Posté le 24 mars 2020 - par dbclosc
Un LOSC force 7
En août 1997, le LOSC signait ce qui reste aujourd’hui son dernier score de baby-foot : 7-3 contre Martigues.
Un score de baby-foot, c’est un score à 10 buts. On a déjà recensé ces matches dans cet article, en évoquant aussi les quelques matches qui ont dépassé les 10 buts. La dernière fois que c’était arrivé, c’était en 1992 : dans des conditions très particulières qu’on a relatées ici, le LOSC s’était incliné en coupe de la Ligue, à Sedan (1-9). En championnat, il faut remonter à la saison 1965/1966, quand le LOSC s’était incliné sur la pelouse du Red-Star (4-6). Mais depuis, pas de matches à 10 buts (ou plus), malgré la bonne volonté des Lavallois qui se font exploser 8-0 à Grimonprez-Jooris pour la dernière journée du championnat 1988/1989.
En 1997, le LOSC est de retour en D2. On a évoqué ici les objectifs et espoirs du nouveau coach, Thierry Froger. Une chose est certaine : les matches amicaux ont été encourageants et ont confirmé sur le terrain ce qu’on pressent sur le papier : offensivement, le LOSC a de quoi faire parler la poudre. Puis, pour son premier match, le LOSC est allé chercher un nul satisfaisant à Saint-Étienne (2-2). Le 9 août, Grimonprez-Jooris retrouve une division qu’il n’avait pas vue depuis le 20 mai 1978 : ce jour-là, en battant Quimper-Cornouailles 3-2, les Dogues de José Arribas retrouvaient l’élite.
Au programme ce jour : Martigues, qui est descendu en D2 en 1996. En 1996/1997, les Martégaux ont terminé troisièmes : pas de chance, cette saison-là, seules deux équipes montaient en D1. Mais voilà le LOSC prévenu : on reçoit aujourd’hui un prétendant à la montée, entraîné par un ancien du LOSC : Patrick Parizon. Le FCM a bien mal débuté sa saison, puisque les Sudistes ont perdu 1-4 à Sochaux la semaine précédente. Il faut dire que l’élément-clé de sa défense, Dubois, a été expulsé dès la 5e minute. De quoi susciter encore davantage la méfiance de Thierry Froger, qui craint que Martigues ne vienne bétonner : « Martigues était une des meilleures défenses l’an passé. Ils n’auront sûrement pas digéré d’avoir pris 4 buts d’entrée à Sochaux. Cette équipe vaut beaucoup mieux que ça ». Thierry Froger rêve de faire de Grimonprez-Jooris une citadelle imprenable : « on a la volonté de marquer des points sur toutes les équipes, afin que cela devienne un stade où il ne fait pas bon venir pour les adversaires. Nous devons faire en sorte de rendre la vie impossible aux équipes qui se déplacent ici ».
7 000 personnes ont pris place en tribunes, ce qui constitue une belle affluence au coeur de l’été. Thierry Froger aligne la composition suivante, en 3-4-3 :
Aubry ;
Leclercq, Dindeleux, Sanz ;
Duncker, Tourenne, Senoussi, Collot ,
Peyrelade, Boutoille, Lobé
Sur le banc : Abed, Banjac, Raguel. Initialement, Cédric Anselin, prêté par Bordeaux, aurait dû être remplaçant, mais il a appris juste avant l’échauffement qu’il n’était pas qualifié. Il a été remplacé au pied en l’air (ou levé) par Alain Raguel. Mais la principale absente côté lillois, c’est Anne-Sophie Roquette, en vacances. Mais c’est tout de même une femme qu’on entend au micro. Autre absent à Lille : le sponsor maillot.
Du côté martégal, pas grand monde de connu, hormis le jeune Sylvain N’Diaye, prêté par Bordeaux. Notons, pour le plaisir, la présence en attaque de Christophe Branlard.
C’est parti, et on est loin de s’imaginer ce qu’il va se passer ! Le LOSC démarre encore plus fort que chez les Verts où il avait marqué dès la 5e minute : ici, Peyrelade, profitant d’une passe contrée de Tourenne, marque d’une volée du droit sur le premier tir du match (3e), alors que Renaud, le gardien martégal, attendait manifestement un centre ; 4 minutes plus tard, Leclercq lance Boutoille en profondeur qui ajuste à ras de terre et profite de la grande forme de Renaud (2-0, 7e). Comme l’écrit la Voix du Nord, « ce n’était que le début du clavaire de Renaud » qui, comme on le sait, a ensuite sombré dans l’alcool.
Que se serait-il passé si Adjali, en bonne position, avait trompé Aubry au quart d’heure ? Ça aurait fait 2-1, certes. Mais il a tiré à côté et c’est toujours 2-0. Après une vingtaine de minutes d’accalmie, les Dogues repartent de l’avant : d’un extérieur du droit, Boutoille cherche Lobé dans la surface, qui profite de la sortie d’un Renaud au sommet de son art pour conclure dans le but vide (3-0, 28e). Par terre lors de sa sortie après avoir heurté son arrière, le malheureux gardien a à peine le temps de se relever qu’il heurte ensuite Lobé et se retrouve de nouveau au tapis pendant que les Lillois festoient. Les 3 attaquants ont marqué, quel début de match ! Dans la foulée, l’arbitre a l’indulgence de ne pas expulser Renaud qui crochète Lobé qui se présentait seul face à lui (29e). Mais en totale confiance, la défense des visiteurs assure le service encore plus directement : passe en retrait trop molle de Bochu, dégagement de Renaud dans le tibia de Lobé, et ça finit encore au fond, ce qui permet à Samuel Lobé d’imiter la poule tel un grossier Pascal Nouma (4-0, 30e). C’en est trop pour Patrick Parizon, qui sort un de ses arrières, Harchèche, et fait entrer Matingou (33e). Enfin, pour clore ce feu d’artifice avant de rejoindre les vestiaires, Peyrelade, dont le centre est renvoyé, décide de tirer directement et inscrit un nouveau but (5-0, 40e). Il dira après le match : « profitez-en bien, parce que du pied gauche, il y en a un par an ! C’est presque un miracle. Et il faut bien que je marque quelques buts. Si Samuel les marque tous, ce ne sera plus marrant ».
Djezon, ton short est à l’envers
5-0 à la pause, ça aussi c’est presque un miracle. Certes, ce n’est pas la D1, mais il n’en faut pas plus pour faire naître l’espoir de jours meilleurs. Les Dogues vont-ils continuer sur leur lancée en seconde période ? Après un double changement à la 53e, les Martégaux semblent davantage dans leur assiette : c’est l’un des nouveaux entrants, Serreau, qui réduit l’écart (5-1, 57e). Comme pour se faire pardonner d’avoir marqué, le FCM ouvre sa défense à Patrick Collot, qui réussit la performance d’éliminer 3 adversaires sans dribbler, juste en avançant tout droit, et bat du gauche Renaud, encore trompé par on ne sait quoi (6-1, 58e). Les deux équipes se créent alors des occasions. Il faut attendre les 10 dernières minutes pour que le score évolue. C’est cette fois au tour de la défense du LOSC de montrer d’inquiétants signes de passivité, dont profitent d’abord Robin, d’une belle frappe lointaine (6-2, 80e), puis Adjali, là aussi d’une belle reprise de volée (6-3, 82e). Mais Lille frappe le dernier : après un débordement de Boutoille, Lobé frappe en force du gauche et réussit le triplé (7-3, 86e).
Désolé pour la qualité de la vidéo : il y a un décalage entre le son et l’image, et la défense de Martigues est salement alignée
« Vent de folie », « un score qui fleure bon le football de papa » : bien évidemment, après un match si spectaculaire, la presse régionale est ravie. Les buts ont tous été marqués par des joueurs offensifs, et notamment par le trio Boutoille/Peyrelade/Lobé : « ces trois-là risquent de faire mal aux défenses de D2 ! » ; « le LOSC dispose sans aucun doute de l’un des trois meilleurs effectifs de D2, en qualité et en quantité ». Djezon Boutoille souligne la complémentarité avec ses collègues : « on s’est bien trouvé sur chaque but. C’est de bon augure pour la suite ».
Même la presse nationale souligne la performance lilloise : France Football indique que « Lille aboie fort » : « les hommes de Thierry Froger semblent bien partis pour tout casser à domicile ». Et, il faut le dire, c’est un record : jamais un match de D2 en France, depuis qu’il n’y a qu’une poule, n’avait offert autant de buts. Jusque là, ce record était 7-2 (Sochaux/Toulon et Red Star/Sochaux en 1996-1997, et Cannes/Gazélec Ajaccio en 1993/1994)1.
Le message est clair : Lille est un prétendant sérieux à la montée, et contribue avec ce score à impressionner ses adversaires. Ainsi, Samuel Lobé souligne que « si vous êtes forts, il faut le montrer tout de suite à l’adversaire ». Un triplé pour un joueur du LOSC ? Fait inédit depuis le 13 décembre 1986, avec Guy Lacombe contre Sochaux. 5 buts en deux matches pour le nouvel avant-centre du LOSC pour débuter la saison : du jamais vu depuis René Bihel en 19442! Bernard Lecomte est ravi du message envoyé au public : « c’est le démarrage idéal. On ne pouvait pas rêver beaucoup mieux. Il était important de montrer au public l’image d’une équipe qui veut aller de l’avant ».
Mais, bien entendu, tout n’a pas été parfait : le LOSC a encaissé 3 buts, et en une mi-temps. Et après déjà 2 buts pris à Sainté, cela tracasse, à commencer par le président Lecomte : « je regrette que nous ayons pris 3 buts ce soir. Cinq buts en deux matches ça fait un peu beaucoup ». Même les attaquants, pourtant à la fête, insistent là-dessus, comme Laurent Peyrelade : « je suis bien évidemment content, mais j’aurais préféré gagner 4-0 et ne pas prendre de buts. Cette fois, l’équipe a joué haut avec des enchaînements vers l’avant. Mais il faudra travailler nos bases défensives ». Les défenseurs pointent aussi ces insuffisances, comme Frédéric Dindeleux : « c’est vrai que c’est le point noir de la soirée. Pourtant, à la pause, on avait pour objectif de ne pas prendre de but. Ceci dit, on ne va pas faire la fine bouche, tout en sachant qu’il faudra méditer sur ce relâchement pour la suite ». Si France Football salue des attaquants lillois « tranchants, inspirés, percutants », l’hebdo insiste également sur la faible opposition : ainsi, on peut lire que les Dogues « sans pourtant développer un football d’une qualité exceptionnelle, sans afficher une supériorité écrasante dans le jeu, ont montré d’impressionnantes qualités offensives. Ils ont ainsi marqué 5 fois avant le repos, presque sans s’en rendre compte ».
Un constat étonnant et presque vexant avec un score aussi lourd, mais dont on retrouve la traduction dans la feuille de match et les notes données aux joueurs : seuls 5 joueurs lillois bénéficient de la note de 4 (sur 6), et seul Samuel Lobé est dans l’équipe-type FF de la journée (avec Olivier Pickeu d’Amiens, Frédérik Viseux de Sochaux, et Thierry Rabat de Troyes !)
Quand on fait remarquer à Thierry Froger qu’il est peut-être humain de se relâcher en menant de 5 buts à la pause, il rétorque : « humain, mais pas professionnel ». Bref, c’est la fête, mais il y a encore du boulot. Laurent Peyrelade, qui connaît bien la D2, prévient que le chemin sera long : « pour le moment, on est invaincu, c’est l’essentiel. Pour monter, il faudra marcher au rythme d’un nul à l’extérieur et d’une victoire à domicile. On ne marquera pas toujours 2 buts à l’extérieur. Il faudra parfois sortir le bleu de chauffe et tenir le 0-0. Il y a encore des progrès à faire, mais moralement on va se rendre à Sochaux avec des certitudes. Si on pouvait ramener au moins un point, ce serait déjà bien ».
Défensivement, le LOSC se reprend lors des deux matches suivants, en décrochant deux 0-0, à Sochaux puis à Nîmes. Et, en effet, la saison sera longue. D’abord pour Martigues qui, loin de ses prétentions initiales, terminera 21e du championnat. De là à dire que ce 7-3 a été une victoire en trompe-l’oeil…
Quant aux scores de baby-foot, ils n’ont depuis ce match jamais été atteints avec le LOSC, même avec un entraîneur comme Rudi Garcia qui, s’il aimait jouait l’offensive, oubliait parfois quelques bases derrière. C’est ainsi à un but près que les Dogues échouent à compléter ce palmarès, contre Lorient en 2010 (6-3), Marseille en 2011 (4-5) et Bordeaux en 2012 (4-5).
FC Notes :
1 Ce record de 10 buts marqués a été dans un premier temps égalé en 2000 (Cannes-Niort, 6-4) et en 2004 (Troyes-Châteauroux 5-5), puis battu en 2019 (Valenciennes-Béziers 5-6)
2 Et encore, on peut chipoter car les conditions sont différentes, ne serait-ce que parce que René Bihel n’est pas véritablement une recrue du LOSC en 1944 : il jouait avec l’équipe de Lille-Flandres. Mais lors de la saison 1944/1945, René Bihel commence le championnat avec 6 buts en 2 matches, puis 7 en 3 matches : un premier but à Paris (avec le nom de Stade Lillois) ; puis, avec l’appellation LOSC, un quintuplé contre Le Havre, et un but au Mans.
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