Posté le 13 août 2020 - par dbclosc
Lille/Lens 2006 : le LOSC en balade
Le 13 août 2006, pour la deuxième journée du championnat, le LOSC écrase son voisin lensois 4-0, un écart assez rare dans l’histoire des derbies du Nord. Une démonstration qui laissait entrevoir à l’époque une saison radieuse.
Après un an et demi de rodage, Claude Puel est parvenu à poser sa patte sur le jeu du LOSC. Depuis janvier 2004, Lille propose ainsi un jeu séduisant, récompensé par une belle remontée lors de la seconde partie de saison 2003-2004 (une 10e place qualificative pour l’Intertoto), puis une 2e place en 2004/2005, et enfin une 3e place en 2005/2006. Les Dogues se sont ainsi familiarisés à l’Europe et, derrière d’intouchables lyonnais, le modèle lillois, tant sportif qu’économique, passe pour un modèle de stabilité, tandis que les favoris supposés se signalent surtout par leur inconstance.
En ce début de saison 2006/2007, le LOSC a donc de nouveau rendez-vous avec l’Europe, tout comme son voisin lensois, alors que les deux clubs se rencontrent dès la deuxième journée. Les années 2000 offrent ainsi souvent des derbies au cours desquels au moins l’une des deux équipes est européenne. La dernière journée de l’exercice 2005/2006 a souri aux deux clubs régionaux, qui se sont qualifiés pour le tour préliminiare de la Ligue des Champions (LOSC) et pour la coupe UEFA (Lens) : au traditionnel enjeu de suprématie régionale se greffe donc un véritable sommet sportif. Et ce contexte a probablement tendance à électriser la confrontation. Ainsi, 3 mois avant ce match d’août 2006, le Lens/Lille d’avril 2006 avait révélé ce qu’un derby chargé d’enjeux en fin de saison pouvait produire : outre les habituelles provocations en tribunes, le match avait été marqué par plusieurs moments de tension, et notamment une bagarre générale en fin de match qui avait abouti aux expulsions de Yohan « poignet » Démont et de Kévin Mirallas. Sur le terrain, le spectacle avait été au rendez-vous : 4-2 pour les Sang & Or ; à cette occasion, la défense lilloise avait été d’une inhabituelle fébrilité, encaissant 3 buts avant la pause, à la grande joie d’Alou Diarra, ravi d’envoyer des bras d’honneur au kop lillois à chaque but de son équipe. C’est d’alleurs, jusqu’alors, la seule fois que le LOSC de Puel encaisse 4 buts, exception faite d’un désatreux déplacement à Rennes en novembre 2002, où les retrouvailles avec Vahid avaient semble-t-il fortement perturbé les joueurs de Lille.
Vidéo RCL Archives
Certains joueurs parlent de « revanche » : au moment de retrouver leurs rivaux, les Lillois resassent donc encore cette défaite d’avril à Bollaert, qui n’a manifestement pas été digérée, même si elle n’a finalement pas eu de conséquence désastreuse puisque le LOSC est bien parti pour retrouver la phase de poules de la Ligue des Champions. En effet, dans la semaine, les Dogues ont écarté sans forcer de tendres macédoniens (FK Rabotnički) pour leur match aller de tour préliminaire (3-0). Au vu de la faible opposition européenne, il semble donc bien que le grand rendez-vous de la semaine soit le championnat et ce derby, décalé au dimanche à 18h.
Les deux équipes ont parfaitement débuté leur championnat puisque Lille s’est imposé de façon convaincante à Rennes (2-1), tandis que les Lensois ont écarté Troyes à domicile (1-0). Les Dogues sont au complet ; côté lensois, Carrière et Barul sont blessés.
L’avant-match est bon enfant, avec des Lensois qui chantent « ils n’ont pas de stade ». Sur le terrain, la tendance est claire : Lille veut frapper d’entrée et se dispense de round d’observation. Un premier tir d’Odemwingie (4e), puis un centre-tir de Tafforeau font passer des premières sueurs froides à la défense lensoises. Le kop Sang & Or, de son côté, déploie une banderole « Non au LOSC à Bollaert » à la 7e minute. Qu’il profite de ce moment, qui constitue le point d’orgue de sa soirée ! À la 12e minute, la défense lensoise dégage déjà à l’emporte-pièce ; Makoun récupère et sert Bastos sur la gauche, qui centre : Odemwingie reprend aux six mètres, mais Hilton se jette en dégage en touche. Dans la continuité, Chalmé joue vite sur Plestan, qui trouve la tête de Bodmer au point de pénalty, qui conclut en lucarne (1-0).
Le LOSC attaque sans cesse, et Odemwingie n’est pas loin d 2-0 (16e). Il l’inscrit finalement à la 33e, après un ballon de Chalmé : Peter résiste à Hilton et enroule du gauche, poteau rentrant (2-0) !
Et comme rien ne va pour Lens, 3 minutes plus tard, Sidi Keita récolte son second carton jaune en 5 minutes, pour une faute assez peu évidente sur Bodmer. Piteusement expulsé, il se permet d’applaudir le public. Dépassés, voilà désormais les Lensois en infériorité numérique, ce qui n’arrange rien à la dépression chronique de Francis Gillot, qui déclare après le match : « c’est un naufrage complet. On avait déjà du mal à 11. Alors à 10… à la mi-temps, c’était déjà mission impossible ».
La Voix des Sports n’est pas tendre avec Lens : « la première mi-temps lensoise ne fut qu’un long moment de calvaire (…) les Lensois eurent toujours un temps de retard au niveau de l’engagement ». La réaction vient du banc : Francis Gillot remplace Thomert et Dindane par Lacourt et Boukari. « Mais rien ne pouvait enrayer la machine lilloise » selon l’hebdomadaire régional. Dès la reprise, une air-intervention de Démont sur une transversale de Chalmé permet à Bastos de servir Odemwingie qui manque inexplicablement le cadre vide (53e). Mais ce n’est que partie remise : Bodmer, en première intention, lance Keita côté droit qui prend le dessus sur Ramos et sa remorque ; son centre est coupé par le Nigérian qui inscrit son deuxième but (3-0, 57e).
10 minutes plus tard, le même Keita, « étourdissant », fait joujou avec Ramos dans son couloir et centre de nouveau pour Odemwingie qui conclut, cette fois de la tête (4-0, 67e).
Sur ce nouvel exploit, Claude Puel, jugeant probablement l’humiliation suffisante, sort Keita sous les acclamations du public (69e), tandis que le pauvre Ramos passe milieu gauche et que Vignal prend sa place derrière. Les 20 dernières minutes sont tranquilles pour les Lillois, alors que les Lensois attendent péniblement la fin. En tribunes, les Lensois, que l’on entend plus depuis un moment, subissent à leur tour les chants de leurs adversaires : « les Lillois à Bollaert », « on va chez nous ». Dépités, ils tentent de retirer leur banderole « non au LOSC à Bollaert », mais avec peine, si bien que durant quelques minutes, on peut lire « non à Bollaert ».
En prenant la tête du championnat, « Lille frappe un grand coup », « le LOSC a impressionné », souligne L’Équipe, insistant toutefois sur la faible opposition lensoise : « derby spectaculaire mais trop déséquilibré pour que l’on puisse parler de grand match ». Même tonalité du côté de la Voix des Sports, qui note que « Lille a plané sur ce match, offrant une partition de très haut niveau », et que les Lensois ont été « inconsistants » et « incroyablement absents » : « il arrive en football qu’une équipe passe à côté d’un match, mais hier, le RC Lens a donné l’impression de ne même pas avoir trouvé l’entrée du stade ». Ouh ça fait mal, ça. Dans les deux journaux, les Lensois prennent de sales notes : la Voix des Sports attribue 2/10 à 4 Lensois : Ramos « rude baptême », Jussiê « sans jus », Dindane « sans ballons », et Thomert « absent ». L’Équipe est plus sympa en attribuant sa plus mauvaise note à Ramos (3/10). À l’inverse, les Lillois obtiennent un bon bulletin : Keita obtient 8 dans la VDS et 8,5 dans L’Équipe ; Bodmer 8 et 7 ; Odemwingie 9 et 8. L’Équipe souligne en outre que Tony Sylva « toucha peut-être plus de ballons au pied qu’à la main. Éloquent ». Gervais Martel est dépité, en dépit de la présence de son « grand pote » Jean-Luc Reichman, qui l’avait pourtant prévenu (« attention à la marche ! ») : « nous avons été totalement absents, nuls. Quitte à perdre, on devait le faire les armes à la main. C’est assez incompréhensible. Nous n’avons pas eu une occasion de tout le match. On a été trop mauvais pour que ce soit vrai ». L’entraîneur Francis Gillot, tendu, se contente d’une seule déclaration pour la presse écrite et audiovisuelle : « toutes nos pertes de duels sont inexplicables. On ne courait pas non plus alors qu’on l’a fait contre Troyes. Ça me rappelle l’année dernière et je me dis qu’on n’a pas corrigé le tir. C’est une bonne claque (…) C’est avant tout un problème mental. Il y a 2 ou 3 joueurs qui ont fait leur match, et 7 ou 8 qui ne l’ont pas fait. On va considérer que c’est un accident ». Le gardien lensois, Charles Itandje, rajoute une couche : « on n’était pas du tout prêts à jouer un derby. On a manqué de mental, de solidité, de combativité… de tout. Putain ! On n’a pas le droit ! »
Côté lillois, énorme satisfaction. C’est la troisième fois dans l’histoire des derbies qu’une confrontation entre Lille et Lens s’achève par un 4-0. Et ça a été à chaque fois en faveur du LOSC (les deux fois précédentes, c’était le 11 mars 1945, et le 25 octobre 1964). Il y a même eu 2 5-0, là aussi en faveur du LOSC (22 octobre 1950 et 10 février 1952). Pour être tout à fait juste, soulignons que le pus grand écart est en faveur de Lens : 7-0 le 14 mai 1970, à l’époque où les deux clubs avaient quitté le monde professionnel. Bref, ça fait toujours du bien de mettre une pâtée à Lens, et c’est Stéphane Du mont qui le dit en des termes plus convenables : « pour nos supporters, ce n’est pas négligeable d’voir battu Lens ». Les joueurs montrent leur satisfaction d’avoir « effacé »la défaite d’avril : Mathieu Bodmer déclare qu’« on a sur réagir par rapport à la saison dernière et on l’a fait avec la manière » ; Peter Odemwingie, qui signe son premier (et dernier) triplé1 avec le LOSC, salue « une belle revanche » et s’enflamme : « nous sommes capables de rivaliser avec Lyon. Si on continue comme ça, on peut gagner le championnat »
Claude Puel, tout sourire, essaie toutefois de modérer un trop grand enthousiasme : « après deux journées, difficile de parler de grand coup, ce ne sont que des prémices, et si vous découvrez notre manière de jouer alors que cela fait 2 ans que l’on pratique ce football, c’est un peu embêtant. Ça montre simplement que l’on a un certain potentiel. On verra sur la durée ce que l’on est capable de faire ».
En l’occurrence, après une nouvelle démonstration face à Bordeaux 15 jours plus tard (3-0), le LOSC aura bien du mal à garder le rythme. Même s’il se place encore 2e (loin derrière Lyon) fin janvier après une victoire à Bordeaux, cette saison marque la fin d’un cycle que seule la qualification en 8e de Ligue des Champions permettait encore de prolonger. Après l’élimination contre Manchester, le groupe lâche prise physiquement, et les circonstances de la confrontation semblent l’avoir encore davantage épuisé moralement. En championnat, Lille lève le pied et termine 10e. Les Lensois, plus réguliers, sont encore en course pour la Ligue des Champions avant la 38e journée ; mais alors qu’elle semble leur tendre les bras, les Sang & Or passent à côté de leur match à Troyes, pourtant déjà relégué (0-3), comme un remake de cet après-midi ̶d̶e̶ ̶c̶a̶u̶c̶h̶e̶m̶a̶r̶ de rêve au Stadium.
Un résumé du match :
Note :
1 Avec un doublé et un pénalty manqué contre Bordeaux la saison précédente, il n’était déjà pas passé loin.
Laisser un commentaire
Vous pouvez vous exprimer.
0 commentaire
Nous aimerions connaître la vôtre!