Posté le 5 octobre 2019 - par dbclosc
1994, un printemps si lillois
Dans des années 1990 au goût souvent déprimant, le LOSC a parfois entretenu l’idée de lendemains meilleurs. Mais chaque fois qu’il a suscité un tel brin d’espoir, c’était pour aussitôt désespérer davantage ses supporters. À ce titre, les événements d’avril-mai 1994 dessinent un printemps made in LOSC des années 1990.
26 avril 1994, 35e journée de D1 : le LOSC s’apprête à recevoir Metz dans une fin de saison en roue libre après une belle série depuis un mois : un nul contre Strasbourg (1-1), une victoire à Montpellier (3-1), une victoire contre Caen (3-1), puis à Angers (2-1) ont assuré le maintien des Dogues, car l’officialisation de la relégation administrative de Marseille permet au 18e du classement de garder sa place dans l’élite. Or, les Dogues ont désormais 9 points d’avance sur Toulouse, 19e et donc premier relégable : comme il ne reste que 4 matches (la victoire à 2 points), le LOSC jouera en première division lors de la saison 1994/1995.
Une saison sur le fil
Cette situation n’était pas gagnée il y a quelques mois, c’est le moins que l’on puisse dire. Les Dogues de Mankowski, arrivé l’été précédent, ont en effet connu un début de saison poussif, avec une première victoire n’intervenant qu’à la 12e journée, contre Sochaux (3-1). Le pire, c’est que ces mauvais résultats étaient le reflet d’un jeu pauvre et sans imagination : seulement 8 buts marqués avant cette première victoire, à tel point qu’on craint que le LOSC ne renouvelle le total famélique de la saison 1992/1993: seulement 26 buts marqués. On voyait alors arriver la dernière journée de championnat avec angoisse : le calendrier prévoyait en effet un ultime déplacement à Martigues, et on imaginait que l’une des deux équipes jouerait ce soir-là sa survie.
Mais, comme tous les ans, bon gré mal gré, le LOSC se bat, laborieusement, et pointe son nez aux alentours de la 15e place. Avec une particularité en cette saison 1993/1994 : cette équipe est renversante : les Dogues concèdent en effet 27 fois (!) l’ouverture du score, mais reviennent, et gagnent même parfois. Ainsi, à Caen, en octobre 1993, le LOSC, mené 0-2 à 15 minutes de la fin, s’impose 3-2. Cette victoire en Normandie arrive au cœur d’une belle série de 7 matches sans défaite à l’automne, qui prend brutalement fin à Auxerre, avec une belle raclée, 0-5 : il ne faudrait tout de même pas trop rêver ! Mais en tout cas, à mesure qu’avance la saison, les joueurs et la presse constatent quelques qualités dans le jeu, même si elles ne sont pas accompagnées de bons résultats. On peut se satisfaire des recrutements réussis de Andersson, Étamé, de la régularité des Assadourian, Nadon et Friis-Hansen, et de l’émergence des Leclercq, Dieng et Sibierski. Il n’empêche : Lille flirte avec la zone de relégation. Ainsi, au soir de la 30e journée, après une défaite à Sochaux (0-1), le LOSC est 17e, ne devançant Martigues qu’à la différence de buts. Et à ce moment de la saison, on ne sait pas que Marseille sera relégué. Il y a donc le feu, mais on a l’habitude. Pourtant, Lille joue bien. Quelques jours avant, Lille s’était incliné à Marseille (2-3) malgré de nombreuses occasions en sa faveur. Sibierski, qui a notamment raté un face-à-face avec Barthez, pestait : « c’est pas possible qu’on soit 17e en jouant de cette façon ! On ne doit jamais descendre… ! ».
On touche le fond
Se présente une trêve de 15 jours pour nos Dogues, au repos forcé après leur élimination en coupe de France, à domicile, par Rennes, alors en D2 (1-2 ap). Les Lillois en profitent pour faire un match amical à Saint-Ouen, contre le Red Star. Et là, catastrophe : en-dessous de tout, les Lillois s’inclinent 0-2. De très mauvais augure pour la fin de saison.
Mais le printemps et son renouveau arrivent : le 26 mars, le LOSC accueille Strasbourg. Le jeune Djezon Boutoille est titularisé pour la première fois en D1. 67e minute : le strasbourgeois Marc Keller ouvre le score. Là, ça pue bien. À ce moment précis, le LOSC est virtuellement relégable. Mais seulement pour 4 minutes : à la 71e, Boutoille chipe un ballon à Franck Leboeuf et centre fort devant le but : le défenseur Stéphane Soppo-Din se jette et trompe son propre gardien. On se contentera d’un point. Il reste 7 matches, et si l’avenir reste très incertain, quelques gages de stabilité se dessinent en coulisses.
Ainsi, le 30 mars, le président Marc Devaux organise une conférence de presse à propos des finances du club, qui étaient à l’ordre du jour du conseil municipal mi-mars. Jusque là, le pessimisme prévalait : on annonçait même un dépôt de bilan dans les 15 jours ! Mais le président se montre rassurant : il évoque 34 MF de produits, un peu moins de charges, et un excédent de 3 ou 4 MF au 30 juin. En outre, le LOSC a récupéré 8 MF suite à des litiges avec avec ses « ex » Desmet, Metsu, Gianquinto, Oleksiak et Gardon : voilà la solution !
Bon, il reste un passif de 33 MF à apurer. Pour ce faire, un plan de 5 ans sera présenté courant avril devant la DNCG. Devaux annonce encore 2 années difficiles, notamment pour le recrutement mais, bonne nouvelle, la stabilité, autre objectif du club, semble de mise : « quoi qu’il arrive, Mankowski sera toujours lillois ».
La suite va vous étonner.
3 victoires consécutives !
Le 2 avril, le LOSC s’impose 3-1 à Montpellier (doublé d’Andersson et but de Jean-Jacques Étamé, décisif sur les 3 buts). C’est une belle surprise, qu’il faut désormais confirmer contre un concurrent direct, Caen, 3 jours après. Si Nouma ouvre le score et va stupidement fanfaronner auprès de quelques DVE, Garcia, profitant d’abord d’un lamentable alignement de a défense, puis auteur d’une « papinade », et Andersson dessinent le succès lillois (3-1)
Avec une charnière centrale Fichaux/Decroix efficace, qui a eu pour conséquence de reléguer Dieng sur le banc, et des attaquants enfin buteurs depuis 2 matches, le LOSC a changé de visage. Les joueurs soulignent à quel point la défaite contre le Red Star a servi d’alerte : « il y a eu une prise de conscience générale. Si on ne réagissait pas, on risquait de se retrouver en D2, à jouer toutes les semaines dans des stades vides comme celui de Saint-Ouen » souligne Claude Fichaux. Pour Eric Decroix, « il fallait ressouder le groupe, sinon on allait à la catastrophe ». Jean-Claude Nadon insiste lui aussi sur la franche discussion qu’il y a eue au sein du groupe : « il a fallu le match calamiteux au Red Star, où nous avons touché le fond, pour que se produise cette réaction. Mais il aurait fallu réagir avant. À deux mois seulement de la fin du championnat, c’est dommage ! Le problème ici, c’est qu’on repousse toujours l’échéance, en se disant que ça ira mieux la prochaine fois. On ne tape pas assez sur la table. Tout ce qu’on a pu se dire devait rejaillir sur le terrain et dans le groupe. Par rapport à d’autres équipes, il nous manquait un état d’esprit, comme celui de notre voisin ».
Et, chose rare en ces années-là à Lille, le public a fait la fête ! Après le troisième but, une ola a même parcouru les tribunes. La Voix du Nord écrit : « Grimonprez-Jooris a enfin vécu une vraie, une bonne soirée de football, il a enfin retrouvé un spectacle qu’il croyait enfoui, coulé dans le béton rugueux de sa mémoire ».
Et ce n’est pas fini : à Angers, chez la lanterne rouge, le LOSC renverse encore une situation mal embarquée en gagnant à Angers (2-1) grâce à Andersson et Sibierski, qui inscrit son premier but en D1 d’une tête plongeante. Le LOSC, si mal en point il y a deux semaines, a sauvé sa place en D1, et il reste encore 4 matches.
Emballement général
7 points sur 8 possibles, 9 buts marqués, voilà un spectacle auquel les supporters n’ont pas été habitués. Une nouvelle longue trêve, de 17 jours, se présente : l’occasion de s’emballer autour de ce renouveau lillois.
D’abord, au niveau du jeu : on le disait plus haut, les joueurs et la presse, même quand les résultats étaient moyens, soulignaient les qualités de jeu du LOSC. Fabien Leclercq salue encore le « beau jeu longtemps improductif » de son équipe. Pierre Mankowski le clame : le LOSC a gagné son maintien sur le terrain, et pas grâce à Marseille.
Ensuite, au niveau du public : la Voix du Nord évoque l’« euphorie des supporters » et cette « vague qui fit chavirer Grimonprez-Jooris le soir de la réception de Caen » après « deux matches fantastiques ». Les joueurs eux-mêmes ont du mal à en revenir, comme Fabien Leclercq : « je n’avais jamais connu ça, même lorsque je venais en spectateur, avec ma petite carte de membre actif », Eric Decroix : « ça fait 7 ans que je suis au club, je n’avais jamais vu une ola. J’espère qu’à l’avenir, les gens auront l’occasion de recommencer, ça voudra dire qu’ils apprécient le spectacle », Jakob Friis-Hansen : « c’est la première fois en 5 ans que je vois une ola ».
Enfin, dans ce climat de douce euphorie, Fabien Leclercq ne craint pas d’avancer que la métropole lilloise mérite un grand club. Et pour cela, le LOSC dispose d’un atout, ses jeunes : « une grande équipe, c’est possible ! Nous pouvons compter sur des jeunes de valeurs comme Djezon Boutoille et Antoine Sibierski. D’autres, qui n’ont pas encore joué en D1, seront bientôt prêts ». Les autres, en l’occurrence, ce sont les champions de France Cadets 1989 comme Cédric Carrez, Frédéric Dindeleux ou Joël Dolignon. Les finances étant ce qu’elles sont, et pour plusieurs saisons encore, le salut, la progression, l’avenir, ne peuvent que trouver leur source dans le centre de fomation et la Voix du Nord multiplie d’ailleurs les articles sur Sibierski, Carrez, Dindeleux et Boutoille. Le LOSC a déjà le plus jeune effectif de D1 : voilà qui annonce des lendemains qui chantent. On parle désormais de « plaisir » pour finir la saison, un mot bien peu utilisé depuis de nombreuses saisons : « je pense que les 4 derniers matches seront l’occasion de se faire plaisir et de faire plaisir au public » indique Decroix.
La suite va vous étonner.
Pour combler la nouvelle longue trêve, un nouveau match amical, contre les Belges de Waregem, est organisé. Cette rencontre devrait être l’occasion de faire quelques tests, car pour le prochain match de championnat contre Metz, le LOSC comptera 4 suspendus : Andersson, Dieng, Friis-Hansen et Fichaux. Pour ce match, joué à Grimonprez-Jooris devant 1 500 personnes, Boutoille et Andersson sont en sélection, Bonalair est malade, Leclercq et Rollain sont blessés. Voici donc l’équipe alignée par Pierre Mankowski : Nadon ; Bray, Fichaux, Decroix (Dindeleux 25e), Buisine, Frandsen (Dolignon 46e), Friis-Hansen, Etamé, Sibierski (Borges 46e), Assadourian (Mota 28e), Garcia.
La Voix du Nord indique que le début de match est plutôt intéressant, avec des situations de part et d’autre. L’opposition est « musclée », à tel point que Decroix se casse la clavicule après une mauvaise réception, allez hop : saison terminée ! En revanche, la deuxième mi-temps est à chier, Garcia, Borges et Mota ne profiant pas d’un surnombre (51e), puis Mota, seul, lancé par Bray, frappe à côté (74e). Les Belges ont tout de même récolté 3 jaunes. « Une fois n’est pas coutume, les absents ont eu raison. C’est, en effet, à une succession de passes manquées, que le public de Grimonprez-Jooris a assisté ». Score final : 0-0. Le facétieux Guy Delhaye écrit : « les spectateurs, qui avaient dépensé 0 franc pour ce match à entrée gratuite, en ont eu pour leur argent ». Toutefois, l’essentiel est assuré : les joueurs présents ont joué 90 minutes, y compris les jeunes Dindeleux, dont la progression avait été ralentie à cause d’une fracture à la main, et Dolignon.
Place à la fête !
Surprise : on apprend en marge de ce match contre Waregem que Pierre Mankowski a fait jouer sa clause libératoire, et qu’il fera connaître sa décision d’ici 8 à 10 jours. Dès le 9 avril, dans le « Foot officiel », il déclarait : « après 11 années passées à Caen, au Havre, et maintenant à Lille, j’aspire à autre chose. J’aimerais, comme Artur Jorge, Marc Bourrier et Guy Roux, diriger une équipe capable de viser le haut du tableau. Cette équipe pourrait être Lille ; mais dans l’immédiat, je ne sais pas ce qu’il va se passer dans quelques semaines ». Pour un entraîneur qui, selon le président, devait rester à Lille « quoi qu’il arrive »…
Pour le moment, l’heure est donc au plaisir et à la fête. Le message du président Marc Devaux est clair : « je vais demander aux joueurs de finir sur les chapeaux de roue, pour confirmer le renouveau d’amour entre le LOSC et son public ». Une nouvelle victoire rapprocherait le LOSC du milieu de tableau, et Mankowski « voudrai[t] encore grappiller une place ou deux ». Il aligne alors une équipe offensive, avec 3 attaquants d’entrée de jeu, pour la première fois de la saison : Assadourian, Boutoille et Garcia. Pour compenser les 4 suspensions et l’absence de Decroix, on aura une défense centrale Leclercq/Buisine, et Bonalair et Dindeleux comme défenseurs latéraux. José Bray, rarement présent, sera titulaire au milieu.
6 500 spectateurs ont pris place au stade, ce qui est dans la moyenne basse des affluences de la saison… On va mettre ça sur le compte des vacances scolaires.
En guise de bouquet final, le LOSC va subir une lourde défaite : 0-4 ! Pire qu’un nuage radioactif, précisément 8 ans après l’explosion de la centrale de Tchernobyl. Voilà de quoi rappeler les limites d’un club qui s’est peut-être mis à rêver bien vite. Les Lillois avaient pourtant bien débuté, avec une percée Assadourian/Garcia (15e), mais à la demi-heure de jeu, après un corner dégagé par la défense de Lille, Jean-Philippe Séchet reprend de loin, de l’extérieur du droit, et trompe Nadon. Quelques minutes plus tard, un nouveau dégagement dans l’axe permet à Séchet de frapper en force, du gauche, et de marquer avec l’aide de la transversale. Les Lillois se créent 3 occasions juste avant la pause mais font briller Songo’o. C’est « pas mal » pour la Voix du Nord, mais c’est 0-2… À la reprise, Bonalair, accroché par Gaillot, obtient un pénalty. Notre capitaine depuis quelques semaines tente de se faire justice lui-même, mais Songo’o renvoie encore. Dans la continuité, une tête d’Étamé finit sur le poteau. Au tour de Lang d’envoyer un coup-franc sur le poteau (57e). Les Lillois restent volontaires jusqu’aux 20 dernières minutes, où ils semblent lâcher prise : Leclercq détourne dans ses filets un centre d’Eyraud (0-3, 81e), puis Séchet réalise le triplé en reprenant un centre de Zitelli (0-4, 85e). Deux sauvetages de Nadon puis de Leclercq permettent d’éviter une plus grande déroute au cours de dernières minutes « interminables ».
Retour à l’ordinaire
« Metz a fait la fête » ; « Le LOSC a replongé » titre la presse régionale. Tu l’as dit Bouffi ! Une belle « fessée », comme le dit Jean-Pierre Lauricella. « À chaque fois qu’on le croit guéri, qu’on attend ue confirmation de ses progrès, qu’on sent à nouveau un frémissement de son public, le LOSC gaspille une bonne partie de son crédit, en replongeant dans ses travers les plus criants ».
Comme si le maintien suffisait à son bonheur, le LOSC a perdu l’esprit de corps qui le caractérisait depuis quelques semaines. Finalement, le public a beaucoup applaudi… les Messins, à leur sortie du terrain. Certes, manquaient de nombreux titulaires. Certes, les deux premiers buts viennent de frappes de loin. Certes, le début de seconde période aurait pu tout relancer. Joël Muller, en est bien conscient : « la rencontre aurait pu basculer en un quart d’heure en seconde mi-temps. Nous avons su profiter de l’inexpérience de cette équipe lilloise bien jeune ». Mais comment expliquer la démission collective dans les 20 dernières minutes ? Thierry Bonalair résume bien la situation : « nous étions pourtant dans le coup. À 2-0, nous n’avons pas su réagir et nous avons montré nos limites. Nous avons lâché prise dans nos têtes. Nous ne sommes pas assez costauds. C’est grave, pour des professionnels. Nous n’avons pas le droit de nous laisser aller. Après en telle défaite, on se sent fautifs ». « On n’a pas un effectif suffisant pour remplacer 5 titulaires, regrette Mankowski. Les jeunes, il faut les amener petit à petit, il n’est pas possible d’en incorporer autant ensemble ».
Le LOSC ne fera pas mieux à domicile que l’an dernier (21 points). Pour faire autant, il faudrait battre Auxerre dans deux semaines (spoil : Lille ne battra pas Auxerre). Avec ce 0-4, Lille signe un record : jamais le LOSC n’avait pris autant de buts sans en marquer un seul, chez lui, dans un match de première division. Pour retrouver pire, il faut remonter à 58/59 et une défaite 1-6 contre le RC Paris1.
L’entraîneur est marqué et lâche : « cette défaite gâche un peu la saison ». Le championnat se termine par 3 matches nuls.
On reprend tout à zéro
Cette défaite fait-elle basculer la décision de Mankowski ? Probablement non, mais elle ne l’a pas aidé à changer d’avis. 3 jours après, le LOSC va chercher un nul chanceux à Lyon (0-0). Le lendemain, Mankowski annonce son départ. Lui qui n’était jamais resté une seule année dans un club part donc au bout de seulement quelques mois. « Je sais où je vais » déclare-t-il, sans dire précisément où. On l’annonce à Caen, à Lens, à Strasbourg. La Voix du Nord regrette ce départ, pour deux raisons : d’un côté, des raisons sportives, le quotidien ayant souligné à de nombreuses reprises les progrès de l’équipe ; de l’autre, pour la nouvelle période d’instabilité qui s’ouvre à Lille : « il y a comme un petit goût d’amertume. Non seulement le travail effectué sera classé au rayon des bons souvenirs, mais encore, son départ est mal ressenti par rapport au souhait de tout le monde : stabiliser le club (…) Puisqu’il tire sa révérence, eh bien, on fera comme chaque saison ou presque, on repartira de zéro. Simple question d’habitude. Pour ce qui est de rebondir, le LOSC est champion de trampoline ». Même son de cloche du côté des joueurs, unanimement déçus : « on sait ce qu’on perd, pas ce qu’on aura » (Fichaux) ; « c’est désolant » (Leclercq) ; « voilà 5 ans que je suis là, j’ai l’habitude. Tant que l’on ne trouvera pas une certaine stabilité, nous aurons toujours les mêmes problèmes. On tire toujours sur la corde, un jour elle cassera, et ce sera la mort du club » (Nadon). Idem du côté présidentiel : « j’ai un peu d’amertume et de regrets de ne pouvoir aller jusqu’au but de cette collaboration fructueuse ». Alors, qu’est-ce qui peut bien pousser le coach à partir ? « Je me suis beaucoup plu à Lille, les dirigeants m’ont laissé travailler. Les raisons sont uniquement sportives. Je pars dans un club avec des moyens et des ambitions supérieures ». C’est dur mais clair, et ça nous renvoie à la triste réalité du LOSC de cette époque : les difficultés financières accumulées lors des années précédentes font du LOSC un club peu attractif, qui n’a pas les moyens de retenir, avec tout le respect qu’on a pour lui, Pierre Mankowski, qui trouvera de meilleures conditions de travail à… Caen. Bon, a posteriori, ce choix peut faire sourire, mais les moyens du club normand étaient bien supérieurs à ceux du LOSC : d’ailleurs, Mankowski a embarqué Étamé et Andersson dans sa valise, que le LOSC ne pouvait financièrement retenir. Qui sera le 5e entraîneur du LOSC en 3 ans, après Santini, Metsu, Kasperczak et Mankowski ? Pour le moment, Dos Santos et Heylens tiennent la corde.
Thierry Maton, directeur du centre de formation, s’en va aussi. Pierre Henocq était déjà parti il y a 3 mois, si bien que le centre marche sur une jambe. Le retour de Jean-Noël Dusé est évoqué. On parle aussi de l’arrivée d’un manager général.
Courant mai, les négociations pour trouver un nouvel entraîneur sont menées par Marc Devaux, Alain Martinne et Bernard Lecomte. Dans un premier temps, Marc Devaux semble s’être mis d’accord avec un ancien de la maison : Slavo Muslin, qui serait secondé par Pierre Pleimelding (qui servirait aussi de prête-nom). Et alors que tout semblait réglé avec ces deux candidats très peu gourmands, Bernard Lecomte semble prendre de plus en plus de place dans les discussions. Président du conseil de surveillance du LOSC, il est parfois présenté comme le « double » de Marc Devaux (pour dire les choses rapidement : le conseil d’administration du LOSC avait 2 têtes à cette période). Après un nouveau passage devant la DNCG, Lecomte, en première ligne, écarte Heylens et Dos Santos, ne souhaitant pas « faire du neuf avec du vieux », mais aussi le duo Muslin/Pleimelding. Est choisi le 31 mai Jean Fernandez, entraîneur de Ryad en Arabie Saoudite, et son adjoint Jean-Michel Cavalli. Et cette fois, Bernard Lecomte fait en sorte qu’il n’y ait pas de clause libératoire dans le contrat de l’entraîneur. On se dirige peut-être vers une collaboration de 3 ans : un événement à Lille ! « Espérons, au risque de nous répéter, que le court terme sera désormais rayé, une bonne fois pour toutes, du vocabulaire des dirigeants lillois » insiste la Voix du Nord.
Mais un ultime rebondissement va ponctuer ce printemps : début juin, Bernard Lecomte est annoncé à la tête du club, une mesure qui sera effective le 17. « Pourquoi ? » s’interroge la Voix dans un éditorial en forme de réquisitoire contre la politique sportive et administrative du LOSC. Le changement de présidence est présenté comme un nouveau symptôme de l’instabilité du club et de l’illisibilité de son projet. La mise à l’écart de Marc Devaux « coupable sans doute d’avoir été trop souvent derrière son bureau, prêt à régler des problèmes » est perçue comme un très mauvais signal. Là aussi, depuis 3 ans, les présidents se sont succédé : Guy Lefort, Claude Guedj, Paul Besson ; « disons-le tout net : ce réaménagement technique nous choque (…) vu de l’extérieur, l’épisode sera inévitablement interprété comme un nouveau dérapage tueur de promesses. Et Marc Devaux subit là un revers qu’il ne méritait pas. À quoi bon parler de cohérence, de sérénité retrouvée si on change les hommes et les structures du club à tout bout de champ ? ».
Ainsi s’achève ce printemps 1994 à Lille : débuté sous la menace sportive d’une relégation, scandé ensuite par des espoirs démesurés nés d’une petite série en championnat, poursuivi et achevé dans une réorganisation complète de l’équipe administrative, sportive, et d’un renouvellement important de l’effectif. Si on peut voir dans cette agitation perpétuelle le reflet des espoirs que semble susciter ponctuellement le LOSC, la situation sportive et financière du LOSC devrait d’abord inciter à l’humilité : depuis 10 ans, et pour quelques années encore, à chaque fois qu’il y a eu un semblant d’éclaircie du côté de Grimonprez-Jooris, celles et ceux qui ont cru un peu trop rapidement au printemps du LOSC ont vite été rappelés à la grisaille de son quotidien.
Il faudra patienter encore quelques années.
Note :
1 Si on se limite aux matches joués à Grimonprez-Jooris (depuis 1975), le LOSC avait jusque là encaissé 4 buts (jamais davantage) à deux reprises : 3-4 contre Saint-Étienne en septembre 1981, puis 2-4 contre Monaco en 1988. Par la suite, le LOSC encaissera 4 buts (et jamais davantage !) à 5 reprises : 1-4 contre Lyon en septembre 1994 ; 0-4 contre Auxerre en mars 1996 ; 1-4 contre Monaco en octobre 1996 ; 2-4 contre Strasbourg en février 1997 ; 0-4 contre Montpellier en mars 1997.
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