Posté le 6 avril 2020 - par dbclosc
À jamais les premiers ! L’Olympique Lillois premier champion de France professionnel (1932-1933)
Comme un symbole du grand complot contre le football lillois, le premier championnat professionnel de football débute officiellement un 11 septembre, en 1932. Dès leurs débuts, les ancêtres du LOSC allaient découvrir que rien n’allait leur être épargné par les forces obscures qui n’allaient reculer devant rien pour empêcher la consécration du football de la grande métropole nordiste. Mais ces mêmes complotistes découvraient en parallèle qu’il leur faudrait être plus coriaces pour contrecarrer les velléités de succès de nos chers footballeurs.
Henri Jooris, qui est à la fois président de la Ligue du Nord et de l’Olympique Lillois est l’un des acteurs les plus mobilisés autour du projet de création d’un premier championnat professionnel. Il est voté le 17 janvier 1931 lors du conseil national de la Fédération Française de Football. Un an plus tard, la Fédération définit les règles permettant aux clubs de postuler au Groupement des Clubs Autorisés. L’Olympique Lillois fait bien sûr d’abord partie des 24 premiers candidats ainsi que des 17 premiers à être autorisés à rejoindre le Groupement. Ils seront rejoints en mai et juin par le Red Star, le CA Paris, le RC Paris et le Stade Rennais.
Pourtant, en raison de tensions entre le Groupement et la Ligue du Nord, l’Olympique Lillois, le RC Roubaix et Amiens vont finalement se désengager le 27 juin, moins de trois mois avant le début du premier championnat professionnel. Le SC Fives, qui est alors un club modeste qui navigue entre haut de classement en PH Nord et bas de classement de DH (Nord, là encore), profite de ces désistements pour déposer un dossier de candidature qui … sera accepté le 22 juillet 1932 ! Louis Henno en profite pour débaucher plusieurs joueurs de l’Olympique Lillois, dont l’international André Cheuva, qui viennent alors renforcer l’effectif de ce qui devient le premier club lillois professionnel.
Cet évènement imprévu amènera Henri Jooris à changer à nouveau son fusil d’épaule et à déposer un nouvelle candidature, bien que les délais officiels soient dépassés. Le 1er août, cette candidature est déjà acceptée. L’OL fera ainsi bien partie des 20 clubs qui disputeront le premier championnat professionnel de l’histoire.
Huit victoires de suite après la défaite initiale
Ce premier championnat est alors organisé en deux poules de dix équipes qui s’affrontent en matchs aller-retour, les vainqueurs de chacune des deux poules devant s’affronter en finale au Stade de Colombes au mois de mai 1933. La découverte du professionnalisme débute bien mal pour ceux qui sont déjà surnommés les « Dogues ». Ils s’inclinent ainsi à domicile au Stade Victor-Boucquey contre un autre Olympique, celui de Marseille (1-2). Fallait-il y voir le signe d’une domination à venir des Marseillais sur la saison, lesquels pourraient en conséquence revendiquer d’avoir été « à jamais les premiers » champions de France professionnel ?
Bélinogramme du match OM-Lille publié dans Match l’intran en septembre 1932
En tout cas, après ce premiers revers, les Dogues allaient montrer qu’ils ne comptaient pas se laisser faire. La semaine suivante, les Lillois repartaient ainsi dans le bon sens à la faveur d’une victoire sur le terrain du RC Paris. Les Dogues montraient alors quelles allaient être leurs qualités comme le résume le journaliste de Match en charge du compte-rendu. « A quoi Lille dut-il sa victoire ? A sa défense et à son cran. Le trio Défossé-VanDooren-Théry a été magnifique […]. Les Dogues Lillois peuvent avancer qu’on ne leur marquera pas beaucoup de buts ».
Les Lillois n’allaient pas s’arrêter en si bon chemin et allaient battre la totalité de leurs adversaires suivants jusqu’à la fin des matchs aller, leur permettant d’atteindre la mi-championnat en tête avec trois points d’avance sur leur dauphin marseillais. Le 11 décembre 1932, c’est donc en position de force que l’OL se rend au Stade Vélodrome pour affronter la seule équipe qui a jusqu’ici réussi à contrecarrer ses plans de victoires. Comme annoncé par le journaliste de Match, la défense est effectivement leur point fort puisqu’elle n’a cédé qu’à 7 reprises en 9 rencontres, à une époque où la moyenne de buts par match (3,95) est bien plus élevée qu’aujourd’hui.
Le scandale du Vélodrome
Il était dit que ce match au sommet ne se passerait pas sans tension. Voyons le compte-rendu qu’en fait Le Grand Echo du Nord de la France le 12 décembre 1932. On y apprend d’abord que les Marseillais dominent la rencontre et mènent déjà par 2 à 0 à la pause. On y lit ensuite que les Phocéens inscrivent le troisième but en début de seconde mi-temps quand intervient « un premier incident, opposant Lutterlock et Rabih. L’intérieur lillois eut le tort de chatouiller les chevilles de Rabih et ce dernier lui porta un coup de tête. L’arbitre mis les deux hommes dehors ». Si l’on n’est pas bien sûr de comprendre ce que Lutterlock a fait, on comprend en revanche que notre Anglais s’est pris un gros coup de boule en retour et que les deux équipes se retrouvent alors désormais à dix.
Sur ce, les Marseillais inscrivent un quatrième but quand survint le deuxième incident opposant Barrett et Trees – l’article n’évoque ici aucune chatouille ni le moindre coup de boule, même métaphoriquement – valant également aux deux joueurs l’expulsion. Les Lillois protestèrent et, semble-t-il, souhaitaient que le match s’arrête là, ce que refusa l’arbitre. S’ensuivit une mascarade de football, les Lillois décidant de concert de ne plus jouer le jeu. Défossé, par exemple, bloqua un tir puis le mis volontairement dans ses filets ; solidaire, le Marseillais Boyer profita des largesses volontairement données par la défense lilloise pour aller jusqu’à la ligne de but de Défossé pour enfin … revenir en arrière ! Alcazar – qui allait ensuite jouer à Lille – en profita pour inscrire un doublé et porter la marque à 7-0, ce qui resta le score final.
Si de nombreux articles ont relaté avant nous cet épisode – Patrick Robert parle par exemple à ce propos d’un match « assez scandaleux » – un détail manquant nous a cependant toujours chiffonnés. Pourquoi les Dogues se sont-ils rebellés de la sorte après la deuxième série d’expulsions ? Certes, on pourrait avancer que le score à ce moment-là (4-0) leur donnait un mobile évident pour trouver prétexte à faire arrêter le match. Mais cela n’explique pas tout. Or, l’article du Grand Echo nous donne sur ce point une information importante.
En fin d’article, on apprend ainsi que le journaliste est allé voir un certain M.Hochart, « membre du comité-directeur de l’O.Lillois » après la rencontre, lequel nous en dit un peu plus sur l’appréciation faite par les Lillois sur ce match. « La rencontre a été gâchée par l’arbitrage. M.Féron manqua de sévérité dès le début et eut le tort de ne pas réprimer plus vite les irrégularités. Après un quart d’heure de jeu, nous avions déjà MacGowan, Delannoy, Amanet Wattrelos blessés. Nous ne pouvions plus espérer grand chose ». On peut bien sûr s’interroger sur la nature réelle des blessures des joueurs Lillois, mais le témoignage permet en effet de restituer l’état d’esprit des Lillois quand ils perdent Barrett. Déjà handicapés par les blessures de quatre joueurs, ils se retrouvent amputés de deux autres joueurs, seuls Défossé, Meuris, Beaucourt, Winkelmans et Théry restant à la fois valides et autorisés à rester sur le terrain.
En tout cas, le groupe A du premier championnat de France était alors relancé…
Pour vous aider à mieux vivre ce confinement, DBC LOSC vous offre en exclusivité de calendrier illustrant les vainqueurs nordistes de l’année 1933 (publié dans Le Grand Echo)
Malheureusement pour le suspense, les Lillois continueront sur le rythme infernal qu’ils imposaient à leurs adversaires Marseillais (sauf bien sûr quand ils jouaient contre eux). Lille enchaîne par des victoires contre le Racing (4-1), le Club Français (5-3), Nice (3-0), Mulhouse (2-1) et Nîmes (4-0). A trois journées du terme, ils sont déjà presque assurés de la première place, avec 5 points d’avance sur l’OM, et ont remporté la totalité des 13 rencontres de championnats non jouées contre leur dauphin. Les Dogues s’autorisent un petit relâchement contre Sète (0-1) qui leur suffit toutefois pour assurer la première place, Marseille s’étant incliné. Ils terminent par une défaite contre Roubaix (1-2) avant une ultime victoire contre Hyères (2-1).
Lille-Antibes en finale ?
Lille est donc qualifié pour la finale du premier championnat de France professionnel de football ! Mais, qui donc affrontera-t-il en finale ? Pour le savoir, rendons-nous à Antibes, où un certain « Allègre » rend compte de la victoire des locaux contre l’autre club lillois, le SC Fives, lequel reçoit ce jour-là une belle raclée (5-0). « Antibes a justement mérité, par sa brillante saison, l’honneur d’aller à Colombes disputer aux ‘’Dogues Lillois’’ le titre envié et inédit de champion de France professionnels ». Et bien, certes, pour nos références contemporaines, cela ressemble un peu à une affiche de Pro B en basket mais, soit, va pour Antibes !
Sauf qu’un malheureux imprévu viendra ruiner les espoirs des joueurs d’Antibes de disputer le titre aux Lillois. Le 8 mai, la Commission d’organisation du Championnat de France professionnel décidait de déclasser Antibes, premier du groupe B, au profit de Cannes. La raison ? Valère, l’entraîneur d’Antibes, et Rodriguez, l’un de ses joueurs, se voient reprocher d’avoir offert une grosse somme d’argent à des joueurs fivois pour qu’ils lèvent le pied lors de la dernière rencontre de la phase régulière du championnat le 30 avril 1933. Une banale affaire de corruption en somme.
Comme on peut le lire sur cette coupure de presse, la raclée fivoise sur fond de corruption a été immortalisée par une photo transmise par « Système Belin », l’autre non du bélinographe
Par ailleurs, Antibes perdra aussi un match sur tapis vert contre le Red Star pour avoir aligné des joueurs non-qualifiés ainsi que six étrangers (contre quatre autorisés). Sans doute un problème de phobie administrative.
A jamais les premiers
Le 14 mai 1933, l’OL dispute la première finale du championnat de France professionnel de football au Stade de Colombes. Il s’agit là potentiellement de parachever le succès du football nordiste en cette saison 1932/1933. En effet, une semaine plus tôt au même endroit, c’est l’Excelsior de Roubaix qui avait remporté la finale de la Coupe de France contre … le RC Roubaix, pour ce qui reste encore la seule finale de l’histoire de la Coupe à avoir opposé deux clubs d’une même ville.
– Messieurs, serrez-vous la main. Je suis l’arbitre de cette rencontre, M.Rodolphe Mitler.
- Comment ?! Vous êtes Ad…
- Je répète, j’ai bien dit: je suis Rodolphe Mitler!
C’est très bien parti pour les Lillois qui dominent outrageusement la première période. C’est l’avant-centre Britannique Barrett qui donne l’avantage aux Lillois (25è) avant que l’inter hongrois Varga ne double la mise (2-0, 30è). Et, comme le fait remarquer le journaliste du Miroir des Sports dans son compte-rendu, « seul le brio du gardien cannois Roux […] empêcha [les Lillois] d’acquérir une plus nette avance à la marque. Au repos, la victoire définitive de l’OL ne faisait guère plus de doute que celle de l’Excelsior sur le Racing Club de Roubaix le dimanche précédent ».
Mais la deuxième mi-temps débuta sous la pluie, ces conditions semblant déstabiliser les joueurs de l’OL. Pourtant, selon le journaliste ces conditions devraient au contraire avantager les Dogues qui seraient « habitués aux champs de jeu détrempés ». Ben Voyons ! Faut-il le rappeler – apparemment oui – mais, clichés mis à part, le Nord connaît un niveau de précipitations inférieur à la moyenne et plus de trois fois inférieur à celui observé dans les Alpes-Maritimes, le département des Cannois !
Quoi qu’il en soit Fecchino réduisit l’écart pour Cannes (2-1, 59è), mais Winkelmans sembla enterrer définitivement les espoirs des Azuréens (3-1,76è). Pourtant, dans la minute suivant l’ailier cannois Calecca ramena à nouveau les siens à un but de leur adversaire (3-2, 77è). C’est la stupeur dans le camp lillois – enfin, on l’imagine – quand, sur un corner, le défenseur Tourniaire égalisa d’un tir à ras de terre (3-3, 82è).
Même si, comme le souligne cette fois fort opportunément le journaliste « beaucoup d’autres équipes auraient […] perdu la tête » en de pareilles circonstances, cela n’a pas été le cas des Dogues. Urbain Decottignies déborda ainsi côté droit et centra pour la reprise de Winkelmans (4-3, 86è).
Illustration publié on ne sait dans quel journal, diffusée sur Footnostalgie.com par Bukovi
L’Olympique Lillois devenait alors le premier champion de France de l’ère professionnelle et ce malgré l’action conjuguée des nombreux complotistes qui, déjà, cherchaient mille et une manière de nous mettre des ballons dans les roues.
Bientôt, on vous parlera des héros de l’équipe dirigée par l’entraîneur belge Robert De Veen.
5 commentaires
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14 mai 2022
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Beaucourt a dit:
Bel article . Je ne connaissais pas la blague sous la photo de la remise des fanions entre capitaines. Est ce inventé ? Mon père ne me l’a jamais racontée . Et qui sait ce qu’est devenu le premier trophée de champion de France ?
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10 mai 2021
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Xavier a dit:
Bonjour, merci pour cet article!
Pourquoi le Losc ne comptabilise pas ce trophée dans le palmarès ? Ca c’est du puti*** de complot!!
Merci et à vous lire.
Cordialement
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11 mai 2021
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dbclosc a dit:
Bonjour,
C’est une très bonne question… Officiellement, le LOSC est considéré comme un nouveau club en 1944. On peut sans doute le justifier d’un point de vue juridique, ou ne serait-ce que parce que le nom n’est pas le même.
Mais la thèse de la continuité pourrait tout aussi bien être défendue. Quand on se documente un peu, il est assez évident que le LOSC est la poursuite de l’Olympique Lillois, et qu’il est plutôt l’absorption de Fives par l’OL (même si c’est le président du SCF qui prend la direction du LOSC et que, pendant quelques temps, le LOSC alterne ses matches dans les stades des ex-clubs fusionnés).
On avait déjà posé la question dans un article sur l’identité du premier buteur du LOSC : ne faut-il pas envisager que c’est en fait le premier buteur de l’OL ou du SCF ? (http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/2019/12/06/qui-a-marque-le-premier-but-du-losc/)
Cette période avant-guerre étant peu explorée, elle semble relever d’un autre âge et d’autres pratiques. Il faut encore inventer ce récit et montrer les continuités. On s’y emploie ici, car on aimerait bien récupérer un titre supplémentaire au palmarès !
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21 janvier 2023
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SamDM a dit:
Bonjour, je rebondis sur cette question du titre de 1933. En effet, la logique voudrait qu’il soit ajouté au palmarès du LOSC, tout comme les titres de l’ex-RFA figurent au palmarès de l’Allemagne… Savez-vous si des démarches ont jamais été entreprises par le LOSC à cet égard ? Et quelle est sur ce point la position des dirigeants actuels ? Bien à vous
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26 janvier 2023
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dbclosc a dit:
Bonjour,
A notre connaissance, aucune démarche n’a jamais été entreprise en ce sens. C’est d’ailleurs une belle énigme : pourquoi l’OL a-t-il été si vite rangé au placard ?
Quant à la position des dirigeants actuels, c’est la célébration du présent. Hormis quelques uns dont Patrick Robert bien entendu, ils ne doivent pas en savoir grand chose et n’ont pas d’intérêt à s’y pencher.
Mais soyez attentif à notre « actu », on va reparler de tout cela très prochainement !