Posté le 22 août 2019 - par dbclosc
La plus belle des défaites
Après la surprenante et magnifique victoire du match aller à Parme pour ses débuts en coupe d’Europe, le LOSC doit finir le travail à Grimonprez-Jooris pour accéder à la Ligue des Champions. Mais il découvre la pression, et si ses joueurs semblent dans un premier temps animés de bonnes intentions, le but parmesan crispe les Dogues. Dans une ambiance haletante sur le terrain et survoltée en tribunes, ils parviennent à maintenir un but d’avance sur l’ensemble des deux matches.
Pour son baptême du feu européen, le LOSC s’est imposé à Parme : un exploit. Après une telle performance, il parait que les Dogues ont 98% de chances de se qualifier, sur la foi des confrontations européennes précédentes. Jusqu’alors, le LOSC, profitant de l’effet de surprise, aussi bien tout au long de la saison 2000/2001 en D1 que pour le match aller à Parme, a joué presque sans pression : en gros, « on n’a rien à perdre ». Oui, mais avec une victoire 0-2 en Italie, il y a désormais gros à perdre : le rêve de jouer en Ligue des Champions, un rêve si bien esquissé qu’on s’y voit déjà alors qu’il reste (au moins) 90 minutes à jouer face à, toujours, une redoutable équipe. Après les déclarations enflammées du soir de la victoire, la prudence reste donc de mise : « à la fin du match, Vahid nous est rentré dedans, il nous a prévenus que le retour serait terrible. Pour certains, on se voyait qualifiés et on se demandait qui on prendrait en Champions League » se rappelle Johnny Ecker. Il faudra donc faire abstraction d’une presse unanime à saluer ses nouveaux héros. La victoire de l’aller a en effet suscité des réactions dans toute la presse. En voici une sélection.
Le Monde (9 août) : « le LOSC a étendu aux frontières européennes sa réputation d’ équipe difficile à jouer » ;
Ouest France (9 août) : « Lille, c’est champion L’exploit est tout proche, un de plus pour ces Lillois qui n’en finissent pas de nous surprendre » ;
Nord éclair (10 août) : « les adjectifs manquent pour décrire la performance des Lillois » ;
France Football (10 août) : « Le LOSC a réalisé un authentique exploit. La Ligue des Champions est désormais à portée de main d’une équipe de plus en plus étonnante ».
Lille découvre la pression
Après la victoire face à Montpellier samedi, on peut enfin se concentrer sur ce match. L’attente est forte. 450 maillots et 3 500 écharpes ont été vendus depuis 20 jours dans le minuscule préfabriqué du pied de la tribune Seconde qui sert de boutique : le stock prévu pour 6 mois a été vendu depuis le début de saison et, depuis le match aller, la boutique fait quotidiennement la recette des soirs de match (30 000 F, 4 500€). Difficile donc de se cacher complètement. Vahid le reconnaît : « on n’est pas qualifiés, mais favoris ». Le président Francis Graille évoque même une éventuelle déception en cas de non-qualification : « on n’est pas encore qualifiés. Avant d’aller à Parme, c’était de l’ordre de 5, voire 10% de chances. Aujourd’hui, je dis qu’on a une chance sur deux. Mais c’est vrai qu’après le match fourni là-bas, on serait tous terriblement déçus de ne pas être qualifiés ». Lille favori ! Comment appréhender cette nouveauté ? Alors que la presse rappelle – à juste titre – combien le club a souffert d’un manque de crédibilité et de légitimité depuis plusieurs décennies et qu’il était encore en D2 quelques mois avant, le voilà en position de force face à un ogre européen. « Pour la première fois de ma vie, j’ai les mains moites. On a tellement envie qu’ils fassent quelque chose » espère Stéphane Pauwels. Alors on commence à se poser des questions, ce qui n’est pas déjà pas toujours bon signe pour un club qui s’est notamment signalé pour sa fraîcheur et sa spontanéité. Sur le terrain, comment jouer ? Faut-il attaquer, défendre ? En coulisses, comment recevoir les dirigeants italiens ? Quelles consignes de sécurité ? Quel accueil pour les nombreux journalistes ? Tout peut-il exploser en vol ? Francis Graille rappelle l’essentiel : « il y a un risque, c’est celui de nous prendre pour ce que nous ne sommes pas. N’oublions pas qu’on était en D2 il y 14 mois. Nous avons une chance invraisemblable de jouer la ligue des champions, mais nous devons impérativement rester sur terre et ne pas nous éloigner des valeurs de ce club. L’essentiel reste d’assurer la pérennité du LOSC en première division ».
Main + prise à la gorge en escaladant l’adversaire, c’est pas sifflé en Italie
La plus faible affluence de la saison.. sauf en tribune de presse
La déferlante médiatique sur Grimonprez est sans précédent : en moyenne, 45 personnes sont accréditées « presse » pour suivre le LOSC depuis qu’il est remonté en D1 ; ce mercredi, ce sera 162, dont une trentaine de Japonais ! À 9 mois de la coupe du monde en Asie, la Nakatamania passe par Lille. Et comme on compte 7 quotidiens nationaux sportifs au Japon, tous tirés à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires… Dans le détail, on compte 52 journalistes audiovisuels, 72 journalistes de médias écrits et d’agences de presse, et 38 photographes. Le match est en outre retransmis sur 3 chaînes de télévision (2 télévisions publiques, en France et en Italie, et une chaîne japonaise, Wowo). L’exiguïté de la tribune de presse du stade, qui ne compte que 40 pupitres, a obligé le LOSC à bricoler : on a libéré pour les journalistes une rangée de strapontins en tribune officielle et 35 places en présidentielles.
Si la présence des journalistes est massive, les contraintes imposées par l’UEFA ont réduit la capacité d’accueil du stade de 21 000 à 14 700 places. Comme il y a la foire aux manèges sur le champ de mars, c’est toujours ça de réglé niveau stationnement. 1056 fauteuils ont été placés en Seconde basse, ce qui prend de la place, et les deux virages sont fermés au public : on y place un maillot géant de chaque équipe.
Étonnamment, la Voix du Nord nous apprend le matin du match qu’en cas de qualification de Lille, le club a envisagé la possibilité d’un envahissement de terrain, et ne semble pas décidé à l’empêcher. 220 stadiers seront chargés de le gérer, c’est 30 de moins que lors des matchs à « haut risque » (contre Paris, Marseille et Lens) et on note la présence de deux compagnies de CRS (120 personnes) autour du stade.
Parme à bloc
Du côté parmesan, de grosses critiques ont suivi le match aller, contre l’équipe de Parme, honteusement battue et presque éliminée par une équipe composée d’inconnus, à tel point qu’on voit mal les Italiens s’en sortir. Le coach Ulivierai serait déjà menacé et la presse italienne rappelle que Ancelotti et Zaccheroni sont libres. Selon Il Corriere della Sera, que l’on peut traduire par Le Courrier Picard de la région de Parme, « Parme est déjà en coupe UEFA, sorti par une équipe de Lille buonissima, technique et plus avancée dans la préparation », alors même que le budget du LOSC « suffirait à nourrir Cannavaro et quelques autres ». Pour davantage valoriser la performance de son équipe et lui évacuer un peu de pression, Halilhodzic souligne que les Italiens « seront certainement plus fort après les gifles qu’ils ont reçues de la part médias ».
Et au-delà, la défaite parmesane serait révélatrice de la perte de vitesse du football italien en Europe. En témoigne la défaite, au même moment dans ce tour préliminaire, de la Lazio de Rome, à Copenhague (1-2). Le journal Il resto del Carlino, que l’on peut traduire par Le resto de Carlino où on mange des pizzas, rappelle que Sébastien Frey est bien décidé à ne pas revivre la mésaventure qu’il a vécue un an auparavant : éliminé par Helsingborg avec l’Inter Milan au même stade de la compétition.
Mais on souligne aussi côté italien que ces contre-performances sont dues en partie à la reprise tardive du championnat italien, fin août, ce qui entraîne un retard dans la préparation des clubs. Or, cette fois, avec 15 jours de plus de préparation dans les jambes, il se pourrait que les rapports de forces s’inversent. De plus, l’expérience des joueurs de l’équipe de Parme pourrait leur permettre de gérer les différentes phases du match, là où les Lillois sont tout à fait novices en la matière : seuls Bassir, Ecker et Murati ont une (petite) expérience européenne, auxquels on peut ajouter la (petite) expérience en sélection de Beck. Assez curieusement si l’on se fie au seul score du match aller, les Italiens sont confiants et les Lillois sont méfiants ; quand on regarde les effectifs et leur expérience, on peut comprendre ce sentiment. L’entraineur de Parme trouve des raisons facilement surmontables à la défaite de l’aller : « le match aller n’est pas si négatif. Si nous avons perdu, ce n’est pas en raison de la supériorité lillloise mais de notre condition physique imparfaite, de 2 buts venus d’ailleurs et d’un arbitrage presque constamment anti-italien. Dix mois sur douze, nous sommes supérieurs aux Français. Depuis le match aller, nous nous sommes améliorés et la musique sera différente ». Les Parmesans, sous les yeux de Bruno Baronchelli et de Marcel Campagnac, ont de nouveau perdu en amical. Certes, contre Barcelone, 2-3, avec 2 buts marqués en toute fin de match.
Les joueurs Italiens arrivent à Lille le mardi 21 vers midi et logent dans le même hôtel que certains adversaires récents de Lens en coupe d’Europe. Ils amènent leur eau minérale et leur cuisinier. Alors que les Lillois, restés à Parme un peu plus de 48 heures, avaient pris le temps de visiter la ville, les Parmesans ne sortiront que pour un entraînement le soir de 19h à 20h à Grimonprez-Jooris (à huis clos), et réveil musculaire le lendemain de 10h30 à 11h30 au Stadium (à huis-clos aussi).
Un premier couac intervient au moment de l’arrivée du bus des journalistes italiens (qui logent au Carlton, sur recommandation du club de Parme) : l’attaché de presse est mécontent que le bus ait attendu 15 minutes devant Grimonprez-Joors. Il engueule Loïc Yviquel, directeur de la com du LOSC, et, par ailleurs, les Parmesans se plaignent qu’il n’y ait pas eu de dirigeant lillois pour les accueillir à l’aéroport. Dans un premier temps, la Voix du Nord relate un « responsable de la sécurité aux abois, un vigile stressé, c’était risible et consternant ». Puis M. Yviquel réplique : « j’aimerais bien qu’on m’explique exactement ce qu’ils ont à nous reprocher. Nous sommes allés les chercher directement à l’aéroport, sur une piste privée. Nous avions 4 hôtesses, dont deux bilingues, qui les ont reçus avec des cadeaux. Pour les encadrants, nous avons mis à disposition deux voitures haut de gamme. C’est vrai qu’ils ont attendu un quart d’heure devant la grille de Grimonprez-Jooris. Mais quand on dit qu’on vient à 18h et qu’on arrive à 17h45, on peut s’attendre à voir portes closes ». On va dire que les coups de pression se font aussi en dehors du terrain.
Vahid (s’em)brouille les pistes
Côté lillois, la mise au vert a débuté le lundi à 11h30. Un dernier entraînement, comme pour les Italiens, est prévu le mardi à 17h30. Avant, un petit tour par le zoo de Lille est prévu en matinée. Alors qu’il faut reprendre Vahid, qui s’amuse à prendre le taureau par les cornes, Fernando D’Amico se montre très intéressé par le bocal contenant des sangsues. Après le match, il est prévu que les joueurs mangent avec leurs épouses « afin de ne pas se disperser alimentairement à 4 jours du derby » selon Stéphane Pauwels : toute précaution, même sexiste, est bonne à prendre avant un Lens-Lille (le dimanche 26).
Lors de la traditionnelle conférence de presse de veille de match, en général, l’entraîneur se présente avec son capitaine. Avant le match aller, Vahid avait déjà innové en se présentant avec, en effet, son capitaine, Pascal Cygan, mais aussi avec Patrick Collot. Et cette fois, Vahid n’est accompagné que de… Christophe Landrin, le seul blessé. L’entraîneur de Parme n’est pas en reste : il fait venir son capitaine Canavarro, mais aussi Alain Boghossian, absent lors de la première confrontation. En partie parce que ce dernier est français et peut donc répondre facilement à tous, mais aussi parce qu’il y a un doute sur sa titularisation : au poste de milieu défensif, c’est lui ou Sabri Lamouchi.
Avec cet excellent jeu « tiens-moi le polo avec un sourire bêta », ils ne savent pas encore que ceci sera le meilleur moment de leur soirée.
Pour Vahid, c’est « le jour le plus important de l’histoire du club ». Il se montre offensif : « je n’avais pas apprécié que les journaux italiens nous traitent avec mépris. Je sais bien que Lille est moins fort que le Brésil de Pelé et de Garrincha et je n’ai jamais prétendu le contraire. Parme a de meilleurs joueurs que nous, un meilleur entraîneur peut-être… En Italie, je n’avais pas aligné une équipe pour rigoler. Et ce sera la même chose ce soir (…) Le LOSC est capable de faire quelque chose d’énorme. Même en Italie, on va savoir où se trouve Lille ! ». Oui mais comment jouer ? « Le grand danger serait de vouloir défendre nos 2 buts d’avance. Nous devons nous persuader que c’est un nouveau match qui commence, que nous sommes à 0-0 et qu’il faut gagner ». Djezon Boutoille, de son côté, se « réjouit de revenir dans une semaine où se jouera une partie de la saison avec l’Europe puis le derby dont on connaît l’impact psychologique ». Sur le terrain, « on va prendre notre temps et casser le rythme ». Mais les Lillois doutent : et si Parme marquait rapidement ? « Je ne sais pas alors comment nous supporterons la pression » rassure Pascal Cygan.
Le Jour J, Vahid parle à ses joueurs un par un, puis développe un long briefing tactique. Selon Grégory Wimbée, qui nous l’avait confié, ce moment n’est pas très bien passé et a crispé les joueurs : « on avait la pression. Le matin du match, on a vu des vidéos : un montage sur ce qui avait été, et un montage sur ce qui n’avait pas été. Sur ce qui a été, ça a duré 3 minutes, sur ce qui n’a pas été, ça a duré 20 minutes. Et sur les 3 minutes qui allaient, il trouvait à redire et finalement ce n’était pas bien ! Donc on se rend compte après cette causerie-là – parce qu’il en a fait plein des causeries avant le retour – qu’on a eu un gros coup de cul. Et comment on va faire maintenant..? C’est la seule fois à Lille, avec tous les joueurs, lors de la collation du midi, où il n’y a pas un mot à table. Mais pas un mot. On est tous blancs ».
Il reste encore 700 places à vendre le matin du match. Grimonprez-Jooris ouvre ses portes à 18h30. Le LOSC est à 90 minutes de la phase finale de la Ligue des Champions : pour y parvenir, il doit faire tout résultat meilleur qu’une défaite par 2 buts d’écart. Et deux buts d’écart à partir de 1-3 qualifient les Italiens au bénéfice des buts marqués à l’extérieur. En cas de prolongation (seulement si les Italiens gagnent 2-0), il y aura 30 minutes de prolongation, sans but en or (qui est alors la règle en vigueur dans les compétitions internationales). En France, le match est diffusé sur France 3, et commenté par Charles Biétry et Christophe Josse.
Voici la bande-annonce qui ne donne pas de frissons :
Il fait très chaud et lourd toute la journée à Lille. Officiellement, 14 358 spectateurs ont pris place en tribunes. Les Secondes « haute » ne sont pas remplies car bon nombre de ses spectateurs ont migré vers les Secondes « basse » (vu qu’il y a de la place à cause des sièges de l’UEFA…). Côté VIP, on note les présences de Martine Aubry, Mouss Diouf, Maxime (le comique), Charly Samoy, Bernard Lecomte. Dagui Bakari a l’heureuse surprise de retrouver Paul Fellice, son premier entraîneur à Romainville.
Le LOSC se présente avec son maillot habituel. En revanche, l’UEFA a jugé le sponsor trop voyant sur le short et le logo du club trop voyant sur les chaussettes, donc on a revu la tenue avec un bleu différent, plus foncé, car Kipsta n’avait plus que ça en magasin.
On part sur le même schéma qu’au match aller, avec 3 défenseurs centraux et 2 latéraux qui comblent les côtés. Christophe Landrin, brillant à l’aller, est blessé au tendon d’achille : il est remplacé par Bruno Cheyrou. Surprise : Boutoille, tout juste revenu, est également titularisé à la place de Bassir, qui se plaint du dos.
À Parme, retour de Boghossian. Milosevic est relégué sur le banc.
Présentation du match en vidéo :
20 bonnes premières minutes
Sur l’engagement, le ballon arrive assez vite en retrait sur Grégory Wimbée. Comme il nous l’avait dit : « tu regardes la 1e mi-temps : même une passe de 10 mètres, je n’arrive pas à la faire. Je n’ai jamais eu davantage peur de toute ma carrière ». Et en effet cette première relance est pour le moins laborieuse : une sorte de pointu assez imprécis, qui met Stéphane Pichot en difficulté mais, fort heureusement, il s’en tire avec un coup-franc. Dans la foulée, le deuxième dégagement de Greg est bon et parvient à Boutoille, qui frappe du gauche sur Sébastien Frey.
En ce tout début de match, on note un bon travail de récupération (notamment de la part de N’Diaye et de Pichot), et Bakari, sur qui on joue long, semble aussi bien parti pour emmerder la défense adverse que lors du match aller. C’est bien le LOSC qui tente de construire, alors que les Parmesans sont assez brouillons. Il ne manque qu’un peu de fluidité dans les 30 derniers mètres, mais on est plutôt rassurés. Dès la 7e minute, un premier duel Nakata/D’Amico près du poteau de corner tourne en faveur de notre Argentin, et le Japonais a déjà l’air de revivre son cauchemar d’il y a 15 jours. Après un premier coup-franc dangereux de Cheyou (10e), chaque enchaînement de plus de 3 passes est salué par des vivas du public, comme à la 12e minute, où Fahmi, N’Diaye, Pichot, Boutoille, Tafforeau et Cheyrou permettent une remontée de balle qui termine en touche mais ça rassure, et on gagne (déjà) du temps. S’il n’y a pas encore lieu de vraiment s’inquiéter, on est presque dans une configuration de fin de match où on mènerait : il s’agit de mettre le ballon le plus loin possible de notre but.
À la 15e minute, Vahid se signale en contrôlant magnifiquement un ballon dégagé en touche par Pichot. Dans la foulée, le contrôle de Dagui est moins bon, puisqu’il s’aide du bras. Sa frappe en pivot part au-dessus, mais il signale encore sa présence. Interrogé sur France 3 depuis le banc, Patrick Collot souligne qu’il s’agit surtout de « bien défendre ». Il faut attendre la 19e pour voir une première incursion dangereuse des Parmesans : un faux rebond trompe Cygan, et Marchioni passe à Di Vaio qui ouvre à droite à Nakata. Son centre est envoyé en corner par Pichot. Joué vite, le corner ne donne rien, hormis un premier carton pour Di Vaio qui découpe Fernando D’Amico.
Bon, ça va, Parme n’a pas trop l’air de savoir quoi faire. Quelques-unes des actions décrites ci-dessus sont à voir ici :
Difficile fin de première période
26e minute : on est dans le camp de Parme, à proximité de la surface de réparation. Boghossian résiste à un tirage de maillot de N’Diaye. Le danger semble loin, mais Almeyda sort et trouve un relais avec Nakata, et fonce tout droit. Pascal Cygan est obligé de l’arrêter à 30 mètres des buts. Sympa, l’arbitre ne lui donne pas d’avertissement.
3 parmesans sont dans le mur, avec Nakata et Sensini près du ballon. C’est frappé par l’Argentin qui surmonte le mur et laisse Wimbée cloué sur place. 0-1.
Silence pendant quelques secondes, puis forte réaction du public. C’est à ce moment-là que le LOSC, pas mis en danger jusqu’alors, perd pied, et va vivre une pénible fin de période. Le but paralyse les joueurs. Même dans le public, on sent l’angoisse avec de longs moments de silence et des sueurs froides dès que les Italiens approchent la surface de réparation.
France 3 affiche pendant 2 secondes un score de 4-3 avec des buts lillois de Ecker, Pichot, Collot et Allibert. Si seulement !
Mais même avec un Boghossian très en vue, Parme ne se crée par d’occasion pour autant. Les Italiens jouent presque « à la lilloise », avec de longs ballons et des déviations de la tête. Pour se rassurer, le duel Nakata/D’Amico offre un divertissement régulier et bienvenu. Ponctuellement, Bakari joue les poisons devant et oblige Parme à dégager n’importe comment. Mais globalement, tout le monde est derrière et pare au plus pressé, avec un Bruno Cheyrou vraiment pas à l’aise dans ce genre de configuration. En fin de première période, ça s’agite : une altercation survient car Boghossian reproche à Bakari de mettre le coude sur Almeyda. Résultat, c’est Beau Gosse Chiant qui prend un carton, l’arbitre lui faisant comprendre que ça fait 4 fois qu’il proteste et que ça commence à bien faire, gros malin. Au tour de Fahmi de prendre ensuite un jaune pour avoir empêché les Parmesans de jouer vite un coup-franc ; tiré une seconde fois par Nakata, il est légèrement dévié par Boghossian alors qu’Almeyda était lancé et semblait mieux placé… ça passe à côté.
La mi-temps est sifflée. Boutoille souligne à juste titre que Lille avait bien démarré mais se retrouve désormais hésitant : « on ne sait pas si on doit attaquer ou défendre. On a les fesses entre deux chaises. C’est très difficile ».
« Il faut pas lâcher ! » : une mi-temps salvatrice
Bien sûr, le sort d’un match se joue sur la pelouse. Mais nul doute que ce soir, il se joue aussi dans le vestiaire. Les Lillois quittent la pelouse manifestement pas très bien dans leur tête, comme en témoigne cette déclaration de Boutoille. Si Wimbée n’a pas grand chose à se reprocher sur le but, son attitude, ainsi englué sur sa ligne, symbolise la retenue des Dogues. Le même Greg nous a dit : « à la mi-temps, il s’est passé des trucs dans le vestiaire. En deuxième mi-temps, on est revenus avec d’autres intentions ». En l’occurrence, la Voix du Nord rapporte que ce sont notamment Abdel Fahmi et Fernando D’Amico qui ont mis les joueurs face à leurs responsabilités. Au retour des vestiaires, Fernando donne un aperçu de ce qui a pu se passer dans le groupe, avec une phrase devenue culte.
Du côté de Parme, Gurenko est remplacé par Junior. Comme il fait toujours aussi chaud, on lui demande souvent « Junior, t’as l’eau ? »
Dans un premier temps, on a le sentiment qu’on est hélas reparti sur les mêmes bases. Pire, que Parme joue même un cran plus haut, comme si avoir un but d’avance à la mi-temps sans trop se découvrir était exactement ce qu’ils cherchaient pour mieux porter le coup de grâce ensuite. Pascal Cygan dévie un ballon chaud de Nakata dans les 6 mètres (46e). Les Italiens jouent vite, et seuls quelques coups-francs permettent de souffler. Puis, peu à peu, on redécouvre quelques signes encourageants, comme ce ballon capté par Wimbée sur un corner (51e). Puis le LOSC montre son nez. À la 53e, Pichot envoie un bon ballon vers Djezon, qui s’excentre. C’est récupéré par Junior, mais N’Diaye et Pichot récupèrent le ballon, qui revient à droite sur Boutoille, qui nous fait une Momo Camara : un centre-tir qui file en lucarne. Mais Frey est attentif et capte la balle. Autour de a 55e, on voit un LOSC coupé en deux : on balance à Boutoille ou Bakari devant. En tout cas on respire depuis 3 minutes, et le public s’emballe. Alors que Milosevic est entré (56e), les Italiens tentent des solutions lointaines, avec Almeyda de 30 mètres, au-dessus (59e)
61e Sur une longue balle d’Ecker, Boutoille s’efface pour Bakari, qui fait un vieux sombrero puis frappe de la tête à 13 mètres du but, mais ça manque de force et ça ne lobe pas Frey.
Les Parmesans sont 4 derrière, puis il n’y a personne sur 25 mètres. Les contacts sont plus agressifs. Fernando prend enfin son carton à la 64e, et offre le même coup-franc qu’en première mi-temps… Après un instant de frayeur, tout le monde souffle : c’est trop haut, et Wimbée rassure en accompagnant tranquillement. Sur la relance, un une-deux Boutoille/Bakari termine par une chute suspecte de Dagui dans la surface. Dans la continuité, Johnny Ecker fait une monstrueuse remontée sur 50 mètres et donne à N’Diaye, à droite. Son centre trouve la tête de Dagui aux 6 mètres : au dessus ! Était-il déconcentré par l’action précédente ? De toute façon, il semble qu’il y avait hors-jeu. Vahid profite de ce moment pour mettre un coup de pression sur l’entraîneur adverse, qui ne cesse de s’agiter sur son banc.
Boghossian sort, Lamouchi, plus offensif, entre. Cette fois, Parme joue le tout pour le tout, et met des coups. Par exemple, Cannavaro prend un jaune pour une faute sur Pichot, qui semble lui dire du regard que les Dogues ne vont pas se laisser faire. C’est chaud et on commence à suffoquer.
71e : Almeyda trouve Nakata à droite qui, pour une fois, a échappé à D’Amico. Di Vaio ne peut pas reprendre car Fahmi est bien placé. Bassir remplace Boutoille. On profite que Bakari est au sol pour stopper le jeu et boire. Il fait lourd et l’orage est toujours attendu. À la 74e, Lamouchi frappe de 25 mètres : c’est dévié en corner.
Fernando D’Amico continue son festival, sur Di Vaio puis Nakata, puis sur Nakata, et Nakata.
Un dernier quart d’heure épique
Il reste un quart d’heure quand le match prend une tournure qui ne changera pas : Lille ne cherche plus à contre-attaquer ou à construire. Il s’agit seulement de ne pas prendre un deuxième but. Les Italiens campent dans le camp lillois. On pourrait se dire que la stratégie est dangereuse mais, dans le même temps, la défense des Dogues est rassurante, alors que les Italiens semblent se précipiter et montrent de l’agacement. Il y a toujours un arrière bien placé pour dégager (Cygan devant Milosevic, 77e ; Ecker devant Lamouchi, 78e). Et Wimbée commence à attirer les ballons : il sort à-propos loin de sa ligne pour capter une balle de Cannavaro (82e). Dans la foulée, Nakata, à gauche, sert Lamouchi. Après un contrôle dans la surface, il se retrouve seul face à Wimbée et parvient à mettre un pointu à 10 mètres du but. Cette fois, pense-t-on, c’est dedans. Mais Wimbée la sort d’un superbe réflexe ! Sur le corner, repris de la tête, Milosevic manque d’un rien sa reprise aux 6 mètres, et Wimbée est encore là. Tout comme sur une reprise de Sensini (84e) puis de Di Vaio (87e). Entre-temps, Benoît Cheyrou a remplacé son frère (85e) et un coup-franc de Nakata coupé par Milosevic au premier poteau a fini à côté (86e). L’équipe est en danger mais tient, et le public, lui-même harangué par D’Amico et Collot, pousse. Tout le monde est debout en tribunes. L’exploit est proche. Malgré quelques sorties de balle mal négociées, les Dogues ne subissent plus d’occasion dans le temps additionnel. Une dernière remontée de Bassir est stoppée par Djetou. Les Italiens n’ont pas le temps de relancer : l’arbitre siffle la fin du match. Lille a perdu ce soir, mais signe le plus grand exploit de son histoire. Le public ne s’y trompe pas et scande spontanément le prénom de son entraîneur.
« On s’est battus jusqu’au dernier moment. On avait peur en première mi-temps… À la mi-temps j’ai dit : ‘les gars, pourquoi vous avez peur ? Il faut continuer à jouer !’ » réagit Vahid, en larmes, sur France 3. Les joueurs italiens restent aussi quelques instants sur la pelouse, incrédules : ils sont bien éliminés par cette équipe dont ils n’avaient jamais entendu parler avant le tirage au sort.
Bruno Cheyrou se précipite dans les vestiaires pour récupérer un maillot de Christophe Pignol, dont on apprendra plus tard qu’il est à cet instant dans la période la plus difficile de son traitement. En associant leur coéquipier malade à cette qualification et au tour d’honneur, les Dogues rappellent une nouvelle fois qu’on ne les soutient pas que pour leurs qualités footballistiques.
Fierté
Il y a des salles des fêtes, et il y a des belles défaites : le LOSC jouera la Ligue des Champions 2001/2002. L’exploit est immense, et il est d’autant plus émouvant qu’il a été acquis dans la souffrance, et surtout au regard des années de galère qui l’ont précédé. Bernard Lecomte est sans doute le mieux placé pour en parler : « je suis vraiment très ému, surtout après avoir vécu ce que nous avons vécu. Il y a une morale dans toute cette histoire. Voyez, ça arrive. Nous avons eu un peu de chance, mais il y a eu surtout du travail ».
Dès 22h55, on constate un premier rassemblement sur la Grand’place. La Voix du Nord souligne qu’ « on loue une bande de gars simples, accessibles, compréhensibles, proches ». Vers 23h10 arrivent celles et ceux qui étaient au stade, et l’ambiance est soudain plus chaude. S’exprime la fierté d’un public longtemps frustré. Le « ceux qui ne sautent pas sont des Lensois ! » rencontre un franc succès : il y aura encore de la coupe d’Europe au stade Bollaert, mais cette fois c’est le LOSC qui y jouera.
Le lendemain, la Voix du Nord, sous la plume de Philippe Caron, écrit :
« Jusqu’où peuvent-ils aller en affichant autant de talent et de cœur sur deux matches ? Quelle leçon de courage et quelle leçon de fraîcheur ils nous ont données (…) Les grands clubs, dit-on, ne meurent jamais (même ceux qui n’ont pas de stade !) C’est bien le cas du LOSC. Aujourd’hui, comme ses prestigieux aînés de l’après-guerre, la génération 2000 des Cygan, Wimbée, Cheyrou ou Ecker est irrésistible parce qu’elle sait donner un sens au mot équipe et surtout parce qu’elle a la victoire en elle. À chaque match, ses joueurs sont comme habités par une force intérieure puissante mise au service d’une organisation de jeu magistralement orchestrée par le magicien Halilhodzic.
Avec une entrée aussi remarquée dans la cour des grands et dans les annales de l’histoire du football, les Lillois se retrouvent par la même occasion projetés au rang d’ambassadeurs d’une ville et d’une région. Ça tombe bien, tant ils incarnent, comme les Lensois, les vertus du Nord-Pas-de-Calais où l’on cultive les valeurs d’humilité, de solidarité et de rigueur à la tâche de préférence au tape-à-l’oeil et au surfait par l’argent ».
Le dernier quart d’heure en vidéo :
L’aventure continue
Vendredi 24 août, à Monaco : le tirage au sort offre Helsinki… pour Parme, en C3. Ahah.
En C1, Lille affrontera Manchester United, La Corogne, et Olympiakos Le Pirée. Vahid n’en revient pas : « Vous imaginez Old Trafford, devant 70 000 personnes… ? Tout est allé tellement vite ».
Pas de déclaration arrogante des adversaires, qui cette fois ont entendu parler de Lille. Le meilleur des compliments vient certainement du président du club de La Corogne, Augusto Lendoiro : « même s’il n’y a pas de grand nom, c’est une équipe humble et efficace, qui a réalisé un grand travail. Lille est un bonbon empoisonné ».
Un bonbon empoisonné, qui sortira 3e de sa poule, lui permettant d’être reversé en coupe de l’UEFA. Les Lillois, sans perdre, seront éliminés par Dortmund en huitièmes (1-1 ; 0-0), au même stade que… Parme, qui se consolera avec une victoire en coupe d’Italie au printemps.
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