Archiver pour octobre 2020
Posté le 31 octobre 2020 - par dbclosc
Lille, 1935 : la Ligue du Nord affronte le FC Clyde of Glasgow
Le 31 mars 1935, au stade Victor-Boucquey de Lille, la sélection de la « Ligue du Nord », principalement composée de Lillois et de Roubaisiens, affronte amicalement le club écossais de Clyde of Glasgow. Cette sélection nordiste était considérée comme la vitrine footballistique de la région.
Nous avons évoqué dans un précédent article l’importance et le prestige de ces rencontres internationales qui, loin de relever du seul divertissement ou même du folklore, ont une importance considérable : d’une part par la sélection des joueurs nordistes, car les sélections régionales constituent à l’époque un tremplin officieux vers la sélection nationale ; d’autre part ces matches sont considérés comme étant d’un meilleur niveau que ceux du championnat national, même professionnel (à partir de 1932), et permettent en outre de présenter au public un football considéré comme très marqué par des spécificités nationales. Signe de leur réussite, ces oppositions bénéficient d’une importante couverture médiatique et font venir au stade un public nombreux.
Depuis les années 1900, le Nord de la France a connu diverses sélections pour le représenter, la plus connue étant la redoutable équipe des « Lions de Flandres » dont les victoires avant-guerre contre la sélection parisienne marquaient la domination du football nordiste en France (avec, bien entendu, les succès de l’Olympique Lillois). Mais la guerre a coupé cet élan sportif et, sur le plan institutionnel, le football s’est « nationalisé », en s’organisant sous l’égide de la seule FFF.
15 février 1920 : la toute nouvelle équipe du Nord affronte Paris. Debout, 3e en partant de la droite, José Fonte est déjà déterminé
Via la Ligue du Nord, créée, en 1919, cette sélection vise à regrouper les meilleurs joueurs du Nord et du Pas-de-Calais (voire de Picardie puisqu’on y trouve des Amiénois), là où les Lions de Flandres n’ont longtemps sélectionné que des joueurs de Lille, Roubaix et Tourcoing (ce qui correspondait au rapport des forces sportives de l’époque). La « Ligue des Flandres », en outre, semble favoriser des garçons du cru, Français nés dans le Nord, là où on a vu que « l’Entente » de 1934, sélectionnait pour moitié des Français et pour moitié des étrangers, le critère de sélection étant qu’ils jouent effectivement dans le Nord. Cela faisait regretter à une partie de la presse qu’on ne puisse pas réellement évaluer le niveau du football « nordiste » (en supposant que de telles considérations ne soient que d’ordre sportif…). La sélection du Nord n’est toutefois pas dépourvue complètement de joueurs étrangers ; mais on y trouve bien moins d’Anglais ! On y trouve en revanche quelques joueurs de l’Est (qui souvent, seront ensuite naturalisés), comme si cette sélection devait aussi refléter les mouvements migratoires du Nord, là où les Anglais n’étaient que de passage.
À intervalles réguliers, cette « équipe du Nord » affronte donc d’autres sélections françaises du même type ; cependant, les affrontements interrégionaux (qui étaient aussi des affrontement interligues) ont perdu de leur conflictualité. En revanche, les rencontres internationales n’ont rien perdu de leur saveur et de leur intérêt. Ainsi, dans le Nord, les plus grands succès concernent des matches opposant l’équipe du Nord à des équipes étrangères, voire à des sélections nationales.
L’équipe du Nord, le 20 février 1927 au stade Buffalo à Montrouge. Debout, à côté du gardien, un type qui ressemble à Arnaud Duncker, mais ça doit pas être lui
Faisons un saut temporel et retrouvons-nous à la fin des années 1920. Pour la première fois, l’équipe de la Ligue du Nord joue au stade Victor-Boucquey (ex-stade de l’avenue de Dunkerque et futur stade Henri-Jooris). En novembre 1929, le Nord a battu l’équipe du Kent 6-1 au stade Jean-Dubrulle de Roubaix. Un mois plus tard, elle tient en échec les Diables Rouges (3-3). La presse nordiste, bien que toujours emballée par ces rencontres, regrette que le football nordiste n’ait plus son lustre d’avant-guerre : « nous ne pouvons oublier que le football nordiste occupait, en 1914, le premier rang du football régional et nous caressons toujours l’espoir de reconquérir une suprématie que seule la guerre nous enleva” (Le Grand écho, 9 décembre 1929). Allons ! L’OL remporte le premier championnat professionnel, tandis que Fives y fait excellente figure ! Mais si les performances des clubs nordistes en première division (jusque 6 en 1937/1938 !) offrent un fil rouge bienvenu, l’emballement autour de la sélection régionale est incomparable.
Intéressons-nous donc particulièrement à un match joué le 31 mars 1935 à Victor-Boucquey, à Lille. Les Nordistes affrontent un club écossais, de Glasgow : le FC Clyde, venu sans Bonnie. Après les venues du Celtic en 1921 et 1934, il s’agit de la troisième venue d’un club de Glasgow dans le Nord. La presse tant nationale que régionale souligne que le FC Clyde n’a pas le prestige du Celtic, des Rangers ou de Motherwell ; il n’empêche : Clyde, en championnat, vient de battre le leader St Johnstone, le Celtic, les Rangers, et Motherwell ! Et il a tenu en échec Aberdeen, finaliste de la coupe d’Ecosse. Surtout, en tant qu’ambassadeurs du football écossais, les joueurs du FC Clyde représentent ce qui se fait de mieux en football. L’Auto souligne ainsi que « le football écossais est généralement considéré comme le plus complet et le plus beau, surtout en ce qui concerne le jeu offensif » (28 mars 1935) ; pour le Grand Echo, « les pros de Grande Bretagne, quand ils le veulent, sont des footballeurs de tout premier plan (…) Ce qui fait la caractéristique du jeu écossais en regard du football d’Angleterre, du pays de Galles et de l’Irlande : une plus grande habileté sur la balle et un dribbling plus poussé ; de la technique,de la fantaisie, du brio » (31 mars). En outre, les Ecossais sont pionniers puisque « le fameux système en W fut innové par Motherwell et non pas, comme on l’a déclaré, par Arsenal » (L’Auto, 28 mars).
Pour ce match, la Ligue du Nord a pris l’initiative de placarder dans Lille des affiches qui assurent que cette confrontation est « le clou de la saison ». En novembre, l’AIK Stockholm était également venu affronter le Nord à Lille (le Nord s’est imposé 1-0), mais c’était une équipe d’amateurs. De plus, la date est ici plus favorable et on peut espérer un « temps printanier » avant que le public ne se démobilise : il paraît qu’après le 15 avril, « les champs de football sont un peu désertés par les spectateurs » (Le Grand Echo, 28 mars). Ah bon.
Au-delà de cette confrontation, bon nombre de matches en France permettent à des sélections nationales ou à des clubs de se frotter à des adversaires étrangers. En effet, la FFFA1 a laissé aux ligues la journée de ce dimanche. Lesdites ligues se sont alors empressées de mettre sur pied ces « grands matches internationaux de football » comme l’indique L’Auto : outre Nord/FC Clyde, on aura Paris/Vienne, Marseille/Allemagne du Sud, Belgique B/Normandie, Differdange/Lens ou Red Star/Motherwell, avec pas moins de 10 internationaux écossais. Dans le Nord, les matches des divisions amateurs et de promotion d’honneur ont été remis « afin de permettre aux centaines d’équipes amateurs de la Ligue du Nord de venir prendre une excellente leçon de football au terrain de l’Olympique Lillois » (Le Grand Echo, 28 mars). À 3 jours du match, les places, de 6 à 25 francs, s’arrachent et le « record de location par correspondance est battu ». La compagnie des chemins de fer du Nord annonce des trajets à prix réduit, et la mise à disposition d’autocars car on attend des spectateurs venant « des mines et de Valenciennes ». Alors qu’au même moment, Les Cigares du pharaon viennent de paraître, et qu’on aurait pu croire que la présence d’Ecossais à Lille inspire à Hergé le scénario de l’Île Noire, c’est finalement le sceptre d’autocars qui se présente.
Autre illustration de l’ampleur du match : on y trouvera quelques-unes des grosses légumes du coin, comme « le plus haut fonctionnaire de l’éducation physique en France, le directeur de cabinet de M. le ministre Queuille », M. Pierre Leroi, le sénateur Delesalle, ancien sous-secrétaire d’Etat et président d’honneur de la ligue du Nord.
Les Ecossais arrivent d’abord par la mer, à Calais, où ils sont accueillis entre autres par Henri Jooris (fils). Ils arrivent à Lille samedi 30 mars à 16h19 où les attend une délégation de la Ligue du Nord : « les Ecossais, que l’on croyait voir surgir en tenue sportive et casquette à carreaux et qui arboraient de vénérables pardessus très longs et des chapeaux ronds, laissèrent à leur manager le soin de rompre la glace. Ils s’acheminèrent, très dignes, vers l’autocar qui les guettait à la sortie, pour les amener à l’hôtel où, selon l’usage, ils se mirent en devoir de secouer la poussière du voyage avant de prendre un repos réparateur, en écrivant des cartes postales » (Le Grand Echo, 31 mars).
Une première large sélection nordiste a été annoncée dans Paris Soir daté du 22 mars, de laquelle seront finalement retirés après une dernière réunion le 27 dans le local de la Ligue tous les joueurs Fivois, qui ont une demi-finale de coupe de France à jouer la semaine suivante : on craint une blessure, et les dirigeants du SCF privilégient un match amical au Mans. Dès lors, Joseph Gonzalès, Karl Dalheimer, Ernest Liberati et Robert Saint-Pé, initialement sélectionnés, et André Cheuva, pressenti, ne sont pas de la partie ; Marcel Desrousseaux (Excelsior Roubaix) disparaît également de cette première sélection. Seul le gardien remplaçant (Dalheimer) est remplacé, par François Encontre, le gardien du Racing Club de Roubaix. Voici donc la composition des équipes :
Si ce n’est pas bien lisible, voici quelques précisions côté nordiste : dans les buts, Robert Defossé ; derrière : Jules Vandooren et Georges Beaucourt. Ces trois hommes forment habituellement la défense de l’Olympique Lillois. Au milieu, une ligne Paul Delassus (OL), Georges Verriest (Racing Club Roubaix), Noël Liétaer (Excelsior Roubaix) ; devant, « le prestigieux [Edmond] Novicki à qui Lens doit beaucoup de ses succès de la présente saison », Henri Hiltl « la coqueluche des roubaisiens » (Excelsior), André Simonyi « le manieur de balles prestigieux » (OL), Ignace Kowalczyk dit « Ignace » (Valenciennes) et Georges Winckelmans (OL), qui était blessé depuis quelques semaines mais « qui a fait savoir spontanément qu’il serait complètement remis pour le match » !
Remplaçants : Ernest Payne (Excelsior Roubaix), François Encontre (Racing Club Roubaix), Célestin Delmer (Excelsior Roubaix), Beeringer (OL), Marcel Ourdouillié (Association Sportive de Raismes)
Le coup d’envoi est fixé à 15h et, dès 14h, le Grand Echo rapporte que le stade se remplit. Il faut dire que, pour patienter, un concert est donné par « la brillante harmonie Excelsior, sous la direction de M. Pruvost ».
Le quotidien régional précise que ce n’est « pas la même cohue » que lorsque l’Allemagne de l’Ouest (en février 1934) ou Sunderland (en avril 1934) sont venues à Victor-Boucquey, mais on compte tout de même près de 8 000 personnes, tandis que L’Auto table même sur 10 000. Peut-être que la concurrence avec le concours carnavalesque de l’Union des commerçants pour la mi-carême en centre-ville a joué. Les joueurs sont présentés à M. Delessalle, Leroi, et Jooris (père cette fois, président de la Ligue). En tribune, tous les membres du conseil de La ligue sont présents, ainsi que les dirigeants de nombreux clubs de la région : Caullet (OL), Henno (SCF), Marquilly (RCL), Boulton (RCR) Flenniau et Van de Vegaete (UST). Officiellement, l’Ecosse n’a pas d’hymne national2 : on joue donc l’hymne anglais, puis La Marseillaise. Après un échange de fleurs et de fanion, l’arbitre roubaisien Jules Baert donne le coup d’envoi.
Dès la 2e minute, les Ecossais marquent grâce à une reprise de volée de Johnstone, « un but dû plutôt à la mésentente des éléments nordistes qu’à une descente irrésistible, et encore faut-il dire que Vandooren venait de recevoir un coup de pied à la figure l’empêchant de se lancer à la poursuite de l’attaquant possesseur de la balle » (L’Auto, 1er avril). Durant la première période, les visiteurs dominent : « les Ecossais pratiquèrent un jeu sobre et direct, dépouillé de toute fioriture », tandis que « les Français sont lents ». Toutefois, du côté nordiste, « les exploits d’un Hiltl et d’un Simonyi soulevaient maints applaudissements ». En seconde période, les Nordistes dominent cette fois largement (« la seconde mi-temps est celle des Nordistes dont l’équipe, bien soudée, donne à fond ») et égalisent à la 65e grâce à Ignace « malgré un plongeon desespéré de Stevenson » (Le Grand Echo, 1er avril), après un relais entre Novicki et Simonyi : « le but fut follement acclamé » (L’Auto). Le Nord pousse mais plus rien ne sera marqué, et ce match s’achève sur un « match nul flatteur pour les visiteurs », qui auraient dû repartir défaits si l’équipe du Nord n’avait pas mis du temps à trouver ses marques.
Tout le monde s’accorde pour souligner la qualité du spectacle proposé, notamment parce qu’il était équilibré. Ainsi, le Grand Echo insiste sur un adversaire « d’une classe assez voisine » à celle des Nordistes : « devant des artistes comme Sunderland ou le Celtic, le spectateur ressent rapidement une impression de malaise qui est provoquée par l’écrasante supériorité d’un adversaire qui nous ménage et qui se ménage, ce qui est correct pour les relations entre les deux équipes, mais qui est humiliant pour les débutants professionnels que sont les Français ». L’Auto embraye : « si la pureté du football pratiqué fut moins grande , la lutte fut plus égale, plus vite, et l’équilibre des forces en présence donna à la rencontre un piment qui fait défaut quand l’écart de classe est par trop considérable ». Ouest-Eclair voit en Hiltl « l’âme de l’équipe du Nord » : Henri Hiltl, né Heinrich, Autrichien naturalisé Français, a même compté une sélection en équipe d’Autriche avant de jouer pour la France. La performance de Simonyi, le Hongrois, est également saluée.
Bref, « le public se retira enchanté et les dirigeants de la ligue du Nord, disons-le, furent bien inspirés en invitant cette belle formation » (L’Auto). Et comme un étalon de la valeur du football français, les victoires des ligues françaises sur la plupart de leurs adversaires étrangers semble refléter un football national en excellente santé, qui sait organiser de grands événements : un argument de poids, notamment pour la ville de Lille, au moment où la France envisage de déposer sa candidature pour accueillir la coupe du monde 1938.
FC Notes :
1 C’est dans les années 1970 qu’au cours de compétitions internationales en rugby et en football Flower of Scotland s’est imposé, mais sans être l’hymne officiel.
2 « A » pour « Association ».
Posté le 29 octobre 2020 - par dbclosc
Les deux premiers déplacements du Celtic Glasgow dans le Nord (1921, 1934)
Si le LOSC affronte pour la première fois en compétition officielle le Celtic Glasgow en octobre 2020, le club écossais s’est déjà rendu dans le Nord à 2 reprises, pour y affronter des sélections régionales, en 1921 à Roubaix puis en 1934 à Fives.
Pourquoi donc une équipe si prestigieuse que le Celtic Glasgow va-t-elle se retrouver à deux reprises, dans les années 1920 et 1930, dans le Nord de la France pour y affronter des sélections régionales ? Il convient d’abord de revenir sur la valeur de ces confrontations à l’époque, dans un football bien différent de celui que l’on connaît de nos jours.
A la recherche de matches de prestige
Après le premier conflit mondial, dans un football national pas encore unifié en raison de la concurrence entre fédérations, et pas encore professionnel, ce qui conduit notamment à des scores de forte ampleur entre confrontations interligues ou même au sein d’une même ligue, les clubs français les plus en vue tentent d’accroître leur popularité et leur prestige par le biais de matches et de tournois internationaux. Si l’on prend le cas de l’Olympique lillois, ancêtre du LOSC, le club a été pionnier, dès l’avant-guerre, dans l’organisation de matches contre des adversaires Belges et Anglais, réputés plus forts. Il faut dire le championnat régional, hormis les confrontations contre Tourcoing ou Roubaix, n’offre guère la possibilité de rencontres de haut niveau ; dès lors, à l’heure où la lente institutionnalisation du football français n’apporte pas aux compétitions régionales un grand prestige, les matches contre des équipes étrangères constituent de beaux trophées, d’un point de vue symbolique. En outre, la création de sélections régionales participe aussi à rendre le football plus palpitant, ainsi que l’illustre la classique confrontation Paris/Nord à partir de 1904. Henri Jooris, successeur d’André Billy à l’Olympique Lillois, confirme et amplifie cette dynamique en institutionnalisant l’équipe des Lions de Flandres, sélection des meilleurs joueurs nordistes. Avant que ne survienne la guerre, l’OL et les Lions de Flandres symbolisent la domination du football nordiste en France.
Le Celtic, « la plus belle équipe du monde » à Roubaix
L’équipe des Lions de Flandres retrouve les terrains en février 1918. Amputée de quelques joueurs, morts à la guerre (pensons notamment aux Lillois Six et Carpentier), elle reprend son activité de promotion du football nordiste et dépend désormais de la Ligue du Nord et du Pas-de-Calais, créée en 1919 en lieu et place du comité régional, signe de l’unification du football national. En 1921, les Lions de Flandres vont, pour la première fois, rencontrer le Celtic Glasgow, qui fut le premier club écossais à faire des tournées en Europe, dès 1904. Champion national en 1914, 1915, 1916, 1917 et 1919, le Celtic connaît aussi de nombreuses pertes liées à la guerre. Ce 22 mai 1921, vont donc s’affronter à Roubaix, au parc Jean-Dubrulle, deux équipes relativement reléguées par le conflit mondial. Il n’empêche : le match reste un grand événement, ne serait que parce qu’il s’agit de la première visite d’une équipe professionnelle de football dans le Nord (en Écosse, la professionnalisation du football a débuté dès les années 1890). Les Écossais ont ensuite prévu quelques rencontres en région parisienne. Le Grand écho du Nord souligne ainsi que cette opposition entre professionnels écossais et amateurs nordistes est une « rencontre qui fera époque dans les Annales du Sport Nordiste : jamais nous n’avions vu de professionnels et c’est l’équipe la plus réputée qui sera dans le Nord dimanche prochain » (22 mai 1921). À l’appui de cette promesse, le quotidien régional interroge le journaliste Achille Duchenne, présenté comme un « spécialiste parisien bien connu » : « je sais que c’est la plus belle équipe du monde. De mémoire, je me rappelle de certains joueurs exceptionnellement réputés tels : Gilchrist, Cassidy, M’Lean, M’Farlane, Gallagher, qui sont des merveilles. Le mot Celtic, outre-Manche, dit tout ce qu’il y a de plus parfait en football ». Pour information, les places sont réservables chez M. Jonville, 34-36 rue de Paris, qui ne s’appelait pas encore « rue Pierre Mauroy ».
Devant 10 000 spectateurs et un « temps superbe », les dirigeants du Celtic ont d’abord pris l’initiative de déposer « une gerbe de fleurs naturelles » au pied du monument aux morts du Racing Club de Roubaix. Voici les compositions des deux équipes :
La presse nordiste semble assez confiante avant le match. En cause, le « tournoi de l’Olympique de Paris », qui a eu lieu quelques jours avant, auquel ont participé des clubs anglais : il est souligné que si les clubs parisiens ont perdu la plupart de leurs matches, ils s’en seraient mieux tirés avec davantage de « désir de vaincre ». Autrement dit, l’écart entre footballs français et anglo-saxon serait faible, et ce serait surtout une question d’envie. Hélas : « nous devons déchanter. Le Celtic a fait montre d’une virtuosisité telle que, tout en paraissant se livrer à une simple exhibition, il n’en a pas moins percé par 5 fois la belle défense des nôtres et ce, avec une aisance qui nous stupéfia (…) Si le Celtic l’avait voulu, il eût pu doubler le score obtenu » (24 mai 1921). Le Celtic tarde à s’organiser, ce qui semble confirmer d’abord les espoirs nordistes : « le début nous donne quelque espoir » ; « le nord peut faire illusion ». Mais la machine écossaise se met en marche : le Celtic marque à la 24e par Gallagher, d’une frappe à 20 mètres ; dans la foulée, l’ailier gauche Pratt marque un but « à la Dubly », le joueur roubaisien d’en face, qui a marqué le but vainqueur des Français contre l’Angleterre 15 jours avant. Cela ne nous renseigne pas sur ce qu’est un but « à la Dubly », mais bon, ça fait une info. Juste avant la pause, les Nordistes pointent le nez mais le gardien, Shaw, « pare de justesse : la balle lui échappe des mains et passe le long de la ligne de but, mais sans la franchir (…) C’est la seule fois où nous avons frisé le but ». À la pause, les Nordistes sont menés 0-2.
Le suspense, s’il y en avait un, disparaît dès la 49e minute : Gallagher, à 18 mètres, fait 0-3. Le Celtic déroule et McInally marque les deux derniers buts de Glasgow ; sur le 5e, « il feinte, passe Parsys et pénètre tout doucement dans les filets en compagnie de la sphère de cuir ».
C’est implacable : « les Lions sont domptés ». L’Echo du Nord souligne notamment les performances de Gallagher et de McStay, mais salue aussi la « tenue somme toute très satisfaisante des Nordistes eu égard à la virtuosité des professionnels qui leur faisaient face ». Finalement, « à chacun son métier » conclut le quotidien, impressionné par l’avance d’un football écossais qu’il attribue à son professionnalisme.
« L’Entente Nordiste » en attendant la « Ligue du Nord »
Dans l’entre-deux-guerres, de nombreuses évolutions marquent le déclin de l’équipe des Lions des Flandres, qui disparaît progressivement dans les années 1920. Les confrontations nationales se développent dans un championnat enfin unifié ; elles s’équilibrent, gagnent en intérêt et se professionnalisent à partir de 1932 ; les affrontements interrégionaux, désormais effectifs dans un « vrai » championnat national, n’ont plus le prestige d’antan. Mais la Ligue du Nord fait perdurer l’existence d’une sélection nordiste, qui prend ses contours définitifs au milieu des années 1930 sous le nom de… « Ligue du Nord », qui rassemble les meilleurs footballeurs nordistes (comprendre : meilleurs nordistes – Français – qui jouent dans des clubs nordistes). Entre la fin des « Lions de Flandres » et l’avènement de la « Ligue du Nord » apparaît une sélection baptisée « entente nordiste » ou « entente professionnelle », sélection de footballeurs jouant dans le Nord, mais pas basée sur la nationalité.
En 1934, alors que l’équipe de la Ligue du Nord commence à multiplier les matches, apparaît donc une « entente nordiste » qui, le 27 mai, s’apprête à affronter le Celtic Glasgow, de retour dans le Nord de la France après son passage en 1921.
L’OL absent
Pour ce premier match, « l’Entente nordiste » est composée de joueurs du RC Roubaix, de l’Excelsior Roubaix, et du SC Fives. Mais pas de l’OL qui, ayant placé un match amical à Valenciennes dans le même temps, n’a pas souhaité envoyer de représentants. Cela illustre le prestige moindre de cette équipe par rapport aux « Lions de Flandres », pour qui il eût été inconcevable de refuser une sélection.
Voici la sélection :
Encontre (Racing Club de Roubaix), Cernicky (Sporting Club de Fives), Boatman (RCR), Cottenier (RCR), Eastman (SCF),Kalmar (Excelsior Athlétic Club), Liberati (SCF), Cheuva (SCF), Vancaneghem (EAC), Hiltl (EAC), Buge (EAC), Gianelloni (EAC), Payne (EAC), Tison (RCR), Sartorius (RCR).
Dès lors, ce sont les représentants des clubs nordistes en question qui accueillent la délégation écossaise en gare de Calais le 25 mai : on trouve par exemple M. Chas Boulton, président de l’Entente nordiste du Groupement spécial ; M. Henno, président du SCF, MM. Lemaire et Geillon, vice-présidents du SCF ; M. Dubar, vice président des Amis du Sporting ; ou M. Isbecque du RCR. Ils accueillent notamment M. Flemming, président de la Fédération écossaise de football ; M. Graham, secrétaire de la fédération ; le colonel Shadnessay, ex-président du Celtic ; M. White, président du Celtic ; et donc l’équipe du Celtic : la presse nordiste souligne que le Celtic compte 6 internationaux, parmi lesquels John Divers, le « joueur le plus en vue actuellement, considéré comme la grande révélation de la saison ». Tout ce petit monde arrive à 18h39 en gare de Saint-André lez-Lille, avant que des voitures particulières et des autocars ne les emmènent au grand café Bellevue où « M. Flemming remercia de l’accueil chaleureux qui était réservé et souligna que ses joueurs étaient heureux de venir à Lille faire une exhibition de propagande ».
La revanche des « Nordistes »
Le match a lieu sur le terrain du SCF, au stade Virnot. En lever de rideau a lieu une rencontre « de sous-minimes » entre d’un côté des jeunes (14 ans) de l’Iris et de Fives, et de l’autre de l’Excelsior et du Racing. Notons que parmi les jeunes du SCF, on trouve un certain Walter De Cecco. Entre les deux matches, « la grande société « les Ecossais de l’Escaut » de Tournai, se produira et fera entendre les meilleurs morceaux de son répertoire ».
Voici les équipes alignées :
ça démarre très fort puisque dès la 10e minute,Van Caeneghem, blessé, est contraint de sortir, ce qui entraîne une incompréhension : le Nord est à 10 et, pendant près de 20 minutes, le public proteste constatant qu’aucun changement n’est effectué. Oui mais voilà : « la fédération écossaise n’autorise pas le remplacement d’un homme blessé. C’est ce que tente d’annoncer un crieur public dont la voix est couverte par les clameurs d’une foule qui n’est pas précisément fascinée par le spectacle qui lui est offert ». Malgré leur infériorité numérique, les Nordistes ouvrent la marque par Hiltl qui, « d’un shoot splendide » à 15 mètres après une combinaison Liberati/Cheuva, bat Shevelin. Suite à ce but, Tison entre du côté nordiste, le manager du Celtic ayant donné son accord pour un remplacement. La mi-temps est sifflée sur ce score de 1-0. Durant l’entracte, nos amis tournaisiens, en kilt, sont rejoints par la « grande fanfare de Fives » dans une chaude ambiance : « les minutes de repos nous semblèrent ridiculement courtes » souligne Le Grand Echo.
Dès la reprise, un corner de Cheuva est repris par Kalmar (2-0, 51e) : « la supériorité du football anglais est menacée. En y réfléchissant bien, cependant, le football britannique n’est pas si mal représenté dans la sélection des pros du Nord… ». Alors que l’on croit la sélection du Nord se diriger vers un facile succès, le Celtic revient (McDonald, 71e), puis égalise (Donel, 73e). Les Écossais poussent mais Encontre sauve son camp « avec un sang-froid que les plus téméraires hésiteraient à qualifier de chance ». Finalement, Liberati (79e, 89e) assure le succès à « l’Entente professionnelle ».
Une belle fête
Ce match permet à l’Echo du Nord de s’attarder sur quelques considérations tactiques du football écossais : « le Celtic emploie à la perfection la méthode en « W » qui a de chauds partisans et aussi d’innombrables adversaires. Il semble que les Ecossais poussent très loin, trop loin même, le retrait des Inters, ce qui a pour conséquence d’isoler le centre-avant, dont le pouvoir d’attaque se trouve fortement diminué (les inters, à notre avis, ne comprennent bien leur rôle que s’ils soutiennent constamment le centre-avant, d’assez près, au point de pouvoir permuter rapidement, avec lui, quand les circonstances s’y prêtent (…) Au Celtic, le retrait accentué des Inters confine les demis à un rôle assez passif ». Du côté du Nord, on souligne notamment la belle prestation du gardien Encontre, qui a débuté le match par « 5 ou 6 arrêts du meilleur aloi. Par la suite, il se comporta toujours très bien et ce sont ses deux arrières – Pagne surtout – qui doivent être tenus pour responsables des deux buts qui furent marqués contre lui ».
Après le match, comme il se doit, tout le monde est allé boire un coup, et apparemment ça n’a pas été triste. Le Grand Echo indique que, au café Bellevue, « les francs et joyeux gaillards des Highlands ont fêté le sport-roi (…) le premier toast, lancé par M. Flemming, président de la fédération écosssaise, fut porté à la santé du président Lebrun ; tout aussitôt l’on but au roi d’Angleterrre. Et alternativement, dès le dessert, on célébra dans les deux camps l’amitié franco-anglaise, tant en français qu’en anglais (…) M. Levy, adjoint au maire, représentant la ville, fit, entre le rumsteack et le poulet, un éloge sensible des visiteurs qui leur fut traduit et provoqua de joyeuses réactions chez les Johnie, Jimmie and all others de l’assistance (…) M. J-K Dible, consul d’Angleterre, conta avec humour de délicieuses histoires écossaises (…) puis ce furent les chansons, les vieilles mélodies écossaises, et les refrains modernes furent repris en choeur par de vigoureux jeunes gens qui pratiquent le fair-play aussi bien à table que sur les terrains de jeu ».
Le football du Nord aux Nordistes
La victoire du Nord permet au quotidien régional de souligner les progrès du football nordiste, même si un doute subsiste sur ce que désigne « football nordiste » : faut-il considérer comme tel le football pratiqué dans le Nord, ou le football pratiqué par les Nordistes ? Et pourquoi ceux-ci ne seraient-ils pas les mêmes que ceux-là ? En intégrant des étrangers évoluant à Roubaix et à Fives, c’est comme si cette « Entente » ne permettait pas d’évaluer pleinement la valeur d’un football qu’on souhaiterait pratiqué par des Nordistes : « l’écart entre les meilleurs professionnels du Continent et les nôtres a sensiblement diminué. Il est même comblé lorsque nous incorporons dans une sélection dite régionale cinquante pour cent d’étrangers de très grande classe ». Le quotidien est encore plus clair quand il conclut : « terminons par des regrets : il n’y avait que 5 joueurs français dans l’équipe de l’Entente ». C’est précisément l’équipe de la Ligue du Nord qui, renouant avec la tradition des « Lions de Flandres » (exception faite du Belge Alphonse Six avant-guerre), s’emploiera à limiter les sélections d’étrangers, tout en s’ouvrant à d’autres clubs que ceux de la métropole lilloise (arrivent ainsi des Lensois, Valenciennois, et Raismois). Et, dès 1935, cette sélection affronte à Lille une autre équipe de Glasgow. Nous y reviendrons très prochainement.
Posté le 26 octobre 2020 - par dbclosc
Le LOSC s’arroCHe la victoire
Retour à Lille de l’Étoile Sportive Ornaysienne Football (ESOF), « La Roche » pour faire simple : voilà qui rappelle des souvenirs ! Rappelons-nous qu’en 2017, la montée avait été acquise suite à un quiproquo qui avait conduit à faire rejouer le match au sommet entre le LOSC et l’ESOF, qui se disputaient la première place. Le LOSC, d’abord vainqueur 5-1, avait dans un second temps battu son adversaire 3-1. Rachel Saïdi qui était n°10 de cette équipe, Maud Coutereels (qui est en sélection) et Silke Demeyere sont les trois seules « survivantes » de ces confrontations, qui ont été les premières dont on a fait des comptes-rendus (ici et là). C’est en quelque sorte grâce à cet infâme complot de La Roche que les filles du LOSC ont pleinement intégré la philosophie de notre blog. Que d’émotions.
Ce match aurait dû se jouer il y a 3 semaines, mais l’épidémie (en avez-vous entendu parler ?) a contraint à le décaler. Le LOSC tourne bien depuis le début de saison – seulement 2 points de perdus -, même si les premières périodes sont poussives. La Roche est au milieu de tableau, 6e (3 victoires, 2 défaites) et reste sur une victoire contre Strasbourg (2-1) qui a laissé des traces, avec deux blessées : Milica Stetic et Charlotte Faity. Tant pis pour elles, tant mieux pour nous ! Côté lillois, il faut composer avec les sélections (Coutereels et Polito).
La semaine dernière, la laborieuse victoire contre Brest n’a probablement pas apporté entière satisfaction au staff, qui a apporté quelques changements. Marty et Pierel sont sont sur le banc et, de façon plus surprenante, Elisor, qui vient d’être désignée à juste titre « joueuse du mois », aussi. Devant, on a donc Azzaro, et Mouchon est décalée sur le côté droit ; Bamenga est reconduite au milieu ; derrière, Devlech’ est associée à Lambert en défense centrale, et Fremaux est arrière droite. Pour le reste (Launay, Ollivier, Demeyere, Paprzycki, Boucly), pas de surprise.
Une fois n’est pas costume, on va donner la compo de l’adversaire :
Il y a beaucoup de vent, qui souffle de gauche à droite quand on regarde depuis la tribune. Le match est à huis-clos et, outre ce contexte déjà particulier, une décision préfectorale de l’après-midi a rendu les conditions encore plus drastiques : il n’y a pas de vestiaires. Les filles arrivent donc déjà habillées, et s’aménagent un petit espace en tribune pour échanger et se chausser. Quelle triste ambiance !
Une minute de silence est observée avant le coup d’envoi, probablement en mémoire du professeur assassiné. Alors je sais bien que ce n’est pas le moment de rigoler, mais la minute de silence n’avait peut-être pas à être officialisée. En tout cas, c’est la minute de silence la mieux respectée de l’histoire !
Sur ce, c’est parti !
3e Coup-franc de Bamenga à 25 mètres, côté gauche : alors qu’on s’attend à un ballon dans la surface, c’est joué finement vers Ollivier sur le côté, mais défense dégage.
5e Mouchon déborde côté droit et centre vers Azzaro, contrée à l’entrée de la surface.
6e Anaïs Lambert est contrée dans un dégagement, mais elle se rattrape bien : tant mieux, car il ne fallait pas se louper
8e Fremaux sert Mouchon, qui déborde encore à droite, assez facilement. Son centre aux 6 mètres trouve Azzaro, qui n’a plus qu’à pousser le ballon dans le but : 1-0 pour le LOSC !
8e Récupération haute des Lilloises : Boucly passe une adversaire et centre vers Bamenga au second poteau, pas loin de pouvoir reprendre, mais elle l’arbitre siffle une faute aérienne de celle qui fait 30 centimètres de moins que son adversaire.
9e Très mauvaise relance de Borde, l’arrière gauche, dans l’axe. Azzaro récupère à 30 mètres et frappe du gauche, voyant la gardienne avancée : ça ne passe pas loin de la lucarne !
11e Boucly lance Mouchon à gauche, qui tente un intérieur pied droit dans la surface, sur la gardienne (ci-dessous)
13e Devlech’ transmet à Bamega, qui trouve Paprzycki : frappe sur la gardienne.
15e Paprzycki met une balle en corner mais l’arbitre donne 6 mètres. Merci !
17e centre de Volard, bonne intervention de Devlech’
Dans la continuité, Mouchon déborde (encore) et centre vers Azzaro au point de pénalty, mais elle manque son contrôle.
19e Aurore Paprzycki au sol ! Attentat ! Carton ! Bon ça va, elle se relève.
22e Touche de Fremaux vers Mouchon, qui décidément passe très facilement. Elle centre vers Boucly qui remise Bamenga, dont la frappe avec rebond est arrêtée par la gardienne.
23e Bamenga est taclée, corner. Celui-ci est frappé par Paprzycki et est dégagé. Maïté Boucly reprend mais écrase sa frappe qui passe très largement à côté.
26e « Faute » de Silke Demeyere. On met des guillemets car, d’une part, Silke Demeyere ne fait jamais de faute et, d’autre part, vraiment, il n’y a pas faute. Cela donne un coup-franc à 35 mètres pour la Roche. C’est frappé directement : Launay crie « c’est bon ! », mais en fait ce n’est pas bon du tout. Poussé par le vent, le ballon accélère en fin de trajectoire et termine sur la barre. Le Moing, qui peut le plus, est la première à la retombée et égalise : 1-1. Eh ben c’est pas mérité du tout.
28e Allez on repart ! Bamenga trouve Mouchon qui centre aux 6 mètres : Azzaro est à deux doigts de pouvoir reprendre !
34e Ça fait 2 fois que les joueuses de La Roche mettent 3 heures à faire leur touche.
35e Il y a de plus en plus de rafales de vent. Et tout le monde sait que quand il y a des rafales de vent, il faut joueur derrière.
Avec le vent défavorable, Paprzycki tente un coup-franc direct, mais c’est évidemment fort freiné et ça ne profite pas aux Lilloises.
38e Beau travail de Frémaux côté droit, qui déborde et dribble deux joueuses ; on se demande si elle va foncer comme ça tête baissée jusqu’au but, mais finalement elle trouve très opportunément Bamenga en retrait qui, dans l’arc-de-cercle, contrôle et place un intérieur du pied droit légèrement dévié qui trompe la gardienne : 2-1 pour le LOSC !
39e Coup-franc de Demeyere : au-dessus. Mais franchement, c’était magnifiquement frappé.
41e Azzaro > Bamenga > Paprzycki > puis Boucly dans la surface. Elle tente un dribble mais est accrochée juste avant de ressortir de la surface : pénalty ! L’arbitre, prise d’un doute, donne dans un second temps coup-franc. Et là, franchement, les Lilloises sont trop gentilles : elles se placent comme s’il y avait effectivement coup-franc. Finalement, après consultation de l’assistant, l’arbitre donne bien un pénalty. Du plat du pied, Noémie Mouchon fait 3-1 !
45e Bamenga récupère un ballon, sert Boucly qui tente une percée, mais elle est contrée ; Bamenga récupère encore, sert Boucly qui centre, c’est dégagé.
45+1 Grosse faute de Bamenga, franchement en retard : alors qu’on se demande si ce sera jaune ou rouge, l’arbitre ne met pas de carton. Bon, d’accord, on a dû mal voir.
Mi-temps sur ce score de 3-1. Il semble qu’il y ait un gros écart entre les deux équipes. Les lilloises combinent bien au milieu et se trouvent facilement devant, avec une Noémie Mouchon qui pèse énormément sur son côté droit et une Azzaro bien placée au centre. Naomi Bamenga est bien plus en vue que contre Brest, et elle est même buteuse. Du côté de La Roche, on a marqué par accident avec une frappe accélérée par le vent suite à une faute qui n’existait pas. Et il fallait bien ça car c’est fort peu imaginatif offensivement. La défense centrale Lambert/Devlech’ assure. On se dit que si le LOSC joue le jeu, ça peut dérouler assez facilement en seconde période.
19h25 C’est reparti Paprzycki !
47e Très joli coup d’épaule d’Aurore Paprzicki dans la tronche de Charline Volard, qui n’a pas l’air au mieux. Bien entendu, c’est totalement involontaire.
50e Pour l’ESOF, sortie de Cheneau, entrée de Segretain
53e Fremaux récupère un ballon en position offensive et sert Mouchon avec un peu de chance, car aussi bien Noémie que sa garde du corps sont d’abord parties dans une direction opposée au ballon, mais Mouchon est la plus puissante et tente un lob à une quinzaine de mètres : sur la barre !
54e Très beau ballon de Devlech’ vers Mouchon, lancée côté droit. Elle déborde puis trouve Paprzycki dans l’axe, qui repart vers le côté et centre : la défense dégage difficilement de la tête en corner.
55e Le corner est tiré par Paprzycki et trouve Fremaux, seule à 8 mètres, qui reprend de volée du gauche : 4-1 !Deuxième but de la saison pour Eva.
60e Launay relance à la main vers Mouchon, encore dans son camp. Elle contrôle et lance Azzaro, seule face à la gardienne. Son plat du pied gauche trompe tranquillement la gardienne adverse : 5-1 pour le LOSC et un jeu d’une grande simplicité !
61e Eva Fremaux perd le ballon et laisse filer une adversaire . Elle la reprend fautivement à une trentaine de mètres : elle prend un carton jaune et quelques reproches de Rachel Saïdi, qui semble lui dire qu’à 5-1 et encore relativement loin du but, elle pouvait laisser filer. Le coup-franc est tiré par Muller, sans souci pour Launay.
64eBelle action à gauche avec Agathe Ollivier qui se défait des adversaires, puis Azzaro tente quelque chose dans la surface mais elle est bloquée. Elle sert en retrait Maïté Boucly qui frappe de 25 mètres, pas de problème pour Lacoste.
Sorties de Lorena Azzaro et de Maiïté Boucly, entrée de Chloé Pierel et de Salomé Elisor. Il semble qu’on passe avec deux attaquantes de pointe (Mouchon et Pierel) soutenues par Elisor.
66e Les Lilloises ont posé le pied sur le ballon, à la demande de leur coach. Il leur est manifestement demandé de surtout chercher à garder la possession et de construire.
68e ESOF : sortie de Eliceche, entrée de Fikri.
70e ça combine bien à gauche avec Bamenga et Mouchon, puis Elisor frappe, sur la gardienne.
73e Bon, c’est nettement moins emballant depuis quelques minutes.
74e Sortie de Devlech’, entrée Marty. SILKE DEMEYERE DEVIENT CAPITAINE.
Il semble qu’on reste à 3 derrière, avec Lambert comme seule arrière centrale.
78e ESOF : sortie de la buteuse Le Moing, entrée de Paillat.
80e Fremaux se rattrape bien après avoir perdu un ballon dans l’axe.
ça joue vraiment « cool » et on a davantage l’impression d’assister à un entraînement au cours duquel les joueuses testent des choses. Dans l’ensemble, le LOSC a reculé, ne montre plus grand chose offensivement et laisse davantage d’espaces derrière. Mais bon, à 5-1…
83e Muller est bien seule, mais frappe au-dessus.
84e Ouverture vers Muller qui, de la tribune, nous semble hors-jeu. Elle trompe Launay et on attend que l’arbitre lève son drapeau, mais il n’en est rien. Ça fait donc 5-2, et bravo à Laura Muller, très en vue en cette fin de match. Bien sûr, on n’aurait jamais écrit cette phrase et fait preuve de tant de sportivité si on ne menait pas largement.
87e Ouverture vers Noémie Mouchon qui tente un extérieur du pied que la gardienne détourne en corner.
90 +1 Fikri s’introduit un peu facilement dans la surface lilloise, puis elle frappe à côté.
C’est terminé sur cette victoire du LOSC 5-2. Difficile de savoir s’il y avait en face la plus faible opposition qu’on ait vu depuis le début de saison ou si la réaction attendue après la prestation moyenne contre Brest a piqué les joueuses, mais on a vu une très belle partie et du jeu pendant 65 minutes, donnant l’impression que le match était facile. Par la suite, ce score nettement favorable a certainement poussé Rachel Saïdi à tenter quelques innovations. Sur le terrain, cela s’est traduit par une importante possession de balle et la volonté de prendre le temps, mais en étant nettement moins dangereuses offensivement. Derrière, les jeunes défenseures ont été nettement plus exposées aux attaques vendéennes, mais on peut là aussi penser que c’était volontaire. On a l’impression que le match s’est arrêté à la 65e, mais c’est un luxe de pouvoir se permettre de gérer le match de la sorte. La Roche marque deux buts litigieux, et là aussi il nous semble qu’il ne faut pas hésiter à rouspéter.
Voilà 3 points supplémentaires qui placent les Lilloises à 2 points des deux premières (Orléans et Nantes) avec un match en moins. Elles peuvent donc exulter et pousser leur cri de guerre sous le nez de leurs adversaires, qui changent leurs chaussures en tribunes avant de repartir dans la foulée, encore habillées, dans leur bus. Les joueuses du LOSC repartent aussi immédiatement avec leur maillot sur le dos.
Prochain match ce samedi 31 à Lens ! Les filles, on compte sur vous pour réitérer la performance de l’an dernier !
Les résumés des matches précédents :
Lille/Orléans : Le LOSC réussit sa rentrée Lille/Nancy : Le LOSC a l’audace et La lorraine Lille/Brest : Le LOSC reprend sa marche en avant
Posté le 24 octobre 2020 - par dbclosc
À quoi reconnaît-on un « beau but » du LOSC ?
Durant la période de confinement, le LOSC, via ses réseaux sociaux, a demandé à ses supporters et supportrices d’élire, parmi une sélection, « le but du siècle » en championnat. Au fil d’étapes de style « confrontations à élimination directe », les électeurs et électrices ont ainsi, depuis les 16e de finale jusqu’à l’ultime confrontation, désigné le but vainqueur.
Mais au fait, ça veut dire quoi « le but lillois » ? C’est étonnant de constater qu’alors qu’aucun adjectif ou superlatif ne permet de préciser quel type de but on cherche et donc sur quels critères on vote, le scrutin semble avoir mobilisé pas mal de monde. Alors, le but le plus con ? Le plus moche ? Le plus important ? Le plus gélatineux (ce qui ne veut rien dire) ?
Bon, ne faisons pas les idiots plus longtemps : on a compris qu’on cherchait probablement « le plus beau but ». Avec cet implicite, à la surprise générale (non), ce référendum a permis au but d’Eden Hazard marqué à Marseille en 2011 de réunir en finale (contre lui-même, avec un but qu’il marqué à Saint-Etienne) le plus grand nombre de suffrages et d’être ainsi désigné « but lillois du XXIe siècle » à une majorité quasi-chiraquienne d’un peu plus de 80%.
Extrait LOSCTV
Un résultat assez prévisible donc, tant ce but convoque un souvenir évident et immédiat : une frappe lointaine, puissante, et en pleine lucarne, ce qui offre au moins 3 critères permettant d’objectiver ce que désigne un « beau but ».
De la diversité d’appréciation du « beau »
Mais on l’aura compris : une fois qu’on a déterminé qu’on cherchait un « beau but », il n’est pas certain que toutes et tous s’entendent sur le but à désigner, parce que la « beauté » est subjective, même (surtout) en football. Selon les goûts, un seul des trois critères précédemment évoqués pourrait très bien suffire, ou alors ces mêmes critères cumulés pourraient ne pas être suffisants pour faire un « beau but ». Il existe donc une grande diversité de critères qui permettent de qualifier un but de « beau » et, d’ailleurs, sur Twitter, le LOSC l’illustrait en proposant des critères d’appréciation différents à chaque confrontation. Par exemple, sur le quart de finale entre Sofiane Boufal (à Toulouse, décembre 2015) et Joe Cole (contre Lorient, septembre 2011), le compte du LOSC orientait la lecture des internautes entre d’un côté « la praline » de Soso, et de l’autre « la trajectoire parfaite » du tir de l’Anglais ; de même, sur la « demi-finale » opposant Eden Hazard (à Saint-Etienne, août 2011) à Luiz Araujo (à Nice, octobre 2019), on propose d’un côté un « numéro de soliste », de l’autre « la finesse », etc.
Tweet du compte du LOSC, capture d’écran
Alors, un but est-il d’autant plus « beau » qu’il est le résultat d’une action personnelle ou collective, qu’il résulte d’une frappe puissante et lointaine ou d’un habile et astucieux lob, qu’il est marqué d’une aile de pigeon ou d’un retourné ? On ne tranchera évidemment pas ce débat sans fin, qui mobilise tant de paramètres que, précisément, il n’est pas certains que toute voix s’appuie sur les mêmes références. Le principe même de l’exercice pourrait être contesté tant il semble reposer sur un postulat qui, à l’évidence, ne peut être rempli : c’est celui selon lequel tous les votant.es auraient une égale connaissance de l’offre proposée. Nous reviendrons plus bas sur ce postulat qui nécessite de la prudence quant à la lecture des résultats, mais après tout il est commun à tout type d’élection ou de consultation référendaire.
Bien entendu, on aura aussi compris qu’au-delà, solliciter ainsi ses followers par ce prétexte a probablement pour objectifs essentiels de se rappeler des souvenirs, discuter, et entretenir une activité « virtuelle » coûte que coûte – surtout dans une période dépourvue d’actualité « chaude » – puisque tels sont les attendus (surtout le dernier) des réseaux sociaux.
On peut juste s’amuser de trouver dans la sélection des buts celui que Mathieu Debuchy a marqué à Nancy en décembre 2006 d’un coup-franc lointain, profitant d’une montée générale de la défense adverse jouant le hors-jeu, qui a conduit le gardien lorrain à oublier d’essayer d’attraper la balle : de notre côté, on peut trouver cette réalisation en 3e position de notre top buts… « à la con », qu’on avait effectué en août 2016 ! Évidemment, la frontière entre un « beau but » et un but « à la con » est rarement aussi poreuse (on avait d’ailleurs écrit « un joli but, mais tout de même un sacré coup de bol »), mais ce cas-limite illustre toute la relativité et la subjectivité du regard qu’on porte sur une même action.
Eden Hazard introduit lui-même une partie du débat
Étant donné les infinies possibilités qu’un but soit « beau », la large victoire d’Eden Hazard peut interpeller. Face à l’incertitude de la définition d’un « beau » but, n’est-il pas remarquable d’être à ce point consensuel (pour rappel, 80%) ? Cet exercice met alors en exergue cette question : y a-t-il des buts qui, indépendamment des aspects purement techniques de réalisation du geste, ont davantage vocation à être « beaux », ou en tout cas à être qualifiés comme tels ? Dans l’extrait vidéo publié plus haut, on entend Eden Hazard, répondant probablement à la question de savoir en quoi son but est beau : « c’est le plus beau parce que c’est ici, c’est dans un grand stade… En plus, pied gauche ! ». Difficile de savoir si la réponse du Belge à la question est intégrale mais, loin de s’attarder sur la beauté de son geste, il met d’emblée en avant une raison qui n’a rien à voir (« c’est ici, c’est dans un grand stade »), tandis que le deuxième argument (« pied gauche ») renvoie à une caractéristique personnelle (Hazard est droitier) qui laisse penser que le même but marqué par un gaucher ne le rendrait pas aussi « beau », ce qui vient là aussi relativiser l’idée qu’un but aurait une beauté intrinsèque. En traduisant davantage le propos d’Eden, on peut même probablement comprendre que si le but est d’autant plus beau « ici », c’est parce que ce « ici » renvoie au stade Vélodrome, et qu’il s’agit du stade du champion de France en titre, alors 3e, 1 point derrière le leader lillois. Ce serait donc d’autant plus « beau » de marquer ici que ce but (qui contribue à la victoire ce soir-là) signifie que le LOSC frappe un grand coup et est plus que jamais un candidat sérieux pour le titre national.
On pourrait comprendre de ce propos que, curieusement, parler du but n’a pas d’importance pour qualifier sa beauté. De façon plus circonstanciée, on peut considérer que parler du but n’est pas suffisant pour qualifier sa beauté. Et si, alors, la « beauté » d’un but était l’addition d’un ensemble de paramètres plus ou moins objectifs ? Et comment interpréter l’octroi du qualificatif « beau » à un but ? Bref, de quoi la qualification de « beau but » est-elle le révélateur ?
Quelque(s) chose(s) en plus
Quand on retourne sur les échanges Twitter autour de cette consultation, il est assez frappant qu’à chaque étape de ce référendum, les internautes, pour justifier leur choix, se sont finalement assez peu attardés sur les buts en eux-mêmes. Tout se passe comme s’il y avait un consensus sur le caractère « beau » de chaque but mais, précisément en raison de la subjectivité du « beau », les votant.es ne cherchent pas tant à argumenter sur ce point qu’à trouver aux buts pour lesquels ils/elles votent une saveur particulière qui se situe à côté de toute considération technique ou de la seule « beauté du geste ». Très vite, on sent le besoin de justifier son choix par le fait que ce but a quelque(s) choses(s) en plus. Pour caricaturer les choses, on pourrait dire que les internautes parlent de beaucoup de choses… sauf du but en lui-même ! Et voici une liste à peu près exhaustive des arguments qui ont justifié la « beauté » du but de Hazard :
- Bien évidemment, la qualité du geste : frappe limpide, lointaine, puissante. On l’a déjà évoqué et, encore une fois, ce critère est rapidement évacué.
- Le moment du match dans l’histoire du LOSC : ça tourne bien à Lille depuis quelques années, et l’arrivée de Garcia en 2008 a amené un football offensif et séduisant. Bref, la sauce monte depuis quelques mois, on prend du plaisir et on se prend même à rêver. C’est en lien avec le point suivant : la bonne santé du LOSC augmente la probabilité d’avoir des « matches importants ».
- L’importance du match (qui inclut la qualité de l’adversaire et le moment de la saison durant lequel tombe ce match), on l’a aussi déjà brièvement évoqué : le LOSC est – déjà – leader et se déplace à Marseille, champion en titre, et juste derrière au classement. Il est fort probable que ce match, dont on parle pendant des jours avant, constitue un moment-clé de la saison. Une victoire de Lille, non seulement permettrait de distancer Marseiile, mais marquerait indéniablement les esprits. Si le LOSC est capable de remporter ce match au coeurt de la saison (26e journée) alors que s’amorce son dernier tiers (soit le sprint final), c’est bien qu’il a l’étoffe d’un champion.
- En lien avec ce qui précède, ce « match au sommet » a conduit Canal + à le diffuser un dimanche à 21h, ce qui renforce sa dimension événementielle : en décalant le match, Canal + officialise « l’importance » du LOSC. Par la suite, le commentaire de Grégoire Margotton sur le but a été tellement marquant (« même lui n’en revient pas ») que, 9 ans après, certains internautes l’ont transcrit en évoquant ce but. Un « second poteau Pavaaaaard » limité à la communauté des Lillois en quelque sorte.
- Toujours en lien avec ce qui précède : le lieu du match. Eden Hazard le souligne lui-même et on peut l’interpréter comme ça : le silence que vous parvenez à créer dans un stade comme le Vélodrome n’a pas la même valeur que celui que vous créez à Monaco. En clair : parvenir à susciter un silence incrédule dans un stade plein est remarquable.
D’où cette question : le même but dans un stade vide aurait-il été perçu comme aussi beau ? - L’identité du buteur : Eden Hazard est bien entendu le joueur le plus doué de l’équipe, en plus de véhiculer une image de garçon sympathique. Belge, formé à Lille, les pieds sur terre : il a tout pour plaire et ce but propose la configuration idéale dans laquelle le joueur-phare brille dans le match-phare, tel un Zidane dans un France/Brésil en 1998.
- La qualité du gardien adverse : Steve Mandanda, n°2 de l’équipe de France, qu’on ne peut pas soupçonner de faiblesse sur cette frappe, alors qu’on peut imaginer qu’un doute aurait subsisté si ça avait été un gardien de 5e division dans un match de coupe… Si même Mandanda ne parvient pas à détourner ce ballon, c’est bien que ce tir était inarrêtable car parfaitement exécuté. L’identité du gardien adverse contribue donc à renforcer le prestige du but.
- Les conséquences du but : 3 points pour le LOSC, 0 pour Marseille, et un écart qui passe à 4 points entre les deux équipes. Même si Lille est talonné par Rennes et Lyon (et que Marseille parviendra tout de même à repasser devant au soir de la 32e journée), Lille a crédibilisé sa première place.
- Le scénario du match. Si Lille s’impose 2-1 ce soir-là, rappelons-nous à quel point, jusqu’au but tardif de Frau, nous avions été frustrés : en première période Sow et Gervinho manquent 2 immenses occasions qui auraient pu « tuer le match », tandis que le jeune arbitre, novice à ce niveau (il y avait eu une grève des arbitres), n’avait probablement pas osé expulser Ayew après une semelle sur Béria. Dès lors, qu’un tel but contribue à rétablir une forme de justice est aussi un critère d’importance. Le but aurait-il eu la même saveur s’il avait permis de n’apporter qu’un point… ?
- Le moment du match (?) : le but arrive de façon assez précoce (10e minute) après plusieurs minutes assez crispantes où on se demande toujours si son équipe va être à la hauteur de l’enjeu. Passer devant si tôt peut être de nature à rassurer et d’évacuer la tension de la semaine, avant même qu’on ne soit pleinement dans le match. Mais cela est probablement plus adapté au but de Frau qui arrive à un moment encore plus décisif (90e). Bon, il n’y a pas de mauvais moment pour marquer. Mais cet argument du but tardif était le critère choisi par la Revue des deux mondes pour expliquer en quoi le but de Payet contre la Roumanie en 2016 était « d’anthologie » : « si le but de Payet est d’anthologie, et repasse en boucle sur les réseaux sociaux, c’est aussi parce qu’il a un effet libérateur, à une minute du coup de sifflet final. Marquer à cet instant précis, alors qu’on allait droit vers le match nul, c’est sortir d’une situation difficile par le sublime ».
Adhésion au buteur, type, moment, lieu du match, classement de l’équipe, forces en présence, éclairage médiatique… Il est aussi probable que des personnes éloignées du LOSC ont voté : en ce cas, ne peut-on pas penser qu’il y aurait un biais à voter de toute façon pour le joueur le plus connu et le plus doué, celui dont on connaît le mieux le talent, qui bénéficierait ainsi d’une prime à la popularité ? Ces éléments suggèrent que la « beauté » d’un but doit finalement à des éléments qu’il est possible d’identifier avant même que le but ne survienne. C’est en définitive la conclusion à laquelle arrivaient les Cahiers du Foot en réponse à la question « quand peut-on parler d’exploit ? » (ici et là) : « les conditions de l’exploit sont définies avant l’exploit (sauf cas exceptionnel: un score très défavorable en cours de match) alors que, paradoxalement, il est souvent inattendu ou improbable. Un exploit n’est-il pas, finalement, proportionnel à l’espoir qui l’a précédé ? ».
Notre choix et ses raisons
Prenons maintenant l’exemple de notre rédaction à DBC : nous sommes trois. Et quand nous nous sommes demandés quel but du LOSC on élirait comme « le but du LOSC », on se rend compte qu’il est surtout celui qui nous a le plus marqués : non seulement pour sa « beauté », mais aussi pour un certain nombre de facteurs contextuels.
24 avril 2020, extrait exclusif de notre conversation et origine de cet article. Réalisé sans trucage, ne pas reproduire sans l’aide d’un professionnel
Pour deux d’entre nous, le vainqueur est un but marqué par Laurent Peyrelade contre Bordeaux en avril 2001. Un but qui, d’ailleurs, ne figure pas dans la sélection proposée par le LOSC, ce qui souligne là encore toute la subjectivité de la perception (tout comme un autre but qui nous est spontanément venu : Mirallas contre Toulouse en 2008).
Si on reprend en vrac les arguments des deux votants, outre ce coup de tête magistral et lointain qui en fait un but étonnant, on trouve à peu près les mêmes éléments que ceux avancés par les supporters lillois à propos du but marqué par Hazard à Marseille : l’importance du match et son enjeu (1er contre 3e) ; la position du LOSC à ce moment là, avec une équipe sauce Vahid revenue des profondeurs de la D2 et qui n’en finit pas de surprendre ; le fait que même si le LOSC est en tête, ça reste le « petit » contre le « gros » : un promu contre un européen régulier, champion de France 2 ans avant ; avant même que ce match n’ait lieu, on l’attendait pour la présence de Pauleta, un joueur très apprécié ; parce que le match était avancé un vendredi sur Canal + ; parce que ce but correspond au moment où le LOSC est au plus haut cette saison-là au classement : c’est le but du 2-1 qui place Bordeaux à 7 points et nous maintient en tête encore une semaine – mais Bordeaux égalisera ; parce que le match a été superbe ; parce que l’un de nous – presque 11 ans – se rend compte des enjeux autour de ce match ; parce que Lolo Peyrelade ; parce que cela renvoie à des moments de jeunesse qu’on a probablement idéalisés ; et pour une raison toute personnelle relative à la faiblesse du jeu de tête de l’un de nous, malgré une grande taille (« ce coup de tête, c’est vraiment le truc que je me suis jamais senti capable de marquer »)
Pour le troisième d’entre nous, le vainqueur est Rio Mavuba, pour son but à Dijon en 2012.
Extrait LOSCTV
Les raisons ? « 1) parce que Mavuba marque 2) Parce que Hazard et la simplicité de sa passe, ça m’avait marqué », soit une raison liée à l’identité du buteur, et une autre liée au jeu du passeur. Et rien sur le plat du pied de Rio.
Palmieri contre Monaco : le « beau » but pas éligible
Prenons une sorte d’exemple inverse : un but qui, « dans l’absolu », est « beau » mais qui, pourtant, pour diverses raisons extérieures au but en lui-même, ne nous semble pas pouvoir concourir au titre de « but du LOSC ». Il s’agit du but marqué par Julian Palmieri contre Monaco en septembre 2016.
Qui nierait que cette reprise de volée lointaine est parfaitement exécutée ? Certes, on peut toujours s’interroger sur l’opportunité du choix du gardien monégasque pour arrêter le ballon : se mettre à genoux. Mais ce but peut facilement être qualifié de « beau » : il ne figure pourtant même pas dans la sélection proposée par le LOSC. Mettons de côté les arguments sur la subjectivité du « beau », et intéressons-nous à des critères qui « dévalorisent » ce but :
- à ce moment du match, le LOSC est mené 0-4, à la maison. Un but du LOSC, on prend toujours, mais l’heure n’est plus à s’enthousiasmer. On le voit d’ailleurs à la réaction du public (applaudissements de politesse) et du buteur : l’heure est davantage aux excuses pour la prestation collective fournie. Bref, on aimerait que ce match n’ait pas existé.
- Le scénario du match a également eu de quoi bien plomber le moral des supporters et supportrices des Dogues : deux des quatre buts monégasques ont été marqués par d’anciens lillois (Sidibé et Traoré). En somme, ce match rappelle que le LOSC est contraint, pour survivre, de vendre ses meilleurs éléments à des concurrents nationaux qui ont davantage de moyens. Les buts d’ « anciens » sonnent comme un rappel de la relégation relative du LOSC depuis l’époque Garcia ou la 2e place avec Girard.
- Où en est le LOSC à cette époque ? Ça ne va pas fort. Malgré une fin d’exercice 2015/2016 en boulet de canon, le club a été piteusement éliminé de la coupe d’Europe par Qabala durant l’été. Le début de saison est poussif : après 3 journées, Lille est 13e, avec une défaite (à Metz) une victoire (poussive, contre Dijon) et un nul. Une morosité ambiante qui n’aide pas à inscrire ce but dans un contexte festif.
- L’identité du buteur : sans vouloir faire offense à Julian Palmieri, on ne peut pas dire qu’il ait laissé une grande trace au club. En outre, la rumeur publique lui a prêté des relations tendues avec Patrick Collot, dont il devait ignorer qu’il était à peu près intouchable dans le coeur des supporters. Or, quand on se rappelle l’origine du clash présumé (Collot remplace Palmieri lors d’un match de coupe contre une DH car Palmieri, déjà averti, avait un comportement très limite sur le terrain), difficile de donner tort à l’entraîneur lillois.
En résumé, cet exemple vient conforter notre idée que la « beauté » du but n’est pas suffisante en elle-même. En quelque sorte, on peut aussi prévoir qu’un but sera « moche » ou qu’il ne fera pas date avant même qu’il ne soit marqué. Un but que nous marquerait Lens, par exemple, est toujours moche.
Le vote, une histoire collective
Ces éléments accréditent la thèse selon laquelle, contrairement à l’image que l’on se fait d’un vote (supposément produit d’un choix individuel rationnel, symbolisé par l’isoloir, conformément à l’idéologie démocratique du « bon » citoyen qui fait son choix de manière raisonnée et comparée), le vote est plutôt « une expérience de groupe » comme l’ont montré bien des chercheurs en science politique, et cela vaut aussi pour le foot. S’il se matérialise en effet par une voix, cette voix est équivoque, c’est-à-dire que ses motivations sont plurielles. Les électeurs et électrices ne votent pas selon le même degré d’information, selon le même rapport affectif à la question posée. « L’électeur idéal » n’existe pas : on ne peut se délester (complètement) de son ancrage social, de ses déterminismes, de ses affects.. quand on vote.
Dès lors, l’expression du suffrage de l’un.e n’a pas forcément la même signification que l’expression du suffrage de l’autre : une élection est donc le produit d’une rencontre entre une offre (électorale) et une « demande » (quoique..) en tout cas un public, divers, qui lit l’élection à travers les lunettes de ses propres références et préférences (culturelles, personnelles, politiques…) et interprète les messages en fonction de celles-ci. Autrement dit, pour comprendre le sens d’un vote, il est nécessaire de comprendre ce qui l’a motivé : et ce qui l’a motivé est rarement la seule offre, qui peut être interprétée de différentes manières, précisément en fonction des perceptions et du vécu de chacun.e. Comme le résumait de façon un peu caricaturale Michel Rocard, « un référendum, c’est une excitation nationale où on met tout dans le pot. On pose une question, les gens s’en posent d’autres et viennent voter en fonction de raisons qui n’ont plus rien à voir avec la question ».
Appliquée au foot et à l’élection qui nous intéresse, cela signifie que la perception que l’on a d’un but doit beaucoup au subjectif, au-delà de la définition de ce qui est « beau » ou non : notre manière de qualifier la beauté d’un but est éminemment corrélée à notre rapport au club et, davantage que la résultante d’une analyse visant à démontrer de manière absolue la beauté d’un but, elle semble davantage relever du produit de la rencontre entre des éléments objectivables et d’autres plus subjectifs.
À ce titre, un but n’est pas un objet froid sans valeur que l’on ne regarderait que d’un air désintéressé : il dépend de notre « état » de supporter : depuis quand supporte-t-on le club ? De quels éléments de comparaison dispose-t-on pour juger la beauté de ce but par rapport à un précédent ? Est-ce une période où on se sent très impliqué ? Qu’est-ce que ce but a réveillé comme émotions, elles-mêmes produites par des facteurs tellement pluriels, et parfois difficilement étayables ?
Même si l’intégralité des buts proposés par le LOSC pour cette élection étaient accompagnés de vidéos pour les voir, notre rapport à ces buts est différent selon, par exemple, que l’on découvre ce but (pour les plus jeunes) ou qu’on l’ait vécu en direct. À la limite, si l’on cherchait à déterminer la « beauté » d’un but uniquement sur ses qualités techniques, chacun.e serait plus disposé.e à le faire à propos d’un but totalement inconnu, soit surgi du passé, soit surgi d’un championnat étranger que l’on ne suit pas, histoire de ne pas convoquer les affects en tous genres qu’il a suscités sur le moment : comme si la postérité ou l’étrangeté étaient en quelque sorte meilleurs juges de la qualité technique du but.
Cela n’invalide bien sûr pas que le but d’Hazard à Marseille puisse légitimement être « le but du LOSC » du XXIe siècle. Nous souhaitons seulement complexifier la grille de lecture du but et questionner l’opération magique qui consiste à agréger des motivations diverses en une seule signification, pour ne pas occulter une grande part de ce qui fonde notre lien au football : le jeu bien sûr, mais surtout tout ce qu’il y autour, et qui appartient à chacun.
Posté le 20 octobre 2020 - par dbclosc
Le LOSC reprend sa marche en avant
Ce n’était pas le match de l’année mais, indépendamment du jeu, il y a de quoi trouver de sérieux motifs de satisfaction dans cette nouvelle victoire de l’équipe de Rachel Saïdi.
Après un LOSC/Brest, nos fidèles lecteurs et lectrices s’attendent à coup sûr à une blague avec « tonnerre de Brest ». Eh bien non, ce ne sera pas pour cette fois dans la mesure où l’expression « du tonnerre » n’est pas tellement adaptée au match que nous avons vu. Nous attendrons donc une occasion ad hoc pour l’utiliser à bon escient.
Le LOSC a vu ses deux derniers matches reportés (contre La Roche, puis à Strasbourg), l’effectif ayant été touché par le virus. Logiquement, l’équipe n’a donc pas pris de point durant ce temps, pendant que Nantes faisait carton plein, avec 5 victoires en 5 matches, et que Saint-Malo (chez qui Lille a fait 3-3 en concédant un but de dernière minute), Orléans (que le LOSC a battu) et, dans une moindre mesure, Metz, semblent former un wagon de tête qui avance fort rapidement.
Mais bonne nouvelle, avant même ce Lille/Brest : la veille, samedi, le leader Nantes est tombé pour la première fois de la saison à Orléans. Dans un championnat où seul le premier monte et où les pertes de point valent d’autant plus cher, c’est très bon à prendre, et cela vient enfin casser l’effet hégémonique que Nantes dégageait sur cette division. Reste à assurer l’essentiel : prendre les points qu’il faut contre les adversaires présumés plus faibles.
Aujourd’hui donc : la section féminine de Brest, créée en 2012, en D2 depuis 2016, et entraînée par Christophe Forest depuis 2017. Un rapide coup d’oeil à l’effectif ne nous fait rien dire d’intéressant, si ce n’est que la règle « dans un club breton, faut au moins 2 noms qui commencent par « Le » sous peine de disqualification » est parfaitement respectée, grâce à la troisième gardienne, Lauryn Le Guen, et à la défenseure Océane Le Gléau, qui a probablement des parents qui adorent la Bretagne.
Il y a quelques changements dans la composition lilloise, dont on suppose qu’elle a été faite en tenant compte de l’état de forme des unes et des autres après les quelques perturbations covidiennes. Voici comment se présentent les nôtres :
Composition audacieuse de Rachel Saïdi qui, pour mettre toutes les chances de son côté, aligne 8 Demeyere et 6 Paprzycki, pour ratisser au mieux le milieu de terrain. Du côté des « surprises », on note la titularisation d’Anaïs Lambert (arrière droite), de Naomi Bamenga au milieu, et de Chloé Pierel devant. Noémie Mouchon, Eva Fremaux, Chloé Marty et Lorena Azzaro (à qui on souhaite d’ores et déjà un bon anniversaire) sont sur le banc, et Carla Polito et Charlotte Sawaryn (qui nous manque) ne sont pas dans le groupe.
Le match se déroule à huis-clos, sur le terrain municipal de Camphin-en-Pévèle : il est 15h et on démarre !
4e Premier ballon touché par l’équipe de DBC, qui récupère un ballon sorti en dehors des limites du terrain ! Excellente passe à l’arrière gauche, Ipek Kaya, internationale Turque, qui prend même la peine de dire merci. Eh ben de rien, c’est avec grand plaisir. Mais maintenant tu laisses passer Salomé quand elle déborde.
10e Centre De Maïté Boucly de la gauche mais Dubois, qui garde les bois, s’interpose sans difficulté.
13e Elisor concède un corner après avoir queuté son dégagement. C’est tiré de la gauche vers la droite, Launay repousse difficilement, ça cafouille un peu puis Paprzycki prend le ballon et fonce vers le poteau de corner, d’où elle dégage. Dans la foulée, nouveau corner pour Brest mais rien d’intéressant.
15e Deuxième ballon touché sur le côté ! Quel beau dimanche !
16e Très belle passe de Rachel Saïdi depuis son banc, qui permet à une adversaire de faire une touche !
19e Permutation Elisor/Pierel
21e Intervention très musclée de la 21 sur Elisor, qui peine à se relever.
23e Rachel Saïdi demande à ses joueuses de « mettre le réveil ». Pour donner l’exemple, elle effectue une nouvelle passe, cette fois à Agathe Ollivier, qui effectue une touche. Vous aurez compris que si on s’attarde sur des à-côtés, c’est qu’il n’y a pas grand-chose d’autre à raconter.
25e La 17 de Brest est trouvée à droite, dans le dos de la défense, mais elle manque son centre. Elisa Launay prend le ballon.
33e Gros dégagement de Coutereels en plein dans une poitrine adverse.
34e Centre brestois de la droite : la 18 tombe dans la surface au contact de Lambert. On joue.
35e Coup-franc tiré par Elisor. C’est dévié de la tête par Pierel puis c’est dégagé par la défense brestoise.
37e Bamenga lance Boucly côté gauche. La frappe de Maïté, à l’angle de la surface, n’inquiète pas trop Dubois. Mais enfin une frappe !
39e Touche pour Brest, jouée très lentement. Le banc lillois râle sur l’arbitre et il nous semble entendre le mot « trottiner ». La très sympathique Ipek Kaya dit : « elle croient vraiment qu’on joue la montre… ? »
42e Ollivier gagne un duel près du poteau de corner et parvient à envoyer un centre vers Pierel aux 6 mètres. La gardienne est plus prompte.
43e Corner pour Brest : tête de Mery à 8 mètres, heureusement plein axe, et Launay peut capter.
C’est la mi-temps sur ce score de 0-0. Ce n’est pas très emballant sur le terrain : le match est équilibré et surtout très fermé. Du côté lillois on ne compte que 2 demi-occasions, qui sont davantage des situations intéressantes (Boucly 37e, Ollivier 42e) tandis que du côté de Brest, outre la situation dangereuse de la 13e, il y a eu une véritable occasion de but juste avant la pause. L’aspect positif est de concéder peu d’occasions ; le négatif est le manque de solution et d’imagination du côté offensif, et cette impression de ne pas réussir à passer le milieu de terrain proprement tant l’adversaire est compact (et bien organisé). Mais depuis le début de saison, ce LOSC nous a habitués à des premières périodes moyennes avant de se réveiller après la pause. Espérons donc que ce sera mieux en seconde période ! Du côté des joueuses, il semble que l’ont ait un peu de mal à trouver Bamenga au milieu et Pierel devant, très discrètes. Devlech’ est toujours très rassurante.
16h02 C’est reparti Paprzycki !
48e Petite combinaison Coutereels > Elisor > Pierel, et on tente de trouver Bamenga en profondeur. C’est trop long mais c’était bien tenté !
56e Demeyere lance Elisor côté droit. Son centre semble prendre de la vitesse en rebondissant devant la gardienne qui ne peut que repousser au sol. Au second poteau, Boucly récupère et frappe du droit. Une défenseure ne peut qu’accompagner le ballon dans le but ! 1-0 pour le LOSC !
57e Azzaro remplace Pierel.
58e Centre de Petitclerc, qui est Canadienne, dans la surface. Launay repousse bien, même bousculée. Dans la foulée, après une faute de Boucly, on cherche la grande Mery dans la surface, mais tout de même pas assez grande pour reprendre un coup-franc aussi mal tiré.
60e Ben vas-y, défonce Agathe Ollivier dans le dos ! Carton jaune bien mérité pour la 12.
65e Agathe Ollivier, qui a bien du mal à se remettre, est remplacé par Eva Fremaux.
69e Faute sur Lambert et nouveau carton jaune brestois.
74e Récupération de Silke Demeyere ! Puis frappe du gauche de Azzarro à 18 mètres, à côté !
Pour tromper l’ennui, Eva Fremaux fait des « Coucou, qui c’est ? » sur les adversaires
75e Paprzycki trouve Boucly côté gauche, dans la surface, mais Maïté est très bien taclée par la 12, dont on rappelle qu’elle a méchamment égratignée Agathe Ollivier. Prison !
77e Permutation Elisor/Boucly.
80e Eva Fremaux envoie la 11 dans un panneau publicitaire et tente de convaincre l’arbitre qu’elle ne l’a pas fait exprès. Et apparemment ça marche, pas de carton.
Sortie de Elisor et entrée de Marty.
83e Corner pour Brest, dégagé par Bamenga au premier poteau. Nouveau centre, et faute sur Launay. Derrière, la brestoise met au-dessus du but vide.
91e Percée de Lambert, faute et carton jaune pour la 17.
93e C’est terminé sur la victoire du LOSC : « l’important, c’est les 3 points ». C’était un peu mieux en seconde période, avec davantage de duels gagnés par nos deux récupératrices Demeyere/Paprzycki, et une Bamenga plus en vue (et un peu plus en arrière). Il n’y a pas eu de véritable danger brestois après la pause, la défense ayant été très sûre, et devant Elisor est encore décisive. Ce LOSC peut donc gagner :
_dans des circonstances où il faut gérer l’effectif, avec probablement des états de forme divers ;
_sans sa meilleure buteuse ;
_en étant franchement moyen ;
_avec Boucly qui frappe du droit ;
Et tout cela est plutôt bon signe pour la suite, même si on aimerait que ce soit un peu plus pétillant. Mais contre Brest, l’important était de ne pas rester en rade. Le LOSC reste dans le haut de tableau : 4e à 5 points des leaders, mais avec 2 matches de retard. En étant optimistes, on peut même se dire que le LOSC est virtuellement en tête : ce sera effectivement le cas s’il remporte ses deux matches en retard. Le premier d’entre eux aura lieu dès ce samedi, contre La Roche.
Posté le 17 octobre 2020 - par dbclosc
Lens/Lille 1970 : un derby en catimini
En 1969/1970, Lille et Lens, moribonds, évoluent au niveau amateur. Le LOSC clôture sa saison en mai 1970 par un déplacement au stade Bollaert. Il n’y a plus guère d’enjeu pour les Dogues, et à peine plus pour les Lensois. Le fameux derby du Nord a perdu son lustre d’antan et se joue officiellement devant… 906 téméraires, qui assistent à un écrasant succès des Sang & Or (7-0). Un mal pour une salutaire prise de conscience de l’état du LOSC ?
14 mai 1970 : le derby du Nord est bien loin de la ferveur qu’il a jadis suscitée : sur la pelouse du stade Félix Bollaert, 906 spectateurs viennent assister à un match amateur entre… les équipes premières de Lens et de Lille. Dans cette poule de 15 équipes, le LOSC est 10e et finira à cette place, qu’importe l’issue du derby ; les Lensois sont mieux placés et peuvent encore espérer terminer troisièmes, à condition qu’ils battent leur voisin, puis qu’ils l’emportent à Saint-Quentin dans un match en retard. Pour les deux clubs, elle s’est jouée dans un anonymat que notamment le LOSC n’avait pas connu depuis sa création (Le RCL a une création antérieure – 1906 – mais n’a émergé au niveau national que dans les années 1930, là où le LOSC a atteint les sommets dès les premières années suivant sa fondation. Le LOSC est beau, le LOSC est grand).
Si, en début de saison, le LOSC parvenait encore à attirer près de 2 000 spectateurs, les résultats mitigés ont eu raison de la patience d’une large partie du public : quelques jours avant, Lille terminait sa saison à domicile en perdant contre Valenciennes (2-3) devant… 200 personnes à Henri-Jooris. La Voix des Sports ricane : « guère plus de 200 personnes autour du stade Henri-Jooris, et l’on ne dut pas mettre longtemps à compter la recette… C’est donc sans doute sans doute parce qu’on la trouva trop risible que l’on préféra ne pas nous la communiquer. On ne se serait pas arrêté à ce détail si l’on ne nous avait pas envoyé gentiment sur les roses en précisant, assez ironiquement on le devine, que la rencontre n’avait attiré qu’un public de connaisseurs. C’est encore ce que l’on trouva de plus rigolo (…) Les connaisseurs en question ne durent pas s’amuser au cours de ce match qui fut des plus banals » (11 mai 1970). S’il faut être prudent sur la mesure de du public de l’époque, dont on imagine qu’elle est plus lâche qu’à notre époque et qu’elle ne recense que les entrées payantes, nul doute que l’on tient ici les plus faibles affluences de l’histoire des clubs-phares du football nordiste, et que ce match de mai 1970 est le « moins vu » des derbies du Nord, jusqu’à celui d’octobre 2020. Comment le LOSC, deux fois champion de France et 5 fois vainqueur de la coupe depuis la Libération, et le RCL, double vainqueur de la coupe Drago (1959, 1960)1 et troisième de D1 en 1964, ont-ils pu en arriver là ?
Jacques Guimbault, LOSC/Amiens
Deux descentes consécutives
Depuis sa première descente en 1956, le LOSC a passé davantage de temps en D2 qu’en D1. De nouveau relégué de D1 vers la D2 en 1968, le LOSC n’est plus un club attractif : en partent Samoy, Adamczyck, Perrin, Petyt, Mezzara et Rustichelli. Si le club parvient à conserver Navarro, Stachowiak ou Watteau, voit éclore Gianquinto, S. Dubreucq ou P. Lechantre, et attire quelques joueurs (Savoie, Ferrié, Casolari), affirmant de nouveau sa prétention à remonter immédiatement, la saison 1968/1969 tourne en eau de boudin : l’entraîneur Daniel Langrand démissionne en avril 1969 ; Charles De Gaulle, dépité par cette situation, fait de même. Le club finit 13e mais semble confronté à de multiples problèmes : une demande du Groupement (ancêtre de la LFP) qui consiste en une garantie de 250 000 francs pour qu’il soit autorisé à conserver son statut professionnel ; un problème de diplôme pour le nouveau coach pressenti (Jean Strasser) à qui une dérogation n’est pas accordée ; le départ de Calleja à Grenoble alors qu’il était annoncé à Bordeaux… Face à ces difficultés, la mairie ne réagit pas, et le LOSC renonce au professionnalisme par un communiqué adressé au Groupement le 23 juin 1969.
Du côté de Lens, l’industrie des Houillères, qui emploie bon nombre de joueurs lensois, décline dans les années 1960, et la Compagnie des mines diminue ses effectifs. Les moyens donnés au club étant corrélées à la productivité des Houillères, le club chute là aussi lentement et arrive, comme le LOSC, en D2 en 1968, après 21 saisons consécutives dans l’élite. Après une saison en D2 terminée à la 7e place, la Compagnie des mines se désengage du club qui, le 13 mai 1969, renonce au professionnalisme.
Rumeurs de fusion
Avant d’en arriver à cette décision d’abandon du professionnalisme, la Voix du Nord a rapporté quelques bruits de couloirs relatifs aux solutions possibles pour surmonter cette crise. Un article de Jean Chantry part du constat de la baisse des affleunces, aussi bien à Bollaert qu’à Henri-Jooris, pour exposer quelques conjectures (« si le public vient de moins en moins, c’est qu’il a d’autres sujets de distraction… ou qu’il n’aime plus la forme du football qu’on lui offre« ) et interrogations (« Lens poursuit son opération « sauvetage », a trouvé 100 000 des 200 000 francs qui lui permettront d’équilibrer son budget. Mais il ne s’agit que de l’actuelle saison. De quoi sera faite la prochaine…? Perspectives grises, sinon noires…« ). Vieux serpent de mer du football régional : une fusion Lille/Lens est évoquée, et elle n’est même pas présentée comme une option inédite (« naguère avait été lancée une suggestion : la fusion Lille/Lens. Ou Lens/Lille si l’on veut ménager les susceptibilités« ). Si ce premier projet (quand ?) semblait avoir suscité une désapprobation générale, Jean Chantry rapporte ici une idée qui semble avoir été soufflée en off par des dirigeants d’un moins un des deux clubs : « peu à peu, les barrières se lèvent, les obstacles deviennent moins systématiques. A Lens, les opposants à une fusion deviennent plus souples ». On évoque des matches qui se joueraient alternativement à Lille puis à Lens : « l’idée chemine. elle n’a encore aucune forme, soulignons-le. Il ne s’agit que de conversations personnelles. Parfois, il faut peu de choses pour unir deux infortunes... »
Finalement, il n’en sera rien et c’est ainsi que les deux clubs, un an après une relégation sportive, sont contraints de démarrer l’exercice 1969/1970 au niveau amateur, en 3e division. Avec eux, dans une poule de 15 : Abbeville, Amiens, Aulnoye, Calais, Cambrai, Creil, Malakoff, Mantes, Quevilly, Reims, Saint-Germain, Saint-Quentin, et Valenciennes.
Une équipe du LOSC 1969/1970
Accroupis : Van Hecke, Dubreucq, Zagol, Paris, Lechantre
Debout : Michelin, Lestringuez, Guimbault, Gianquinto, Verschueren, Boutry
Fréquentation en chute libre
La saison démarre fort, avec un Lille/Lens dès la première journée : une petite montée d’adrénaline pour retarder l’ennui de la saison qui s’annonce. Devant 3650 spectateurs, les équipes se quittent sur un score nul : 1-1. Puis, en effet, la morosité s’installe. Du côté du LOSC surtout, la mayonnaise ne prend pas. Les Dogues se placent très rapidement à une 10e place qu’ils ne quittent que rarement. Les Lensois sont un tantinet mieux mais voient bon nombre de leurs matches remis au moment où l’équipe commence à tourner, si bien qu’au classement, elle ne parvient pas à se classer dans les 5 premiers jusqu’au printemps, au moment où s’enchaînent les matches en retard. Dans cette configuration, le nombre de supporters à Henri-Jooris va decrescendo, et l’hiver offre de maigrelettes affluences : 737 spectateurs pour recevoir Amiens en janvier, 1649 pour Cambrai puis 401 pour Aulnoye en mars, où ça ne repart pas ; puis 665 en avril pour recevoir Mantes. Et les Lensois sont à peine mieux lotis, ce qui vient très concrètement invalider l’audacieuse thèse « à Lens il y a un public fidèle depuis la nuit des temps quelles que soient les performances ». À Lens comme ailleurs, la fréquentation du stade est, avec une fréquence plus ou moins forte selon les époques, corrélée aux performances du club et au soutien des acteurs publics et économiques du coin.
But du LOSC contre Cambrai ! Inoubliable
Cette tendance avait déjà été amorcée à la fin de la saison précédente, en D1, avec des affluences bien faibles des deux côtés. En avril 1969, la VDN publiait ce tableau :
Sept de trop
Ce 14 mai 1970, c’est le dernier épisode de la saison pour le LOSC, l’avant-dernier pour le RCL. Signe du désintérêt global pour ce match, fût-il le derby Lens/Lille, la Voix du Nord n’y consacre que 10 lignes le jour et le lendemain du match là où, ordinairement, Lille et Lens ont droit a minima à un format entre un quart et un sixième de page (et les pages de la VDN sont grandes à l’époque). Alors certes, ça tombe en pleine semaine, le match ayant été avancé « pour permettre aux supporters de jouir pleinement des fêtes de la Pentecôte », mais tout de même. Lens espère « finir en beauté » souligne le quotidien. L’entraîneur artésien, Arnold Sowinski, revient sur quelques désagréments rencontrés durant les derniers mois : « dommage que le mauvais temps nous ait freinés au moment où nous avions trouvé le rythme, mais nous avons tout de même tiré quelques satisfactions de cette campagne ». La Voix ne donne que la compo de Lens, alors nous n’allons donner que la compo de Lens :
Lannoy ; Derouck, Cieselki, Morel, Deschamps ; Marie, Hélie ; Vasselle, Hédé, Lefebvre, Juraszek.
Remplaçants : Coustillet, Bachortz.
On apprend tout de même que c’est un peu le bazar du côté du LOSC, où on a manifestement déjà terminé la saison. Lechantre,militaire, est revenu de Brest dans l’après-midi et pourra tenir sa place in extremis ; le gardien Lestringuez est blessé et le (petit) compte-rendu du match indique que « c’est Delangre, à moitié valide qui jouait dans les buts lillois ».
Devant donc, officiellement, 906 spectateurs, le Lillois Vernoux et le Lensois Deschamps se téléscopent dès la 1e minute du match : le lensois est contraint de sortir et est remplacé par Coustillet, tandis que Marie passe en défense. Ce même Coustillet ouvre la marque sur pénalty (20e). La « nette supériorité » des Sang & Or se concrétiser de nouveau par Coustillet (27e), qui aurait mieux fait de rester sur le banc. D’autant qu’il inscrit encore un but à la 35e, avant que son collègue Juraszek ne marque de la tête « le plus beau but du match » (43e). 4-0 à la mi-temps, c’est mal barré. « Lens en voulait, Lille tremblait », Lens repart en seconde période « à cent à l’heure » et fait 5-0 par Vasselle (51e). Pendant que Delangre se tient constamment le genou et que Lille ne peut plus faire de changement, Coustillet marque encore (63e) puis Cieselki « de fort loin » fait 7-0 (64e). Pas de doute, Lille était « trop faible pour Lens déchaîné ». Lille termine 10e et Lens, qui n’a pas pu faire mieux que 0-0 à Saint-Quentin pour son dernier match, obtient la 4e place.
Une question se pose : ce match a-t-il vraiment eu lieu ? Une défaite du LOSC d’une telle ampleur est-elle crédible ? 906 spectateurs en 1970… Il est fort probable qu’il n’y ait plus de témoin oculaire de cette déroute, ou que les quelques spectateurs encore vivants aient la mémoire quii flanchent. Qu’on nous amène un témoin !
Qui veut du foot à Lille ?
À ce moment de l’année, la ville de Lille n’a footballistiquement aucun projet. Mais elle peut compter sur la bonne volonté de quelques supporters, qualifiés de « socios », qui mettent en place l’opération « Renouveau » dont on a abondamment parlé ici. En mars, un premier match amical de prestige entre Anderlecht et Botafogo est organisé. Suivent en mai Sao Paulo/Marseille (2-1) puis Feyenoord Rotterdam/La Gantoise (4-2). Si les deux premières affiches ont attiré 15 000 puis 10 000 spectateurs, le match entre les Néerlandais et les Belges n’a attiré « que » 6 700 personnes. Le 2 juin, la Voix du Nord, par Jean Chantry, revient sur ce match et s’interroge, inquiète : « comment le public nordiste peut-il être devenu « pantouflard » à ce point ? Comment est-il possible que le public de cette région ait perdu à ce point l’envie du beau football ? 6 700 spectateurs pour voir le meilleur club d’Europe…(…) il y avait 3 footballeurs extraordinaires : Moulijn, Van Hanegem, Vandaële. Vraiment, l’esprit sportif est tombé bien bas dans cette région. Les Nordistes seraient-ils incapables de discerner la qualité, ne connaîtraient rien au football européen ? Triste » ». Autre symptôme inquiétant quant au désintérêt du public lillois pour le football : fin juin, un match entre « anciens » du LOSC et de Marcq est organisé. En dépit de la présence de vedettes telles que Samoy et G. Bourbotte, « au point de vue public, ce fut un désastre : environ une cinquantaine de spectateurs ». Au passage, le but lillois a été marqué par… Charly Samoy, qui jouait avant-centre en seconde période ; Grégory Wimbée, avant-centre des « Anciens Dogues », n’est donc pas le premier gardien « ancien » à se reconvertir buteur.
Une nouvelle équipe dirigeante
L’opération « Renouveau » prévoyait la vente de 2 millions de billets de loterie. Cet objectif n’a pas été atteint, et si les 3 affiches proposées offrent tout de même une intéressante trésorerie, cette « loterie monstre fut un demi-ratage. Ou un demi-succès si l’on est optimiste » (VDN, 20 juillet 1970). La Voix pointe une organisation « laborieuse », le « manque de personnel » : il aurait fallu 6 mois de minutieuse organisation là où tout a été monté en 2 mois. Mais le journal salue l’initiative des organisateurs : « il était difficile de tout prévoir, de tout imaginer, pour la bonne raison que rien de tel n’avait jamais été mis sur pied. On ne possédait aucune base, aucune référence. Il a fallu improviser, s’adapter, réparer au fur et à mesure des découvertes. Les quelques « socios » qui se dévouèrent à cette cause étaient des néophytes et leur bonne volonté, leur cran, ne peuvent être mis en cause ». En outre, l’objectif « Tribune 2000 », qui consiste à rajeunir le public et « vendre 2000 places par match à des firmes commerciales » apparaît comme une innovation majeure dans le lien entre le club et ses « partenaires », une notion et des relations relativement nouvelles au LOSC.
Mais tout cela ne fait pas une équipe, alors que la saison 1970/1971 a presque repris. Nous sommes bientôt à l’été 1970 quand une équipe dirigeante et de nouvelles ambitions semblent se mettre en place. Alors que depuis un an, le LOSC tourne en rond, que le président Barbieux a laissé vacant son poste de président sans que personne du comité ne prenne sa suite, alors que les « socios » s’activent mais sans concertation avec l’équipe dirigeante (« cette dualité ne contribue guère à clarifier la situation » indique la VDN), le mois de juin voit apparaître de profondes inflexions dans la stratégie sportive et politique du LOSC. Cette fois, pas question de reproduire les erreurs du passé : « l’état major lillois alors en place crut pouvoir reconquérir le terrain perdu sans même moderniser son armement. L’erreur faillit coûter fort cher, beaucoup plus que les millions qu’il eut été nécessaire d’investir ». Alors que l’on attendait Paul-Mary Delannoy à la présidence du club, qui est cependant trop occupé par son commerce, c’est Max Pommerolle qui arrive à la tête du club et annonce un plan qui suscite l’espoir de sortir enfin de la morosité.
Max Pommerolle est un ancien joueur de l’OL et de Fives, qui a ensuite fait partie du comité directeur du LOSC avant de démissionner en 1965 pour « divergences de vues ». On prétend qu’il a notamment profité d’une AG de la fédération à Lille pour en rencontrer les membres du bureau fédéral, exposer les ambitions du club et apporter ainsi un crédit au LOSC dont on avait l’impression qu’il était à l’index des instances nationales depuis quelques années.
Pomerolle arrive avec une équipe composée de membres de l’ancienne équipe de Jean Denis (de P-M Delannoy, Roger Deschodt), de deux « bleus »(Yves Bonhomme – inspecteur pédagogique au rectorat-, Pierre Dubuisset – intendant au rectorat), et de Georges Verriest, célèbre figure du football roubaisien, qu’on a longtemps considéré comme hostile au LOSC mais « avec les années, les inimitiés ont moins de virulence » indique la Voix du Nord. Cette arrivée illustre la volonté de faire du LOSC un club « métropolitain », comme on en a également parlé ici. Outre ces 6 hommes de base, est constitué un « comité d’honneur » (avec, pour la première fois, la présence du maire de Lille, Augustin Laurent), le recteur Debeyre, le président de la chambre de commerce ; MM. Dewally et Blondel, bref, un ensemble de personnalités présentées comme « des amoureux du ballon » et une « caution morale et financière ». Enfin, des commissions sont créées, avec notamment Charles Crépin, président de la commission des amateurs, la présence de Jean Leclercq, ldu docteur Delzenne, et « les socios qui collaborent plus étroitement » sans que ne soient précisées dans le quotidien nordiste les modalités précises de cette collaboration. Le fonctionnement, sur le papier, est simple : « chaque commission suggère, le comité tranche ». Pommerolle présente également un plan d’équilibre entre les recettes de billetterie, les sponsors, les salaires. Nous voilà donc avec une équipe dirigeante qui semble enfin avoir pris le pouls des nouvelles donnes footballistiques, et notamment l’apparition du contrat à temps. Et cette fois, la mairie n’a pas hésité : elle fait voter une subvention de 250 000 francs et un prêt de 750 000 francs. « Rien ne prouve que je réussirai mieux que les autres, souligne Pommerolle. Mais nous essaierons de travailler de façon dynamique, rationnelle, moderne ». La Voix du Nord voit d’un œil positif cette évolution : « même s’ils font des erreurs, des dirigeants de bonne volonté essaient de remettre le club à flot. C’est une entreprise dont chacun peut mesurer la difficulté ».
De nouvelles têtes sur le terrain, en D2
Du côté de l’équipe, Max Pommerolle parvient à faire venir René Gardien, que le LOSC avait déjà tenté d’attirer l’année précédente : « j’ai voulu avant tout un entraîneur qui échappe le plus possible aux règles défensives dominantes. À Thiers, à Grenoble, nous avons eu la confirmation que Gardien préférait marquait un but de plus que sa défense n’en avait encaissé. Voilà un principe de base qui a été capital dans notre choix ». Arrivent également Jean Laffont, Alain Copé, André Loup, Claude Dubaele, Alain De Martigny, Alain Verhoeve, Bernard Defferez, ainsi que deux interntionaux yougoslaves : Mané Bajic et Slobodan Skrbic. Comme Ginaquito, Vernoux ou Lechantre restent, l’équipe annoncée a fière allure et peut légitimement prétendre… à la D1, puisque le LOSC fait partie des 19 clubs sélectionnés la Fédération le Groupement pour composer la nouvelle D2, élargie à 48 équipes ! Et Lens fait aussi partie des clubs « promus » en D2.
Après le naufrage à Lens en mai, la confiance est revenue, comme le relate la Voix du Nord : « depuis 15 années, on a connu bien des naufrages au LOSC. Souvent, le club avait réussi à redresser la tête, à revenir à flot, mais avait été incapable de se maintenir durablement parmi l’élite.
Cette fois, l’affaire paraît sérieuse, fort bien conçue, et menée avec un rare réalisme. Il reste à souhaiter que le LOSC reprenne au plus tôt une place brillante dans le football français. Cette région nordiste a besoin d’un club de tête, dans un périmètre où 2 millions d’habitants lui assureraient une prospérité et un public fidèle »
Document de la Voix du Nord : Dubaele, Loup, Verhoeve, Martigny, Laffont, Defferrez, Copé
Le 10 août 1970, le LOSC de Max Pommerolle et de René Gardien débute sa saison par un match amical à Cambrai : défaite 1-4. Fort heureusement, cette défaite n’est en rien significative des mois qui suivront. En décembre, le derby est de retour à Bollaert devant, officiellement, 11 972 spectateurs. Si le LOSC s’incline (0-1, encore un but de Coustillet), ce résultat ne fait que freiner la marche du leader lillois, de retour en D1 au printemps 1971, un an après sa déroute au niveau amateur à Bollaert. Une crise qui aura fait apparaitre les serpents de mer (métropolisation, suprématie régionale, fusion) et les instabilités chroniques du football régional (problèmes financiers, valse de dirigeants, ascenseur entre divisions). Autant de moments qui rendent d’autant plus savoureux les derbies de D1 et, si possible, dans le haut du tableau.
Note :
1 Comment ça, « c’est nul et ça compte pas, dans ce cas-là autant compter les trophées du Stadium Nord et Emile-Olivier que le LOSC a gagnés » ?
Posté le 8 octobre 2020 - par dbclosc
A quelle fréquence la hiérarchie est-elle bousculée en Coupe de France (2015-2020) ?
La Coupe de France a pour particularité de permettre à chaque club français jusqu’à ceux des plus basses divisions de se frotter, en théorie, à ceux les plus huppés. Chaque année, la compétition offre son lot de surprises et de belles histoires comme celle de Calais, finaliste en 2000 alors que le club évoluait au 4ème échelon national, ou, plus récemment, celle des Herbiers, également finalistes en 2018 l’année même où ils terminaient en position de relégable en National
On se réjouit ainsi très souvent quand on voit ces équipes renverser la hiérarchie en éliminant un adversaire jouant dans une division supérieure à la leur. Mais, au fond, ces « surprises » en sont-elles vraiment ? La différence est-elle si élevée entre un club de l’élite et un club de niveau National ? Nous avons voulu apporter des éléments de réponses à ces questions en objectivant statistiquement la fréquence de ces « surprises ».
Cette étude porte sur une période de cinq saisons (2015-2020) et recense l’ensemble des matchs de Coupe de France opposant des équipes de divisions différentes à partir du stade des trente-deuxièmes de finale, soit un total de 231 rencontres.
La hiérarchie bousculée sans plus d’un quart des cas
Le premier constat que l’on peut faire est qu’il n’est pas si rare que des équipes éliminent des adversaires qui leur sont supérieurs dans la hiérarchie. Sur la période 2015-2020, ces cas de figure correspondent à 26,9 % des matchs ayant opposé des équipes de niveaux différents, soit plus d’un quart des cas.
On peut par ailleurs observer que si la fréquence des « surprises » est, comme on peut s’y attendre, négativement corrélée au nombre de divisions d’écart, ça n’est véritablement qu’à partir du moment où il y a au moins quatre divisions d’écart que les « surprises » se raréfient nettement.
Ainsi, si c’est quand il n’y a qu’une division d’écart que le club de niveau inférieur parvient le plus souvent à renverser la hiérarchie (près de 4 fois sur 10, 39,5 % de qualifications), trois clubs sur dix se situant à deux niveaux en dessous de leurs adversaires réalisent également cette performance (28,8%) et encore plus d’un cinquième de ceux qui se situent trois divisions en dessous (22,2%). Si trois divisions d’écart paraissent un écart extrêmement important, l’objectivation statistique montre qu’il ne s’agit pas d’un élément garantissant une sécurité majeure aux clubs de niveau supérieur. A partir de quatre divisions d’écart, il est en revanche très rare que le club de niveau inférieur crée la surprise (3 cas sur 44, 6,8% des cas).
Pas de différence de la L2 à la N2, mais un fossé avec la N3
L’une des statistiques des plus remarquables de notre étude est la fréquence des « surprises » dans les oppositions entre clubs de niveaux différents de la L2 à la N2. Ainsi, dans les oppositions entre ces clubs, le club de niveau inférieur s’est imposé dans plus de la moitié des cas (57 %, 21 sur 37). Dans ces confrontations, non seulement les clubs de L2 ne ressortent pas avec une probabilité de victoire plus élevée, mais ce sont eux qui se qualifient le plus rarement (42 % des fois), se plaçant loin derrière les clubs de National (64% de qualifications) et même derrière ceux de N2 (46%).
En revanche, les clubs de ces trois divisions remportent leurs matchs contre les équipes de niveau N3 dans près de trois-quarts des cas (25 sur 35, 71%), ce qui étaye la thèse que c’est entre le quatrième et le cinquième niveau national que l’on observe une cassure de niveau importante entre les clubs. En outre, la comparaison des résultats des clubs de N3 contre les clubs des trois divisions supérieures vient également étayer que ces dernières sont d’un niveau proche : les clubs de N3 remportent 3 de leurs 13 confrontations contre des clubs de N2 (23%), 2 de leur 8 contre des clubs de National (25%) et 5 des 14 contre ceux de L2 (35%).
Au regard de ces statistiques, les clubs de L2 pourraient même sembler présenter des performances moindre que celles de leurs concurrents des divisions inférieures. Pourtant, il est plus exact de dire que leurs performances sont en moyenne d’un niveau équivalent : contre les L1, ce sont eux qui se qualifient le plus fréquemment (33 % de qualifications) par rapport aux équipes de National (23%) et de N2 (21%).
A l’examen de leurs performances en coupe, on ne constate ainsi aucune différence significative dans les chances de qualification entre les clubs de L2, de National et de N2.
La Ligue 1 supérieure mais en danger jusqu’au niveau National 2
Contre leurs adversaires de L2, National et N2, les clubs de L1 sortent vainqueur dans près de trois-quarts des cas (74%). La part des défaites n’est toutefois pas anodine puisque, comme nous n’avons indiqué plus haut, les échecs contre des équipes de N2 constituent encore plus d’un cinquième des cas (21%).
Il est en revanche exceptionnel qu’ils se fassent éliminer face à un club de niveau inférieur à la N2 (3 %, 1 cas sur 36). L’écart avec le Niveau National 3 s’objectivant également par le fait qu’ils remportent la totalité de leurs 23 oppositions contre les clubs de ce niveau.
Au total, sur 140 rencontres disputées contre des équipes de niveau inférieur, les clubs de l’élite en remportent 112, soi très exactement 80 %.
La coupe de France, la revanche des recalés du professionnalisme sur … la L2 ?
Sur ces cinq dernières années, la coupe de France a surtout permis aux amateurs se situant à la limite du professionnalisme (National et N2) de se mettre en lumière et de montrer que leurs performances ne souffrent pas outrageusement de la comparaison avec les équipes qui leurs sont hiérarchiquement supérieures.
Les clubs de National de qualifient ainsi dans 41 % de leurs 37 confrontations contre des clubs de niveau supérieur, ceux de N2 faisant de même dans 32 % des cas sur 60 matchs disputés. La marche semble en revanche un peu trop haute pour les représentants de N3 (17 % de victoires) et encore davantage pour les clubs jouant dans les divisions inférieures (12%).
Or, les joueurs de National, N2 et, dans une moindre mesure de N3 sont, dans de très importantes proportions, les « recalés » des centres de formations français, jouant aux plus hauts échelons amateurs à défaut d’avoir réussi à percer dans le monde professionnel. Nombre d’entre eux ont d’ailleurs joué dans les divisions professionnelles, même s’ils sont rares à s’y être imposés sur la durée. Ce sont ces joueurs qui, pour l’essentiel, n’avaient pas à souffrir la comparaison avec la plupart de leurs collègues des centres de formation qui allaient, eux, s’imposer en professionnel, parfois en L1, le plus souvent en L2, mais qui, pour quelques contingences, ont échoué à raccrocher durablement le wagon du professionnalisme.
La coupe de France devient alors pour eux une revanche, revanche que subissent particulièrement âprement les clubs de L2. Ainsi, ils sont 5 clubs de N3 sur 14 (35%) à ressortir gagnants de leurs confrontations avec des clubs de L2 ; ils sont même 6 sur 15 (40%) parmi les clubs de N2 à sortir ces équipes situées deux divisions au-dessus d’eux. Statistiques encore plus effarantes, 2 des 6 équipes de niveau régional à avoir joué une L2 l’ont emporté et 9 des 11 équipes de National (82%) ont sorti leur adversaire placé dans la division d’au-dessus ! Au final, la Ligue 2 résiste assez bien à ses « supérieurs » de la L1 (33 % de qualifications), mais elle trébuche à la probabilité d’un pile ou face contre les équipes situées une, deux ou trois divisions en-dessous d’elles (20 éliminations sur 40).
Depuis 15 ans, le LOSC fait bien respecter la hiérarchie
Depuis son retour en Ligue 1 en 2000, le LOSC a disputé 34 rencontres contre des clubs d’une division inférieure est s’est qualifié à 27 reprises (79,4%), s’inscrivant de ce fait dans la tendance des clubs de L1. Avec 8 qualifications sur 11 contre les clubs de L2, les Dogues ont une réussite (73%) très légèrement supérieure à celle des clubs de L1 sur la période 2015-2020 (67%), et face aux clubs du quatrième échelon, ils présentent un taux (73%) légèrement inférieur (79%). Avec 8 qualifications en 8 matchs contre les adversaires de niveau N3 et R1, ils présentent des statistiques équivalentes et même un peu meilleure que la tendance nationale (97%).
De sa création, en 1944 jusqu’en 1951 (et une défaite contre Valenciennes), le LOSC remporte la totalité de ses confrontations en Coupe de France contre des adversaires de niveau inférieur
Toutefois, on peut distinguer deux périodes pour le LOSC en coupe de France. De 2000 à 2005, les Lillois perdent un peu plus de la moitié (4 sur 7) de leurs rencontres contre un adversaire de niveau inférieur. Depuis, ils s’approchent du sans-faute avec 24 qualifications sur 27 (89%).
Point remarquable, depuis leur défaite contre Grenoble, alors en L2, en 2005, ils restent sur 7 victoires consécutives contre des adversaires de ce niveau (comme contre ceux de niveau N3-R1), mais ne sont qualifiés que 10 fois sur 13 contre les adversaires de niveau N2. La statistique n’est pas infamante (suivant la norme des clubs de L1 sur 2015-2020, le LOSC aurait dû perdre 2,73 fois sur 13 rencontres), mais elle traduit un contraste entre la solidité lilloise contre les professionnels de L2 et une certaine fragilité contre les amateurs.
Posté le 3 octobre 2020 - par dbclosc
Au Stadium, Bosman à l’arrêt
En mai 1998, est annoncé au Stadium-Nord de Villeneuve d’Ascq un match de gala au profit du footballeur belge Jean-Marc Bosman, opposant deux équipes de « stars internationales », l’une « entraînée » par Thierry Froger, entraîneur du LOSC, l’autre par Michel Docquiert, entraîneur de l’ESW. L’événement se transforme en un fiasco épouvantable qui souligne le manque de popularité et l’isolement de celui par qui le football a été transformé.
« Soirée de gala », « rencontre de prestige » : la Voix du Nord s’emballe pour ce qui s’annonce en effet grandiose. Voici venir le « Bosman Benefit Match », qui devrait amener au Stadium Nord « quelques stars du ballon rond fraîchement retraitées ou en fin de carrière » comme « Cantona, Higuita, Scifo, Donadoni et bien d’autres stars du football ». Le match est organisé par un tout neuf syndicat de footballeurs, l’Association internationale des footballeurs professionnels (AIFP), créé à l’initiative notamment de Diego Maradona, et de Didier Roustan si l’on en croit Didier Roustan. Le journaliste souligne ainsi que « Maradona avait cette idée en tête depuis 1986 et le Mondial mexicain. Avec l’altitude et la chaleur, les conditions n’étaient pas idéales, mais les matches se sont quand même joués aux heures où le soleil tapait le plus, pour que les retransmissions aient lieu en prime time. Maradona a alors jugé qu’il fallait faire évoluer les choses, que les joueurs devaient avoir leur mot à dire et ne pas être manipulés comme des objets ». Une rencontre décisive entre les deux hommes aurait eu lieu en janvier 1995 puis, en septembre de la même année, naissait l’AIFP. Ses membres fondateurs sont : Diego Maradona, Thomas Brolin, Raï, Laurent Blanc, Ciro Ferrara, Gianluca Vialli, Gianfranco Zola, George Weah, Neno, Michael Rummenigge, Eric Cantona, Mohammed Chaouch, Abedi Pelé et Michel Preud’homme. S’y joignent rapidement Ruud Gullit ou encore Hristo Stoïchkov.
Le syndicat prend rapidement les airs d’une internationale quasi-révolutionnaire : lors de son lancement officiel le 18 septembre 1995, Diego Maradona annonce vouloir « changer les choses, participer à tout ce qui se prépare dans le monde du football sans que les joueurs ne soient jamais consultés (…) Ce syndicat mondial est un rêve que je voulais partager avec d’autres joueurs, pour que nous soyons solidaires de tous les footballeurs qui ont besoin de nous ». Le programme tient en quelques principes-clés : « défense des principes fondamentaux du sport, du football et sauvegarde des droits moraux et sociaux des footballeurs ; réalisation du principe que le footballeur est l’élément central du monde du football ; aide aux footballeurs des pays du tiers monde ». Concrètement, aucun dossier ne semble à l’étude et on se demande quelle consistance se trouve derrière ces déclarations d’intention mais, à ce stade, on peut saluer une forme de prise de conscience collective et un début de réflexion sur un répertoire d’action qui consisterait par exemple à « retarder le début d’un match pour faire pression ». Il semble que l’AIFP soit mue par la volonté d’apporter un contrepoids à la FIFA, sans toutefois prétendre la renverser. En somme, l’association prend une posture de poil à gratter « anti-système ». Le jeu de questions/réponses avec les journalistes révèle une ligne directrice encore floue : Maradona regrette que des joueurs « doivent mendier après avoir consacré leur vie au foot » ; George Weah déplore qu’« on a parfois moins de vingt-quatre heures entre un match en Europe et un autre en Afrique » ; Abedi Pelé aimerait que les footballeurs soient représentés pour, par exemple faire en sorte que « Cantona ne prenne pas autant » après sa suspension de 8 mois pour avoir agressé un spectateur ; enfin, Michel Preud’homme, interpellé sur la situation de Jean-Marc Bosman, déclare à propos de son compatriote : « on ne traite pas encore de cas particulier, mais il a tout notre soutien ».
Jean-Marc Bosman, nous y voilà. L’histoire est connue : jeune footballeur brillant (il fut même capitaine des Espoirs en Belgique), Bosman poursuit une carrière plus modeste de footballeur professionnel en Belgique. En 1990, alors que son contrat au FC Liège arrive à son terme et qu’il souhaite rejoindre Dunkerque, son club réclame une indemnité de transfert. Il saisit alors la justice, arguant d’une part que le FC Liège n’est pas légitime à demander cette indemnité, et d’autre part que le quota empêchant les clubs européens d’avoir plus de 3 joueurs étrangers ressortissants de l’UE est une entrave à la libre circulation des travailleurs. Un long combat judiciaire commence et, pendant ce temps, Bosman ne peut exercer son métier : les règlements permettent au FC Liège de l’empêcher de partir, quand bien même le contrat est expiré. Le 15 décembre 1995, la Cour de Justice des Communautés Européennes lui donne raison en instituant la libre circulation des joueurs professionnels dans l’espace européen. Très concrètement, les clubs les plus riches peuvent désormais s’appuyer sur cette manne pour s’attacher les services des meilleurs joueurs du monde, et sans être limités par leur nationalité. Une décision qui change la face du football mais dont Bosman, à 31 ans et après ces 5 années, ne profitera jamais.
C’est là que l’AIFP et le combat de Bosman se rencontrent. Une lecture rapide de l’arrêt et de ses enseignements semble aller dans le sens de l’intérêt des footballeurs, désormais libérés de contraintes réglementaires, et libres de jouer où ils le souhaitent, notamment à l’étranger. Au vu de la feuille de route qu’elle a énoncée, l’AIFP semble se saisir du combat et apporte son soutien à Bosman. Cela sort l’association de son sommeil car on ne compte en tout et pour tout pour le moment que l’organisation de deux matches amicaux dont les buts restent flous, hormis embêter la FIFA : un premier à Barcelone le 27 avril 1997, « en dépit des pressions exercées par les instances du football » souligne Roustan ; puis un second « contre le racisme » le 12 octobre 1997 à Madrid, devant 80 000 spectateurs, un match retransmis dans 40 pays. Voici donc le 3e match amical organisé par l’AIFP : ce « Bosman Benefit Match » est une sorte de remerciement des organisateurs qui ont vu leurs salaires exploser suite à « l’arrêt Bosman », tandis que Jean-Marc Bosman connaît ses premières galères financières.
Un beau plateau est annoncé et « les stars seront bien là ! » promet la Voix du Nord. On annonce d’un côté l’équipe des « anciens » composée de : Higuita (COL), Preud’homme (BEL), Montova (ARG), Bruce (GB), Barco (PER), Basulado (ARG), Glassmann (FRA), Cyprien (FRA), Grün (BEL), Kombouaré (FRA), Aldana (ESP), Donadoni (ITA), Hagi (ROU), Del Solar (PER), Scifo (BEL), Pelé (GHA), Brolin (SUE), Cantona (FRA), Butragueno (ESP), Cascarino (IRL), Bosman (BEL), Usuriaga (COL) et Jakobsen (NOR).
De l’autre, l’équipe des « jeunes » composée de : Gillet (BEL), Frey (FRA), Remacle (BEL), Ferdinand (GB), Tudor (CRO), Muller (SUI), Beto (POR), Gerad (ESP), Stoica (ROU), Ducrocq (FRA), Coubadja-Toué (TOG), Belozoglu (TUR), Nanato (BRE), Olivera (URU), Preciado (COL), Pantelic (YOU), Ch. Kanu (NIG)
Pour ajouter une dimension régionale à l’événement, les coachs du jour, qui auront bien sûr un rôle tout symbolique, seront, pour les « jeunes », Michel Doquiert, qui vient de parvenir à maintenir l’Entente Sportive de Wasquehal en deuxième division et, pour les « anciens », Thierry Froger, qui a réussi la même performance avec le LOSC.
Problème : une bonne partie des stars annoncées et le public ne viennent pas.
« On attendait une énorme fête, on a eu droit à un flop retentissant » regrette la Voix du Nord. Alors certes, les joueurs présents au Stadium-Nord n’étaient pas des joueurs de district, mais « entre l’affiche annoncée et les joueurs réellement présents, il y avait un monde ». La principale attraction de ce match, Eric Cantona, était finalement retenue au Mexique pour le tournage d’une publicité ; manquaient également à l’appel Higuita, Careca, Butragueno ou Abedi Pelé : « une liste de forfaits plus que nuisible à la crédibilité de ce gala », « les esprits chagrins affirmeront qu’ils ont été trompés sur la marchandise, les plus optimistes se seront consolés en se disant qu’il y avait quand même quelques beaux noms sur la pelouse ». Parmi eux, le Roumain Hagi, les Belges Scifo, Grün et Preud’homme, ou l’Argentin Basulado, finaliste de la coupe du monde 1990. Résultat, « on ne nous enlèvera pas de l’idée que la fête a été gâchée » et les spectateurs « qui avaient sans doute flairé l’embrouille » n’était que 3 000. Sur le terrain, les « anciens », grâce au « talent exceptionnel de Georghe Hagi » (et probablement au coaching de Froger) ont battu les jeunes par 3 à 1 (Hagi, Hagi, Usuriaga contre Pantelic).
Dans un entretien donné au Figaro en 2006, Jean-Marc Bosman est revenu avec amertume sur ce match organisé par l’AIFP : « Maradona et quelques autres grandes stars qui devaient jouer un match organisé en ma faveur à Lille n’ont jamais pu trouver l’adresse du stade et, croyez-moi, on a peiné ce jour-là pour trouver 22 joueurs et disputer ce fameux match ». Comment expliquer que si peu de joueurs aient participé à ce match au profit d’un homme auquel ils doivent tant ?
Au début de son combat judiciaire, Jean-Marc Bosman est d’abord privé de football, sans même pouvoir toucher des indemnités de chômage. Il trouve finalement un club à la Réunion en 1992, avant de terminer sa carrière à Visé (D4 belge) en 1996. Ces années restent les « meilleures » dans la mesure où son combat puis sa victoire judiciaires, ainsi qu’un documentaire pour Canal+, qui co-organise d’ailleurs le match au Stadium, lui rapportent, outre quelques soutiens et une attention médiatique, près d’un million d’euro. Il roule en Porsche et achète plusieurs maisons. Il est sollicité et l’avenir lui semble radieux : il s’imagine ambassadeur du football moderne et se dit qu’il est désormais protégé à vie. Mais il se rend vite compte de son isolement et du manque de reconnaissance de ses « collègues », qui ne l’associent pas forcément à l’inflation des transferts et des salaires à laquelle il a contribué. Si l’AIFP l’a nommé président d’honneur, le manque d’activité du syndicat, la concurrence qu’il introduit avec le principal syndicat existant, la FIFpro, ne lui apportent rien et tendent même à le décrédibiliser : « j’ai été nommé président d’honneur d’un syndicat international de joueurs (AIFP) qui n’existe plus, j’ai serré mille mains, posé pour des photos officielles, je pensais que ma vie de galère était derrière moi. Je me disais : finis les soucis, la vie dans le garage de mes parents, les privations, les humiliations » (Le Figaro, 2006). Mais au-delà de la période immédiate de « l’après-arrêt », les portes se ferment, et l’organisation de ce « Bosman Benefit Day », évoqué depuis 1996, traîne en longeur. Tout à la négociation de leurs nouveaux contrats en or, les joueurs oublient leur promesse de solidarité, et cet isolement éclate ce jour de mai 1998 : « les grands noms se sont décommandés. J’ai découvert leur égoïsme ». Il déclare même que beaucoup d’entre eux refusent de se laisser photographier en sa compagnie, « comme si je sentais mauvais » : « une fois les réflecteurs éteints, les invités sont partis, et je me suis retrouvé seul. Encore une fois. On m’a beaucoup promis, et j’ai eu le tort d’y croire. Tout le monde parlait de moi comme d’un héros. Gianluca Vialli par exemple, qui, grâce à l’arrêt, avait pu quitter librement la Juventus pour Chelsea en multipliant son salaire par quatre ou cinq, certainement pas parce qu’il était devenu quatre fois meilleur, avait déclaré : « Je dois tout cela à Bosman… Si je suis riche, maintenant, c’est grâce à lui ». Je n’ai depuis aucune nouvelle de lui ».
Le seul soutien dont il bénéficie est celui des membres de l’équipe nationale des Pays-Bas qui, avant un match d’éliminatoires pour la coupe du monde 1998 contre la Belgique en septembre 1997, lui donnent chacun 2 500€ en signe de reconnaissance : les jumeaux Frank et Ronald De Boer (Ajax), Edwin van der Sar (Ajax), Giovanni van Bronckhorst (Feyenoord) et Arthur Numan (PSV Eindhoven), représentants du « Team Holland », qui gère l’image de marque des internationaux indépendamment de la fédé, se rendent chez Bosman : « sans faire de discours compliqué, ils m’ont offert leurs primes en me disant simplement : « Voilà… Sans toi, nous ne gagnerions pas autant aujourd’hui » ». Pour Frank De Boer, « notre geste n’a rien à voir avec le match contre la Belgique. Nous sommes venus ici pour rencontrer Jean-Marc et rien d’autre. Nous voulions rappeler à quiconque qu’un certain Jean-Marc Bosman a permis à de nombreux footballeurs d’être aujourd’hui libres et mieux rémunérés ». Arthur Numan approuve : « nous avons tous profité de l’action entreprise par Jean-Marc, sauf lui en définitive. Il est normal, avons-nous estimé, de lui témoigner notre reconnaissance ». L’occasion pour les Oranje de mettre la pression sur les Belges avant le match en leur demandant d’avoir la même générosité… ce à quoi la fédération belge s’est opposée au motif que cela « déstabiliserait » les Diables : la fédé évoque même une « machination ». Le sélectionneur national, Georges Leekens, réagit : « ce n’est pas, en ce qui nous concerne, à l’ordre du jour. Je ne veux pas discuter d’une démarche qui ne regarde que les Néerlandais. Si mes joueurs veulent en faire autant, qu’ils le fassent, mais en temps opportun. Cela ne doit pas les déconcentrer avant le match ». Les Diables peuvent donc aider Bosman… à titre individuel. Cette démarche a également permis aux Néerlandais de remettre sur la table l’idée d’un « Bosman Benefit Match ».
Aujourd’hui, après avoir connu de nombreuses galères personnelles, Jean Marc Bosman jette un œil amer sur ce qu’il reste de « l’arrêt Bosman », qui a entraîné un flux d’argent qui a d’abord profité aux championnats les mieux dotés en droits TV, qui ont pu attirer les meilleurs joueurs au détriment des autres pays, affaiblissant par là même les championnats plus modestes. Si les joueurs sont plus « libres », ils restent en partie des marchandises négociées aux plus offrants, tandis que les refus de prolongation de contrat s’accompagnent aujourd’hui de sanctions pour les joueurs telles que l’exclusion du groupe professionnel ou la rétrogradation en équipe B. Dans Ouest-France en 2015, Bosman déplorait que l’arrêt : « [ait] été un peu été détourné de son objet de départ, car il était tourné vers les joueurs et clubs les moins riches. Il était propre. Mais les vingt-cinq plus grands clubs européens se sont regroupés pour gagner encore plus d’argent, au lieu de redistribuer. Donc, on pourrait dire que l’arrêt Bosman a été à moitié tué, à part sur le chapitre de la libre circulation. Il a été détricoté, au point que les gens n’y comprennent plus rien ». Sur un plan plus personnel, les nombreuses interviewes qu’il a données ces dernières années révèlent le sentiment de solitude et de dénuement et parfois d’aigreur qu’il éprouve (« Aujourd’hui, certains joueurs brassent des dizaines de milliers d’euros par semaine et moi, je n’ai rien eu d’autres en retour que quelques mercis. Tout le monde est passé à la caisse, sauf moi. Quelque part, les stars du foot mondial flambent un peu toutes mon pognon » dans Le Soir en 2015 ; « En nonante-cinq, si j’avais réclamé un euro ou un mini-pourcentage pour chaque mouvement de joueur sans demander des dommages et intérêts, maintenant je pourrais racheter la ville de Liège, le Standard, Bruges et Anderlecht, avec le nombre de transferts qu’il y a eus depuis » dans Le Monde en 2015)
Une belle photo de La Voix du Nord dont la légende a dû booster le moral de Jean-Marc Bosman
Cerise sur l’Hitoto : dans Ouest-France en 2015, Jean-Marc Bosman, au détour d’un entretien, disait un mot sur ce match au Stadium qui, en plus de son échec au niveau de l’organisation et ce dont il était le symptôme, lui a coûté de l’argent quelques années plus tard : « mes avocats, Me Misson et Me Dupont, que je ne devrais même pas appeler maître eu égard à la façon dont il s’est comporté, se sont disputés pour l’argent. Moi, je terminais le procès. On attendait les dédommagements de FIFpro qui m’a aidé avec Theo Van Seggelen (Néerlandais) et Philippe Piat. Ils m’avaient versé 300 000 €. Mais Misson, lui, retirait 30 % de la somme d’un côté. Et Dupont, alors stagiaire devenu avocat, m’a entraîné dans un match avec Canal + (organisé par Didier Roustan, à Lille) plutôt qu’avec la FIFpro, qui a tourné au fiasco mais sur la recette duquel j’ai dû payer des impôts dix ans plus tard. Au final, eux se sont disputés pour l’argent, et moi, je me suis retrouvé sans rien, après avoir donné beaucoup de libertés et beaucoup d’amour à beaucoup de personnes ».
Aux dernières nouvelles, Jean-Marc Bosman réside du côté de Liège et vit de diverses aides ou de quelques dons. Tous les 15 décembre, la presse rappelle l’anniversaire de « son » arrêt, qui aura 25 ans fin 2020. L’an dernier, l’INA proposait ce portrait :