Posté le 16 août 2019 - par dbclosc
Quand le LOSC inspire Hergé : les Dogues en Syldavie
En 1938, Hergé publie le Sceptre d’Ottokar, qui relate les aventures de Tintin en Syldavie, un pays imaginaire situé vraisemblablement dans les Balkans ou en Europe centrale. Au sein de la communauté des tintinophiles, le débat fait rage pour savoir de quel(s) pays s’est inspiré l’auteur belge pour créer ce pays. Si les hypothèses sont nombreuses, celles qui reviennent le plus souvent trouvent l’origine syldave en Roumanie, au Monténégro ou en Albanie. Après être revenu sur ces trois principales hypothèses, nous montrerons qu’une autre hypothèse vraisemblablement encore plus plausible a été oubliée : la Syldavie serait en réalité une métaphore prémonitoire du LOSC.
Peu avant la Seconde Guerre Mondiale, Hergé inscrit pour la première fois les aventures de Tintin dans un pays imaginaire. A partir de quoi l’auteur belge a-t-il construit la Syldavie, pays qui abrite les aventures de Tintin dans trois albums et dans le film Le lac aux requins ? Les hypothèses des tintinophiles sont nombreuses, certains y voyant la Roumanie, d’autres le Monténégro ou l’Albanie ou, pour certains des plus audacieux d’entre eux … la Belgique. En réalité, c’est bien du LOSC qu’il parle.
La Syldavie : une origine roumaine ?
Selon Dodo Nita, traducteur roumain des aventures du reporter, Hergé aurait créé la Syldavie en s’inspirant de son pays (ça tombe bien). Les arguments ne manquent en effet pas pour étayer pour étayer cette thèse. La principale tient au nom même du pays, comme s’il était composé à partir de Transylvanie et de Moldavie, deux régions faisant partie de la Roumanie (si la Moldavie est un Etat indépendant, la région voisine située en Roumanie s’appelle également ainsi). Autre argument géographique, le massif montagneux de Syldavie est intitulé les Zmyhlpathes dont le nom fait immédiatement penser à celui des Carpates situé au coeur de la Roumanie. En outre, l’orthographe habituellement retenue dans la première partie du Xxème siècle était « Carpathes », laquelle se rapproche encore davantage du massif inventé par le dessinateur. Plus généralement, les noms utilisés par Hergé semblent avoir une inspiration d’Europe centrale (les villes de « Klow », de « Tesznik » et de « Dbrnouk ») plutôt que des Balkans et tendent alors plutôt à étayer la piste roumaine.
D’autres éléments vont dans le sens de la thèse roumaine. Par exemple, le nom donné aux conspirateurs syldaves, la « Garde d’Acier » ressemble étrangement à la « Garde de Fer », nom du parti nationaliste roumain de l’époque. Par ailleurs, les Syldaves emploient l’alphabet cyrillique comme on le faisait dans une partie de la Roumanie de l’entre-deux-guerres et à la différence de ce qui se faisait dans les pays balkaniques. Enfin, si la Roumanie n’est pas un pays slave comme la Syldavie, elle a largement subi l’influence slave et a également subi les invasions ottomanes comme le pays imaginaire d’Hergé.
Toutefois, d’autres éléments amènent à douter d’une inspiration uniquement roumaine de la Syldavie. D’abord, les nombreux minarets syldaves indiquent une certaine présence musulmane alors que l’Islam est quasiment absent de Roumanie. Surtout, si l’on ne peut précisément connaître la superficie de la Syldavie, un certain nombre d’indices permettent de l’évaluer à environ 20.000 km² soit environ dix fois moins que la Roumanie. On apprend aussi dans la bédé que la population syldave est alors de 628.000 habitants contre 18 millions pour la Roumanie de 1930. Ces incohérences nous amènent alors aux hypothèses monténégrine et albanaise.
Une évocation du Monténégro ou de l’Albanie ?
En effet, sur ces derniers points, le Monténégro et l’Albanie – pays balkaniques comme l’est la Syldavie – correspondent davantage au profil. Ainsi, juste avant la Seconde Guerre Mondiale, on estime que les Musulmans représentent 20 % de la population monténégrine et 70 % de celle albanaise. La différence entre ces deux pays est donc importante sur ce point, mais rien ne nous permet de trancher à partir de ce que l’on voit dans les aventures de Tintin : on comprend en effet qu’il existe une part conséquente de Musulmans en Syldavie, mais on n’a en revanche pas d’informations permettant de savoir si cette religion est majoritaire (comme en Albanie) ou minoritaire (comme au Monténégro).
Les indices relatifs à la superficie du pays collent également à peu près pour les deux pays, la superficie syldave (environ 20.000 km²) se situant en effet entre celle du Monténégro (14.000 km²) et celle d’Albanie (28.000 km²). Il en est de même quant aux populations respectives de ces deux pays : en 1938, la population monténégrine (400.000 habitants) est en effet un peu plus réduite que celle syldave, tandis que celle d’Albanie (1 million d’habitants) lui est un peu supérieure. Sur ces aspects, Albanie et Monténégro constituent tous deux d’aussi bon candidats au titre de patrie originelle syldave.
Le symbole du pélican, qui orne les armoiries et le drapeau syldave, ne fait référence aux symboles d’aucun pays au monde. Toutefois, sa représentation rappelle celle d’autres animaux : l’aigle bicéphale qui nous ramène encore à l’Albanie et au Monténégro. On trouve ainsi un air de famille entre le drapeau syldave et celui d’Albanie même si le premier est jaune et le second rouge (ci-dessous).
La ressemblance entre les armoiries royales de Syldavie et celle du Monténégro (ci-dessous) laisse encore moins de doute sur l’inspiration d’Hergé sur ce point.
Les armoiries de la Syldavie (derrière le Roi et la Reine sur le dessin) semblent inspirées de celles du Monténégro (à gauche). A moins que ce ne soit l’inverse.
Tout ne colle cependant pas quant aux thèses relatives à ces deux pays. Ainsi, dans aucun des deux on écrit en cyrillique. Dans Objectif Lune, qui se passe également en Syldavie, un tintinologue a estimé (à partir du dessin de la planche 61 de l’album) que la fusée était vraisemblablement partie de la zone située à l’intersection entre la Slovaquie, l’Ukraine, la Hongrie et la Roumanie. Et, comme on l’a dit avant, les lieux noms évoqués dans la bande-dessinée évoquent davantage l’Europe centrale que les Balkans.
Plutôt une métaphore prémonitoire du LOSC !
Alors, que doit-on en conclure ? Qu’il n’y aurait aucune unité de la Syldavie qui ne serait qu’une mosaïque de l’ensemble des pays d’Europe de l’est ? A DBC, nous pensons au contraire que la Syldavie correspond à une seule et unique inspiration originelle. Une équipe de 6 chercheurs s’est consacrée pendant 7 ans à temps plein à une recherche visant à répondre à cette épineuse question. Les conclusions de cette équipe sont claires : la Syldavie serait une métaphore prémonitoire du LOSC. Si le club n’existait pas encore, il serait apparu en songe à Hergé après une nuit passée dans une fumerie d’opium à l’occasion d’un travail préparatoire pour un autre album.
Les références à l’Albanie, au Monténégro et à la Roumanie ne sont cependant pas fortuites. Quand, au cours de sa nuit de défonce, Hergé a visualisé l’histoire du LOSC, il a vu la plupart des joueurs qui allaient construire le club. Parmi ces nombreuses figures, lui apparurent Edwin Murati, un Albanais, qui était alors l’une des deux recrues-phares en 2000, l’année de la remontée. Dans l’esprit d’Hergé, la référence à l’Albanie symbolise alors vraisemblablement le renouveau du LOSC. Lui sont également apparus les Monténégrins Miladin Becanovic et Marko Basa. Hergé ne retient pas ces cas par hasard. Le premier était buteur prolifique l’année de la descente de 1997 et le second se blessait en effet tous les quinze jours pour revenir chaque fois plus fort : ils symbolisent des bêtes blessées qui, même face à la pire des adversités, ne se rendent jamais. Voilà pour la symbolique monténégrine. La Roumanie fait bien sûr référence à la Marius Baciu. Ce bon vieux Marius arriva en 2002, en même temps que Claude Puel, et symbolise alors une nouvelle reconstruction du club, rappelant que le LOSC, plus qu’aucun autre club, a dû toujours se réinventer pour lutter face à l’adversité. Prendre une figure médiocre était pour Hergé une manière de signifier que le collectif est plus important que les individualités qui le composent. Hergé pense également vraisemblablement aussi à la confrontation entre Lille et Bistrita la même année, en coupe intertoto. Pris indépendamment, chacun de ces trois cas manquent d’unité. Pris ensemble, ils représentent trois caractéristiques qui nous mènent à une seule et même entité : le LOSC.
Ensuite, Objectif Lune et On a marché sur la Lune, (dont l’action se passe en Syldavie) constituent de toute évidence une référence au LOSC de l’époque à Vahid. Que sont ces bédés sinon une métaphore de gars partis de rien qui parviennent à atteindre un objectif qui paraissait au départ utopique ? Hergé fait ainsi partir nos héros d’un pays apparemment tout pourri, symbolisant l’état désastreux des finances du club quand le président Lecomte le reprend en main. La métaphore du voyage sur la Lune est une référence encore plus explicite à ce qui allait se passer ensuite : en dépit des obstacles, Vahid et ses hommes n’allaient-ils pas réussir à décrocher la Lune en montant en D1 puis en jouant la Ligue des Champions en seulement trois ans ? Le personnage de Wolff est une allusion à peine voilée à Thierry Froger : on le sent profondément gentil, et pourtant, il mène les héros à leur perte, à la manière de Thierry Froger avec le LOSC. Dans On a marché sur la Lune, Wolff se sacrifie pour la survie des héros, comme dans l’histoire du LOSC le sacrifice de Froger fût la condition sine qua non à la réussite de Fernando D’Amico et de ses camarades.
Si, physiquement, Wolff (à gauche) semble un mélange entre Gilles Hampartzoumian (à droite) et le président Lecomte, il fait en réalité référence à Thierry Froger
Un drapeau des Flandres ?
On a évoqué le drapeau syldave comme entretenant une parenté avec l’Albanie. Pour autant, comme on l’a dit, il existe toutefois une différence assez problématique entre les deux : le fond du drapeau du pays imaginaire d’Hergé est jaune alors que celui d’Albanie est rouge ! Ne peut-on pas trouver une autre référence d’un drapeau jaune avec un animal central en noir ? C’est justement le cas du … drapeau des Flandres !
La seule différence entre les deux drapeaux tient au fait que le lion des Flandres a été remplacé par un pélican. Cet animal ne vous rappelle-t-il pas quelque chose ? Bien sûr, il évoque le symbole d’une célèbre bière, la Pelforth, produite par la brasserie … du Pélican : en 1955, celle-ci faisait justement la promotion de sa bière à partir d’un personnage portant le maillot du LOSC ! En 1971, la limonade Pel d’Or, produite par Pelforth, était l’une des premières marques à s’afficher sur le maillot du club.
Cette statue du pélican de Pelforth rappelle quand-même bien le pélican syldave
Un Turc qui s’lave
Mais, diront les esprits chagrins, alors que la Syldavie est un pays slave ayant jadis subis l’influence ottomane, le LOSC n’a rien de slave ni d’ottoman. On leur répondra qu’il s’agit vraisemblablement d’un oubli d’une référence à une célèbre photo du LOSC, en l’occurrence celle-ci :
Sur le cliché, on voit un Engin Verel, joueur turc (donc « ottoman »), sortant nu de la douche (ce qui prouve qu’il « s’lave ») et serrant la main à Pierre Mauroy (qui allait donner son nom au stade). Au-delà de la photo, la référence ottomane d’Hergé évoque les nombreux transferts ayant eu lieu entre le LOSC et Fenerbahce (H.Nielsen, Kjaer, Sow, Benzia, etc.), celle slave le fait que, au-delà de Verel, tous les Dogues s’lavent (la récurrence de cette pratique chez les joueurs lillois ayant visiblement frappé le dessinateur belge).
On notera aussi que le fameux sceptre de la première bédé faisant référence à la Syldavie est celui d’un certain Ottokar. Là encore, il s’agit d’une référence flagrante aux supporters lillois. En effet, le fin observateur aura remarqué que, lors des matchs à l’extérieur du LOSC, la plupart des supporters faisant le déplacement y vont en autocar. Coïncidence ? Chacun se fera son avis…
La Syldavie, un complot permanent
Mais la référence la plus claire et indiscutable au LOSC tient au fait que la Syldavie d’Hergé est dépeinte comme un pays touché de manière omniprésente par le complotisme qui le ronge, comme le LOSC est la victime permanente d’un long et pénible complot ourdi par qui vous sachiez depuis la nuit des temps (ce qui ne l’empêche pas de briller en déjouant tant bien que mal ledit complot). Si Wolff, cité plus haut, évoque le complot de l’intérieur, les autres complotistes font référence au plus commun complot « de l’extérieur » trouvant son incarnation la plus concrète dans un joueur comme Jean-Christophe Rouvière.
Mais si l’on veut se faire un avis définitif sur les références d’Hergé quand il pense à la Syldavie, ne faut-il pas demander à l’auteur lui-même ? Celui-ci a ainsi déclaré un jour que l’histoire du sceptre d’Ottokar était celle d’un « Anschluss raté », celui de la Bordurie sur la Syldavie. De toute évidence, il fait référence au projet de Gervais Martel d’annexion du LOSC par le RC Lens, quand le président artésien déclarait qu’il n’y avait pas la place pour deux grands clubs dans la région Nord-Pas-de-Calais. Visionnaire, le dessinateur en avait prévu l’issue et avait prophétisé la victoire finale du LOSC. Ainsi, dans la pensée d’Hergé, la Bordurie est le « voisin » de la Syldavie, tout comme Lens est le « voisin » de Lille. En regardant attentivement, on remarque aussi que le personnage bordure du Maréchal Plekzy-Gladz est un habile mélange entre Daniel Leclercq et Cyril Rool.
Dans la fresque de la bataille de Zilheroum que Tintin découvre dans une brochure, on voit les Ottomans fuir devant les attaques syldaves. Là encore, on découvre une métaphore des Lensois fuyant en Ligue 2 sous les assauts répétés des attaquants lillois lors des derbys du Nord.
D’autres références évoquent explicitement le LOSC, comme le nom de la capitale syldave, Klow qui rappelle bien sûr Patrick Collot. La ville de Niedzdrow est visiblement inspirée de Mostar qui n’est autre que la ville d’origine d’un certain Vahid Halilhodzic. Un dernier élément achèvera de convaincre les plus sceptiques : le nom de la Syldavie. De toute évidence, il s’agit d’un mélange entre Sylvain N’Diaye et Anne-Laure Davy, ce qui donne dont Syldavy (francisé par Hergé en « Syldavie »).
Nous étions en 1938. Hergé voulait nous avertir. La Seconde Guerre Mondiale arrivait. Mais le plus abject n’était pas là : le Complot Contre le LOSC allait suivre.
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