Posté le 3 septembre 2020 - par dbclosc
1989, la coupe du monde passe par Grimonprez-Jooris
Le 1er juin 1989, dans le cadre des éliminatoires de la coupe du monde 1990, le Luxembourg « reçoit » la Belgique au stade Grimonprez-Jooris. Une aubaine pour les Belges, qui n’avaient pas forcément besoin de l’avantage de jouer presque à domicile pour écarter leurs modestes adversaires et filer vers l’Italie.
À peine le championnat 1988/1989 s’achève sur un carton du LOSC contre Laval (8-0) pour la dernière de Georges Heylens que les éliminatoires pour la coupe du monde 1990 en Italie reprennent. Dès le lendemain de ce mémorable 8-0, le stade Grimonprez-Jooris accueille un de ces matches qualificatifs. Mais étonnamment, ce n’est pas l’équipe nationale française qui joue à Lille : en effet, les Bleus ne reprendront leurs qualifications qu’en septembre, après avoir été tenus en échec par la Yougoslavie fin avril au Parc des Princes. Si Grimonprez-Jooris est sollicité, c’est pour accueillir Luxembourg/Belgique, pour la 5e journée du groupe 7 des qualifications de la zone européenne. En voilà la raison : le seul stade du Luxembourg homologué par la FIFA est en travaux… La fédération luxembourgeoise devait donc trouver une solution de repli à proximité et avait le choix entre Aix-la-Chapelle, Metz et Lille. C’est Lille qui a été choisie, tandis que le Luxembourg « recevra » à Metz en octobre.
« Rijsel-sur-Deûle »
Le sélectionneur luxembourgeois, Philipp, présente ce match comme « un match à la maison transplanté à l’étranger ». À quelques kilomètres de la frontière belge, il ressemble plutôt, pour le Luxembourg, à un match à l’extérieur ! Mais, ont dû penser les dirigeants luxembourgeois, quitte à prendre une branlée, autant que ce soit dans une ambiance festive. En effet, même si la Voix du Nord titre que « les Flandres [sont] province luxembourgeoise d’un soir », c’est plutôt la Belgique qui joue à domicile, avec une forte présence des belges aux abords du stade avant le match : dans un article intitulé Rijsel-sur-Deûle, ont lit que l’« ambiance [est] particulière autour de Grimonprez-Jooris aux alentours de 20h. Du noir, du jaune, du rouge… La Belgique est à Lille ! Les baraques à frites font de l’or (…) Lille est Rijsel pour un soir. Ce qui du reste fait bondir les Suisses, adversaires de la Belgique dans ce groupe 7 ». Les Suisses ont en effet émis une protestation officielle auprès de la FIFA, estimant que ce match joué à Lille, fût-il joué contre le Luxembourg, était un avantage considérable pour les Belges, à qui on offre un cinquième match à domicile dans ces éliminatoires. Leur appel n’a pas été entendu.
Le LOSC a invité ses abonnés soit, à l’époque, 1 500 personnes, qui d’ailleurs ne sont certainement pas toutes venues. Pour être précis, ne souhaitant pas en faire une affaire financière, le LOSC a acheté ces places à la fédération luxembourgeoise, le stade a été « cédé » à titre gracieux, et la recette du match revient à la fédé luxembourgeoise. L’affluence est estimée à 10 000 personnes avec, on peut le supposer, une majorité de Belges.
Une première pour Grimonprez-Jooris… mais pas pour Lille
Si la pelouse a déjà accueilli des clubs étrangers, lors de matches amicaux du LOSC (comme lors de l’inauguration du stade contre le Feyenoord), c’est la première fois que le stade Grimonprez-Jooris accueille une rencontre entre deux équipes nationales. En revanche, la ville de Lille a déjà accueilli une telle rencontre : c’était le 12 juin 1938, au stade Victor-Boucquey (qui ne s’appelait pas encore Henri-Jooris), pour le match de coupe du monde Suisse/Hongrie.
Avant ce match, la Belgique est invaincue dans ce groupe. Chacun s’accorde à dire qu’elle aura un pied en Italie si elle le gagne, mais les Luxembourgeois ont l’intention de se défendre et leur entraîneur met en garde : « en deuxième mi-temps de notre match au Portugal [perdu 0-1], les Portugais n’en menaient pas large ! ». Paul Philipp ne pourra malheureusement pas encourager ses troupes au plus près, car il est suspendu après avoir été expulsé en Tchécoslovaquie pour une obscure raison, ou alors la Voix du Nord n’a pas toutes les pièces du puzzle : « je suis allé donné des consignes à mes joueurs après une demi-heure de jeu. Je ne comprends pas ce qui a motivé la sanction ». Sur le terrain, les Luxembourgeois ont pris 0-4 à Prague, et abordent ce match contre les Belges « sans complexe, ni angoisse. Rien à perdre, évidemment ». Selon la VDN, s’ils sont « habitués aux défaites cuisantes », leur principal atout est avant-centre : Roby Langers, joueur d’Orléans (alors en D2), « celui-là même qui avait fait peur à Monaco et pulvérisé le PSG en coupe de France1 et devrait jouer l’an prochain en D1 ».
Côté belge, le week-end précédent à Bruxelles, les Diables Rouges se sont imposés en amical face à la Yougoslavie, puis ont effectué un stage à Courtrai avant de rejoindre Lille. Alors que le « bordelais » Enzo Scifo est écarté, et Gerets et De Mol sont de retour en défense par rapport au match précédent. En attaque, Guy Thys, qui va fêter sa 100e sur le banc belge en 13 ans, espère soigner la différence de buts en alignant 3 attaquants : Degryse (FC Bruges), Ceulemans (FC Bruges) et Vanderlinden (Antwerp).
Le Luxembourg grandement et froidement dûché
La Belgique ne tarde pas à marquer : après, déjà, quelques petites occasions pour Ceulemans, Vanderlinden ouvre le score de la tête, reprenant une longue touche qui avait rebondi dans la surface (12e). La Belgique domine mais « elle tardait à enfoncer le clou. Soit parce qu’à l’exception de Demol ou de Vervoort, elle n’usait pas suffisamment des tirs à 15-20 mètres, soit parce que Van Rijswijck manifestait une réelle vigilance. Mais il est vrai que le nom de ce dernier signifiant ‘De Lille’, il devait se sentir tout à fait à l’aise sur la pelouse de Grimonprez ! ». Le gardien luxembourgeois se montre ainsi à l’aise alors que sa défense « sans doute sponsorisée par un fabricant d’élastiques » laisse des boulevards. Il est enfin battu sur une frappe de Vervoort, qui heurte la transversale.
Et dans la foulée, le Luxembourg est proche d’égaliser « en profitant d’un magistral loupé de Demol à hauteur de la ligne médiane. Mais si Langers détala comme un lapin, il perdit son face-à-face avec Preud’homme en poussant trop loin son ballon. Où était donc l’avant-centre qui avait donné tant de fil à retordre à Monaco ? »
L’avantage est court à la pause, mais les Diables se détachent en seconde période. Un centre de Vervoort, dévié par Ceulemans, est conclu par Vanderlinden pour un doublé (0-2, 52e). Le futur anderlechtois coupduchapeaute 10 minutes plus tard en transformant un pénalty obtenu par Degryse (0-3, 62e). Le but de la soirée est signé Vervoort, qui envoie un coup-franc en lucarne (0-4, 64e). Vanderlinden y va de son quadruplé pour conclure la soirée (0-5, 89e).
Un résumé du match (RTBF) :
Avec ce carton, la Belgique peut désormais raisonnablement envisager de participer à la coupe du monde 1990, après avoir manqué l’Euro 1988, et tenter de confirmer son excellente quatrième place en 1986.
Après ce match, Guy Thys souhaite « prendre du recul » et se retire. La sélection est confiée à Walter Meeus. Dès la rentrée en septembre, la Belgique bat le Portugal (3-0), et il ne manque alors que 2 points pour terminer le travail. Un premier point est d’abord laborieusement arraché en Suisse (2-2). Puis arrive le match retour contre le Luxembourg, à domicile. La presse est assez critique à l’égard de Meeuws, qui écarte Enzo Scifo au profit de Marc Degryse, estimant que les deux joueurs ne peuvent pas évoluer ensemble. Dans la semaine précédant le match, un festival de buts est annoncé. Mais rien ne va et, malgré l’association Degryse/Scifo, la Belgique cafouille et le Luxembourg domine ! Les Diables ne marquent que par Bruno Versavel à 84ème minute… mais le Luxembourg égalise 2 minutes plus tard ! C’est le premier but luxembourgeois contre la Belgique depuis 1945. Qualifiés sous les huées, les « Diables Rouges de honte » (RTBF) regagnent le vestiaire sur ce score de 1-1.
Au début de l’année 1990, l’équipe nationale perd en Grèce (0-2) et ne peut faire mieux qu’un nul contre la Suède à Liège (0-0). Les résultats et surtout la manière inquiètent et l’Union Belge, craignant de mal figurer au « Mondiale », rappelle Guy Thys. Ce reportage de la RTBF en avril 1990, dans lequel on trouve quelques images de Grimonprez, revient sur le retour de Guy Thys (posté sur la page Les archives du football belge)
En Italie, les Belges passeront le premier tour sans encombre avant de se faire sortir par les Anglais en 8e à cause d’un but marqué à la 119e minute.
Lille, dernière
Si l’on s’en tient strictement à la ville de Lille, ce Luxembourg/Belgique est à ce jour le dernier match international A joué dans la ville, puisque France/Arménie en 1996, des matches de l’Euro 2016, et quelques amicaux joués à Pierre-Mauroy, se sont joués à Villeneuve d’Ascq.
Note :
1 Lors de la coupe de France 1989, Orléans élimine le PSG en 8e en gagnant 4-0 à l’aller au Parc ; 3-3 au retour), puis passe près d’éliminer Monaco (défaite 1-2 à domicile puis 3-3 à Monaco en ayant mené 0-2 puis 2-3).
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