Posté le 17 octobre 2019 - par dbclosc
Histoire de la Résistance à Lyon : de Jean Moulin à Jean-Claude Nadon
Tout indiquait que Lille prendrait sa deuxième valise de la semaine. C’était sans compter sur le talent, la chance, somme toute la résistance de Jean-Claude Nadon, sauvé 4 fois par ses montants.
4 jours après une claque à domicile contre Metz, d’autant plus cinglante qu’elle intervenait après une sacrée embellie (7 points sur 8 ; 9 buts marqués sur les 4 derniers matches), le LOSC se déplace à Lyon pour la 36e journée du championnat de France de D1 1993/1994, le 30 avril. La belle série a permis l’essentiel : le maintien est assuré. Derrière, Angers est déjà condamné à descendre, tandis que Toulouse ne peut plus recoller aux Dogues. Martigues, 18e, pourrait le faire, mais on a appris quelques jours plus tôt que l’Olympique de Marseille était administrativement relégué suite à l’affaire de corruption VA/OM : Marseille étant dans le haut du classement, le 18e restera donc en première division.
Lyon vise l’Europe
Le LOSC n’a donc plus rien à craindre, hormis une fin de saison humiliante, sur la lancée du match de Metz ; ni à espérer d’ailleurs, si ce n’est accrocher, au mieux, la 12e place. En revanche, la saison n’est pas terminée pour les Lyonnais : 10e avant cette confrontation, ils ne sont qu’à 2 points de la 6e place, qualificative pour la coupe de l’UEFA. Signe que l’OL prend ce match avec le plus grand des sérieux : Bernard Lacombe était à Grimonprez-Jooris mardi soir pour observer ses futurs adversaires. Pour cette confrontation entre une équipe peut-être démobilisée et une autre gonflée à bloc, il y a donc fort à craindre que les Lillois repartent avec zéro point. De plus, Assadourian, sorti prématurément contre Metz, est blessé.
Mais soyons positifs : le LOSC enregistre le retour de ses 4 suspendus, qui avaient manqué le match contre Metz : Kennet Andersson, Oumar Dieng, Jakob Friis-Hansen et Claude Fichaux, tous titulaires. Cela ne signifie toutefois pas que le LOSC jouera à 15 : ces retours se font au détriment de Assadourian donc ; de Garcia et de Dindeleux, cette fois sur le banc ; et de Jean-Luc Buisine. Seules les présences de Sibierski, Andersson et Boutoille semblent témoigner de timides intentions offensives : pour le reste, Mankowski a bétonné derrière avec une défense à quatre (Bonalair, Dieng, Fichaux, Leclercq) et un milieu pas spécialement porté sur l’avant (Bray, Friis-Hansen, Étamé). Les Lyonnais semblent davantage résolus à attaquer avec Franck Gava, Stéphane Roche, Laurent Delamontagne et Florian Maurice.
Le LOSC à 10
Surprise : les Lillois se présentent aux 13 000 spectateurs du stade de Gerland avec des maillots rouges sur lesquels est indiqué… « AOM », le nom d’une compagnie aérienne. Pourtant, le sponsor habituel est Tousalon. Mais les Lillois se sont rendus compte qu’ils n’avaient pas de maillots rouges à manches courtes au nom de leur habituel partenaire : ce sont donc ces tuniques qui ont été extirpées des « oubliettes », comme l’indique la Voix des Sports.
Lille subit toute la première mi-temps, mais Nadon fait bonne garde, en multipliant les interventions rassurantes. Mais le LOSC est à la peine, et les fautes se multiplient : à la 39e minute, José Bray récolte déjà un second avertissement de la part de M. Lartigot. Il faudra terminer en infériorité numérique. Lille recule encore mais atteint la pause sur le score de 0-0.
Jean Tigana a bien compris que Lille ne va pas davantage attaquer : à la pause, il sort un milieu de terrain, Laurent Debrosse, et fait entrer un ancien Dogue en attaque : Abedi Pelé. Les vagues devant le but de Nadon vont déferler.
Oh Hisse acculés
Pas de surprise : le match est désormais à sens unique. Dès l’entame de la seconde période, Franck Gava, du droit, envoie un petit ballon au second poteau qui frappe l’angle du poteau et de la transversale avant de sortir. Ouf ! Et Nadon multiplie les prouesses devant les attaquants lyonnais. Et s’il est battu, comme à l’heure de jeu où une ouverture d’Amoros, un peu cafouillée par Dieng, est récupérée par Maurice qui ajuste Nadon du gauche, son poteau vient à sa rescousse. Le même Maurice, servi par un Gava intenable sur son côté gauche, voit sa reprise de la tête frapper la transversale puis rebondir sur la ligne. Dans une surface de réparation surpeuplée, les Dogues se dégagent comme ils le peuvent. C’est toujours 0-0 et c’est miraculeux pour le LOSC. À un quart d’heure du terme,Tigana lance son dernier atout : James Debbah remplace Stéphane Roche. Nadon repousse toujours, mais est battu à 5 minutes du terme : un nouveau centre de Gava repris de la tête par Pelé est cette fois hors de portée du gardien lillois : mais la transversale repousse encore ! Pour la quatrième fois, Lille s’en remet à ses montants pour sauvegarder le 0-0.
Et à la 90e, alors que les Lyonnais ont oublié de défendre à force de camper dans le camp lillois, Clément Garcia, entré depuis 5 minutes à la place de Boutoille, s’échappe et se retrouve seul face à Pascal Olmeta. Il tente un lob qui retombe doucement.. juste à côté du poteau ! Le LOSC, acculé durant 90 minutes, a bien failli réussir le hold-up de l’année.
« Putain ! Bravo ! »
Le héros de la soirée, c’est bien sûr Jean-Claude Nadon. Les plus anciens évoquent une résistance jamais vue depuis celle de Jean Moulin. Bien servi par la chance, il a aussi réussi quelques superbes arrêts. Ayew Pelé est admiratif vis-à-vis de son ex-équipier : « Jean-Claude Nadon m’a épaté ! Je sais depuis longtemps qu’il est un des meilleurs gardiens français, mais il a encore sorti un grand match. Avec la chance comme alliée ». De même, Pascal Olmeta, qui a été sifflé par la moitié de son public pour avoir dansé la samba 4 jours avant avec le kop marseillais lors du déplacement de l’OL à Marseille, félicite Jean-Claude, dont on rappelle que le prénom a les mêmes initiales que celles de Jésus-Christ. La Voix des Sports rapporte qu’il est allé interrompre la prestation de Nadon devant les journalistes pour lui dire : « Putain ! Bravo ! ». Qu’en pense le principal intéressé ? « Je ne me sentais pas invincible, mais presque. La chance est venue au secours d’une équipe qui avait à cœur d’effacer sa contre-performance de mardi. Tout le monde a fait son boulot et je suis très satisfait. Dommage que l’équipe montre encore autant de visages différents tout au long d’une saison. En foot, rien n’est acquis et ce ne sont pas 3 victoires consécutives qui bâtissent une saison. Restons humbles, faisons-nous plaisir en gardant les pieds sur terre. Et ne nous foutons pas de la gueule des gens qui payent pour nous voir jouer »
Lyon s’est heurté à un mur
Après le match, Mankowski fait d’abord dans la bonne blague : « Si je voulais faire dans l’humour, je dirais que les Lyonnais l’ont échappé belle », référence à l’occasion de dernière minute, bien entendu. Mais tout le monde s’entend bien : si Nadon a été « exceptionnel », Lille a eu « un beau brin de chance » : « la résistance losciste a été belle, pathétique pour les uns, désespérante pour les autres » souligne la Voix des Sports. « C’est un peu comme si José Bray avait été remplacé par les poteaux » souligne Alain Martinne. Pierre Mankowski relativise du coup la déroute enregistrée contre Metz. Finalement, ce résultat à Lyon, avec la quasi-équipe-type, est dans la continuité des progrès des dernières semaines : « nous avons réussi, grâce à Jean Claude Nadon mais aussi à toute l’équipe, une très bonne opération. C’est vrai que nous avons eu énormément de chance mais ces hauts et ces bas font partie de l’histoire d’une saison. C’est la preuve qu’il ne fallait pas donner une importance démesurée à notre lourde défaite face à Metz. Avec l’équipe alignée mardi, nous aurions explosé à Gerland, j’en suis certain ! » Belle marque de confiance envers les jeunes, ça fait plaisir ! Son homologue lyonnais, Jean Tigana, est résigné : « c’est vrai que les Lillois ont eu un maximum de réussite. Mais nous les avons bien aidés en ne sachant pas élargir notre jeu, en manquant d’initiative dans la conclusion de nos actions. Franchement, nous ne méritions pas de décrocher une participation européenne cette saison ».
4 poteaux concédés sans encaisser un but : ce scénario se répétera 7 ans plus tard, à Troyes, d’où Lille ramena une miraculeuse victoire avant de débuter sa campagne de Ligue des Champions. Et, de plus, Greg Wimbée avait stoppé un pénalty dans le temps additionnel, on en avait parlé ici.
Voici un résumé du match à Lyon :
Au pied du mur après sa défaite contre Metz, le LOSC a au moins rassuré sur le terrain. En coulisses, avec les changements administratifs et politiques qui se dessinent durant ce printemps, on se demande toujours si le LOSC n’y va pas tout droit (dans le mur). En attendant, dès le lendemain, c’est Ayrton Senna qui s’y colle.
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