Posté le 30 avril 2020 - par dbclosc
Au bon souvenir de Vahid (1/2)
Rennes/Lille, une affiche sans éclat particulier en temps ordinaire. Mais ce 30 novembre 2002, se dresse face au LOSC la silhouette de celui qui l’a emmené très haut : Vahid Halilhodzic, désormais entraîneur du Stade Rennais. Une soirée de cauchemar pour les Dogues, défaits 1-5.
« Il revient ! » : que la nomination d’un nouvel entraîneur à Rennes fasse la Une de la Voix des Sports en dit long sur l’empreinte que Vahid Halilhodzic a laissée dans la région. Ce lundi 14 octobre 2002, l’hebdo choisit de faire ses gros titres avec celui qui a ramené tant de fierté au football lillois. « Beaucoup font appel à Vahid pour essayer de redresser la barre, mais moi j’ai envie d’autre chose » déclarait-il pourtant lors de l’intersaison. Appelé à la rescousse d’un navire rennais en plein naufrage, il a accepté, faute de meilleures propositions.
On s’en doutait depuis longtemps, mais l’annonce n’a été officialisée que début mai, après un nul à Sochaux et avant le dernier match contre le PSG : Vahid Halilhodzic quitte le LOSC. Après avoir emmené le LOSC en Ligue des Champions, c’est le temps des adieux, sur une nouvelle qualification européenne, même si ce n’est que l’Intertoto. Des performances inimaginables à son arrivée en septembre 1998, quand le club était 17e de D2. Autant dire que l’émotion sera à son comble pour la dernière, le 4 mai. Mais il n’est pas encore temps de se relâcher : « on va encore travailler sérieusement toute la semaine. Tout le monde a à coeur de termine sur une victoire, moi le premier. Ce serait la moindre des choses pour remercier les supporters dont l’accueil et le soutien m’ont toujours fait chaud au coeur ». En attendant, on craint de se retrouver orphelin à Lille. Même si le nouvel entraîneur, Claude Puel, est déjà désigné, et est considéré comme un bon choix, le départ de celui qui a redonné une âme au vieux club lillois et a tant incarné la réussite du club, sans manquer de relater ses joies, colères et frustrations sur la Grand’place publique au point d’être guignolisé, fait naître la peur du vide. Sans lui, le LOSC redeviendra-t-il un club banal ?
Après une ultime victoire (1-0), Vahid quitte Lille sous de dernières acclamations, lassé des moyens trop limités du club. Fort de sa réussite, Vahid voulait toujours plus de moyens, un nouveau stade de suite, des recrues plus prestigieuses, mais tout cela allait sans doute trop vite : « je quitte le club à mon corps défendant et en y laissant un peu de mon coeur ».
Il n’a pas encore choisi sa destination ; mais pense-t-on, il n’aura que l’embarras du choix. Annoncé dans divers clubs européens, notamment au Bayer Leverkusen, Halilhodzic ne trouve pourtant pas de point de chute. On le voit alors rebondir à Lyon, que Jacques Santini vient de quitter pour prendre la tête des Bleus, précocement éliminées de la coupe du monde. Mais Jean-Michel Aulas lui préfère un personnage plus « consensuel » (comprendre : plus docile) : Paul Le Guen. La saison 2002/2003 a repris et Vahid est toujours chez lui, à Marcq-en-Baroeul, où il s’entretient physiquement et prend des cours d’anglais pour séduire d’éventuels clubs britanniques. Fin septembre, il a assisté au derby Lens/Lille à Bollaert où, signe de sa popularité, il a signé de nombreux autographes. Quelques semaines après, sa signature se retrouve sur un contrat avec le Stade Rennais, dernier du championnat avec 5 points en 10 matches, et qui vient de limoger Philippe Bergeroo. Fidèle à sa réputation, Halilhodzic y est allé franco après son premier entraînement, en déclarant à la presse : « physiquement, ce n’est pas terrible ; tactiquement et psychologiquement, certains joueurs sont dans un état critique ». Son premier match chez les Bretons est une réussite : victoire 3-1 à Sedan. « Tout ce que l’entraîneur avait dit avant le match s’est retrouvé durant la partie » confie Laurent Battles.
Mais la suite immédiate est plus terne : 2 défaites et 3 nuls, 0 but marqué, 3 encaissés. Après 16 journées, Rennes, qui a la plus mauvaise attaque du championnat, est toujours dernier et s’apprête à recevoir le LOSC. Les Lillois, de leur côté, sont (forcément) mieux lotis : ils pointent à la 12e place. Après un début de saison raté, notamment marqué par deux défaites 0-3 à Grimonprez-Jooris (Lille jouait l’Intertoto en même temps), le LOSC s’est repris et a même récemment signé 2 victories convanicantes à domicile, contre Marseille puis Lyon, et s’est même imposé pour la première fois à l’extérieur, à Sedan. Mais Rennes est l’une des rares destinations où les Lillois ont perdu 2 fois depuis leur retour en D1 : d’abord 0-2 en 2000/2001, puis 0-4 en 2001/2002, en fin de saison, au moment où il apparaissait certain que la Ligue des Champions était hors de portée après avoir perdu face à Auxerre (2-3). Grégory Wimbée se rappelle : « nous étions totalement passés au travers, sans jamais jouer. Nous n’avions eu qu’une seule occasion dans ce match ».
Le match qui s’annonce semble se jouer à deux niveaux : sportif et sentimental. Si Vahid, bien sûr, n’oublie pas Lille, il évacue cependant très vite la première dimension pour se concentrer sur l’urgence sportive de son équipe : « je vivrai un grand moment d’émotion. À Lille, j’ai vécu des moments merveilleux et j’ai connu une aventure humaine inoubliable. Désormais, je suis entraîneur de Rennes et je dois tout faire pour gagner ». S’il fait dans le sentimental, c’est davantage pour flatter le LOSC et lui mettre un petit coup de pression : « j’estime que le LOSC d’aujourd’hui, avec les arrivées de Tapia, Manchev, Abidal et Baciu, est aussi fort et même plus technique que celui de la saison dernière. D’autant lus que Landrin est vraiment impressionnant ». Alors que les Lillois, de leur côté, semblent peu concentrés sur l’aspect sportif et obsédés par la présence dans le camp d’en face d’Halilhodzic. Il est vrai que les journalistes orientent leurs papier sur « les retrouvailles » et ce « match pas comme les autres », et leur posent inévitablement la question, mais on sent qu’on oscille entre nostalgie et crainte de la confrontation, comme si Vahid était déjà en train de gagner l’avant-match. Même si Christophe Landrin dit qu’« il ne faut jamais vivre avec le passé », les Dogues sont forcément touchés. Stéphane Pichot souligne ainsi : « il sait tout de nos qualités et de nos défauts. Il est l’entraîneur qui m’a permis de vivre des émotions fortes en Ligue des Champions. La première fois que je l’ai rencontré, c’est quand j’ai signé mon contrat au LOSC. Il m’avait immédiatement expliqué ce qu’il attendait de moi » ; Grégory Wimbée : « la présence de Vahid Halilhodzic, qui connait parfaitement la majorité des joueurs du LOSC, sera une force supplémentaire pour Rennes. Et une difficulté de plus pour nous. Il est un entraîneur terriblement exigeant qui a toujours expliqué qu’il est impossible de réussir en ne faisant rien ».
S’il y en a un qui tente de recentrer le match sur les enjeux sportifs, c’est bien évidemment Claude Puel, dont on peut imaginer qu’il n’est pas tout à fait à l’aise : « Rennes est une lanterne rouge qui n’a rien d’une lanterne rouge. Depuis l’arrivée de Vahid Halilhodzic, l’équipe bretonne affiche un autre état d’esprit qui ne s’est cependant pas matérialisé au plan comptable. C’est pourquoi je m’attends à un match difficile. De tous les championnats européens, le français est le plus disputé et aucune équipe ne lâche ».
Signe que la situation est particulière : à son arrivée sur le terrain au cours de l’échauffement, Vahid Halilhodzic rencontre l’indifférence générale du public rennais mais est ovationné par… la centaine de supporters lillois qui ont fait le déplacement.
Claude Puel réserve quelques surprises dans sa composition : alors que les rennais craignaient énormément Christophe Landrin, il lui préfère Nicolas Bonnal. De là à dire que Vahid arrive à perturber son homologue… En attaque, Valdimir Manchev est préféré à Marc-Antoine Fortuné, titulaire contre Lyon. Abidal et Beck sont blessés, Tapia est en CFA. Voici la composition lilloise :
Wimbée ;
Pichot, Baciu, Delpierre, Tafforeau ;
N’Diaye, D’Amico, Bonnal, Brunel ;
Boutoille, Manchev
Sur le terrain, le LOSC vit un chauchemar. À la 21e minute, l’arbitre, M. Moulin, qui a remplacé au dernier moment M. Kalt, souffrant, accorde un pénalty aux Rennais pour une faute supposée de Grégory Wimbée : les images montrent très clairement que l’attaquant tombe seul, mais Monterrubio transforme, 1-0 pour Rennes. « Absents, maladroits, battus dans les duels et en manque d’inspiration », les Lillois subissent. 5 minutes plus tard, une frappe peu dangereuse d’Echouafni est contrée par Delpierre et prend Wimbée à contrepied, 2-0… Puis Piquionne élimine très facilement la défense centrale Delpierre-Baciu pour faire 3-0 après 36 minutes. Dès la reprise, Piquionne marque encore, entre les jambes de notre gardien (4-0, 49e). Un double changement (sorties de D’Amico et N’Diaye, entrées de Fortuné et de Be. Cheyrou) ne change rien : Piquionne marque encore, de la tête, à la 63e (5-0). Les Lillois profitent d’un moment de déconcentration rennais pur marquer : une belle incursion de Bonnal permet à Manchev de marquer de justesse, de près (5-1, 65e). Le Bulgare se dépêche de récupérer le ballon a fond des filets, mais ce n’est peut-être pas nécessaire ! C’est le score final, en dépit d’un ultime coup-franc de Delpierre, sur le poteau (93e)
C’est la 7e fois d’affilée que Lille perd à Rennes. Et c’est la première fois depuis février 1997 que le LOSC encaisse 5 buts dans un match de championnat (C’était à Marseille. Et il faudra attendre avril 2018 pour revivre une telle branlée, toujours à Marseille). « Les Lillois ont tout simplement oublié de jouer sous les yeux d’Halilhodzic » ; « un naufrage » ; « une pathétique sortie » ; « le collectif lillois a explosé » souligne la Voix des Sports, qui note tout de même deux satisfactions : N’Diaye et Manchev.
L’entraîneur lillois, Claude Puel, « blême de rage contenue », ne souhaite pas s’étendre outre mesure sur le match : « au vu de cette rencontre, le score est tout à fait logique et nous chercherons les explications plus tard ». La Voix des Sports souligne qu’un joueur du LOSC, qui n’ pas connu l’ère Vahid, a déclaré que « la résonance médiatique qui a entouré le match explique le naufrage ». Une explication facile, et qui ne peut pas suffire.
Quant à Vahid Halilhodzic, qui a reçu une dernière ovation du kop lillois après le match, sa joie est mesurée « par respect pour le LOSC » dit-il. Son après-match ressemble davantage à un commentaire sur le jeu des Dogues plutôt que sur la performance de son équipe : « on n’ a pas vu le vrai LOSC », assure-t-il ; « je ne suis pas inquiet pour eux ». Les Rennais enchaînent avec 3 autres victoires et passent Noël hors de la zone de relégation.
Rendez-vous en mai pour les retrouvailles à Grimonprez.
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