraîneur. Il y a eu des problèmes relationnels entre les joueurs et le staff qui ont fait exploser le groupe. Il n’y avait plus d’unité.
Et ça bascule en cours de saison ?
C’est une usure. On avait des résultats en première partie de saison, mais il y avait des problèmes de vestiaire dès qu’on a commencé à avoir des difficultés sur le terrain. On n’a pas su se regrouper, faire l’unité. Le groupe a explosé. Ensuite, pour recoller les morceaux, c’est difficile, c’est très compliqué. Et on a tous payé les pots cassés.
Ca veut dire que lorsqu’il y a des résultats au-delà des espérances, il n’y a pas une dynamique qui permet de compenser les temps faibles plus tard dans la saison ?
Un groupe – les joueurs, le staff – c’est un équilibre très fragile. La force d’un groupe et son unité sont très complexes. Les résultats permettent de cimenter ce groupe, ou de cacher certaines choses. Les résultats ! Si un groupe vit bien, même si les résultats sont difficiles, il aura la possibilité de se serrer les coudes et de faire front face à la difficulté. Quand un groupe (comme j’en ai connu dans ma carrière, parce que je n’ai pas joué le haut du tableau très souvent, beaucoup plus souvent le maintien) n’est pas complètement soudé ou ensemble, c’est beaucoup plus difficile de pouvoir faire face à ces difficultés, de fédérer, de sentir la force individuelle du partenaire pour le collectif. C’est très difficile de changer cette dynamique quand on est sous pression de résultats. Quand ça va mal, on dit toujours que c’est la faute de celui-ci, de celui-là, de l’entraîneur, du président, de la secrétaire… C’est toujours la faute de quelqu’un, sauf de la sienne ! Et personne ne prend conscience que… C’est difficile à changer.
On peut opposer ce que tu décris aux années avec Vahid ?
Une force collective comme on a eue plus tard, c’est une force formidable ! Parce qu’on sait qu’on se bat tous pour le même projet, pour le même objectif, et on a encore plus envie qu’un autre ! Et ça, c’est un travail d’entraîneur, un travail pour créer cette dynamique. Puis les résultats facilitent cette dynamique. C’est ce qui est difficile à créer, parce qu’on juge toujours la qualité du joueur : bien entendu, il faut des joueurs ! Mais, au départ, c’est une histoire d’hommes : la réussite, c’est la qualité des hommes. Et même celle des joueurs qui ne jouent pas : ceux qui ne jouent pas sont très importants pour l’état d’esprit qu’ils amènent ou qu’ils mettent lors des entraînements pour que les titulaires soient les plus performants possibles. Si les joueurs qui jouent moins sont négatifs, les titulaires savent qu’ils n’ont pas de soucis à se faire, qu’ils vont rester titulaires, et que les remplaçants ne prendront jamais leur place.
Revenons à cette saison 1996-1997 : la victoire dans le derby en novembre a été un moment très important, peu après ton retour à la compétition.
Oui, ce match fait partie des moments importants de ma carrière à Lille. On a battu Lens 2 à 1, et je marque les deux buts. Je revenais après le drame que j’avais vécu. Je pense que… ce match a été fédérateur pour tous les supporters vis-à-vis de moi, par rapport à mon histoire et au club. Je crois qu’il m’a autant marqué qu’il a marqué les supporters. Et plus généralement, c’est vrai que les rencontres entre Lille et Lens, c’est très marquant. Nous dans le Sud, les derbies c’était contre Marseille, mais Marseille était trop fort par rapport à Toulon, on n’avait pas vraiment de rivalité sportive, il y avait trop d’écart ! Marseille était la grosse équipe du championnat la rivalité se traduisait surtout par une animosité entre les supporters.
Ici, il n’y a plus de derbies depuis quelques années, ce qui est malheureux. C’est une rivalité régionale, et c’est quand même sympa de pouvoir vivre ces matches-là. On parle encore plus de ces matches-là que d’autres. Et contre Lens en 1996, c’est vrai que sur ce match, je suis rentré un peu dans l’histoire du club. C’est toujours… un grand souvenir. Malheureusement, on était sur une spirale négative.
Patrick Collot porté par Jean-Marie Aubry après la victoire contre Lens, novembre 1996
« Les débuts avec Vahid ont été compliqués… puis on a appris à se connaître »
Toi qui as connu les mauvais et les bons moments, comment expliquerais-tu l’inversion de cette spirale sur ces quelques années ?
Quand Vahid Halilhodzic est arrivé, on était au fond du trou. Au fond du fond ! On est 17e. On est à la rue. On venait de rater la montée pour pas grand-chose, 1 point. Les joueurs étaient dans une déception, un mal-être énorme. On avait une remise en question à faire. Thierry Froger est parti. Il fallait tout recréer. Et c’est là que Vahid Halilhodzic est arrivé avec un fonctionnement, une vision et une exigence importantes qui ont permis de recadrer tout le monde et de réunir toutes les forces en présence. Vahid a recréé une dynamique de travail, d’exigence, de respect, de fonctionnement qui a permis de remettre tout le monde dans le droit chemin et tout le monde en question. Et à partir de là, il a recréé une dynamique positive qui a permis, petit à petit, de recréer un groupe et de se découvrir individuellement, ce qu’on ne faisait pas quand le fonctionnement n’était pas aussi exigeant. Mais on était aussi fautifs, on savait ce qu’on faisait aussi ! Je pense qu’on avait besoin de quelqu’un comme Vahid, qui nous aide à rester sur le bon chemin dans le travail, dans l’état d’esprit. Ça a permis de rassembler les énergies pour pouvoir justement avancer et être performant.
Et là encore, au-delà de l’aspect sportif, tu avais aussi conscience de ce qui se passait au sein du club ? On entend beaucoup de bien de Pierre Dréossi et de Bernard Lecomte à l’époque qui ont aussi serré les vis.
C’est Monsieur Lecomte qui m’a fait signer mon contrat. J’avais beaucoup de respect pour Monsieur Lecomte, parce que je pense que s’il n’avait pas été là, avec la mairie, il n’y aurait plus de club à Lille et le LOSC n’existerait plus. C’est un peu plus tard que j’ai commencé à comprendre l’histoire du club. Monsieur Lecomte est un grand artisan de ce qu’est le LOSC aujourd’hui. Il faut le savoir ! Les gens oublient ! La base, la première pierre du nouveau LOSC, c’est Bernard Lecomte qui l’a posée ! C’est lui qui met en place Vahid, qui prend cette responsabilité, qui travaille en commun pendant 2 ans avant l’arrivée de MM. Graille et Dayan. Il a mis les bonnes personnes au bon endroit : c’est essentiel dans la réussite d’un club. Et je trouve que ce monsieur n’a pas été suffisamment valorisé par rapport à tout ce qu’il a fait. C’est désolant. C’est une personne formidable, méconnue par rapport à ses qualités humaines et de personne. Et s’il n’avait pas été là, il n’y aurait rien eu derrière.
Avec Bernard Lecomte, après la victoire contre Lens en finale du challenge Emile-Olivier, juillet 1997
Comment as-tu construit ta relation avec Vahid ?
Au début, ça a été compliqué… Cette période était consécutive au décès de mon épouse. Certaines personnes à l’intérieur du club lui ont donné des indications, des explications sur chaque joueur : qualités, défauts. On lui a dit que j’étais fini pour le football et qu’il ne fallait plus compter sur moi, par rapport à l’âge que j’avais – j’étais en effet un des plus anciens – et par rapport à mon vécu personnel. Vahid arrive donc avec une idée préconçue de qui j’étais : il ne voyait pas l’utilité que je reste à l’intérieur du groupe. Mais moi, orgueilleux et fier, je me suis dit : « attends mon garçon, je vais te montrer qui je suis » ! Et petit à petit, on a appris à se connaître. Parce que Vahid est un personnage aussi ! Orgueilleux, fier, avec un égo important ! Mais comme j’étais apprécié par mes équipiers, ça faisait quelques années qu’on était ensemble, ça a permis de passer cette période de turbulences et de créer une dynamique très positive avec tout le monde. C’est pas Vahid, c’est pas moi : tout le monde a réussi à apporter sa pierre à l’édifice, au fonctionnement, à créer cette dynamique. On a démarré et puis on a connu tout ce qu’on a connu ! On a eu aussi des moments difficiles, parce que quand on ne monte pas la première année au goal-average, ça a été une nouvelle déception. Même si on partait de loin et qu’on a finalement failli monter, il fallait recommencer les efforts et repartir en 2e division…
« 1999/2000 : ma plus belle saison en tant que joueur »
Sous sa direction, ton statut de joueur change un peu : tu joues progressivement moins. Tu as un rôle de relais.
C’est ça. J’étais le relais à l’intérieur du groupe, le tampon entre les joueurs et Vahid. J’avais un rôle de meneur, quelqu’un qui essayait d’apporter son expérience et de discuter, d’échanger. Et quand je jouais, j’essayais de faire ce que je savais faire aussi. Mais c’est vrai qu’à ce moment-là, il y avait un fonctionnement dans le groupe où j’étais le paravent du groupe, la protection du groupe : quand il y avait quelque chose à dire, il me revenait d’exprimer les choses avec Vahid. Ca n’a pas toujours été facile, parce qu’il a voulu me virer plusieurs fois quand même à l’époque ! Petit à petit, avec ces frictions, il a appris à me découvrir, mon fonctionnement, mon état d’esprit. Ça lui a plu et il s’est « servi de moi » pour avoir ce relais à l’intérieur du vestiaire. Ce que je faisais avec grand plaisir, parce que mon objectif était que l’équipe fonctionne le mieux possible et qu’on ait les meilleurs résultats possibles.
Quelques mois après l’arrivée de Vahid, on sent qu’une équipe est née. Les résultats sont là dès la fin de la saison 1998/1999, mais même de l’extérieur, on sent qu’autre chose se joue. Dans quelle mesure on peut sentir qu’un groupe va réussir sa saison ?
Au départ de la saison 1999/2000, je pense qu’on savait qu’on allait faire une très, très, très belle saison. On était conscients de nos forces. Pourquoi ? Comment ? Je ne sais pas, ce sont des choses qui se sentent. C’est tout ce qu’on avait vécu ensemble, ce qu’on avait créé. On ne se sentait pas invincibles, mais pour nous battre ça allait être difficile ! On avait des choses et un ressenti à l’intérieur du groupe, une force collective, mentale et humaine aussi entre les joueurs : tout cela est facteur de réussite.
Il y a eu aussi des recrutements comme Johnny Ecker, Abdel Fahmi… Ces joueurs nous ont permis de nous solidifier. Fernando est arrivé en faisant un essai, presque comme un cheveu sur la soupe, et c’était une surprise formidable ! A ce moment-là, il s’est créé quelque chose et je dirais que tous les astres étaient alignés pour que ça fonctionne.
Je me souviens d’une réunion qu’on a eue en stage, avec Vahid. Il réunissait toujours les 4-5 personnes leaders du groupe. Il nous réunit et nous demande quels sont nos objectifs. Et il nous fait parler… Lui nous dit qu’il faut valider l’accession en première division et finir dans les 3 premiers. Et là j’ai une réflexion, je dis : « ah non, il ne faut pas finir 3e ! Il faut finir 1er ! » Il faut finir 1er ! Pas 3e ! Je ne sais pas si ça a créé quelque chose de le dire, de l’annoncer, comme une prise de conscience… Parce qu’ensuite il faut assumer aussi ce que l’on dit ! Est-ce que ça nous a donné une force supplémentaire ? En tout cas, ça a été très important de le dire, de partager la même idée avec le staff. Ça crée quelque chose lorsque les joueurs décident d’eux-mêmes. C’est mieux que si c’est l’entraîneur ou le club qui fixent tel objectif. Si un groupe n’est pas complètement intégré à cet objectif-là, mentalement, physiquement, je ne suis pas certain que ça puisse créer quelque chose. Et puis on a fait la saison formidable, la plus belle saison pour moi en tant que joueur ! Même davantage que quand on a joué la Ligue des Champions. Pour moi, c’était plus fort d’être champions de 2e division et de faire remonter le club.
Seul buteur contre Louhans-Cuiseaux en août 1999
C’était effectivement une saison marquante, exceptionnelle. Le LOSC se retrouve en Ligue 1, on annonce le maintien comme objectif. C’est toujours compliqué d’afficher des objectifs beaucoup plus ambitieux, mais en même temps on sent une force dans cette équipe, comme si une machine était lancée.
C’est vrai qu’en 2e division, on se sentait forts ! Quand on monte, on se demande de quoi on est capables à l’échelon au-dessus. Au départ, le maintien était l’objectif principal. On ne s’était pas mis de barrières, mais pas de pression non plus pour dire qu’il fallait être dans les 10 premiers : si on pouvait se maintenir tranquillement, c’était l’essentiel. On était sur la dynamique de la montée, du fonctionnement du groupe, avec quelques renforts aussi, car chaque fois des renforts arrivaient quand même !
Et je dirais qu’il y avait aussi une dynamique à l’intérieur du club. Je me souviens qu’à cette période, cette tribune derrière les buts a été construite. On sentait un club qui commençait à bouger, à s’améliorer pour accueillir ses supporters dans de meilleures conditions. C’est bête à dire, mais c’est quelque chose que nous, joueurs, on ressent aussi : que le club évolue, qu’il fait des efforts, qu’il veut progresser. Cette dynamique positive se retrouvait dans tout le club : au niveau administratif, il y a eu aussi l’arrivée de M. Paquet, de M. Thuilot dans le fonctionnement, dans l’encadrement, lorsque M. Graille et M. Dayan sont arrivés. Toutes les idées étaient mises en commun pour faire grandir le club, et ça crée un effet boule de neige, pas seulement au niveau des joueurs.
Lille/Monaco, 29 juillet 2000 : premier match avec l’extension de la tribune « Secondes », construite durant l’été
« En 2001, on n’était pas programmés pour être champions »
De retour en D1, on avait été surpris dès le premier match contre Monaco de la qualité de jeu, un jeu beaucoup plus varié que ce qu’on voyait en D2, contre un adversaire champion de France, et ensuite y avait eu le deuxième match où tu mets un doublé à Strasbourg…
Oui oui (rires) ! Bon, on était les premiers surpris de cette réussite. Après, c’était le début de saison, on ne voulait pas s’enflammer non plus. On sait très bien que, souvent, les équipes qui montent ont une dynamique par rapport à leur montée, dans leur état d’esprit, dans leur envie, dans leur volonté, donc est-ce que ça allait être éphémère ? On ne savait pas donc on profitait du moment et puis ça a duré pratiquement toute la saison. Parce qu’à 10 journées de la fin, on est premiers quand même ! C’est incroyable ! Et quand on y pense, ça s’est joué à peu de choses hein… à peu de choses !
Dernier but en D1 contre Sedan, le 9 décembre 2000. Ci-dessus la vidéo, ci-dessous le son sur Fréquence Nord
C’est vrai que plus le temps passe, et plus on se dit qu’on n’était vraiment pas loin.
Ah non ! Mais je pense qu’on n’était pas programmés pour ça. On prenait les matches les uns après les autres, mais on n’avait pas cette volonté je pense qu’avaient Nantes, Lyon, qui eux étaient plus programmés que nous pour aller chercher le titre. Et nous en plus on avait un effectif restreint, on n’était pas armés avec un effectif et un banc de folie, donc ça a certainement été pénalisant sur la saison. Mais à l’arrivée, dans les dernières journées, on a failli tout perdre, parce qu’on a failli ne pas être sur le podium. À la dernière journée, si Bordeaux gagnait à Metz, nous on finissait 4e ! ça aurait presque été une déception de finir 4e ! Ça aurait été terrible ! À l’arrivée, on arrive à gagner à Monaco et on termine 3e alors là c’était le bonheur. C’était merveilleux.
Il paraît que tu as fini nu dans le Méditerranée ce soir-là !
Oui, oui (rires)… Bon, j’avais aussi donné un peu toutes mes affaires au public qui était venu. Ouais bon… On devient un peu fou et un peu bête dans ces moments-là, on n’est pas toujours lucide (rires) !
On a de grands souvenirs cette année-là, nous on était au match à Lens en février, qu’on avait gagné, enfin que vous aviez gagné, sur un but de Rool contre son camp. Le seul regret, c’est que je pense que si Rool la met pas, c’est toi qui la met derrière !
Oui ! Moi je suis derrière, mais il la met parce que je lui mets la pression (rires) !
Un derby qui avait été marquant pour nous aussi, c’est celui de l’année de la remontée, avec les 2 buts en fin de match de Dagui Bakari et de Laurent Peyrelade.
Ah oui. Mais avec Vahid, on a gagné une multitude de matches dans les dernières minutes ! C’est incroyable !
On avait fait le calcul : à l’époque Vahid, en championnat, un quart des buts ont été marqués au-delà de la 80e minute.
Je me souviens qu’à la fin, tous les supporters se levaient ! Ils pensaient toujours que quelque chose allait arriver ! C’était incroyable ! C’est fou ! Il y avait eu un match contre Montpellier, où on perd 0-1, et je me fais expulser à 10 minutes de la fin. On a gagné 2-1, deux buts dans le temps additionnel ! C’était incroyable. Ça s’est passé une multitude de fois.
« Rester dans le club et le remettre au niveau où il était, c’est une grande fierté »
Mais on imagine que c’est symptomatique de l’état d’esprit du groupe ?
Oui, bien sûr ! On était dans une période quand même assez faste. On prenait conscience de plus en plus de nos qualités, de nos possibilités. Donc quand des joueurs commencent à prendre conscience de ces qualités, ça fait quand même quelques années que je travaille avec Vahid et que je vois comment ça fonctionne, après on a une confiance, et on sait qu’on peut toujours y arriver. C’est ce côté là qui est… c’est incompréhensible et, en même temps, cette réussite se crée. Parfois, on se dit « c’est incroyable » comme si c’était irrationnel, mais je pense que ce sont plein d’événements qui se provoquent qui permettent de pouvoir arriver à faire de telles choses.
C’est quand même assez rare que ça se prolonge sur une période aussi longue, non ? Parce que finalement, sur une période de 3 ans, on a l’impression que le groupe sur-performe. Grégory Wimbée disait « on était des joueurs moyens de Ligue 2, on est devenus des joueurs moyens de Ligue 1 ». Et au final, il y a un titre de champion de D2 où vous battez tous les records, dans la foulée il y a une 3e place, un beau parcours en coupe d’Europe, puis une 5e place.
Oui, oui, c’est vrai. Comme le dit Greg Wimbée, c’est vrai qu’on n’était pas des joueurs d’un niveau « très élevé » entre guillemets, mais c’est là que la force collective, la force d’un groupe, et un projet commun permettent de rivaliser avec d’autres équipes qui sont mieux armées individuellement mais qui collectivement, certainement, ne sont pas aussi au point que nous, ou avec une mentalité aussi développée que la nôtre. C’était notre force, c’est une évidence ! Les Carl Tourenne, les Fernando D’Amico, ne sont pas des génies techniquement… On était des besogneux du football, mais avec une volonté et une rage de se battre ensemble. Et puis aussi des qualités hein, Bruno Cheyrou était un joueur de grande qualité, Pascal Cygan ça a été un joueur de très haut niveau pendant un moment quand il a été à Lille, c’était la tour de contrôle. C’était impressionnant, on avait l’impression qu’il attirait tous les ballons ! Greg Wimbée arrêtait tout ce qu’il voulait… On était au maximum de nos possibilités et on utilisait toutes nos forces et nos qualités.
Ce qui est frappant à cette époque, et maintenant que tu es entraîneur tu as sans doute un regard particulier là-dessus, il y a quand même des joueurs qui ont eu une progression fulgurante. Cygan a eu des difficultés à Lille ; quand Bakari est arrivé, c’était laborieux ; Grégory Wimbée a eu aussi des difficultés… Et ils ont atteint un niveau qu’on n’aurait jamais imaginé. Est-ce que ça s’explique autrement que par du travail ?
Par le travail, bien sûr. Quand Vahid est arrivé, je me souviens, il nous envoyait jongler. Dagui Bakari sortait de l’entraînement pour aller jongler ! Des jongles intérieurs et extérieurs pour assouplir les hanches. Le grand Wimbée, il a frappé maints et maints ballons pour placer son pied sous le ballon pour qu’il puisse mieux frapper, donc il y a eu du travail de fait. Mais après je pense que la réussite, c’est la réussite du groupe. Je maintiendrai toujours ça : c’est la réussite des hommes qu’il y avait à l’intérieur de ce groupe-là. Toutes les personnes qui étaient dans le groupe. Il y avait des personnes très importantes, comme D’Amico qui est arrivé, c’était un chien fou mais il apportait une rage de récupérer le ballon, de s’arracher ; Bruno Cheyrou avec ses qualités techniques, son sens du but ; Pascal Cygan a eu des difficultés à Lille, pourquoi ? Parce qu’au départ, il faut quand même savoir qu’il jouait arrière gauche ! Mais il n’a aucune qualité pour jouer arrière gauche ! Il faut le reconnaître quand même. Pour inventer ça… ! C’était une anomalie. Nous on savait tous que ce n’était pas possible qu’il joue là. Alors il essayait, mais dès qu’il a été replacé dans l’axe, il a commencé à prendre ses marques et ça a été un autre joueur. Un autre joueur ! On avait des joueurs à l’intérieur du groupe qui étaient mal utilisés, ou qui n’étaient pas en confiance, et qui ont été repositionnés à des postes qui correspondaient davantage à leurs qualités. Et donc avec le travail, les résultats, la confiance, ça permet aussi de se sublimer et d’améliorer la qualité des joueurs. Mais avant tout c’est le travail et la réussite d’un groupe de personnes.
Pour terminer sur cette période de footballeur, as-tu conscience de faire partie des joueurs qui ont le plus marqué les supporters quand on évoque le LOSC de cette époque ? Est-ce que tu ressens l’admiration qu’on te porte ?
Oui, je sens que je ne passe pas inaperçu dans le cœur de certains supporters. Quand les gens me reconnaissent à Lille, ils sont heureux de me voir, d’échanger, de discuter ou de prendre une photo. Ce doit être lié à ma personne, car je n’étais pas un joueur talentueux. Je pense d’abord que mon histoire personnelle n’est pas commune, et qu’elle a marqué les supporters. J’ai connu des moments très difficiles. Quand j’ai vécu ce drame, j’ai été très soutenu par le club, par l’environnement, par les supporters, qui ont eu une attention et un regard beaucoup plus fort. Même si des personnes ont laissé entendre que j’étais « en difficulté » et qu’on ne savait pas si j’allais réussir à surmonter ce drame, mon travail, mon investissement, ma façon de jouer, ont permis que les gens fassent très certainement plus attention à moi. Je pense que les valeurs que j’ai affichées représentent aussi les qualités de la région : l’état d’esprit, la mentalité, le courage… Tout cela a certainement permis aux supporters de m’apprécier, et moi en retour d’apprécier les gens du Nord et de me sentir bien dans ce club.
Et ensuite, je suis aussi resté quand le club est descendu en D2, je suis resté dans les moments difficiles, puis on est remontés. Quand on peut rester dans le club et le remettre au niveau où il était, c’est une grande fierté. Une grande fierté ! Je suis ensuite resté des années au club, j’y ai fait beaucoup de choses. C’est donc aussi une histoire collective. C’est l’histoire d’une personne, d’un joueur, dans un groupe, dans un club qui a eu de la réussite pendant plusieurs années, qui a créé cette relation très agréable. Je pense que les gens d’ici sont reconnaissants du travail, de l’investissement de quelqu’un qui n’est pas de la région, et qui est resté si longtemps pour donner au club. C’est un tout.
Maintenant, il y a plein de supporters qui ne me connaissent pas ! Les gamins de 15 ans, de 20 ans, ne m’ont jamais vu jouer. Mais dans l’esprit des supporters qui m’ont connu en tant que joueur, je sens que j’ai… (il réfléchit) J’ai marqué quelque chose, j’ai fait quelque chose, alors pourquoi, comment, je ne sais pas le définir précisément mais… c’est là.
La deuxième partie de l’interview, c’est ici
FC Notes :
1 Aller le 30 mars 1988, retour le 5 avril, avec des buts au retour de David Ginola (54e sp) et de Laurent Paganelli (81e) pour Toulon, 10-11 aux tirs aux buts.
2 On constate donc que, réellement, Thierry rabat.