Posté le 23 avril 2020 - par dbclosc
Quand le football mondial et le showbiz sauvaient le LOSC
Le 24 mars 1970, Anderlecht affronte l’Olympique de Marseille. Très belle affiche pour l’époque certes, mais on est sur un blog du LOSC, alors on s’en fout, non ? Effectivement, non. Car ce match amical, premier du genre, est organisé par le Comité de Soutien du Football de la Métropole, dont il s’agit ici de la première preuve d’activité, dans le but de « rendre aux sportifs de la région un spectacle de qualité ».
Alors que le LOSC a abandonné son statut professionnel quelques mois plus tôt et affronte chaque week-end des équipes amateures, des équipes professionnelles françaises, belges, néerlandaises et brésiliennes vont venir fouler la pelouse d’Henri-Jooris, tandis que des personnalités des milieux sportif et du divertissement se mobilisent pour retrouver « le LOSC d’antan ».
Après une dizaine de saisons fastes (5 Coupes, 2 Championnats), le LOSC enchaîne avec une autre décennie de saisons faite de hauts et de bas. Les présidents (Henno, Klès, Denis, Barbieux) et les entraîneurs (Cheuva, Vandooren, Baratte, Poitevin, Bigot, Langrand) se succèdent. Vers 1965, soit au moment du départ de Jules Bigot, le LOSC s’enlise lentement dans les sables mouvants du déficit, à cause du manque de réalisme financier de ses responsables successifs, disons-nous poliment.
« Nord, qu’as-tu fait de ton football ? »
En janvier 1970, un mensuel régional publiait sous ce titre une enquête consacrée au déclin du football professionnel dans le nord de la France. En 1968/1969, le club retrouve la Division 2 et s’entête à maintenir une équipe professionnelle nécessitant des ressources d’un club de l’élite. Installée à la 7e place au terme des matchs aller, l’équipe tourne correctement, sans panache ni relief, et sans avant-centre. Mais une élimination en Coupe de France contre Strasbourg (D1) déclenche la colère du président Barbieux. Excédé, il prend la décision de baisser les salaires des joueurs au SMIG (l’équivalent de 700 euros en 2020, en prenant en compte l’inflation), complétés par des revenus fluctuant selon les recettes de billetterie.
Evidemment, cette réaction impulsive fut assez mal perçue par les joueurs et par le groupement des clubs professionnels. Cet éclat parfaitement inopportun mène à un climat fâcheux et de graves conséquences : alors que la dette du club a été divisée par deux, le groupement ne réclame plus 80 000 francs de caution à Robert Barbieux, mais 250 000 ! Ce dernier s’entête, s’isole. Daniel Langrand, l’entraîneur, démissionne le 22 avril 1969. Puis les joueurs menacent de faire grève, réclamant leurs salaires tels que contractuellement convenus. Barbieux cherche à calmer le jeu, noue des liens pour renforcer l’équipe. Mais le 23 juin, constatant les bâtons mis dans les roues du club à tous les niveaux, le LOSC annonce renoncer au professionnalisme. Il évoluera en 1969/1970 en division amateur, la seule de son histoire.
Si la presse régionale dénonce le traitement du dossier lillois, une lecture de la presse nationale nous apprend que le problème est bien plus général. Ainsi, les principaux clubs professionnels du pays s’inquiétaient de la situation du football français. Le public déserte les tribunes (819 000 spectateurs de moins sur la saison écoulée) et le nombre trop élevé de clubs au statut professionnel (39), notamment dans des villes relativement modestes, n’apporterait rien au football national. Leur volonté de réduction du nombre de ces clubs (16 ou 18) n’étant pas entendue, plusieurs clubs avaient auparavant choisi la même voie que le LOSC : Paris voit le Racing Club abandonner le professionnalisme en 1966, le Stade Français en 1968 et le Red Star fusionner avec Toulouse (!). Le Havre, après avoir retrouvé l’amateurisme à partir de 1962, descendra jusqu’en 4e division. En 1969, Montpellier abandonne le professionnalisme, tout comme le RC Lens, lâché par les Houillères, son principal investisseur.
Magnusson, Skoblar et Van Himst
C’est dans ce contexte de régression nordiste et de « persistance de tactiques négatives » que se forme le comité de soutien. Formés de fanatiques du LOSC, ils sont ingénieurs, commerçants, directeurs de société… Tous ont une vision commune : une organisation méthodique et rationnelle doit permettre au LOSC de renaître de ses cendres encore chaudes. Mais les membres de ce comité de soutien arrivent les poches vides.
Sa première action publique, et donc d’officialisation de son existence, est la mise en place d’un match amical Anderlecht-Marseille. Malgré le titre qui lui a échappé en 1969 pour la première fois depuis 1963, Anderlecht n’est pas une étoile qui pâlit. Le club vient d’être repris par Constant Vanden Stock et est emmené par son leader technique, Paul Van Himst, légende du football belge au même titre qu’Enzo Scifo et Eden Hazard. Malgré les appels du pied du Real Madrid et du FC Barcelone et des offres qui auraient constitué un record mondial sur le marché des transferts, Van Himst a choisi de rester à Anderlecht. Autour de lui, un futur entraîneur du LOSC, Georges Heylens. Sur le banc, le Français Pierre Sinibaldi doit se souvenir de son duel avec René Bihel pour le titre de meilleur buteur, il y a près de 25 ans. Les Mauves viennent de se qualifier en Coupe des Villes de foire sur le terrain de Newcastle, dans une ambiance délirante et un match arrêté à deux reprises, avant de décrocher leur ticket pour le tour suivant grâce à un but marqué à la 88e (2-0 ; 3-1).
Côté marseillais, le club continue de se structurer après sa remontée en D1 en 1966. L’équipe a terminé 7e du dernier championnat mais a remporté la Coupe de France. Dans cette saison 1969-1970, l’OM est 2e, derrières d’intouchables Stéphanois. Outre Joseph et Loubet, les meilleurs buteurs du club, ou encore Jean Djorkaeff, les présences de Skoblar et de Magnusson, assurées contractuellement, sont une attraction alléchante. Ces deux joueurs ont d’ailleurs permis à l’OM de multiplier l’affluence par 7 au Vélodrome. Magnusson est alors comparé à Garrincha, à George Best, ou encore à Stanley Matthews.
La Voix du Nord l’assure : « manquer un tel spectacle serait témoigner d’une élémentaire ignorance des choses du football ». La demande en billets dépasse d’ailleurs largement les frontières de la métropole. Les autocars viennent de Boulogne, de Calais, de Béthune, de l’Avesnois… Déjà, la métropolisation du club, qui sera effective beaucoup plus tard, est évoquée : s’il veut redevenir grand, le LOSC ne doit plus être le club de Lille, mais le club de la métropole, alors que la création d’une ville nouvelle autour d’Ascq permettrait la création ou la modernisation des installations en tout genre, et donc sportives. On comprend d’ailleurs, ici et là, qu’émerge l’idée de débaptiser le LOSC pour un fade « Football Club de la Métropole du Nord ».
Ce sont au final plus de 13 000 spectateurs qui prennent place à Henri-Jooris. Et si tous sont d’accord pour reconnaître la grande qualité du match qui vient de leur être proposée (score final : 2-2), ils le sont aussi pour pointer du doigt un problème majeur : comment faire naître un sentiment de renouveau sportif local lors d’un affrontement entre une équipe étrangère et une équipe du Sud ?
Guy Lux, Michel Sardou et le football mondial à la rescousse
L’idée est désormais de continuer à proposer au public nordiste des matchs censés donner un nouvel élan (orignal, pour nos ami·e· québécois·e·s). Dès lors, le comité de soutien multiplie les contacts pour trouver deux équipes disponibles le 24 avril. Saint-Etienne ? Impossible avec un tel calendrier. Le Standard de Liège ? Six joueurs vont partir à la Coupe du Monde, pas question de les fatiguer. Séville, Prague ? Forfaits. Les Corinthians ? Ils ne seront en France qu’en mai. Chelsea, pour un retour des Blues à Henri-Jooris ? 8 millions, complètement hors budget. Alors les Lillois se tournent vers l’Ecosse. Aberdeen, récent vainqueur la Coupe d’Ecosse aux dépens d’un Celtic qui survole totalement le championnat (quadruple champion en titre, cinq autres suivront) et la Coupe d’Europe (finale de Coupe d’Europe à jouer), accepte de venir sur les bords de la Deûle. Dans la foulée, un accord est trouvé avec Bordeaux. Les Girondins cherchent un nouvel orignal (élan, pour nos ami·e·s francophones non-québécois·e·s) lors d’une saison compliquée. Ils sont également intéressés par deux Lillois, Paul-Charles Lestringuez et Pierre Lechantre, alors autant en profiter pour faire d’une paire de couilles.
Oui mais voilà, Aberdeen est victime de son succès : trois de ses joueurs sont retenus en équipe d’Ecosse. Le Bayern Munich est prêt à remplacer les Ecossais, mais fait grimper les prix. Aucun accord n’est trouvé. Aucun match n’aura lieu le 24 avril, Lestringuez et Lechantre n’iront jamais à Bordeaux.
Une bonne nouvelle balaie toutefois la déception : au terme d’une réunion commune aux dirigeants du LOSC et du comité de soutien, il est annoncé que le club est prêt à redevenir professionnel dès l’été 1970, si la 2e division est maintenue en l’état. Il est toutefois précisé que « cette décision est liée, d’une part, à la réussite des diverses manifestations de propagande qui seront organisées à partir du 15 mai dans la Métropole Nord, et d’autre part, au soutien que la ville de Lille apportera au club nordiste ».
Le comité de soutien a en effet imaginé une grande campagne de publicité à l’occasion de cette opération « Renouveau du football ». Avec pour objectif de réunir suffisamment de fonds, une tombola est mise en place : 2 millions de tickets doivent être vendus. En réalité, cette tombola est un referendum payant sur le thème « Voulez-vous du football à Lille ? ». Le « oui » se vend 1 franc et donne le droit à un tirage au sort avec de nombreux lots. Pour assurer la réussite de cette ambitieuse loterie, le comité de soutien a prévu la venue d’une « grande vedette » par jour, pendant 11 jours. Sans que le LOSC ne soit cité, tou·te·s doivent permettre à la métropole de retrouver un grand club de football, de la sportive Christine Caron au déjà vieux Michel Drucker, en passant par Guy Lux avec mes sabots.
Le 15 mai, l’événement est lancé par un match de gala. Face à Marseille, qui a enthousiasmé le public contre Anderlecht et a convaincu le Comité de revenir, une équipe brésilienne. En tournée depuis le 30 avril, les Corinthians sont à Henri-Jooris, après des passages par Nice, Liège, Casablanca et la Yougoslavie. Le public raffole des équipes sud-américaines. Voilà quelques temps, Lens avait convaincu le club de Bangu de venir à Bollaert : 18 000 spectateurs pour un match amical. Devant un tel succès, Bangu est revenu : 20 000 spectateurs. Alors ce 15 mai, tout le monde attend les « félins, adroits et jongleurs » Brésiliens. Leur entraîneur, Dino Sani, champion du monde 1958, aligne sa meilleure équipe, dont 2 joueurs deviendront champions du monde au Mexique quelques semaines plus tard.
Dans les coulisses de ce supposé spectacle, une réalité moins glamour : les clubs brésiliens multiplient les tournées européennes pour survivre. Si ces équipes ne sont plus capables d’apporter de « l’exotisme », les tournées disparaîtront et les budgets ne seront pas bouclés. D’autre part, elles ont également compris que la technique ne suffisait plus pour dominer la scène mondiale : la Coupe du Monde 1966, où le Brésil a subi l’engagement physique (souvent très agressif) de ses adversaires et a été éliminé dès le premier tour, fut un traumatisme, après les victoires en 1958 et 1962. Affronter des équipes européennes est ainsi un moyen de s’adapter, parfois à contre-cœur, à ces méthodes qui l’ont provisoirement écarté des premiers rôles.
Le match est dans un premier temps la preuve des carences brésiliennes : la technique est précise, mais l’impact physique et l’intensité moindres limitent cette qualité. Marseille ouvre le score mais subit l’engagement très maladroit des Corinthians : Joseph sort sur blessure, bientôt rejoint par Skoblar, dont la jambe « est ouverte sur 10cm ». Une fois privé de deux de ses meilleurs éléments, Marseille cherche surtout à éviter les contacts. Les Brésiliens en profitent et égalisent après une série de dribbles, avant de remporter le match grâce à un but dans les dernières minutes.
Après Michèle Torr, dont on avait déjà oublié ce qu’elle chantait, c’est au tour de Michel Drucker de venir se la raconter. Les personnalités, généralement oubliées aujourd’hui, défilent, parfois sans idée précise de ce qu’ils sont venus soutenir. Le 23 mai, Guy Lux réunit le souriant Michel Sardou et Jean Baratte, lors d’une grande journée de bals populaires. Le 26 mai, l’acteur Raymond Bussières, supporter du LOSC « depuis 25 ans », clôt cette période de festivités en tout genre.
« Que ceux qui avaient préféré le confort douillet du fauteuil se frappent la poitrine ! »
Après quelques jours sans manifestation, le Comité de soutien revient au premier plan avec un nouveau match amical à Henri-Jooris. Le 1er juin, le Feyenoord Rotterdam est annoncé à Henri-Jooris. Avec le légendaire Ernst Happel comme entraîneur, les Néerlandais viennent de remporter la Coupe des clubs champions en battant en finale le Celtic, vainqueur 1967, après avoir écarté l’AC Milan, champion d’Europe en titre. Il s’agit donc de la meilleure équipe européenne à cette époque qui se présente. Pour clôre cette belle saison, le Feyenoord s’est lancé dans une série de matchs amicaux. Devant 32 000 personnes réunies à De Kuip, Rotterdam vient d’ailleurs de surclasser les Corinthians (4-2, 3-0 à la mi-temps).
En face, l’adversaire semble modeste. La Gantoise, troisième du championnat belge, connaît de temps à autre de belles saisons, récompensées par un podium (1954, 1955, 1957, 1958), une victoire en Coupe (1964) ou une bonne performance en Coupe d’Europe (élimination de Bordeaux en 1966). Mais l’irrégularité se traduit par un passage d’un an en 2e division, en 67-68.
Cet affrontement, qui se ferait entre deux équipes d’un même pays si elles n’étaient pas étrangères l’une pour l’autre, est considéré comme « le plus beau, le plus extraordinaire que l’on ait vu depuis fort longtemps ». Les Néerlandais s’imposent 4-2, malgré l’honorable résistance gantoise. Malheureusement, le public n’était pas au rendez-vous : 6700 spectateurs sont venus, alors qu’un record autour de 15 000 personnes était attendu. A se demander si les prévisionnistes de recettes de billetterie du stade Pierre-Mauroy n’étaient pas déjà au LOSC quarante ans plus tôt[1].
« De quoi demain sera-t-il fait au LOSC ? »
Un mois après l’officialisation de l’existence du Comité de soutien, où en est l’opération Renouveau ? Avec qui ? Quand ? Rebondissant sur la faible affluence du dernier match, la Voix du Nord s’interroge : « L’esprit sportif est tombé bien bas dans cette région. Les Nordistes seraient-ils incapables de discerner la qualité, ne connaitraient rien au football européen ? Triste. Parfois, on se demande même s’il est opportun de leur offrir un spectacle de cette qualité ». PAF, dans vos gueules les Nordiss’ !
En réalité, on comprend que le Comité, malgré ses louables intentions, s’est construit en deux mois là où il en fallait six. En résulte une organisation imparfaite, et notamment la mise en place de cette ambitieuse tombola devant écouler deux millions de tickets qui n’atteint pas le résultat escompté, en raison d’un manque de personnel. Si les chiffres ne sont pas publiés, il est assez facile de connaître le nombre de tickets vendus : le règlement prévoit un véhicule à gagner par tranche de 200 000 tickets et…deux Renault 4L ont été achetées par le Comité. 400 000 tickets ont donc été vendus, cinq fois moins que ce qui était espéré… Les lots sont à retirer avant le 31 octobre 1970. Alors si certains d’entre vous comptaient les retirer au secrétariat du Stade Henri-Jooris, dépêchez-vous !
Tout n’est pas à jeter pour autant. En direct à la radio, Guy Lux a ainsi relayé l’idée d’une « Tribune 2000 » : pour baisser la moyenne d’âge des supporters, il imagine un moyen de faire venir gratuitement au stade 2000 jeunes durant la saison prochaine. Fidèle à lui-même, Sardou n’a pas esquissé pas un rictus. Mais les entreprises suivent et s’arrachent les 2000 places à 10 francs l’unité (alors même qu’un billet arraché n’est plus valide, c’est malin). De même, la médiatisation de l’événement, à défaut d’apporter une manne financière suffisante, semble avoir des effets positifs sur la constitution de l’effectif de la saison à venir.
Toutefois, l’échec de la loterie entraîne en conséquence un manque à gagner. La question d’une subvention revient lors du conseil municipal. A moins d’un an des élections municipales, la mairie peut-elle refuser l’octroi d’une subvention de 800 000 francs ? Si un prêt est envisagé, l’opposition rappelle judicieusement que les fonds accordés au club ne sont jamais réapparus et n’ont servi qu’à éponger dettes et déficit. Et surtout, à qui s’adresser ? L’équipe dirigeante du LOSC est en pleine mutation et les interlocuteurs ne sont pas encore bien identifiés. Surtout, la présence de Robert Barbieux à la présidence est un véritable obstacle à la réalisation de projets communs au club et à la municipalité.
Pommerolle propulsé président
Ces derniers doutes ne tarderont pas à être levés : mi-juin, il est annoncé que Robert Barbieux et ses associés démissionnent, en abandonnant 2/3 de leurs créances. Max Pommerolle prend la direction du club, « avec l’intention de lui donner, dès que possible, une structure métropolitaine et régionale ». Ainsi, l’équipe de l’ancien joueur de Fives et de l’Olympique Lillois est constituée de Georges Verriest, ancien président du RC Roubaix, du CO Roubaix-Tourcoing, ancien joueur et sélectionneur de l’Equipe de France (1960-1964) ; de Paul-Marie Delannoy, seul rescapé de l’équipe dirigeante précédente ; de Roger Deschodt, ancien joueur du LOSC, arrivé lors de la création du club ; d’Yves Bonhomme, inspecteur de la Jeunesse et des Sports ; Pierre Dubuissez, chef des finances de l’Académie de Lille. Outre le comité directeur, le comité d’honneur accueille le maire de Lille, le recteur d’académie Guy Debeyre et le président de la chambre du commerce et de l’industrie de Lille-Roubaix-Tourcoing, Pierre Decoster.
Dans la foulée, le conseil municipal, qui se déroule devant 16 personnes (« un beau résultat »), vote à l’unanimité l’aide demandée par le LOSC, tout en se défendant d’avoir obéi à toute considération d’ordre électoral. En attendant, Pommerolle a obtenu ce qui avait refusé à Barbieux trois ans plus tôt. Voici la déclaration intégrale de Raymond Allard, adjoint aux sports :
« C’est en se rappelant ces temps glorieux que des hommes de bonne volonté ont conçu le projet de faire renaître le grand LOSC ; d’autres sont venus prolonger leurs intentions en concevant pour le grand club local des structures nouvelles de fonctionnement et des formes nouvelles de gestion. Un mouvement d’opinion a été créé qui se prolonge. La ville, par l’intermédiaire d’un nouveau Comité directeur installé, est invitée à participer à ce renouveau par un appui moral et financier, et à prendre une attitude résolument tournée vers l’avenir. Il y a certes des choses qui dépendent de la ville, et d’autres ne dépendent pas d’elle. Parmi ces dernières, faut-il souligner la nécessité impérieuse pour le sport professionnel de se réformer fondamentalement ? L’obligation, pour les groupements des clubs professionnels, d’élaborer un statut du joueur faisait à la fois la part de ses devoirs vis-à-vis du public et de ses droits quant à son avenir ? Est-il nécessaire d’indiquer que la pratique du football professionnel a, depuis des années, dépassé les limites de la ville pour atteindre aux dimensions communautaires sinon métropolitaines ? Certes, la ville ne nie pas le caractère de « ville-pilote » qu’elle joue et qu’elle doit continuer à jouer, et les devoirs que lui impose son rôle de capitale. La demande présentée par les dirigeants du LOSC est donc parfaitement recevable.
Son examen nous conduit à vous présenter une série de mesures qui devraient permettre, dans des délais raisonnables, la mise à la disposition de la société de liquidités importantes, susceptibles, avec d’autres appuis financiers, d’apporter les capitaux immédiatement nécessaires à la constitution d’une grande équipe. En agissant comme nous le faisons, nous sommes guidés par la préoccupation de ne pas surcharger le contribuable, de veiller au bon emploi des fonds mis à la disposition du LOSC, d’assurer un redémarrage satisfaisant à une entreprise courageuse. Nous avons, enfin, la conviction d’agir dans le sens des intérêts bien compris de la cité.
Après avoir recueilli les informations nécessaires sur la situation financière du club, et compte tenu des avis émis antérieurement par les commissions municipales intéressées en fonction des éléments d’appréciation dont elles disposaient, nous vous proposons : d’alléger de façon substantielle les charges auxquelles le LOSC a à faire face ; de permettre à ce club de reformer une équipe de joueurs valables et pour faciliter sa remontée en division nationale, par les mesures suivantes :
• Mise à disposition du stade Henri-Jooris et de ses installations dans la mesure nécessaire à l’entraînement des joueurs et au déroulement des matchs, suivant convention à intervenir.
• Octroi d’une aide financière de la ville en portant de 160 000 à 250 000 francs le montant de la subvention à allouer eu LOSC dans le cadre des subventions de fonctionnement aux sociétés sportives et d’éducation physique, au titre de l’année de l’année 1970, et en décidant à cet effet l’inscription d’un crédit supplémentaire de 90 000 francs au budget complémentaire de 1970 ; en prenant dès à présent l’engagement d’allouer pour 1971 une subvention d’égale importance ; en consentant en 1971 un prêt de 750 000 francs sans intérêt, remboursable en un an et assorti des sûretés légales requises. »
M. Pommerolle, pour en avoir demandé moins que M.Barbieux, a sans doute obtenu plus. Car outre les efforts consentis par la municipalité, le LOSC bénéficiera à l’avenir des recettes produites par la location des emplacements publicitaires d’Henri-Jooris. Ce changement de « propriétaire » s’est d’ailleurs traduit immédiatement par une augmentation du prix de location et Pommerolle estime à 120 000 francs par an l’apport de cette subvention indirecte. En contrepartie, la ville n’a posé qu’une seule condition, mais de taille : un fonctionnaire des finances de la municipalité exercera chaque année un contrôle du budget de fonctionnement du LOSC.
Enfin, la présence de Georges Verriest est un atout important dans la métropolisation du club. La notion de « métropole » étant relativement récente, des réserves apparaissent, notamment venues de Roubaix et Tourcoing, qui eurent jadis de glorieux clubs. Mais en tant que Roubaisien, Verriest peut servir d’intermédiaire intéressant pour Pommerolle. Désormais doté d’un support juridique, la communauté urbaine (900 000 habitants) a, aux yeux du nouveau président, beaucoup plus d’arguments à faire valoir que la seule ville de Lille (190 000 habitants).
Le complot belgo-polonais
Le football français étant en plein doute sur la réforme de ses championnats, le LOSC en profite pour déposer un dossier, accepté, en D2 après une saison en amateur terminée à la 10e place.
La nouvelle direction ne fait pas table rase du passé : dans la lignée des festivités de mai 1970, Max Pommerolle organise un nouveau match amical. Sa volonté est d’attirer les clubs des villes jumelées avec Lille depuis 1958 : Leeds, Turin, Cologne et Liège, Rotterdam et Esch-sur-Alzette.
Rotterdam étant déjà venu et Esch-sur-Alzette ne répondant pas aux critères de « promotion du football de qualité », des contacts sont entrepris avec les quatre autres villes. En attendant, le premier club étranger que le LOSC reçoit en cette nouvelle saison est Katowice, 6e du dernier championnat polonais. Qualifié en Coupe d’Europe, le GKS a accepté de faire un détour par Lille avant de jouer le match retour contre le FC Barcelone, vainqueur 0-1 en Pologne. Quoi de mieux pour se préparer, effectivement ?
Ce match a toutefois une particularité : si le spectacle proposé jusqu’alors par les Corinthians, Anderlecht, Marseille, le Feyenoord et La Gantoise était de haut niveau, il manquait au public une équipe en laquelle il était possible de s’identifier. Face à Katowice, c’est donc l’équipe locale, qui jouera sur son terrain. Leader de D2, le LOSC a ainsi l’occasion de se tester contre une équipe du niveau de première division.
Enthousiasmé par un début de saison réussi (2 matchs, 2 victoires, 7 buts marqués), le public répond présent. Et alors même que le match à Barcelone est reporté de 3 semaines, Katowice confirme souhaiter honorer son engagement et venir dans le Nord. Alors c’est bon, coup d’envoi ? Et bien non. Les Polonais ne sont pas là. A 24h du match, ils ont appelé : les visas ne sont pas arrivés. Alors dans l’urgence, les Lillois font ce qu’ils peuvent pour autoriser Katowice à quitter la Pologne et entrer en France. Les négociations sont même tant en bonne en voie qu’il est annoncé que le match est décalé de 48h. Rendez-vous est donc pris dimanche 6 septembre, à 20h30.
Samedi 7 septembre, bonne nouvelle : les Polonais doivent arriver en France dans la matinée. Mauvaise nouvelle : ils sont attendus à Bollaert pour un match face au RC Lens à 16h30 ! Ah les bâtards ! En fait, en l’espace de 3 jours, Katowice a prévu 3 matchs amicaux : Lens donc, Lille le dimanche soir, et Boulogne mardi soir. Seulement, les Lensois se font également prendre au piège de la technique du « bien fait pour ta gueule » : les joueurs et les 3500 spectateurs apprendront durant l’échauffement que l’équipe polonaise n’est jamais arrivée en France, faute d’autorisation de sortie du territoire. Pour la petite histoire, après avoir mené 0-2, Katowice s’inclinera 3-2 à Barcelone, passant donc très proche d’un très bel exploit.
Une nouvelle fois confrontée à l’urgence, Max Pommerolle, Max pour les intimes, se démène pour dénicher un adversaire valable. Il a 24h devant lui. Et rapidement, une équipe accepte : le Cercle Brugge, « un très bon de seconde division belge ». Les Groen-Zwart sont présentés comme solides, candidats à la montée grâce à un excellent recrutement, dont l’international roumain Ion Ionescu.
Alors cette fois c’est bon, coup d’envoi ? Oui ! Rapidement, les Lillois se montrent plus rapides, plus précis. Les Brugeois sont dépassés. Les buts défilent. 1, 2, 3… 9-0 ! Alors qu’est-ce qui a pu se passer ? Les Lillois sont-ils effectivement inarrêtables et foncent-ils vers la D1 ? La D2 belge est-elle si faible que ça ? La réponse est beaucoup plus décevante : la première journée du championnat belge s’est déroulée quelques heures plus tôt. Le Cercle est donc venu avec son équipe réserve. Si la volonté était d’avoir des adversaires de qualité et un public nombreux, ce match amical est donc un échec total, puisque 2100 spectateurs ont assisté à cette branlée.
Samoy mis à l’honneur
Alors pour se rattraper, le LOSC fait coup double : la venue du Standard de Liège, leader du championnat belge, sera l’occasion de mettre à l’honneur le fidèle Charly Samoy, qui fait désormais les beaux jours de Mouscron, alors leader de la 3e division. Arrivé au LOSC en 1963, les déboires financiers du club l’ont empêché de terminer sa carrière là où il l’aurait voulu. Mais c’est tout de même sur cette pelouse qu’il souhaite organiser son jubilé. Alors le LOSC met les petits plats dans les grands (ce qui ne sert à rien, rappelons-le) et met à disposition du gardien de but l’équipe, le stade et toutes ses facilités. En première partie a lieu un match opposant les Va-Nu-Pieds (une équipe créée par Charly Samoy, réunissant ses amis, dont Claude Brasseur, Alain Barrière et Jean-Pierre Beltoise) aux anciens du LOSC, emmenés par Bigot, Bourbotte, Dubreucq et Lechantre.
Et pour ce dernier « match de promotion » de l’année, le LOSC fit mieux que se défendre face à une équipe de calibre européen : rapidement mené au score, l’équipe trouve les ressources pour passer devant au marquoir. Supérieurs physiquement, les Liégeois retournèrent la situation dans les dernières minutes pour finalement s’imposer 2-3.
Malgré la défaite et l’affluence modeste (5000 spectateurs), la prestation de l’équipe était de nature à rassurer la qualité du groupe et les objectifs de montée en première division. La bonne série de résultats continua d’ailleurs de longues semaines, permettant au LOSC de décrocher la première place du Groupe Nord et d’assurer son retour en première division.
[1] Michel Seydoux avait annoncé avant l’entrée dans le Grand Stade attendre 35 à 40 M€. Lors de la première saison à Pierre-Mauroy, avec l’effet nouveauté, une affluence supérieure à 40 000 personnes, la Ligue des Champions et une équipe a priori solide, les recettes de billetterie étaient de 15M€. Record toujours à battre en 2020.
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6 mai 2020
Permalien
patrick.robert17@numericable.fr a dit:
Petit retour sur la journée du 23 Mai 1970 dans le cadre de l’opération « Renouveau du LOSC ». Après le spectacle de Wazemmes sur la place de la Nouvelle Aventure, avec notamment Mick Mychel, il y eut un grand « Festival Pop » sur la Grand Place. Dressé au pied de la Déesse, le podium accueillit les meilleurs groupes de la Région. Normalement, le spectacle aurait dû être présenté par Guy Lux, mais le malheureux ne put placer un mot tant il était sifflé à chaque apparition par un public jeune et amateur de rock. Le groupe « Onward » dont j’étais le guitariste passa en avant dernière position, juste avant « Bérénice » dont le chanteur était… Bernard Lernould !
C’est ce soir-là,à la sortie de scène, que Max Pommerolle me proposa d’entrer au LOSC ! 50 ans déjà…