Posté le 18 août 2019 - par dbclosc
Lille/Montpellier 2001 : un final ébouriffant en attendant Parme
Le 18 août 2001, Grimonprez-Jooris accueille la 4e journée du championnat de D1. Menés et réduits à 10 à la 89e minute, les Lillois s’imposent 2-1 après une nouvelle fin de match sidérante, et préparent ainsi au mieux la réception de Parme 4 jours plus tard.
« Les Lillois ont l’avantage du terrain. J’espère qu’ils auront la tête à Parme » annonce le président du MHSC, Louis Nicollin, avant la rencontre. Il a bien raison d’espérer : Parme est dans toutes les têtes, du moins dans les têtes des supporters. Après l’exploit réalisé en Italie, l’Europe a fait connaissance avec Lille, et les Dogues ont obtenu une reconnaissance quasi-unanime : « ce qu’il faut mettre en exergue, c’est le match à Parme, poursuit Loulou. Sur 100 Lillois, il n’y en a pas 5 qui y croyaient. Mais le LOSC a montré que ce n’est pas avec de l’argent qu’on joue au foot. Pour ce que fait le LOSC, bravo ».
Pas d’euphorie
Après ce match historique, les Lillois, bien que (logiquement) en souffrance physiquement, sont allés chercher un bon nul à Bordeaux (0-0), ce qui porte leur total à 5 points en 3 journées (après un 0-0 à Paris en ouverture puis une victoire 3-1 contre Lorient). Le match retour contre Parme se profile et tout le monde s’impatiente de voir les Dogues finir le travail. Mais, avant cela, place au championnat : il s’agit d’écarter Montpellier, qui a également 5 points. 4 jours avant le match aller, le LOSC recevait Lorient, et il ne fallait penser qu’à Lorient. Cette fois, 4 jours avant de recevoir Parme, il ne faut penser qu’à Montpellier, malgré l’évidente excitation liée à la coupe d’Europe. La Voix du Nord rapporte même qu’à l’entraînement, Grégory Wimbée rabroue sèchement un supporter qui lui parle de Parme : « et le match de Montpellier, vous allez le jouer à notre place ? ».
Même si Loko est parti à l’intersaison, les Montpelliérains viendront probablement en train, comme le suggère implicitement Grégory Wimbée :
Les Dogues ont obtenu deux jours de repos, et récupèrent ainsi Fahmi, absent à Bordeaux, mais pas Landrin, blessé au tendon d’achille et qui manquera aussi Parme. Ils ont repris collectivement le mardi soir, avec une grosse séance de 4 heures. Vahid ne se laisse pas bercer par l’euphorie après ce bon début de saison et rappelle tout le monde à ses devoirs : « s’il en est un qui manque à ses devoirs, il s’éliminera lui-même du groupe ». Greg abonde : « le rendez-vous de samedi est notre unique objectif. Depuis 3 ans, nous considérons toujours le prochain match comme le plus important, sans jamais nous projeter plus loin. Nous n’allons pas changer notre manière de fonctionner parce que Parme est annoncé la semaine prochaine. Montpellier est une bonne équipe, bien organisée, solide défensivement, portée par une dynamique de succès. Nous avons tout à craindre de cette équipe (…) Je préfère les remerciements d’aujourd’hui au dénigrement d’hier, c’est « évident. Mais je m’en méfie. Notre force est de savoir qui nous sommes. Nous devons faire très attention à ne pas l’oublier, à continuer notre chemin sans nous retourner, en travaillant, en restant très soudés et très concentrés. En particulier en ce moment, car nous n’avons encore rien gagné, rien obtenu de très concret. Nous ne sommes pas encore qualifiés pour la Ligue des Champions, et il nous reste 31 journées de championnat à disputer, donc 31 raisons de ne pas nous bercer d’illusions ». Pas d’euphorie donc. D’ailleurs, l’oeuf au riz, ce n’est pas très bon.
Retour de Djezon Boutoille
Une bonne averse est tombée dans l’après-midi, et il fait désormais doux sur Lille. 16 425 spectateurs ont pris place à Grimonprez-Jooris. Lors de l’annonce de la composition des équipes par Anne-Sophie Roquette, le public s’enthousiasme à l’évocation de Djezon Boutoille, titularisé, qui reçoit une belle ovation. Djezon fait son retour après une absence de 6 mois : il avait manqué le sprint final de la dernière saison après une blessure contractée contre Nantes en février. « J’étais au top… » commente-t-il. Et le LOSC était leader.
Voici la composition alignée par Halilhodzic : Bakari est préservé en vue du retour contre Parme, et Olufadé connaît sa première titularisation.
Wimbée ; Pichot, Fahmi, Cygan, Ecker ; N’Diaye, D’Amico, Cheyrou ; Boutoille, Olufadé, Beck.
En première période, Lille domine sans concrétiser, même si ce sont les Héraultais qui se créent la première occasion avec une frappe de Paulo Sergio Almeida trop croisée (1e). Comme souvent, Beck est remuant, excelle dans le jeu de remise, mais manque de réussite, comme à la 19e où son tir, un rien à côté, fait lever une partie du stade trompée par une illusion d’optique ; à la 43e, il est à un cheveu de reprendre un corner de Cheyrou ; et juste avant la mi-temps, il se heurte à Vercoutre (45e).
Le Lillois le plus en vue est bien Djezon Boutoille : tel un Keita face à un vulgaire Ramos, il est intenable sur le côté droit et donne le tournis à Assoumani, qui débute en première division. Il est proche d’inscrire un magnifique but à la 40e, mais son retourné est bloqué par Vercoutre : « c’est un ballon récupéré par Fernando D’Amico. Je fais un appel dans le dos de la défense et je me retourne au dernier moment. Là, je contrôle de la poitrine et je fais un ciseau en pivotant ». Mi-temps : le score est de 0-0 et, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’ambiance est particulièrement calme dans le stade.
La seconde période est quelconque du côté du LOSC. Ce sont même plutôt les Montpelliérains qui prennent le jeu à leur compte. Dès la 48e, une grosse frappe de Barbosa est arrêtée par Wimbée. Les adversaires cassent le jeu et multiplient les petites fautes : le LOSC ne trouve pas la solution et est inoffensif. C’est alors qu’Halilhodzic procède à un premier changement : Olufadé, pas très à l’aise, st remplacé par un Murati bien plus percutant, qui permet enfin de réveiller un peu le public. Deuxième changement à la 71e avec Boutoille, qui a réussi son retour, remplacé par Patrick Collot : « ça s’est bien passé. Il me manque juste une heure de jeu, pour retrouver parfaitement mes sensations. En seconde période, j’ai baissé de rythme et je suis sorti. Mais ça va revenir ». 73e, Bakari remplace Beck.
Collot pète les plombs…
78e minute : Maoulida part en contre, talonné par Collot, qui semble hurler sur lui. En bout de course, Maoulida trompe Grégory Wimbée et fête son but au poteau de corner. 1-0 pour les visiteurs ! Mais Collot continue sa poursuite et bouscule le buteur ! L’arbitre, Gilles Veissière, lui adresse alors un carton jaune. Un attroupement se crée et Patrick semble toujours aussi en colère : il assène un coup de tête à Rouvière ! Cette fois, il est expulsé. Que reproche donc Collot, auteur d’« un coup de sang dont on ne le croyait pas capable en vérité », aux Montpelliérains ?
Deux minutes avant le but, Pichot est sorti du terrain pour se faire soigner. Au moment où Maoulida s’est échappé, il était encore sur le bord de la touche, attendant l’autorisation de l’arbitre pour revenir en jeu. Et quelques secondes avant, N’Diaye s’est retrouvé au sol après un contact avec Mansaré et, dans la foulée, Murati est sévèrement taclé et a du mal à se relever. Autrement dit, Montpellier ouvre le score avec un joueur lillois sur la touche, et deux au sol ! Et si, d’ailleurs, Colllot se retrouve dernier défenseur sur l’action, c’est parce qu’il avait provisoirement pris la place de Pichot. Pat’ réclamait déjà depuis quelques secondes que le MHSC mette le ballon en touche ; son ultime demande derrière Maoulida n’a pas suffi. Halilhodzic réagit : « en règle générale, on doit arrêter le jeu sur ce genre d’action. Peut-être que les Montpelliérains ne l’ont pas vu. Sur ce coup-là, on a été un peu naïfs d’attendre un geste des Montpelliérains… ». À l’époque, il ne revient pas à l’arbitre d’arrêter le jeu, et il revient au possesseur de la balle de sortir le ballon, s’il le souhaite : on peut alors en effet regretter le manque de fair-play de Montpellier, ce qui n’excuse pas le geste de Patrick qu’Halilhozdic qualifie d’ « inacceptable ». L’entraîneur va lui-même chercher son joueur sur le bord du terrain.
…Le LOSC se révolte
Voilà donc le LOSC, déjà pâlot, mené et en infériorité numérique. Mais s’il fallait ça pour lancer la révolte ? Face au sentiment d’injustice, le public et joueurs sont désormais chauffés à blanc. Chaque prise des balle des Montpelliérains est copieusement sifflée, et les Dogues sont poussés à aller à l’abordage. Alors que le temps réglementaire est presque terminé, Bruno Cheyrou récupère un ballon amené par Murati, s’arrache dans la surface, se déporte côté gauche et égalise d’une pichenette au-dessus de Vercoutre ! Un nul, dans ce contexte, c’est déjà très bien.
C’est bien mais ce n’est pas assez, d’autant que l’annonce de 6 minutes de temps additionnel provoque une nouvelle clameur dans les tribunes. À la 93e, une longue transversale de Johnny Ecker se dirige vers la surface de réparation. Vercoutre sort et semble pouvoir cueillir ce ballon, mais Bakari s’élève et, au sommet d’une détente vertigineuse, parvient à placer sa tête au-dessus des mains du gardien : il est le premier à toucher le ballon… qui finit doucement dans le but : 2-1 pour Lille, et victoire sur le fil !
« Miracle », « Incroyable », « Époustouflant »
À l’issue d’un match, on se félicite de la victoire, même si le match n’a pas été très abouti. Une nouvelle fois (et ce ne sera pas la dernière), le LOSC renverse une situation dans les dernières minutes, et cette fois à 10 contre 111. Le scénario rappelle bien entendu le derby de septembre 2000 et ajoute une nouvelle ligne au palmarès du « Vahid Time ». Vahid parle même cette fois de « petit miracle » : « on a gagné, mais on n’a pas été très présents… Nous avons manqué 4 ou 5 occasions avant d’encaisser le but. Cela dit, avec Parme, je peux comprendre que les gars aient un peu la tête ailleurs. Heureusement qu’il y a eu un miracle ». La Voix du Nord et la Voix des Sports saluent, pêle-mêle, la « révolte », le « tempérament » de joueurs « incroyables », capables de produire un scénario « exceptionnel », « époustouflant ».
Tout le monde s’accorde sur un point : c’est bien l’ouverture du score (et surtout ses conditions) qui a réveillé des joueurs et un public jusque là assez passifs. Pat’ lui-même le reconnaît : « c’est vrai que ce carton rouge entraîne une poussé d’adrénaline dans l’équipe, on peut voir ça comme ça. Quand j’ai vu que nous n’étions qu’à 8 sur la pelouse, j’ai crié aux joueurs de Montpellier de mettre le ballon en touche. Non seulement ils ne l’ont pas fait mais en plus ils marquent... ». Comme le souligne Dagui Bakari, « aujourd’hui, on est allés jusqu’au bout. La victoire est logique, car on a manqué de réussite en première période. Quand ils ont marqué, soit on baissait les bras, soit on continuait. On a continué, pour rattraper l’injustice de leur but. Nos efforts méritaient une telle issue » ; pour Sylvain N’Diaye, « on s’est fait peur mais ces victoires sont les plus belles. On ne pouvait pas perdre comme ça, en encaissant alors qu’on a deux joueurs à terre. On a eu un sursaut d’orgueil et c’est un petit miracle qui a eu lieu ».
Une expulsion comme acte salvateur pour renverser un match, il fallait bien ce LOSC-là pour l’inventer. Loin d’en vouloir à leur coéquipier, les joueurs de Lille comprennent son geste : « Patrick a eu un grand sentiment d’injustice et il s’est emporté. On peut le comprendre, car le sport réclame du fair-play » note Boutoille. Pour Bruno Cheyrou, c’est bien fait pour Montpellier : « il y a eu beaucoup de maladresse devant le but. Il faut dire aussi que les Montpelliérains ont utilisé tous les moyens pour ne pas perdre : tirages de maillots, petites fautes… L’expulsion a suscité un sentiment d’injustice dans l’équipe et je pense que c’est ce qui nous a fait réagir ».
Bon, il vaudra tout de même mieux ne pas compter sur ça à chaque fois. Le lendemain matin, Patrick Collot a pris la parole dans le vestiaire et a demandé à ses coéquipiers de l’excuser pour son geste.
« Le LOSC va niquer les Italiens »
Ce scénario très vahidesque conduit à ce constat : le LOSC fait encore forte impression, et d’abord chez ses adversaires. Comme chez l’entraîneur de Montpellier, Michel Mézy : « c’est la rentrée de Bakari qui nous a gênés. Nous avons fait des erreurs de jeunesse. Je tire mon chapeau aux Lillois qui ont sur démontrer de grosses valeurs morales après l’expulsion ». Le LOSC fait le plein de confiance : « en ce moment, j’ai l’impression que rien ne peut nous arriver » assure Bruno Cheyrou. Espérons. Mercredi soir, ce sera au tour de Parme de tenter de renverser une situation mal embarquée.
Louis Nicollin, lui, l’assure avec finesse : « Le LOSC va niquer les Italiens grâce au moral qu’il a acquis ce soir ! »
FC Note :
1 En septembre 1999, le LOSC s’était imposé à Niort 3-0, grâce à 3 buts marqués en fin de match, alors qu’il évoluait à 10 depuis l’expulsion de Tourenne en première période.
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