Posté le 17 juillet 2020 - par dbclosc
Djezon Boutoille (1/3) : « Il fallait faire un choix, j’ai choisi le LOSC »
Djezon Boutoille : l’évocation de ce nom évoque bien des souvenirs pour celles et ceux qui ont connu l’époque au cours de laquelle Djezon a joué avec l’équipe première du LOSC (1993-2004). Et on peut supposer que celles et ceux qui ne l’ont pas connu « en vrai » ont forcément entendu parler de lui : non seulement pour l’excellent joueur qu’il a été, produit de la formation lilloise après avoir fait ses débuts dans son Calaisis natal, mais aussi pour l’image tellement sympathique que l’homme a renvoyé durant son passage au LOSC. Il y a quelques années, nous écrivions que Djezon Boutoille avait incarné le LOSC, sa trajectoire personnelle se confondant souvent avec celle du club : des débuts prometteurs qui laissaient entrevoir l’espoir que le club retrouverait un jour son lustre d’antan ; la descente en D2 et ce soir de septembre 1998 à Beauvais où le LOSC, comme Djezon, se sont retrouvés bien bas ; la renaissance progressive sous les ordres d’Halilhodzic jusqu’à des sommets inespérés à une période où il était devenu le capitaine d’une inoubliable aventure collective ; et enfin, le temps des doutes quand il fallut quitter le club, au moment même où le LOSC cherchait à digérer sa croissance presque trop rapide, et qu’il fallait reconstruire avec Claude Puel, pour de nouveaux horizons. C’est plus personnel, mais Djezon Boutoille, du fait de sa longévité au club, est aussi probablement le joueur sur qui on projette le plus nos souvenirs footballistiques d’enfance et d’adolescence.
C’est donc ravis qu’il ait répondu favorablement à notre sollicitation et avec une certaine émotion que nous l’avons retrouvé, et avons donc poursuivi notre série d’entretiens après être allés à la rencontre de Fernando D’Amico, Grégory Wimbée, Arnaud Duncker, Joël Dolignon, Roger Hitoto et Patrick Collot (partie 1 et partie 2).
Au regard de la longueur et de la richesse des propos de Djezon, nous publierons les échanges en trois parties qui, dans un ordre chronologique, forment trois grandes thématiques abordées durant l’entretien.
La première partie ci-dessous s’intéresse aux débuts de Djezon Boutoille : son enfance à Calais au quartier Beau-Marais, les premiers pas footballistiques, le CRUFC, l’arrivée au centre de formation du LOSC, les premiers pas en D1, l’équipe de France Espoirs, la vie d’un LOSC en difficulté, la descente en D2, et la première année en D2 avec Thierry Froger. Dans cette partie (donc en gros : 1975-1998), Djezon parle souvent au pluriel, associant à son propos ses copains « du quartier » et du centre de formation. Au-delà de la toile de fond, qui rappelle à quel point la cohérence d’un projet sportif et la solidarité d’un groupe sont fondamentales dans la réussite d’un club, on a la confirmation de l’attachement de Djezon Boutoille au LOSC : à certains moments-clés de sa carrière, le « choix du club » s’est imposé presque naturellement.
La deuxième partie se concentre sur une des périodes dorées du LOSC, qui correspond grosso modo à la présence de Vahid Halilhodzic. Djezon y souligne également l’importance de la collaboration entre Vahid, Pierre Dréossi et Bernard Lecomte pour remettre le club sur les bons rails. Promu capitaine, Djezon est à la tête d’un groupe qui file de la D2 à la Ligue des champions en quelques mois : il insiste sur la rigueur instaurée par Halilhodzic, et sur l’adhésion des joueurs à ces exigences. Cette partie est l’occasion de revenir sur quelques matches-phares, comme les confrontations contre Lens ou Parme. Nous avons également intégré dans cette partie l’année et demi avec Claude Puel, pour qui Djezon garde une grande estime.
Enfin, la troisième partie permet d’aborder des considérations plus générales sur le football et ses évolutions. Y revient souvent le terme de « plaisir », que Djezon a manifestement perdu en quittant « son » LOSC pour Amiens, l’incitant à revenir à Calais pour terminer sa carrière de footballeur, puis pour entraîner le CRUFC. Il revient sur la difficile digestion de l’épopée de 2000, achevée par un dépôt de bilan. Aujourd’hui coach de Gravelines, Djezon nous expose les ressources et les difficultés des clubs amateurs, ainsi que les principes qu’il tente de transmettre à son groupe. Il apporte enfin un regard critique sur l’évolution récente du LOSC.
Deuxième partie de l’entretien : « On avait une équipe qui ne renonçait pas »
Troisième partie de l’entretien : « Le football doit d’abord apporter du plaisir »
On a pour habitude de retracer les carrières et les parcours de vie de manière chronologique, donc on ne va pas déroger à la règle ! On va donc d’abord évoquer ton enfance : on sait que tu viens de Calais, et précisément du quartier Beau-Marais. Est-ce que tu peux nous raconter ce qu’a été ton enfance et comment tu as commencé à jouer au foot ?
C’est assez simple : le quartier Beau-Marais à Calais, c’est une cité, comme on en trouve beaucoup en France. Vous avez 4 immeubles, de très grands immeubles, on les appelle les tours. Donc quand vous descendez de l’immeuble, vous allez naturellement vers le seul espace vert que vous avez à plusieurs kilomètres à la ronde : c’est le terrain de foot, au milieu de ces tours ! Le foot a démarré comme ça, on était ensemble. Notre immeuble était composé de beaucoup de bons footballeurs, et c’est ici qu’on a démarré, nous, les garçons du quartier, on avait 5-6 ans. Mais au départ, on n’avait pas forcément très envie d’aller en club. Ce qui nous intéressait, c’était vraiment de jouer entre potes du quartier. À l’époque on avait encore cette liberté de pouvoir jouer où on voulait. Maintenant, les terrains sont fermés, et c’est plus compliqué pour y aller. Les mercredis et samedis après-midi, on avait des tournois inter-quartiers, organisés par les éducateurs des régies de quartiers. De fil en aiguille, on a joué au Beau-Marais, puis à Balzac.
Quand on a écrit notre article sur toi, on s’était renseigné sur le quartier Beau-Marais : on a vu qu’il était encore « étiqueté » comme « le plus pauvre du Pas-de-Calais » par l’INSEE. Au-delà du foot, quelles images en gardes-tu ?
Quand j’y repense, ça m’évoque un peu « la fête des voisins », qui rencontre du succès depuis plusieurs années. Moi quand j’avais 5 ans, la fête des voisins ça existait tout le temps ! Dès qu’il y avait du beau temps, chacun descendait le barbecue en bas de l’immeuble, et chacun pouvait se servir, peu importe à qui était le barbecue. Le Beau-Marais, c’est un bel apprentissage : il y a la dureté de la vie de tous les jours mais, à côté, le partage, l’entraide. Les gens ont peu de moyens, mais ce sont ceux qui en ont peu qui donnent le plus. Et on avait une même passion : le foot. Je m’y rends encore assez régulièrement pour pouvoir faire des tournois de sixte ou voir mes amis qui sont restés là-bas. Donc on a grandi dans cette ambiance-là qui était extrêmement sympa.
« Calais, construction de la ZUP Beau-Marais »,
Archives départementales du Pas-de-Calais, 1964
« En intégrant un club, j’ai appris que le foot était un sport collectif »
Avec tes copains de quartier, quand vous avez rejoint un club et que vous êtes sortis du cadre très libre de la rue, est-ce que vous avez rencontré des difficultés ?
On a toujours des difficultés, parce qu’en effet un cadre est posé : quand on joue en bas de son immeuble, il n’y a pas beaucoup de règles, c’est du vrai foot de rue ! Il y a même des fois des excès d’individualisme. Donc oui, au début, le fait qu’on soit 4-5 du même quartier à se retrouver dans le même club et dans la même équipe avait prolongé nos affinités, et il nous arrivait de laisser tomber les autres, car on ne leur faisait pas de passes ! En club, si on ne faisait pas de passe, à un moment on ne jouait plus. On nous disait : « faites des passes, faites des passes ! » (rires) ! Et nous on ne comprenait parce que, certes, on ne faisait pas de passes, mais on marquait des buts, donc on était contents ! Mais non, il fallait apprendre que le foot est un sport collectif ! Donc au début nos difficultés venaient de là car sur le terrain, on pouvait partir très vite, ça montait très vite : dès le plus jeune âge, on était des garçons extrêmement compétiteurs. On avait envie de tout le temps jouer. Après, par moments, le simple fait de sortir de notre quartier… Parfois, les mercredis, on préférait rester dans notre quartier plutôt que de jouer pour le club. Parce qu’on était entre nous et qu’on voulait rester entre copains. Mais on s’est adaptés car nos parents nous ont éduqués dans le respect des autres et des structures.
Il se passe combien de temps avant que tu ne rejoignes le CRUFC ?
J’ai dû avoir ma première licence à 5 ou 6 ans puis j’ai joué 3 ans, au Beau-Marais puis Balzac. Après, je suis parti au CRUFC. La difficulté avec le club de quartier à l’époque, c’est que bien souvent, il n’y avait pas assez de joueurs pour faire le nombre dans chaque catégorie. Donc il arrivait que certaines catégories d’âge n’existent pas : ça supposait d’aller jouer un temps dans un autre club, puis éventuellement revenir. Une fois, notre catégorie n’existait pas, donc il fallait aller jouer dans un autre club, pour revenir peut-être après. Mais c’était sympa ! J’ai fait 3 ans comme ça, et si on voulait continuer à avancer, il fallait aller dans le club le plus huppé du coin. Je suis donc arrivé au CRUFC en 1982, 1983, à peu près.
Et alors ça se passe comment au CRUFC ?
Ma première année est difficile, et on en revient à la question précédente : l’exigence monte d’un cran, on est dans le club-phare du Calaisis, et je me retrouve avec des garçons qui viennent d’horizons plus lointains. Je passais d’un club de quartier à un club où on a des garçons qui viennent des communes alentours, donc les mentalités sont différentes. Après, il y a eu aussi la séparation avec mes amis, parce que mes copains sont pas pris : je suis le seul à partir, tandis qu’eux retournent jouer dans le club de quartier, le club précédent. Pour moi, la cohabitation avec les autres n’est pas facile, et il y a toujours ces petits soucis de comportement, parce qu’on reste un « garçon de quartier », je ne dis pas ça de manière péjorative, mais j’avais peut-être un caractère plus compétiteur que les autres. Donc la première année est très compliquée, et je pense qu’on est à la limite que je retourne dans mon club de départ.
« J’allais à l’entraînement en vélo, 45 à 50 minutes aller/retour »
Qu’est-ce qui t’a fait finalement rester ?
L’arrivée de Bernard Placzek, un ancien professionnel qui a notamment joué à Lens, change quasiment tout dans l’apprentissage. Je ne jouais même pas en équipe première de pupilles à l’époque, car je ne venais pas aux entraînements. Et donc on me met en équipe B, avec lui. Et là, c’est la transformation. La bascule se fait là. C’est lui qui me permet de me structurer, de me canaliser. Il arrivait à me comprendre. Quand j’arrivais en retard à l’entraînement, ou que je n’avais pas envie de m’entraîner, il m’envoyait chier : « la prochaine fois, tu partiras plus tôt ». Et donc cette forme-là a fonctionné avec moi ! Le déclencheur, c’est lui.
Est-ce qu’il avait cette approche avec tout le monde, ou est-ce qu’il le faisait parce qu’il sentait quelque chose chez toi ?
Je pense que oui, il sentait qu’il y avait quelque chose avec moi, au niveau sportif. Et surtout, il m’avait identifié comme un garçon de quartier quoi. J’étais quasiment le seul dans cette situation. Et très concrètement, en pupilles, souvent les parents viennent conduire leur enfant à l’entraînement en voiture. Moi, mes parents n’avaient pas de moyen de locomotion, et mon père ne venait jamais me voir parce que le foot ne l’intéressait pas. Je devais me débrouiller pour aller à l’entraînement. Donc j’y allais en vélo. J’avais beaucoup de trajet à faire, ça me prenait quasiment 45 à 50 minutes aller/retour, au total. On finissait les entraînements à 20h30, 20h45, et il fallait bien que je rentre chez moi, même s’il pleuvait ou s’il neigeait. Et je pense que Bernard Placzek a eu cette sympathie de se dire : « ah, y a un gamin de quartier qui vient s’entraîner, il faut lui filer un coup de main » parce que je ne pense pas qu’ait eu la même attention avec tous, d’autant que j’étais un… un casse-couilles quoi (rires) ! Après voilà, j’avais des qualités footballistiques, mais tout de suite, ça a fonctionné avec lui.
En novembre 1998, Djezon retourne pour la première fois à Julien-Denis avec l’équipe première du LOSC pour la coupe de France. Il entre en jeu et inscrit le second but lillois. La saison suivante, le LOSC ne passera pas.
« Mon horizon, c’était juste Calais »
Tu restes quelques années à Calais et tu arrives au LOSC en 1990. Mais on sait que tu aurais pu partir ailleurs…
Oui ! En fait, tout va vite. Je rentre un soir à la maison, des dirigeants du RC Lens sont là et discutent avec mon père, il y avait notamment Jean-Luc Lamarche je crois. À ce moment-là, j’étais encore trop jeune pour signer dans un club professionnel, et il fallait donc attendre quelques mois pour le faire. Mais les lensois nous proposent de signer un contrat de non-sollicitation. Mon père, lui, sincèrement le foot ça le dépasse, et donc il signe le contrat et se dit « allez… tant qu’il peut partir de la maison.. ! » Non, je rigole (rires) ! Et quelques semaines après, Bernard Gardon et Régis Bogaert, cette fois du LOSC, arrivent à la maison et démarchent aussi mon père. Mon père explique la situation, et ils nous disent que le contrat n’a pas été homologué, c’est-à-dire que les Lensois ne l’ont pas déposé à la Ligue. Mon père, qui était quelqu’un d’assez fier, a alors resigné avec eux, et Régis Bogaert a fait un aller/retour jusqu’à la Ligue pour déposer mon contrat. Et là il a été validé.
Et tu as eu des nouvelles de Lens après ?
Jamais.
Toi, au départ, quand on te dit Lens et après Lille, est-ce que tu avais une préférence ?
Non, pas spécialement. Mon horizon, c’était juste Calais. L’équipe première était en D3, c’est nous qui allions sur le panneau d’affichage du stade Julien-Denis pour changer les scores ! En plus, on habitait juste à côté donc c’était génial pour nous. On reste des gamins de quartier et, pour nous, il n’y avait que le CRUFC. D’autant plus qu’à l’époque on n’avait pas toute la modernité qui donne la possibilité de se rendre aux matches ou même seulement de les voir, donc on n’inscrivait pas nos préférences en tant que « lillois » ou « lensois ».
D’accord, donc tu n’avais pas de connaissance particulière de Lille ou du LOSC avant d’y arriver.
J’étais tout de même dans la sélection du Nord, au sein de laquelle on croisait des jeunes joueurs d’équipes professionnelles. Moi, encore une fois, j’étais un des seuls, je crois qu’on était deux, à être issus d’équipes amateures. Et c’est vrai que je m’entendais bien avec quelques lillois, avec qui ça s’était vraiment bien passé. J’avais aussi fait un stage à Lille de quelques jours : Aliou Cissé était venu avec moi, on avait fait chambre commune, et ça c’était super bien passé. Aussi, avec le CRUFC on avait eu la possibilité d’aller jouer un match contre les U13 ou les U14 en lever de rideau d’un Lille/Bordeaux à Grimonprez. C’est vrai que ça nous avait fait un peu bizarre de voir le stade quasi-plein à la fin du match. C’était quand même, pour des garçons de 13 ans, impressionnant. Donc Lille m’avait plu par ces biais-là. De là à dire que j’avais une préférence à l’époque… en tout cas je pense que j’ai fait le bon choix !
« De très bons souvenirs du centre de formation au LOSC »
Comment se passe ton intégration au centre de formation du LOSC ?
Ça se passe bien. On logeait sous les tribunes du stade. Étant de fin d’année, j’étais le plus jeune : 14 ans. Tout le monde voulait veiller sur moi ! Monsieur et Madame Dusé, notamment, m’ont prêté beaucoup d’attention, car il fallait faire attention au « petit minot », comme ils disaient ! Il nous est arrivé de passer au-dessus de la grille : on allait à la station essence acheter des chips. On se faisait démonter par Jean-Noël Dusé ! Après, tout est allé vite : j’étais prévu pour être avec les 15 ans nationaux, mais j’ai basculé quasiment un mois après avec les 17 nationaux de Régis Bogaert. Après, on a eu Jean-Pierre Hénocq. On avait des permissions : toutes les 4 semaines, on avait le droit de rentrer du vendredi midi au dimanche 20h. Il y avait un téléphone en bas quand on rentrait. Si on n’appelait pas pour prévenir qu’on était rentrés, on se faisait démonter ! Il y avait une petite lucarne près de la cuisine du centre : et lui, petit, l’ouvrait et nous faisait signe de venir : il nous balançait les chaussures des pros en disant « vas-y, prends-les et casse-toi ! ». Parce que nous on payait nos chaussures ! Et lui il filait des affaires ! Je faisais les spécifiques attaquants avec lui. J’ai gardé de très bons souvenirs du centre. On a fait des conneries, mais on s’est bien amusés !
Jean-Noël « Neuneu » Dusé, au centre de formation du LOSC de 1987 à 1992, puis de nouveau à partir de 1994
Est-ce que tu as été assez vite en avance ? Est-ce qu’on pourrait finalement remonter plus avant, et constater que tu sortais du lot à un âge précoce, ce qui aurait pu faire naître l’idée d’une carrière professionnelle ?
Au Beau-Marais, il m’est arrivé de jouer le matin dans ma catégorie, puis de jouer l’après-midi dans des catégories supérieures, car on avait déjà la qualité pour jouer au-dessus. Avec le CRUFC, à part la difficile première année, j’ai aussi été très vite surclassé pour pouvoir aller jouer avec les garçons de deux ans de plus. Il y a même eu quelques arrangements pour que je joue avec les juniors, qui avaient 17 ou 18 ans, alors que je n’en avais que 13… Après à Lille, sincèrement, non, on n’a jamais pensé à la carrière pro. Ce qui nous intéressait, c’était déjà d’être avec les 17 ans nationaux, et on pensait à l’instant présent. Les pros donnaient envie parce qu’on les voyait s’entraîner, mais on avait davantage envie d’être avec eux pour jouer sur les terrains qu’ils avaient plutôt que dans l’idée d’être pro !
« Le club a valorisé la formation par défaut : il n’avait pas d’argent »
Tu débutes en D1 en décembre 1993, pour un match contre Cannes. Quel souvenir en as-tu ?
J’avais 18 ans. Avant ce match, j’avais déjà été présent sur le banc deux fois, sans entrer. Le matin du match contre Cannes, il y a une mise en place faite par Pierre Mankowski, et il double le poste d’attaquant avec Clément Garcia et moi. À midi, il nous dit qu’il ne sait pas encore lequel des deux va débuter le match. Le soir j’apprends que je démarre pas. Mais au cours de la première période, Clément Garcia se blesse, pas forcément très gravement, mais il faut le remplacer. Jean-Michel Vandamme était sur le banc. Dès que Clément Garcia se blesse, c’est lui qui m’envoie à l’échauffement, ce n’était pas Pierre Mankowski ou Georges Honoré. Il me dit « va t’échauffer tchiot, va t’échauffer ! ». Et je reviens et Pierre Mankowski me dit : « mais qui t’a dit d’aller t’échauffer ??? Bon, vas-y, tu rentres, déshabille-toi ! ». À la mi-temps j’étais carbo ! J’étais rincé. Je ne pouvais plus respirer (rires) ! Marc Cuvelier me dit « faut que tu respires, faut que tu respires ! Tu peux pas courir partout ! » (rires). En face, c’était le premier match de Pat’ Vieira comme titulaire.
Je pense que, à l’époque, les gens qui étaient au club avaient de plus envie de voir des joueurs qui étaient formés ici. Juste avant moi, il y avait eu Fabien Leclercq, Oumar Dieng, Antoine Sibierski…
C’était une question d’envie ou davantage pour faire face à la réalité financière du club ? Dans ces années-là, il y avait quelques problèmes… Est-ce qu’on en a conscience quand on est dans l’effectif ?
Je pense que c’était davantage pour des raisons financières que par philosophie. On reste quand même à des époques où, pour des jeunes, c’est compliqué de pouvoir percer. Et à Lille, il y a eu beaucoup de passage offensivement entre Garcia, Assadourian, Etamé, N’Diaye… Il y avait un besoin à ce poste-là, et moi je suis arrivé. Au départ, je ne pense pas être arrivé pour valoriser la formation du club, c’était vraiment par défaut, et le club n’avait pas d’argent pour aller chercher quelqu’un de confirmé.
Débuts en fanfare : une-deux avec Thierry Bonalair qui marque, et le LOSC gagne 1-0 !
Oui, on marque en fin de match. C’est un beau souvenir, car c’était à Grimonprez, et en plus on part en vacances là-dessus, sur les fêtes de fin d’année. C’est la première, ça se passe bien. Je me suis dit que c’était parti, et qu’il fallait avancer et confirmer. En deuxième partie de saison, j’aurais aimé jouer un peu plus, mais la jeunesse doit prouver encore bien plus que les anciens, et je n’ai pas eu le temps de jeu que j’aurais souhaité avoir.
Cette saison-là tu joues quand même avec une suite de « premières » : première titularisation, premier match complet. Et lors de ta première titularisation, contre Strasbourg, tu marques à moitié.
Ah oui ! Franck Leboeuf feint de laisser sortir le ballon en 6 mètres, et j’anticipe le fait qu’il ne va pas la laisser sortir et qu’il va revenir à l’intérieur du jeu ; je récupère, je centre fort devant le but et c’est un csc. On fait 1-1 sur ce match-là. C’était sur le but de droite quand on rentre sur le terrain. C’est des bons souvenirs, et quand t’es à l’origine de quelque chose comme ça, c’est intéressant.
Lors de ta deuxième saison (1994/1995), on pouvait imaginer qu’on te verrait beaucoup plus car tu t’étais mis en lumière pour un jeune de 18 ans. Or, ce n’est pas vraiment le cas. Comment tu l’as vécu ?
Oui, finalement j’ai davantage de temps de jeu en réserve qu’en D1. En 1994, Arnaud Duncker, Jérôme Foulon, et Lyambo Etschélé sont arrivés de Valenciennes. J’ai failli être prêté à là-bas, en D3, j’étais même d’accord, pour avoir du temps de jeu, mais ça ne se fait pas non plus pour diverses raisons. Il avait aussi été question d’un échange avec Wilfried Gohel. Et en décembre, il est même question de retourner à Calais, sous forme de prêt. Sauf qu’on peut pas prêter un joueur pro, ou du moins un stagiaire 3, à un club amateur, il aurait fallu que Calais soit en D3. Mais il est vraiment question de rentrer chez moi. Donc avec Jean Fernandez, je joue peu avec l’équipe première.
« L’arrivée de J-M Cavalli permet de me faire davantage jouer »
Alors quand commence la saison 1995/1996, tu es dans quel état d’esprit ?
Ça a très mal démarré. Début juin, je pars faire le championnat d’Europe en Espagne avec l’équipe de France Espoirs. Et je n’avais pas signé mon contrat pro avec le LOSC. Donc je suis parti au championnat d’Europe en n’étant sous contrat avec personne, et c’est la fédé qui m’a pris en charge avec ses assurances. Là, des clubs m’approchent pour me faire signer, notamment Lyon et Monaco, qui se sont même déplacés en Espagne, parce que le LOSC a oublié de me faire signer !
C’est une négligence du club ?
Oui. Le club m’a rappelé quand j’étais en stage, car la fédé avait appelé le LOSC : « on le prend avec nous, il a pas d’assurance et il peut pas jouer… » Donc le club m’a fait parvenir un contrat ensuite, mais j’aurais très bien pu signer ailleurs déjà à cette époque. Donc j’ai des doutes à ce moment-là. Quand je rentre mi-juillet, le championnat est sur le point de reprendre, et je signe mon contrat pro. Mais se confirme c’est ce qu’on disait tout à l’heure, c’est que les jeunes étaient là non pas parce qu’il y avait une politique en ce sens, mais davantage par obligation. Donc on avait des qualités, mais on était surtout là comme complément du groupe que Fernandez avait constitué. Et très vite, on parle de m’échanger avec Geza Meszoly, un défenseur central qui était au Havre, et qui finalement est venu à Lille. Moi, je refuse, parce que j’ai pas envie ! Donc après je ne joue quasiment plus.
Il faut dire aussi que l’attaque Simba/Pingel était très performante…
Le club a recruté beaucoup de joueurs expérimentés cet été-là, des joueurs de qualité comme le retour de Philippe Périlleux. Mais ça n’a pas pris, ça a pas fonctionné, les idées étaient totalement différentes. Il y a sans doute aussi eu des maladresses : l’arrivée de Jean-Marie Aubry est spéciale, parce que Jean-Claude Nadon restait un gardien de qualité qui était là depuis des années, et c’était le remettre en cause de faire venir un deuxième gardien de qualité, donc c’était pas facile pour les deux.
Finalement, Jean Fernandez se fait licencier. Cavalli arrive et la bascule se fait : on me refait jouer.
Oui, tu es titulaire pour le premier match de Cavalli, contre Nantes, champion en titre. Donc tu joues, mais sur ce début de saison 95/96, on espère ne pas te vexer mais tu commences à te faire une réputation : tu ne marques pas et tu rates beaucoup d’occasions.
Oui, c’est vrai. Il se passe l’inverse de quand j’étais chez les jeunes : je marquais beaucoup, alors que je n’avais jamais été un avant-centre en fait ! Et là, on me met avant-centre et je ne marque pas. À Calais ou chez les 17 ans nationaux, j’ai toujours joué sur un côté, jamais dans l’axe. Au cours d’une saison avec les jeunes du LOSC, avec Régis Bogaert, j’ai joué devant avec Sébastien Schotté, qui était totalement l’inverse de moi : un grand gabarit, très bon dans le jeu de déviation, dans le même style que tout ce que Kennet Andersson pouvait faire. Et je marque beaucoup de buts, en me servant de lui, sur des appuis, sur des déviations. Si bien qu’avec les pros, on me fait jouer devant. Mais ça ne correspondait pas à l’essentiel de mon parcours et de ma formation. Je peux être adroit dans la dernière passe, mais pas forcément sur le dernier geste face au but. Et c’est vrai que mon ratio occasions/buts est très faible. Je n’avais pas les qualités de, par exemple, Becanovic, qui lui était un vrai buteur.
Jusqu’au déclic à Auxerre !
Oui, en ayant débuté sur le banc en plus ! Cavalli me l’annonce au début du match. On est menés 1-0 je crois. Je rentre, et là j’ai deux situations : dans ces cas-là, il n’y a pas beaucoup de questions à se poser. En plus c’était marquage individuel à l’époque à Auxerre, ça veut donc dire que dès que vous éliminiez quelqu’un, on pouvait aller droit au but, il n’y avait plus personne (rires) ! Deux fois, je suis plein axe, sur mon bon pied, le droit, je frappe deux fois et je marque 2 fois. Mes deux premiers buts !
« Dans les années 1990, le LOSC est en perte d’identité »
Cette saison-là, le LOSC est très irrégulier. L’ensemble est médiocre, mais on reste capable de gagner à Auxerre (champion), à Guingamp (seule défaite à domicile de l’EAG), à Nantes (champion en titre et demi-finaliste de Ligue des Champions), et à Paris (vainqueur de la C2) en fin de saison. Est-ce qu’il y a une explication à ce qu’une équipe qui a du mal brille chez les gros ?
C’est cette année-là ou Pat’ Collot met ce but à Paris, où on ne sait pas s’il voulait centrer ou frapper ? Faudra que je lui repose la question ! Je crois que notre niveau était dû à l’adversaire. Je pense que l’équipe se mettait certainement au niveau de son adversaire, et quand on rencontrait des adversaires de qualité, on pouvait nous-mêmes augmenter notre qualité de jeu. Et à l’inverse, quand on rencontrait une équipe du même niveau que nous, on n’était pas capables de faire mieux qu’elle.
Décembre 1995 : Djezon ouvre le score contre Saint-Etienne
Et plus généralement, que penses-tu de l’état du club dans ces années 1990 ?
Il y avait eu une belle année avec Jacques Santini, puis les années suivantes n’ont été que les prémices de la descente en D2. Ce sont des années compliquées. On sent que le club est de plus en plus sur le reculoir, systématiquement à la limite. Le LOSC est aussi en perte d’identité : on a de plus en plus de joueurs venant de l’extérieur, on a ensuite du mal à les garder, ils restent un an ou deux puis repartent, pareil du côté des entraîneurs : Mankowski, Fernandez, Cavalli… Plus précisément, sur les années où je débute, c’est le moment où les anciens partent progressivement : les Buisine, Assadourian, Rollain, Brisson, Nadon, Friis-Hansen.. Donc malheureusement, c’est un LOSC qui allait en boitillant. En termes de mentalité, ça crée des difficultés pour les joueurs. Il fallait reconstruire et c’était compliqué.
Lille/Caen, saison 1996/1997. Victoire du LOSC 1-0, le but de Djezon sur Fréquence Nord
Et sur l’année suivante (1996/1997), comment ça se fait que l’équipe ait été si surprenante pendant 4-5 mois (on est 4e en novembre), et que la fin ait été si catastrophique ?
On a fait une préparation qui était légère : on a passé une semaine ou 10 jours dans les maquis, du côté de Bastia. Quand on revient, on est vraiment sur un effet de fraîcheur, sur un gros effet de fraîcheur, et les résultats arrivent vite. Et il me semble qu’en janvier, on refait une préparation, et là on sent que le groupe est en difficulté sur l’aspect athlétique. Et on explose totalement sur la deuxième partie de saison, on ne gagne plus un match. Et quand vous êtes sur la pente descendante, c’est extrêmement compliqué de la remonter, et ensuite tout se mêle : le doute, « Beca » ne met plus un but alors que dans la première partie il mettait but sur but. En ayant été quatrièmes en novembre, peut-être qu’on s’est vus arriver un peu trop vite et qu’on s’est dits « ça va aller ». Je pense aussi que le groupe n’avait pas suffisamment de qualités de valeur collective pour pouvoir se sortir de là. Hervé Gauthier et Charly Samoy sont arrivés pour sauver le club, mais ça voulait dire encore de nouvelles méthodes, on repart sur une préparation différente. Le mal était déjà fait.
On avait pourtant retrouvé les valeurs de l’équipe le temps de la coupe de France : sur 3 jours, il y a deux matches, l’un à Valence contre Marseille, l’autre contre Lyon, où tu marques d’ailleurs le but vainqueur à Grimonprez. Même s’il y avait eu de la chance, on avait retrouvé une certaine solidité, et on s’était dit que l’équipe était de nouveau en selle.
Oui on avait été capables sur une période très courte d’avoir un sursaut d’orgueil et d’offrir ce qui reste des matches-phares, mais je pense qu’à partir du moment où vous perdez le fil, c’est très compliqué de refaire surface. Et on manquait de réussite, car je me rappelle un match avec Charly et Hervé à Monaco, où on fait un super match, et on prend un but improbable, sur un exploit individuel. Je prends aussi le match contre Cannes cette année-là, on est mené 1-0 sur un but un peu bizarre, Milan » rate un pénalty… Quand vous jouez le bas du tableau, la réussite vous fuit.
Les résumés de OM/LOSC puis LOSC Lyon en février 1997
« Division 1 ou Division 2, je voulais jouer pour Lille »
Le LOSC descend en D2 à l’issue de cette saison. On se demande si toi, qui est International Espoirs, tu vas rester en D2. Est-ce que tu as des sollicitations ?
Oui. Ce qui a toujours bien fonctionné avec Pierre Dréossi, c’est sa franchise. Il m’a dit qu’il avait eu deux sollicitations de Strasbourg et de Bordeaux à l’époque, mais en me précisant clairement : « tu ne partiras pas. Tu resteras là, on a besoin de reconstruire et de repartir avec des jeunes ». Mais de toute façon je n’avais pas spécialement envie de partir (rires) ! Ça m’arrangeait bien qu’il me dise que je ne parte pas, moi j’étais bien ! Donc tant mieux ! Je lui disais « non, non, je comprends… » mais j’étais ravi de rester là ! Donc la question ne s’est pas posée. Ils avaient eu des sollicitations, moi je n’avais pas d’agent donc Pierre m’avait reçu et avait été honnête avec moi « on a 2 sollicitations : Bordeaux et Strasbourg pour toi, on va les refuser toutes les deux, les prix seront de plus en plus élevés parce qu’on va pas te laisser partir, et donc tu resteras là ». En plus j’avais signé sur le long terme, il me restait 3 ou 4 ans de contrat. Moi j’étais bien, y avait pas de souci : Division 1 ou Division 2, ce qui m’intéressait c’était de jouer pour Lille.
Est-ce qu’on te met la pression du côté des Espoirs ? Est-ce que Raymond Domenech te dit un truc du style : « si tu veux rester avec moi, il faut que tu joues en D1 » ?
Ah oui, c’est le discours qu’il a, c’est que pour être sélectionné, que ce soit en A’ comme il y avait à l’époque après les Espoirs, ou en Espoirs, il faut être en D1, parce qu’il n’y a pas de joueurs de D2 sélectionnés. Donc là il faut faire un choix, et mon choix était pour mon club. Je préférais rester en D2 à Lille. Après je ne sais pas ce qui se serait passé si j’avais fait un autre choix, mais mon choix était de rester à Lille.
Et c’est un choix évident pour toi, que tu n’a pas remis en question ? C’est un discours qu’on entend assez peu, dans un milieu où d’autres préfèrent atteindre un certain niveau en équipe de France, et donc ne pas faire le « choix du club ».
Je me rappelle en avoir discuté avec quelques équipiers de l’équipe nationale comme Vieira, ou Henry et Trezeguet. Eux étaient un peu plus jeunes que nous (de deux ans je crois) et commençaient à jouer avec Monaco. Et donc la discussion est là : des clubs se renseignaient sur nous, on en parle, et donc à un moment : quelle carrière on souhaite faire ? Sincèrement, je n’ai jamais regretté.
« La communication avec Thierry Froger était très difficile »
Donc la carrière lilloise se poursuit, le LOSC est désormais en D2. Arrive Thierry Froger : en juillet 1997, un de ses premiers actes forts est de te virer du groupe pour « comportement non professionnel ». Que s’est-il passé ?
J’ai refusé de faire le 14e à l’entraînement. L’anecdote est simple : veille de match, coups de pied arrêtés. Donc l’équipe qui démarre frappe les coups de pied arrêtés, et ceux qui jouent pas font les larbins. Et moi j’ai dit que je ne faisais pas le larbin. Je ne voulais pas faire le défenseur pour que les autres puissent marquer des buts ; moi je fais 1,10 m, donc ça me faisait chier, il me dit « si t’es pas content, tu rentres chez toi ». Bon ben je rentre chez moi.
C’était significatif du management durant son passage à Lille, ou c’était un acte d’autorité pour marquer le coup au début ?
Je pense qu’il avait un souci avec moi, c’est que l’année d’avant, je marque 7 ou 8 buts en D1, on me dit qu’il y a deux propositions pour moi que la direction sportive ne va pas accepter. Lui, je ne le rencontre pas : autant j’ai vu Pierre Dréossi, autant avec lui, à aucun moment, je n’ai un entretien, je ne le vois pas. Et comme il avait fait venir deux attaquants, Lolo Peyrelade et Samuel Lobé, et que le club avait décidé de me faire jouer devant et pas sur un côté, je me retrouvais en concurrence avec des deux joueurs-là, deux joueurs de qualité ! Samuel Lobé, un buteur de L2 ; Lolo, un joueur fantastique, qui avait une sensibilité jeu, passé par Nantes et Le Mans.
Toutefois, je suis réintégré à la préparation, les matches amicaux se passent bien, et sur le premier match à Saint-Etienne, je suis remplaçant. Et derrière le deuxième match, je joue contre Martigues, je marque même, on gagne 7-3, et après je ne joue plus. Mais j’ai pas d’explication avec lui et.. ça passe pas quoi. Ça passe pas du tout, dans les rapports humains, y a pas d’échange, donc on se fâche très vite.
Mais sur cette saison, tu marques pas mal finalement, 10 buts en championnat.
Oui oui ! Après, les choses s’atténuent, il me réintègre dans le groupe, mais je suis capable de jouer 2-3 matches, de marquer, puis de ne plus jouer pendant 2-3 matches, et sans explications, donc après c’est tout hein, on va fonctionner de cette manière-là ! Mais ça se passe pas forcément très bien. La preuve c’est que, si on enchaîne avec la saison suivante (98/99), on repart avec lui, et là je ne joue pas, je suis remplaçant dès le départ. Et malheureusement, quand il se fait virer, c’est moi qui met la main et qui concède le pénalty.
Tu l’as fait exprès, non ? Tu voulais le virer (rires) !
J’ai une anecdote sur ce match : le match d’avant on joue Cannes chez nous. On perd contre Cannes, et je rentre en jeu. Je fais une bonne rentrée, et il me voit dans la semaine : il me dit qu’il est content, que je ne l’ai pas lâché, et que je vais démarrer à Beauvais. On se rend donc là-bas, je suis titulaire, et en seconde période on obtient un corner : tout le monde monte, et je me dis « c’est pas possible, ils vont où ? 0-0 à l’extérieur, c’est pas mal ». Et sur le contre, tout le monde revient en marchant ! Moi je sprinte comme un fou, le mec élimine Greg Wimbée, il frappe et je mets les mains. Donc pénalty et carton rouge. Et la Voix des Sports le lundi titre « Boutoille – pénalty – carton rouge – limogeage ». Bon ben c’est clair ! Le lundi, Halilhodzic est déjà là et la première chose qu’il dit, c’est : « il y en a un seul qui s’est battu sur le terrain, c’est le p’tit blond là ».
Ah oui, parce qu’il était en tribunes ce soir-là.
Oui. Il dit « tout le reste, hop, c’est à dégager ! ». Donc je me suis dit « au moins j’ai fait bonne impression… ». Mais oui, je mets les mains parce que c’est un réflexe. Donc avec cet entraîneur, ça s’est pas bien passé. Dans les relations, c’était très compliqué. C’est dommage car il a très bien réussi au Mans et faisait bien jouer son équipe.
« En 1998, le groupe ne tenait plus que par la valeur individuelle de ses joueurs »
Et ces problèmes de relation expliquent la fin de saison 97/98 où on a pas mal d’avance, on est pas loin de retrouver la D1, et la fin de saison est catastrophique ?
Ah oui, je me rappelle un match en fin de saison à Nice. On est encore dans la course à la D1, à la lutte avec Sochaux. Et on prend un but improbable : notre gardien [Bruno Clément] veut dribbler et on lui pique la balle. C’était vraiment des buts-casquette. Et sur le dernier match, on bat quand même Saint-Etienne, mais Sochaux bat Martigues. Je pense qu’on avait un groupe de qualité : il y avait vraiment des joueurs de qualité, des bons joueurs de foot, mais par contre avec le coach…
Et donc le groupe craque malgré les bons résultats pendant les 3/4 de la saison.
Oui, on s’est complètement effondrés. Je pense qu’il aurait fallu mettre de côté les difficultés de communication qu’on avait avec l’entraîneur et se concentrer sur l’objectif club. On avait un groupe qui, déjà depuis plusieurs semaines, ne tenait plus que par la valeur individuelle de ses joueurs, qui en division 2 étaient capables de faire des différences et de marquer des buts, et non plus à son esprit collectif. En fin de saison, les valeurs individuelles ne suffisaient plus pour gagner des matches. Et en plus, on commettait des erreurs. Une fragilité s’était installée et le groupe le payait. Cette année-là, y avait eu un conflit Froger/Aubry, c’est pour ça que c’était le deuxième gardien qui avait joué ! Quand Sochaux nous est passé devant, on savait que c’était fini.
De notre point de vue de spectateurs, même quand Lille était en positon de monter, il n’y avait pas vraiment d’adhésion au jeu. On avait des joueurs de qualité, mais pas une équipe de qualité. Il y avait souvent des sifflets.
J’ai revu il y a quelques jours la vidéo des 7 buts qui ont été marqués contre Martigues. Quand on regarde bien, ce ne sont pas des buts qui sont construits : ce sont des buts sur des valeurs individuelles, sur des exploits individuels ! Non, cette année a été très compliquée. Alors la suite nous fait dire qu’il fallait peut-être passer par là pour retrouver la D1 dans de bonnes conditions, mais on peut dire quand même que c’est une année de gâchis, parce qu’avec l’équipe qu’on avait, on aurait dû remonter tout de suite. Alors est-ce que ça aurait rendu service au club ? Est-ce qu’on aurait connu ça après ? On ne le saura jamais.
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17 juillet 2020
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Audrey BLERIOT a dit:
Un grand merci pour cet article, que de souvenirs !
Djezon, une grande figure du club, des valeurs !
Vivement la suite
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17 juillet 2020
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leleu a dit:
Messieurs encore merci pour ce reportage et retracer toute la carrière de football de Djezon et ses années passées au Losc !
étant un fidèle supporteur du Losc je vous en remercie et ce fut un plaisir de lire votre article !
cordialement à vous.